rupture spontanée de rate secondaire à une maladie des embolies de cristaux de cholestérol : à...

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Gastroenterol Clin Biol, 2004, 28 922 Rupture spontanée de rate secondaire à une maladie des embolies de cristaux de cholestérol : à propos d’un cas a maladie des embolies de cristaux de cholestérol (MECC) atteint les malades athéromateux, le plus souvent après une chirurgie cardio-vasculaire, un cathétérisme vasculaire ou après traitement par anticoagulant. Les cas spontanés sont plus rares [1]. Nous rapportons le cas d’une MECC se compliquant d’une rupture spontanée de rate (RSR). Cette observation n’a jamais été rapportée à notre connaissance. Observation Un homme de 54 ans était hospitalisé en urgence en réani- mation pour une anémie aiguë révélée par un méléna. Le malade avait comme antécédents notables une hypertension artérielle et une hyperlipidémie traitées, une notion d’insuffisance rénale chronique non explorée et une cholecystectomie réalisée deux ans plus tôt. Il existait une obésité et un tabagisme actif. Aucune intervention chirurgicale récente ni geste radiologique endovas- culaire n’avait été pratiqué. Aucun traumatisme abdominal nota- ble précédant l’hospitalisation n’était signalé. Le malade prenait depuis dix jours, en raison d’une tendinite, un anti-inflammatoire non stéroidien (AINS) par voie orale, le piroxicam, à la dose de 40 mg par jour. Les autres traitements étaient inchangés depuis plusieurs mois. Il n’y avait pas de notion de prise d’anticoagulants ou d’antiagrégants plaquettaires. À l’examen clinique à l’admission, on notait une pâleur associée à un méléna. Il n’y avait pas d’hématémèse. La diurèse était conservée. Les principales anomalies biologiques à l’admission étaient une hémoglobinémie à 3 g/L, une hyperéo- sinophilie sanguine à 0,5 G/L et une insuffisance rénale avec une clairance de la créatinine inférieure à 10 mL/min. L’écho- graphie rénale montrait des reins de petite taille, avec des index corticaux conservés, sans obstacle sur les voies urinaires. Une endoscopie digestive haute faite en urgence révélait la présence d’un volumineux ulcère creusant non hémorragique de la face postérieure du bulbe. Dans le duodénum, il y avait deux autres ulcères creusant non hémorragiques. L’évolution était marquée par une récidive du méléna à trois reprises avec nécessité de transfusion sanguine. Les endoscopies digestives hautes retrou- vaient l’ulcère bulbaire avec un vaisseau visible. Une injection hémostatique d’adrénaline était réalisée. À ce stade, l’insuffi- sance rénale n’avait pas régressé et il existait une protéinurie à 3 g/24 h, sans hématurie. À la numération-formule sanguine, l’éosinophilie s’était majorée à 2 000/mm 3 . Dix jours après l’admission, survenait brutalement une douleur intense de l’hypochondre gauche associée à un choc hémorragique (hémoglobinémie à 5 g/L versus 10 g/L la veille). Une laparoto- mie en extrême urgence était réalisée et révélait la présence d’un hémopéritoine massif avec une rate hémorragique. Une splénectomie d’hémostase était réalisée. L’examen anatomo- pathologique de la pièce de splénectomie montrait, macroscopi- quement une rate pesant 128 g, mesurant 11 x 7 x 3 cm. On notait une rupture capsulaire médiane et un hématome unique- ment sous capsulaire occupant toute la face diaphragmatique, sans dissociation hématique du parenchyme splénique en regard. À la coupe, il existait de plus 3 lésions parenchymenteu- ses d’environ 1 cm chacune situées en position sous capsulaire, de couleur rouge foncé, de forme grossièrement arrondie. Ces lésions étaient directement en contact avec l’hématome (figure 1). Microscopiquement, on confirmait le siège uniquement sous capsulaire de l’hématome (figure 2). Les lésions parenchymateu- ses sous-capsulaires décrites avaient un aspect morphologique compatible avec des infarctus récents, à savoir un effacement des éléments normaux de la pulpe blanche et rouge avec une inondation hémorragique importante tranchant par rapport au parenchyme splénique de voisinage. Enfin, on notait, sur 4 des 10 prélèvements étagés réalisés, des lésions d’emboles de cho- lestérol intra-artériolaires, toujours situées dans des vaisseaux de petits et moyens calibres de la pulpe blanche (figure 3). Certai- nes de ces emboles étaient situées à proximité de la base des lésions ischémiques hémorragiques sous capsulaire. Une tomodensitométrie abdominale permettait de découvrir un anévrysme de l’aorte sus-abdominale en regard de l’origine des artères rénales, contenant un thrombus hétérogène pseudo- disséquant. Il existait une sténose moyennement serrée et courte post-ostiale de l’artère rénale gauche, l’artère rénale droite étant grêle, sans sténose significative. Il existait de nombreuses pla- ques athéromateuses sur l’aorte. Sur le plan rénal, l’insuffisance rénale était au stade terminal et une dialyse était programmée. Le diagnostic de MECC compliquée de rupture spontanée de rate étant retenu, la ponction biopsie rénale n’était pas réalisée. Un contrôle endoscopique à deux mois permettait de constater la cicatrisation de tous les ulcères duodénaux. Discussion À notre connaissance, aucun cas de rupture spontanée de rate secondaire à une MECC n’a été publié. Dans la majorité des cas, une rupture splénique est secondaire à un traumatisme abdominal. Les cas spontanés sont moins fréquents, mais les causes sont nombreuses et parfois iatrogènes (anticoagulant, thrombolytiques, coloscopie, cholangiopancréatographie rétro- grade endoscopique) [2-7]. Dans notre observation, la rupture de rate semble liée à la MECC pour les raisons suivantes : a) absence connue de traumatisme abdominal précédent l’hospitalisation ; b) absence d’hématome intra parenchyma- teux, ce qui constitue un argument contre l’origine traumatique ; c) absence de cause connue de rupture sponta- née de rate ; d) présence de cristaux de cholestérol dans la rate avec quelques lésions sous capsulaires de petite taille de type ischémique ; e) présentation clinique compatible avec le dia- gnostic. Le diagnostic de MECC est établi ici sur la présence d’athérome diffus de l’aorte, d’une insuffisance rénale rapide- ment progressive, d’une hyperéosinophilie sanguine et de la présence de cristaux de cholestérol dans la rate [1]. Pour ces raisons, la biopsie rénale a été jugé potentiellement dange- reuse et n’a pas été réalisée. Au cours de la MECC, la rate est très fréquemment atteinte, puisqu’il s’agit de la deuxième loca- lisation après les reins dans les études autopsiques [8]. Cepen- dant, les répercussions cliniques semblent peu fréquentes et n’apparaissent pas au premier plan contrairement à d’autres ABRÉVIATIONS : MECC : maladie des embolies de cristaux de cholestérol AINS : anti inflammatoire non stéroidien RSR : rupture spontanée de rate L

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Page 1: Rupture spontanée de rate secondaire à une maladie des embolies de cristaux de cholestérol : à propos d’un cas

Gastroenterol Clin Biol, 2004, 28

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Rupture spontanée de rate secondaire à une maladie des embolies de cristaux de cholestérol : à propos d’un cas

a maladie des embolies de cristaux de cholestérol (MECC) atteint les malades athéromateux, le plus souvent après une chirurgie cardio-vasculaire, un cathétérisme vasculaire ou après traitement par anticoagulant. Les cas spontanés sont plus rares [1]. Nous rapportons le cas d’une

MECC se compliquant d’une rupture spontanée de rate (RSR). Cette observation n’a jamais été rapportée à notre connaissance.

ObservationUn homme de 54 ans était hospitalisé en urgence en réani-

mation pour une anémie aiguë révélée par un méléna. Le maladeavait comme antécédents notables une hypertension artérielle etune hyperlipidémie traitées, une notion d’insuffisance rénalechronique non explorée et une cholecystectomie réalisée deuxans plus tôt. Il existait une obésité et un tabagisme actif. Aucuneintervention chirurgicale récente ni geste radiologique endovas-culaire n’avait été pratiqué. Aucun traumatisme abdominal nota-ble précédant l’hospitalisation n’était signalé. Le malade prenaitdepuis dix jours, en raison d’une tendinite, un anti-inflammatoirenon stéroidien (AINS) par voie orale, le piroxicam, à la dose de40 mg par jour. Les autres traitements étaient inchangés depuisplusieurs mois. Il n’y avait pas de notion de prise d’anticoagulantsou d’antiagrégants plaquettaires.

À l’examen clinique à l’admission, on notait une pâleurassociée à un méléna. Il n’y avait pas d’hématémèse. La diurèseétait conservée. Les principales anomalies biologiques àl’admission étaient une hémoglobinémie à 3 g/L, une hyperéo-sinophilie sanguine à 0,5 G/L et une insuffisance rénale avecune clairance de la créatinine inférieure à 10 mL/min. L’écho-graphie rénale montrait des reins de petite taille, avec des indexcorticaux conservés, sans obstacle sur les voies urinaires. Uneendoscopie digestive haute faite en urgence révélait la présenced’un volumineux ulcère creusant non hémorragique de la facepostérieure du bulbe. Dans le duodénum, il y avait deux autresulcères creusant non hémorragiques. L’évolution était marquéepar une récidive du méléna à trois reprises avec nécessité detransfusion sanguine. Les endoscopies digestives hautes retrou-vaient l’ulcère bulbaire avec un vaisseau visible. Une injectionhémostatique d’adrénaline était réalisée. À ce stade, l’insuffi-sance rénale n’avait pas régressé et il existait une protéinurie à3 g/24 h, sans hématurie. À la numération-formule sanguine,l’éosinophilie s’était majorée à 2 000/mm3. Dix jours aprèsl’admission, survenait brutalement une douleur intense del’hypochondre gauche associée à un choc hémorragique(hémoglobinémie à 5 g/L versus 10 g/L la veille). Une laparoto-mie en extrême urgence était réalisée et révélait la présenced’un hémopéritoine massif avec une rate hémorragique. Unesplénectomie d’hémostase était réalisée. L’examen anatomo-pathologique de la pièce de splénectomie montrait, macroscopi-quement une rate pesant 128 g, mesurant 11 x 7 x 3 cm. Onnotait une rupture capsulaire médiane et un hématome unique-ment sous capsulaire occupant toute la face diaphragmatique,sans dissociation hématique du parenchyme splénique enregard. À la coupe, il existait de plus 3 lésions parenchymenteu-ses d’environ 1 cm chacune situées en position sous capsulaire,de couleur rouge foncé, de forme grossièrement arrondie. Ces

lésions étaient directement en contact avec l’hématome(figure 1).

Microscopiquement, on confirmait le siège uniquement souscapsulaire de l’hématome (figure 2). Les lésions parenchymateu-ses sous-capsulaires décrites avaient un aspect morphologiquecompatible avec des infarctus récents, à savoir un effacementdes éléments normaux de la pulpe blanche et rouge avec uneinondation hémorragique importante tranchant par rapport auparenchyme splénique de voisinage. Enfin, on notait, sur 4 des10 prélèvements étagés réalisés, des lésions d’emboles de cho-lestérol intra-artériolaires, toujours situées dans des vaisseaux depetits et moyens calibres de la pulpe blanche (figure 3). Certai-nes de ces emboles étaient situées à proximité de la base deslésions ischémiques hémorragiques sous capsulaire.

Une tomodensitométrie abdominale permettait de découvrirun anévrysme de l’aorte sus-abdominale en regard de l’originedes artères rénales, contenant un thrombus hétérogène pseudo-disséquant. Il existait une sténose moyennement serrée et courtepost-ostiale de l’artère rénale gauche, l’artère rénale droite étantgrêle, sans sténose significative. Il existait de nombreuses pla-ques athéromateuses sur l’aorte. Sur le plan rénal, l’insuffisancerénale était au stade terminal et une dialyse était programmée.Le diagnostic de MECC compliquée de rupture spontanée derate étant retenu, la ponction biopsie rénale n’était pas réalisée.Un contrôle endoscopique à deux mois permettait de constater lacicatrisation de tous les ulcères duodénaux.

DiscussionÀ notre connaissance, aucun cas de rupture spontanée de

rate secondaire à une MECC n’a été publié. Dans la majoritédes cas, une rupture splénique est secondaire à un traumatismeabdominal. Les cas spontanés sont moins fréquents, mais lescauses sont nombreuses et parfois iatrogènes (anticoagulant,thrombolytiques, coloscopie, cholangiopancréatographie rétro-grade endoscopique) [2-7]. Dans notre observation, la rupturede rate semble liée à la MECC pour les raisons suivantes :a) absence connue de traumatisme abdominal précédentl’hospitalisation ; b) absence d’hématome intra parenchyma-teux, ce qui constitue un argument contre l’originetraumatique ; c) absence de cause connue de rupture sponta-née de rate ; d) présence de cristaux de cholestérol dans la rateavec quelques lésions sous capsulaires de petite taille de typeischémique ; e) présentation clinique compatible avec le dia-gnostic. Le diagnostic de MECC est établi ici sur la présenced’athérome diffus de l’aorte, d’une insuffisance rénale rapide-ment progressive, d’une hyperéosinophilie sanguine et de laprésence de cristaux de cholestérol dans la rate [1]. Pour cesraisons, la biopsie rénale a été jugé potentiellement dange-reuse et n’a pas été réalisée. Au cours de la MECC, la rate esttrès fréquemment atteinte, puisqu’il s’agit de la deuxième loca-lisation après les reins dans les études autopsiques [8]. Cepen-dant, les répercussions cliniques semblent peu fréquentes etn’apparaissent pas au premier plan contrairement à d’autres

ABRÉVIATIONS :MECC : maladie des embolies de cristaux de cholestérolAINS : anti inflammatoire non stéroidienRSR : rupture spontanée de rate

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localisations (reins ou peau par exemple) [8]. Le mécanisme deRSR dans ce contexte pourrait être le suivant : des emboles decholestérol auraient provoqué quelques lésions d’infarctus splé-niques sous capsulaires, avec inondation hémorragique duparenchyme à leur niveau. Ces lésions ischémiques pourraientêtre la cause de l’hématome sous capsulaire suivi d’une rupturecapsulaire dans un 2e temps [9].

La localisation digestive de la MECC est relativement fré-quente et peut se manifester dans certains cas par des hémorra-gies digestives hautes ou basses [8, 10, 11]. Les lésionsendoscopiques alors constatées sont variées, allant du simpleérythème à de véritables ulcérations. Dans notre observation, iln’y a pas d’argument formel pour attribuer l’origine de ces ulcè-res à la MECC, d’autant plus que la prise d’AINS favorise la for-mation d’ulcères gastro-duodénaux. Le diagnostic de MECC auniveau intestinal peut être fait lors de biopsies gastriques ou duo-dénales, comme le montre une étude dans laquelle les cristauxétaient localisés essentiellement dans la muqueuse et la sousmuqueuse gastrique [12]. Les biopsies réalisées au niveau del’antre chez notre malade ne révélaient pas la présence de cris-taux de cholestérol.

En conclusion, nous rapportons le cas d’une maladie desembolies de cristaux de cholestérol compliquée d’une rupturespontanée de rate. Devant un abdomen douloureux, survenantde façon brutale chez un malade athéromateux, une atteintesplénique secondaire à une MECC doit être systématiquementévoquée et recherchée.

RÉFÉRENCES

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3. Schuler JG, Filtzer H. Spontaneous splenic rupture. The role of non-operative management. Arch Surg 1995;130:662-5.

4. Windham TC, Risin SA, Tamm EP. Spontaneous rupture of a non-traumatic intrasplenic aneurysm. N Engl J Med 2000;342:1999-2000.

5. Blankenship JC, Indeck M. Spontaneous splenic rupture complicatinganticoagulant or thrombolytic therapy. Am J Med 1993;94:433-7.

6. Ahmed A, Eller PM, Schiffman FJ. Splenic rupture: an unusual com-plication of colonoscopy. Am J Gastroenterol 1997;92:1201-4.

Fig. 1 – Deux lésions sous capsulaires spléniques ischémiques ethémorragiques (flèches), avec décollement capsulaire en regard lié àl’hématome.

Two ischemic and hemorrhagic subcapsular splenic lesions (arrows)with splenic capsular detachment related to haematoma.

Fig. 2 – Collection hématique sous capsulaire splénique (HES ³ 40).

Subcapsular splenic hematic collection (HES ³ 40).

Fig. 3 – Emboles de cholestérol au niveau d’artérioles de la pulpe blanchede la rate (HES ³ 200).

Cholesterol embolisms in splenic white pulp arterioles(HES ³ 200).

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Benjamin WISNIEWSKI (1), Jacqueline VADROT (2),Etienne D’HUBERT (3), François DROUHIN (1),

Daniel FISCHER (1), Jacques DENIS (1), Denis LABAYLE (1)(1) Service d’Hépato-Gastro-Entérologie,

(2) Service d’Anatomie-Pathologique,(3) Service de Chirurgie Viscérale, Centre Hospitalier Sud-Francilien,

Quartier du Canal-Courcouronnes, 91014 Evry Cedex.

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8. Fine MJ, Kapoor W, Falanga V. Cholesterol crystal embolization: areview of 221 cases in the English literature. Angiology 1987;38:769-84.

9. Jaroch MT, Broughan TA, Hermann RE. The natural history ofsplenic infarction. Surgery 1986;100:743-50.

10. Moolenaar W, Lamers CB. Cholesterol crystal embolisation to the al-imentary tract. Gut 1996;38:196-200.

11. Ben Horin S, Bardan E, Barshack I, Zaks N, Livneh A. Cholesterolcrystal embolization to the digestive system: characterization of acommon, yet overlooked presentation of atheroembolism. Am J Gas-troenterol 2003;98:1471-9.

12. Paraf F, Jacquot C, Bloch F, de M, V, Bruneval P. Cholesterol crystalembolization demonstrated on GI biopsy. Am J Gastroenterol 2001;96:3301-4.

Atrophie iléale primitive associée à une colite collagène : efficacité clinique de la corticothérapie

atrophie villositaire iléale isolée est exceptionnellement observée en l’absence d’atrophie duodéno-jéjunale. Elle est le plus souvent associée à une colite microscopique [1]. Le traitement par chélateur des sels biliaires est dans la majorité des cas efficace. Nous rapportons un cas

de colite collagène associée à une atrophie iléale compliquée d’une diarrhée avec déshydratation, régressive sous prednisolone, puis sous budésonide.

ObservationUne femme de 40 ans était hospitalisée pour diarrhée chroni-

que et hypokaliémie récidivante évoluant depuis plus de six mois.Elle n’avait pas d’antécédent médical particulier, ne prenaitaucun traitement hormis le potassium administré de manièreséquentielle. La diarrhée était faite de 6 à 8 selles hydriques,diurnes et nocturnes. On constatait un amaigrissement de 6 kilos.Il n’existait pas de manifestation clinique extra-digestive. À l’exa-men clinique, la malade apparaissait amaigrie et déshydratée.L’examen physique était normal. Biologiquement, on notait unehypokaliémie à 2,8 mmol/L et une insuffisance rénale fonction-nelle, avec une urémie à 11,7 mmol/L et une créatininémie à109 mmol/L. Le reste du bilan biologique (hémogramme, bilanhépatique, TSH, électrophorèse des protides, bilan martial, tauxsériques de folates et de vitamine B12) était normal. La recherched’anticorps anti-gliadine et d’anticorps anti-endomysium étaitnégative. Le poids des selles fluctuait entre 500 et 900 g par jour.Les débits ioniques fécaux étaient élevés (sodium : 52 mmol/24 h(N :1-10) ; potassium : 34 mmol/24 h (N : 8-20) ; chlore :77 mmol/24 h (N : 1-10)). Le trou osmolaire était de 58 mosm/L(N < 125). La recherche de laxatifs était négative dans les selleset les urines. Il n’y avait pas de stéatorrhée. L’épreuve de jeûne de48 heures était sans effet sur la diarrhée.

Au cours de l’endoscopie œso-gastro-duodénale et de l’iléo-coloscopie, l’aspect de la muqueuse était normal. L’examen ana-tomo-pathologique des prélèvements montrait : a) une muqueuseduodénale normale ; b) une atrophie villositaire iléale totale,associée à un infiltrat polymorphe du chorion et la présence depolynucléaires éosinophiles ; c) un épaississement de la basalesous épithéliale d’environ 25 m sur toutes les biopsies étagéescoliques, associé à des lésions épithéliales intenses (décollement,vacuolisation) et un infiltrat inflammatoire polymorphe du cho-rion. Un traitement per os par colestyramine (12 g/j) étaitdébuté, inefficace après 8 jours de traitement. Il en était de mêmeaprès introduction de la mésalazine à la dose de 3 g/j durant15 jours. L’institution d’un traitement par prednisolone orale à ladose1 mg/kg/j permettait d’obtenir une disparition de la diar-rhée en deux semaines. Le traitement par prednisolone étaitrelayé par le budésonide. Avec un recul de douze mois, la symp-tomatologie restait contrôlée, avec néanmoins l’impossibilité dediminuer la posologie de budésonide en dessous de 6 mg/j.

DiscussionL’atrophie villositaire iléale est une entité rare. Parmi les

11 cas rapportés par Marteau et al. [1], 7 étaient associés à unecolite microscopique dont une colite collagène. La fréquence del’atrophie villositaire iléale est probablement sous-estimée,comme le suggère une étude récente : des biopsies iléales systé-matiques chez 14 malades ayant une colite collagène révélaientune atrophie iléale dans 3 cas [2].

L’atrophie villositaire iléale induit une diarrhée chroniquedont le mécanisme supposé est une malabsorption des sels biliai-res, retrouvée sept fois sur dix dans la série rapportée par Mar-teau et al. [1]. En l’absence de SeHcat-test (test de malabsorptioniléale de l’acide homotaurocholique marqué au sélénium 75),non disponible en France, il n’est pas possible de savoir s’il exis-tait chez notre malade une malabsorption des sels biliaires.Néanmoins, la négativité du test thérapeutique à la colestyra-mine rend cette hypothèse improbable, même si exceptionnelle-ment l’emploi de posologies supérieures à 12 g/j a été rapportépour contrôler la diarrhée [3]. L’échec de l’épreuve de jeûne,l’élévation des concentrations fécales de chlore et de sodium,sans trou osmolaire, plaident pour le caractère sécrétoire de ladiarrhée. De rares études avec perfusion intestinale ont permisd’évoquer une sécrétion iléale active au cours de la colite micros-copique [4].

L’intérêt de notre observation réside dans la réponse specta-culaire à la corticothérapie, traitement qui jusqu’ici a été malévalué dans la littérature, après échec de la colestyramine, consi-dérée comme le plus souvent efficace [1]. Cette efficacité s’estmaintenue après remplacement de la prednisolone par le budé-sonide. Ce dernier traitement a été reconnu efficace dans le trai-tement des colites microscopiques [5] mais n’avait jamais étéprescrit en cas d’atrophie villositaire.

Anne HERBER (1), Loïc LARVOL (1), Florence BRISSET (1),Jean- Frédéric BRUCH (2), Jean-Paul CERVONI (1),

Hervé LEVECQ (1)(1) Service d’Hepato-Gastroentérologie Médecine A2,

Hôpital Louis Pasteur, BP 407, Chartres 28018 Cedex ;(2) Service d’Anatomo-pathologie, Hôpital Louis Pasteur,

Chartres, 28018 Cedex.

L’