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Le modèle de Hodgkin-Huxley François Boulier 21 octobre 2016 1 Les équations Les équations du modèle sont les suivantes [3], [5, chapter 5, page 224]. C M dV dt = - g K n 4 (V - V K ) - g Na m 3 h (V - V Na ) - g L (V - V L )+ I app , dn dt = α n (V ) (1 - n) - β n (V ) n, dm dt = α m (V ) (1 - m) - β m (V ) m, dh dt = α h (V ) (1 - h) - β h (V ) h. C M =1, g K = 36, g Na = 120, g L =0.3, V K = -77, V Na = 50, V L = -54.4. α n (V ) = 0.01 (-V - 55)/(exp((-V - 55)/10) - 1) , β n (V ) = 0.125 exp((-V - 65)/80) , α m (V ) = 0.1(-V - 40)/(exp((-V - 40)/10) - 1) , β m (V ) = 4 exp((-V - 65)/18) , α h (V ) = 0.07 exp((-V - 65)/20) , β h (V ) = 1/(1 + exp((-V - 35)/10)) L’équation principale est la première, qui donne l’évolution du potentiel de la membrane. Le membre droit de cette équation fait figurer des courants ioniques dus à des échanges d’ions K + et Na + entre les milieux intra et extra-cellulaires. Le neurone est une cellule excitable [5, chapter 5, page 195]. Une simulation apparaît Figure 1. 2 Vérification des dimensions Commençons par vérifier les dimensions des équations. Une présentation très claire des bases d’électricité nécessaires est disponible dans [2, chapter 1], accessible à cette URL-ci. Une charge Q se mesure en C. Un courant I se mesure en A = Cs -1 . Un potentiel V se mesure en V = JC -1 . Il faut un joule d’énergie pour déplacer un coulomb à travers une différence de potentiel de un volt. Pour créer une différence de potentiel, il suffit de séparer deux charges. Une capacité C est une mesure en F de la charge à déplacer pour atteindre une différence de potentiel donnée : Q = CV. (1) 1

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Le modèle de Hodgkin-HuxleyFrançois Boulier

21 octobre 2016

1 Les équationsLes équations du modèle sont les suivantes [3], [5, chapter 5, page 224].

CMdVdt = −gK n4 (V − VK)− gNa m

3 h (V − VNa)− gL (V − VL) + Iapp ,

dndt = αn(V ) (1− n)− βn(V )n ,

dmdt = αm(V ) (1−m)− βm(V )m,

dhdt = αh(V ) (1− h)− βh(V )h .

CM = 1, gK = 36, gNa = 120, gL = 0.3, VK = −77, VNa = 50, VL = −54.4.

αn(V ) = 0.01 (−V − 55)/(exp((−V − 55)/10)− 1) ,

βn(V ) = 0.125 exp((−V − 65)/80) ,

αm(V ) = 0.1 (−V − 40)/(exp((−V − 40)/10)− 1) ,

βm(V ) = 4 exp((−V − 65)/18) ,

αh(V ) = 0.07 exp((−V − 65)/20) ,

βh(V ) = 1/(1 + exp((−V − 35)/10))

L’équation principale est la première, qui donne l’évolution du potentiel de la membrane. Lemembre droit de cette équation fait figurer des courants ioniques dus à des échanges d’ions K+ etNa+ entre les milieux intra et extra-cellulaires. Le neurone est une cellule excitable [5, chapter 5,page 195]. Une simulation apparaît Figure 1.

2 Vérification des dimensionsCommençons par vérifier les dimensions des équations. Une présentation très claire des bases

d’électricité nécessaires est disponible dans [2, chapter 1], accessible à cette URL-ci. Une charge Qse mesure en C. Un courant I se mesure en A = C s−1. Un potentiel V se mesure en V = J C−1. Ilfaut un joule d’énergie pour déplacer un coulomb à travers une différence de potentiel de un volt.Pour créer une différence de potentiel, il suffit de séparer deux charges. Une capacité C est unemesure en F de la charge à déplacer pour atteindre une différence de potentiel donnée :

Q = C V . (1)

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−80

−60

−40

−20

0

20

40

60

0 10 20 30 40 50 60

V

t

71+e20−t

Figure 1 – La réponse de V (t) en fonction d’un stimulus Iapp. Les oscillations (à peu près lesmêmes) apparaissent pour un stimulus d’intensité supérieure à une valeur critique comprise entre5 et 7. En réponse à un stimulus d’intensité inférieure, les oscillations s’amortissent rapidement.Il est toutefois difficile de parler de seuil. Voir [4, chapter 1] à ce sujet. La valeur Veq = −65mVcorrespond au potentiel au repos de la membrane.

La loi (empirique) d’Ohm V = RI peut aussi s’exprimer avec des conductances g en S = Ω−1 :

I = g V . (2)

Dérivons l’équation (1). Le membre gauche de l’équation dérivée est la dérivée par rapport à t de Qet a la dimension de C s−1. C’est donc un courant. Supposons la capacité C constante. Le membredroit de l’équation dérivée s’écrit

CdVdt

et a donc aussi la dimension d’un courant.On voit donc que le membre gauche de la première équation du modèle de Hodgkin-Huxley a

la dimension d’un courant. La capacité de la membrane CM vaut 1µF cm−2 [5, chapter 2, page 86].La dimension du courant est en µA cm−2 [5, chapter 5, page 206]. Pour que les dimensions soientcohérentes, il faut que l’unité de temps soit la ms. Le membre droit de l’équation doit aussi êtreune somme de courant en µA cm−2. C’est le cas pour le stimulus Iapp. C’est aussi le cas pour lesautres termes, qui sont des différences de potentiels (en mV), multipliées par des conductances (enmS cm−2).

Un terme de la somme correspond au courant ionique dû au déplacement, à travers la membrane,des ions K+. Un autre correspond au courant ionique dû aux ions Na+. Le troisième terme regroupeles autres ions, principalement les Cl−. Les variables n et m sont des nombres sans dimension.

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Elles représentent chacune la fraction ouverte de la population d’un certain type de canal ionique(potassium ou sodium). La variable h représente une fraction fermée/inactivée de de la populationdes canaux ioniques sodium.

3 Travail à réaliserÉcrire un fichier HodgkinHuxley.f consacré à ce problème. La variable t de ce document corres-

pond à la variable x du support de cours. La dimension est n = 4. Les variables sont y1, y2, y3, y4 =V, n,m, h. Des conditions initiales possibles sont y1(0), y2(0), y3(0), y4(0) = −65, 13 , 0,

23 . Prendre

pour intervalle de temps [x0, xend] = [0, 60]. La fonction Iapp(t) doit être intégrée à la fonctionPROBLEM F. On peut prendre la fonction suivante :

Iapp(t) =25

1 + e20−t.

4 Compléments sur le modèle de Hodgkin-HuxleyLa membrane sépare le milieu intra-cellulaire du milieu extra-cellulaire. Voir par exemple

biochemreview.weebly.com/lipids.html. Elle a la structure d’un couche bilipidique, traverséede protéines. Certaines de ces protéines sont des canaux ioniques (ion channels) : i) ils sélectionnentles ions qu’ils transportent (ion selective) et ii) ils peuvent se fermer (gated). Plus précisément, ilssont capables de s’ouvrir brièvement et se refermer ensuite. De plus, en présence d’un stimulusprolongé, ils peuvent se mettre dans un troisième état, dit inactivé, qui les empêche de se réou-vrir jusqu’à-ce que le stimulus cesse. Parmi les principaux stimuli, on trouve les changements depotentiel de la membrane (voltage-gated channels) [1, chapter 11, page 668].

Les deux couches de la membrane peuvent être vues comme deux conducteurs séparés par unefine couche d’isolant : un condensateur d’une capacité CM = 1µF cm−2. Une membrane munie d’uncanal ionique peut être modélisée comme un circuit comportant un condensateur (la membrane),en parallèle avec une résistance/conductance (le canal ionique) [2, chapter 1, page 10]. Note : cechapitre 1 est accessible sur le web 1. La tension de la membrane est, par définition :

VM = Vi − Vo , (3)

où Vi désigne le potentiel du milieu intra-cellulaire et Vo celui du milieu extra-cellulaire. Le courantpasse par les canaux ioniques. Chaque canal ionique est vu comme une conductance élémentaire.La conductance d’une membrane est la somme des conductances élémentaires des canaux ioniques.C’est une mesure du nombre de canaux ouverts. Elle peut se mesurer expérimentalement. Endérivant la relation Q = CM V (définition de la capacité, appliquée à la membrane), on trouve uneexpression pour le courant Icond qui sort de la membrane, vue comme un condensateur :

Icond =dQdt = CM

dVdt ·

La première équation du modèle pose que ce courant est égal à la somme du courant qui passe parles canaux ioniques K+, Na+ (plus les autres regroupés en un terme, assimilé à une fuite) et dustimulus Iapp.

1. pub.ist.ac.at/Pubs/courses/2012/introductiontoneuroscience1/docs/LecturesMay13,15/Hille_IonChannelsofExcitableMembranes_Chapter1.pdf

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Intéressons-nous aux courants ioniques. Dans la première équation du modèle apparaissent desconstantes VK, VNa et VL. Ce sont des équilibres de Nernst. Voici l’idée, illustrée sur les ions K+.Supposons pour simplifier que la tension de la membrane soit nulle et que les ions K+ soientbeaucoup plus concentrés à l’intérieur qu’à l’extérieur de la cellule. Notons que cela implique laprésence d’ions A− dans le milieu intra-cellulaire en quantité suffisante pour compenser la chargedes ions K+ et faire en sorte que la tension soit nulle. Supposons qu’on ouvre un canal ioniquesélectif pour K+. En raison de la différence de concentrations entre l’intérieur et l’extérieur de lacellule, les ions K+ vont avoir tendance à sortir de la cellule. Si ces ions n’étaient pas chargésélectriquement, les deux concentrations finiraient par s’équilibrer en devenant égales. Comme ilssont chargés électriquement, à chaque fois qu’un ion K+ sort, il rend le potentiel intra-cellulaireun peu plus négatif : la tension de la membrane s’éloigne de zéro. Plus les ions K+ sortent, pluscette tension devient négative et plus elle tend à retenir les ions K+ qui sont positifs. Arrivé à unecertaine tension, le flux d’ions s’arrête : c’est cette tension qu’on appelle l’équilibre de Nernst. Desformules permettent de calculer ces équilibres [2, chapter 1, pages 14-15].

Les canaux ioniques les plus communs sont sélectifs pour les ions K+. Un important sous-ensemble de ces canaux ioniques est formé des K+ leak channels, qui sont tout le temps ouverts [1,chapter 11, page 669]. La membrane au repos a donc un potentiel proche de l’équilibre de Nernst desions K+ c’est-à-dire V = −65mV ≃ VK. En présence d’un stimulus, les canaux Na+ passent dansl’état ouvert et laissent rapidement entrer les ions Na+ jusqu’à atteindre V ≃ VNa ≃ 56mV. Lescanaux ioniques Na+ se mettent alors dans l’état inactivé. Des canaux ioniques K+ supplémentairess’ouvrent et aident les K+ leak channels à ramener la membrane à V = −65mV. Ce retour àV = −65mV remet les canaux ioniques Na+ dans l’état fermé. Voir [1, chapter 11, pages 676-678].

Les canaux ioniques K+ et Na+ ont des dynamiques très différentes. Des exemples sont visiblessur le web 2. Individuellement, chaque canal a un comportement stochastique et devrait se modéliserpar une chaîne de Markov. Par contre, une population de canaux peut se modéliser de façondéterministe par une équation différentielle [5, chapter 3, page 155].

La variable n(t) représente la proportion de canaux K+ ouverts [5, chapter 3, page 148]. Laforme des expressions αn(V ) et βn(V ) est suggerée par des arguments à base d’énergie libre [5,chapter 3, pages 148-151]. Hodgkin et Huxley ont choisi de modéliser la condutance de l’ensembledes canaux K+ par un monôme

gK = gK n4

où g représente une conductance maximale. L’exposant 4 de la formule a été choisi empiriquement[5, chapter 5, pages 203]. On peut lui donner une interprétation : chaque canal est formé de quatrecomposants et n’est ouvert que si ses quatre composants le sont. Pour les canaux Na+, le principeest le même mais en plus compliqué. La formule choisie par Hodgkin et Huxley est :

gNa = gNa m3 h

Informellement, la variable m code l’ouverture de canaux et h l’inactivation. La formule

gL = gL

modélise la conductance des fuites (leak en Anglais) et des canaux ioniques Cl− qui ne figurent pasexplicitement dans le modèle.

2. www.bem.fi/book/04/04.htm, section 4.6.4.

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References[1] Bruce Alberts, Alexander Johnson, Julian Lewis, Martin Raff, Keith Roberts, and Peter Walter.

Molecular Biology of the Cell. Garland Science, 5th edition, 2008.[2] Bertil Hille. Ions Channels of Excitable Membranes. Sinauer Associates, Inc., third edition,

2001.[3] Alan Lloyd Hodgkin and Andrew F. Huxley. A quantitative description of membrane current

and its application to conduction and excitation in nerve. J. Physiolog., 117 :500–544, 1952.[4] Eugene M. Izhikevich. Dynamical Systems in Neuroscience. The Geometry of Excitability and

Bursting. The MIT Press, 2010.[5] James Keener and James Sneyd. Mathematical Physiology I : Cellular Physiology, volume 8/I

of Interdisciplinary Applied Mathematics. Springer Verlag, second edition, 2010.

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