la créativité à l'école

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La créativité à l'école

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COLLECTION DIRIGÉE PAR GASTON MIALARET

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L ' É D U C A T E U R

La créativité à l'école

A L A I N B E A U D O T

Préface de E. Paul Torrance Chef du Département de Psychopédagogie

à l'Université de Georgia (Etats-Unis)

PRESSES U N I V E R S I T A I R E S D E F R A N C E

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DU MÊME AUTEUR

Vers une pédagogie de la créativité, Editions E.S.F., 1973 ; 3 éd., 1980. La créativité : recherches américaines (recueil de textes), Dunod, 1973

(trad. italienne, espagnole).

ISBN 2 13 036392 X

3 é d i t i o n r e v u e et a u g m e n t é e : 3 t r i m e s t r e 1980

© Presses U n i v e r s i t a i r e s d e F r a n c e , 1969 108, B d S a i n t - G e r m a i n , 75006 P a r i s

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Préface

Je suis en vérité très heureux que, par son livre, A. Beaudot attire l'attention des éducateurs français sur une grande partie des recherches faites dans le domaine de la créativité pendant les dix dernières années. Encore que des chercheurs dans de nombreux pays aient apporté leur contribution dans cette recherche, il reste néanmoins beaucoup à apprendre sur la nature de la créativité, sur les capacités de production créatrices et sur les conditions qui facilitent cette production. Cependant, une utilisation intelligente des informations exposées dans cet ouvrage contribuerait sans aucun doute à améliorer considérable- ment la réussite scolaire et, de façon générale, à accroître la réussite dans la vie.

Les recherches faites pendant les dix dernières années ont beaucoup fait pour débarrasser la créativité de son aura de mystère. La création d'instruments qui permettent d'évaluer les capacités créatrices et les motivations, l'élaboration d'expé- riences d'apprentissage et de matériaux éducatifs conçus pour faciliter le développement et la pratique de la créativité dans les classes, l'expérimentation de techniques pédagogiques diverses conçues pour encourager la créativité : tout cela a considéra- clement contribué à dissiper le mystère. Chaque fois qu'une domposante quelconque du comportement humain est débarrassée be son aura de mystère et rendue accessible, les pratiques péda- gogiques en tirent immanquablement profit.

Les études dont A. Beaudot rend compte ici fournissent quel- ques définitions « opérationnelles » de la créativité. A partir de ces définitions, les chercheurs ont construit une grande variété d'instruments destinés à évaluer le plus objectivement possible les capacités du sujet, ses motivations, les caractéristiques de sa personnalité, les conditions les plus stimulantes, la réussite, le tout en liaison avec la créativité. Ces instruments à leur tour ont suscité des recherches un peu partout. Pour donner un

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exemple, le T.T.C.T. (Torrance Test of Creative Thinking) a déjà été traduit en 15 langues et utilisé dans des recherches très diverses. (Plus de 500 recherches utilisant le T.T.C.T. ont été dénombrées jusqu'à présent.)

Les recherches faites pendant les dix dernières années mon- trent aussi clairement qu'il n'est plus nécessaire de laisser au hasard le développement de la créativité. A. Beaudot a décrit brièvement quelques-unes des méthodes qui ont été élaborées et expérimentées afin d'accroître les possibilités de développement de la créativité. Dès lors que certaines aptitudes intellectuelles sont impliquées dans la créativité et que toutes les aptitudes peuvent être améliorées par la pratique, on a donc pu concevoir des techniques pédagogiques expérimentales en vue de favoriser le développement et la pratique de la créativité chez les enfants.

Il semble bien que le résultat le plus intéressant obtenu par les chercheurs soit le fait que de nombreux enfants, qui n'appren- nent rien ou mal avec les méthodes de l'école traditionnelle, apprennent très bien quand on les encourage à le faire de façon créative et quand on le leur permet. Les méthodes fondées sur la créativité apparaissent bien posséder cette motivation intrin- sèque qui rend tout à fait inutiles récompenses ou punitions sous une forme ou une autre. Si on maintient en éveil les capa- cités créatrices des enfants, si on les guide de façon discrète, on obtient un apprentissage meilleur que tout ce qui a pu être obtenu jusqu'à maintenant.

L'auteur de ce livre a gardé une démarche prudente dans son interprétation des recherches analysées. A mon avis, il l'a fait de façon très judicieuse. La synthèse qu'il présente fait montre d'une originalité certaine. Ses observations concernant l'utilisation créative du langage par les enfants sont particulière- ment intéressantes. Les perspectives qu'il ouvre devraient susciter des recherches passionnantes.

E. Paul TORRANCE, Chef du Département de Psychopédagogie

à l'Université de Georgia (Etats-Unis).

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Avant-propos

« L'enseignement français, sauf peut-être au niveau uni- versitaire, est résolument « hexagonal ». Beaucoup d'ensei- gnants ignorent complètement ce que l'on fait à l'étranger en matière de pédagogie. L'école encore une fois se referme sur soi... Il faut bien constater qu'à l'heure où les frontières sont devenues poreuses à toutes les communications inter- nationales, un tel isolement est à la fois paradoxal, préju- diciable et facile à combattre »

Préjudiciable, certes, mais facile à combattre, ce n'est pas si certain. En effet, des questions de barrières de langues existent, les ouvrages étrangers ne sont pas tous traduits, loin de là, en français. Et une partie importante du corps enseignant n'est pas toujours à même de lire des textes parfois très techniques, dans la langue étrangère, textes ayant trait à la psychologie, à la psychopédagogie ou à la pédagogie.

On a voulu ici remédier à cet état de fait en présentant aux éducateurs français quelques-unes des recherches et quel- ques-uns des résultats les plus importants obtenus dans un domaine qui paraît intéresser tous les enseignants, à savoir la créativité.

Les dimensions du livre n'en font pas un ouvrage exhaus- tif mais, on l'espère, suffisamment complet, cependant, pour donner une idée générale des travaux faits outre-Atlantique.

1. Louis PORCHER, Education nationale, 27 février 1969.

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Assez complet aussi pour provoquer les critiques construc- tives, pour promouvoir des recherches nouvelles et faire avancer les connaissances dans un domaine qui semble bien essentiel pour la formation des hommes de demain.

« Chaque enseignant, conclut Louis Porcher, s'il désire pratiquer son métier comme il convient, c'est-à-dire en connaissant à la lettre ses tenants et ses aboutissants, ne peut le faire qu'en se confrontant avec ceux qui, dans le monde, poursuivent la même tâche que lui. »

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CHAPITRE PREMIER

L'imagination prend le pouvoir ?

Le Monde, 12 janvier 1968, une annonce publicitaire :

« La créativité dans l'entreprise. Des cadres plus créatifs : alors que la recherche, le marketing, la publicité consomment de plus en plus d'imagination, comment ne pas souhaiter développer son potentiel créatif pour contribuer à l'essor de son entreprise et garantir sa propre promotion... »

Le Monde, 5 mars 1968, compte rendu du livre d'Antony Jay intitulé : Machiavel et les princes de l'entreprise :

« L'imagination est la reine des batailles industrielles. On ne peut encore à ce sujet formuler de lois scientifiques. Du moins l'expérience enseigne que les mouvements novateurs naissent d'un même schéma : une personnalité créatrice qui travaille entourée d'un noyau également fécond. » Antony Jay dégage un certain nombre de caractères communs à ces groupes dont voici les prin- cipaux : « 1) l'autorité du chef n'est ni contestée ni mise au défi ; 2) dans le noyau central, il y a dialogue ; 3) c'est dans le milieu de travail et avec des échéances précises que l'innovation est la plus stimulée ; 4) le chef doit avoir le plus d'autonomie possible ; 5) les groupes créateurs définissent leurs propres objectifs. »

Le Monde, 15 décembre 1967, compte rendu d 'un débat organisé par l'Association des Anciens Elèves de l'E.N.A. :

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« Il était encore plus important de souligner le rôle de l'imagina- tion humaine dans le développement industriel, ce qu'a fait ensuite M. Bleustein-Blanchet. Insistant sur la coopération réelle entre l'administration et les grandes entreprises, il a notamment déclaré : « L'imagination et la connaissance réunies, que ne pourrions- « nous faire ? Malheureusement, a-t-il ajouté, il n 'y a pas de « formation de l'imagination. » »

Les América ins nous l ancen t u n défi, nous di t J . - J . Ser- van-Schre ibe r [ 6 4 ] et le p lan sur lequel se place ce défi nous est précisé t ou t au long des pages de son livre.

« La guerre ne nous est pas livrée à coups de dollars, de pétrole, de tonnes d'acier, ni même de machines modernes, mais à coups d'imagination créatrice et de talent d'organisation » (p. 11).

« La force moderne, c'est la capacité d'inventer » (p. 293).

Sans cesse, J . - J . Se rvan-Schre ibe r revient sur « cet te é t range ankylose de no t re facul té de créat ion » (p. 43) et, m e t t a n t en avant la pa r t qui , dans l 'avenir , r ev iendra aux h o m m e s et aux mach ines , il conc lu t :

« L'imagination, l'inspiration, l'intuition, la création d'idées, qui sont le propre de l'esprit, auront désormais comme partenaires la mémoire et la capacité de calculs qui sont le propre de l'ordi- nateur » (p. 100).

O ù t rouver les raisons de cet te é t range ankylose ? D a n s le système d ' éduca t ion .

« Si l 'Europe veut réduire le fossé technologique qui la sépare de plus en plus de l'univers américain, elle doit avant tout améliorer et généraliser son éducation en quantité comme en qualité » (p. 94).

Maisonrouge , cité pa r Se rvan-Schre ibe r [64], pose la ques t ion :

« Quels sont les facteurs du retard de l'Europe ? Il faut bien commencer par citer la structure même de l'enseignement. Au-delà

1. Les chiffres entre crochets renvoient aux numéros de la Biblio- graphie, infra, p. 167 et suiv.

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de la formation des élèves et des étudiants elle-même, il se pose un problème majeur qui est celui de la formation permanente des cadres » (p. 220).

C 'es t u n par i sur l ' h o m m e qu ' i l fau t faire. Aussi b ien au n iveau des élèves des écoles que des cadres des ent repr ises , « le r e n d e m e n t serai t incomparab le si l ' on laissait plus d ' ini t ia t ive ».

Les ense ignants e t les responsables de l ' éduca t ion en F r a n c e — tou t au moins u n cer ta in n o m b r e d ' e n t r e eux —

sont pa r fa i t ement conscients de ces nécessités. L a déclara- t ion finale d u col loque d ' A m i e n s en est la p reuve :

« Il importe en particulier de renoncer à une conception exclusi- vement intellectualiste et encyclopédique de la culture. Une concep- tion plus fine et plus globale de l'éducation doit développer chez l'enfant, avec le goût des connaissances, l'aptitude au changement, à la créativité. Elle doit l'inciter à dégager une personnalité solide, lui permettre de maîtriser les conditionnements économiques pour vivre des fins culturelles autonomes, enfin, l'encourager à la parti- cipation au dialogue. »

O u b ien ces lignes d u r a p p o r t de Gilles Fe r ry :

« Pour satisfaire aux finalités nouvelles de l'école, l'enseignement, en vue de l'éducation générale, doit être conçu comme un enseigne- ment de l'initiative qui analyse le réel global et développe la créati- vité, l'aptitude à se poser des problèmes nouveaux et à leur apporter des solutions originales. »

D a n s le cadre des assises p o u r la rénovat ion d e l 'enseigne- m e n t , réunies au mois de juin 1968, u n e des commiss ions étai t chargée d ' examine r les problèmes posés pa r la créati- vité. Les par t ic ipants n o m b r e u x étaient su r tou t des profes- seurs d ' en se ignemen t ar t is t ique. E n effet, l o r squ 'on emplo ie le m o t de créativi té, les enseignants pensen t le plus souvent aux activités art is t iques. I l reste q u e des réflexions intéres- santes fu ren t en t endues d u r a n t ces journées , m e t t a n t en évidence plus que tou te au t re chose les difficultés rencont rées pa r les enseignants de b o n n e volonté dans ce domaine.

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« Maintenir l'enfant en état de créativité (sic), c'est faire éclater les cadres de l'école. » — « A l'école maternelle, il y a liberté parce qu'il n'y a pas d'examens. Ensuite l'enfant est découpé en tranches. » — « Changer la mentalité des professeurs dépend des examens. » — « Un enseignant ne doit pas être un grand prêtre dans un temple, mais un chef de laboratoire. » — « En tout individu, il y a un créateur en puissance ; un plombier, à la limite, est un artiste... »

T o u s les p ropos échangés , les suggest ions faites, les solu- t ions proposées p e n d a n t ces journées m o n t r e n t à que l po in t les enseignants son t sensibilisés à ce p r o b l è m e de la créativité.

O u que lques au t res pédagogues : Miche l L o b r o t dans L 'Educat ion nationale :

« Les examens, on nous dit : il faut bien des contrôles... Nous répondons que la société ne fonctionne pas à coups de contrôles et de surveillance, mais à partir de la créativité et de l'audace inventive des individus. »

O u M a n d r a :

« Il semble bien que de plus en plus se substitue au couple connaissance-expérience celui de connaissance-créativité. »

Si les enseignants sont conscients q u e déve lopper l ' in i- t iative et la créat ivi té des élèves est u n des bu t s s inon le b u t

essentiel d e l ' éduca t ion , les usagers , si l ' on p e u t dire, n ' e n sont pas moins conscients . Ils e n son t m ê m e d ' a u t a n t plus conscients qu ' i ls s en t en t e n eux u n e force qui ne p e u t s ' exp r imer , qu i est e t a é té c o n s t a m m e n t b r imée depuis l ' enfance .

« La créativité est la chose du monde la mieux partagée ; l'enfance le prouve. Le propre des gestes ludiques de l'enfant est d'être poésie. L'enfant, dans ses rapports avec les adultes, voit sa créativité condamnée. Imposer les références de la société adulte pour brimer la créativité enfantine aura pour seul mérite de donner à l'enfant un sentiment irréductible de culpabilité à l'égard de toutes les manifestations futures de sa spontanéité. »

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« La répression de l'activité créatrice chez l'enfant par les parents est donc à la fois l'interprète et le premier signe des répressions des activités créatrices par la société. »

( R a p p o r t de la commiss ion « Cu l tu re et Créat ivi té » publ ié en avril 1968 par le Mouvement du 22 m a r s dans son bul le t in 5494.)

Aussi b i en s u r le p lan na t ional que s u r le p lan in ternat ional , aussi b ien a u n iveau des enseignants q u e des enseignés, on

1. Dans une « Libres opinions » publiée dans Le Monde du 23 mars 1978 (dix ans après), Alain TOURAINE écrit : « ... Cette lutte ne fut à aucun moment enfermée dans l'université. En 1976, une grève, plus longue et plus organisée que celle de 1968, avait combattu une réforme de l'ensei- gnement et mis en cause les enseignants. Les étudiants de 1968 et surtout ceux qui déclenchèrent, à Nanterre, le mouvement ne s'intéressaient guère aux problèmes universitaires. Leur action sortit vite de l'université et les attaques contre les enseignants furent très limitées. Daniel Cohn- Bendit, figure centrale du mouvement du 22 mars, s'intéressait à ses études, venait suivre des séminaires à Paris, et m'assura constamment de son appui pour maintenir l'activité du département de sociologie dont j'avais la responsabilité. Il fut tout le contraire d'un étudiant révolté contre ses professeurs. Il était habité par des colères et des espoirs beau- coup plus nobles : venger les militants révolutionnaires écrasés par le stalinisme, libérer et animer de nouvelles forces révolutionnaires, vivre à l'unisson des révolutionnaires du monde entier...

« ... Je viens d'employer trois fois le même mot : révolutionnaire. Peut-être ne l'entend-on plus aujourd'hui aussi facilement qu'il y a dix ans. Il est le seul qui puisse nommer les étudiants du 22 mars. Ils ne cherchaient pas l'expression d'eux-mêmes ; ils n'en appelaient pas au désir contre la société ; ils étaient dans leur société, nationalement et internationalement, et y combattaient en révolutionnaires la classe diri- geante et le pouvoir d'Etat. De là l'extrême importance, en France comme en Allemagne et en Italie et, a fortiori, aux Etats-Unis, de la lutte anti-impérialiste dans la naissance du mouvement étudiant, du combat contre la guerre au Vietnam et de l'exemple cubain ou des souvenirs de la guerre d'Algérie...

«... Une tradition édulcorante ne voudrait retenir de 1968 que l'appel à l'imagination, à la jouissance et à la libération culturelle. Je revois plutôt les étudiants du 22 mars sur les barricades de la rue Gay-Lussac, dans la nuit du 10 au 11 mai, ou encore au premier rang de la manifestation, casque en tête et mouchoir sur le nez, le 24 au soir, rue de Lyon, au moment symbolique où de jeunes ouvriers quittèrent le cortège tout proche de la C.G.T. pour se joindre à celui des étudiants. Pas et tenue de combat, courage physique face à la police, les gens du 22 mars, parmi lesquels plus d'un que je revois aujourd'hui comme chercheur ou enseignant, furent d'abord des combattants d'une lutte sociale. »

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perçoit partout le même souci, la même exigence de notre temps : l'imagination, l'invention, l'initiative, la créativité. Certes, il y a toujours eu des hommes doués d'imagination, mais il semble bien que le x x siècle exige toute l'imagi- nation dont tous les hommes sont capables, à la fois par souci d'efficacité technique et par désir de conserver leur dignité d'homme en face d'un monde de machines et de robots.

Certes, les enseignants n'ont jamais déclaré la guerre ouvertement à l'imagination mais, comme le dit Tardy [69] : « La pédagogie est une entreprise qui valorise la per- ception aux dépens de l'imagination » (p. 27). L'ensei- gnement a subi l'empreinte de la pédagogie herbartienne du x i x siècle.

Au moment même où la créativité est de moins en moins la base de l'éducation, elle devient de par les nécessités du monde moderne de plus en plus essentielle.

Une réanimation est urgente. Les poètes, parce qu'ils sont poètes et qu'ils perçoivent

mieux, plus vite et plus tôt que tout un chacun, s'en étaient depuis longtemps avisés. Mise à la porte de l'école, l'ima- gination entre par la fenêtre.

« Deux et deux quatre Quatre et quatre huit Huit et huit font seize Répétez dit le maître Deux et deux quatre Quatre et quatre huit Huit et huit font seize Mais voilà l'oiseau lyre qui passe dans le ciel

Et l'oiseau lyre joue Et l'enfant chante Et le professeur crie Quand aurez-vous fini de faire le pitre ? Mais tous les autres enfants écoutent la musique Et les murs de la classe

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S ' é c r o u l e n t t r a n q u i l l e m e n t E t l e s v i t r e s r e d e v i e n n e n t s a b l e

L ' e n c r e r e d e v i e n t e a u

L e s p u p i t r e s r e d e v i e n n e n t a r b r e s L a c r a i e r e d e v i e n t f a l a i s e

L e p o r t e - p l u m e r e d e v i e n t o i s e a u . »

(PRÉVERT.)

E t u n a u t r e p o è t e , S a i n t - P o l - R o u x é c r i v a i t :

« L ' i m a g i n a t i o n , c e t t e m o i s s o n a v a n t les s e m a i l l e s . »

E n f i n , o n n e p e u t p a s n e p a s c i t e r c e s n o t e s d e S a i n t -

E x u p é r y [ 6 3 ] :

« E t t o u j o u r s n o u s l e r e t r o u v e r o n s c e t h o m m e q u ' i l f a u d r a b i e n

r é i n s t a l l e r d a n s s e s q u a l i t é s c r é a t r i c e s . I l f a u d r a b i e n u n j o u r s e

d é c i d e r à c o m p t e r s u r la v o l o n t é — s u r la p e n t e i n t é r i e u r e — p l u t ô t

q u e s u r l a r é s o l u t i o n i m p o s s i b l e d ' é q u a t i o n s i n e x t r i c a b l e s . E s t - c e

d i f f i c i l e d e r e n d r e c e p o u v o i r à l ' h o m m e ? C e l a d e m a n d e r a i t - i l

d e s b o u l e v e r s e m e n t s a d m i n i s t r a t i f s q u e c e c h a n g e m e n t d e s y s -

t è m e ? M a i s p r é c i s é m e n t n o n . A u d i a b l e l e s b o u l e v e r s e m e n t s

a d m i n i s t r a t i f s q u i c o u r e n t a p r è s l ' i n s a i s i s s a b l e .

« L a m a c h i n e , p a r f a i t e o u n o n , e l l e f o n c t i o n n e r a s i o n l ' a n i m e .

L e g é n i e c r é a t e u r s e d i s t r i b u e r a d a n s t o u s l e s g r o u p e s . Q u a n d o n

s o l l i c i t e l a c r é a t i o n , l ' h o m m e d e v i e n t c r é a t e u r . S i v o u s d é s i r e z d e s

s c u l p t e u r s , a c c o r d e z - n o u s la f o i e t d e s c a t h é d r a l e s à b â t i r . V o u s

v e r r e z c o m b i e n d e s c u l p t e u r s d o r m a i e n t a u c œ u r d e s p e u p l e s .

M a i s v o u s f o n d e z d e s b o u r s e s d e s c u l p t e u r s p o u r f a v o r i s e r les

s c u l p t e u r s . V o u s f a b r i q u e z des couveuses à s c u l p t e u r s . V o u s c r o y e z

q u ' o n c u l t i v e l ' h o m m e p a r l a q u a l i t é de l a n o u r r i t u r e . O n le c u l t i v e

en s o l l i c i t a n t s a c r é a t i o n . A l o r s il s ' é p a n o u i t , il m u e , il c r è v e l a

c h r y s a l i d e . »

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CHAPITRE II

La créativité : recherches américaines

1. — GÉNÉRALITÉS

Créativité, imagination, découverte, invention... il y a pléthore de mots.

Depuis Kant, on distingue l'imagination reproductrice de l'imagination créatrice, mais on est longtemps resté dans le domaine de la psychologie des facultés.

Bronowski [29] distingue entre découverte, invention et création : Christophe Colomb a découvert l'Amérique, Bell a inventé le téléphone et Shakespeare a créé Othello. Pour lui, un fait est découvert, une théorie est inventée et un chef-d'œuvre est créé.

En fait, si l'on a recours à un mot comme créativité, qui, comme le souligne un psychologue américain, n'appa- raît dans aucun dictionnaire et aucune encyclopédie datant de plus de dix ans, c'est que les explications ont été peu satisfaisantes.

On trouve alors des définitions du mot créativité que l'on peut énumérer ici, mais avec prudence et circonspec- tion, en rappelant ce mot de Butler dès l'abord :

« Définir, c'est entourer d'un mur de mots un terrain vague d'idées. »

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La première édition de cet ouvrage avait suscité des commentaires et des discussions dont il a été fait état dans la deuxième édition sous le titre de « Commentaires et notes critiques ». De fait, il y eut toujours deux interlocuteurs privi- légiés, à savoir Georges Jean et Georges Snyders. Les dis- cussions qui ont eu lieu avec eux ont souvent pris la forme de débats soit à Radio-France, soit à la radio scolaire.

Georges Jean est professeur de linguistique, mais il est aussi et surtout poète ; c'est à ce titre que le texte inclu dans cette troisième édition lui a été demandé : c'est le créateur face à la créativité. Est-il besoin de présenter Georges Snyders? Il est célèbre pour ses ouvrages, en particulier sur la non-directivité. Il a eu l'occasion d'exprimer ici son avis sur la créativité dans une interview qu'il a bien voulu relire et corriger.

On espère que ces apports supplémentaires à tout ce qui a été déjà dit et écrit sur la créativité seront fructueux et intéresseront tous ceux qui s'interrogent sur la créativité en particulier et l'éducation en général.

Alain Beaudot est professeur, chargé de recherches à l'INRP.

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