spondylodiscite à clostridium perfringens

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Page 1: Spondylodiscite à Clostridium perfringens

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Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Revue du Rhumatisme 75 (2008) 312–315

Fait clinique

Spondylodiscite à Clostridium perfringens�

Discitis due to Clostridium perfringens

Anne Caudron a, Franck Grados a,∗, Youcef Boubrit b, Jean-Michel Coullet c,Dominique Merrien b, Yves Domart b

a Service de rhumatologie, CHU d’Amiens, 80054 Amiens, Franceb Service de médecine interne et de pathologies infectieuses, centre hospitalier de Compiègne, 60321 Compiègne, France

c Service de radiologie, centre hospitalier de Compiègne, 60321 Compiègne, France

Recu le 26 octobre 2006 ; accepté le 26 avril 2007Disponible sur Internet le 10 septembre 2007

ésumé

ntroduction. – La présence sur les radiographies d’un pincement discal associé à un phénomène du vide discal est habituellement considéréeomme des signes fiables de discopathie dégénérative. Nous rapportons une observation où la présence d’images de gaz intradiscal était associéeune spondylodiscite à Clostridium perfringens.éthodes. – Nous rapportons une observation d’une femme âgée de 79 ans hospitalisée pour lombalgies d’horaire inflammatoire depuis deux mois

’intensité croissante. Elle est apyrétique, la VS est à 61 mm/h, la CRP à 13 mg/l, les hémocultures sont négatives. Les radiographies, le scannert l’IRM sont en faveur d’une spondylodiscite L4–L5. Il existe sur les radiographies et le scanner des images de gaz au sein du disque L4–L5. Laonction biopsie discale permet d’isoler un C. perfringens. La recherche d’une porte d’entrée n’a retrouvé qu’une diverticulose colique. L’évolutionut favorable sous amoxicilline en monothérapie.iscussion. – Les spondylodiscites à C. perfringens sont rares : seulement sept cas ont été publiés chez des humains. Une porte d’entrée digestive

st retrouvée dans 70 % des spondylodiscites à C. perfringens. Des images de gaz intradiscal sont visualisées sur les radiographies ou le scannerans 80 % des cas. Les hémocultures sont positives dans 75 %. L’évolution est favorable sous antibiotique, même en monothérapie. Les autresaractéristiques des spondylodiscites à C. perfringens ne diffèrent pas des spondylodiscites bactériennes habituelles.

onclusion. – La présence d’images de gaz intradiscal ne permet pas d’éliminer formellement une spondylodiscite infectieuse mais peut êtressociée à une spondylodiscite à C. perfringens.

2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

ots clés : Anaérobies ; Clostridium perfringens ; Spondylodiscite ; Vide discal

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eywords: Anaerobe; Clostridium perfringens; Discitis; Vacuum disk

. Introduction

Le diagnostic de spondylodiscite infectieuse chez le sujetgé est souvent difficile au début, en raison de douleurs lom-

aires préexistantes, souvent étiquetées « lombalgies chroniques’origine arthrosique ». La présence sur les radiographies d’unincement discal associé à un phénomène du vide discal est

� Ne pas utiliser, pour citation, la référence francaise de cet article, mais saéférence anglaise dans le même volume de Joint Bone Spine.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (F. Grados).

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abituellement considérée comme des signes fiables de disco-athie dégénérative [1]. Nous rapportons une observation où desmages de gaz étaient visibles dans le disque infecté sur les radio-raphies et le scanner lors d’une spondylodiscite à Clostridiumerfringens.

. Cas clinique

Une femme de 79 ans est hospitalisée pour aggravation deouleurs lombaires chroniques, devenues d’horaire inflamma-oire depuis deux mois, altérant progressivement son autonomie.lle a comme antécédents : une fibrillation auriculaire, une

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ig. 1. Radiographie centrée sur le disque L4–L5. Discarthrose et arthrose inter-pophysaire postérieure multiétagée. Image de gaz intradiscal en L4–L5 (flèche),ffacement du plateau inférieur de L4 et du plateau supérieur de L5.

ammapathie monoclonale de signification indéterminée et uneholécystectomie. L’examen clinique met en évidence une alté-ation de l’état général (perte de cinq kilos en deux mois,sthénie) et une raideur du rachis lombaire. Elle est apyrétique.’examen neurologique est normal. On ne retrouve pas de porte’entrée évidente. Il existe un syndrome inflammatoire avecne augmentation de la VS à 61 mm à la première heure, aug-entation de la CRP à 13 mg/l, augmentation des plaquettes à

01 000/mm3, anémie normocytaire (hémoglobine à 10,9 g/dl,GM à 90). La gammapathie monoclonale est stable et à faible

aux. Le reste du bilan biologique est normal. Les hémocul-ures reviennent négatives, un ECBU isole un Escherichia coli

ultisensible avec leucocyturie sans hématurie. La coprocul-ure est négative. Les radiographies montrent une discarthroset une arthrose interapophysaire postérieure multiétagée, unffacement du plateau inférieur de L4 et supérieur de L5 etes images de gaz intradiscal en L4–L5 (Fig. 1). Le scannerontre un pincement du disque L4–L5 avec érosion en miroir

es plateaux vertébraux et tuméfaction des parties molles para-ertébrales droites, associée à la présence de petites bulles deaz au centre et à la partie antérieure du disque (Fig. 2). Sures autres disques lombaires, il est observé des images de videiscal central et étendu. À l’IRM, l’hypersignal en T2 du disquet des corps vertébraux, la prise de contraste des corps verté-raux et du disque et la disparition de la corticale osseuse deslateaux vertébraux en regard du disque L4–L5 sont en faveur’une spondylodiscite infectieuse L4–L5. En l’absence de germeetrouvé aux hémocultures, une ponction biopsie discale souscanner est réalisée. Un C. perfringens pousse alors rapidementans un flacon d’hémoculture ensemencé de liquide interdiscal

bacille Gram positif sporulé avec présence importante de gazans un milieu très trouble). L’analyse anatomopathologiquest compatible avec un aspect histologique de spondylodiscitexsudative. Le panoramique dentaire est sans particularité. La

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ig. 2. Coupe tomodensitométrique passant par le disque L4–L5 : présence deetites bulles de gaz (flèches), érosions du plateau vertébral.

echerche d’une porte d’entrée infectieuse est complétée parne coloscopie qui montre des diverticules coliques. La patientest traitée par amoxicilline : 2 g × 3/jour en intraveineux pen-ant 15 jours, puis per os, pour une durée totale de trois mois’antibiothérapie, associée à une immobilisation par corset suresure en résine thermoformée pendant six semaines. Un amen-

ement des douleurs, une régression complète du syndromenflammatoire, une reprise de l’autonomie par kinésithérapie’en sont suivis. Un scanner lombaire de contrôle réalisé sixois après montre en L4–L5 un affaissement du disque, des éro-

ions diffuses des corticales des plateaux vertébraux adjacents.es images de gaz intradiscal en L4–L5 ont changé d’aspect :n ne remarque plus de petites bulles mais un vide central plustendu.

. Discussion

Les spondylodiscites à anaérobies représentent 3 % despondylodiscites non tuberculeuses [2]. Dix pour cent des spon-ylodiscites anaérobies sont induites par un C. perfringens [3].es spondylodiscites à C. perfringens sont rares : seulement septas ont été publiés chez des humains [2,4–8]. Elles sont plus fré-uemment rapportées chez les animaux. Le Tableau 1 résumees principales caractéristiques des observations de spondylo-iscites à C. perfringens dont nous disposons d’informationsétaillées. Une hyperthermie est retrouvée dans 60 % des cas.ans deux cas, il s’agissait de spondylodiscites iatrogènes [6,7].ne porte d’entrée digestive est retrouvée dans 70 % des cas.ans ce type d’infection, la recherche d’une porte d’entréeigestive par coloscopie doit donc être systématique. Elle peut

évéler des pathologies parfois méconnues et dont le traite-ent étiologique concourra à éviter d’autres complications. Une

iverticulose colique avait déjà été rapportée comme possibleorte d’entrée d’une spondylodiscite à C. perfringens [4]. Les

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atisme 75 (2008) 312–315

émocultures sont souvent positives (75 %) dans les spondy-odiscites à C. perfringens, ce qui contraste avec les autrespondylodiscites à anaérobies : dans une revue de 33 patients3], les hémocultures n’étaient positives que dans 12 % despondylodiscites à anaérobies. Des images de gaz intradiscalont visualisées sur les radiographies ou le scanner dans 80 %es spondylodiscites à C. perfringens. L’évolution favorableous antibiothérapie en monothérapie dans notre observationt dans celles de la littérature [4,5] semble indiquer que lespondylodiscites à C. perfringens pourraient, contrairementux spondylodiscites à autre germe, être traitées en mono-hérapie [9]. Les autres caractéristiques des spondylodiscites

C. perfringens ne diffèrent pas des spondylodiscites bacté-iennes habituelles. C. perfringens est un bacille Gram positifnaérobie sporulé, trapu, immobile, semi-tolérant à l’oxygène.’est un saprophyte ubiquitaire (terre, eau) et un commen-

al du tube digestif de l’homme et de nombreux animaux.l produit de grandes quantités d’acides gras volatiles avecégagement de gaz dans les tissus infectés. C. perfringensst surtout responsable de toxi-infections alimentaires collec-ives par son type A (la deuxième bactérie en cause après lesalmonelles). Plus rarement, il est responsable de gangrènesazeuses post-traumatiques, post-chirurgicales digestives, vas-ulaires ou néoplasiques, de cellulites–fasciites et de septicémiesost-abortum. Une infection à C. perfringens peut révéler unancer digestif.

Devant ce résultat bactériologique, on doit systématiquementiscuter une erreur de réalisation de la ponction discovertébraleyant conduit à une ponction colique. Mais, cette hypothèsest rapidement réfutée car le geste réalisé sous scopie permete vérifier la bonne position de l’aiguille. Notre observa-ion confirme l’intérêt de l’ensemencement systématique desiquides de ponction discale dans les flacons d’hémoculturesérobie et anaérobie. En ce qui concerne les données d’imagerie,e vide discal paraît habituellement rassurant en faveur de lésionségénératives bénignes [1]. Dans cette observation, les imagese gaz intradiscal peuvent être en rapport avec une discarthroseévère préexistante et/ou lié à la production de gaz par C. per-ringens. La présence d’un vide discal sur les autres disquesombaires non infectés et la persistance de gaz intradiscal sure disque infecté sur le scanner de contrôle à six mois sontn faveur de la première hypothèse. En revanche, l’aspect enetites bulles de gaz qui est différent de l’image de vide dis-al central et étendu que l’on rencontre habituellement dans lesiscarthroses évoluées et la présence de gaz dans le liquide deonction discale suggèrent une production de gaz par C. per-ringens. Les observations de Bednar et al. [7] où du gaz estisible aussi dans les parties molles prévertébrales et en arrièreu disque suivant le trajet de l’abord chirurgical et celle deate et al. [4] où le gaz intradiscal disparaît complètement sur

es radios de contrôle après trois semaines de traitement sug-èrent également une production de gaz par C. perfringens.ans les cas de spondylodiscites à germes aérobies, la présence

’images de gaz intradiscal est beaucoup plus exceptionnelle.ous n’avons retrouvé qu’une seule observation de spondylo-iscite à E. coli où des petites bulles de gaz étaient visiblesans le disque infecté et dans les psoas [10]. En revanche,
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genic (non-tuberculous) discitis in adults. Joint Bone Spine 2007;74:133–9.

A. Caudron et al. / Revue du

ans une observation de spondylodiscite à Brucella, l’image deide intradiscal présent initialement disparaît avec l’évolutione l’infection [11].

La présence d’images de gaz intradiscal ne permet donc pas’éliminer formellement une spondylodiscite infectieuse maiseut être associée à une spondylodiscite à C. perfringens.

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