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N° 33 • Été 2011 Poésie russe Anniversaire Voyages LE FABULEUX DESTIN DE MIKHAËL LERMONTOV GEORGES POMPIDOU AURAIT EU 100 ANS AIX-EN-PROVENCE VILLE D’EAU, DE PIERRE, D’ART Rencontre DAVID DOUILLET : « MA 3 e VIE À L’ASSEMBLÉE NATIONALE » C’est l’été !

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Le Magazine des Français établis hors de France N° 33 - Eté 2011

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N° 33 • Été 2011

Poésie russe

Anniversaire

Voyages

LE FABULEUX DESTINDE MIKHAËL LERMONTOV

GEORGES POMPIDOUAURAIT EU 100 ANS

AIX-EN-PROVENCEVILLE D’EAU, DE PIERRE, D’ART

RencontreDAVID DOUILLET : « MA 3e VIEÀ L’ASSEMBLÉE NATIONALE »

C’est l’été !

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FRANCEMAGAZINE N°33 3 ÉTÉ 2011

Éditeur, Directeur de la Publication, Rédacteur en chefSerge Cyril Vinet

Rédacteur en chef AdjointDidier Assandri

ÉditorialisteThierry Oppikofer

Directeur de la CommunicationVictor Nahum

Directeur du Comité de RédactionBernard Daudier

Edito : Thierry OppikoferPolitique internationale : Antoine FrassetoHumanitaire : Tania Pauli, Beat Von Burg, Andreas ToblerSanté prévention : Jean-Jacques DescampsConjoncture : Marie-Ange AndrieuxRadioscopie : Joanna David-ManginAnniversaire, J’aimerais vous dire, La Voix des Français de l’Étranger,Arts et Découvertes : Serge Cyril VinetDroit bancaire suisse : Patrick BlaserCulture russe : Lydia YagoroffGenève : Christian VellasPeinture : Françoyse KrierMoore vs. Morin, Terroir Romand Morand, Échos de Marcillac,Escale : Alain BarrièreRencontre : Anne-Marie Cattelain-Le DuLe billet de Dany : Dany VinetCarnets de voyage : Kathereen AbhervéLa Cédille : Mathilde SagaireTricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau : Rémy HildebrandChronique littéraire : Dominique OrtizGastronomie : Jean-Jacques Poutrieux

Régie publicitaireDaedalus Publi FM

ImprimeriePCL Presses Centrales SA

Conception graphiqueRaphis

Tirage : 80.000 exemplaires vérifié par attestation notariale

Expatria Cum PatriaAssociation nationale des Français établis hors de France - Loi 1901Président-Fondateur : Serge Cyril VinetVice-Président : Jean-Jacques PoutrieuxSecrétaire Général : Marie-Thérèse Clausen

N° 33 • Été 2011

À quand le printemps cubain ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 04Aussi vermeil que le sang . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 08Un cadeau pour la vie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 12Un geste de routine pourtant peu anodin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 14Neuf Français sur dix concernés par des problèmes de peau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 16Du développement durable vers la valeur durable Mode d’emploi par l’immatériel . . . P. 18Expatria cum patria ou Rencontre avec un éditeur bourlingueur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 20Infos brèves et utiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 22“Aux Marins”. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 24Georges Pompidou aurait eu 100 ans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 26Dr Bernard Zipfel, un Ami nous a quittés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 32« Il n’y a de paix possible qu’après la guerre » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 34« Les idéaux ont de curieuses qualités, entre autres, celle de se transformerbrusquement en absurdité quand on essaie de s’y conformer strictement » . . . . . . . . . P. 36Secret bancaire suisse et fisc français : le fisc français ne peut pas utiliserdes données obtenues frauduleusement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 38Allocution préparée pour la venue de M. Pierre Lellouche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 40Le fabuleux destin de Mikhaïl Lermontov. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 42Pour mieux “voir” Genève. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 52Léonard Gianadda. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 54Hansi, artiste intemporel, aquarelliste et patriote avant tout . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 62Ancien Agent Secret contre Ancien Ministre de la Défense . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 66Du point G aux vergers, le plaisir du Terroir valaisan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 68David Douillet raconte sa troisième vie à l’Assemblée nationale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 70Une petite boîte à musique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 76Aix-en-Provence Ville d’eau, ville de pierre, ville d’art . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 80En passant par le Nord-Ouest argentin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 88Tandem, Buenos Aires et Paris unis par la culture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 90Tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 92“Une femme disparaît” de Jérôme Coignard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 100Petit vignoble, grands crus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 103Porto-Vecchio, cità di Sale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 108Safari et cuisine ne sont pas incompatibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 112

ÉditorialSommaire

Alors que les actuels ou fu-turs candidats à la prési-dentielle de 2012 com-

mencent à se ranger dans lesstalles, que les Anglais redorentle blason de leur famille royale,que M. Obama s’assure une ré-élection par un sacrifice humain

que personne, en Occident, ne regrette, notre Francecontinue à nager dans le petit étang familier du politi-quement correct.Au-delà des grandes nouvelles qui bouleversent lesmises en page des quotidiens - surtout quand elles ontle mauvais goût de survenir à l’heure de l’apéritif de“bouclage”, nosmédias et nos politiciens persistent enleur habitude d’éviter certains sujets, de débaptisercertains phénomènes, de prohiber certains invités. Etlorsqu’un éminent nonagénaire, ancien de la Résis-tance, publie un essai intitulé « Indignez-vous ! », ilremporte un succès de librairie… en enfonçant desportes ouvertes et en nedérangeant personne.Fort heureusement, noussommes en France - onmepardonnera d’inclure cultu-rellement, pour une fois, laSuisse romande dans cepropos - et il existe encoredes gens pour réagir (ne lestraite-t-on pas, d’ailleurs, de “réactionnaires” avantmême de les écouter ou de les lire ?). Au livre précitéde Stéphane Hessel, répond le « J’y crois pas ! » d’uncertain Orimont Bolacre. Qui dénonce les tabous ac-tuels : on ne parle pas d’immigration, on fait semblantde ne pas remarquer la faillite de l’Education nationale,onminimise celle de la Sécurité sociale, on abandonneles principes républicains au nom de l’“ouverture”.Simultanément, grand tollé dans les cercles bien-pen-sants : Robert Ménard, fondateur de Reporters sansfrontières, un homme du sérail, publie un opuscule autitre provocateur : « Vive Le Pen ! ». Juste pour voir. Etil a vu : on le classe désormais, comme Zemmour,comme Elisabeth Lévy, à droite de Mussolini. Maisd’autres, y compris Jean-François Kahn dans Ma-rianne, dénoncent aussi le tabou qui, finalement, fait lelit des extrêmes : on laisse les sujets dérangeantscomme l’insécurité, la communautarisation, la perted’autorité de l’État et l’injustice sociale àMarine le Pen.Reste à savoir si les responsables politiques et média-tiques entendront lemessage et traiteront, sans languede bois, sans eau de rose ni périphrases, de tous lessujets qui préoccupent leurs électeurs. L’espoir n’estpas perdu.�

Thierry Oppikofer

Unsubitespoir

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Politique internationale

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Pourtant, comme dans le cours impétueux d’un torrent, il y a desflaques d’eau où rien ne bouge, certains régimes apparaissentinaccessibles à cemouvement, insensibles à lamarche dumonde,

repliés sur eux-mêmes : pouvoirs immuables et fossilisés. Deux pays il-lustrent cet enfermement et cet immobilisme, deux pays hors du temps :en Asie, la Corée du Nord et son “cher leader”. Au cœur des Amériques,Cuba et son “lider maximo”. Ici et là, des histoires de famille, où l’on sepasse les rênes de père en fils ou au sein de la fratrie. Ici et là, le mêmerêve obstiné d’un avenir bercé par l’utopie communiste. Ici et là, un sem-blable isolement, qui maintient les sociétés dans un air confiné, à l’abridesmiasmes de la consommation, de la pollution véhiculée par internet.Ici et là, un commun désastre économique, où la population paupériséeest au bord de la disette. À Pyongyang, un dirigeant malade s’apprête àpasser le flambeau à son rejeton. À La Havane, un autocrate en fin de viecède les commandes, qu’il détenait depuis un demi-siècle, à son cadetoctogénaire.Dans ce printemps où l’on voit les foules du Moyen-Orient descendredans la rue et se battre au péril de leur vie, allons voir ce qu’il advient ducôté des Caraïbes. Justement, après une pause de 14 ans, le Parti Com-muniste de Cuba vient de tenir son 6e congrès. Le choix des dates, du 16au 19 avril, n’était pas innocent : c’est le 50e anniversaire de la fameuseexpédition de la Baie des Cochons, où, au printemps de 1961, plus d’unmillier d’exilés entraînés par la CIA débarquaient dans l’île dans le butde chasser Fidel Castro du pouvoir, un pouvoir qu’il avait conquis deuxans plus tôt à la pointe du fusil. La Baie des Cochons, un fiasco qui asigné unmoment-clé dans le parcours de la Révolution cubaine, enmar-quant un point de non-retour dans la rupture avec les Etats-Unis : en ri-

poste à la tentative d’invasion, Cuba va finird’exproprier les compagnies américaines ; enreprésailles, Washington décrète un embargocommercial, économique et financier qui pè-sera lourdement sur la situation et sur leschoix du pays. Il va exacerber l’anti-américa-nisme du leader cubain, faire de lui, sur lascène latino-américaine, une manière dehéros, celui qui a résisté à l’impérialisme yan-kee. Puni, étranglé par le grand voisin duNord,il va, dans le contexte de la guerre froide, sejeter dans les bras de l’URSS, offrant à celle-ciune porte d’entrée sur le continent américain.On connaît la suite : pour protéger son nouvelallié contre les menées des Etats-Unis, Mos-cou décide, au printemps de 1962, d’installer àCuba une batterie de missiles à tête nucléairecapables d’atteindre en quelques minutes lesol américain. Trois mois plus tard, l’affaireprendra un tour dramatique, portant à laconfrontation directe entre les deux super-puissances. Il faudra lesmenaces de Kennedyet le prudent recul de Khrouchtchev pour ren-voyer le Docteur Folamour dans les coulissesde l’Histoire.Ainsi, pendant près de trente ans, la quaran-taine imposée à Cuba sera tempérée par le

Àquandleprintempscubain ?

L’ÉCLOSION, AUX PREMIERS JOURS DELA DÉCENNIE, DE LA RÉVOLUTION DUJASMIN, ET LE VENT QU’ELLE A FAITLEVER, PORTANT VERS L’ENSEMBLE DUMONDE ARABE LE FOL ESPOIR D’UNEVIE NOUVELLE, OÙ SE MÊLENTCONFUSÉMENT L’ASPIRATION À LALIBERTÉ, À LA DIGNITÉ ET À LA JUSTICE,CET ÉLAN IMPRÉVU, JUSQU’OÙ VA-T-ILS’ÉTENDRE ? POUR CERTAINS, C’ESTUNE VAGUE PLANÉTAIRE, QUI IRABATTRE JUSQU’AUX PIEDS DE LAGRANDE MURAILLE, NE LAISSERA ÀL’ÉCART, DANS UN FUTURINDÉTERMINÉ, AUCUN DESPOTE,AUCUNE TYRANNIE, AUCUN DES CESPOUVOIRS QUI VEULENT LE BONHEURDES PEUPLES DANS LA SOUMISSION.

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Politique internationale

soutien que lui apporte le grand frère soviétique : fourniture de pétroleà bas prix, achat du sucre à des conditions de faveur, au-dessus descours mondiaux. En même temps, dans le grand jeu d’influence qui sedéploie entre l’Est et l’Ouest enmaintes parties dumonde, Cuba pousseses pions. L’Afrique est son terrain de prédilection ; on y croise ses mé-decins, ses techniciens, mais surtout ses guerilleros, qui viennent ausecours des mouvements de libération en lutte contre les puissancescoloniales. Ils seront plus de 30 000 à se battre en Angola aux côtés duMPLA d’AgostinoNeto contre un adversaire soutenu par l’Afrique du Sud.Mais cette période flamboyante, où le castrisme portait hors de ses fron-tières le souffle de la Révolution anti-impérialiste, va s’achever avec lachute de l’Union Soviétique en 1989. En perdant son puissant allié, Cubas’est trouvé brutalement victime d’un effondrement de son économie,avec une chute de plus d’un tiers du produit national et du revenu par ha-bitant. Durement frappé par l’embargo américain, le régime cubainpayait le prix de son isolement et des choix qu’il avait faits au nom del’idéologie : étatisation de la société, abolition de la propriété privée, col-lectivisation des terres. Il pouvait sans doute se prévaloir d’indéniablesprogrès en matière d’éducation et de santé, as-surant à tous la gratuité des soins et de l’accèsau savoir, avec, pour résultat, le recul de lamor-talité infantile, l’allongement de l’espérance devie, une alphabétisation massive. Mais la dispa-rition des riches ne laissait plus que des pauvres.Seule demeurait, pour éclairer le quotidien d’unepopulation de fonctionnaires privés des libertésessentielles, la puissance du Verbe d’un chefcharismatique, qui prenait, au fil des ans, la fi-gure du patriarche.Orphelin de l’empire soviétique, Cuba va retrou-ver pourtant, quinze ans plus tard, un nouveauprotecteur, et cette fois dans son voisinage, en lapersonne d’Hugo Chavez. En 2005, le bouillantleader vénézuélien enrôlait Cuba dans sa croi-sade contre les Etats-Unis, en l’incluant dans sonAlliance Bolivarienne pour les Amériques,l’ALBA, destinée à faire pièce à l’influence deWashington dans le sous-continent latino-américain. Une étroite coo-pération se nouait entre les deux pays, scellée par une multitude d’ac-cords bilatéraux. Au cœur de ces relations, la fourniture à Cuba depétrole, des livraisons qui s’élèvent aujourd’hui à 100 000 barils/jour. Enéchange de l’or noir, la matière grise : 40 000 cubains opèrent au Vene-zuela, médecins, infirmiers, professeurs, entraîneurs sportifs, techni-ciens agricoles. Au plan politique, Chavez a apporté un soutienenthousiaste à Fidel Castro, l’assurant d’une solidarité entière dans sonface-à-face orageux avec les Etats-Unis. C’est lui qui est accouru au che-vet du vieil homme quand celui-ci est tombémalade. C’est lui encore ré-cemment qui a témoigné de son plein appui à Raul, le successeur, dansses efforts pour redresser une économie en perdition.Victime des choix idéologiques du pouvoir, cette économie continue desouffrir cruellement de l’embargo américain, toujours en place depuisprès de 50 ans, un record historique pour unemesure de ce type. Certes,depuis la rupture des relations entre les deux pays, les tentatives n’ontpas manqué pour renouer le dialogue. Elles ont traversé toutes les pré-sidences à Washington, en particulier celle de Jimmy Carter. L’obstaclemajeur à ces efforts a été l’opposition farouche au régime castriste desdeux millions d’émigrés cubains installés en Floride, qui jouent de leur

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puissance financière et de leur poids électoral.S’ils apportent, par leurs envois de devises auxfamilles restées dans l’île, les remesas, unebouffée d’oxygène, ces émigrés ont longtempscampé dans la résistance à tout rapproche-ment des Etats-Unis avec un pouvoir diabolisé.L’accession à la Maison Blanche de BarackObama a bien laissé filtrer une lueur d’espoiraux partisans d’une normalisation. Des me-sures ont bien été prises en 2009 pour lever lesrestrictions qui frappaient les voyages des exi-lés vers l’île et les transferts d’argent. Maiscette démarche a trouvé ses limites dans lerefus du pouvoir cubain de toute ouverture tou-chant les libertés politiques et l’exercice desdroits de l’homme. Là encore, même si ladeuxième génération d’émigrés est moins in-transigeante que ses aînés, elle demeure

jusqu’ici un puissant écueil sur le chemin de laréconciliation.Les destinées de Cuba étant intimement liéesà la présence et à la personnalité de son leaderhistorique, on a pu croire que la maladie deFidel Castro et son retrait, annoncés en 2006,allaient provoquer de profonds changementsdans la situation du pays ; qu’ils allaient préci-piter une évolution timidement engagée avecle développement du tourisme, premier signed’ouverture au monde extérieur, et l’arrivéeprudente d’investisseurs étrangers. C’étaitsans compter sur les pesanteurs d’un systèmetoujours aux mains de la vieille garde révolu-tionnaire, devenue aujourd’hui une géronto-cratie. Qu’on en juge à l’âge des capitaines !Contraint par sesmédecins et par le sablier du

Un Castro peut en cacher un autre :à droite, Raul, le frère “cadet” (80 ans).

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Politique internationale

temps à céder la barre à 84 ans, Fidel vient deconfier ses derniers pouvoirs (le poste de pre-mier secrétaire du parti communiste) à sonjeune frère Raul âgé de 80 ans, tandis qu’auBureau politique, la moyenne d’âge resteproche de 70 ans. Communiste du premierjour, homme austère, aussi terne que son frèreétait rutilant, méthodique, appliqué, bon orga-nisateur à l’inverse du côté lyrique et brouillondu lidermaximo, Raul aura été pendant 47 ansle chef incontesté de l’armée cubaine. Au-jourd’hui aux commandes, l’ancienministre dela Défense, en qui certains voient un réforma-teur prudent, et en tout cas un réaliste, saura-t-il initier et conduire la transition du pays versune nouvelle ère ? Ses premiers pas soulèventbien des attentes, où l’espoir semêle au doute.La tenue, à la mi-avril, du Congrès du Parti, lepremier depuis 14 ans, a permis de faire lepoint sur les difficultés du pays et sur lesorientations de ses dirigeants. Réaliste, RaulCastro l’aura été dans le diagnostic, celui d’unpays au bord de la banqueroute : « Ou nousrectifions, ou nous coulons » a-t-il déclaré.

Rectifier, cela relève d’un exercice d’équilibredélicat et périlleux. Il s’agit d’entrer à pascomptés dans l’économie demarché sans rienrenier du socialisme, de « changer de menta-lité », tout en empêchant le retour au capita-lisme. Pour aller dans ce sens, le Congrès aretenu quelque 300 mesures qui visent à uneprivatisation partielle des moyens de produc-tion et façonnent une économie mixte. D’uncôté l’armée, qui exerce déjà une forte emprisesur l’économie, gardera lamain sur les grandssecteurs porteurs d’avenir : le tourisme, quel’on voudrait fairemonter en gamme (dans l’at-tente des touristes américains qui finiront bienpar revenir), bientôt le pétrole grâce aux richesgisements off-shore que l’on a commencé àexplorer avec l’assistance des Vénézuéliens.Quant au reste de l’économie, elle sera désor-

mais ouverte à l’entreprise privée, où devraient s’engouffrer, non sansrisques, 1,3 million de fonctionnaires (le quart d’une population vouéedepuis des décennies à travailler pour l’État), Cet effectif, jugé excéden-taire et qui sera mis à pied d’ici à deux ans, devra se reconvertir dansune série de professions, qui vont de la pizzeria à des métiers improba-bles tels que la recharge de briquets ou la danse costumée pour tou-ristes. Cette mesure, une révolution sociologique, vise à panser lesplaies des finances publiques : l’État va se débarrasser de serviteursinutiles et prélever sa dîme sur ces nouveaux entrepreneurs qui devrontacquérir une licence et payer une patente.Dans ce nouveau paysage dont les contours sont encore incertains, un

trait n’échappe pas auregard : c’est l’absenced’ouverture politique.En dépit de quelquesgestes (la libération deprisonniers politiquesle plus souventcontraints à l’exil), lerégime maintient sesentraves aux libertésfondamentales : li-berté d’expression,d’association, de réu-nion, de circulationsont étouffées ouétroitement contrô-lées. Il en est demêmede l’accès à l’informa-tion, qu’il s’agisse destélévisions étrangèresou d’internet, limité àde rares points d’en-trée et soumis à destarifs prohibitifs. Lesdissidents, tenus pourde dangereux aso-ciaux, sont enferméspar une justice sou-

mise au pouvoir. Sur un horizon ainsi barré, on n’imagine guère au-jourd’hui l’éclosion d’un printemps cubain. Outre le poids du systèmesécuritaire, il y a peut-être ici des données spécifiques : l’inertie d’unesociété qui vit depuis un demi-siècle dans l’as-sistanat, mais aussi le respect et l’affection dontcontinuent de jouir les pères de la Révolution, etd’abord Fidel Castro, dirigeant charismatiqueentre tous, que l’âge et lamaladie ont rendu plusvulnérable et, en un sens, plus humain. Il estpour beaucoup celui qui a rendu au pays son in-dépendance et sa fierté.L’avenir de Cuba semble dépendre aujourd’huide deux éléments : une relève de génération à ladisparition des vieux caciques qui emporterontavec eux un pan de l’histoire du pays, et l’attitudedes États-Unis qui commande, pour une largepart, le sauvetage de l’économie avec la levée del’embargo et le retour des émigrés.�

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Antoine Frasseto

[email protected]

ANCIEN AMBASSADEURDE FRANCE ET CONSULGÉNÉRAL DE FRANCE

À GENÈVE

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Aussivermeil« OH ! SI JE POUVAIS AVOIR UN ENFANTAUSSI BLANC QUE LA NEIGE, AUSSIVERMEIL QUE LE SANG ET AUSSI NOIR DECHEVEUX QUE L’ÉBÈNE DE CETTEFENÊTRE ! », SONGEAIT LA REINE. TROISPETITES GOUTTES DE SANG SUR LA NEIGEDANS UN CADRE DE BOIS D’ÉBÈNESYMBOLISENT LA BEAUTÉ SINGULIÈRE DEBLANCHE-NEIGE DANS LE CONTE DESFRÈRES GRIMM. DEPUIS LA NUIT DESTEMPS, LE PRÉCIEUX LIQUIDE EST SOURCED’INSPIRATION, DE FASCINATION OU DERÉPULSION. DÉJÀ À L’ANTIQUITÉ, ONPRESSENTAIT SON INTÉRÊT MÉDICAL. MAISIL A FALLU DES SIÈCLES POUR PARVENIR ÀRÉALISER EN TOUTE SÉCURITÉ DESTRANSFUSIONS SANGUINES QUI PUISSENTSAUVER DES VIES.

que lesangÉPOPÉE DE LATRANSFUSIONSANGUINE

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Humanitaire

Leshommes ont toujours su que le sangétait un fluide vital et se sont, dès lors,adonnés à des pratiques effroyables et

des expériences cruelles. On procédait à dessacrifices humains pour s'attirer la bienveil-lance des dieux ou pour utiliser le liquidevermeil comme “remède”. En 1492, les mé-decins firent boire le sang de trois garçonsde 10 ans au pape Innocent III sur son lit demort, tentative qui se solda par le décès desenfants et celui du souverain pontife. Cetexemple montre que le fluide était d'abordconsidéré comme une substance thérapeu-tique et rajeunissante.

Recherches et expériences farfeluesEn 1628, le médecin anglais William Harveyposa un jalon dans l'histoire de la médecineen décrivant la circulation sanguine. Sa dé-couverte sans précédent inspira RichardLower qui pratiqua en 1666 en Angleterre lapremière transfusion réussie entre deschiens. Dans les décennies qui suivirent, lesexpériences les plus farfelues furent réali-sées - injections de bière, de vin, de mer-cure, etc. - avec des conséquences souventmortelles. Du sang demouton fut administréaux criminels afin de les rendre doux commedes agneaux. Comme on peut l'imaginer, lestransfusions de sang animal à l'être humainéchouèrent pour la plupart et firent de nom-breuses victimes, ce qui mena à leur inter-diction dans maints pays.Au début du XIXe siècle, le médecin anglaisJames Blundell procéda à la premièretransfusion sanguine d'homme à homme.Sa méthode, très rudimentaire, consistait àinciser l'artère du donneur, à recueillir sonsang dans un récipient puis à le faire coulerpar un tuyau dans la veine du receveur. Ellene fut que rarement couronnée de succès dufait de la coagulation du sang avant son in-troduction dans l'organisme du patient.Pendant longtemps, les transfusions san-guines furent considérées comme des pra-tiques risquées puisque moins de la moitiédes receveurs y survivaient. L'on ignoraitpourquoi il en était ainsi.

Travail de pionnier et solution de l'énigmeCe n'est qu'au début du XXe siècle que la dé-couverte des groupes sanguins par KarlLandsteiner permit de comprendre la raisonde ces échecs. Lemédecin viennois démon-tra en 1901 qu'il existait différents groupessanguins et définit, huit ans plus tard, leclassement A, B, O et AB encore utilisé au-

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Nécessitéd’expérimenter

oblige, on atransfusé du sang

animal à l’êtrehumain.

KarlLandsteiner,

lauréat du prixNobel de

médecine en 1930.

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Humanitaire

discipline, l'immunohématologie.En 1914, la découverte que le citrate de so-dium empêchait le sang de coaguler à l'ex-térieur du corps marqua une avancée dansla conservation du précieux fluide. L'annéesuivante, on assista à la première transfu-sion réussie de sang conditionné dans desflacons de verre. Et en 1921, le premier ser-vice de transfusion sanguine fut fondé à Lon-dres grâce à la contribution de donneursvolontaires et non rémunérés et au rôlepionnier de la Croix-Rouge. La divisionChamberville de la Croix-Rouge britanniqueà Londres reçut un appel du King's CollegeHospital, qui recherchait urgemment unepersonne disposée à donner son sang à unpatient gravementmalade. Percy Oliver, se-crétaire bénévole de la division, et six autrescollaborateurs offrirent spontanément leurconcours. L'un d'eux était heureusement dubon groupe sanguin.Afin de mieux anticiper de tels cas de figureà l'avenir, Percy Oliver fonda le premier ser-vice de transfusion sanguine et y fixa déjàalors la condition que le don de sang devaitse faire sur une base volontaire et ne pouvaitêtre rémunéré.

Mythes et médecineDes transfusions sanguines furent réaliséespour la première fois à large échelle durantla guerre civile espagnole et la SecondeGuerre mondiale. Dans les années 1950, leflacon en verre fut remplacé par la poche enplastique, récipient encore utilisé actuelle-ment et qui présente de nombreux avan-tages. Le sang conservé peut, depuis lors,être fractionné en ses différentes compo-santes dans des conditions stériles. Ainsi, ledonneur a l'assurance que sa contributionsera utilisée au mieux, puisqu'une unité desang total permet de générer maints pro-duits de grande valeur thérapeutique et doncd'aider plusieurs patients.Les transfusions sanguines sont considé-rées aujourd 'hui comme sûres et sauventquotidiennement des vies humaines. Ce quin'empêche pas les mythes de continuer àhanter l'imaginaire contemporain, loin detoute réalité scientifique.Les vampires assoiffés de sang font grimperles ventes de livres, remplissent les sallesde cinéma et s'érigent en héros dans les sé-ries télévisées. Le sang n'en a décidémentpas fini de fasciner et d'inspirer tant lesconteurs que les scientifiques.�

TANIA PAULI

Depuis lesannées 1950,les produits

sanguins sontconservésdans despoches enplastique.

Aujourd’hui, seuldu matériel stérileà usage unique est

utilisé pour lesprélèvements.

jourd'hui, ce qui lui valut le Prix Nobel demédecine en 1930. Sa carrière de chercheurn'avait pourtant pas encore atteint son apo-gée. Ses hypothèses sur la nature des anti-gènes et des anticorps posèrent lesfondements théoriques de la vaccinationcontre la poliomyélite et, en 1940, il décou-vrit, avec d'autres savants, le facteur Rhé-sus. Ces percées scientifiques contribuèrentà améliorer la sécurité des transfusionssanguines et ouvrirent la voie à une nouvelle

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Humanitaire

Lanaissance de mon premier enfant aété suivie de complications : du faitd'adhérences à la paroi utérine, le pla-

centa ne pouvait être expulsé. A l'hôpital,comme les efforts de la sage-femme pourprovoquer son décollement restaient vains,j'ai été transportée au bloc opératoire etmise sous anesthésie générale. A ce mo-ment-là, j'avais déjà perdu beaucoup desang. Aussi m'a-t-on transfusé deux culotsglobulaires. » C'est par ces mots que Si-mone R., une Bernoise de 28 ans, résume cequ'elle a vécu à l'été 2006. Même si, au-jourd'hui, mère et enfant se portent bien, lestress consécutif à cet accouchement laisseun souvenir durable.

1200 prélèvements de sang nécessaireschaque jourSimone R. est loin d'être un cas isolé. Pasmoins de 1200 culots globulaires sont né-cessaires chaque jour pour secourir desma-lades et des accidentés, dont la surviedépend souvent d'une transfusion.Si un ou deux culots suffisent à la plupart

d'entre eux, il en faut parfois plus : une opé-ration cardiaque requiert ainsi générale-ment trois à cinq unités, et jusqu'à 60, voiredavantage, peuvent être administrées lorsde polytraumatisme compliqué.La mission première du Service de transfu-sion sanguine CRS consiste à approvision-ner en permanence les hôpitaux en produitssanguins de façon à ce que les établisse-ments puissent faire face à de telles ur-gences. Le sang est une matière tellementcomplexe qu'on ne sait toujours pas le fabri-quer artificiellement.Toute personne bien portante, âgée de 18 à65 ans et satisfaisant aux critères d'aptitude,peut donner de son sang.

Dix minutes sans douleurLe don du sang estmoins contraignant qu'onne le pense souvent. L'acte lui-même duredix minutes. Si l'on y ajoute la préparation,le repos suivant le prélèvement et la colla-tion, le donneur doit prévoir en tout quelque45 minutes. Le don du sang n'est pas nonplus douloureux. La petite piqûre dans la

FRANCEMAGAZINE N°33 12 ÉTÉ 2011www.expatria-cum-patria.ch

CHAQUE JOUR, DESMALADES ET DESACCIDENTÉS ONTBESOIN D’UNETRANSFUSIONSANGUINE. LEURSURVIE DÉPEND DE LADISPOSITION D’AUTRESPERSONNES ÀDONNER DE LEURSANG DE FAÇONVOLONTAIRE ET NONRÉMUNÉRÉE. LESERVICE DETRANSFUSIONSANGUINE DE LACROIX-ROUGE SUISSE(CRS) VEILLE À UNAPPROVISIONNEMENTSUFFISANT ET SÛR ENPRODUITS SANGUINS.

Une opérationcardiaque requierttrois à cinq unitésde sang. En cas depolytraumatismecompliqué, cettequantité peut êtreplus que décuplée.

”“

Uncadeaupour la vie

Simone R. a eu besoin d’une transfusion après la naissance de son enfant.

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FRANCEMAGAZINE N°33 13 ÉTÉ 2011

Humanitaire

veine est à peine perceptible et le prélève-ment de près d'un demi-litre est indolore.

Que se passe-t-il après le prélèvement ?Les transfusions de sang total sont deve-nues rares. En principe, le patient ne reçoitque les composantes du sang dont il a ur-gemment besoin du fait de son état ou de samaladie.Grâce à des opérations de centrifugation oude filtration, différents produits peuvent êtreobtenus à partir du sang prélevé : concentréglobulaire, plaquettes et plasma. Les glo-bules blancs, auxquels se lient souvent desagents infectieux, sont détruits.La transfusion comportant un risque detransmission de maladies graves, une re-cherche de pathogènes tels que VIH, VHB,VHC, etc. est simultanément effectuée surchaque prélèvement. Qui reçoit le sang d'unautre peut avoir l'assurance que toutes lesmesures ont été prises pour éliminer cerisque infectieux. À cet égard, le donneur estinvesti d'une grande responsabilité : malgrél'existence de tests de dépistage ultra-sen-sibles, le VIH par exemple ne peut être dé-celé que dans un délai de 14 jours aprèsl'infection. Aussi, les candidats au don doi-vent-ils fournir des réponses fiables à toutesles questions qui leur sont posées.

Pourquoi le don du sang n'est-il pasrémunéré ?Le principe de la non-rémunération s'inscritdans l'intérêt des donneurs comme danscelui des receveurs. Des études internatio-nales montrent qu'il est l'un des meilleursgages de l'innocuité du sang.Si son geste n'est pas dicté par l'appât d'ungain financier, le candidat au don est plussusceptible de remplir le questionnaire entoute bonne foi. Il ne serait pas non plus dé-fendable du point de vue éthique que des pu-blics en proie à la précarité recourent au dondu sang comme à un moyen de se sortird'une mauvaise passe financière.Dans un souci de sécurité également, il im-porte que la démarche soit volontaire : unepersonne qui se sent contrainte - ne serait-ce qu'indirectement, par exemple sous lapression de ses collègues de travail - à don-ner de son sang estmoins encline à déclarerun comportement à risque. Aussi, tous lesServices de transfusion sanguine de laCroix-Rouge appliquent-ils le principe dudon volontaire et non rémunéré.�

BEAT VON BURG - PHOTOS : MICHAEL STAHL

Cellules souches hématopoïétiques, un don particulierEn Suisse, 800 nouveaux cas de leucémie sont diagnostiqués chaqueannée. Le seul espoir des malades repose souvent sur une greffe decellules souches hématopoïétiques. Or, pour qu'ils puissent enbénéficier, un donneur compatible doit être identifié dans un registremondial. En Suisse, la gestion du registre national incombe auService de transfusion sanguine CRS et à ses antennes régionales. Ladétermination du groupe tissulaire se fait en laboratoire au moyend'un procédé complexe et coûteux. La Fondation suisse Cellulessouches du sang fait appel à la générosité du public pour financercette opération, dont le coût atteint 300 CHF par échantillon. Sacertification par la ZEWO est le gage d'une affectation conscien-cieuse des dons recueillis.

À propos

Indolore, le prélèvement lui-même ne dure que dix minutes.

Recueil d’échantillonsen laboratoire.

La high-tech auservice du dépistage.

Dans le monde entier,seul le don volontaire etnon rémunéré est admis à

la Croix-Rouge.

”“

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C’EST UN GESTE PRATIQUÉ MAINTES FOIS CHAQUE JOUR DANS LA PLUPART DES HÔPITAUX - ET PLUSD’UN MILLIER DE FOIS QUOTIDIENNEMENT DANS TOUTE LA SUISSE : DANS LE CADRE DE LA PRISE ENCHARGE D’UNE MALADIE OU D’UN ACCIDENT, UN MÉDECIN DÉCIDE D’ADMINISTRER UN PRODUITSANGUIN AU PATIENT, QUI REÇOIT AINSI LE SANG D’UN AUTRE.

Ungestede routine,pourtantpeuanodin

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FRANCEMAGAZINE N°33 15 ÉTÉ 2011

Humanitaire

Une pratique ancrée de longue datedans le quotidien hospitalier qui n'arien de sensationnel ni n'occasionne

de problèmesmajeurs. Bien sûr, il faut veil-ler à la compatibilité des groupes sanguinset au facteur Rhésus. Bien sûr, les produitssanguins doivent être soumis à toute unebatterie de tests de dépistage. Pourtant, latransfusion est un geste de routine, aumême titre que la réfection d'un pansementou l'administration d'un médicament.Pourquoi alors consacrer du temps et uneréflexion à une pratique aussi banale ? Parcequ'il n'empêche qu'elle ne va pas de soi.Parce qu'entre la décision de recourir à unetransfusion et samise enœuvre, nombre deconditions en amont doivent être réunies.D'abord, ce geste constitue un défi logistiquepour le Service de transfusion sanguine dela CRS : d'une part, les produits sanguins ontune durée de vie limitée et, de l'autre, la dé-cision de pratiquer une transfusion inter-vient souvent dans l'urgence. Il arrive qu'unmême patient ait besoin à très court terme

de dix poches de sang ou plus - un accidentégrave jusqu'à 50 !Mais, plus important encore, le sang n'estpas un produit au sens habituel du terme : iln'est pas disponible dans les rayons de ma-gasins spécialisés. A l'origine de chaquepoche de sang administrée à un patient, il ya une démarche : celle d'une personne qui adonné une partie d'elle-même de façon vo-lontaire et non rémunérée.A l'origine de chacune de ces poches desang, il y a une personne qui a pensé à d'au-tres qu'à elle-même, qui a servi d'autres in-térêts que les siens propres. Une personnesolidaire des malades et des accidentés. Undonneur conscient de l'importance vitaled'un geste irremplaçable. Car, à ce jour, leprécieux liquide ne peut être fabriqué artifi-ciellement.Aussi, pour banal que soit le recours à latransfusion et pour nombreuses que soientles ressources de la médecine de pointe,n'est-il pas inutile de rappeler ces quelquesfaits essentiels.�

L’administrationde produits san-

guins, un geste deroutine à l’hôpital.

L’histoire du patient est aussi spécifiqueque celle de chaque don de sang.

Chaque unitéprovient d’unepersonne qui a

donné son sang defaçon volontaire etnon rémunérée.

”“

DEPUIS 2003DIRECTEUR MÉDICAL ET

SUPPLÉANT DUPRÉSIDENT DE LADIRECTION DEL’HÔPITAL DEL’ÎLE/HÔPITAL

UNIVERSITAIRE DEBERNE, IL EST ENOUTRE PROFESSEUR

ORDINAIRE DEMÉDECINE INTERNESPÉCIALISÉ EN

HÉMATOLOGIE À LAFACULTÉ DE MÉDECINEDE L’UNIVERSITÉ DEBERNE, DONT IL ESTMEMBRE DE LADIRECTION.

Pr Andreas Tobler

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gênantes est fortement remise en cause par cette enquête qui montrebien l’importance du coût social et du retentissement psychique engen-drés par ces dermatologiques qui gagnent du terrain, que ce soit dansles pays pauvres ou dans les pays riches », a conclu le Pr Louis Duber-tret. La peau est un organe complexe, c’est une enveloppe de recouvre-ment qui protège l’individu. Elle est indispensable à la vie comme entémoigne par exemple la mort des grands brûlés.

LA PEAU, CETTE INCONNUELa peau a un rôle de perceptionElle est le siège de terminaisons nerveuses directes qui ressentent lefroid, la chaleur, le tact, la douleur, le prurit.La peau a un rôle de défenseElle nous protège de toutes les atteintes nuisi-bles dumilieu extérieur. Ce rôle de parapluie estassuré principalement par la couche cornée bienqu’elle soit constituée seulement de cellulesmortes.Elle nous protège contre les rayons solairesAinsi, le vacancier qui, en moyenne, ne peut audébut supporter le soleil que pendant quelquesdizaines de minutes peut, quelques jours après,rester toute la journée sur la plage.La peau nous protège contre tous lestraumatismesGrâce à l’élasticité du tissu graisseux.La peau joue un rôle d’éliminationPar la sueur, le sébum, les poils et les cellulesqui desquament la peau. Elle élimine de nom-breuses substances.La peau joue un rôle d’échange thermiqueLa peau est un organe privilégié des allergies etplus particulièrement de l’eczéma.

FRANCEMAGAZINE N°33 16 ÉTÉ 2011

Santéprévention

Arrêts de travailSur les 18 000 personnes ayant renvoyé lequestionnaire, 87% ont déclaré avoir souffertd’un problème dermatologique depuis leurnaissance et 43% dans les vingt-quatre der-niers mois. Les pathologies les plus fréquem-ment invoquées sont l’acné (25% despersonnes interrogées) suivie par l’herpès(19%), les verrues (19%), les mycoses (18,5%)et l’eczéma (18%), dont la fréquence chez lesenfants est impressionnante. Viennent ensuitele psoriasis, allégué par 8,3% des individus,alors qu’il est habituellement considérécomme touchant de 2 à 5% de la population,l’allergie aux médicaments, mentionnée dans7,6% des cas, et l’érysipèle (0,8%).Certains des résultats de l’enquête sont par-fois surprenants et remettent en question desidées reçues, a commenté le Pr Jean Revuz(hôpital Henri-Mondor, de Créteil), lors de laconférence de presse : l’acné, notamment,n’est pas réservée aux adolescents, puisque20% des femmes et près de 14% des hommesde 35 à 54 ans déclarent en souffrir. Demême,l’herpès est beaucoup plus fréquent qu’on nepourrait le croire et augmente avec l’âge : plusdu quart de la population adulte y estconfronté. Egalement en constante augmenta-tion, le psoriasis, très invalidant dans sesformes les plus sévères : sa fréquence aug-mente significativement avec l’âge, pour at-teindre 21% des hommes et 10% des femmesde 75 ans et plus. « L’idée selon laquelle les“maladies de peau” ne sont pas graves et pas

www.expatria-cum-patria.ch

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FRANCEMAGAZINE N°33 17 ÉTÉ 2011

Santéprévention

UNE PEAU SANS PROBLEMESGRACE AUX PLANTES ET AUXPRODUITS DE LA RUCHEDeux fois par an, pendant dix jours, boire unlitre de décoction que vous préparerez de lafaçon suivante :• Rajouter dans un litre d’eau froide trois pin-cées de rhizome de chiendent bio

• Faire cuire pendant trois minutes• Filtrer• Rajouter dans ce litre de décoction• 30 gouttes d’actiplante de bardane• 30 gouttes d’actiplante de propolis• 30 gouttes d’actilplante d’ortie• Boire chaud ou froid durant la journéeUn traitement d’entretien une fois tous les dixjours est recommandé et souhaitable.En usage externe, l’huile d’argan 100% pure etbio (certifiée écocert) est, sans conteste, lemeilleur produit et le plus économique.“La Bourrache peut dire et c’est la véritéJe soulage le cœur j’enfante la gaité”Cette plante, originaire de Syrie, offre une richegamme d’utilisation, puisqu’on utilise sesfeuilles, ses fleurs et sa tige, et que l’huile debourrache compte parmi les plus presti-gieuses pour notre santé.Le mot bourrache est tiré du mot arabe “abourach”. Bien qu’elle soit originaire d’Asie mi-neure, elle est répandue en Afrique du Nord(surtout au Maroc) et en Europe centrale.L’huile de bourrache est riche en acide gras-li-nolénique. Les acides gras existent, certes,dans la plupart des huiles végétales, telles queles huiles de tournesol, de soja, de sésamecarthame. Toutefois, la bourrache est la seuleplante qui contient autant d’acides gamma-li-noléniques.Si notre organisme sait parfaitement fabriquerdes corps gras à partir des hydrates de car-bone, il ne sait, en revanche, pas constituer desacides gras essentiels. Notre alimentationquotidienne devrait fournir à notre organismeles acides linoléniques et les acides alpha-li-noléniques. Seulement voilà, en avons-nousassez ?Il est un fait que nos ancêtres avaientmoins demaladies cardio-vasculaires et ne connais-saient pratiquement pas les polyarthrites. En

fait, les graisses jouent trois rôles éminents :• Elles fournissent de l’énergie.• Elles entrent dans la constitution des membranes cellulaires.• Elles sont des messages cellulaires contrôlant non seulement lesréactions chimiques, la division cellulaire, l’hémostase, la pression ar-térielle, mais encore les réactions immunitaires et inflammatoires.

C’est dire leur importance et c’est aussi prendre conscience combiencet apport est indispensable.L’huile de bourrache empêche l’encrassement de l’organisme. Elle em-pêche aussi que le cholestérol et les triglycérides se déposent sur lesparois des artères ou sur les coronaires.Les propriétés de l’acide gamma-linolénique contenu dans l’huile deBourrache, ses principales indications thérapeutiques :Phlébologie : Phlébite, artérite des membres inférieurs, hémorroïdes,varices,mauvaise circulation, gerçures, engelures,maladie de Raynaud.Cardiologie : Angine de poitrine, infarctus, cœur sénile.Gynécologie : L’huile de Bourrache réussit très bien dans le traitementde la plupart des troubles menstruels.L’indication majeure est le syndrome prémenstruel : Règles doulou-reuses, jambes lourdes, seins gonflés et douloureux, nervosité extrême,peau sèche, douleurs au bas du ventre.L’huile de Bourrache est efficace également dans les règles irrégulières,trop courtes ou trop longues et même dans les aménorrhées.Dermatologie : Plusieurs expériences cliniques réalisées en France(Montpellier et Toulouse) ont démontré les fantastiques propriétés del’acide gamma-linolénique dans le traitement de l’eczéma.L’huile de Bourrache apparaît commeune thérapeutique privilégiée dans

le traitement despeaux sèches, et despeaux dévitalisées.Elle est également leplus efficace antiridesconnu à ce jour.Système nerveux :Angoisse, stress, spas-mophilie, insomnies,tachycardie, ulcère,gastrite, colite.Impuissance mascu-line : Il est bon de rap-peler que tout lesystème hormonalmasculin est en rela-tion directe avec lemétabolisme des li-pides et des acidesgras essentiels. Latestostérone, pour neciter que cette hor-mone, est un métabo-lite lipidique.�

Une cure d’un mois deux fois par an à raison d’une gélule midi etsoir puis continuer une gélule tous les matins en traitement d’entre-tien. Pas de contre-indications connues.

Posologie recommandée

Ramassage des rhizomes dechiendent bio au Jardin de Jacky(www.lejardindejacky.ch). Les

propriétés dépuratives du rhizome dechiendent bio sont incontestables.Nous en avons longuement parlé

dans un numéro précédent de FranceMagazine. La fiche technique est

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FRANCEMAGAZINE N°33 18 ÉTÉ 2011www.expatria-cum-patria.ch

Conjoncture

Un périmètre d’interférences fortesexiste dans l’entreprise entre les do-maines du développement durable et

du capital immatériel. Le premier reposeglobalement sur trois grands piliers : écono-mique, social et environnemental. Le secondse fonde sur trois composantes largementproches: le capital structurel interne, le ca-pital humain et le capital relationnel externe.La connexité s’établit aussi au travers d’unefinalité commune de durabilité. Car unestratégie de l’immatériel1 s’inscrit très clai-rement dans une combinaison appropriéed’actifs incorporels au service d’un modèleentrepreneurial équilibré qui se veut délivrerde la croissance, de la performance et de lavaleur sur le court et long terme.

Intégrer l’entreprisedans l’environnement

Dans l’économie du XXIe siècle, les sociétésévoluent de façon croissante dans un “openbusinessmodel”, où leur valeur se construitpour beaucoup à l’extérieur, car en forte in-terdépendance avec les parties prenantesde leur écosystème. Les “consomm-ac-teurs”, de plus en plus pro actifs, n’achètentplus uniquement des produits ou servicesmais des solutions complexes à des besoinsfortement immatériels car passés de l’“avoirplus” au “vivre mieux et autrement”. Poursatisfaire une relation nécessairement deconfiance, voire d’intimité avec l’entreprise,les clients exigent désormais des valeursau-delà des marques. Actifs stratégiquesessentiels dans cet échange, notoriété,image, réputation de l’entreprise évoluent entemps réel dans les réseaux sociaux, pro-

fessionnels et des communautés virtuellesmultiples du niveau le plus global (marchésfinanciers) au plus local (hub de consomma-teurs sur des “niches”). Dès lors, l’enjeuconsiste à mettre en place une dynamiquedes comportements professionnels deséquipes en ligne avec la stratégie de déve-loppement et porteurs des valeurs de l’en-treprise, aptes à construire avec ces cerclesenvironnementaux une relation active et pé-renne, génératrice d’attractivité, et donccréatrice de valeur : les valeurs créent la va-leur. Transformer ainsi le capital humain enfacteur de croissance et de compétitivitésuppose une posture des acteurs écono-miques acceptant que le pouvoir ne soit plusdans l’avoir mais dans le partage. Dans lesannées à venir, l’innovation, diversifiée defaçon croissante dans des territoires nontechnologiques d’usage pour répondre à cesbesoins immatériels, devra être recherchéeautant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’en-treprise. Cela signifie opérationnellementque les entreprises et les clients créent l’of-fre ensemble et s’enrichissent ainsi mutuel-lement : le partage crée la valeur. C’estparticulièrement efficace dans le domainedes services : capter l’innovation externe fa-vorise un relationnel durable et fidélisant,avantage compétitif exceptionnel à l’heureoù clients et partenaires peuvent être extrê-mement volatils. Au sein des organisations,il s’agit de favoriser l’ingénierie de collabo-ration et les plateformes d’intelligence col-lective par projets pour partager lesconnaissances, les savoir-faire, les bonnespratiques, également facteurs de dévelop-pement de l’innovation interne. Ce partagedevrait aussi être financier. Ne faut-il pas

Actifs stratégiquesessentiels dans cetéchange, notoriété,image, réputationde l’entreprise

évoluent en tempsréel dans les

réseaux sociaux,professionnels etdes communautés

virtuelles multiplesdu niveau le plus

global au plus local.

“Moded’emploi par l’immatériel

vers lavaleurdurableDudéveloppementdurable

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FRANCEMAGAZINE N°33 19 ÉTÉ 2011

Conjoncture

réfléchir à des systèmes demotivation et derémunération comprenant une part variableassise sur des critères de performancesextra financiers traduisant une contributionà la création de valeur durable ?

Intégrer l’environnementdans l’entreprise

Par quelles pratiques opérationnelles inté-grer les parties prenantes dans la stratégiede management ? La valeur de l’entreprisese construit avec des partenaires très variésqui n’ont pas forcément lemême impact surl’entreprise ou lemême niveau de légitimité.Chaque entreprise doit dès lors cartogra-phier et hiérarchiser ses parties prenantesen évaluant leur importance relative pour lamise en œuvre des objectifs stratégiques. Ils’agit ensuite d’analyser, avec des critèresadaptés, la nature de ces interrelations etleur impact sur la performance de l’entre-prise. C’est ce que nous appelons le mana-gement des parties prenantes. L’enjeu pourl’entreprise est ensuite de valoriser ce capi-tal relationnel, à la fois dans le temps etdans l’espace car ces interactions se fontdans des durées diverses et à tous les ni-veaux de l’organisation : c’est le manage-ment par les parties prenantes. Ce pland’action sera un levier de valorisation desautres actifs immatériels, notamment le ca-pital humain. Cela passe par exemple pardesmesures de sensibilisation et de forma-tion des salariés au relationnel avec les par-ties prenantes (en tout premier lieu, lesclients et les fournisseurs). Au-delà du sa-voir-faire, les salariés dans leur savoir-êtreseront les générateurs de valeur de l’entre-prise, en développant un actif majeur : laconfiance des partenaires opérationnels oufinanciers.Les actifs immatériels, en tant que leviers dedéveloppement durable, doivent être inté-grés dans la gouvernance institutionnelle etopérationnelle. Ils doivent ainsi s’inscriredans l’agenda du conseil d’administration etde ses comités, tout particulièrement quantaux débats sur les opérations stratégiquesde croissance interne (grands projets) et ex-terne (fusions, acquisitions, alliances). Ilsdevraient devenir un des facteurs décision-nels connu et reconnu dans le managementde l’entreprise : politique d’investissementset de financement (allocation optimale entrematériel et immatériel), analyse de perfor-mance (indicateurs extra financiers spéci-

fiques dans les tableaux de bord de gestion),risk management (car il existe aussi despassifs immatériels !).

Intégrer la communicationde l’entreprise ?

In fine, la démarche doit également trouverplace dans la communication externe. Maisattention : on ne parle pas ici de l’informa-tion à caractère comptable qui obéit à desnormes nationales et internationales. Enharmonisant avec les publications existantessur le développement durable, il s’agit plutôtd’enrichir la communication financière etextra financière d’indicateurs susceptiblesde convaincre lesmarchés de valoriser cettestratégie de développement durable parl’immatériel. Des référentiels existent déjàau niveau européen (Rapport Meritum ouRi-cardis par exemple) ou français : le Conseilsupérieur de l’Ordre des experts-compta-bles a ainsi pris l’initiative de diffuser un ta-bleau de bord de l’immatériel de la PME2.Bien entendu, cette communication doit res-ter sélective pour respecter le secret des af-faires et s’inscrit à terme dans la perspectived’un “integrated reporting3” ou du “one re-port” visant à donner une image globale dela performance de l’entreprise financière etnon financière.C’est ainsi que le supplément de croissance,mais de croissance durable, imposé parl’après-crise comme les enjeux à venir, trou-vera sa source dans une compétitivité quali-tative par l’immatériel. �

[email protected]

DIRECTEUR DESPARTENARIATSDELOITTE,

CO PRÉSIDENTDE LA COMMISSIONGPS INNOVATIONET IMMATÉRIEL

Marie-AngeAndrieux

1 Voir France Magazine du n° 27 au n° 30 « Actifsimmatériels, leviers de croissance – 35 proposi-tions pour une valeur durable » - CommissionGPS Innovation & Immatériel, co présidée parl’auteur / Tribune Sciences Po de l’immatériel(disponible sur easybourse.com), dirigée par l’au-teur.

2 Disponible sur son site [email protected]. Pour qualifier les trois piliers du ca-pital immatériel, il recense douze critèresd’analysemesurés par une quarantaine d’indica-teurs, dont l’applicabilité varie suivant la taille del’entreprise.

3 Cf. les travaux en cours de l’IIRC (InternationalIntegrated Reporting Committee).

Au-delà dusavoir-faire, lessalariés dans leursavoir-être serontles générateurs de

valeur del’entreprise, en

développant un actifmajeur : la

confiance despartenaires

opérationnels oufinanciers..

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Radioscopie La rubrique des Français de Suisse et d’ailleurs

Le Royaume séduit des catégories depopulation très diversifiées. Les retrai-tés, bien sûr, séduits par la douceur de

vivre et un coût de la vie inférieur à celui de laFrance. Mais également les hommes d’af-faires et les investisseurs. Près de cinq centsentreprises françaises, actives dans tous lesdomaines d’activité – agroalimentaire, phar-maceutique, bancaire, assurances, environ-nement et énergie, tourisme,télécommunications, équipements élec-triques et électroniques, textile – ont ainsifranchi le détroit de Gibraltar. Les investis-seurs en quête de placements immobiliersont également découvert des biens attractifsbénéficiant d'une importante demande en lo-cation saisonnière. De nombreux particulierss’installent également chaque année dans leRoyaume chérifien… juste pour changer d’air.Infatigable voyageur, Denis a vécu sur plu-sieurs continents. En Afrique, essentielle-ment, mais pas seulement. De l’Amérique àl’Asie, cet éditeur, installé depuis 6 ans à Ca-sablanca a mené une vie aussi originale quecosmopolite.Une rencontre enrichissante à l’occasion duSalon international du livre et de la presse deGenève qui s’est tenu du 29 avril au 3 mai2011.

> Joanna David-Mangin : Qu'est ce quivous a poussé à partir travailler auMaroc ?

Denis : J’ai attrapé le virus du Globe-trotterà la naissance…et je n’ai jamais trouvé de re-mède ! Je voyage depuis toujours et j’ai vécudans de nombreux pays, notamment enAfrique. Il y a 6 ans, alors que je vivais enFrance depuis plus de 15 ans, j’ai décidé derepartir. Et de troquer le stress de la vie pa-risienne, les charges trop lourdes et l’hivertrop long contre le soleil de Casablanca et ladilettante de ses habitants. Le déménage-ment s’est fait très vite et je n’ai eu aucunedifficulté à m’installer.Par ailleurs, j’ai la chance de travailler dansl’édition et de pouvoir exercer mon métierdans toute la Francophonie.

> JDM : Encourageriez-vous les Françaisà suivre votre exemple et quels conseilsleur donneriez-vous ?

D : Venez sans hésitation ! L’expérience estextrêmement enrichissante. Par ailleurs, lesFrançais sont très bien accueillis auMaroc etle travail ne manque pas. Les salaires nesont évidemment pas les mêmes qu’en

France mais le coût de la vie est égalementinférieur à celui que nous connaissons dansl’Hexagone. Les loyers sont aussi beaucoupmoins chers qu’en France et il n’est pas rarede pouvoir louer un grand appartement dansun quartier agréable pour un montant rai-sonnable.De plus, Casablanca n’est qu’à trois heuresde vol de Paris et l’essor des compagnies lowcost a rapproché encore un peu plus les deuxmétropoles. Je rentre régulièrement enFrance pour voirma famille,mes amis et flâ-ner dans les rues parisiennes. Un mode devie beaucoup plus simple qu’il n’y paraît. Ilsuffit de s’en donner les moyens !

FRANCEMAGAZINE N°33 20 ÉTÉ 2011www.expatria-cum-patria.ch

Rencontre avecunéditeurbourlingueurSELON LES STATISTIQUES DE LA MAISON DESFRANÇAIS DE L’ÉTRANGER, 41 129 FRANÇAIS ÉTAIENTENREGISTRÉS AUPRÈS DES CONSULATS FRANÇAIS AUMAROC AU 31 DÉCEMBRE 2010. IL S’AGIT DE LACOMMUNAUTÉ ÉTRANGÈRE LA PLUS IMPORTANTE DUPAYS, AVANT CELLE DES ESPAGNOLS.

Expatria cumpatria ou

La mosquéeHassan II àCasablanca.

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FRANCEMAGAZINE N°33 21 ÉTÉ 2011

La rubrique des Français de Suisse et d’ailleursRadioscopie

Cette rubrique est la vôtreVous êtes expatrié et souhaitez partagervotre expérience ? Envoyez-nous vos té-moignages et vous serez peut-être sélec-tionnés par notre équipe pour apparaîtredans notre rubrique...Bienvenue chez vous [email protected] Joanna

David-Mangin

[email protected]

pour nous. Dans les régions anciennementsous protectorat espagnol (le Maroc a étéentre 1912 et 1956 placé sous un double pro-tectorat français et espagnol, ndlr), notam-ment le Rif et le Sahara occidental,l’espagnol est utilisé comme langue de com-munication.Casa centralise l’ensemble des activités éco-

nomiques du pays, lescommerces sontnombreux et il y abeaucoup d’épiceriesen tous genres. La viede quartier est trèsimportante. Certes,c’est un peu bruyant,le klaxon n’est pas in-terdit et les Casablan-cais s’en donnent àcœur à joie. Dépayse-ment garanti… maisc’est pour cela aussi

qu’on s’expatrie.Quant à l’offre culturelle, elle est certesmoins importante qu’à Paris, mais on ap-prend à vivre autrement. Pour les accros,l’Institut français de Casablanca et sa mé-diathèque organisent toute l’année des expo-sitions, des animations, des concours et desconférences. Personnellement, je fréquentepeu les expatriés et entre l’Océan à quelquesenjambées, le soleil toujours au rendez-vouset la douceur de vivre,mon quotidien est trèsagréable !

> JDM : Quels sont les produits françaisqui vous manquent le plus ?

D : Les rayons sont bien fournis et on trouvetous les produits, des petites marques augrand luxe. En revanche, les produits fran-çais sont chers et un bon camembert coûteenviron 6 euros, ce qui représente unesomme importante pour le Maroc. Un com-ble pour une personne qui a passé son ado-lescence en Normandie !�

En ce qui concerne les formalités adminis-tratives, la carte de séjour est obligatoirepour travailler au Maroc – même si les Ma-rocains sont, dans ce domaine, plus tolérantsque les Français.

> JDM : Quelles sont les différencesculturelles avec la France et commentles vivez-vous ?

D : À Casablanca, tout le monde parle fran-çais,même si l'arabe classique est la langueofficielle duRoyaume. LesMarocains parlentquotidiennement l'arabe dialectal et le ber-bère, mais on compte environ 40% de fran-cophones dans tous le pays ; une chance

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Infosbrèvesetutiles

Les élus de l’AFE ont interrogé M. Pierre Mayeur, Directeur juridique de la CNAV(Caisse nationale d'assurance vieillesse) sur le point de savoir comment palierles difficultés rencontrées par les retraités français à l'étranger pour les « re-

nouvellement des certificats de vie ». Ils souhaitaient savoir si une déclarationsur l'honneur, contresignée par l'élu de la circonscription consulaire,pourrait constituer une certification officielle. M. Mayeur a préciséque lorsque les prestations sont versées à l'étranger, les orga-nismes doivent demander des pièces pour justifier la rési-dence et l'existence de l'assuré de nationalité française ounon, lors du premier paiement, ainsi que d'une attesta-tion d'existence pendant toute la durée du versement dela retraite.Cette attestation doit être authentifiée par l'autoritécompétente du pays de résidence. Les administrationsqui doivent vérifier lemaintien en vie des usagés pourle versement de la pension sont invités à leur deman-der une déclaration sur l'honneur sans distinction denationalité. Une déclaration sur l'honneur contresi-gnée par un membre de l'AFE ne semble pas pouvoirêtre retenue. En effet, les élus de l'AFE doivent seconformer aux règles auxquelles les autorités consu-laires sont elles-mêmes soumises et celles-ci sont fon-dées à refuser de légaliser les attestations d'existence.Les membres de l'AFE étant rattachés à une circonscriptionconsulaire, la contrainte liée à l'éloignement ne serait pas réso-lue. Le principe d'égalité des traitements applicable aux assurés ensituation identique interdit d'accepter une déclaration sur l'honneur pourles Français, alors que les étrangers devraient produire une attestation d'existence.C'est le lieu de résidence du retraité, quelle que soit sa nationalité qui détermine si l'in-téressé doit produire une attestation d'existence ou une déclaration sur l'honneur pourjustifier de son existence.Une réflexion commune va être engagée entre la CNAV et Agirc/Arrco afin de détermi-ner les voies et moyens d'une mutualisation des contrôles d'existence.

Les banques françaises et/ou européennes ontmis en place définitive depuis le 1er novembre2010 le prélèvement bancaire européen. Il s'agit

d'un prélèvement en euros qui permet de régler vos fac-tures régulières ou ponctuelles auprès d'un créancier(organisme ou société à qui vous devez de l'argent) fran-çais, mais également auprès d'un créancier de l'espaceSEPA. Espace unique de paiements en euros qui permetd'effectuer des paiements facilement à l'intérieur de lazone euro. Un seul formulaire à remplir et à signer parle client. Vous pouvez négocier cemode de paiement parprélèvement bancaire avec votre banque, et notammentdès l'ouverture de votre compte.

FRANCEMAGAZINE N°33 22 ÉTÉ 2011www.expatria-cum-patria.ch

Le Conseil des ministres aadopté un projet de loi relatif àl'élection des représentants au

Parlement européen. Ce projet vientde rétablir le rétablissement de lapar-ticipation aux élections européennesdes Français de l'étranger, qui avaitété abolie en 2003 avec la disparitionde la circonscription nationale au pro-fit des 8 circonscriptions “régionales”,la solution du gouvernement choisit lerattachement des Français établishors de France à la circonscription Île-de-France, et rétablit la possibilité devoter dans les centres de vote àl'étranger, selon lesmêmesmodalitésque pour l'élection présidentielle.

LesFrançaisde l’étranger

forment un groupe important au sein dela communauté nationale, avec quelque

2 400 000 expatriés sur les 5 continents, dontune majorité de doubles nationaux. Cette popula-

tion est équivalente à celle des Bouches-du-Rhôneet à celle des départements d’Outre-Mer.L’Assemblée des Français de l’étranger, créée en1948, en est l’institution représentative. Elle permetà nos compatriotes de faire entendre leur voix mal-gré l’éloignement. Les Conseillers de l’AFE, quevous élisez tous les 6 ans dans nos postes

consulaires et diplomatiques, au suffrageuniversel direct, vous représentent au-

près des pouvoirs publics françaiset défendent vos intérêts

d’expatriés.

Création d'un nouveaumoyen de paiement :le prélèvement européen

Renouvellement des certificats de vie

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FRANCEMAGAZINE N°33 23 ÉTÉ 2011

Infosbrèvesetutiles

Conformément à la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de la France, l'In-stitut français est en place depuis le 1er janvier 2011. Cette nouvelle structure accom-pagne la fusion des Centres Culturels français à l'étranger avec les services

d'ambassade chargés de la coopération et de l'action culturelle pour former un réseau d'In-stituts français.Cette agence est au service du réseau culturel français à l'étranger : Instituts français et Alliancesfrançaises. Elle a pour mission de développer les échanges culturels internationaux, de pro-mouvoir la création contemporaine, la langue, les idées et les savoirs français, ainsi que lacoopération avec les pays du Sud.Sous la forme d'un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), ce nouvelopérateur se substitue à l'association Culturesfrance et répond à desmissions élargies. Il disposepour cela de moyens humains et financiers renforcés.Présidé par Xavier Darcos, ancienministre, entouré de Sylviane Tarsot-Gillery, directrice généraledéléguée, et de Laurence Auer, secrétaire générale, l'Institut français travaille en étroite relationavec le réseau culturel français à l'étranger constitué de plus de 150 Instituts français et prèsde 1 000 Alliances françaises dans le monde.Le processus de rattachement à l'Institut français des structures culturelles de treizemissions di-plomatiques est mené, depuis janvier, à titre expérimental : Cambodge, Chili, Danemark, ÉmiratsArabes Unis, Géorgie, Ghana, Grande-Bretagne, Inde, Koweït, Sénégal, Serbie, Singapour et Syrie.

• PROMOTION DE L'ACTION CULTURELLEEn créant l'Institut français, le gouvernement a en effet souhaité confier à une même agence lapromotion de l'action culturelle extérieure de la France en matière d'échanges artistiques -spectacle vivant, arts visuels, architecture -, de diffusion dans le monde du livre, du cinéma, de lalangue française, des savoirs et des idées. À ce titre, il développe un nouveau programme de dif-fusion de la culture scientifique.

• ACCUEIL DES CULTURES ÉTRANGÈRESL'Institut français poursuit les missions d'accueil en France des cultures étrangères, à traversl'organisation de “saisons” ou festivals et de coopération avec les pays du sud, en assurant no-tamment la gestion du Fonds Sud cinéma, dispositif de soutien au cinéma du sud, en partenariatavec le Centre National du Cinéma et de l'image animée. Il développe un programme de résidencesinternationales en France comme à l'étranger.

• MISSION DE FORMATION ET DE PROFESSIONNALISATIONIl assure également de nouvelles missions de formation et professionnalisation des agents duréseau culturel français à l’étranger.Avec la création de l’Institut français, la France dispose d’un nouvel instrument au service de sadiplomatie d’influence.Plus d’informations sur le site internet :www.institutfrancais.com/

CulturesFrance devient “Institut français”

L'Agirc (Association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres) gère le régimede retraite complémentaire des cadres du secteur privé de l'industrie, du commerce, des services etde l'agriculture. Elle fédère l'ensemble des caisses de retraite Agirc.L'Arrco (Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés) gère le régime de re-

traite complémentaire de l'ensemble des salariés du sec-teur privé de l'industrie, du commerce, des services et del'agriculture, cadres compris. Elle fédère l'ensemble descaisses de retraite Arrco.Plus d’informations : http://www.agirc-arrco.fr( )

L’Agirc et l’Arrco, retraite complémentaire

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Hommage

FRANCEMAGAZINE N°33 24 ÉTÉ 2011www.expatria-cum-patria.ch

Marins”“Aux

La Pointe Saint-Mathieu,un site impressionnant.

Olivier Dupont, Officier de Marine de réserve, qui est le correspondant en Suisse del'Association “Aux Marins”. Photo prise lors du départ du dernier Vendée Globe auxSables d'Olonne. Il est en compagnie de Marie-Christine Caubet du SIRPA Marine(Service d’information et de relations publiques des Armées), alors que tous deux

saluent Jean-Pierre Champion, président de la Fédération Française de Voile.

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Nousavons eu l’occasion, dans notre précédent numéro (FranceMagazine n° 32), d’évo-quer l’Association “Aux Marins”, qui assure le développement et le rayonnement duMémorial aux marins morts pour la France, situé à la Pointe Saint-Mathieu, dans le

Finistère. Pour des raisons techniques, une partie des illustrations n’avaient pu être publiées.Nous les livrons ici à nos lecteurs, en leur rappelant que ce lieu symbolique et émouvantmé-rite une visite, et que si l’un ou plusieurs d’entre eux détiennent ou recherchent des docu-ments relatifs à des marins disparus en mission, au combat ou dans un naufrage, l’adressede l’Association “Aux Marins” est : B.P.4, F-29217 Plougonvelin.Courriel : [email protected]. Internet : www.auxmarins.com.

FRANCEMAGAZINE N°33 25 ÉTÉ 2011

Hommage

L'OfficierGénéral de laMarine Pierre

Léaustic,président de

l'Association “AuxMarins”. Photoprise lors d'unecérémonie dusouvenir à laPointe Saint-

Mathieu.

Le Cénotaphedes Marins.

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Anniversaire

Il ajoutait en réponse à une question dumême ordre du correspondant de l’AFP :« Si le Général de Gaulle venait à se reti-

rer, jeme porterais candidat à sa succession(...). Ce n’est, je crois, un mystère pour per-sonne. (...) mais je ne suis pas pressé. »Après l’échec du référendum d’avril 1969, legénéral de Gaullemit fin à ses fonctions pré-

FRANCEMAGAZINE N°33 26 ÉTÉ 2011www.expatria-cum-patria.ch

GeorgesPompidouaurait eu 100ans

5 JUILLET 19115 JUILLET 2011

LE 17 FÉVRIER 1969, À ROME, GEORGES POMPIDOU,LORS D’UN ENTRETIEN AVEC LA TÉLÉVISION SUISSEROMANDE, RÉPONDAIT SUR LE FAIT DE SAVOIR S’ILPENSAIT AVOIR UN AVENIR POLITIQUE. SA RÉPONSE FUTLIMPIDE : « JE NE PENSE PAS AVOIR D’AVENIRPOLITIQUE. J’AI UN PASSÉ POLITIQUE ; J’AURAI PEUT-ÊTRE UN JOUR, SI DIEU LE VEUT, UN DESTIN NATIONAL. »

sidentielles ipso facto. De nouvelles élec-tions furent organisées.Le 29 avril 1969, Georges Pompidou fit actede candidature. À part quelques gaullistesde gauche, l’ensemble des députés UDR luiapportèrent leur soutien.Valéry Giscard d’Estaing semble hésiter... Ilencourage la candidature d’Antoine Pinay,peu enclin. Puis s’entretient avec AlainPoher (président par intérim), pour, finale-ment, apporter officiellement son appui le 30avril à Georges Pompidou.Le 15 juin 1969, au second tour, GeorgesPompidou est élu 19e Président de la Répu-blique française avec 58,21 % des suffragesface à Alain Poher qui recueille 41,79 % desvoix.

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FRANCEMAGAZINE N°33 27 ÉTÉ 2011

Anniversaire

Le 20 juin, il entre en fonction et nomme sonPremier ministre Jacques Chaban-Delmas.Quel curieux destin ! Aumoment où GeorgesPompidou entre à l’Elysée, son père LéonPompidou, né en 1887, instituteur, puis pro-fesseur d’espagnol, disparaît. Sa maman,Marie-Louise Chavagnac (1886-1945), étaitaussi institutrice.Fils d’enseignants, petit-fils de paysans can-taliens, il vit le jour à Montboudif, petit vil-lage du Cantal, le 5 juillet 1911. C’estl’exemplemême de la promotion sociale dueau mérite et aux brillantes études.Un premier prix de version grecque vient le

couronner au concours général en 1927.Baccalauréat au lycée Lapérouse d’Albi,classes préparatoires au lycée Pierre de Fer-mat à Toulouse, il se retrouve aux côtés deLéopold Sédar Senghor et Aimé Césaire aulycée Louis Le Grand à Paris.Reçu à Normal Sup en 1931, il devientagrégé de lettres, 3 années plus tard.Professeur à Marseille, au lycée SaintCharles, puis au lycée Henri IV à Paris, là ilest chargé de classes de Lettres Supé-rieures et de préparation à l’Ecole Coloniale.Il épouse Claude Cahou le 29 octobre 1935.N’ayant pas d’enfant, Georges et ClaudePompidou adoptent leur fils Alain Pompidou,né le 5 avril 1942 à Paris. Ce dernier devintmédecin spécialisé dans les maladies dusang.

QUELQUES DATES

À la Libération, il est chargé demission pourl’éducation nationale au cabinet du Généralde Gaulle. Il devient Maître de Requêtes auConseil d’Etat et reste très proche du géné-ral après son départ, notamment en s’occu-pant de la fondation Anne de Gaulle.De 1954 à 1958, il entre à la banque Roth-schild et en devient son Directeur Général dedébut 1959 à 1962. En 1958, il devient le di-recteur du cabinet du général de Gaulle,Président de la Ve République. Ce dernierl’invite à ses côtés dans la voiture présiden-tielle lors de son investiture.> Il est nommé Premier ministre le 14 avril1962. Au cours de l’été 62, il présente sa dé-mission au général pour obtenir la grâce dugénéral Jouhaud, putchiste d’Alger, qui de-vait être fusillé après sa condamnation àmort.> Dissolution de l’Assemblée Nationale le10 octobre 1962.> Gouvernement II Pompidou du 28 novem-bre 1962 au 8 janvier 1966.> Gouvernement III Pompidou du 8 janvier1966 au 1er avril 1967.> Retrait de la France du Commandementintégré de l’OTAN en mars 1966> Lancement du premier sous-marin nu-cléaire lanceur d’engins le 29 mars 1967, leRedoutable.> Gouvernement IV Pompidou, du 6 avril1967 au 10 juillet 1968.Le chômage compte 430 000 personnes etreprésente 2 % de la population active.Création de trois caisses à la gestion auto-nome, à l’exception d’une trésorerie unifiée

Sur le balcondu salon Doré,

bureau duPrésident de la

République,en 1970.

Avec Claude,son épouse, en

vacances.

Lors d’uneconférence de

presse àl’Élysée.

>>

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FRANCEMAGAZINE N°33 28 ÉTÉ 2011www.expatria-cum-patria.ch

Anniversaire

et directement supervisée par le gouverne-ment :• CNAM - CaisseNationale d’AssuranceMa-ladie.• CNAV - Caisse Nationale d’AssuranceVieillesse.• CNAF - Caisse Nationale des AllocationsFamiliales.> 11mai 1968 : réouverture de la Sorbonne.> 27 mai 1968 : accords de Grenelle avecl’aide précieuse de son secrétaire d’Etat àl’Emploi, Jacques Chirac.> 23 & 30 mai 1968, l’UDR obtient la majo-rité absolue avec 294 sièges sur 485. Lama-jorité présidentielle dispose de 367 députéspendant que de nombreuses personnalitéssont battues, à l’instar de Pierre MendèsFrance.> Le 1er juillet, selon la Constitution,Georges Pompidou remet sa démission etcelle de son gouvernement au Président dela République qui, dans un premier temps,la refuse.> Puis, le 10 juillet 1968, Georges Pompi-dou prend connaissance d’une missive quelui adresse le général de Gaulle, lui disant,en substance, accepter sa démission et qu’ildevait « se sentir prêt à accomplir toutemis-sion et assurer tout mandat qui pourrait unjour lui être confié par la Nation. »> Georges Pompidou est resté 6 ans et 3mois à Matignon. C’est encore, à ce jour, lerecord absolu de longévité comme Premierministre.

L’ÈRE POMPIDOLIENNEDU 20 JUIN 1969 AU 2 AVRIL 1974

> 26 juin 1969 au 5 juillet 1972 : Gouverne-ment Jacques Chaban-Delmas et son pro-gramme “La Nouvelle société”.> 16 septembre 1969 : Loi sur lamensuali-sation et l’actionnariat ouvrier chez Renault.> Inauguration de la première ligne RER.> Abandon de la filière Graphite-Gaz pourla filière nucléaire.> 15 décembre 1969 : Création d’un centred’Art Contemporain à Paris, le CentreGeorges Pompidou.> 7 janvier 1970 : Loi instituant le SMIC.> 2 juillet 1970 : Création de l’Aérospatiale.> 9 novembre 1970 : Décès du Général deGaulle à Colombey-les-Deux-Eglises.Georges Pompidou s’adresse au pays parces mots : « Le Général de Gaulle est mort.La France est veuve. »> 23 juin 1971 : Les 6 Européens acceptent

l’adhésion à la CEE du Royaume-Uni.> 4 avril 1972 : Début des essais du TGV surla ligne d’Alsace.> 23 avril 1972 : Référendum approuvantl’entrée dans la CEE du Danemark, de laNorvège, de l’Irlande et du Royaume-Uni

Entretien avec lePrésident RichardNixon, en 1974.

Un Françaisparmi les

Français. GeorgesPompidou en

campagneélectorale.

GeorgesPompidou et

Jacques Chirac,lors de la

négociation desAccords de

Grenelle, en mai1968.

GeorgesPompidou etl’Empereur

Haile Selassie,lors de savisite en

Éthiopie, enjanvier 1973.

>>

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tations économiques. Georges Pompidou ins-crit sa présidence dans un renouveau de l’in-dustrialisation et de la modernisation de sesstructures, tout en restant soucieux de pré-server les grands équilibres. Près de 40 ansaprès sa disparition, sa politique sociale res-

teramarquée par lamensualisation des ouvriers et l’actionnariat dessalariés.La crise politique et économique internationale provoquée par laGuerre du Kippour et la crise pétrolière qui s’en suivit auguraient detous lesmaux qui ravagèrent l’occident par l’inflation, le chômage etles déficits de toute nature. Sa maladie et sa disparition brutale nelui ont pas permis de perpétuer comme il le désirait la politique gaul-lienne d’indépendance souhaitée pour notre pays.Ce lettré, devenu homme d’État, est considéré par plus de 75 % desFrançais comme un grand Président et son action à la Présidencede la République, plus de 37 ans après sa disparition, est jugéecomme visionnaire.Unmusée rappelle sa mémoire dans son village natal à Montboudif.L’ancien ministre et sénateur, Michel Charasse, aujourd’hui mem-bre du Conseil Constitutionnel, rappelle que François Mitterrand luirendait visite tous les ans, dont la dernière foisen janvier 1996.« Je le déposais devant la Mairie-École et ilme demandait de le laisser, se souvient Mi-chel Charasse. Quand il revenait au bout d’unquart d’heure, il se contentait de dire :« Quandmême, quel destin extraordinaire ! »François Mitterrand avait donc changé d’avissur le Président Pompidou, puisqu’à sa mort,le 2 avril 1974 , il avait déclaré : « Que retiendrala France de ce mort déjà oublié ? Rien ou sipeu. La France est déjà passée à autre chose. »« Ce qui m’effraie, ce n’est pas l’oppressiondesméchants, c’est l’indifférence des bons. »Martin Luther King, 1929-1968. �

FRANCEMAGAZINE N°33 29 ÉTÉ 2011

Anniversaire

(68,3% de oui, 40 % d’abstention).> 24 avril 1972 : Création du serpentmoné-taire européen.> 5 juillet 1972 : Gouvernement PierreMessmer.> 14 juillet 1972 : Arthur Conte préside lanouvelle ORTF.> 31 décembre 1972 : Création de la 3echaîne de Télévision française.> Janvier 1973 : Les 6 de la CEE deviennent9 (République Fédérale d’Allemagne, Bel-gique, Danemark, Pays-Bas, Irlande, Italie,Luxembourg, Royaume-Uni, France), la Nor-vège ayant rejeté son adhésion par voie ré-férendaire.> 3 janvier 1973 : Antoine Pinay devient lepremier Médiateur de la République.> 15 mars 1973 : Mise en service de PHE-NIX, première centrale à neutrons sur le sitede Marcoule.> 25 avril 1973 : Inauguration du Périphé-rique parisien.> 17 octobre 1973 : Premier choc pétrolierdû au déclenchement de la Guerre du Kip-pour. L’OPEP décide de diminuer de 25% sesexportations de pétrole et d’en augmenter leprix de 17%. Le prix du baril de brut passede 5,092 $ à 11,651 $. La facture françaisepasse de 17 milliards à 123 milliards defrancs. La France, non concernée par l’em-bargo, prend conscience de sa dépendanceénergétique.> 19 janvier 1974 : La France sort du ser-pent monétaire européen.> 5 mars 1974 : Pierre Messmer lance laconstruction de la première ligne à grandevitesse entre Paris et Lyon - TGV.> 8mars 1974 : Inauguration de l’AéroportRoissy - Charles de Gaulle.> 11 au 13 mars 1974 : Dernier voyage àl’étranger de Georges Pompidou enURSS oùil rencontre Léonid Brejnev, lui-même déjàtrès malade.> 2 avril 1974 : Georges Pompidou rend sondernier soupir à 21 heures en son domicile,24 quai de Béthune, dans l’île Saint-Louis, àParis. Le Professeur Jean Bernard informeque Georges Pompidou souffrait d’une leu-cémie très rare, dite lamaladie deWaldens-tröm, depuis 1968 et qu’il en connaissaitprobablement l’existence au moment de savictoire aux présidentielles. Selon lui, la pro-gression de sa maladie s’en serait trouvéesingulièrement ralentie, s’il avait renoncé àson mandat.Dans le contexte des Trente glorieuses, laFrance œuvrait au cœur de profondes mu-

Serge Cyril Vinet

[email protected]

CONSEILLER ÉLUÀ L’A.F.E. POURLA SUISSE ET LELIECHTENSTEIN

Le CentreGeorges

Pompidou, lemonument leplus visité de

France.

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Anniversaire

I. DU FILS DU CANTAL AU PROFESSEUR À HENRI IV

Fils d'enseignants, petit-fils de paysans, Georges Pom-pidou naquit le 5 juillet 1911 à Montboudif, village duCantal. Il fit ses études primaires et secondaires à Albi.Après le baccalauréat, il prépara son entrée à l'Écolenormale supérieure, à Toulouse puis au lycée Louis-le-Grand à Paris. Il intégra l'École en 1931 et ses annéesd'étudiant furent pour lui l'occasion de connaître la so-ciété et la vie culturelle parisiennes, de nouer de pro-fondes amitiés comme celle qui le lia à Léopold SédarSenghor et d'avoir une première approche de la poli-tique auprès de la Ligue d'action universitaire républi-caine et socialiste[1].Reçu premier à l'agrégation de lettres en 1934 et di-plômé de l'École libre des Sciences politiques, il ac-complit ensuite son service militaire àClermont-Ferrand en qualité d'officier de réserve.Après son mariage, il enseigna pendant trois ans aulycée Saint-Charles de Marseille avant d'être nomméau lycée Henri IV à Paris. Au début de la guerre, il futmobilisé à Grasse puis envoyé en Lorraine avec le 141erégiment d'infanterie alpine. De retour au lycée HenriIV en juin 1940, il enseigna en hypokhâgne et en classepréparatoire à l'École Nationale de la France d'Outre-Mer[2].[1] Georges Pompidou, Pour rétablir une vérité, Paris,Flammarion, 1982, p. 11-19.

[2] ibid., p. 19-28.

II. LA RENCONTRE AVEC LE GÉNÉRAL DE GAULLEET LES ANNÉES D'APRÈS-GUERRE

Dès septembre 1944, ses liens d'amitié avec RenéBrouillet, rencontré dès la classe de khâgne, lui per-mirent d'entrer au cabinet du général de Gaulle, prési-dent du Gouvernement provisoire. Il y fut chargé desuivre les questions de politique intérieure et d'éduca-tion. Au départ du Général en janvier 1946, GeorgesPompidou fut nommé adjoint d'Henri Ingrand, com-missaire général au Tourisme. Il devint par ailleurs,cette même année, maître des requêtes au Conseild'État[3].Sans toutefois adhérer au Rassemblement du PeupleFrançais, crée en 1947, il participa à l'aventure de ceparti et resta proche desmilieux gaullistes en animantnotamment le Comité national d'études présidé parGaston Palewski. C'est également à cette époque qu'ilse vit confier le poste de secrétaire général de la Fon-dation Anne de Gaulle. Durant cette période, GeorgesPompidou fit partie du cercle restreint des proches duGénéral et cette proximité lui valut d'être nommé chefde son cabinet d'avril 1948 à 1953.

Cette année-là, il entra à la banque Rothschild où il oc-cupa rapidement les fonctions de directeur général etd'administrateur de nombreuses sociétés. Ce fut pourlui l'occasion de participer à la vie économique du pays,d'accroître le champ de ses compétences et d'établirun éventail plus large de relations. Il rédigea néan-moins, durant cette période d'intense activité, trois pré-sentations de Classiques illustrés sur Racine, Taine etMalraux[4].[3] ibid., p. 31-49.[4] ibid., p. 49-90 et 119-146.

III. LES DÉBUTS DE LA Ve RÉPUBLIQUE

L'année 1958 fut celle du retour du général de Gaulleau pouvoir et de Georges Pompidou aux affaires poli-tiques. Dans ce contexte troublé dominé par la questionalgérienne, le dernier président du Conseil de la IVeRépublique fit en effet appel à lui pour diriger son ca-binet de juin 1958 à janvier 1959. Il eut alors un rôle dé-cisif auprès du Général, accompagnant les travauxd'élaboration de la Constitution et encourageant les ré-formes économiques et monétaires.Le général de Gaulle élu à la présidence, GeorgesPompidou retourna pendant quelque temps vers lemonde de l'entreprise en réintégrant la banque Roth-schild. Membre du Conseil constitutionnel en 1959, ilprofita également de cette période pour rédiger uneAnthologie de la poésie française. Toutefois, il restatoujours en relation avec le Général, et en particulier ilaccepta, en février 1961, une mission secrète afin defaciliter les négociations avec le FLN algérien.

IV. À MATIGNON (14 AVRIL 1962-10 JUILLET 1968)

Gaulle nomma Georges Pompidou Premier ministre àla place de Michel Debré. C’est ainsi qu’un homme,certes expérimenté, mais peu connu du grand public,arriva à Matignon le 14 avril.L'année 1962 fut marquée par la réforme de l'électiondu président de la République. Le choix du suffrage uni-versel direct et surtout le recours au référendum pourfaire approuver cette modification constitutionnelle en-traînèrent le vote d'unemotion de censure et la chute dupremier gouvernement Pompidou. Le Général le re-nommaaussitôt dans ses fonctions, comme il le fit aprèsson élection aux présidentielles de 1965. Georges Pom-pidou suivit ensuite de près la préparation des électionslégislatives de 1967 en s'impliquant dans le choix desinvestitures et dans la campagne. Les résultats ne fu-rent pas ceux escomptés par la majorité puisqu'ellen'obtint qu'une très courte avance. Le Premierministrefut alors élu pour la première fois député du Cantal.

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Georges PompidouBIOGRAPHIE

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FRANCEMAGAZINE N°33 31 ÉTÉ 2011

Anniversaire

Les années 1962 à 1968 furent, en politique internatio-nale, guidées par le principe gaullien de grandeur etd'indépendance de la France et, sur le plan intérieur,elles furent marquées par un réel essor économiquepermettant d'importantes réformes de structures.Georges Pompidou prit une part personnelle très ac-tive au développement de l'économie française danstous les domaines.La crise de 1968 vint ébranler la République. DepuisMatignon, Georges Pompidou la géra au quotidien,misa sur des mesures d'apaisement, engagea les né-gociations de Grenelle et préconisa de dissoudre l'As-semblée nationale pour trouver une sortie politique àla crise. Après un départ soudain à Baden Baden, deretour à Paris, le 30 mai, le Général annonça la disso-lution. Les élections législatives des 23 et 30 juin 1968furent un franc succès pour les gaullistes[5].Le 10 juillet 1968, le Général choisit de remplacerGeorges Pompidou parMaurice Couve deMurville. Du-rant cette “traversée du désert”, l'ancien Premier mi-nistre se retrouva “simple député” du Cantal etorganisa ses bureaux boulevard de La Tour-Maubourg,toujours entouré de quelques proches collaborateurs.Georges Pompidou fut alors profondément blessé parl'affaire Markovic[6]. Le 17 janvier, à Rome, une décla-ration de Georges Pompidou fut interprétée par lapresse française comme annonçant son intention, lemoment venu, de se porter candidat à la présidence dela République[7].L'échec du référendum sur les réformes du Sénat etdes régions entraîna le départ du général de Gaulle etl'organisation de nouvelles élections présidentielles.Georges Pompidou fut élu avec 58% des suffrages ex-primés face à Alain Poher[8].[5] ibid., p. 179-207.[6] ibid., p. 255-266 et 269-272.[7] ibid., p. 266-269.[8] ibid., p. 273-279.

V. À L'ÉLYSÉE (15 JUIN 1969-4 AVRIL 1974)

Georges Pompidou s'installa à l'Élysée le 15 juin 1969.Reprenant la lecture gaullienne de la Constitution, il af-firma la prééminence présidentielle. Il choisit commePremier ministre Jacques Chaban-Delmas, personna-lité éminente du gaullisme et ancien président de l'As-semblée nationale. Celui-ci resta durant trois années àla tête du gouvernement, avant de démissionner en juil-let 1972 à la suite de tensions relatives à son projet de“nouvelle société” et au partage du pouvoir au sein del'exécutif.Le gaulliste Pierre Messmer, ministre des Armées duGénéral, fut alors appelé par Georges Pompidou à Ma-tignon. Il fut ainsi Premierministre lors des législatives

de 1973, remportées par la majorité face à une gaucheréorganisée depuis l'adoption du Programme commun.Il resta à ce poste jusqu'en 1974 et c'est à la fin de cettepériode que le chef de l'État tenta la mise en place duquinquennat.Président de la République en 1969, il revint désor-mais à Georges Pompidou de conduire la politiqueétrangère. Reprenant les grands axes de la politiquegaullienne, il s'efforça d'assurer l'indépendance de laFrance sur la scène internationale tout en tenantcompte de l'évolution de la situation (nouvelle poli-tique américaine avec Nixon arrivé au pouvoir en 1969,Ostpolitik allemande à partir de 1969, puissance crois-sante de l'URSS, tensions au Moyen-Orient). À cesfins, après les tensions des années passées, il nouades contacts plus confiants avec les États-Unis. Touten demeurant dans le cadre de la solidarité atlantique,il poursuivit les échanges politiques et économiquesavec l'URSS. La relance de la construction euro-péenne marqua également son mandat. La confé-rence de La Haye en décembre 1969 adopta ainsi sonprogramme “achèvement, approfondissement, élar-gissement”. La Grande-Bretagne put alors devenirmembre de la Communauté avec l'Irlande et le Dane-mark.À la suite de la crise politique et économique interna-tionale provoquée par la guerre du Kippour (octobre1973) Georges Pompidou accentua encore plus l'orien-tation européenne de sa politique : à ses yeux l'Europedes Neuf devait se donner les moyens de rééquilibrerl'Alliance atlantique, de contribuer à la cohésion occi-dentale face à l'URSS, d'encadrer une R.F.A. désormaisengagée dans l'Ostpolitik.Sur le plan national, Georges Pompidou fit de sa prési-dence un temps fort pour l'industrialisation du pays. Ilmit l'accent sur la modernisation des structures touten demeurant soucieux de préserver les grands équi-libres. La politique sociale accompagna cemouvementavec quelques grandes décisions telles lamensualisa-tion des ouvriers ou encore l'actionnariat des salariés.Ce lettré devenu homme d'État s'intéressa aussi avecpassion au domaine culturel puisque son attachementà l'art et sa volonté d'en assurer la diffusion auprès duplus grand nombre le conduisirent à décider la créationà Paris d'un centre d'art contemporain, qui porte au-jourd'hui son nom.Les années Pompidou s'inscrivent enfin au cœur d'unepériode de profondes mutations économiques de l'Oc-cident. Marquant la fin de la présidence, la crise pétro-lière de l'automne 1973 inaugura de nouveaux rapportsinternationaux et les pouvoirs publics furent dès lorsconfrontés à d'importantes difficultés économiques etsociales. Son mandat fut écourté par son décès le 2avril 1974 à Paris. �

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Ànoschersdisparus

Chacun d'entre nous avait des amis quidevenaient aussitôt les amis de l'au-tre. C'est cela aussi l'Afrique !

Comme beaucoup, nous vivions au beaumi-lieu de tout un réseau d'amitiés qui s'éten-dait de San Francisco à Tokyo, en passantpar Ushuahaïa, Sydney, Moscou... et j'enpasse. Mais la cellule, la garde rapprochée,le Saint des Saints, c'était l'Afrique !Nous ne venions pas des mêmes provinces,mais du même pays. Nous n'avions pas lesmêmes croyances. Celui qui croyait au ciel,l'autre pas.Quand nous nous retrouvions ensemble,c'était pour nous moquer de nous mêmes,de nos petits succès, de nos petits pouvoirscomme de notre première chemise.Où que ce soit, sur cette bonne vieille pla-nète, nous riions beaucoup.Nos discussions passionnées entre la poireet le fromage, voguaient immanquablementvers notre sujet favori : « La vie est une véri-table Farce ! »Bien sûr, nous parlions de la mort, de lanôtre, bien évidemment. Dans la gaieté,nous nous demandions lequel d'entre nouspartirait le premier.Telle une comédie de Federico Fellini, nous

nous imaginions les scènes et les discours ,la comédie sociale mêlée de chagrin.Voilà que l'un de nous est mort. C'est un filsde l'A.F.E. Nous sommes tous des enfants del'Assemblée des Français de l'Etranger.Certains d'entre nous ont la chance de s'ai-mer, de s'accepter, de se supporter. Il étaitencore jeune, naturellement aussi brillantque discret. Maïté, son épouse, aussi belle,aussi jeune et aussi brillante que lui, l'ac-compagnait en tous lieux.Il était surtout Bon. Il était surtout Droit. Ilétait surtout Courageux !Il avait la vie devant lui. Elle s'est battue piedà pied pour finalement baisser la garde de-vant la mort.« Et la garde qui veille aux barrières du Lou-vre n'en défend point nos rois. »A Maïté, à ses deux filles et leurs petits-en-fants, tout à coup dépouillés de qui leur étaitle plus cher, c'est à eux que nous pensonsen ces journées pascales, en ces momentsradieux où elles avaient encore, leur époux,leur père ; à l'instant obscur où elles ne l'au-ront plus.Par ces lumineuses journées printanières,au beau milieu des bonheurs et des privi-lèges, nous sommes bien conscients despeines et des souffrances supportées parnos compatriotes au Japon, en Libye et enCôte d'Ivoire.Mais nous ne nous consolons pas de son ab-sence trop injuste à un moment où, délivrédes soucis matériels, il aurait pu savourerauprès de Maïté et de sa petite famillequelques sonates que la vie aurait bien voulului distiller et,Parce qu'il est notre Ami !�

MICHEL GUERRY, CHRISTIANE KAMMERMANN,CHRISTOPHE FRASSA, CHRISTIAN COINTAT,

JEAN LIBOZ, MADELEINE KATENDÉ,JOËL PICHOT, JEAN-CHARLES PRÉTET,FRANÇOIS CHAPPELLET, GÉRARD TOUPY,NORBERT CHALON, GÉRARD MICHON,

ROBERT LABRO, GUY MAKKI,CATHERINE RECHENMANN, DIDIER RICCI,

BERNARD SADET, GUY SAVERY,MICHEL TIZON, JEAN-CLAUDE ZAMBELLI,JEANINE SANDMAYER, MICHÈLE GOUPIL,

DANIELLE MERLINO, ALEXANDRE LAURENT,SERGE CYRIL VINET

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24 MARS 194612 AVRIL 2011

AU FIL DU TEMPS,NOUS ÉTIONS

DEVENUS AMIS.PARFOIS, LES

JOURS DE GRANDVENT, NOUS NOUSPRENIONS POURCROQUIGNOL,FILOCHARD OURIBOULDINGUE.

Bernard ZipfelDr

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LaVoixdesFrançaisde l'Etranger -Mai2011

FRANCEMAGAZINE N°33 34 ÉTÉ 2011www.expatria-cum-patria.ch

“ des States de Neinsager. C’est une réac-tion populaire, nous dit-on, une réponse àla crise. Sarah Palin émerge de cet im-broglio en réclamant moins d’impôt etmoins d’État.Katrina était l’ouragan qui avait, en partie,laminé Bush. La plus cruelle desmaréesnoires que les States ont connue, englueBarak Obama, depuis le 22 avril 2010,date où l’explosion de la plateforme BPdéversait près de 800millions de litres debrut et plus de 7millions de litres de dis-persant dans le Golfe du Mexique. C’estune catastrophe écologique sans précé-dent qui aura des répercussions sur plu-sieurs dizaines d’années.Quant à la monnaie, le sacro-saint US $,que devient-il ? Quelle en est sa véritablevaleur, quand un pays s’endette de 6 $pour en créer 1 de richesse ? Les prési-dents des États-Unis d’Amérique se suc-cèdent et usent du même stratagèmepour soutenir leurmonnaie en sursis, fai-sant fonctionner la planche à billets àplein régime. Les dix dernières annéesont vu se créer plus de $ que durant les225 années précédentes.Et puis, il y a la fameuse dette ! Depuis letemps qu’on en parle... Mais,malgré tout,il y a de quoi s’inquiéter. Songez que cepays, qui passe pour être le plus endettéau monde, et dont la dette s’accroît,chaque minute que Dieu fait, de 2,5 mil-lions de $, le constat est affligeant, dé-routant. La dette américaine culmine àplus de 14 000 milliards de $. Affolant,non ?Mais ce n’est pas tout, ce n’estmal-heureusement que le bilan administratif.Pour qui connaît les États-Unis, chacunsait bien que les ménages et les entre-prises ne peuvent pas vivre sans crédits.C’est une religion ! Il faudrait multiplierpar 3 la dette des 14mille milliards de $.Et que dire des engagements sociaux surles retraites et la santé qui n’ont pas étéprovisionnés, ce n’est pas par 3, ni par 4qu’il faudraitmultiplier la dette,mais par10, soit : 140 000 milliards de $ US.Qui va payer ? Comment cela va-t-il seterminer ? Et avec cela, vous voudriezque nous ne soyons pas inquiets !�

Mon souci d’échotier, d’apostatlibre, et celui de Conseiller del’AFE, me placent bien évidem-

ment dans une position intellectuelle li-mitée, par rapport à ceux qui nousgouvernent.Il ont perçu bien avant nous autres, jeparle de la France d’en bas, les soubre-sauts des Républiques de l’Est qui dé-bouchèrent sur la chute duMur deBerlin,comme ils ont pressenti les révoltesarabes...Pour celles et ceux qui suivent cette lettremensuelle et les chroniques écono-miques parues dans FranceMagazine, çan’est pas faute de constater et d’alerterque lemonde change à une vitesse verti-gineuse.Les cinquante dernières années ont des-siné de nouvelles frontières, que dis-je,recomposé de fond en comble notrevieille Europe. L’URSS ? Éclatée ! Les ac-cords de Yalta ? Aux oubliettes !Mao Tsé Tung a laissé sa place à TengHsiao-Ping qui, au détriment de l’écono-mie communiste, a délibérément jeté lesbases d’une économie libérale, pour nepas dire ultra-libérale, laissant lemilliard300 millions de Chinois assoiffés de Li-berté. Tout cela en à peine 30 ans. Excu-sez du peu !Et Nous, pendant ce temps, que faisons-nous ? Nous nous contentons de com-muniqués sibyllins comme :« Nos indicateurs anticipent un ralentis-sement de la croissance au deuxième tri-mestre » ou « La consommation privée

est moins performante,liée aux conditions dumarché du travail, qui res-tent difficiles. »Comme nous, pauvres denous, nous ne percevonspas les méfaits des crisessuccessives qui ne ces-sent de s’amplifier dema-nière larvée, on nousexplique que le taux dechômage, pour la zone€uro, stagne aux alen-tours de 10 %des popula-tions actives. On nous

concède que c’est très haut.Mais pour nous rassurer (sic...), on noussusurre que dans la péninsule ibérique,le record absolu vient d’être atteint aupremier trimestre 2011 avec 21,3 % detaux de chômage. C’est vrai que les insti-tutions ont du mal à suivre les change-ments du monde.Malgré toutes les professions de foi éta-lées à l’envi, j’ai le curieux pressentimentque les Conseillers de l’AFE qui,jusqu’alors, votaient toujours « bien »,vont semettre à penser fort mal. De quoirebuter les esprits chagrins...Et Outre Atlantique, pendant ce temps,que font-ils ? Eh bien, après avoir obtenu,à la surprise générale, le Prix Nobel de laPaix, Barak Obama continue la guerre enIrak, celle en Afghanistan, et maintenanten Libye. Et comble du destin pour celuiqui entrevoit la guerre comme un enfer,vient de condamner aujourd’hui mêmeun rebelle à mort en oubliant que c’esttout un clan qu’il faut faire savoir dispa-raître pour avoir la paix dans la région.Pragmatique et usant de la communica-tion showbiz, où, il faut bien le reconnaî-tre, les Américains sont lesmaîtres en lamatière, il vient annoncer aux télévisionsde la terre entière l’exécution de BenLaden.Cela va lui permettre de garder la mainencore quelques mois pour rassurerl’opinion américaine et lui annoncer,dores et déjà, que plus rien n’empêcheles troupes américaines de revenir aupays de l’oncle Sam. Pour quelque temps,les chaumières du Middle West ont d’au-tres sujets à commenter que la progres-sion du chômage qui, depuis 3 ans, s’estaccentuée de plus de 3 millions de chô-meurs supplémentaires.À moins que ce ne soit Wikileaks et lesrévélations du jeune soldat américainBradleyManning qui empoisonne l’admi-nistration Obama. Détenu depuis le 29juillet 2010, 34 chefs d’accusation lui sontreprochés dont « Collusion avec l’En-nemi », ses avocats en font un prisonnierpolitique.Nous avons, chez nous, une fille de laMa-rine, Il ont le “Tea Party” ; c’est la version

Il n'y adepaix guerre*possiblequ'après la

Serge Cyril Vinet

CONSEILLER ÉLUÀ L'AFESUISSE &

LIECHTENSTEINMEMBRE DE LACOMMISSIONDES FINANCES

*PROVERBE ARABE

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LaVoixdesFrançaisde l'Etranger - Avril 2011

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“ Jean Arthuis (centriste)« À partir de 2012, les Français résidant àl’étranger éliront 11 Députés. Or, le consen-tement à l’impôt est une mission du Parle-ment. Il n’y a pas d’identité française sansparticipation à la charge commune, donc àl’impôt (ce qui voudrait dire que tous lesFrançais de l’Hexagone ne s’acquittant pasde l’impôt, ne seraient pas des citoyens fran-çais...). Dans un premier temps, les Françaisde l’étranger pourraient être imposés à par-tir d’un certainmontant de revenus, sachantqu’ils ne pourront pas régler plus que cequ’ils paieraient s’ils vivaient en métropole.S’ils refusent d’acquitter l’impôt, alors ilsdevront rendre leur passeport français. C’estune question de principe. Je pense que celasera un vrai sujet de la prochaine présiden-tielle. »C’est habile, effectivement, ce peut être unsujet débattu pendant les présidentielles,mais si, au cas, peu probable, où les élec-teurs devaient donner raison aux élucubra-tions de Monsieur Arthuis, c’est un moyensubtil de laisser chez eux les binationaux etde diminuer, pour ne pas dire étouffer, l’im-pact de l’A.F.E.

Jérôme Cahuzac (socialiste)« J’ai proposé de débattre du principe de lafiscalisation en France des revenus de noscompatriotes expatriés, via un amendement,lors de la discussion budgétaire. FrançoisBaroin vient de reprendre à son compte cetteidée. Il ne s’agirait pas de stigmatiser ceuxqui ont décidé, parfois contraints, de s’expa-trier pour travailler, mais leur demander decontribuer au redressement de leur pays. Ilfaudrait, bien sûr, respecter le principe denon double imposition. Cette demande de-vrait être plus insistante et forte pour les exi-lés fiscaux. Revoir nos conventions fiscalesavec la Belgique et la Suisse pourrait êtreutile à cet égard. Cette proposition est légi-time. En effet, tous les expatriés éliront en2012 des députés qui voteront un impôtqu’aujourd’hui ils n’acquittent pas. Et puis,tous bénéficient de la gratuité des soinsquand ils reviennent se faire soigner enFrance. Cela justifie, me semble-t-il, un ef-fort. »Reprenant les thèses de Monsieur Arthuis,sur l’identité française, Monsieur Cahuzacdevrait savoir qu’en Suisse, le plus petit sa-laire s’acquitte d’un impôt, fût-il minime,comme participation à l’effort national. Et ce,

Il est curieux de constater et d’entendre,au premier chef, des personnes de pre-mière importance, s’agissant tout de

même du Président de la Commission desFinances du Sénat et du Président de laCommission des Finances de l’AssembléeNationale, avancer des inexactitudes sur lafiscalité des Français résidant hors deFrance.D’abord un constat : ni l’un ni l’autre ne sem-ble au fait du sujet évoqué, etmesure encoremoins les dégâts occasionnés par la divul-gation de contre-vérités claironnées par denombreux médias.Deux questions viennent immédiatement àl’esprit :A - Pourquoi avancer de tels arguments er-ronés en cette période pré-électorale ?B - Est-ce inconsciemment ou est-ce de lapure provocation ?Un réponse s’impose : ils confondent l’un etl’autre les 2.400.000 Français résidant horsde France qui paient leurs impôts, commetout le monde, dans leur pays d’adoption ;d’ailleurs, faut-il le souligner, quasiment50% sont ou sont devenus des binationaux.Et les exilés fiscaux, au nombre de 900contribuables (2009) payant l’impôt sur lafortune qui sont partis de l’Hexagone, mal-gré le bouclier fiscal. 821 avaient fait lemême chemin en 2008 et 719 en 2007.Ça n’est pas du tout la même chose.Jugez vous-même :

ROBERT VON MASIL 1880-1942

Les idéauxontde curieusesqualités, entre autres celles

de se transformerbrusquement enabsurditéquandonessaiede s’yconformer strictement.

Jean Arthuis

JérômeCahuzac

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LaVoixdesFrançaisde l'Etranger - Avril 2011

depuis fort longtemps. Quant aux soins, l’as-surance est obligatoire en Suisse, vous nepouvez pas y échapper. Il estparticulièrement difficile d’aller “profiter”des bienfaits du système social français, carles assurances en Confédération Helvétiquene remboursent pas les frais occasionnés àl’étranger, sauf accident ou assurances pri-vées particulières.Si vous cessez de colporter des mensongessur les 2 400 000 de Français établis hors deFrance, ces derniers s’abstiendront de direla vérité sur vous.

Michel Sapin (socialiste)« Il est nécessaire de modifier la loi pourqu’un Français qui souhaite conserver la na-tionalité française et qui, à ce titre, peut àtout moment de sa vie, pour lui-même, safemme et ses enfants, profiter de nos ser-vices publics, continue à payer des impôts aubudget de l’État. Cela, quand bien même ilaurait choisi, pour des raisons fiscales,d’être domicilié à l’étranger. Je ne suis pasfavorable à une sanction qui se traduirait parune suppression automatique de la nationa-lité. Mais comme la majorité des exiléscontinue à percevoir des revenus ou avoirdes biens en France, le fisc aura tous lesmoyens légaux de récupérer l’argent dû,même s’ils refusaient de payer l’impôt. »

Hervé Novelli (UMP)« Instaurer une taxe pour les exilés fiscauxn’est absolument pas souhaitable. Le pro-blème français est justement ses prélève-ments obligatoires beaucoup plus élevésqu’ailleurs. Il s’agit d’instaurer une politiquede baisse de la fiscalité plutôt qu’une taxa-tion supplémentaire. Pour moi, la rigueurimplique une baisse des dépenses et nonune hausse des recettes. Retirer la nationa-lité française à ces expatriés serait encorepire et complètement ridicule. »

Pierre-Alain Muet (socialiste)« Je suis très favorable au système améri-cain sur ce point. Il oblige un citoyen améri-cain à payer ses impôts aux Etats-Unis, quelque soit l’endroit dumonde où il habite. Riende plus normal qu’il contribue au finance-ment des services publics dont il peut conti-nuer à profiter, même exilé. Ce systèmeserait sans doute très compliqué à instaurerdans le cadre européen. D’ici là, la créationen France d’une contribution spécifique pour

les exilés fiscaux peut être envisagéecomme un premier pas. Quant à la dé-chéance de la nationalité pour les Françaisqui refuseraient de payer leurs impôts enFrance, elle serait, dans l’état actuel du droit,jugée inconstitutionnelle. »

Louis Giscard d’Estaing (UMP)« Il faut en venir au système américain. Là-bas, les expatriés détenteurs d’un numérode Sécurité Sociale sont imposés. Chez nousaussi, il faut vérifier que les revenus, notam-ment financiers, perçus en France par lesexpatriés qui restent titulaires de la carte Vi-tale sont assujettis aux prélèvements so-ciaux, CSG & CRDS qui leur permettentd’avoir accès, eux et leur famille, à tous lesservices de soins. »

CONCLUSIONComme vous le voyez, cet amalgame, quivoudrait associer tous les Français résidanthors de France à des exilés fiscaux, frise lamalhonnêteté intellectuelle. Les Françaisexpatriés, légalement répertoriés hors del’Hexagone, sont donc soumis tout naturel-lement aux conditions fiscales du pays deleur résidence.Dans leur grandemajorité, ils sont au béné-fice de conventions fiscales signées entre laFrance et leur pays d’accueil, avec, commepremier principe élémentaire, celui d’éviterla double imposition fiscale, d’abord dans lepays de résidence, ensuite en France.Il est vrai qu’avec un déficit public de plus de120 milliards d’€uros, notre dette se situantaujourd’hui à quelque 86 % du PIB et qui fileallègrement vers les 100 %, il y a urgence àtrouver des recettes.Suggestion : plutôt que de se complairedans la gesticulation et la politique specta-cle, plutôt que de s’évertuer à vouloir fairepasser les Français de l’Étranger commedes Français entièrement à part plutôt quedes Français à part entière, il serait plusutile, voire plus compréhensible de se pen-cher sur toutes les composantes du Cac 40qui, en toute légalité, engrangent des mil-liards d’€uros de bénéfices sans participer àl’effort national qui nous est demandé.Quoiqu’on en dise... il y aurait vraiment ma-tière et se souvenir de Cicéron lorsqu’il nousassénait :« La Frugalité est une richesse, l’espritd’économie un revenu. » �

SERGE CYRIL VINET

Michel Sapin

Hervé Novelli

Pierre-AlainMuet

Louis Giscardd’Estaing

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Droit bancairesuisse

FRANCEMAGAZINE N°33 38 ÉTÉ 2011www.expatria-cum-patria.ch

Dans le cas d’espèce, la Cour d’Appelde Paris, et c’est une première, a étéamenée à annuler les effets d’une

perquisition fiscale menée contre un contri-buable soupçonné de fraude fiscale.Motifs ? Cette perquisition, autorisée par leJuge des libertés et de la détention, avait étédiligentée sur la base de soupçons fondéssur des documents bancaires qui avaient étédérobés dans une banque suisse à Genèvepuis remis au fisc français.S’il est communément admis, dans tout Étatde droit qui se respecte, que l’utilisation parune administration publique de documentsvolés est illicite, encore fallait-il qu’enFrance, une autorité judiciaire, suffisam-ment indépendante du pouvoir, ose le dire.Avec cette ordonnance du 8 février 2011 dela Cour d’Appel de Paris, c’est maintenantchose faite ; ce qui est tout à l’honneur desinstitutions judiciaires françaises.

A l’origine : un voleur de fichiersbancaires informatiques

En automne 2009, la chronique franco-suisse avait été défrayée par l’histoire d’unemployé d’une banque à Genève qui avaitdérobé auprès de son employeur des fichiersinformatiques comportant des bases dedonnées concernant des clients, notammentfrançais, de la banque qui se sont retrouvés,dans des circonstances autant pécuniairesque judiciaires, peu catholiques, enmains de

l’administration fiscale française.C’est à cette occasion que le Ministre fran-çais du Budget de l’époque, Eric Woerth, quiavait, par anticipation, de bonnes raisons devouloir redorer son blason, avait ouverte-ment menacé d’utiliser les listes de clients,pourtant volées, à l’encontre des fraudeursfiscaux présumés.

Les intermédiaires : des receleurs dedocuments volés

N’entendant que la raison d’État (l’occasionfaisant au demeurant le larron), les agentsdu fisc français ont effectué, tambours bat-tants, des perquisitions à l’encontre de plu-sieurs contribuables dont les nomsapparaissaient sur les listes volées et qui,apparemment, avaient dû omettre de men-tionner les comptes bancaires en Suissedans leur déclaration fiscale française.Au passage, etmanifestement consciente del’aspect illicite de la démarche, l’autoritéfrançaise avait pris soin de “blanchir” les do-cuments bancaires volés en les faisant for-mellement transiter par le Parquet de Nicequi les a ensuite, de bonne grâce, officielle-ment transmis au Ministère du Budget, le-quel n’a pas manqué d’en faire des chouxgras.Le coup de maître consistant à recourir à lablanchisserie du Parquet de Nice (plutôtqu’à la classique société écran pana-méenne) pour donner un semblant de virgi-

Secretbancairesuisseet fiscfrançais

Le fisc françaisnepeutpasutiliserdesdonnéesobtenues frauduleusementPAR UNE ORDONNANCE RENDUE LE 8 FÉVRIER 2011, LA COUR D’APPEL DE PARIS AINFLIGÉ UN SÉRIEUX CAMOUFLET À L’ADMINISTRATION FISCALE FRANÇAISE ENRAPPELANT À CETTE AUTORITÉ, QUI EN AVAIT MANIFESTEMENT BESOIN, QUE LA RAISOND’ETAT NE SAURAIT JUSTIFIER QU’ELLE BAFOUE OUVERTEMENT LES PRINCIPESFONDAMENTAUX DE TOUT ETAT DE DROIT. EN PARTICULIER, LE FISC FRANÇAIS NE PEUTPAS UTILISER CONTRE UN CONTRIBUABLE DES RENSEIGNEMENTS SOUMIS AU SECRETBANCAIRE SUISSE QUI LUI SONT PARVENUS APRÈS AVOIR ÉTÉ OBTENUSFRAUDULEUSEMENT AUPRÈS D’UNE BANQUE SUISSE.

La Cour d’Appel deParis a clairementrefusé de purger

des preuvesobtenues

illégalement.Morale de

l’histoire : la raisond’État a, en

l’espèce, cédé lepas à l’État de droit(ce qui est assezrare et méritaitd’être relevé).

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FRANCEMAGAZINE N°33 39 ÉTÉ 2011

Droit bancairesuisse

nité à des documents bancaires volés a cer-tainement dû forcer le respect des blanchis-seurs en tout genre.Ainsi que des adeptes des séries “le pom-pier pyromane” ou “le gendarme cambrio-leur”.Mais pas celui de la Cour d’Appel de Parisqui est restée de marbre !

Entracte : un contribuable se rebiffe

Ce qui n’avait toutefois pas été prévu dans lesavant scénario élaboré par l’administrationfiscale française c’est qu’un quidam sus-pecté de fraude fiscale a osé se rebiffercontre les méthodes de ladite administra-tion.Entouré de ses gens de robes, en l’espèceMes Delphine Ravon et Alain Marsaudon,avocats au Barreau de Paris, notre contri-buable s’en est allé, au nomde l’État de droitmalmené en l’espèce par ses propres servi-teurs, clamer son indignation par-devant laCour d’Appel de Paris et dénoncer à son tourles turpitudes dont a fait preuve l’adminis-tration fiscale française à son encontre.

Rideau : la Cour d’Appel de Paris annuleles effets de la perquisition fiscale

Auprès de la Cour d’Appel de Paris, surprise.Les arguments juridiques du contribuable,même s’ils étaient au demeurant parfaite-ment fondés, rencontrent un large écho.La Cour d’Appel de Paris a en effet décidé dedire le droit (ce qui est d’ailleurs son rôle !) etde l’appliquer au cas d’espèce.Dans ses considérants, la Chambre d’Appelde Paris n’y est d’ailleurs pas allée avec ledos du Code.En effet, la Chambre d’Appel de Paris,mêmesi toutes les vérités ne sont pas toujoursbonnes à dire, a d’abord constaté qu’il étaitindéniable que le fisc français avait effectuéla perquisition querellée sur la base dessoupçons fondés sur des données bancairesvolées, en toute connaissance de cause, ceque le Ministère du Budget avait confirmé(voire s’en était même vanté).Constatant que l’origine de ces données étaitmanifestement illicite, la Chambre d’Appelde Paris en a tiré les conséquences qui s’im-posaient : l’ordonnance de perquisition ren-due sur la base de tels documents par leJuge des libertés et de la détention devaitêtre annulée.Ce faisant, la Cour d’Appel de Paris a claire-

ment refusé de purger des preuves obtenuesillégalement.Morale de l’histoire : la raison d’État a, enl’espèce, cédé le pas à l’État de droit (ce quiest assez rare et méritait d’être relevé).

L’administration fiscale françaisemauvaise perdante

Cela étant, l’administration fiscale françaises’est toutefois pourvue en cassation.Pourquoi ? Pour obtenir de la Cour de Cas-sation qu’elle avalise un procédé de l’admi-nistration fiscale française qui ne rebute pasà utiliser des documents volés et obtenirainsi la bénédiction de la plus haute juridic-tion française permettant à cette adminis-tration de recourir à des procédés déloyaux ?Que l’administration fiscale obtienne gain decause dans ces circonstances serait aussisurprenant qu’inquiétant.Ce d’autant plus que récemment, la Cour deCassation, par un arrêt du 7 janvier 2011,avait confirmé urbi et orbi qu’un moyen depreuve obtenu par un procédé déloyal devaitêtre déclaré irrecevable, ce qui est, au de-meurant, la moindre des choses dans unÉtat se targuant d’être un État de droit.Dans la procédure État de droit contre Rai-son d’État, la première manche judiciaire aainsi été remportée par le demandeur.Gageons qu’il en sera de même devant laCour de Cassation.Affaire à suivre (de près !) �

[email protected]

AVOCAT, ETUDEBOREL & BARBEY

JUGE SUPPLÉANT À LACOUR DE JUSTICE,

GENÈVE

Patrick Blaser

Droit bancaire suisse déjà parus• Obligations du banquier gérant de fortune,France Magazine n° 32• Crédit immobiliers : la prudence des banques suisses,France Magazine n° 26• Le secret bancaire suisse n’est pas négociable,France Magazine n° 21• La banque suisse à l’épreuve du MiFiD,France Magazine n° 20• Le droit des héritiers aux renseignements bancaires,France Magazine n° 19• Le devoir d’information de la banque en matière deconseil en placements, France Magazine N° 17• Blanchiment d’argent : une répression en évolution,RFE Magazine n° 13• Secret bancaire suisse : du mythe à la réalité,RFE Magazine n° 5• Banques suisses, les nouvelles exigences de diligencecontre le blanchiment de capitaux, RFE Magazine n° 4

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“Allocution préparée pour la venue deMonsieur Pierre Lellouche,

Secrétaire d'Etat au Commerce extérieur,Ministère des Affaires Etrangères

J’aimerais vousdire

FRANCEMAGAZINE N°33 40 ÉTÉ 2011www.expatria-cum-patria.ch

Monsieur le Ministre,Madame & Messieurs les vice-présidents,Mesdames&Messieurs les Sénateurs &Conseil-lers, chers Collègues,

Qu’il me soit permis, Monsieur le Ministre, devous remercier d’être ici ce soir à nos côtés pourvotre intervention, montrant, s’il le fallait, votredétermination à remettre en ordre de bataille leCommerce Extérieur français qui, les indicateurstout récemment parus nous le rappellent, restetrès fragilisé.Mes collègues et moi-même ne peuvent que seréjouir du temps que vous consacrez généreuse-ment aux Français établis hors de France et devotre implication, notifiant tout l’intérêt que vousportez à ces milliers d’entreprises françaises àl’étranger.Ces dernières, dont lemérite est à souligner, réa-lisent avec beaucoup de difficultés un travail re-marquable et remarqué à bien des égards et,faut-il le préciser, générant même en métropolebon nombre d’emplois non négligeables.Depuis votre nouvelle affectation en novembredernier, vous ne vous êtes pas contenté de re-garder passer les trains, vous en avezmême ven-dus au Kazakhstan, il y a de cela quelques joursseulement.Nous apprécions particulièrement vos dernièresprises de positions à Tokyo pour la défense de nosintérêts et, dans le même temps, les deux com-mandes majeures d’Airbus, mettant ainsi fin à ladomination insolente de l’américain Boeing quijouissait au pays du soleil levant d’un quasimonopole historique.Selon la tradition française bien établie, commetout compromis voit sa conclusion autour d’unetable, nous devons saluer la virulence de vospropos pour la défense et la promotion de lagastronomie française à l’étranger. J’y perçoiscomme une influence paternelle...Quoiqu’il en soit, la campagne “ So French, SoSexy ” ne peut que crédibiliser encore plus, notregastronomie élevée au patrimoine mondial del’humanité.D’ailleurs, toujours dans la même région du

monde, vous avez appelé le Japon àouvrir ses frontières aux produits ali-mentaires français, condition pourque Paris soutienne la conclusiond’un accord de libre-échange entre leJapon et l’Union Européenne.Dernier exemple de vos travaux, vosentretiens avec vos homologues Af-ghans pour faciliter l’accession desentreprises françaises à ce marchérégional, qu’il s’agisse du secteurmi-nier, agricole ou celui des infrastruc-tures.

Il nous serait par ailleurs agréable que vous nous informiez du contenu devotre réunion avec les représentants des Conseillers du Commerce Exté-rieur de la France de ce matin et des implications que nous pourrions res-sentir sur le terrain pour nos entreprises françaises implantées horsHexagone. Enfin, lors de vos prises de fonction, vous avez annoncé une of-fensive digne de nos bonnes années, que les moins de vingt ans ne peuventpas connaître, pour le soutien, l’activation et la valorisation des PME.Indéniablement, c’est le grand chantier 2011 ! 42% de la valeur ajoutée fran-çaise, 54% des actifs, 90% du total des entreprises exportatrices mais seu-lement 25% de nos exports. C’est à ce niveau que se concentrent nos forceset nos faiblesses, que se jouent notre balance commerciale, nos emplois et,finalement, le financement de notre modèle social.Bien que vos yeux soient fixés sur notre partenaire européen principal, cen’est pas le seul, s’agissant de l’Allemagne.Je voudrais soumettre à votre sagacité une réflexion au demeurant anodine,et vous rendre attentif sur ce qui, à mon sens, est le premier des maux quiplombent le commerce extérieur français. C’est l’Intérieur ! Je m’explique.J’habite un pays depuis 30 ans qui s’appelle la Suisse. Quand vous prenez letrain à Genève pour rejoindre la capitale fédérale Berne, 2 heures vous suf-fisent. Chacun passe son temps comme il l’entend,mais si l’idée vous venaitde lire un petit livre qui s’appelle “ Le Code du Travail ”, au terme de votre pé-riple, vous aurez non seulement fini l’ouvrage, mais vous l’aurez compris.La Conclusion, Monsieur le Ministre ? « La Liberté d’entreprendre » !Liberté ! Comme nous le rappelait si bien Paul Eluard.Eh bien, Monsieur le Ministre, si d’aventure, vous preniez la liberté de com-pulser parallèlement le Code du travail français et son homologue helvé-tique, vous verriez alors la sourcemajeure des contraintes qui engluent notreéconomie et suis certain que bon nombre de solutions vous sauteraient auxyeux.J’aimerais vous remercier de votre patience et voudrais conclure par un traitd’humour en vous rappelant que la situation est tellement délicate que nousne pouvons nous contenter de changer les pansements mais de penser leschangements.�

LE 10 MARS 201127, RUE DE LA CONVENTION 75015 PARIS

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Culturerusse

FRANCEMAGAZINE N°33 42 ÉTÉ 2011www.expatria-cum-patria.ch

Pour vous, Monsieur, je fais un petit cadeau : deuxminusculespoèmes de Mikhaïl Lermontov, pleins de finesse et de mé-lancolie “Écrits en Français”. Les seuls. Malheureusement,

malgré toutes mes recherches, je n’arrive pas à trouver en quelleannée ils ont été écrits. Mais… pour un jeune Russe… ce n’est pasmal. Il se pourrait que ces petits vers aient été faits pour Varvara,vu leur pureté !Tandis que je vous écris, Lermontovme regarde de ses grands yeuxsombres. Le Musée Lermontov, à Tarkhany - devenu Lermontovo -m’a beaucoup gâtée enm’envoyant un beau portrait de Lermontov.J’étais invitée, pour une semaine àMoscou, un peu plus tôt, pour si-gner les Accords Culturels entre la Suisse et la Russie, et je ne pou-vais pas repartir aussi vite, vu mes obligations familiales. Alors,pourme consoler, onm’a envoyé un portrait, lequel tient compagnieà Chaliapine sur un mur du salon. Je rêve toujours d’aller à Ler-montovo.En attendant, je suis heureuse d’avoir fait connaître et aimer Ler-montov à une foule de gens. Et j’ai eu beaucoup de joie à réciter plu-sieurs poèmes après les conférences.

LYDIA YEGOROFFP.S. J’ai été ravie d’apprendre que vous écrivez, vous aussi, enalexandrins.

Le fabuleuxdestinde

Quand je te vois sourire,

Mon cœur s'épanouit,

Et je voudrais te dire,

Ce que mon cœur medit !

Alors toute ma vie

A mes yeux apparaît ;

Je maudis et je prie,

Et je pleure en secret.

Car sans toi, mon seul guide,

Sans ton regard de feu

Mon passé paraît vide,

Comme le Ciel sans Dieu.

Et puis, caprice étrange,

Je me surprends à bénir

Le beau jour, Oh monange,

Où tu m'as fait souffrir !

Quand je te vois sourire

Sur le déclin, nos passions dernières

Ne sont que crainteet que douceur ;

Resplendis, obscure lumière

De l’ultime Amour etdu jour qui meurt !

L’ombre déjà couvre la terre,

Seule une lueur, là-bas, à l’Occident…

Ne disparais pas, jourcrépusculaire,

Et fais durer l'enchantement !

Qu’importe la fuite des jours

Si elle épargne ma tendresse…

Ô toi, toi mon dernier Amour,

Toi, ma félicité et madétresse !

Dernier Amour

Mikhaïl LermontovQUAND POÉSIE RIME AVEC RUSSIE

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Culturerusse

Comment parler en quelques lignes du génial etfascinant Lermontov, alors qu'après chacune demes conférences - de plus d'une heure et demie -

il me semblait qu'il y aurait encore tellement à dire !!!Dans l'histoire de la littérature russe, à laquelle ils ontapporté un éclat sans pareil - non seulement en poésie,mais également en prose - deux noms demeurent, à toutjamais, merveilleusement et tragiquement liés : Pouch-kine et Lermontov. même génie, même idéal, et… unemort ignominieusement semblable : en effet, le jeune etbrillant Lermontov, avant même d'atteindre ses 27 ans,paiera cher son admiration pour Pouchkine, et son cou-rage à défendre la mémoire du grand écrivain.Pour les Russes, combien il est difficile d'établir unepréférence entre ces deux grands poètes ! Que de foisj'en ai discuté avec eux ! Rares sont ceux qui arrivent àémettre une réponse catégorique. Cependant, vous ne

FRANCEMAGAZINE N°33 43 ÉTÉ 2011

Mikhaïl Yourievitch Lermontov

pouvez savoir la joie que j’ai ressentie - il y aquelques années - lorsque j'ai dit à un Atta-ché Culturel Russe : « Je me demande quelleconférence je vais proposer, lemois prochain,à Genève : Pouchkine ou Lermontov. » Cethomme charmant m’a souri, avec une sortede lumière dans les yeux, et a simplementdit : « Ah ! Lermontov ! Quel poète, quellepersonnalité ! C'est fabuleux ! ». Puis, nousavons franchement ri, car il avait lu sur monvisage que, pour moi aussi, l'idole c’était - etc'est toujours - Lermontov !Quant aux admirateurs de Pouchkine, qu'ilssoient rassurés : loin demoi l’idée de diminuersa valeur à leurs yeux. Il est bien certain quece grand écrivain est le “Père de la littératurerusse moderne”, le créateur d'une nouvelleforme d'écriture, et, à ce titre, il ne peut êtreégalé : il a opposé à une conceptionmétaphy-sique une attitude lyrique. Lermontov, quiéprouvait une admiration passionnée pourl'œuvre de Pouchkine, a bénéficié de son in-fluence, c’est indéniable. Toutefois, si noussommes subjugués par la puissance des versde “Boris Godounov”, la fluidité de ceux conte-nus dans “Eugène Onieguine”, ou le rythmegénial du “Cavalier de bronze”, nulle part,nous ne trouvons des images, desmétaphoresaussi lumineuses, aussi fines, aussi réelle-ment poétiques que celles de Lermontov. Parailleurs, avec son célèbre roman “Un héros denotre temps”, le jeune écrivain se montreaussi à l'aise dans la prose que dans la poésie.De plus, cet ouvrage est le premier romanpsychologique écrit en Russie.

Sans doute pourriez-vous me demander comment il sefait qu’un si grand poète soit relativement peu connu enOccident. Ce serait une question très pertinente. En fait,à la mort du jeune poète, on était tout juste en train detraduire Pouchkine, et… au prix de quelles difficultés !Or, voici que l’immense Russie annonçait déjà un nou-veau génie ! Les traducteurs étaient affolés et débor-dés ! De plus, il fallut pas mal de temps pour réunir leplus important de l’œuvre de Lermontov, beaucoup dechoses ayant été égarées, ou dispersées par l’auteur lui-même, au cours des dernières et pénibles années de satrop courte vie. Toutefois, à la longue, le monde entierconnut le nom du jeune poète. Les vers de sa célèbrefresque poétique “Démon” furent traduits dans unemul-titude de langues.Dans le domaine de la comparaison Pouchkine-Ler-montov, il y a encore une chose, très importante à mesyeux, et qui a séduit beaucoup de gens : la personnalité !Pouchkine, malgré ses immenses qualités, avait, dansl’ensemble, un caractère assez faible, et sujet auxconcessions, même à l’égard de Nicolas 1er. Chez Ler-montov, malgré son jeune âge, jamais de concessions, à

(1814-1841)

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Culturerusse

aucun prix. La tête haute, l’allure fière, il défendait sesamis et ses idées jusqu’au bout !Dans le premier contact avec Lermontov et son œuvre,bien des gens se demandent : ange ou démon ? D’ail-leurs, le jeune écrivain s’est posé lui-même la questionà certains moments de son existence, ne sachant plus -au milieu de sa désespérante solitude - laquelle de sesdeux personnalités allait l’emporter sur l’autre : celledont la beauté et l’émouvante pureté, jointes à une dou-ceur et une sensibilité extrêmes, placent Lermontov au-dessus de la plupart des humains, ou celle, ironique,railleuse, blessante parfois, dont il revêtit le masquepour évoluer dans la so-ciété pourrie qui l’entourait.Pour comprendre le poète,il faut savoir percer lemasque et, pour cela, for-cément, connaître tant dechoses ayant marqué savie… Que de temps il a falluà certains pour éclaircir cemystère : Lermontov, rail-lant et choquant, maisjouant sa vie pour venger lamort de Pouchkine !Sa vie ! Elle commencebien tristement ! Ses pa-rents et lui habitent chez lagrand-mère maternelle,Elizabeth Arsenieva (néeStolypine !) à Tarkhany.L’aïeule est veuve, fortunée,etmachiavélique : sonmaris’est suicidé à cause d’elle !Par ailleurs, c’est à contre-cœur qu’elle a consenti aumariage de sa fille uniqueavec Youri Lermontov, carce dernier a une situationtrès modeste. Elle fait tout ce qu’elle peut pour détruirel’harmonie du jeune ménage.Le petit Mikhaïl n’a que 3 ans lorsque samaman décède,emportée par la phtisie ! Anéanti par la douleur, YouriLermontov ne supporte plus Tarkhany, et déclare qu’ilveut s’installer à Moscou, avec son fils. L’ignoble belle-mère est épouvantée à l’idée de se séparer du petit Mi-khaïl. L’enfant est le seul lien vivant qui la rattachedésormais à ce monde. Pour fléchir son gendre, elle luirappelle qu’il n’a pas les moyens d’élever correctementson fils. Par contre, si Mikhaïl demeure auprès d’elle,elle lui assurera un brillant avenir. Dans l’intérêt de l’en-fant, Youri doit le laisser à Tarkhani jusqu’à sa majorité.L’habile grand-mère parvient à convaincre ce person-nage naïf et bon. Pensant agir pour le bien de son filsqu’il adore - et compte reprendre plus tard - Youri, lamort dans l’âme, part seul pour Moscou. Elizabeth Ar-senieva connaît des heures de jubilitation intense. L’en-

fant est devenu sa propriété, elle l’a - en quelque sorte- acheté. Elle a de nouveau quelqu’un à diriger dans lavie, et, plus tard, son petit-fils comblera la solitude deses vieux jours. L’affection qu’elle porte à Mikhaïl estfaite de sincérité et d’intérêt.Il est bien certain qu’Elizabeth Arsenieva fait le maxi-mumpour son petit-fils dans le domaine du confort et del’éducation, mais c’est autre chose qui manque à l’en-fant. Désorienté par tout ce qui s’est passé autour de lui,il n’est pas heureux. Et puis… son père lui manque tel-lement. À l’âge de 6 ans, délaissant déjà ses jouets, ils’adonne à la rêverie. Il éprouve une envie folle d’aimer,

de s’attendrir, mais per-sonne ne s’en préoccupe.Sa grande-mère règletout : les épanchements etla réserve ! Quand c’estl’heure de se taire… cen’est pas l’heure d’aimer,et vice-versa.Automne 1827. L’enfant at-tent ses 13 ans. ElizabethArsenieva décide de l’em-mener à Moscou, et del’inscrire à la “PensionNoble” de l’Université. Laplupart des grands écri-vains russes ont fait leursétudes dans l’enceinte deces murs célèbres. Lesprofesseurs de Mikhaïl netardent pas à remarquerses dons exceptionnels,tant dans le domaine de lacomposition que dans celuide la récitation, et lui pré-disent une brillante car-rière.1829. Le jeune homme a 15

ans et, à sa vénération des poètes russes, il ajoute leculte de Shakespeare, Byron, Goethe, sans oublier Vic-tor Hugo. Il prend déjà conscience, également, de la ty-rannie exercée par Nicolas 1er. Cette découverte lui faitécrire des vers inoubliables.Aussi longtemps que Mikhaïl habitait Tarkhany, sonaïeule avait pu s’arranger pour l’empêcher de voir sonpère, mais…maintenant qu’il est à Moscou, cela s’avèreimpossible. Youri Lermontov demande à son fils de luiconsacrer ses heures de loisir, et le jeune homme ré-pond avec joie à l’invitation de ce père dont il ne saitpresque rien, et qu’il retrouve vieilli, fatigué, couvert dedettes, seul et triste. De toute son âme, il voudrait réha-biliter cet homme dédaigné de ses proches, et lui don-ner tout ce dont il a besoin. Mais il n’a que 15 ans ! Sonimpuissance l’accable ! Il explique à son père ses pro-jets, lui montre ses poèmes, écoute ses conseils avecune attention émue.

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Alexandre SergueïevitchPouchkine (1799-1837).

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FRANCEMAGAZINE N°33 45 ÉTÉ 2011

Culturerusse

Elizabeth Arsenieva observe avec inquiétude l’exaltationcroissante de son petit-fils. Il n’est plus le même : sesyeux brillent de hardiesse, et il ne tolère pas que l’onmédise de son père devant lui. La vieille dame sent seprécipiter la menace d’une séparation. Pour couper lesponts, elle songe à retirerMikhaïl de la PensionNoble età l’envoyer terminer ses études en France. Mais, réu-nissant ses dernières forces - morales et physiques - lepère du jeune homme s’oppose au voyage, brave la co-lère de sa belle-mère, et prétend régler lui-même l’ave-nir de son fils. Cela provoque la colère de sa belle-mèreet une scène atroce que Mikhaïl n’oubliera jamais. Celaprovoque une scène atroce que Mikhaïl n’oubliera ja-mais. Il ne reconnaît plus sa grand-mère dans cettefemme blafarde, au regard méchant, aux lèvres char-gées d’insultes. Youri Lermontov n’est pas moins ef-frayant dans son ultime sursaut de révolte. Ilaime son fils, et veut le reprendre. Maisl’aïeule est rusée. Après lesmenaces et les in-sultes, vient la grande scène du désespoir.Écœuré, bouleversé, Mikhaïl consignera leséchos de cette dispute dans une pièce qu’il in-titule “Les hommes et les passions”.Youri Lermontov demande à son fils de choisirlui-même, selon son cœur. Le jeune hommedésire éperdument partir avec son père, maisil craint la malédiction de son aïeule, a pitiéd’elle - vu son âge - et ne sait que faire ! Ce-pendant, un de ses oncles plaide en faveur deYouri et dévoile à Mikhaïl les intrigues et lesanciennes “précautions” testamentaires d’Eli-zabeth Arsenieva. Un profond dégoût envahitle jeune homme. Il se présente devant sagrand-mère et lui annonce froidement qu’il arésolu de la quitter. L’aïeule pleure, gémit, setord les mains, et Mikhaïl, stupéfait par lespectacle de cette créature hoquetante, n’oseplus assumer la responsabilité de ce qui sem-ble être un réel désespoir. Et puis, le jeunehomme doit reconnaître que -malgré tous sestorts - la vieille femme a beaucoup fait pourlui. Alors… il capitule et consent à rester au-près de sa grand-mère. Youri Lermontov part,désespéré. Quant à Mikhaïl, il lui semble quesa seule présence ici-bas constitue un sujet de scan-dale, et cette impression le marque fortement. Cet évé-nement est un véritable drame ! De plus, Mikhaïl n’apersonne à qui se confier. L’oncle, qui a tenté de l’aider,n’était que de passage, et ne reviendra pas de sitôt.Quant à Youri Lermontov, il réfléchit, et sa bonté natu-relle l’emporte sur son ressentiment. Dans sa lettre tes-tamentaire du 28 janvier 1831, il écrit ses parolesd’apaisement, tant à l’égard de son fils qu’à celui de sabelle-mère.Les mois passent tristement. Mikhaïl entre à l’Univer-sité de Moscou. Son besoin de tendresse le jette dans lesillage des jeunes filles. Il souhaite trouver un être fidèle

et doux, capable de le consoler. Il fréquente plusieursjeunes filles, dont sa cousine, Annette Stolypine, puisCatherine Souchkov, et Natalia Ivanov. Mais il est tropjeune pour retenir l’attention de cet essaim de filles àmarier, lesquelles le traitent de gamin. Pourtant, dansses grands yeux sombres brille un regard d’une acuitédéconcertante, et, au milieu de ses déceptions, le jeunehomme ne se rend pas compte du pouvoir et du charmeque ce regard pourrait avoir et… aura, effectivement, unan plus tard. En attendant, il se console en écrivant detrès belles œuvres, d’une grande pureté.Et voici que, le 1er octobre 1831, Youri Lermontov quittece monde, emporté par une maladie dont on ignore lescauses. Sachant l’hostilité que sa grand-mère a toujoursmanifestée à l’égard du défunt, le jeune homme gardeson chagrin pour lui, et contracte le goût de la solitude

et du repli en soi.À l’université de Moscou, l’ambiance est la-mentable : de vieuxmaîtres, incapables et pé-dants, s’adressent à des élèves que leurminable enseignement ne peut intéresser. Ilen résulte un chant épouvantable. Mikhaïl vit àl’écart du tumulte universitaire. Certains gar-çons essaient de se lier avec lui, mais il les re-pousse, désirant préserver sa solitude.Cependant, les mois passant, il se fait tout demême quelques rares amis parmi des jeunesgens de bonne famille. Son préféré est AlexLopoukhine, qu’il connaît d’ailleurs depuisl’enfance, car il le rencontre souvent chez sagrand-tante, à Serednikovo. Cet ami a unesœur, Varvara, qui sera le seul véritableamour de Mikhaïl jusqu’à la fin de sa tropbrève existence. Et, bien sûr, le jeune hommelui dédie de très beaux vers.Mikhaïl voudrait quitter l’Université de Mos-cou pour fréquenter celle de Saint-Peters-bourg. Malheureusement, l’Université de lacapitale lui fait savoir que les deux annéespassées dans celle deMoscou ne peuvent êtreprises en considération et qu’il doit recom-mencer ses études depuis le début. Décou-ragé, Mikhaïl abandonne ses projetsuniversitaires, et décide de choisir une car-

rière qui le libèrera de la double tutelle de sa grand-mère et des professeurs. Suivant l’exemple de soncousin Stolypine, il s’inscrit à l’École Militaire des Jun-kers. Elizabeth Arsenieva (de même que la famille deVarvara) tente de s’opposer à sa résolution,mais, de dis-pute en dispute, elle finit par céder. Lermontov entre àl’ÉcoleMilitaire des Junkers le 10 novembre 1832, à l’âgede 18 ans. Dans ladite École, la discipline est de fer, l’en-semble des cours épuisant, et les sanctions exem-plaires, pour des peccadilles, ou même des fautesimaginaires : on suit les directives de Nicolas 1er.Dans l’ambiance de l’École Militaire, une chose inquiètele jeune homme : le changement qui s’opère en lui, ou

Les professeurs deMikhaïl ne tardentpas à remarquer sesdons exceptionnels,

tant dans ledomaine de la

composition quedans celui de larécitation, et luiprédisent une

brillante carrière.

”“

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Culturerusse

FRANCEMAGAZINE N°33 46 ÉTÉ 2011www.expatria-cum-patria.ch

plus exactement dans son apparence, dans l’attitudequ’il doit adopter s’il ne veut pas paraître ridicule auxyeux de ses camarades. Oui ! Ridicule, parce que…éprise de pureté, de beauté. Entraîné par ses cama-rades, Mikhaïl prend conscience, avec dégoût, du cy-nisme éclatant, de l’absurdité vulgaire, qui caractérisentson nouveau destin ! La vie qu’il mène chez les Junkersn’a rien à voir avec sa véritable personnalité, etl’écœure ! Il écrit à la sœur de Varvara : « Il y a tant dechoses qui se sont passées enmoi, que je ne sais quelleroute je vais prendre : celle du vice ou de la sottise. Lestermes vous déplaisent, mais, hélas, dis-moi qui tuhantes et je te dirai qui tu es ! » Ceci est écrit avec lesouci évident d’affoler Varvara par l’annonce d’une ter-rible métamorphose que sa sœur ne manquera pas delui raconter. Il éprouve, parfois, le besoin de provoquerl’angoisse de ses proches, mesurant l’Amourqu’on lui porte à la crainte qu’il fait naître.Pourtant, il y a une part de sincérité dans cetaveu d’abaissement. Certes, il continue àaimer Varvara, mais cet Amour lui semble tel-lement compatible avec l’ambiance qu’il subiten ce moment. Avec son goût de l’absolu, duparfait, et vu tout le respect qu’il a pour lajeune fille, comment pourrait-il en être autre-ment ? Varvara est un ange. Lui, depuis qu’ilest chez les Junkers, se qualifie de démon, et,comme il en souffre sincèrement, il ne peuts’empêcher de l’écrire, et de communiquer sasouffrance à celle qui l’attend. Cette attituden’est pas étrange de la part de Lermontov.Toute sa vie, il aimera Varvara, mais mainte-nant, il se juge indigne de la jeune fille. Ce qu’ilvoulait lui apporter, c’était le merveilleuxAmour et la vie impeccable d’un poète : pascelle d’unmilitaire ! Ses camarades, lemonde,la vie : tout le dégoûte. Et soudain… Il est pos-sédé par le besoin de ridiculiser ses entou-rage. Ayant un esprit vif et très fin, lamoqueriemonte facilement à ses lèvres. Dès qu’il noteun trait comique chez un camarade, il perdtoute retenue. Beaucoup lui en veulent, mais les plus in-telligents s’en amusent follement. D’ailleurs, Mikhaïltourne en dérision ses propres imperfections. Mais der-rière son masque ironique, se cache un réel désespoir.Il trouve la vie ridicule, le genre humain parfaitementstupide et lâche. Il exprime alors tous ces sentimentsdans un remarquable poème qui a pour titre “Leshommes de mon temps”. Cependant, ce même Ler-montov, à l’École des Junkers, se glisse un soir dans unesalle de classe vide, s’assied devant un pupitre et, à l’insude tous, écrit avec fièvre des hymnes à la beauté, à lapureté, tel son poème “L’Ange”, ou encore “L’Étoile”, puisun autre, très connu, “La Voile”.Mais, bien sûr, les conditions de la vie en commun obli-gent le jeune homme à ne travailler à sa poésie que parà-coups, et hâtivement. Des deux années qu’il passe

ches les Junkers, il ne reste de valable - à part lespoèmes précités - qu’une grande œuvre en vers “HadjiL’Abrek”, et un récit en prose “Vadim le bossu” évoquantla révolte de Pougatchev.Novembre 1834. Lermontov est nommé cornette au ré-giment des hussards de la garde à Tsarskoie-Selo. Sagrand-mère l’installe luxueusement dans sa digniténouvelle, voiture, chevaux, domestiques, etc. Avec soncousin Stolypine - qui se trouve dans le même régiment- le nouveau cornette partage son temps entre les de-voirs du service, et les divertissements mondains.Petit à petit, sur les conseils de son aïeule, le jeunehomme se lance à l’assaut des saisons. Il fait la cour àune quantité de femmes, et se moque ouvertement detoutes, marqué de son profond dédain pour la sociétéqu’il côtoie. Parfois, le souvenir de la petite Varvara

triomphe de cette vie désordonnée. Au fondde son cœur, Mikhaïl ne garde de tendresseque pour les heures délicieuses vécues jadisavec la jeune fille, à Serednikovo.Mais tout le monde connaît déjà les excentri-cités sentimentales de Lermontov. Varvaraaime toujours Mikhaïl, mais elle obéit, et serésigne à unmariage sans amour. Lermontovcroit perdre la raison. Il essaie de revoir Var-vara, pour s’expliquer devant elle, mais elle lereçoit avec son mari. Le trouble de la jeunefemme montre clairement que ses senti-ments n’ont pas changé, mais elle craint lescandale, stupidement perdu par sa faute,naît alors un livre, dont les héros ont changéde nom, bien sûr, et qui s’intitule “La Prin-cesse Ligovsky”. Tout y est vrai : magnifique-ment et stupidement vrai, faisant revivre -avec une infinie délicatesse le seul grandAmour de Lermontov.En 1836-37, Mikhaïl consacre beaucoup detemps à la poésie. Des œuvres de grande va-leur se font alors remarquer : “Le BoyardOrcha” et surtout “Le chant du Tsar Ivan et dubravemarchand Kalachnikov”. Dans ces deux

poèmes, Lermontov retrouve avec bonheur le ton lent,grave et mystérieux, des vieilles légendes russes. Unautre poème, de la même époque, prouve l’étonnant ta-lent du jeune auteur : il s’agit de “Borodino”, dont il n’estpas un Russe qui ne sache plusieurs strophes par cœur.Et voici que, grâce à l’insistance de son ami Raievsky, lepoète se détache de ses camarades officiers, et acceptede nouer quelques relations dans le monde des lettres.Il pourrait être présenté à Pouchkine, mais dans ce do-maine, une timidité émouvante le fait reculer cemomentpourtant si désiré. Il préfère attendre, ne se jugeant pasencore digne d’une telle rencontre. Et pourtant… À cetteépoquemême, lisant quelques poésies inédites de Ler-montov, Pouchkine s’écrie devant son ami Glinka : « Il ya là les preuves étincelantes d’un très grand talent ! »De loin, Mikhaïl suit avec fièvre les événements drama-

Dès qu’il note untrait comique chezun camarade, il

perd toute retenue.Beaucoup lui enveulent, mais lesplus intelligents

s’en amusentfollement.

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tiques de la vie de Pouchkine. Il souffre de la savoir tor-turé par la honte, en bute aux railleries de ses ennemis,à cause de son épouse et de D’Anthes. Soudain, fin jan-vier 1837, une terrible nouvelle plonge toute la Russiedans la consternation. Pouchkine est tombé, mortelle-ment atteint lors de son dernier duel avec D’Anthes. Le29 janvier, le grand poète s’éteint. Lermontov subit unvéritable choc nerveux à l’annonce de la catastrophe.Séance tenante, il écrit un poème vengeur, et lui donnepour titre “La mort du poète”. Son ami Raievsky, en-thousiasmé par ce chef-d’œuvre, en fait un grand nom-bre de copies, lesquelles sont aussitôt colportées auxquatre coins de la capitale par lui-même et quelques ca-marades. Le poète Joukovsky, le prince-écrivain Via-semsky, et Tourgueniev,déclarent : « Les vers deLermontov sont admira-bles ! ».Quant à Mikhaïl, bien pluspréoccupé par la mort dePouchkine que par sa gloirenaissante, il songe à provo-quer en duel l’assassin dupoète. Cependant, très vite,dans le but évident de cal-mer le peuple, le bruit courtque l’empereur s’apprête àchâtier D’Anthes. Lermon-tov se calme un peu. Mais,au bout de quelques jours,par Nicolas Stolypine -frère de son cousin - il ap-prend que le tsar, ses mi-nistres et les courtisans lesplus en vue, sont ferme-ment opposés à ce queD’Anthes soit jugé. On lerenverra simplement dansson pays, la France. Alors,Lermontov se révolte, et foude colère, ajoute à sonpoème une conclusion terrible etmenaçante à l’adressedes autorités. Le tsar reçoit aussitôt une copie du poèmecomplet saisi par la police. Raievsky est mis aux arrêtspour avoir distribué les vers de son ami. Lermontov estinterrogé, puis arrêté. Elizabeth Arsenieva court les mi-nistères, implore des amis haut placés, pour interveniren faveur de Mikhaïl et de Raievsky. Elle échoue. Ler-montov est envoyé au Caucase, dans un régiment dedragons, et son ami relégué dans le gouvernementd’Olonetz. Le jeune poète est profondément accablé parsa part de responsabilité à l’égard de Raievsky. Hélas, ilne peut rien faire !En roulant vers le Caucase - infesté de rebelles - Ler-montov songe à Pouchkine. Dix-sept ans plus tôt - exilécomme lui pour avoir écrit des vers subversifs - il avaitsuivi cette même route ! Entre le défunt et ce vivant,

entre l’écrivain célèbre et ce jeune débutant, s’établitune alliance mystérieuse.Dans la deuxième quinzaine d’avril, Lermontov arrive àGuelendjik, mais il prend froid, subit une violente crisede rhumatismes, et est envoyé en traitement à Piati-gorsk. Là, une société élégante semble ignorer les com-bats qui se déroulent non loin d’elle. Tout d’abord, lepoète la fuit, préférant les excursions qu’il fait en soli-taire. De ces longues promenades, il restera un trèsbeau poème intitulé “Caucase”.Après quelques semaines d’isolement, il retourne toutde même dans les bals, et recommence à railler, àcontredire. Puis, guéri de ses rhumatismes, il rejoint sonrégiment. De son côté, son aïeule reprend ses dé-

marches dans le but de lefaire grâcier. Vu son grandâge - et ses relations - onlui accorde enfin la faveurdemandée. Lermontov re-vient à Tsarskoie-Selo. seschefs sont contents de lui.Puis il compte des protec-teurs sérieux dans lemonde des Lettres, en par-ticulier Joukovsky et Tour-gueniev. Pourtant, sescamarades sont tous d’ac-cord pour noter qu’il souf-fre d’une lancinantetristesse.Printemps 1838. Varvara etson mari s’arrêtent àSaint-Petersbourg. Lajeune femme n’a pas ou-blié Mikhaïl, et désire ar-demment le revoir. Leurami commun - Chan-Guireï- prépare la rencontre. Var-vara, pâle et maigre, n’estplus que l’ombre d’elle-même. Lermontov est

bouleversé. Il éprouve le sentiment d’avoir irrémédia-blement gâché leur vie, à tous deux. Varvara repart, em-portant son Amour et sa souffrance. Elle s’éteindra en1851.À Saint-Petersbourg, la notoriété de Lermontov s’est af-firmée durant son absence. On voit en lui l’héritier spi-rituel de Pouchkine. Les grands poètes l’aiment, et onl’invite de tous côtés. Pourtant, sa tristesse ne diminuepas. Le monde l’ennuie. Il ne trouve de consolation quedans le travail et l’amitié des autres poètes. C’est alorsqu’il compose son plus grand chef-d’œuvre “Le Démon”,fresque éblouissante par l’abondance des images et lasûreté de l’écriture. Ce travail terminé, Lermontov re-tourne dans les salons et les bals. Lors du Nouvel An1840, il éprouve un tel dégoût à nouveau, pour cette so-ciété, qu’il rédige un poème virulent ayant pour un titre

Ivan Tourgueniev(1818-1883).

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“Premier janvier”. Mais le 16 février, lors d’un bal, unedispute s’engage entre le poète et le fils de l’Ambassa-deur de France - Monsieur de Barante - qu’il ne peutsentir. Et, le 18 février, c’est le duel, à l’endroit même oùPouchkine est tombé. Légèrement blessé, le poète estmis aux arrêts. Le grand critique Bielinsky lui rend vi-site, et dit ensuite à ses amis : « J’ai vu Lermontov danssa solitude. Quelle âme profonde et puissante ! Ses pa-roles respirent la vérité, la simplicité, et la profondeur.Pour la première fois, j’ai vu le vrai Lermontov. Que cetteâme de poète est fine et tendre ! Et comme il aimePouchkine ! »Durant son incarcération, Mikhaïl trompe le temps enécrivant de nouvelles œuvres “Le chevalier captif”, “LaVoisine”, “Le Vaisseau fan-tôme”. Mais de Barantevient le voir, se plaignant dela déposition du poète : ilest vexé, car Lermontov adéclaré qu’il a volontaire-ment épargné son adver-saire. Une disputes’engage, et, pour en finir,le poète propose un nou-veau duel à sa sortie de pri-son. La mère du diplomates’empresse de révéler cettehistoire aux autorités. Et,pour la seconde fois, lelieutenant Lermontov estenvoyé au Caucase.Le 20 avril 1840, le jeunehomme court embrassersa grand-mère, qu’il trouvesouffrante et désespérée.En vieillissant, elle s’est at-tachée plus sincèrement àMikhaïl. Maintenant, ellel’aime pour LUI, et non pluspour elle, comme jadis.S’arrêtant à Moscou, Ler-montov rencontre Gogol, enthousiasmé par son roman“Un héros de notre temps”. Une œuvre en prose cettefois, que le jeune homme vient de terminer. Gogol pré-dit au poète qu’il deviendra un grand peintre de la vierusse. Puis demande àMikhaïl de lui réciter son dernierpoème “LeNovice”. Gogol est émerveillé. Un critique lit-téraire - Chevyrev - écrit aumêmemoment : « Depuis lamort de Pouchkine, aucun nomn’a brillé d’un éclat aussivif à l’horizon de notre littérature que celui de Lermon-tov. Talent fabuleux et varié, aussi à l’aise dans les versque dans la prose, Lermontov est, à la fois, un lyriqueinspiré et un romancier admirable. »Juin 1840. L’exilé arrive à la forteresse Grozny, où il n’estquestion que des violents combats qui doivent se dé-clencher sur le flanc gauche de la ligne du Caucase. Dèsles premiers engagements, la conduite de Lermontov lui

vaut une brillante citation. Il est proposé pour être dé-coré de l’ordre de Saint-Vladimir. Fin septembre, un dé-tachement de cavalerie passe sous ses ordres. Pourconquérir l’estime de ses soldats, Lermontov se mêletotalement à eux, mangeant à leur ordinaire, dormantcôte à côte avec eux. Le Général Golovine note dans sonrapport : « Toujours le premier à cheval et le dernier aurepos, cet officier courageux et actif mérite les félicita-tions du haut-commandement ». Puis il ajoute : « Pro-posé pour le sabre d’or, avec l’inscription : Pour labravoure ! ». Mais le tsar n’a pas pardonné à Lermontovle poème sur lamort de Pouchkine, pas plus que ses at-taques et moqueries à l’égard de la haute société. Il in-terdit citations et décorations.

Janvier 1840. Le poète ob-tient une permission pourvenir embrasser sa grand-mère. Puis, il repart pour leCaucase, en compagnie deson cousin et fidèle amiStolypine, lequel est chargéde l’emmener à Choura, oùse trouve son régiment. Laroute est affreuse ; unepluie diluvienne accom-pagne les voyageurs. Fati-gués par ce pénibleparcours, ils décident de serendre non pas à Choura,mais à Piatigorsk, et de sefaire délivrer de faux certi-ficats médicaux leur per-mettant de passer quelquetemps dans la ville d’eau.Ils arrivent à leurs fins, ets’installent dans une mai-sonnette en bordure de laville. Lermontov se remet àécrire. Puis il songe à soncurieux destin, à Pouch-kine… Il pense… beaucoup

trop, et, comme c’est parfois le cas lorsque ses médita-tions l’accablent, il éprouve le besoin de s’étourdir pouroublier… tant de choses ! Il se joint à un groupe d’amishabitant les maisons voisines, parmi lesquels se trouveun nommé Martynov, puis Léon Pouchkine - frère dupoète - le Prince Troubetzkoi, Glebov et Raievsky queLermontov retrouve avec joie ! La vie est toujours lamême à Piatigorsk. La haute société donne ses soirées,mais n’y convie plus le poète et ses amis, par crainte dese compromettre avec un proscrit. Peu importe. Mikhaïlet ses amis organisent leurs propres réjouissances. Lepoète fait souvent rire les jeunes filles aux dépens deMartynov, garçon prétentieux et borné. Mais, de plus enplus souvent, Lermontov est sujet à des accès de mé-lancolie. Un jour, il déclare à un camarade : « Je sensque je n’ai plus beaucoup de temps à vivre. » Pourquoi ?

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Nicolas Gogol(1809-1852).

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Il ne sait pas. C’est un pressentiment.Un officier de gendarmerie - venu de Saint-Petersbourg- prend un vif intérêt à la conduite du poète. Subitement,on remarque, dans Piatigorsk, un nombre étonnant depoliciers. Ces émissaires visibles de la volonté impérialedonnent du courage aux détracteurs du poète. Ils cher-chent un exécutant crédule et téméraire. Ils échouentune première fois auprès d’un nomméLissanevitch, dontl’amitié pour Lermontov est à toute épreuve ! Mais ilsparviennent facilement à convaincre le stupide et om-brageux Martynov, déjà exaspéré par les railleries dupoète. Le 13 juillet 1841, au cours d’un bal, Lermontovdessine une caricature très amusante de Martynov. Sesamis éclatent de rire. Mais Martynov - soutenu dansl’ombre par les provocateurs - leprend de très haut. chacuns’étonne, car Lermontov, selonson habitude, a voulu plaisantermais c’était vraiment sans mé-chanceté. Le poète répond d’unton amical à son camarade, maiscelui-ci ne se calme pas et ré-clame le duel. Les amis deMikhaïlessaient d’arranger les choses.Lermontov lui-même est per-suadé que cela se terminera de-vant un bon dîner, car cettehistoire est absurde, et il ne tientpas à se battre contre un cama-rade. Il est probable, en effet, queles choses se seraient amicale-ment terminées si Martynov avaitagi selon sa seule initiative. Maisles émissaires du tsar l’entou-rent, lui conseillent l’intransi-geance, ne voulant pas manquercette magnifique occasion de sedébarrasser de l’encombrant etindésirable défenseur de Pouch-kine.Lermontov, quant à lui, songe que- si le duel a lieu - il tirera en l’air.Il fait part de cette intention au fi-dèle Stolypine, ajoutant : « Je ne tiens pas à tuer cet im-bécile ! ». Les amis du poète pensent comme lui : cemisérable pantin de Martynov ne mérite même pas lamort. Évidemment, il est possible que Lermontov soittué, puisque c’est le soi-disant offensé qui tirera le pre-mier. Cette pensée ne trouble pasMikhaïl. Lamort ! Plusque jamais, il songe aux délices de cette évasion. Pourlui, c’est l’alliance de l’âme libérée avec le frisson del’herbe, le souffle du vent ! Et Lermontov se fait à lui-même cette émouvante confession : « Pourquoi ai-jevécu ? Pour quel but suis-je né, mis à part la défense dePouchkine ? Sûrement ce but existait, car je sens enmoides forces immenses, mais je n’ai pas tout deviné decette destination. Mon Amour n’a apporté de bonheur à

personne ; je satisfaisais seulement un étrange besoindu cœur. Avec avidité, j’absorbais les sentiments des au-tres, leur tendresse, leurs joies, leurs souffrances… etje n’étais jamais rassasié. Peut-être vais-je mourir de-main, ne laissant sur terre aucune créature qui m’aitpleinement compris ! Les uns me considèrent commepire, les autres commemeilleur que je ne suis en réalité.Après cela… vaut-il la peine de vivre ? Et pourtant, on vit,par curiosité, on attend quelque chose de nouveau…Comme c’est risible et trite ! »Malgré les efforts des amis du poète pour amener Mar-tynov à une réconciliation, le duel est maintenu. Ler-montov demande à Stolypine d’être son témoin.Stolypine ! Ce cousin et ami de toujours : un être nobleet généreux, dont la beauté physique est digne de sonâme. Il aime Mikhaïl comme un frère, et tremble pourlui ! Glebov sera le témoin deMartynov, bien que cela nelui plaise pas du tout, mais… il faut bien que quelqu’unse dévoue pour assumer ce rôle ! Le 16 juillet 1841, à 17heures, les témoins viennent chercher Mikhaïl, et la pe-tite troupe gagne le lieu de la rencontre. Quelques ca-marades, angoissés, viennent assister au duel. Martynov

et le poète sont prêts. Gle-bov compte. Lermontov de-meure immobile, paisible,avec un air étrangementheureux. Martynov doittirer le premier. Il hésite…Les secondes passent. Lapluie commence à tomber.Exaspéré par la terribletension qui règne, et quidevient insupportable pourles amis du poète, Stoly-

pine hurle : « Tirez donc ou je vous sépare ! ». Aumêmeinstant, un coup de tonnerre assourdissant ébranle l’es-pace. Une détonation sèche, isolée, retentit. Lermontovs’effondre, sansmême porter lamain à sa blessure. Il nebouge plus, ne gémit pas. Après unmoment de stupeur,les témoins se précipitent vers lui. Épouvanté, le regardvide, Martynov balbutie : « Mikhaïl, pardonne-moi. » Iltremble de tous sesmembres. Tel un dément, il s’enfuitvers Piatigorsk. Les témoins échangent des regards na-vrés. Ils sont dépassés par l’événement. De petitshommes, devant un crime énorme ! Glebov s’assieddans la boue, prend la tête de Lermontov sur ses ge-noux. Inutile d’appeler un docteur : tout est bien fini ! Lepoète n’a pas pu fêter son 27e anniversaire. Noussommes en juillet ; il est né en octobre. Sur son visagese dessine encore un sourire de souverain mépris.Les autorités sont au courant de ce duel, et auraient pul’interdire. Mais… la consigne dictée par Benkendorf -chef de la police - était de n’intervenir sous aucun pré-texte. Exactement la même chose que pour le duel dePouchkine !En ville, les personnes dites “de qualité” sont enchan-tées,mais un grand nombre de camarades pleurent sin-

De plus en plussouvent, Lermontovest sujet à des accèsde mélancolie. Un

jour, il déclare à uncamarade : « Jesens que je n’aiplus beaucoup detemps à vivre. »Pourquoi ? Il nesait pas. C’est unpressentiment.

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Ivan Martynov(1771-1833).

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cèrement leur étrangecompagnon. Les ennemisdu poète interdisent l’enter-rement religieux. Cepen-dant, le courageux colonelTraskine prend sur lui delever cette interdiction. Lesfunérailles ont lieu le 17juillet, vers 18 heures, au ci-metière de Piatigorsk. Lesamis de Mikhaïl portent lecercueil sur leurs épaules.Une foule d’officiers auxvoix graves chante la prièredesmorts. Lorsque tout estfini, quittant le cimetière,beaucoup se souviennentdes vers du jeune poète surla mort de Pouchkine.Comme celui dont il s’étaitfait le défenseur. Lermon-tov, traqué par des ennemishaut placés et subtils, a périen duel, au moment où songénie s’épanouissait incom-parablement. Un contem-porain note dans sonjournal, le 13 juillet : « Ler-montov a été tué. Son des-tin a été le même que celui de Pouchkine.J’ai peur pour la Russie quand je pense qu’ilne s’agit pas là d’un hasard, mais d’unesorte d’arrêt fatal, qui condamne les meil-leurs fils, les plus grands poètes de notrepays. » Le Prince-écrivain Viasemsky écrit àson ami Boulgakov : « C’est une perteénorme pour notre littérature ! On tire surnotre poésie plus sûrement que sur Louis-Philippe. Coup double ! Pas un raté ! Quelletristesse ! ».Elizabeth Arsenieva n’est prévenue du décèsde son petit-fils qu’aumois d’août. Surmon-tant le choc que lui cause l’affreuse nouvelle,elle trouve encore la force d’entreprendre lesdémarches nécessaires au retour du corpsde Lermontov. Le 23 avril 1842, Mikhaïl estréinhumé à Tarkhany, auprès de sa mère.Elizabeth Arsenieva s’éteint à son tour le 16novembre 1845, après avoir versé bien deslarmes.Et Martynov ? Quel sort lui réserve-t-on ?Nicolas 1er ordonne à Benkendorf de faire ensorte qu’il soit jugé de la façon la plus indul-gente ! Martynov ne sera condamné qu’à 3mois de forteresse, et à une pénitence reli-gieuse. Il est très satisfait, et pense qu’onoubliera très vite Lermontov. Il invente un tas

d’histoires pour justifier sonduel. Mais plus le tempspasse, et plus Lermontovest glorifié par ses conci-toyens, lesquels parlent delui comme étant l’un desplus grands écrivains dusiècle. Martynov traîneraderrière lui, toute sa vie, cespectre éternellementjeune, éternellement floris-sant. Dans les écoles, lesenfants apprennent les poé-sies de Lermontov parcœur. Et la plus grande pu-nition de l’assassin du poètesera d’êtremontré du doigt,avec dégoût, jusqu’à samort, même par les petitsenfants, ainsi que le racontel’écrivain estonien Vilde,dans ses “Souvenirs”. Nouspouvons le croire, car, dèsl’âge de 6 ans, il habita àMoscou, près de la maisonde Martynov.Disparu avant d’avoir lapleine mesure de son mer-veilleux talent, Lermontov

laisse derrière lui uneœuvre pouchkinienne.Sa prose, précise, nerveuse, d’un réalisme,annonce “Guerre et Paix” et “Anna Karé-nine”. D’ailleurs, plus tard, quand on de-mandera à Tolstoï quel est le romancierrusse qu’il juge le plus remarquable, il ré-pondra, sans hésiter : Lermontov ! Gogol faitla même réponse !À tous ceux qui l’ont bien connu, à tous ceuxqui furent ses “vrais” amis, nous devons au-jourd’hui ce privilège : pouvoir, avec eux, encompagnie de leurs écrits, de leurs souve-nirs, lever le masquede Lermontov ! À tra-vers la souffrance, lesdéceptions, le dégoût,l’âme du poète - der-rière lemasque qui ladissimulait aux re-gards indiscrets - atoujours conservé sabeauté, sa pureté, etsa noblesse, les dé-voilant dans des œu-vres merveilleuses,qui ont donné à laRussie un trésor poé-tique inégalable. �

Piotr Stolypine(1862-1911).

Plus tard, quand ondemandera à Tostoï

quel est leromancier russequ’il juge le plus

remarquable,il répondra,sans hésiter :Lermontov !

Gogol fait la mêmeréponse !

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BONNE ESPÉRANCE41

CU-1006 LAUSANNETÉL.

0041.21.729.88.06

Lydia Yegoroff

FRANCEMAGAZINE N°33 50 ÉTÉ 2011

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Genève

FRANCEMAGAZINE N°33 52 ÉTÉ 2011www.expatria-cum-patria.ch

C’est au 9 rue Tabazan qu’a habité le dernierbourreau genevois, François Tabazan(1534-1624), descendant d’une longue li-

gnée. Quand on naît fils debourreau, tout autre profes-sion était en effet sociale-ment barrée. Cet ultimespécialiste, expert de l’estra-pade, des osselets ou desbrodequins, maître du grandspectacle de la roue en placedu Molard, virtuose de la hache, a connu sesheures de gloire au lendemain de l’Escalade de1602, dans la nuit du 11 au 12 décembre (calen-drier Julien).Les Savoyards du duc Charles-Emmanuel ayantété vigoureusement repoussés, c’est lui qui dutétrangler treize - ou quatorze ? - illustres pri-sonniers, avant de leur couper la tête. Il tranchaensuite le chef de 54 assaillants morts au com-bat, ces crânes étant ensuite exposés, fichés surdes poteaux, durant six mois !La coutume étant que le bourreau récupère les habitsdes suppliciés pour les revendre, on voit que le malheurdes uns faisait le beurre des autres. L’émolument pourune décollation étant cependant modeste : dix florins(soit quelques centaines de francs suisses), et la be-sogne n’était pas quotidienne.Les Tabazan avaient reçu la bourgeoisie genevoise en1490. Des vrais Genevois, donc. Mais à Genève, on neveut plus le savoir ! Sur la plaque, apposée sur la rue, onse contente de souligner que les ancêtres du bourreau

étaient des Savoyards de Chilly.Vous l’avez remarqué ? Le dernier bourreau genevois estmort à l’âge de 90 ans. Ce qui est exceptionnel pourl’époque et prouve que le métier conservait bien sonhomme.Dans la rue Tabazan, au numéro 9, il suffit de lever la têtepour voir l’enseigne représentant le bourreau avec sa ca-puche et son énorme épée de fonction. Son costume of-ficiel était noir et violet. Mais c’est un des rares cas où leprestige de l’uniforme n’était pas un atout auprès desdames (quoique…).�

La rue dudernier bourreau genevois

GenevePourmieux“voir”

Le personnagedu bourreau dans

le cortège del'Escalade.

(suite)POURSUIVONS NOTRE DÉCOUVERTE DE LA GENÈVE INSOLITEET SECRÈTE GRÂCE AU GUIDE QUE VIENT DE PUBLIERCHRISTIAN VELLAS AUX ÉDITIONS JONGLEZ. NOUS AVONSDÉJÀ PRÉSENTÉ CET OUVRAGE DANS LES N° 30, 31 ET 32 DEFRANCE MAGAZINE. VOICI ENCORE DEUX SUJETS ÉTONNANTSCHOISIS DANS LA CENTAINE QUE COMPTE CE GUIDE. VOUSCROYIEZ CONNAÎTRE GENÈVE ? LAISSEZ-VOUS SURPRENDRE !

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FRANCEMAGAZINE N°33 53 ÉTÉ 2011

Genève

LÉNINE, SYMBOLE DES RÉFUGIÉS ?

en particulier dans les années 1903-1905 et 1907-1908. Ce bas-re-lief a été ajouté en 1920.Aucune inscription n’indiquant que le personnage pris comme mo-dèle est bien Lénine, on se demande pourquoi cemanque d’informa-tion. Est-ce que cette discrétion est due au choix controversé de fairede Lénine le symbole des milliers de réfugiés que Genève a accueil-lis au cours des siècles ? Certains Genevois, qui auraient préféré quel’on choisisse un autre illustre réfugié pour cet hommage – il n’enmanque pas ! - ont parfois ressenti cela comme une provocation…Lénine arriva en Suisse après avoir passé trois ans de déportationen Sibérie, et c’est en Helvétie que mûrit sa conception du parti ré-volutionnaire. Une plaque commémorative est posée sur le domicilequ’il occupa à l’époque, 5 rue des Plantaporrêts.�

Unbas-relief controversé auMolard

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PeudeGenevois le remarquent encore :gravé à mi-hauteur sur la face princi-pale de la Tour du Molard, un bas-re-

lief porte l’inscription « GENÈVE CITÉ DEREFUGE ». En regardant attentivement, ons’aperçoit qu’il représente la République ac-cueillant sous son bras protecteur un per-sonnage qui n’est autre que … Lénine.Construite en 1591, la tour du Molard a étéplusieurs fois restaurée. La dernière réno-vation datant de 1906-1907, période durantlaquelle le révolutionnaire russe promenaitsa calvitie naissante et sa barbichette dansles cercles influents de Genève. Lénine, exilépolitique, a fait de longs séjours à Genève,

Christian Vellas

christian.vellas@gm

ail.com

Le lac pénétrait autrefois jusqu’ici et il exista un port marchand jusqu’au débutdu 19e siècle. “Molard” vient de môle, la jetée qui protégeait l’entrée du port.

D’où vient le mot “Molard” ?

1 Un imposantbas-relief

montrant Léninesous les brasaccueillants de

Genève.

2 Portrait deLénine : c’est enSuisse que lerévolutionnairerusse mûritson projet.

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> Serge C. Vinet : “More Majorum” à lamanière de nos anciens. On sent chezvous, Monsieur Gianadda, une avidité àtransmettre, à passer le flambeau, àlaisser quelque chose aux générationsfutures. Qu'est-ce qui vous anime ?

Léonard Gianadda : Certains des vestigesgallo-romains découverts à Martigny datentd’avant le premier millénaire. Enterrés leplus souvent, ils ont survécu, ce qui nouspermet aujourd’hui de mieux connaître lescivilisations qui nous ont précédés. Il me pa-raît, en effet, naturel de conserver ce patri-moine, non seulement pour notregénération, mais pour celles qui vont noussuivre. D’origine italienne, j’ai toujours eu lesentiment que l’époque romaine du paysdans lequel je vis aujourd’hui constituait lesocle commun sur lequel se sont construitesles civilisations successives, au-delà desNations qui se sont créées. J’ai eu souventl’occasion de dire aux visiteurs de la Fonda-tion que nous, Suisses et Italiens, avions desancêtres communs et des origines sembla-bles. La connaissance du passé peut doncreprésenter un pont entre nous.

> S.C.V. : Vous avez aujourd'hui lapossibilité de jeter un regardpar-dessus votre épaule jusqu'en 1889,quand, à pied, votre grand-pèreBaptiste Gianadda franchit le Simplonet qu'en 1916, il obtint la naturalisationvalaisanne. C'est un parcours peucommun. Quel est votre sentiment ?

L.G. :Mon grand-père a effectivement émi-gré en Suisse à l’âge de 13 ans. Il y a fait savie et a obtenu la nationalité suisse et la ci-toyenneté valaisanne ainsi que la bourgeoi-sie d’un village proche de Martigny : Salvan.Je tiens de mes ancêtres paternels, et toutparticulièrement de mon grand-père, uncertain esprit d’aventure mais surtout le

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LÉONARD GIANADDA EST UN INGÉNIEUR, PROMOTEURIMMOBILIER ET MÉCÈNE SUISSE, NÉ À MARTIGNY LE 23 AOÛT1935. APRÈS SES ÉTUDES AU COLLÈGE DE L'ABBAYE DESAINT-MAURICE, LÉONARD GIANADDA DEVIENT REPORTER-PHOTOGRAPHE POUR LA TSR EN 1957, PUIS ÉTUDIE À L'ÉCOLEPOLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE LAUSANNE (EPFL) AVECL'OBTENTION, EN 1960, DU TITRE D'INGÉNIEUR CIVIL. IL OUVREUN BUREAU D'INGÉNIEURS EN 1961 À MARTIGNY.IL CONSTITUE, EN 1978, LA FONDATION PIERRE GIANADDA, ENSOUVENIR DE SON FRÈRE, MORT ACCIDENTELLEMENT LE31 JUILLET 1976, SUITE À UN ATTERRISSAGE RATÉ D'UN AVIONÀ BARI. LE 4 JUIN 2003, IL ENTRE SOUS LA COUPOLE DEL'INSTITUT ET DEVIENT MEMBRE DE L’ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS. EN 2009, IL CONSTITUE LA « FONDATION ANNETTE ETLÉONARD GIANADDA », UNE FONDATION À CARACTÈRE SOCIAL.

LéonardGianadda

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goût de la pierre, ce quim’a incité à choisir unmétier de la construc-tion. En tant qu’ingénieur, j’ai eu l’occasion, en 1993, de construire ledeuxième pont de Gueuroz, situé entre Martigny et Salvan. Mongrand-père avait participé à la construction du premier pont, entre1931 et 1933. Soixante ans plus tard, le bureau que je dirigeais àl’époque avec l’ingénieur Umberto Guglielmetti s’est vu confier laconstruction d’un deuxième ouvrage, à côté de celui construit parmon grand-père.Je tiens par ailleurs de ma mère mon goût pour toutes les formesd’art. Lorsque j’avais 15 ans, elle nous a emmenés, mes frères etmoi à Florence, Rome et Naples, visiter les plus grandsmonumentset musées italiens. J’en ai gardé un souvenir ébloui. J’ai, par consé-quent, le sentiment d’avoir suivi un parcours tracé aussi bien parmaparenté paternelle que maternelle.

> S.C.V. : Votre tante, Adèle Ducrey, qui vient de fêter ses 100ans, est l'histoire vivante de votre par-cours. Elle a même connu votre arrière-grand-père, Angelo, qui fit la bataille deSolférino en 1859. Cela dépassel'imagination. Elle habite toujours dans

l'immeuble Miremont où vous êtes néle 23 août 1935 à Martigny. Lion ascen-dant Lion !... Est-elle la réflexion, ceregard en arrière, qui vous a projeté àconstituer une nouvelle fondation“Annette et Léonard Gianadda”, unefondation à buts sociaux. Pourriez-vousnous décrire les buts et les finalités decette fondation ?

L.G. :Ma tante a fêté ses cent ans l’année oùj’atteignais les trois-quarts de siècle. C’estun âge où les forces déclinent et où l’on re-garde volontiers dans le rétroviseur. Onsonge sans doute davantage à tous ceux quin’ont pas connu ou qui ne connaissent pasla prospérité dont nous avons bénéficié.Après avoir consacré quelques décennies àun soutien actif dans les domaines artistiqueou historique, je souhaitais partagermes ac-quis avec ceux qui ont eu moins de chanceque moi. J’ai pensé évidemment aux per-sonnes âgées, à celles qui sont dans une si-tuation économique précaire et aux trèsjeunes enfants. La Résidence “À tout âge”que j’ai bâtie accueille toutes les générations: une crèche pour les enfants d’âge présco-laire, des appartements pour les familles,des studios aménagés à l’intention des per-sonnes âgées qui disposent aussi de locauxde vie communs. Ce complexe a été offert àla communautémartigneraine. Les revenusdes locations sont gérés par la “FondationAnnette et Léonard Gianadda” qui a pourmission de les redistribuer aux personnesou aux familles dans le besoin. Cela repré-sente plus de CHF 350 000.- par année. Parailleurs, à titre personnel, je poursuivrail’aide que j’ai toujours apportée aux institu-tions et sociétés locales, qu’elles soient à butsocial, sportif ou culturel.

> S.C.V. : Raymond Queneau disait« qu'il ne fallait jamais faire deconfidences, car cela abîmait lessentiments ». Malgré tout, vous pouvezpeut-être nous expliquer pourquoi etcomment le 31 juillet 1976, à ladisparition tragique de votre frèrePierre, âgé de seulement 38 ans, vousdécidez de créer une fondation à sonnom. Fondation connue et reconnuecomme un véritable phénomène dansle domaine de l'Art, bien au-delà desAlpes valaisannes, de la Suisse etmême de l'Europe.

L.G. : J’étais très attaché à mon frère, avecqui notamment j’avais beaucoup voyagé. Sa

LéonardGianadda encompagnie deCécilia Bartoli.

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disparition tragiquem’a donc profondémentmarqué. A cette époque, je projetais deconstruire un immeuble à l’emplacementactuel de la Fondation. Aumoment du creu-sement des fouilles, nous avions découvertles vestiges d’un temple gallo-romain, pro-bablement le plus ancien connu en Suisse.C’est la conjonction de ces deux événementsquim’a incité à créer la Fondation à laquellej’ai donné le nom de mon frère, pour perpé-tuer sa mémoire. Au départ, j’envisageaissurtout de créer un musée pour conserverle site et les multiples objets antiques dé-couverts à Martigny. J’ai très vite réaliséqu’unmusée, pour être vivant, doit offrir da-vantage à ses visiteurs. C’est la raison pourlaquelle j’ai songé à y organiser des exposi-tions et des concerts, qui ont très rapide-ment connu un grand succès, S’y sontajoutés les jardins et le parc de sculptures.Puis le musée a débordé de son enceinte ets’est répandu dans la ville, sous la forme dessculptures qui ornent aujourd’hui tous lesgiratoires de Martigny.

> S.C.V. : Il y a une dizaine d'années,j'étais à Moscou. J'ai eu le privilège devisiter le Musée Pouchkine et dedécouvrir les splendeurs de nosmaîtres français. Je ne vous dis pasl'intense émotion ressentie lorsque,quelques années plus tard, j'ai revuchez vous, à Martigny, les mêmesœuvres. Renoir, Monet, Manet,Watteau, Courbet, Pissaro, Matisse...Je me suis souvenu, ce jour-là, d’unephrase d’Amédéo Modigliani : « D’unœil, observer le monde extérieur, del'autre, regarder au fond desoi-même ». Est-ce que l'émotion vousaccompagne dans vos choix, est-cequ'elle vous guide ?

L.G. : Sans nul doute. Certaines œuvresd’art nous touchent davantage que d’autres.Lorsqu’on a la chance de rencontrer l’artiste,cette émotion se nourrit aussi de l’échange,de la relation. J’ai ainsi pu nouer de vérita-bles liens d’amitié avec certains artistes,comme Hans Erni, Sam Szafran ou CeciliaBartoli.

> S.C.V. : Le 4 juin 2003, Jean-JacquesAillagon, Ministre de la Culture àl'époque, vous remet votre épéed'Académicien. Votre installation sousla Coupole fait de vous, à l'Institut, unmembre éminent de l'Académie des

Beaux-Arts, mais aussi un Immortel. J'ai même entendu direque vous étiez le seul membre étranger de cette trèshonorable institution à avoir le privilège d'acheter des œuvrespour certains musées français. « Pour jouir d'une vieheureuse et accomplie, la clef est l'état d'esprit. C'estl'essentiel. »* Après avoir été décoré et adulé dans le mondeentier, dans quel état d'esprit êtes-vous ?

L.G. : Il serait évidemment facile de répondre qu’à côté de ces évé-nements glorieux, je continue à savourer les bonheurs simples : celuide manger les asperges avec mon ami Chambovey, artisan menui-sier ou avec Nato Visentini qui a réparé toutes les voitures anciennesexposées à la Fondation. J’ai conscience d’avoir vécu des événe-ments exceptionnels, parce que l’époque était particulièrement fa-vorable à l’expansion artistique, parce que mes moyens mepermettaient d’agir, parce que j’ai eu la chance de rencontrer toutau long de mon parcours des personnalités audacieuses, prêtes àm’accompagner dans mes démarches. Au-delà des satisfactionsnarcissiques qu’elles procurent, ces formes de reconnaissance ontaussi contribué au succès de la Fondation et, à ce titre, j’en suis trèsheureux.

> S.C.V. : Du 17 juin au 20 novembre prochain, vous entamez unenouvelle exposition “Claude MONET au Musée Marmottan etdans les Collections suisses”. Le Maître incontesté del'Impressionnisme de Giverny va vous occasionner sans aucundoute un énième succès. Qui ne succombe pas aux Nymphéas,ce sont des Odes à la nature, des Myriades de couleurs.À quand le 10millionième visiteur de la fondation PierreGianadda ? Cette année ?

L.G. : Commençons par atteindre le neuf millionième !

> S.C.V. : Vous êtes également membre du Conseil de l’EnteVeneto Festival (I Solisti Veneti). Une rétrospective des GrandsMaîtres Vénitiens avec, en toile de fond, leurs homologuesmusiciens, sous la baguette dumagistral Claudio Scimone,spécialiste incomparable d'Antonio Vivaldi, AlessandroMarcello, Otto Rino Respighi, etc. Avec son ensemble I SolistiVeneti. Est-ce envisageable ?

L.G. : Après avoir réuni une centaine d’œuvres de Van Gogh en 2000,présenter une exposition Monet, pourquoi pas ?

> S.C.V. : « Exige beaucoup de toi-même et attends peu desautres », nous enseignait Confucius. Qu'attendez-vous desautres ?

L.G. : Quand on attend beaucoup de soi-même, on attend générale-ment beaucoup des autres. Je n’échappe pas à cette règle. J’attendsdes gens quim’entourent qu’ils fassent leur travail avec lameilleurevolonté possible, qu’ils partagent mon souci de faire de la Fondationun espace d’accueil ou du bureau un lieu où le travail soit efficace.Même si la patience n’est pasma principale vertu, je crois que je saismanifesterma reconnaissance aux gens avec qui je collabore au quo-tidien. Plus globalement, j’attends des autres non pas qu’ils m’ap-prouvent en toute chose,mais aumoins qu’ils acceptent d’envisagerle changement, non comme une impossibilité mais comme unechance. C’est à ce prix que notre société peut évoluer. �

SERGE CYRIL VINET*Tenzin Gyasto, 14e Dalai Lama

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FRANCEMAGAZINE N°33 57 ÉTÉ 2011

ExpositionMonet

LéonardGianaddaet ClaudeMonet

Route près deGiverny, 1885, huilesur toile, 65 x 81,

Collection particulière.

Champs decoquelicots près deVétheuil, vers 1879,

huile sur toile,71.5 x 91.5,

Fondation CollectionE.G. Bührle, Zurich.

La Rue de l'Epicerie à Rouen, 1892, huile sur toile, 92 x 52,Collection particulière, Claude Mercier photographe.

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ExpositionMonet

FRANCEMAGAZINE N°33 58 ÉTÉ 2011www.expatria-cum-patria.ch

Peupliers au borf de l'Epfte,effet du soir, 1891, huile surtoile, 100 x 62, Collection

particulière.

Printemps à Argenteuil, 1872, huile surtoile, 51 x 65, Collection particulière.Cathédrale de Rouen. Effet de soleil.

Fin de journée, 1892, huile sur toile,100 x 65, Musée Marmottan Monet,Paris. Legs Michel Monet, 1966.

Matinée sur la Seine, 1896, huile surtoile, 92 x 92, Collection particulière.

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FRANCEMAGAZINE N°33 59 ÉTÉ 2011

ExpositionMonet

Nymphéas, vers 1914,huile sur toile, 135 x 145,Collection particulière.

Londres. Le Parlement. Reflets sur la Tamise, 1899-1901, huile sur toile, 81 x 92, Musée Marmottan

Monet, Paris. Legs Michel Monet, 1966.

Poirier en fleurs, 1885, huile surtoile, 65 x 81, Collection particulière.

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La Terrasse à Vétheuil, 1881, huile surtoile, 81 x 65. Collection particulière © Reto

Rodolfo Pedrini.

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ExpositionMonet

FRANCEMAGAZINE N°33 60 ÉTÉ 2011www.expatria-cum-patria.ch

Iris, 1914-1917, huile sur toile,120 x 100, Collection particulière.

La promenaded'Argenteuil, 1872,huile sur toile,

53 x 73, Collectionparticulière.

Falaises, tempsgris, 1882-1886,huile sur toile,

54 x 73, Collectionparticulière, Atelier

für fotografieMathias Leemann.

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Le Train dans la neige. La locomotive,1875, huile sur toile, 59 x 78, Musée

Marmottan Monet, Paris. Legs VictorineDonop de Monchy.

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FRANCEMAGAZINE N°33 61 ÉTÉ 2011

ExpositionMonet

Paysage d'hiver au val de Falaise, 1885, huile sur toile,65 x 81, Merzbacher Kunststiftung.

Sur la plage àTrouville,1870-1871,

huile sur toile,38 x 46, MuséeMarmottanMonet, Paris.Legs MichelMonet, 1966.

Nymphéas, 1907, huilesur toile, 92 x 73,

Collection particulière.

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Lepetit monde de Hansi - entre humouret naïveté - fait naître une intense pa-lette d’émotions. Les cigognes sur les

toits des maisons à colombages, les beauxatours et l’effervescence des villages en fête,c’est lui. Les cortèges d’enfants aux coiffesalsaciennes et lorraines, portant des kou-gelhopfs et des bouquets aux fleurs bleu-blanc-rouge, suivis par des oies curieuses,c’est lui. Les caricatures de personnagesaux casques à pointes, les détails des des-sins du Village d’Alsace (Saint Amarin) Avantet Après (L’occupation), subtils et travaillésavec un soinminutieux…C’est encore lui qui,de par ses phrases écrites dans des bulles,s’avère un des précurseurs de la bande des-sinée.C’est à l’initiative de la Société des Alsaciens& Lorrains de Lausanne et de Suisse ro-mande, de son président Bertrand Picard etde Yannick Scheibling, directeur du MuséeHansi de Riquewihr, que cette exposition apu voir le jour. Les œuvres présentées pro-venaient toutes du musée de la célèbre citéalsacienne, dévoilant un artiste complet,“touche-à-tout” : sa phase pointilliste, sonsens très développé de la publicité (perchéesur une patte, la cigogne veille toujours surla potasse d’Alsace), sa période Art nouveauà laquelle il était particulièrement sensible,la lithographie et l’aquarelle, arts dans les-quels il excellait. On a pu y admirer de nom-breux dessins, paysages, caricaturesacidulées, essais pour des étiquettes de vin,

Peinture

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artiste intemporel, aquarellisteet patriote avant tout…

HansiL'EXPOSITION QUE L'ON A PU VOIR AU MUSÉE HISTORIQUE DELAUSANNE JUSQU'EN MAI, A PERMIS DE DÉCOUVRIR OUREDÉCOUVRIR UN ARTISTE ATTACHANT ET TRÈS ATTACHÉ À SONALSACE NATALE ET PARTISAN DE SON RETOUR À LA FRANCE.CAR JEAN-JACQUES WALTZ, DIT HANSI, NAIT EN 1873, AU CŒURD’UNE ALSACE ANNEXÉE AU REICH ALLEMAND, DANS UNE FAMILLEFRANCOPHILE, PROTÉGÉE DE TOUTE INGÉRENCE ALLEMANDE.

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Peinture

études d’enseignes en ferronnerie qui or-nent encore les rues de Colmar. Ce paysa-giste talentueux qui a su croquer sa chèreAlsace dans tous ses états fait penser à unautre univers enchanteur, peuplé d’ani-maux : celui de Benjamin Rabier, créateurde Gédéon. « IIs se connaissaient et se sont >>

côtoyés, tous les trois, Hergé, Rabier etHansi ! » s’exclame Yannick Scheibling.C’est à Lyon que le jeune Hansi apprend lestechniques de l’aquarelle et de la gravure. Ilne cessera jamais de dessiner et se lancedans la réalisation de cartes postales, d’éti-quettes de vins, d’ex-libris, d’affiches...

Ci-dessous : “Ne m'appelez pas Maître, 1945” et “L’Alsacienne Piou Piou”.©Musée Hansi Riquewihr

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Peinture

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Vue de sa fenêtre a Pully Lausanne,1943.©Musée Hansi Riquewihr

Le village de Riquewihr où se trouve leMusée Hansi, souvent peint par l’artiste.

© Guillaume Graff

©PhotoFK

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Peinture

Le succès rencontré avec sesvues de paysages des Vosges etdes rues de Colmar lui confèreune grande popularité. Il suc-cède à son père au poste conser-vateur du beau MuséeUnterlinden à Colmar, devientl’Ami des enfants, l’Oncle Hansi…Succès également à Paris, où ilrencontre ses amis chez Bofin-ger, un autre Alsacien. En 1931,il y signe de nombreux décors,notamment un salon au premierétage, en compagnie d’un autrecompatriote : Spindler, poète enmarquetterie d’art…Cette sorte de “Hergé patriotique” auraconnu deux guerres. En mai 1913 et en juin1914, il est emprisonné à plusieurs reprisespour raison de persécution et d’outrage en-vers l’occupant. Dès la déclaration de guerreen août 1914, il s’engage dans l’armée fran-çaise. Au déclenchement de la DeuxièmeGuerre mondiale, il fuit l’Alsace et se renddans le sud-ouest de la France. Roué decoups par des commanditaires de la Gestapoà Agen en 1941, il parvient à la frontièresuisse où un capitaine Guillermet l’autoriseà se rendre à Lausanne fin 1942. Il vivra - desa peinture, d’aquarelles, de lithos - chezune famille Trimbach qui lui trouvera par lasuite un autre point de chute : une pensionpour jeunes filles anglaises, rue des Cham-blandes à Pully. Peut-être y a-t-il encoredans quelques greniers lausannois, dansquelques albums de familles oubliés, desaquarelles signées Hansi, représentant lesvignobles, les villages surplombant le lac

La Société des Alsaciens & Lorrains de Suisse romande,ne pouvait fêter son 140e anniversaire, le dimanche

20 mars, qu’au Musée Historique de Lausanne, dans lesouvenir bienveillant de Hansi. Comme les nombreuxAlsaciens, Lorrains et… Savoyards venus de Suisseromande et de France voisine, MM. Olivier Français,Municipal de Lausanne, Roland Rappaz, Président duConseil municipal étaient attentifs aux explicationsfournies par M. Laurent Golay, directeur du musée.M. Gérard Staedel, Président de l’Union internationale desAlsaciens et Lorrains, avait fait le déplacement depuisStrasbourg. Pendant l’assemblée générale qui s’est tenuedans une des très jolies salles du Musée, chacun desorateurs fit état des bonnes relations entre l’Alsace-Lor-

raine et la Suisse, de l’importance de ces deux régions siriches en histoire et de la société, fondée en 1871, qui fêtecette année son 140e anniversaire comme… l’associationdes Alsaciens de New York ! Le discours de M. BrunoPerdu, Consul général de France à Genève et ardentpromoteur de l’Alsace, en France comme à l’étranger,a fait l’unanimité : « Dans le monde, et en particulier enEurope, en Allemagne et en Suisse, vos associations, sontcomme le “Levain du Kougelhopf” une levure qui contribueau développement des relations bilatérales. En Suisse, votreassociation joue un rôle actif dans le dialogue entre nosnations et dans la construction d’une Europe unie… Lavitalité de la communauté alsacienne est une force pourl’influence et le rayonnement de la France à l’étranger. »

140e anniversaire de la Société des Alsaciens & Lorrains de Suisse romande

qu’arpentait l’artiste au chapeau noir (alsa-cien), flanqué de ses inséparables pinceauxet couleurs…Hansi quitte définitivement sa chère Alsaceen juin 1951, à 78 ans. Son petit-neveu,Jacques Feger, artiste peintre et cofonda-teur du Musée Hansi de Riquewihr, créé en1993, fait revivre les couleurs de l’Alsace etperpétue le souvenir de son grand-oncle àtravers ses livres où l’on retrouve avec bon-heur ses plus belles aquarelles. Car l’en-gouement envers l’imagier archi-populaireest intact. Un film retraçant les phases im-portantes de la vie de Hansi sera bientôt dif-fusé sur France 3. L’exposition étaitplébiscitée par les Japonais, lesquels vouentune véritable vénération pour Hansi, à l’oc-casion dumarché deNoël de Tokyo. L’actua-lité en décidera peut-être autrement…Dans lemonde de Hansi, la vie s’est figée enimages, paysages enchantés chers à l’en-fance… �

Françoyse Krier

Accueil au Muséehistorique de

Lausanne, de MM.Bruno Perdu, Consulgénéral de France àGenève, son épouseClaudine, et OlivierFrançais, Municipal

de Lausanne.

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Moorevs.Morin

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AncienAgentSecretcontreAncienMinistrede laDéfense

ACrans-Montana, en décembre 2010, a eu lieu le “Cristal Festival”.Ce festival d’origine française est dédié à toutes les formes de pu-blicité. HervéMorin (Président du Nouveau Centre et AncienMinis-

tre de la Défense) devait être un intervenant à la conférence « Commentles nouveaux médias ont-ils modifié la communication politique et pu-blique ? ». Malheureusement, le comble d’un ancien Ministre de la Dé-fense, ne pas pouvoir se déplacer en hélicoptère à cause de la météo !Arrivé avec 2 h de retard, il accompagna Sir Roger Moore et KristinaTholstrup, ainsi que David Bagnoud, Président des Communes de CransMontana. � Alain Barrière

[email protected]

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ÉchoduTerroirRomandMorand

LeValais terre promise pour l’agricul-ture et la viticulture, comme une cer-taine maxime qui dit que « Le Valais

c’est la Californie pour le terroir, mais enmieux ! ». En remontant le Valais, les al-

titudes varient de 450 m à 4 500 m. A450 m dans la plaine, terre

de limon où coule leRhône, voustrouverez despommiers

et poi-

riers, à700 m sur leversant nord,

les abricotiers, lesframboisiers, ainsi que la vigne en plaine,sur le versant sud et, un peu au nord, de1000 m à 4 500 m, les forêts, les alpages etles glaciers avec la neige éternelle, enfinpresque !Morand est né en 1889, cette entreprisen’utilise pour ses produits que des fruits dequalité, pour les abricots Luizet. Elle pos-sède en bien propre de quoi satisfairepresque à 100% la production en abricotineet liqueur d’abricot ; pour les poires Wil-liams, elle a recourt à bon nombre d’arbori-culteurs dans le Valais, car pour laproduction, elle a besoin en moyenne de30 000 kg/jour de purée de fruits pour ali-menter les alambics. Savez-vous qu’il faut8 kgs de fruits pour une bouteille de Willia-mine®. La gamme s’étend du 2 cl au 150 cl.La Williamine® Morand doit sa riche per-sonnalité à l’action conjuguée de la natureValaisanne, de l’homme et de l’art du distil-lateur.À presque 125 ans, Morand reste le nom leplus prestigieux de Suisse dans le mondedes alcools distillés et des sirops. Baptiséeen 1953, la Williamine® est le seul alcoolblanc suisse connu dans le monde entier.

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De lourds investissements récents permettent à lamaisonmar-tigneraine d’atteindre des objectifs qualitatifs, économiqueset écologiques sans précédent grâce à des solutions novatrices,en particulier en terme d’économie d’énergie, de recyclage desdéchets et d’optimisation des nouvelles installations.Triés à la main, seuls les fruits sains et d’un calibre déterminépassent à la broyeuse puis dans les cuves de fermentation. En-suite, les alambics recueillent la purée de fruits et la distilla-tion commence, ceci de manière indépendante pour chacundes 15 alambics en cuivre de la distillerie. Cette façon de pro-céder permet, d’une part, de programmer des réglages très

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DuPointGauxVergers,le plaisir duTerroir Valaisan

Martigny Distillerie Morand.Brunot Vocat, Julien Morand et

Didier Fischer, Directeur Général.

Martigny DistillerieMorand Alambics.

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FRANCEMAGAZINE N°33 69 ÉTÉ 2011

ÉchoduTerroirRomandMorand

précis, spécifiques à chaque fruit et de déterminer ainsi une distilla-tion optimale et sur mesure, d’autre part, de récupérer la chaleurd’une distillation pour préchauffer la purée de fruit en attente pourla prochaine charge. Chaque cycle dure 4 h avec 350 à 400 kgs depurée de fruits.

La Distillerie Morand a divisé par deux sesémanations de CO2. Elle est complètementautonome en chauffage en été, en ayantremplacé le système qui chauffait les 10 000mètres carrés des bâtiments. Le raccorde-ment au chauffage à distance de la ville deMartigny permet de faire l’appoint en hiver.Le contrôle des températures et des tempsde cuisson, des niveaux, des éventuellesfuites ou autres problèmes incombaient à dupersonnel qui se relayait jour et nuit au cœurde l’usine. Aujourd’hui, on est beaucoup plusprès du jeu vidéo que du piquet de perma-nence. Une caméra ultra sophistiquée peutse focaliser sur n’importe quel point essen-tiel du processus de distillation, télécom-mandée par un ordinateur, ou même par unsimple smartphone. Une éventuelle alerteest transmise à un responsable qui, grâce àla technologie la plus moderne, peut com-mander à distance n’importe quelle opéra-tion en rapport avec la distillation.Des nouveaux consommateurs, et surtoutles législations et contrôles liés à l’alcool,ont fait innover depuis 2 ans la société Mo-rand avec une nouvelle gamme “Doucede®” quandmême à 30° de volume d’alcoolavec la Williamine®, l’abricot et le coing,toujours dans une bouteille ronde. Ces pro-duits voluptueux et très fruités sont destinésaux jeunes adultes, aux femmes, aux cita-dins et sont à la base de nouveaux cocktailsélaborés par François Femia qui s’occupe deMixologie (Belle de coing, cerise chérie, Wil-liamine® mojito, sirop d’orgeat et pastis,etc.) pour le plaisir des « couples mixtes aulogis ». La maison Morand possède aussiune gamme sans alcool avec les 100% purjus de fruits framboise, cassis et fraise, ainsique les sirops, où le leader reste, depuisl’origine, la grenadine. �

ALAIN BARRIÈRE

Petit mémento sur le sirop de grenadineA l’origine, il était fait à base de pulpe de grenade. Dans quelquespays méditerranéens, il reste fabriqué ainsi, mais en Europe, ils’agit, dans le meilleur des cas, d’un assemblage de 10% de fruitsrouges et de vanille ou extraits, avec éventuellement un peu de jusde citron. Les fruits utilisés varient selon les marques : framboises,cassis, groseilles, sureau et fraises. Si on utilise des extraits de fruits,on parle de sirops aromatisés à la grenadine.

Le saviez-vous ?

Morand, gamme debouteilles Williamine.

Morand, bouteilles“Douce de”.

Morand, outilde productionmoderne.

Martigny, Distillerie Morand.Le barman François Femia.

Martigny, DistillerieMorand Sirops.

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Rencontre

FRANCEMAGAZINE N°33 70 ÉTÉ 2011

SOUVENIRSD’UNE ANNÉE D’ÉLUPASSIONNANTE

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FRANCEMAGAZINE N°33 71 ÉTÉ 2011

Rencontre

Carrure impressionnante, silhouette amincie,l'homme en impose autant dans les couloirs del'Assemblée Nationale que sur un podium, levant

les bras en signe de victoire. David Douillet est tel qu'onl'imagine, carré, direct, présent. Si la cravate remplacedésormais le ruban médaillé, et le costume le kimono,lui conférant une allure de notable, fonction oblige, sesyeux bleus mobiles un rien moqueurs parfois et sescheveux rebelles laissent deviner derrière la “carcasse”un bonhomme au grand cœur. Année après année, sonengagement aux côtés de Bernadette Chirac lors des“Opérations Pièces Jaunes”, en faveur des petits hos-pitalisés, l'a prouvé. Même si, faute de temps désor-mais, il a mis entre parenthèses ses actions debénévolat humanitaire. Entre parenthèses seulement.

RACONTE : « MA TROISIÈME VIE À L’ASSEMBLÉE NATIONALE »DavidDouillet

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MÉDAILLÉ D'OR AUX JEUX OLYMPIQUES,DIRECTEUR DE DÉVELOPPEMENT SURCANAL +, AUJOURD'HUI DÉPUTÉ SIÉGEANT ÀL'ASSEMBLÉE NATIONALE, DAVID DOUILLETSE BAT DANS L'HÉMICYCLE AVEC AUTANT DEPASSION QUE SUR UN TATAMI POUR FAIRETRIOMPHER SES IDÉES.

PAR ANNE-MARIE CATTELAIN-LE DÛPHOTOS : ALAIN SMILO,ASSISTÉ DE LOUIS-BERNARD LÉGRIER.PHOTOS MC2 : DR MC2.

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FRANCEMAGAZINE N°33 72 ÉTÉ 2011www.expatria-cum-patria.ch

Rencontre

> Entrer en politique, est-ce commeentrer sur un ring ?

Cela ne procède pas du tout de lamême dé-marche. Je fais de la politique pour servirmes concitoyens, pas pour flatter mon ego.En remportant des médailles d'or, en étantchampion, j'ai connu les honneurs, la gloire,la reconnaissance. C'est fabuleux et j'en airéellement profité. Aujourd'hui, je veux justeêtre en accord avec moi-même. Cela meconfère une vraie liberté. Si un jour, la poli-tique m'ennuie, je changerai une nouvellefois d'orientation.

> Se prépare-t-on à être député commeon se prépare à affronter un adversairesportif ?

Non pas du tout. La meilleure préparationc'est la motivation, l'envie de s'engager. Lespremières qualités demandées à un député :la faculté d'écoute, la patience, la disponibi-lité.

> Les parallèles, pour vous, entre lapolitique et le sport ?

Lobligation de se surpasser, d'atteindre sonobjectif, d'être le meilleur pour la causecommune. Et de tenir ses promesses.

> D’un côté, on signe des autographes, etde l’autre ?

On répond au courrier, très nombreux quel'on reçoit. Chaque semaine, 140 lettresma-nuscrites me sont adressées, auxquelless'ajoutent lesmails. Au bout d'un an, je com-mence seulement à être à jour. Je tiens à ré-pondre à toutes les personnes relevant dema circonscription et à orienter les autresvers le bon interlocuteur. On serre aussi desmains avec plaisir, dans la rue, sur lesmar-chés. Les marchés permettent de rencon-trer un maximum de personnes et je suisdésolé de constater qu'en Ile-de-France toutdu moins, les marchés s'appauvrissent, lenombre de vendeurs diminue. Cela mériteque l'on se penche sur cette situation carnon seulement ce sont des lieux de convivia-lité, mais aussi des sources saines d'appro-visionnement et de revenus pour toute unepopulation de producteurs.

> Justement, vous êtes député dans unecirconscription des Yvelines où il existeune vraiemixité sociale entre descommunes très favorisées, bourgeoiseset d’autres plus populaires, commentpassez-vous de l’une à l’autre ?

Cela va être plus vrai encore lors du rééqui-librage géographique en cours, compte tenudes mouvements de population. Je vais ré-cupérer 15 communes du sud des Yvelinesoù cohabitent des ruraux, notamment descéréaliers, des urbains et des personnes auxpetits revenus. Il est effectivement assez dif-ficile de contenter les uns et les autres, enparticulier ceux qu'on qualifie de “rurbains”,ces ménages trentenaires qui quittent Parispour les villages alentours afin de bénéficierd'une qualité de vie meilleure mais aime-raient trouver à la campagne toutes les in-

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UNE AMITIÉ INDÉFECTIBLE

« Si, aujourd'hui, je parraine et soutiens Frédérique Mora,qui a le courage d'entreprendre, d'ouvrir un restaurant auconcept très innovant, le MC2 à Monaco, c'est par fidélité àson père, François-Xavier Mora. Un homme droit, entre-prenant, esthète autant qu'épicurien. Je l'ai rencontré il y aplus de vingt ans au cours d'une manifestation sportivealors qu'il était PDG du groupe Lanson. Depuis, nous nenous sommes jamais quittés. Il m'a très souvent reçu chezlui avec son épouse Marie-Laurence, aussi bien en Corseoù il était propriétaire des eaux Orezza, que sur ses terresdans leMidi où il produisait des vins de qualité ClosRéquieret Domaines du Lac. C'était un fanatique de sports, de foot-ball notamment, très investi dans des œuvres caritatives.Son décès brutal, cet été,m'a foudroyé. Frédérique, sa filleunique,mérite qu'on la soutienne, qu'on tente d'adoucir sapeine immense. Je l'ai connue toute petite avec un carac-tère déjà bien affirmé qui lui permet dorénavant de faireface, aux côtés de sa maman, à toutes les responsabilitésqui lui incombent désormais, de poursuivre les activités deFrançois-Xavier. Elle sait qu'elle peut compter sur moi. Enmémoire de son Papa. »

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FRANCEMAGAZINE N°33 73 ÉTÉ 2011

Rencontre

frastructures des villes : crèche, garderie,centre de loisirs, etc. C'est impossible de leleur offrir, mais il est de mon devoir de lesaider à s'adapter. Avec les cultivateurs, ledialogue s'établit facilement ; originaire dela campagne, je connais leurs problèmes, jeles comprends.

> À la tête d’une grande tribu, sixenfants, vous affirmez volontiers« je crois en la famille, à l’équilibrepersonnel qu’elle procure, auxprotections qu’elle peut garantir »,est-ce à dire que vous menez unepolitique très volontariste dans cedomaine ?

Oui, je travaille sur un sujet que j'aimeraisdéfendre : la possibilité pour la mère ou lepère de percevoir un salaire parental afin derester auprès de son petit pendant les pre-mières années de sa vie. L’État ne prend pasassez en considération le métier à part en-tière de parents qui consiste à former ni plusnimoins un futur citoyen, à le doter de basessolides, d'un équilibre affectif pour affronterl'avenir. Actuellement, pour faire face auxdépenses de la vie courante, et notamment

celles, surréalistes du logement, les jeunescouples doivent disposer de deux salaires.Une situation stressante, qui coûte cher auxcollectivités en matière de structures d'ac-cueil et aux couples eux-mêmes. Il faudrait,par une réelle compensation financière, lais-ser le choix de travailler ou d'élever ses ga-mins.Celan'entraînerait pasd'investissementsupplémentaire pour l'Etat par le jeu d'équi-librage des dépenses liées à la petite en-fance. Le dossier est long à monter car ilrelève de plusieurs ministères.

> Vous êtes un politique très branchénouvelles technologies : un siteInternet à l’ergonomie parfaite, unenewsletter, et surtout un profilFacebook, avec 4 964 amis et 231photos de vous… ?

Je suis très sollicité. Ma notoriété de mé-daillé y est pour beaucoup. Mes “fans”même si je n'aime pas cemot, aiment savoirce que je deviens. Ce sont eux qui me de-mandent des photos, qui veulent suivre macarrière. Et puis, c'est unmoyen rapide, pra-tique d'informer, de dialoguer, de prendre lepouls de sa circonscription.�

Amateur de vins ?Oui, de bons vins que je partage avec mes amis, mafamille, mes collaborateurs.

Pour célébrer une victoire politique ? Unévénement à l’Assemblée vous optez pour ?Le champagne qui n’a pas son pareil dans le monde,symbole d’une des spécifiées françaises.

Pour un événement familial marquant ?Nous aimons, avec mon épouse, ouvrir une excellentebouteille de temps en temps à l’apéritif. Un joli Rouge, soitun Bourgogne, avec une préférence pour le Clos desMouches de Joseph Drouhin, ou un Clos Vougeot, soit ungrand Bordeaux, Château Talbot ou Château Haut-Brion.

Vos tables fétiches ?À Paris, le Plaza Athénée, une fois encore en souvenird’un mémorable déjeuner dans les cuisines avec AlainDucasse en compagnie de François-Xavier Mora. Plusmodestes mais formidables, l’Auberge Calabraise,authentique trattoria dans le XIVe et Pietro Alati, dans leVe. En Savoie, l’Oxalys de Jean Sulpice à Val Thorens. ÀMonaco : le MC2 de ma “filleule” de cœur Frédérique, quia su en très peu de temps donner une âme à son restaurantet qui propose une cuisine raffinée, naturelle, saine. Elle aaussi mis au point un service traiteur haut de gamme etune épicerie fine.

Avez-vous toujours le temps de pratiquer un sport ?Incitez-vous vos enfants à le faire ?Avec ses cortèges de déjeuners, de dîners, de cocktails, devins d’honneur, d’inaugurations, la politique a vite fait devous enrober. Je prends le temps de me poser pourdéjeuner équilibré. Et surtout après avoir suivi un régime,je pratique intensivement le cyclisme et le ski. Une façonde rester en forme physiquement mais aussi moralement,de décompresser, de déstresser. Avec mon épouse, jeforme une famille recomposée : 5 garçons, 1 fille, de 13 à21 ans. Tous pratiquent un sport, certains davantage qued’autres. L’un envisage de suivre mes traces, mais je lelaisse décider en fonction de ses résultats.

On peut dire que vous êtes comme les chats, vousavez déjà eu mille vies, quelle sera la suivante ?Pour le moment, je suis très heureux comme député. Un anà l’Assemblée Nationale, cela équivaut au moins à cinqans d’une autre existence. Mais le bilan est plus quepositif. Si, un jour, je m’ennuie ou je doute de mescapacités à remplir mon mandat tel que je le souhaite,c’est sûr et certain, je partirai. Je prendrais une autre voie,cela ne m’inquiète pas. Je ne manque pas d’idées, maispour le moment, ce n’est pas à l’ordre du jour. Mais pas dutout.

David Douillet, l’épicurien

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Rencontre

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« J'ai souhaité apporter à la Principauté deMonaco une cuisine gastronomique de partage,adaptée au rythme de la vie actuelle, plus légère etaccessible que la cuisine gastronomique classique,sans pour autant transiger sur la qualité. MC2,c'estma vision d'une cuisineméditerranéenne auxhorizonsmultiples, contemporaine et responsabledans le choix de ses produits, authentique et sansprétention, une cuisine de plaisir et de curiositéproposée dans un lieu, près de Sainte Dévote, vouéà la convivialité. » Telle est la philosophie deFrédérique Mora, propriétaire et conceptrice. A24 ans, la jeune femme, très déterminée, assureses choix d'épicurienne, amoureuse de la vie.« Avec mon chef, débauché dans un restaurantétoilé, nous mettons en avant les produits, réin-ventons des plats classiques, soignons la présen-tation. Chaque jour, nous affichons un menu dumarché à 28 euros et le soir à 45 euros. Nous avonsdéjà nos fidèles, une clientèle haut de gamme,plutôt jeune. » L'hiver, dans la salle en dégradésde noir et rouge, et l'été, plus encore sur la jolieterrasse, la vue panoramique sur laMéditerranée,sert de toile de fond, de décor au MC2.

LE MC2 : UN CONCEPT INÉDIT,TRENDY ET GOURMAND

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David Douillet et Frédérique Mora,propriétaire et conceptrice de MC2, àMonaco. Pour elle, MC2 Mediterranean

Cuisine sonne comme une célèbreéquation de physique. Si formule il yavait, ce serait ici, celle de l’alchimieparfaite entre les saveurs du grand

pourtour méditerranéen, du Portugal àl’Arménie, et l’approche très

personnelle d’une jeune équipeenthousiaste qui souhaite, tant dans

l’assiette que dans le service, imprimerfortement son énergie et les codes de

sa génération.

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LebilletdeDany

FRANCEMAGAZINE N°33 76 ÉTÉ 2011www.expatria-cum-patria.ch

Fondée en 1865 par un certain CharlesReuge, horloger du Val-de-Travers, lamaison Reuge peut aujourd’hui se tar-

guer d’être le premier fabricant mondial deboîtes à musique haut de gamme, complé-tées par une collection exceptionnelle d’oi-seaux chanteurs et de montres musicales.Pourtant, à la fin des années 90, rien n’étaitacquis : « Reuge n’était plus assez innovant,les réseaux de distribution avaient besoind’être renouvelés et le secteur était malconnu, explique Kurt Kupper, chaleureux Di-recteur Général de la société depuis 2006.Nous avons travaillé sur l’ensemble de cesdéfaillances et aujourd’hui, non seulementla maison se porte très bien, mais elle a af-firmé son ancrage dans le domaine duluxe. »

LA TRADITION CONJUGUÉE AU FUTURLe secret de cette prodigieuse reconquête ?

PENDANT LONGTEMPS, LA BOÎTE À MUSIQUE MÉCANIQUE ADONNÉ D’ELLE UNE IMAGE DÉSUÈTE, VOIRE POUSSIÉREUSE.DEUX JOURNÉES PASSÉES AU SEIN DE LA MANUFACTURESUISSE DE REUGE, DANS LE CANTON DE VAUD, SUFFISENTPOURTANT À SAISIR LA MODERNITÉ ET LA POÉSIE DE CETOBJET ÉTONNAMMENT POLYMORPHE.

Unepetiteboîte àmusique…

Si l’entreprises’est dotée deséquipements les

plus pointus, c’estle savoir-faireséculaire des

artisans qui font ladifférence…

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FRANCEMAGAZINE N°33 77 ÉTÉ 2011

LebilletdeDany

Au sein de la manufacture, l’art ancien de lamusique mécanique se voit enrichi, jouraprès jour, par des innovations permanentesdestinées à améliorer les performances, di-versifier les matériaux et répondre aux dé-sirs d’une clientèle de plus en plus jeune ethétéroclite. Ainsi, sur les trois gammes pro-posées par lamarque, deux affichent claire-ment leur modernité. La première,dénommée “Lounge”, se compose d’articlesdestinés à s’intégrer dans des intérieurscontemporains (boîtes à cigares, porte-bou-gies, cadres photos…), faisant ainsi entrer laboîte àmusique dans l’univers dynamique del’architecture et de la décoration.Une étape supplémentaire est franchie avecla gamme “Studio”, laboratoire d’objetsconceptuels le plus souvent conçus autourd’une thématique particulière. Modèle

“Winch” inspiré du thème du bateau, boîteFerrari reprenant tous les codes de la my-thique voiture italienne ou encore écrins cé-lébrant le célèbre sorcier Harry Potter : aveccette collection résolument avant-gardisteet audacieuse, la marque fait preuve d’unebelle originalité.La gamme “1865”, caractérisée quant à ellepar un classicisme parfait, desmarqueteriesexceptionnelles et des oiseaux chanteursd’une remarquable technicité, s’inscrit déli-bérément dans l’histoire d’une noble tradi-tion. Reuge réussit ainsi le mariage parfaitentre histoire et modernité.De la même manière, si l'entreprise s'estdotée des équipements les plus pointus,c'est le savoir-faire séculaire des artisansqui fait la différence. « De la conception aumontage, raconte Kurt Kupper, des compé-tences très techniques sont déployées. Or,quand le secteur de la boîte àmusique allaitmal, beaucoup de personnes ont été licen-ciées. Nous avons donc réembauché denombreux “anciens” car leur maîtrise, ac-quise avec le temps, est tout simplement ir-remplaçable. Pour assurer une transmissionde ces compétences, nous avons égalementrecruté de très jeunes salariés. » Quatre-vingt personnes travaillent ainsi au sein dela manufacture de Sainte-Croix où sont lo-calisés la direction , la fabrication des mé-canismes, l'assemblage et le réglage desboîtes, tandis que vingt autres se chargentde la marqueterie dans un atelier situé prèsde Milan en Italie.Pour chaque pièce, un véritable travaild'équipe est mis en œuvre afin d'assurertoute une série d'opérations complexes (usi-nage, estampage, fabrication des claviers,goupillage, fixage, emboîtage...) et faire revi-vre la magie de la boîte à musique. Car cetobjet techniquement virtuose - certains cy-lindres contiennent jusqu'à cinq mille gou-pilles - qui nécessite environ trois mois detravail par pièce, reste avant tout un instru-ment à forte dimension sensible et artis-tique. À chaque nouvelle création, plusieursmusiciens s'échinent à adapter les partitionsde lamanière la plus harmonieuse possible :« Il faut réduire le morceau pour le faire en-trer dans la durée imposée, mais aussi etsurtout isoler les éléments indispensablespour reconnaître, au final, la mélodie origi-nale. Cette étape est d’autant plus impor-tante que la musique mécanique détientincontestablement des effets tranquillisantssur l’être humain. »

De vieillescollections de

plumes de colibrisaux couleurs

éclatantes côtoientdes machinesd’usinage àcommandesnumériques.

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LebilletdeDany

TECHNICITÉ ET CRÉATIVITÉCe n'est d'ailleurs pas un hasard si KurtKupper, qui a travaillé pendant longtempsdans l'industrie horlogère avant de repren-dre les rennes de Reuge, a immédiatementété séduit par le potentiel créatif des boîtesà musique : « On peut y ajouter plus de va-leur ajoutée que dans une montre. Il y acertes tout l'art mécanique qui permet deconstituer le moteur de base, mais il y aaussi l'âme musicale et l'emballage, aveclesquels les horizons sont quasiment infi-nis. »De fait, entre la variété des mélodies - deGiuseppe Verdi aux Beatles - le choix desmatériaux traditionnels ou high tech (étain,verre, cristal, bois, céramique, carbone, co-rian, métaux,...), la bigarrure des plumesdes oiseaux chanteurs et l'intégration dansd'autres objets (voitures, lampes, avions pri-vés, hôtels, meubles...), presque tout estpermis. « Nos possibilités finissent tout sim-plement là où s'arrête la fantaisie duclient ! »Finalement, c'est au sein de lamanufacture,au cœur du cadre exceptionnel du Jura vau-dois, que l'on saisit lemieux l'âme de la boîteà musique. Un four antique y côtoie des or-dinateurs servant à modéliser les nouveau-tés en images de synthèse, demême que devieilles collections de plumes de colibris auxcouleurs éclatantes frôlent des machinesd'usinage à commanderie numérique. Legrand écart est symbolique : Reuge montreavec brio que loin d'être un objet de musée,la boîte à musique vibre d'une vitalité touteretrouvée. « Ici, nous travaillons tout à la foissur le passé, le présent et le futur. L'art dela musique mécanique est plus que jamaisun art vivant. » �

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Dany Vinet

Ondit que la boîte à musique fut inventée par l’horloger Antoine Favre en 1796. Il s’agitd’un instrument de musique mécanique qui produit des sons en faisant vibrer, au moyen

de goupilles pointées sur la surface d’un cylindre rotatif, des lamelles d’acier de différenteslongueurs. Ces lames, accordées aux sons de la gamme musicale, sont disposées comme unclavier (ou peigne). L’énergie est fournie par un ressort qui doit être remonté manuellement.Les boîtes à musique penvent comprendre d’autres éléments (clochettes, tambours, tuyauxd’orgues pour les plus complexes). Elles sont parfois agrémentées d’automates.Au sein de ses trois collections, Reuge propose :• des boîtes à musique avec des mouvements de 36, 72, et 144 lames ;• des cages et des tabatières à oiseaux chanteurs mécaniques ;• une gamme horlogère (montres de poche musicales avec ou sans automate, montres-braceletsmusicales et réveils.

L’art de la musique mécanique

>>Nos possibilités

finissent toutsimplement là où

s’arrête la fantaisiedu client !

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LesescapadesmusicalesdeKathereenAbhervé

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Aix-en-Provence

AIX-EN-PROVENCE EST NÉE IL Y A 22 SIÈCLES DUJAILLISSEMENT D'UNE SOURCE D'EAU CHAUDE. DEPUIS LESPREMIERS THERMES ROMAINS QUI LUI SERVIRENT DEFONDATIONS, LA CITÉ S'EST LENTEMENT ETSOMPTUEUSEMENT ÉPANOUIE COMME UNE GRACILE FLEURDE PIERRE. VILLE COMTALE TOUT D'ABORD, AGRANDIEQUELQUES SIÈCLES PLUS TARD PAR DE PUISSANTSARCHEVÊQUES, PUIS VILLE ROYALE SOUS LE ROI RENÉ,AIX-EN-PROVENCE, EMBELLIE AU XVIIe SIÈCLE PAR DERICHES ARISTOCRATES, A ACCUEILLI AU CŒUR DE« L'ÉTÉ 48 », UN FESTIVAL D'ART LYRIQUE CONSIDÉRÉAUJOURD'HUI COMME L'UN DES PLUS FAMEUX D'EUROPE.

FRANCEMAGAZINE N°33 81 ÉTÉ 2011

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Une ville de charmeAix-en-Provence séduit tous les visiteurs qui pénètrent dans son dé-dale de rues fraîches pour se soustraire de la caresse torride du soleilprovençal. La cité du bon roi René envoûte tous ceux qui, le nez au vent,les sens en alerte, s’en vont perdre dans son lacis de ruelles pavées,piétonnes pour la plupart.Chaque place, chaque rue, chaque hôtel particulier cache un joyau etla ville se révèlera dans toute son élégance, au hasard de la flânerie.Ici, au centre d’une placette ombragée, on découvrira une délicate fon-taine où des dauphins demarbre blanc crachent aux quatre vents uneeau fraîche et cristalline. Plus loin, la belle ordonnance d’une façade depierre dorée, révèlera portes sculptées, frises, entablements et cor-niches, pilastres et atlantesmusclés, cariatides soutenant de gracieuxbalcons aux délicates ferronneries. Là, une grille de fer forgé laisseraentrevoir le charme discret d’un petit jardin ou d’une cour intérieurerafraîchie par un bassin d’eau claire. Ici, derrière une lourde portesculptée, un escalier monumental à double volée. Là-bas, sous desplatanes centenaires, un marché aux fleurs multicolores ravira lesphotographes dont les épreuves ne parviendront jamais à restituer lessenteurs enivrantes de la lavande fraîchement coupée. Ou attiré parune mélodie jouée par un piano invisible s’échappant d’une haute fe-nêtre, on sera rattrapé par la subtile odeur de l’ail grillé se mêlant authym et au romarin. Alors, afin d’échapper à ce foisonnement de sen-sations, on poussera doucement la porte de la paisible église Saint-Jean-de-Malte, pour une petite pause de silence avant de retrouverl’animation du cours Mirabeau dont les nombreuses terrasses om-bragées inviteront au farniente.

Deuxmillénaires d’histoireA l’origine d’Aix-en-Provence, était un oppidum édifié sur un promon-toire rocheux par une tribu celto-ligure, les Salyens, qui fut entière-ment détruit par les Romains du consul Sextius Calvinus en 122 av.J.C. On peut encore apercevoir les ruines de l’Oppidum d’Entremontdans la campagne aixoise.La première cité romaine, Aquae Sextius (Les eaux de Sextius), se dé-veloppa alors autour des sources d’eaux chaude et froide et devint uneétape importante sur la via Aurélia reliant Rome à l’Espagne. Puis laville s’est transformée au gré des invasions, des conquêtes et des par-tages politiques. À la fin du XIIe siècle, elle devint la capitale de la Pro-vence des comtes, puis métropole religieuse et siège d’unemunicipalité forte jusqu’à ce que le roi René y installe sa cour en 1471.Devenue une importante cité administrative, Aix-en-Provence se dé-veloppa considérablement du XVIe à la fin du XVIIIe siècle par l’implan-

1. Le Pavillon Vendôme.2. Un heurtoir métallique

en tête de lion.3. La fontaine de la courAlbertas. 4. Le frontond’une porte en bois.

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Villed’eau,villedepierre,villed’artPHOTOGRAPHE : JEAN-CLAUDE CARBONE

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LesescapadesmusicalesdeKathereenAbhervé

FRANCEMAGAZINE N°33 82 ÉTÉ 2011

tation de nouveaux quartiers et la mise en va-leur de l’espace urbain. La Révolution mit unterme à ce développement qui ne reprit vérita-blement qu’aumilieu du XXe siècle par la créa-tion d’industries et d’entreprises de pointe,comme l’aéronautique, l’agroalimentaire et lenucléaire, qui favorisèrent son essor écono-mique et démographique.Capitale historique de la Provence, pôle juri-dique, ville thermale, cité administrative, im-portant centre culturel, ville universitaire deplus de 40 000 étudiants, Aix-en-Provence,longtemps restée à l’écart du flux des voya-geurs et des marchandises, attire aujourd’huide nombreux visiteurs, grâce à des transportsperformants comme le TGV, le réseau auto-routier et les lignes aériennes. Aujourd’hui,avec ses près de 150 000 habitants, Aix-en-Provence a retrouvé le rang de son passé glo-rieux.

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Une ville d’eauDepuis la découverte de sources d’eaux thermales par les Romains,l’histoire et la vie d’Aix-en-Provence sont étroitement liées à ce bien pré-cieux provenant d’une importante nappe phréatique qui s’étend sous leplateau de Puyricard.Si durant des siècles on oublia les bienfaits de ces eaux, ils sont désor-mais reconnus et appréciés. Des thermes luxueux se sont implantés aucentre de la ville à proximité des anciens bains romains, offrant un es-pace de remise en forme et de soins de 3 000 m2. Outre ces thermes, Aixpossède de très nombreuses fontaines dont la première date du XVe siè-cle. Mais il fallut attendre le milieu du XIXe pour que la ville soit alimen-

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5. Dans l’atelier Cézanne, cet “Amour” deplâtre. 6. “Jas-de-Bouffan”.

7. Un ange de la rotonde. 8. L’Archevêché.9. La fontaine moussue. 10. La fontaine aux

Quatre-Dauphins . 11. La montagneSainte-Victoire. 12. Le cloître.

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conflit, comme la fontaine des Augustins créée au début du XVIIe siècleet la fontaine Espéluque, la plus ancienne d’Aix, qui durent déménagerà plusieurs reprises. Aujourd’hui, plus d’une quarantaine de fontainespubliques, dont certaines alimentées en eau thermale, et tout autant defontaines privées sont liées à l’image d’Aix-en-Provence. Elles ravissentles visiteurs par leur profusion, leur diversité et remplissent accessoi-rement la gourde des pèlerins assoiffés.

Les plus belles fontaines d’AixTrès tôt, leur réalisation fut confiée à des artistes, fontainiers et hydrau-liciens qui réalisèrent de véritables joyaux de raffinement et d’élégance

comme la gracieuse fontaine des Quatre-Dauphins sculptée dans lemarbre par Claude Rambot (1667) ou celle réalisée en 1756 face à l’Hô-tel de Ville par le sculpteur aixois Chastel, qui dessina également la fon-taine des Prêcheurs (1760). Pierre-Henri Revoil réalisa, quant à lui, celledu roi René en haut du coursMirabeau tracé sur l’emplacement des an-ciens remparts de la ville. Plusieurs fontaines rythment la descente decette artère ombragée de platanesmajestueux. Au bas du cours, la fon-taine de la Rotonde, la plus imposante de la cité, construite en fonte, futédifiée en 1860 à l’entrée de la ville et marque aujourd’hui le cœur del’agglomération. Le visiteur pourra achever sa flânerie sur la discrète etharmonieuse place d’Albertas enchâssée dans d’élégantes façades, aucentre de laquelle murmure une charmante fontaine néo-baroque. Éri-gée au XIXe siècle, cette délicate vasque de fonte aurait sans doute ravile marquis Jean-Baptiste d’Albertas, qui créa à l’extérieur d’Aix, un jar-din extraordinaire aux multiples bassins.

Des jardins fabuleuxPremier président de la cour des comptes de Provence dans la secondemoitié du XVIIIe siècle, le marquis d’Albertas, homme fantasque et raf-finé, fit aménager dans la campagne aixoise, un jardin somptueux poury abriter un château. Il sera poignardé au début de la Révolution avantqu’il n’ait pu réaliser son rêve.Constitué de terrasses reliées par des escaliers de pierre, ponctué destatues et de fontaines jaillissantes par la seule loi de la gravité, ce jar-din d’une beauté mélancolique est classé aux monuments historiques.Restauré dans les années 50, ce lieu étrange au charme discret ravira lespromeneurs solitaires, les poètes et les photographes. La campagne

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tée en eau courante grâce au barrage Zolaconstruit au pied de la montagne Sainte Vic-toire pour récolter les eaux pures du Verdonacheminées ensuite par le canal de Provence.Quoique les fontaines soient devenues un or-nement du paysage urbain dès le XVIIe siècle,elles conservèrent longtemps leur utilité pre-mière, les puits, abreuvoirs et lavoirs étant in-dispensables aux besoins et à la vie deshabitants.Certaines d’entre elles furent même l’objet de

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aixoise est parsemée d’autres jardins toutaussi étonnants entourant les magnifiquesbastides ou « folies » qui servaient, durant lapériode estivale, de lieu de villégiature auxaristocrates du siècle des lumières.A la fin du XIXe, la région d’Aix comptait près de5 000 bastides dont la plupart ont été transfor-mées en hôtels de prestige ou enmusées. Lesautres, restées dans le domaine privé et sa-vamment restaurées, ont conservé leurs fonc-tions agricole et viticole, et perpétuent ainsi latradition de ces grandes familles aristocra-tiques. Seuls les jardins des Châteaux de laGaude (domaine viticole), de la Mignarde et duPavillon de Lenfant qui accueille une univer-sité, peuvent, dans certaines conditions, se vi-siter.

Une ville de pierreAprès cette petite bouffée d’oxygène dans lacampagne aixoise, on retrouvera les façades depierre blonde, austères ou somptueuses desnombreux hôtels particuliers édifiés par desaristocrates et des parlementaires, dans les

quartiers qui se développaient progressivement autour de la cité com-tale et du bourg Saint-Sauveur. Au cœur de ce quartier moyenâgeux, sedressent depuis huit siècles la cathédrale gothique et son cloître romanaux fines colonnettes et aux chapiteaux demarbre, accolés au palais del’Archevêché dont la cour intérieure accueille depuis 1948, le Festivald’art lyrique.Le paisible quartier Mazarin créé au XVIIe siècle est apprécié pour sesluxueuses demeures patriciennes abritant des jardins secrets et ses fas-tueuses résidences aux façades richement décorées reflétant le rangsocial de leur commanditaire. De styles différents selon leur époque deconstruction, le goût des propriétaires, l’imagination des architectes etl’art des sculpteurs, ces façades présentent toutefois un air de famille quis’illustre par leur belle pierre calcaire, leur noblesse, leur rigoureuse

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13. La place de l’Hôtel de ville.14. Le fameux café “Les Deux Garçons”.

15. Le cabanon Cézanne.16. L’Atelier Cézanne.

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ordonnance et certains détails architecturauxcomme les cariatides et les atlantes qui servi-ront de fil rouge au visiteur. Chercher ces co-losses musclés est un jeu d’enfant car Aix enpossède quelques beaux exemples. Il y a ceuxqui soutiennent les lourds balcons de pierre del’hôtel Manuel de Pontevès, dus au ciseau deJaques Fossé, ceux très expressifs de l’hôteld’Arbaud ou ceux, puissants, du Pavillon Ven-dôme, sculptés par Jean-Claude Rambot.

Le cours MirabeauLe cours Mirabeau, anciennement « cours àcarrosses » où, jadis, on venait se pavanerdans de beaux équipages, est actuellement lelieu le plus vivant, le plus bruyant et le plusanimé de la ville. Bordé de chaque côté par unesuccession de fastueuses demeures dont laplupart ont cédé leur rez-de-chaussée à descommerces, cette artère rafraîchie par plu-sieurs fontaines et une arche de verdure,grouille le jour et la nuit d’une populationjoyeuse et bigarrée de touristes, d’étudiants,d’Aixois affairés, de « festivaliers » et de came-lots. D’un côté, quelques banques et des confi-

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series. En face de nombreux commerces, des restaurants, brasseries etcafés installés au rez-de-chaussée d’anciens hôtels particuliers, s’ou-vrent sur de larges terrasses surpeuplées.Certains de ces cafés ont acquis une renommée internationale. Le café-brasserie LesDeuxGarçons, « Les deuxG » comme l’appellent les Aixois,est décrit dans tous les guides touristiques comme un endroit incon-tournable pour le charme de sa vaste terrasse et l’authenticité du décorSecond Empire de sa salle. Installé dans l’ancien hôtel Gantès, ce café,lieu de tous les rendez-vous, aussi célèbre que Les DeuxMagots à Paris,attire de nombreuses personnalités. Les festivaliers viennent après lespectacle y prolonger leur plaisir sous les frondaisons tremblantes desplatanes. Il n’est d’ailleurs pas rare d’y croiser divas et célébrités.

Une ville d’artAix-en-Provence n’a cessé d’être au cœur d’un ferment culturel intense,depuis que le roi René y accueillit poètes, peintres et sculpteurs et dotasa capitale d’un important patrimoine artistique. Cette politique cultu-relle amorcée au XVe, s’est poursuivie au fil des siècles grâce aux puis-sants archevêques, puis aux aristocrates mécènes, qui engagèrentarchitectes, peintres et sculpteurs, fontainiers et jardiniers de talent.Outre un patrimoine architectural à ciel ouvert, la capitale historique dela Provence fut le berceau de nombreux artistes dont les aptitudes exa-cerbées par cet environnement de qualité y trouvèrent leur plein épa-nouissement. Des compositeurs comme André Campra (1660-1744) etDariusMilhaud (1892-1974), des peintres comme Jean-Baptiste Van Loo,portraitiste de Louis XV, François Marius Granet (1775-1849) et Paul Cé-zanne, chef de file dumouvement impressionniste, des écrivains commeÉmile Zola, père des Rougon-Macquart, et des hommes politiquescomme Mirabeau, brillant orateur révolutionnaire et Adolphe Thiers,président de la République française après la Commune. Tous cesgrands hommes, nés à Aix ou dans sa région, y puisèrent sans doute leurinspiration. Si d’aucuns cherchèrent la gloire et les honneurs à Paris,d’autres restèrent ou revinrent au pays pour s’en nourrir comme PaulCézanne, l’un des Aixois, le plus célèbre, avec son ami Émile Zola, qui seconsacrera à la peinture de plein air. La montagne Sainte Victoire, ma-gnifique falaise de plus de 1000 mètres dominant la région, deviendrason motif de prédilection.

Musées et fondations d’exceptionSa dernière maison aménagée en musée, l’Atelier des Lauves, restituel’ambiance dans laquelle Cézanne vivait, mais ne présente aucune desesœuvres. Une visite s’imposera également à la bastide familiale du jasde Bouffan où il passa les premières années de sa vie, ainsi qu’un détourpar les carrières de Bibémus où il y louait un cabanon. Un itinéraire ja-lonné dans les rues d’Aix permet de retrouver les lieux où il a vécu. Pour >>

Ville de tradition, Aix-en-Provence possède une cuisine parfumée auxherbes de ses collines, colorée de ses légumes frais, gouteuse de ses

poissons de mer et de ses viandes d’agneau et de gibier cuits dans l’huiled’olive. L’olivier, introduit par les Grecs depuis 25 siècles, se partage lescollines avoisinantes avec la vigne et l’amandier dont le fruit est à la basedes fameux calissons. Cette petite confiserie en losange est devenue l’unedes spécialités de la ville avec les vins du Pays d’Aix dont les rosés sonttrès appréciés en été pour accompagner la cuisine provençale.

La cuisine aixoise

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ceux qui souhaiteraient contempler quelques-unes de ses œuvres, leMusée Granet possède, entre autres trésors, huit tableaux du maître.Les amateurs d’art moderne seront à la fête à la Fondation Vasarelycréée en 1976 par l’artiste lui-même, pour démontrer ses recherchessur la lumière et l’illusion du mouvement obtenu par des procédés op-tiques cinétiques. Ceux qui s’intéressent auxmanuscrits ou aux incuna-bles se rendront à la Cité du Livre installée dans une anciennemanufacture d’allumettes. Cet espace culturel regroupe la FondationSaint-John Perse et une formidable bibliothèque possédant un très im-portant fonds de documents écrits et une vidéothèque d’art lyrique oùtous les opéras du Festival d’art lyrique d’Aix peuvent y être visionnés.

Un foisonnement culturelLa ville d’Aix foisonne de projets et encourage la création en accueillantdes artistes en résidence comme la compagnie de danse d’Angelin Prel-jocaj qui y est installée depuis 2006, et en organisant des événements

ponctuels ou des manifestations pérennesd’audience internationale. Ces rendez-voustouchent des domaines aussi variés que labande dessinée (Rencontres du 9e art, Festivalde la bande dessinée), le cinéma (Festival in-ternational du Courtmétrage Aix et Pays d’Aix ;Festival du film sur l’architecture et l’espaceurbain – Image de ville), les arts plastiques(grandes rétrospectives de peinture) ou l’art ly-rique (Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence).

Seule la foi peut abattre les montagnesL’histoire du festival d’Aix-en-Provence com-mence juste après la guerre de 39-45. Aprèsces longues années d’obscurantisme, de foliedestructrice et de cruauté, les hommes souhaitaient retrouver une di-gnité et une raison d’être. Et seul l’art leur permettait cette élévation etce renouveau. A l’origine, ils furent une poignée, Gabriel Dussurget,Henri Lambert, Roger Bigonnet, Hans Rosbaud et la comtesse Lily Pas-tré, à être convaincus du bien-fondé et de l’importance capitale de lacréation d’un festival d’art lyrique à Aix-en-Provence. Leur persévéranceet leur engagement indéfectible permirent au premier festival d’avoir

lieu durant l’été 1948. L’année suivante, lepeintre Cassandre les rejoignit et transformala cour de l’Archevêché en un véritable théâtre.Le succès fut immédiat. Mozart profita de cetengouement pour afficher quelques-uns deces opéras oubliés des mélomanes.Depuis cette époque de pionniers qui durerajusqu’au départ de Dussurget en 1972, les édi-tions se sont succédées sans interruption oupresque. Le directeur suivant, Bernard Leforts’attellera à rebâtir le festival sur des basesnouvelles : « Le Festival d’art lyrique et demu-sique d’Aix-en-Provence doit être une grandefête du Chant ; le Chant y règnera enMaître ab-solu... » Ses successeurs, Louis Erlo et Sté-phane Lissner, tout en poursuivant cesprincipes, nemanquèrent pas d’ouvrir le festi-val à la création et à l’innovation, comme l’ad-jonction au festival de l’Académie européenne.Depuis 2007, l’organiste Bernard Foccroule availlamment repris le flambeau.

Le 63e festival de musiqued’Aix-en-ProvenceL’édition 2011, qui se déroulera du 5 au 25 juil-let prochain, s’inscrit sous le signe de la jeu-nesse qui s’illustrera dans les cinq œuvreslyriques d’époque et de style différents, la piècemusicale et théâtrale et la vingtaine deconcerts mariant récitals vocaux, musiquesymphonique, musique de chambre, contem-poraine et musiques traditionnelles. Une ex-position et des rencontres européennes

complèteront cette af-fiche pleine de jeu-nesse et demouvements commel’indique le visuel tu-multueux de ce 63e

festival. Cette phraseinachevée : « Commeune pierre aumilieu dutorrent... » cherche-rait-elle à illustrer lastabilité de l’institutionprise dans lesbouillonnements de lacréation et les remousde l’innovation ? Il estpermis de le penserpuisque les festivités

ouvriront par la création mondiale d’un opéraqu’Oscar Bianchi aura composé à la demandedu festival, d’après la pièce Grâce à mes yeux(Thanks to my eyes) de Joël Pommerat. Cejeune auteur français, signataire du livret as-surera lamise en scène de ce spectacle à qua-tre personnages coproduit avec deux théâtres

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17. La Fondation Vasarely. 18. Le marchéaux fleurs. 19. Le théâtre de l’Archevêché.

20. Une réprésentation du Nez deChostakovich.

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dirigés par Kazushi Ono, dans une nouvelle production du Nez de Chos-takovitch coproduite avec leMetropolitan Opera deNew York. Le vidéasteWilliam Kentridge signera la mise en scène et la scénographie de cetopéra composé d’après une nouvelle éponyme de Gogol (8, 10, 12 et 14juillet). Une installation « I am not me the horse is not mine, 2008 » luisera consacrée durant l’été à la Cité du Livre et à l’Atelier Cézanne.Les festivaliers découvriront un univers bien différent de style etd’époque avec Acis et Galatée de G.F. Haendel mis en scène par le cho-régraphe Saburo Teshigawara qui signera décors, costumes et lumières.Le jeune et talentueux chef argentin Leonardo Garcia Alarcón dirigeral’Orchestre baroque de l’Académie européenne de musique, coproduc-teur de ce spectacle (9, 10, 12, 13, 16, 17, 19, 20, 22 et 23 juillet). Unevingtaine de concerts complèteront cette programmation lyrique, quipermettra de retrouver, sous la baguette de Sir Colin Davis, le London

Symphony Orchestra en résidence à Aix depuis deuxans, dans un programmeHaydn,Mozart et Nielsen (17juillet). Le chef russe Valery Gergiev lui succéderapour diriger La Mer de Debussy et la 8e symphonie deChostakovitch (23 juillet). Des concerts de jeunes so-listes, de la musique de chambre avec le JerusalemString Quartet, le Quatuor Keller dialogueront avec lesmusiques traditionnelles de l’Atlas, les musiquescontemporaines et des récitals de grands solistescomme Véronique Gens qui sera accompagnée par lesTalens Lyriques de Christophe Rousset (20 juillet).L’Orchestre des jeunes dirigé par François-XavierRoth, aura l’honneur de clôturer le festival avec desœuvres de Charlie Piper, Chostakovitch et la Sym-phonie n°1, dite Titan de Gustav Mahler (25 juillet).�

parisiens, la Monnaie de Bruxelles et le Festi-val Musica de Strasbourg (5, 6, 8, 9 et 11 juillet).S’appuyant sur des bases posées par StéphaneLissner, Bernard Foccroule développe le prin-cipe des coproductions permettant de propo-ser une affiche plus étoffée et de gagner uneplus grande autonomie financière. Les cinqproductions lyriques et la pièce musicale etthéâtrale commandée par le festival seront, dece fait, reprises sur d’autres scènes et acces-sibles à un public plus important. Ainsi, l’Opérade Lille accueillera Eine Kindheitsreise - Unvoyage d’enfance - composé par Jérôme Com-bier d’après le roman Austerlitz de W.G. Se-bald, pour un comédien et l’Ensembleinstrumental Ictus, commanditaire de l’œuvre,avec le festival. Ce « voyage » sera orchestrépar le compositeur et le vidéaste Pierre Nouvel(19, 20 juillet). Retour à la tradition avec La Clé-mence de Titus de Mozart, un ouvrage copro-duit avec le Théâtre du Capitole de Toulouse etl’Opéra deMarseille. DavidMcVicar en signerala mise en scène et la scénographie, et SirColin Davis sera dans la fosse à la tête du Lon-don Symphony Orchestra (7,10, 13, 15, 19 et 21 juillet). Onretrouvera cette formation di-rigée par Louis Langrée dansLa Traviata de Verdi mise enscène par Jean-François Siva-

dier et scénographiée par Alexandre de Dar-del. Nathalie Dessay et Irina Lungu separtageront le rôle de Violetta, Charles Castro-novo et Fabrizio Mercurio celui d’Alfredo. Lebaryton français Ludovic Tézier sera le pèreGermont dans ce spectacle coproduit avec leWiener Staatsoper, l’Opéra de Dijon et le Théâ-tre de Caen (6, 8, 9, 12, 14, 16, 18, 20, 22 et 24juillet). L’Opéra de Lyon sera, quant à lui, re-présenté à Aix par son orchestre et son chœur

Festival d’Aix-en-Provence+33 434 08 02 17 • [email protected] de Tourisme d’Aix-en-Provence+33 442 16 11 03 • [email protected]

Renseignements

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KathereenAbhervé

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LaCédille

Par la route nationale nº9, le voyageurfait son entrée dans la province deJujuy.

A une heure de la capitale, Jujuy, débute laspectaculaire “Quebrada de Humahuaca”,qui mérite largement son inscription au pa-trimoine mondial de l’Unesco. Les mon-tagnes qui l’entourent révèlent une gammede couleurs d’une richesse époustouflante.Le rouge, le vert, le violet, le blanc se cô-toient, se mélangent, et l’œil humains’étonne devant les potentialités de la na-ture. Les villages qui la parsèment sont deshaltes plaisantes, plongeant le visiteur toutentier dans la culture indienne avec sesmai-sons en « adobe », ses habits traditionnels et

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ses spécialités culinaires. Laissez-vous tenter par le “locro”, les “hu-mitas”, les “tamales” ou autres steaks de lama…Purmamarca est le premier village de la Quebrada. Il est situé aupied du “Cerro de los Siete Colores”, colline de pierre aux spectacu-laires strates de couleurs. Une courte promenade aménagée en faitle tour. Sa place centrale accueille également tous les jours unmar-ché d’artisanats. De nombreux voyageurs en font aussi leur point dedépart pour visiter les “Salinas Grandes”, situées dans la provincede Salta. Une “remis” (voiture de remise) partagée coûte à chacun50-60 pesos environ.En pleine saison, l’affluence touristique atteint en journée un picquelque peu désagréable, et il est difficile de trouver un héberge-ment. Il est fortement conseillé de réserver à l’avance ou de trouverun logement dans les localités voisines.Entre Purmamarca et Tilcara, un arrêt aux abords du village deMaimará s’impose, afin d’admirer la fameuse “Palette du peintre”,

DANS CE NUMÉRO, LA CÉDILLE NOUS EMMÈNE TOUJOURS PLUS AU NORD,AU FIL DE LA PROVINCE DE JUJUY, PLEINE DE COULEURS ET DE TRADITIONSINDIENNES, POUR CLÔTURER CE PÉRIPLE AU PIED DE LA BOLIVIE.

Enpassantpar leNord-OuestArgentin

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désolée. L’étonnant chassé-croisé de boli-viens, transportant sur leur dos d’énormescharges au point de passage entre les deuxpays, a quelque chose d’insolite et d’hypno-tisant.Du côté bolivien de la frontière, à Villazón, ilest possible d’acheter de l’artisanat localmeilleur marché.Le véritable charme de la région se trouve àYavi, minuscule village de quelque 300âmes, à vingt minutes en voiture de LaQuiaca. Son église, sesmaisons typiques enadobe, ses randonnées, et ses peintures ru-pestres, valent vraiment le détour.Pour s’y rendre depuis La Quiaca, il faut serendre derrière le “Mercado Central”, del’autre côté de la voie ferrée, et prendre untaxi partagé pour 6 pesos.Dans cette atmosphère tranquille de bout dumonde, dans la fraîcheur de l’altitude, levoyageur achève son périple, à 1 787 kilo-mètres de Buenos Aires.Le retour à la Capitale peut se faire directe-

ment depuis LaQuiaca (comptertrente heures de bus,et il est difficile detrouver toutes lesgammes de confort),ou en redescendant àJujuy ou Salta, quiproposent plus d’op-tions. Bon voyage !�

formation rocheuses aux vagues de couleurs impressionnantes.Tilcara, localité plus étendue, mais qui a su garder son côté pitto-resque, constitue une halte agréable. La visite de son “Pucará”, for-tification précolombienne en hauteur, est fortement conseillée.L’entrée est gratuite le lundi et des visites guidées, gratuites égale-ment, sont proposées. Le jardin de cactus à l’entrée vaut aussi lecoup d’œil.Une randonnée de deux heures jusqu’à la “Garganta del Diablo”, uncanyon avec cascade, est également une option agréable.Enfin, il est possible de se rendre aux “Salinas Grandes” pour 60-70pesos en réservant une excursion. Renseignements et réservationsà l’office du tourisme local.Humahuaca, au charme authentique et aux rues pavées, est la der-nière étape de la Quebrada. Son ambiance paisible en fait une villesympathique où il fait bon déambuler au hasard de ses maisons etses places typiques. Le “Cabildo”, à l’architecture particulière côtoiel’Eglise sur la Plaza Gómez. Non loin, se situe le “Monument de l’In-dépendance”, à la gloire des cultures indigènes. Un petit détour parle marché couvert, non loin de la gare routière, achève la visite.Depuis Humahuaca, il est possible de se rendre au petit village reculéde Iruya, situé à l’écart de la nationale à la fin d’une route pitto-resque. Sa petite église jaune, ses petites rues pavées en pente etses nombreuses possibilités de randonnées en font une localité – àjuste titre – très prisée par les vi-siteurs.En remontant toujours plus versle nord par la nationale nº 9, laQuebrada de Humahuaca faitplace aux paysages de l’“alti-plano”, froids et arides, et peuplésd’élevages de lamas. Le voyageurarrive alors à La Quiaca, ville-frontière avec la Bolivie, froide et

Mathilde Sagaire

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LaCédille

Unprogramme d’automnes croisés surlequel nous travaillons depuis deuxans et qui a mobilisé beaucoup

d’énergies de part et d’autre. Plus de 200 ar-tistes français semobiliseront pour présen-ter des événements de grande qualité.L’année 2011 sera une année française àBuenos Aires » soulignait l’ambassadeur àcette occasion.De son côté, Herman Lombardi expliquaitenthousiaste que « “Tandem” est un lienconstitutif entre les deux capitales. Uneinitiative de très grande ampleur quisera appreciée par plus de trois mil-lions de personnes durant 180 jours,avec une forte projection vers l’ave-nir. »Tandem a démarré en beauté samedidernier par la Noche en Vela en hon-neur à la Nuit Blanche parisienne quiamène l’art contemporain dans l’espacepublic, depuis le coucher du soleil jusqu’àl’aube, avec des présentations diverses danstous les quartiers de la ville.

Une programmation alléchanteDe grands noms de la culture française vien-dront à Buenos Aires. Ainsi Aldo Ciccolini,enfant prodige de la musique en 1971, re-vient jouer au Colón après l’avoir fait voici30 ans.La soprano française Donatienne Michel-Dansac donnera une masterclass et troisconcerts, accompagnée par des musiciensargentins. Deux au théâtre General San

Martin, et l’autre dans le Salon Doré du Teatro Colón.Pendant 10 jours le Théâtre du Rond-Point sera l’hôtedu Teatro San Martin pour monter des spectacles dePhilippe Genty.Dans le cadre de “Buenos Aires Capital Mundial dellibro” se tiendra la “Première semaine du livre fran-çais”. Aura lieu également un hommage aux 100 ansde lamaison d’édition Gallimard qui a publié de nom-breux écrivains argentins contemporains.Par ailleurs, le Salon du livre de Paris a reçu BuenosAires du 17 au 21 mars en tant qu’invitée d’honneur.Son stand a vu passer 15 écrivains portègnes qui ontparticipé à de nombreuses causeries, présentationde livres, tables rondes et débats.Le “Nouveau cirque français” sera aussi au rendez-

vous avec sept différentes compagnies, ainsique l’école de cirque du Lido, au Polo Circode Parque Patricios.Le cinéma ne pouvait être absent. Le “Fes-tival itinérant du cinéma français pour en-fants” parcourerra les quartiers de la ville,et il est prévu une “Nuit du cinéma fran-

çais” au BAFICI.De plus, 137 originaux du photographe Robert

Doisneau pouront être appréciés pour la pre-mière fois en Argentine au Centro Cultural Recoletaet dans le Museo de los Niños de l’Abasto.Même le sport a été tenu en compte avec deux évé-nements : unemarathon simultannée Buenos Aires -Paris où, pendant que quelqu’un court à Paris, unautre le fait à Buenos Aires. Des temps mis par ce“tandem” pour parcourir les 42,195 km sortira le cou-ple gagnant. Pour clôturer la journée, deux équipesemblématiques de rugby – URBA et Stade Français –s’affronteront dans unmatch pour la première fois deleur histoire dans le stade portègne Ferrocarril Oeste.Et puis, en septembre, octobre et novembre, ce seraau tour de Buenos Aires d’assaillir culturellementParis !�

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Tandem,BuenosAires etParisunis par la culture

L'ambassadeur deFrance Jean PierreAsvazadourian et le

ministre de la Culture duGCBA Herman Lombardiprésentent Tandem.

EN PRÉSENCE DU MINISTRE DE CULTURE DE LA VILLE DEBUENOS AIRES HERMAN LOMBARDI, ET DE L’AMBASSADEUR DEFRANCE JEAN-PIERRE ASVAZADOURIAN, LE 10 MARS, S’ESTOFFICIELLEMENT PRÉSENTÉ DANS L’AUDITORIUM EL ALEPHDU CENTRO CULTURAL RECOLETA, TANDEM, UNE PLATEFORMECULTURELLE ENGLOBANT TOUS LES DOMAINES DES ARTS,LITTÉRATURE INCLUSE.

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Tricentenairede lanaissancedeJean-JacquesRousseau

INTRODUCTIONJe fis ma première excursion botanique, j’ascensionnai le volcanéteint derrière la ville, je remontai la forêt et revins par la valléeconquise à la culture du taro par une savante irrigation. Je fisconnaissance avec la fraîcheur des vallées de lamontagne et la tem-pérature plus élevée qui vous accueille dès que l’on débouche decelle-ci sur le bord ensoleillé de l’île. Comme je parcourais tous lesjours la contrée et la montagne, je ne décrirai pas davantage mespromenades solitaires,mais je rapporterai ici quelques-unes des pe-tites aventures qui me survinrent alors.

Adalbert von Chamisso(1)

Il existe une abondante littérature relative aux voyages à pied ac-complis par Jean-Jacques Rousseau ; l’on connaît aujourd’hui leurrôle dans la genèse de sonœuvre. Plus d’une fois l’on s’est intéresséà quelques lieux situés au cœur de la forêt, parmi les fougères, prèsde rochers spectaculaires. Refuge occasionnel, une cabane y est dis-simulée aux yeux des promeneurs. Des chercheurs ont relevé chezle citoyen de Genève la signification symbolique et ésotérique desnuits passées à la belle étoile.Que de retraites choisies par l’homme de la Nature ! Autant de

moyens de se fondre dans un cadre accueil-lant, bienveillant, capable d’inspirer au “phi-losophe-sociologue” une réflexion originalesur la société de son temps… Jean-JacquesRousseau voit dans la nature cette plongéedans l’état originel. Elle lui procure cettesensation d’extase, de ravissement et debonheur jamais atteinte par ailleurs. La na-ture et sa contemplation imprègne tout sonêtre. Et cette sensation de profonde félicité,éveillée dès le plus jeune âge, ne fera ques’accentuer dans la vieillesse.(2)Ainsi une grotte, un promontoire, une ca-bane, un simple banc, constitue un espacepropice à la rêverie, à la plongée dans ununivers végétal exubérant, à laméditation, àl’inspiration, à la joie. Et jusqu’au chagrinqu’apaisera l’écoulement d’une rivière. Par-cours fascinant, qui explique le rôle de la na-ture pour Jean-Jacques Rousseau, et

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“Dovedale parpleine lune“, vers1784-85. Huile surtoile par le peintreanglais JosephWright de Derby(1734-1797). AllenMemorial ArtMuseum.

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l’usage qu’il en fait : L’eau ainsi est le regardde la terre, son appareil à regarder letemps…(3) Il s’agit bien là d’un lien symbo-lique, d’une trace subtile, d’un ressource-ment recherché par ce marcheur en quêted’un monde à repenser.Souvenons-nous de la nuit de mars 1728 :aux abords immédiats des premières fortifi-cations de Genève, Jean-Jacques Rousseauvoit se dresser l’un des ponts-levis. Il a pourhabitude de le franchir avant l’heure fati-dique. Pourtant, cet après-midi-là, il n’y par-vient pas. Il se résigne à dormir au pied desmurailles.

Dans un premier temps, il parle de son ef-froi, de sa terreur à se confronter au maîtred’apprentissage n’autorisant aucun retard.Cette halte imprévue hors des murs l’en-traîne à prendre une décision : Je jurai de neretourner jamais chez mon maître.(4)La fascination de l’univers nocturne ne ces-sera jamais. Envoûtant, fascinant, “émanci-pateur”, le goût de la surprise révèle un traitmarquant de Jean-Jacques Rousseau.Imaginons-le étendu sur le sol, dialoguantavec lui-même, désirant établir une bonnedistance avec cemaître d’apprentissage tropviolent. Il tient à ses propres règles de vie,conformes à son entendement.Son père lui a répété inlassablement l’amourqu’il voue à son épouse, brutalement dispa-rue. Ah ! disait-il en gémissant ; rend-la-moi, console-moi d’elle; rempli le videqu’elle a laissé dans mon âme.(5)Ce cri le renvoie à ses parents telsqu’il les imagine. Jean-JacquesRousseau entend-t-il la voix ducouple ?Jean-Jacques Rousseau n’ignore

rien de l’accouchement tragique. Il n’écarte pas l’idée qu’il a été leconfident de son père. Ce tête-à-tête le prépare à une écoute touteparticulière. Je sentis avant de penser.(6)Souvenons-nous de l’événement évoqué plus haut (la nuit au pieddes fortifications). Jean-Jacques Rousseau ouvre le chapitre de l’in-time, de la confidence orale qu’il pourrait écrire tant son imagina-tion s’enflamme lorsqu’il évoque ses rêves, ses emportements.Dans les Iles anglo-normandes, d’abord à Jersey, puis à Guernesey,Victor Hugo devient le propriétaire – grâce à ses droits d’auteur –d’une maison qui domine fièrement la ville. Le poète désire ardem-ment communiquer avec les siens. Il a perdu son frère, il ne seconsole pas de la noyade de sa fille Léopoldine ni de l’amour impos-sible d’Adèle partie sous d’autres cieux. Pour tenter d’y voir plus clair,Victor Hugo recourt à la télépathie.Cette “consultation” préfigurerait-elle la psychanalyse et sesséances ? Dans le petit salon de “Hauteville House”, ne serait-il pasl’ancêtre de nos divans(7) interroge Jean-Bernard Pontalis ? Bienavant « l’exilé de Guernesey », Jean-Jacques Rousseau – en fuite –aurait-il eu l’intuition du “protocole analytique” ? En effet, cette mé-thode serait prémonitoire : un fils s’adresse à sa mère disparue, àpartir de souvenirs transmis par son père.Ainsi serait “né” le Devin du village. Le petit opéra doit absolumenttout à Jean-Jacques Rousseau qui en fut l’auteur du texte et de lamusique ce qui mérite d’être relevé en raison même de sa rareté…et de son succès considérable à l’époque (succès d’ailleurs loin d’êtrecomplètement oublié aujourd’hui). La mélodiechampêtre devient pour Jean-Jacques Rousseaucréation musicale. Un couple vit sur scène,grâce au devin, consolateur d’une douleurtoujours présente, atténuée par la mu-sique. Paroles ensoleillées !Gaston Bachelard songe à Jean-Jacques Rousseau pris par lebrusque désir d’habiter “la maisonaux contrevents vers”(8) et commenteson rêve : Notre rêverie veut sa mai-son de retraite et elle la veut pauvreet tranquille, isolée dans le vallon.Cette rêverie habitante adopte tout ceque le réel lui offre, mais aussitôt elleadapte la petite demeure réelle à unsonge archaïque. C’est ce songe fon-damental que nous appelons la maisononirique.(9) Notre philosophe de la sym-bolique des rêves d’ajouter : On ne peutpas écrire l’histoire de l’inconscient.(10)La formation de l’individu, son histoire, satrajectoire, son attention à la dimensionconsciente et inconsciente de son êtremérite toute notre attention ;l’être humain serait en effet

Jean-Jacques Rousseau,apprenti graveur.©

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Jean-JacquesRousseau adolescent,œuvre d’artiste inconnu.

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la juxtaposition de souvenirs incessants fixés par la matière et dontla ligature n’est elle-même qu’une habitude chevauchant toutes lesautres.(11) […] une habitude qui en s’instruisant construit.(12)Cette lecture de lieux emblématiques a le mérite de guider le pèle-rin sur un sentier symbolique. A même le sol, à même le ciel, àmême les grottes, pour Jean-Jacques Rousseau, enfin réconciliéavec l’obscurité, la nuit devient l’amie du voyageur quimoud les sen-sations du jour dans lemoulin des rêves. Mieux! Elle est le drap danslequel il se love, recru de sa journée.(13)

BOSSEY, UN SOUVENIR ENCHANTEURA la pré-adolescence, accompagné de son cousin AbrahamBernard,Jean-Jacques Rousseau est pensionnaire au presbytère de la pa-roisse de Bossey, appartenant au Chapitre de Genève. L’un et l’autresont confiés au pasteur Jean-Jacques Lambercier et à sa sœur Ga-brielle.Je restai sous la tutelle demon oncle Bernard alors employé aux for-tifications de Genève. Sa fille aînée étant morte, mais il avait un filsde même âge quemoi. Nous fûmesmis ensemble à Bossey en pen-sion chez leMinistre Lambercier, pour y apprendre avec le latin, toutle menu fatras dont on l’accompagne sous le nom d’éducation. […] ABossey le travail me fit aimer les jeux qui lui servaient de relâche. Lacampagne était pourmoi si nouvelle que je ne pouvaisme lasser d’enjouir.(14)Jean-Jacques Rousseau fut profondémentmarqué par ce séjour. Onse souvient de l’épreuve qu’impose le pasteur Lambercier à Jean-Jacques Rousseau prêt à se moquer d’Abraham, son cousin, singu-lièrement poltron, surtout la nuit.(15)Le pasteurme donna la clé du temple, etme dit d’aller chercher dansla chaire la Bible qu’on y avait laissée. Il ajouta pourme piquer d’hon-neur quelquesmots quimemirent dans l’impuissance de reculer. Jepartis sans lumière; si j’en avais eu ç’aurait, peut-être, été pis en-core. Il fallait passer le cimetière ; je le traversai gaillardement ; cartant que je me sentais en plein air je n’eus jamais de frayeurs noc-turnes.(16)L’audace de Jean-Jacques Rousseau est manifeste. Dans L’Emile, ilérige en principe ce type d’exercice dans lequel l’enfant (ou le grouped’enfants) doit accomplir un exercice conçu demanière à ne pas l’ef-frayer et, surtout, lui permettre d’être rassuré par des bruits fami-liers. Des chants, des propos, des rires que l’on entend d’unechambre à l’autre ou d’un carré de jardin, procurent une bonne hu-meur contagieuse.

A la fin de sa vie, il se souvient dans les Rê-veries du promeneur solitaire de cetteépoque lumineuse. Dans la Troisième pro-menade, il raconte: Né dans une famille oùrégnaient les mœurs et la piété ; élevé en-suite avec douceur chez unministre plein desagesse et de religion, j’avais reçu dès maplus tendre enfance des principes, desmaximes, d’autres diraient des préjugés, quine m’ont jamais tout à fait abandonné.(17)Ces préceptes exerceront une durable in-fluence sur sa vie et sur son œuvre. L’atten-tion qu’il porte simultanément à la natureguidera et stimulera la pensée d’éminentsnaturalistes. Nous songeons notamment àPhilibert Commerson (1723-1773), à

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“La chasse aux pommes”.Illustration de Maurice Le Noir.

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Huile sur toile de Jacques-Laurent Agasse (1767-1849), réalisée avant 1789 de Bossey sous Salève.

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vient du vol de très belles asperges, ainsique de la chasse aux pommes. Occa-sion de franchir quelques interdits,entreprise d’autonomie bienvenue ausein d’un univers rigide, découvertede nouvelles apti-tudes, envie dufruit défendu.L’audace lui permetd’outrepasserles contraintes,les refus.Jean-Jacques Rous-seau songerait-il à unatelier éclairé par les lueurs cé-lestes, ouvert à l’inspiration joyeuse et à la fantaisiedivine, outils symboliques sur le chemin de la connais-sance ? Sa soif de grandir, de tout savoir, le pousse à oublier,à dépasser ses angoisses. Il marche en arpenteur. Les connais-sances viennent à lui. Sa tâche sera de les formuler pour le plusgrand nombre. Son esprit vierge est la meilleure longue-vue pourbalayer les horizons.(19) Il propose à ses contemporains une attentionnouvelle aux beautés de la nature et aux vertus du silence. Il quittesa famille, le monde de la Fabrique genevoise, les paysages fami-liers. Sylvain Tesson résume admirablement cette transition : Au tic-tac de l’horloge, le voyageur répond par le martèlement de sasemelle.(20)Les promenades près de Bossey au pied du Salève et les ran-données autour de Genève lui proposent une navigation dansle monde de la botanique (il n’en connaît alors que les rudi-ments).La passion pour cette discipline ne va pas tarder à donnerà ses marches une nouvelle dimension : ses pas l’entraî-nent d’une prairie à un taillis, d’un parterre à telle fleurpréférée, d’une ruche à un tronc d’arbre… quel enrichis-sement ! Un jour Jean-Jacques Rousseau rédigera uncours de géographie; quelques pages en sont présen-tées dans les Textes scientifiques.(*)En classe, le bourguignon, Henri Vincenot se souvientavec bonheur des escapades qu’organisait son maîtred’école : il nous emmenait en cortège pour nous fairedécouvrir la nature, dans des taillis que nous connais-sions par cœur, arbre par arbre, herbe par herbe. Làparmi les envols de merles ou de ramiers, l’instituteurrépétait sa leçon de choses sur le vif, levait des greffes,recueillait les pollens des noisetiers ou des cornouillers,surprenait la germination des graines, déterrait les bulbesde “scilles à deux feuilles”, Scilla bifolia, que nous appelions“puce”, tentait de féconder, pour les améliorer, la fleur d’el-lébore avec un pollen de rose de Noël, entait avec succès des

poiriers sur des scions d’aubépine, greffait des yeux de lilas surdes tiges de frêne, ce qui donnait des fleurs de lilas énormes, etque sais-je encore.(21)

EN CONTEMPLANT LE RHÔNEAprès quelques épisodes mémorables, Jean-Jacques Rousseau serend à Lyon. Souvenons-nous : Bossey, presbytère attentionné ; Abel

Jean-Jacques Rousseau, peintured’artiste inconnu (non datée).

Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre(1737-1814), à Jacques-Henry Fabre (1823-1915) à Elisée Reclus (1830-1905), énumé-ration non exhaustive de savantslittéralement guidés par ses écrits.Tous voient le Citoyen de Genève saluant lesol et admirant la nature, cartographe-ar-penteur se proposant d’établir, pour sonplus grand bonheur, une encyclopédie desfleurs de l’Ile de Saint-Pierre du lac deBienne.Plus près de nous, Henri Vincenot affirmeque seul, l’homme debout fait du bon travail,et c’est quand il marche qu’il pense droit !Garde-moi de ne rien faire le cul sur unechaise ou sur un lit, sinon manger, dormirou reposer ! Si tu veux comprendre, débattresainement, imaginer, organiser ta pensée,concevoir et décider : Marche ! marche, tuverras !(18)Jean-Jacques Rousseau évoque dans LesConfessions son adolescence. L’on se sou-

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Ducommun, maître graveur rigide ; Benoît de Pontverre, curé pro-sélyte à Confignon ;Mme deWarens, « charmantemaman ». Lamu-sique occupe toute son attention, il en oublie son logis pour la nuit.

En lisant le récit rousseauiste, nous pas-sons une nuit à la belle étoile ! Jean-Jacques Rousseau l’évoque avec émotion.Il rejoint les Mongols, ces fils du vent qui

pensent que la terre est dure et le ciel loin-tain.(22) Au bord du Rhône, à son tour, Jean-Jacques Rousseau apprécie que la premièrelui serve de paillasse et le second d’au-vent.(23)Préservant ses quelques sous pour se nour-rir simplement (et non pas se procurer untoit), Jean-Jacques Rousseau fait le récitd’un de ses séjours lyonnais(**) : …après tout,je risquaismoins demourir de sommeil quede faim. Ce qu’il y a d’étonnant, c’est quedans ce cruel état je n’étais ni inquiet nitriste. Je n’avais pas le moindre souci surl’avenir, et j’attendais les réponses que de-vait recevoir Mlle du Châtelet, couchant à labelle étoile, et dormant étendu par terre ousur un banc aussi tranquillement que sur unlit de roses. Je me souviens même d’avoir

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Illustration du“Devin du Village”.

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Plan d’eau. Huile sur toile de GéraldComtesse, 2008.

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passé une nuit délicieuse hors de la villedans un chemin qui côtoyait le Rhône et laSaône, car je ne me rappelle pas lequel desdeux. Des jardins élevés en terrasse bor-daient le chemin du côté opposé.(24)Lors de cette veillée en automne 1731, al-longé sur un banc, observant les étoiles,Jean-Jacques Rousseaumédite. Au ha-sard de ses rêves, la nuit devient uncheminement sans limite. La voûtecéleste qu’il observe lui procure ungrand bien-être. Proche du som-meil, il entend de petites phrasesmusicales souvent répétées, decharmantes mélopées… berceusesde ses émotions. Ce moment donneà Jean-Jacques Rousseau le goût defredonner… la voûte céleste lui ré-pond! L’inspiration se fait confidence.Jean-Jacques était né pourla musique; non pour y payer de sa per-sonne dans l’exécution,mais pour en hâterles progrès et y faire des découvertes.(25)Plus tard, l’instant privilégié se prolongera,divertissement musical chanté dans la ruepar des spectateurs ravis d’avoir assisté auspectacle du Devin du village. En 1752, Jean-Jacques Rousseau présente à Fontainebleaudevant leurs majestés un intermède musi-cal, Le Devin du village.Il est question d’une cabane obscure(26)chantée par Colin, époux attentionné de Co-lette. Un devin a convaincu ces deux êtresque les sentiments qui les animent leur of-frent la chance de vivre ensemble.Cependant persuadée de ne plus répondreaux attentes de son ami Colin, Colette sedésespère.Le Devin trouve une parade qui permet à ces

héros, cœurs sensibles à la magie d’une poésie pastorale, de se ré-concilier. Le rôle du devin, le charme d’un rythme séduisant, une ca-bane accueillante… Autant d’arguments pour Colette de voir Colinretrouver sa bien aimée et, pour Colin, de convaincre sa fiancée de lapureté de ses sentiments.

DANS LES PRAIRIES DE WOOTTON HALLAu cours de ses années d’exil, Jean-

Jacques Rousseau suit le conseild’une de ses amies : quitter lecontinent pour l’Angleterre.A Londres, Richard Daven-port lui propose sa pro-pre résidence dans leDerbyshire.Durant quelques se-maines Jean-JacquesRousseau appréciegrandement le dé-paysement. Les col-lines de ce lieul’enchantent : le vallonde Dovedale retint sonattention par son pay-sage singulier où s’ali-mentait une imagination

préromantique, éprise deces renforcements énigma-

tiques, dont le charme ténébreuxassociait l’eau, la verdure, et les ro-

chers. (…) Autre but de promenade, la forêtde chênes au nord de Wootton, et ses cascades…C’est en botaniste que Rousseau put arpenter ces

lieux qui lui livraient leur moisson d’espèces végétales qu’il ignoraitencore: « J’espère que vous n’employez pas tout votre temps à cher-cher des plantes par monts et par vaux », devait s’inquiéter Daven-port, « et que vous songez encore à l’éducation et à l’édification del’humanité ».(27)Au milieu de l’environnement enchanteur, Jean-Jacques Rousseauretrouve son énergie ! Le travail ne lui manque pas. Il se rend à toutmoment dans cette grotte (aujourd’hui, les pèlerins la visitent). Quin’a pas souhaité s’y rendre ?Les images de l’enfance prennent place dans une configuration sou-terraine, magique, ésotérique. Charles Baudouin montre que le re-

Dovedale.

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Les bains de Matlock et la rivièreDerwent (Derbyshire).

Huile sur toile, 1780, par WilliamMarlow (1740-1813).

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Tricentenairede lanaissancedeJean-JacquesRousseau

tour à la grotte magique est unretour à la mère, retour de l’en-fant prodigue qui s’est chargé,

dans ses lointains voyages, de fautes et de malheurs.(28)Jean-Jacques Rousseau se souvient de son père reprenant si pa-thétiquement l’éloge de Suzanne, l’épouse disparue quelques joursaprès l’accouchement fatal. Et Jean-Jacques Rousseau de parler dece coeur qu’il reçoit en héritage, ce cœur qui pour eux fait leur bon-heur et (29) qui, pour lui, fit tous les malheurs de (sa) vie.(30)Tantôt, il poursuit la rédaction du Dictionnaire de musique, tantôt ilcontinue les Confessions, tantôt il écrit à ses chers correspondants.Souvent donc, il s’achemine dès le petit jour dans la direction du

nord; une marche de 4 ou 5 milles l’amenaitde Dovedale. Restauré frugalement à lavieille auberge qui surveille l’entrée du val-lon, il atteignait bientôt la Dove capricieusequi se glisse entre les deux collines triste-ment gazonnées du Bunster et du ThorpeCloud; un gué de pierre plates à passer etJean-Jacques s’appartenait pour la journée,ravi de la solitude et du calme à peine inter-rompu par les rares oiseaux chanteurs. Lesarbres se serrent au pied des parois et lesescaladent de ci de là, tandis que la paroi oc-cidentale se couronne d’un bois en surplombque percent, ici, une aiguille rocheuse deplusieurs dizaines de mètres aux flancs ta-pissés de lierre, là, de farouches masses decalcaire grisâtre, prisonnière durant 3millesdu vallon étroit.(31)À Marie-Anne de Luze, il fait une descriptionde sa maison et parle de la vie quotidienne ;il aime ainsi se rapprocher d’elle. Il gagnesouvent la grotte de la propriété de RichardDavenport, y laisse vagabonder son imagi-nation emportée vers des images de repos.Et l’ombre tout de suite sollicite les imagesde l’abri souterrain.(32)Emotions et souvenirs l’accompagnent; ilsonge à une manière particulière de les ex-primer. Les Confessions sont en chantier,plus tard Les Rêveries du promeneur soli-taire en parleront avec ravissement aux lec-teurs.

LE PARC D’ERMENONVILLELes plantes qu’il décrit stimulent sa passionpour les végétaux. Il se donne pour missionde fairemieux connaître la Nature par la bo-tanique. De plus, sans s’en douter, Jean-Jacques Rousseau ouvre le chapitre d’une

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la Grotte de Wootton Hall.

Le tombeau de Jean-JacquesRousseau dans le parc

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nouvelle expression lit-téraire, l’utilisationdu “je”. Il contri-bue ainsi –beaucoup lemesurent au-jourd’hui – àla naissance du

Romantisme. Lerêve partagé devient

réalité, offerte à chacun.En 1778, Jean-Jacques Rousseau –

il ignore qu’il sera emporté par unecrise d’urémie quelques semaines plustard – accepte l’invitation du marquis de

Girardin, occupé depuis longtemps à transformer son jardin en lieude contemplation, ouvert aux entretiens philosophiques, tout au bon-heur d’une végétation et d’une nature toujours renouvelées. Lemar-quis faisait bâtir pour lui [Jean-Jacques Rousseau] unemaisonnette,une sorte de chalet rustique qui rappelait Clarens. Elle n’était pasencore achevée, et Jean-Jacques s’installa dans un pavillon entouréd’arbres à côté du château.(33)Une cabane au toit de chaume est presque dissimulée dans la pro-priété du marquis. Jean-Jacques Rousseau s’y rend, son bâton, son

chapeau, un papier sous le bras. Ouverte àtous, la cabane devient pour lui un lieu privi-légié. Construite en pierres sèches, la ca-bane offre un refuge à ses élanspassionnels, à ses émotions enfouies. Dansl’îlot de verdure, le “vagabond” installe sonbivouac, écoute les bruits d’une végétationqui a trouvé son héros. Apaisé, en quête delui-même, Jean-Jacques Rousseau n’oubliepas l’itinéraire des autres. Il entend le chantdes oiseaux, contemple les arbres, admirel’éclat d’une fleur sauvage, goûte la fraî-cheur des mûriers, vit dans un paradis quepersonne ne lui ravit.La nature le comble.Il en pleure de joie,toujours prêt à denouveaux voyages.Jean-Jacques Rous-seau sera inhumé aucœur du parc d’Er-menonville, dans l’îledes Peupliers, le 4juillet 1778.�

(1) Adalbert von Chamisso, Voyage autour du monde 1815-1818, Corti, 1991, p. 180-181

(2) Rémy Hebding, Jean-Jacques Rousseau, les lumièresgrâce à Dieu, Punctum 2005, p. 16

(3) Gaston Bachelard, L’Eau et les Rêves, José Corti, 1942, p.42

(4) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 42(5) Jean-Jacques Rousseau, Ibid., p. 7(6) Jean-Jacques Rousseau, Ibid., p. 8(7) Jean-Bernard Pontalis, Traversée des ombres,

Gallimard, 2003, p. 82(8) Gaston Bachelard, La Terre et les rêveries du repos, José

Corti, 2010, p. 114(9) Gaston Bachelard, Ibid., p. 114(10) Gaston Bachelard, Ibid., p. 130(11) Gaston Bachelard, L’intuition de l’instant, Gonthier,

1971, p. 68(12) Gaston Bachelard, Ibid., p. 79(13) Sylvain Tesson, Petit traité sur l’immensité du monde,

Editions des Equateurs, 2005, p. 132(14) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 12(15) Jean-Jacques Rousseau, OC IV, p. 385(16) Jean-Jacques Rousseau, Ibid., p. 385(17) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 1013(18) Henri Vincenot, Les étoiles de Compostelle, Denoël,

1982, p. 211(19) Sylvain Tesson, Petit traité sur l’immensité du monde,

Éditions des Équateurs, 2005, p. 86(20) Sylvain Tesson, Ibid., p. 19(21) Henri Vincenot, La billebaude, Denoël, 1978, p. 172(22) Sylvain Tesson, Petit traité sur l’immensité du monde,

Éd. des Équateurs, 2005, p. 63(23) Sylvain Tesson, Ibid., p. 63(24) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 168

(25) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 872(26) Jean-Jacques Rousseau, OC V, p. 1163(27) Monique et Bernard Cottret, Jean-Jacques Rousseau en

son temps, Perrin, 2005, p. 415-416(28) Gaston Bachelard, La Terre et les rêveries du repos,

José Corti, 2010, p. 225(29) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 7(30) Jean-Jacques Rousseau, Ibid., p. 7(31) Louis-John Courtois, Le séjour de Jean-Jacques Rous-

seau en Angleterre, Université de Genève, 1911, p. 43-44(32) Gaston Bachelard, Le Terre et les rêveries du repos,

José Corti, 2010, p. 210(33) Raymond Trousson, Jean-Jacques Rousseau, tome II,

Tallandier, 1989. p. 441(*) Jean-Jacques Rousseau, OC V, p. 535-544(**) Félix Desvernay pense que Rousseau a vraisemblable-

ment dormi sous l’arcade d’un mur de terrasse, quiexiste encore au n° 22 du quai des Etroits (la seule ar-cade dont l’aire inférieure soit formée par une dalle depierre que Rousseau appelle une tablette). « Le Rhône,grossi de la Saône, coulait dans un vaste lit, se divisaiten plusieurs bras, séparés par des îles verdoyantes »,dit P. Grosclaude (Jean-Jacques Rousseau à Lyon, pp. 6-7), « ce n’est qu’après 1772, que cet espace fut en partieasséché, la presqu’île prolongée, le Rhône légèrementdérivé vers la gauche et le confluent reporté 2 km enaval ». L’incertitude de Rousseau s’explique parce qu’ilavait sous les yeux un bras du vaste fleuve non endiguéet que le lieu du confluent du Rhône et de la Saônen’était pas fixé (cf. A. Kleinclausz, Lyon des origines ànos jours, 1925, chap. II). in/Notes et Variantes des œu-vres complètes de Jean-Jacques Rousseau, tome I, p.1310.

Notes

Rémy Hildebrand

La cabane de Jean-Jacques Rousseau.

[email protected]

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Littérature

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LE MUSÉE DU LOUVRE À PARISA LA RÉPUTATION FLATTEUSED'ÊTRE LE MUSÉE LE PLUSVISITÉ AU MONDE. CHAQUEANNÉE, CE SONT, EN EFFET,QUELQUE 8 MILLIONS ET DEMIDE VISITEURS QUIFRANCHISSENT LES GRILLES DECETTE ANCIENNE FORTERESSEMÉDIÉVALE QUE L'ON DOIT ÀPHILIPPE AUGUSTE (1165-1223)ET QUE FRANÇOIS 1er (1494-1547)TRANSFORMA EN PALAIS AVANTQUE LE XVIIIe SIÈCLE NECONSACRE LES BÂTIMENTS ENMUSÉE POUR Y ACCUEILLIR DESMILLIERS D’ŒUVRES ET DECHEFS-D’ŒUVRE ALLANT DEL'ANTIQUITÉ JUSQU'AU MILIEUDU XIXe SIÈCLE.

Parmi ceux-ci, un tableau peint à l’huilesur panneau de bois de peuplier auxdimensions modestes : 77 centimè-

tres de hauteur sur 53 de largeur et repré-sentant un portrait de femme peint au débutdu XVIe siècle par Léonard de Vinci s’offreaux yeux de générations successives de vi-siteurs comme le tableau le plus célèbre aumonde : La Joconde. Ce portrait de MonnaLisa, dont le sourire mystérieux et le regardinsinuant qui semble suivre ses déplace-ments auront troublé plus d’un visiteur, esten effet un chef-d’œuvre absolu ; consacrépar la critique, magnifié par les siècles etdont l’aura de son auteur, Léonard de Vinci,génie universel comme il s’en rencontre peu,ne fait que souligner l’éclat.Mais ce qu’ignore sans doute bon nombre

Une femmedisparaîtLevolde La JocondeauLouvre en 1911

ÉDITIONS LE PASSAGE

JérômeCoignard

des visiteurs du Louvre et de La Joconde qui se sont succédés depuispresque un siècle, c’est un événement qui a eu lieu il y aura tout justecent ans le 21 août prochain. Ce jour-là en effet, l’œuvre embléma-tique, aujourd’hui présentée à l’Aile Denon du musée du Louvre, aété volée en plein jour sans que personne, gardien ou visiteur, s’enaperçoive. Promptement décroché de ses supportsmétalliques, dis-simulé sous une couverture de fortune, subtilisé à la barbe des gar-diens et aux yeux du grand public avant d’être exfiltré par le quai duLouvre, le portrait de Monna Lisa quitte le Salon Carré où il était ex-posé grâce à l’audace d’un voleur que lesmœurs de l’époque se plai-ront à imaginer sous les traits d’Arsène Lupin lui-même, désireuxd’ajouter l’original du chef-d’œuvre de Léonard aux autres trésorsdécorant les murs de son repaire d’Etretat.Mais Arsène Lupin ou pas, ce qui est sûr, en ce 21 août 1911, c’estque La Joconde quitte le Louvre, à l’insu de son Administration, pourune destination et une période inconnues. Au tout début, nous ap-prend Jérôme Coignard dans son livre remarquablement bien docu-menté, il n’y a même pas de panique lorsque l’on découvre l’espace

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Littérature

charge des trésors du Louvre. Des plumescélèbres s’étonnent de la légèreté de la Ré-publique qui laisse des pans entiers du pa-trimoine national sans surveillance oupresque. Lesmesures classiques de reclas-sement des fonctionnaires responsables etl’arrivée d’un nouveau directeur soucieux dese saisir du problème et d’améliorer la sé-curité des bâtiments sont un premier élé-ment de réponse au tollé général.Dans le grand public, que l’actualité interna-tionale ne ménage pas depuis plusieurs an-nées dans cette période qui précède lafuture conflagration mondiale de l’été 1914,on redécouvre à loisir l’immense Léonard deVinci au travers de son œuvre à présent ab-sente desmurs du Louvre. Le public qui suitles développements de l’affaire lit alors sousla plume enthousiaste des journalistes queLéonard de Vinci, outre ses talents de pein-tre, était aussi un inventeur, un précurseurde génie, ayant été à l’origine de l’aviation ;laquelle passionne si fort le citoyen de cespremières années du XXe siècle. La fierté na-tionale française se souvient aussi que Léo-nard de Vinci est venu travailler et vivre enFrance à l’invitation de François 1er. Qu’il estvenu avec, dans ses bagages, le célèbre ta-bleau de Monna Lisa que le Roi de Francedécida de lui acheter afin d’étoffer sa collec-tion de peintures italiennes qui fait au-jourd’hui encore la richesse des collectionsdu Louvre. Enfin que Léonard a fini ses joursen France et indiqué son souhait d’êtreinhumé à Amboise, se rattachant tout à faità la patrie qui l’avait accueilli et qui, au-jourd’hui, déplore la perte de son chef-d’œu-vre.Perte qui, en cet automne 1911, semble bienconsommé et peut-être irrémédiable tantles pistes sont minces ou inexploitées. Lapolice, en effet, semble être dans l’impasse,tandis qu’au contraire, les spéculations vontbon train. Les archives regroupées par Jé-rôme Coignardmontrent en effet la diversitédes hypothèses allant parfois jusqu’au purfantasme : pour certains, le vol est l’œuvresophistiquée d’une organisation agissantpour le compte de riches passionnés vivantoutre Atlantique : de Rio à New York, lesdouanes sont sur le qui-vive afin d’appré-hender le précieux tableau avant qu’il ne re-joigne irrémédiablement la collection privéde quelque richissime passionné.Pour d’autres, il s’agit du vol d’un esprit dé-rangé, de l’acte sordide commis par un ma-niaque que l’étrangeté du sourire de la >>

vide qu’occupait la Joconde dans le Salon Carré du Louvre. Elle doitêtre à l’atelier photographique ou ailleurs, se dit-on. Il est vrai quel’Administration de l’époque déplace les tableaux sans réelles pro-cédures ni contrôles bien établis. La Joconde, en ce lundi 21 août1911 que les Parisiens s’apprêtent à vivre sous une canicule de plusde 34 degrés, est sans doute temporairement quelque part dans lemusée ; il n’y a pas matière à s’affoler ni à s’activer outre mesure,pensent les gardiens interrogés.Finalement, les heures passant et renseignement pris, La Jocondesemble n’être nulle part. Il faut alors se résoudre à envisager le pire :elle a disparu. La police commence à mener l’enquête et s’aperçoitavec effarement que voler un tableau au Louvre est chose relative-ment aisée pour quelqu’un de décidé. La sécurité du musée est eneffet si déficiente que se laisser enfermer dans le musée aprèsl’heure de clôture est un jeu d’enfant, et si l’on s’est muni d’un mini-mum de matériel adéquat, en sortir de nuit ne pose guère de pro-blème.Comme il se doit, la presse s’empare de l’affaire et crie au scandale.Elle fustige l’incompétence du Pouvoir et de l’Administration en

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Littérature

Joconde et les théories nombreuses sur sonmodèle (Monna Lisa ou autoportrait déguiséde l’artiste), voire l’idéal de beauté qu’il re-présente auront conduit à ce vol et à quelquedégradation probable de la toile qu’on oseespérer sans conséquence. Pour d’autresencore, la piste politique est la seule sé-rieuse, celle du complot et des minoritésagissantes qui le conduisent.A toutes ces idées et autres théories plus oumoins fantaisistes, s’ajoutent certaines ma-nifestations concrètes et inattendues qui nelaissent d’agiter le microcosme parisien. Lemusée du Louvre devient en effet le théâtrepathétique où l’on se précipite pour voir"l’Absente". Pour regarder l’emplacementoù se trouvait La Joconde. Cet emplacementqui devient l’endroit où il faut s’être rendu :comme le dit la chronique de l’époque etl’auteur de l’ouvrage : « On vient voir “Celle

qu’on ne peut plus voir en peinture” (...). Onva se recueillir et s’étonner au Salon Carrédevant l’emplacement de La Jocondecomme les disciples de Jésus se recueilli-rent et s’étonnèrent devant le tombeauvide ». On admire également les quatre pi-tons auxquels était accroché le célèbre ta-bleau : on vient voir “le clou du spectacle”comme disent les gardiens avec humour. En1954, trois ans avant sa mort, Sacha Guitrylui-même racontait encore volontiers à laradio l’incroyable anecdote qu’il était allé vé-rifier sur place, insistant sur le fait qu’unservice d’ordre avait dû être organisé afind’endiguer et de canaliser le flot innombra-ble de visiteurs qui allaient voir le clou au-quel avait été accrochée La Joconde.Conséquence inévitable vu l’intérêt des mé-dias de l’époque pour ce vol sacrilège, La Jo-conde devient bien plus célèbre après le vol.Elle est maintenant connue dans tout sesdétails ;magnifiée au-delà du raisonnable etdevient - avatar moderne - l’objet d’unmer-chandising effréné déclinant La Joconde àl’infini.Et puis, finalement, en 1913, La Joconde ré-apparaît enfin. Le voleur, moins spectacu-laire que l’avait rêvé l’époque, avait conservéle célèbre portrait sous son lit, très modes-tement, avant d’être tenté d’en négocier lavaleur auprès d’un marchand qui donneral’alerte et mettra fin à cette “cavale deMonna Lisa”. Les lecteurs de Jérôme Coi-gnard découvriront avec bonheur cette sur-prenante histoire richement illustrée par lestémoignages de l’époque faisant ressusciterunmonde aujourd’hui disparumais dont lesressorts ne sont pas toujours si éloignés denotre XXIe siècle commençant avec ses phé-nomènes d’ultra-médiatisation et sa passionpour le fait divers ou le merveilleux.Aujourd’hui, les millions de visiteurs quicroisent le regard de Monna Lisa peuvent,comme Léonard de Vinci en son temps,comme le Premier Consul Bonapartelorsqu’il la fit accrocher auxmurs des Tuile-ries en 1800, comme le public américain autemps du Président Kennedy, quand AndréMalraux l’avait accompagnée pour être pré-sentée dans la capitale nord-américaine,comme nous tous enfin et tant d’autres sansdoute à l’avenir, ces millions de visiteurs di-sions-nous, peuvent méditer à loisir quantau destin étrange qu’une jeune italienne d’ily a cinq cents ans peut avoir de fasciner autravers de la représentation qu’en a donnéed’elle un artiste à la recherche de l’absolu. �

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Léonard deVinci (né à Vincile 15 avril 1452

et mort àAmboise le2 mai 1519).

Dominique Ortiz

[email protected]

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ÉchodeMarcillac

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Marcillac-Vallon, petit village situécontre les derniers contreforts duCausse et les prémisses de la vallée

du Lot, son micro-climat et le travail des vi-gnerons ont donné son vin dans l’un des pluspetits vignobles AOC de France. Situé à19 km de Rodez, Conques, haut lieu sur lechemin de Saint-Jacques de Compostelle.

ENCADRÉES PAR LES SCHISTES HOUILLERS DU BASSIN DEDECAZEVILLE, LES PLATEAUX CRISTALLINS DES SÉGALAS ETLES BARRES CALCAIRES DU CAUSSE COMTAL SURGISSENT DEPOURPRES COLLINES DE GRÈS ROUGE ET DE MARNE,SÉPARÉES D’ÉTROITES LANGUES DE PLAINES : VOICI LEVALLON (OU ROUGIER) DE MARCILLAC, FORTE PERSONNALITÉDU ROUERGUE.

crusvignoblegrands

Petit

Les vignobles et cépages de l’Aveyron

Quelques cépages ont trouvé ici des terroirsqui leur permettent de s’exprimer pleine-ment.Pour les rouges, le Fer Servadou ou Man-sois, le Cabernet-Sauvignon noir, le Gamay,le Merlot, le Prunelard qui vient du Menu ;c’est un ancien cépage qui a résisté au phyl-loxéra et à une queue rouge, il en reste 50pieds. Pour les blancs, le Chenin, le Mauzacappelé aussi la Blanquette (en vignes en es-paliers dans les éboulis) et un cépage qui apresque disparu, le Saint-Côme, descendantdu Gouais. Il n’en reste que 30 pieds.Le Fer Servadou fait partie de l'encépage-ment des vins de Marcillac, d'Estaing, d'En-

traygues et du Fel. Ilprésente généralementune certaine fraîcheur enbouche. Arômes de cassis(lorsque le vin s'affine encave), cerise, épices,framboise, poivron vert.Ses synonymes sont le Pi-nenc et Brocol (ou Brau-col) dans le Sud-ouest,Hère sur la rive gauche dela Garonne, Mansois ouSoumanès en Aveyron.

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Les 4 appellations de l'Aveyron

> AOVDQS Côtes de MillauLes vignobles des Côtes deMillau se situentdans les coteaux qui surplombent la valléedu Tarn, avec 60 hectares de vignes, l’appel-lation d’origine VDQS date de 1994.> AOVDQS Entraygues le Fel et l’AOVDQS

EstaingLes vignobles d’Entraygues le Fel et Estaingsont situés sur les pentes qui surplombentles vallées du Lot et de la Truyère ; ces 2 vi-gnobles sont les petits poucets du grandSud-Ouest : 22 hectares pour Entraygues leFel et 16 hectares pour Estaing. Le labelAOVDQS date de novembre 1965.> l’AOC Marcillac. Il fête ses 20 ans.

Le vignoble de Marcillac

Il compte 200 hectares de vigne à une alti-tude de 500 m maximum situés à quelqueskms au nord-ouest de Rodez, avec une pro-

duction de 8500 hl et un rendement de basede 55 hl/ha. Accroché sur les pentes des pe-titesmontagnes souvent aménagées en ter-rasses, le Fer Servadou représente 90% dela production de l’AOC Marcillac. Ce cépageintroduit au IXe siècle par les moines deConques, offre au vin de Marcillac toute satypicité. Les vignerons ont obtenu l’AOCMar-cillac en 1990, ils élaborent des vins rougeset rosés.Cuvées traditionnelles, issus demacérationslongues ou courtes, les rouges, remarqua-blement typés par ce cépage, s’associent àmerveille aux plats de la région.Le territoire du vin Marcillac AOC se trouvedans le vallon, coïncé entre les schistes sé-galiens et la viadène granitique. Les sols desvallées sont soit purement argilo-gréseux,soit argilo-calcaire.La création du vignoble de Marcillac com-mence, avec la fondation du monastère deConques, au IXe siècle ; les moines offraientaux pèlerins, qui venaient adorer les reliques

ÉchodeMarcillac

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Vignes enespalier,région deMarcillac.

Marcillac, grappede Mansois ouFer Servadou.

Marcillac,tonneau de vin.

Vignes et raisins,région de Marcillac.

Vi

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ÉchodeMarcillac

pe

,vin.

du soleil. Il existe aussi le soleil de Saint-Christophe.Le gâteau cuit à la broche est une spécialitéaveyronnaise et pyrénéenne. Il est fait au feude cheminée en versant une pâte liquide surune broche de forme cônique. En se solidi-fiant, la pâte fait ressembler le gâteau à unsapin. On peut le trouver ailleurs, soit en An-gleterre (“king of cakes - roi des gâteaux”),en Allemagne (“baumkuchen - gâteauarbre”), en Suède (“spettekaka”), en Po-logne, en Lituanie (“ëšakotis”), et même leJapon en raffole (peut-être le côté phal-lique !).La pompe à huile est une sorte de plaque depain, sucrée et imbibée d’huile de noix, cequi lui confère un moelleux humide et

de sainte Foy, du vin deMarcillac. C'est ainsique ce vignoble connut un essor importantet propice au développement de ce territoire.Que les propriétaires de la vigne fussent lesmoines ou les bourgeois de Rodez, seuls lespaysans la travaillaient. Ils défrichaient lescoteaux, construisaient desmurets de pierreafin d'utiliser toutes surfaces plantables etd'éviter aussi le ravinement des sols. Ac-tuellement, le prix de la vigne àMarcillac estde 1500 €/ha contre environ 850 200 €/ha enChampagne et 66 900 €/ha en Bordelais.Actuellement, la coopérative de Marcil-lac/Cave de Valady représente 55% de laproduction, et une douzaine de caves parti-culières représentent le reste, comme le Do-maine du Cros avec Philippe Teullier à

Goutrens (président de l’AOC Marcillac), leDomaine du Vieux Porche avec Jean-LucMatha à Bruéjouls ou le Domaine de l’Albinieavec Alain Falguières à Rodez.

Terroir et gourmandise(à consommer après le régime)

Le “Soleil de Marcillac” croquant auxamandes parfumées à la fleur d’orangé.Cette fouace aveyronnaise est une pâtisse-rie croustillante consommée tout au long del’année. L’origine du “Soleil de Marcillac”vient du fait que chaque lundi de Pentecôte,à Marcillac, est célébrée la Saint Bourrou,fête païenne au cours de laquelle se perpé-tue la tradition de bénir les bourgeons de lavigne. A l’époque, tout le monde emportaitcomme souvenir de cette journée du vin et

RECETTE POUR UN GÂTEAU DE 30 CM DE HAUT ET DE 2 KG500 g de beurre, 750 g de farine, 750 g de sucre, 18œufs, 15 clde rhum, 5 cl d'eau de fleur d'oranger, 1 zeste d'orange, 5 g desel.

Vins de Marcillacet Ratafia.

Marcillac, gâteauSoleil de Marcillac.

Marcillac,EschansonnerieSaint Bourrou.

Auberge du Créneau dePont les Bains. Cyrille Ajutoet son gâteau à la broche.

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luisant. La pâte, abaissée surune plaque à pâtisserieaprès qu’on l’ait laissée sedévelopper, est ensuite badi-geonnée à l’huile de noixmé-langée avec un ou deuxjaunes d’œuf. L’huile, pesant

un quart du poids total des ingrédients, estversée en trois ou quatre fois, le temps quela pâte la “pompe” (d’où le nom de la spé-cialité). La plaque panifiée, une fois gorgéed’huile, est piquée (pour l’empêcher de gon-fler), saupoudrée de sucre en poudre etd’amandes ou de noix effilées ou brisées, etenfin soumise à une cuisson à assez hautetempérature (environ 250°C) durant unevingtaine de minutes.Autres produits et spécialités gastrono-miques : le foie gras truffé, les pâtés, le

friton, le jambon, la saucisse à la perche(sèche), les tripous du Rouergue, le pâtédoré, la falette (voir région Auvergne), laviande de veau d‘Aveyron et du Ségala, laviande de bœuf, le coufidou, le poulet sauté,le gibier, le stockfisch (estofinado), l’aligot,la pascade, les cèpes et morilles, le touril(soupe à l’oignon aveyronnaise), sans oublierles spécialités au roquefort (dont feuilleté auroquefort).

A la recherche du pain perdu,le tourisme pas “quel Conques”

Lorsque vous venez deMarcillac, en remon-tant vers Salle la Source, vous suivez le Cré-neau (pas celui en voiture) mais le petitruisseau qui a donné son nomà l’Auberge duCréneau à Pont-les-Bains. Le restaurateurCyrille Ajuto, collectionneur d’objets du ter-roir a une passion : les vélos Solex. Maisvous pouvez lui faire confiance… Entre lepetit-déjeuner et toutes les spécialités citées

ci-dessus, le di-manche midi et lesjours fériés, vouspourrez déguster le“farçous”, les écre-visses en persillade,la tête de veau sauceravigote et, selon lessaisons, d’autres sa-veurs du terroir.À voir aussi, la com-mune de Salles laSource de 7 800 ha,dont les 2/3 sont oc-cupés par l'extrémité

ouest du Causse Comtal, avec des terrainscalcaires et un milieu naturel très riche dupoint de vue de la faune et de la flore. Sallesla Source est une des communes de Francequi compte le plus de mégalithes, menhirs,dolmens et de tumulus. L'homme primitifoccupait la commune de Salles-la-Source(Homo Erectum). En atteste un biface ensilex daté de 100 à 120 000 ans, découvertsur le causse à Montaubert.Le village de 230 habitants possède lemusée du Rouergue, aménagé dans lesma-gnifiques bâtiments d’une ancienne filaturede laine et manufacture de drap de pays oùl’on peut découvrir les Arts et Métiers tradi-tionnels. Sa cascade fait l’objet d’une batailleentre la centrale hydroélectrique et lesamoureux de la nature quand le Créneau etsa cascade qui jaillit à plus de 20 m inspi-

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Cascade deSalles la Source.

Viticulteurs de Marcillac à Bruéjuls, dans leplus grand Tassou du monde.

Emmanuelleet Jean-LucFau posentdevant leurrestaurant“Goûts etCouleurs”.

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ÉchodeMarcillac

raient la poétesse romantique Pauline deFlaugergues au château de Cougousse.À Bruéjouls, en août 2010, autour de la placede l'église, après le plus grand tassou dumonde qui est un énorme récipient pourboire du vin, 1 312 personnes de 3 à 110 ansse sont mis à danser tous ensemble le“Brise-Pied”. Il s’agit d’une danse en ligneoccitane. Le but de cette danse est d'éviterd'écraser le pied de son voisin et d'éviter dese faire marcher sur les siens. Les pas sonttrès simples et à la portée de tous. L’amu-sant est que les musiciens accélèrent la ca-dence. C'est une danseludique et festive avec lerythme de la polka.À Rodez, se trouve un restau-rant haut en “Goûts et Cou-leurs” tenu par Emmanuelleet Jean-Luc Fau. Des platsaux tableaux culinaires surses murs tout est couleuravec les copeaux de foie grasde canard à la betterave crue,les calamars poêlés “PierreSoulages” à l'encre, basilic etanis vert, écume à la violette,poivron rouge et riz “noir”, lamousse légère de RoquefortBaragnaudes, bille de coing età la recherche du pain perdu...Pain, foie gras rôti, crème gla-cée aux cèpes, caramel et jusvanillé.

Conques (du latin “concha”, coquille,en occitan “conca”)

Peu de lieux en France oumême en Europe,peuvent s'enorgueillir d'une telle accumula-tion de richesses dans ce village : l'abbatialeromane et son célèbre tympan du Jugementdernier, les vestiges du cloître avec le grand

bassin de serpentine, le trésor d'orfèvrerieet lemusée, le village enfin, comme sorti in-tact du fond des siècles. Le tout s'enchâssedans un site admirable, en forme de conque,site qu'avait choisi l'ermite Dadon pour seretirer du monde, au VIIIe siècle.Tous les voyageurs, depuis l'écrivain Pros-per Mérimée, par ailleurs inspecteur desmonuments historiques, qui avouait, en1837, n'être « nullement préparé à trouvertant de richesses dans un pareil désert », fu-rent frappés par l'aspect “sauvage” du sitede Conques. Un des plus beaux villages de

France... Au cœur dela vallée du Lot, cetteétape incontournabledes Chemins de Saint-Jacques recèle biendes trésors : autourdes maisons à colom-

bages, l’abbatiale Sainte-Foy des XIe et XIIesiècles avec ses 250 chapiteaux, ses vitrauxcontemporains de Pierre Soulages et sontympan aux 124 personnages sculptés dansla représentation du Jugement Dernier,mais aussi le trésor, celui de Sainte-Foy, re-liquaire recouvert d’or et de pierres pré-cieuses. De Conques, l’aéroport de Rodezest à 35 km et celui de Toulouse à 170 km.�

ALAIN BARRIÈRE

• Office du Tourisme de Marcillac - Tél. : +33 5 65 71 13 18 - [email protected]• Office de Tourisme de Conques - Tél. : +33 5 65 72 85 00 - [email protected]• Syndicat des Vignerons de l’AOC Marcillac - Tél. : +33 5 65 72 71 77 - http://www.aoc-marcillac.com• Auberge du Créneau à Pont les Bains - Tél. : +33 5 65 71 74 21• Auberge de Bruéjouls - Tél. : +33 5 65 72 70 74• Auberge de l’Ady à Valady - Tél. : +33 5 65 72 70 24• Restaurant Goûts et Couleurs à Rodez - Tél. : +33 5 65 42 75 10• Gîte/Ferme Auberge du Domaine des Costes Rouges - Combret de Nauviale/Marcillac - Tél. : +33 5 65 72 83 85• Hôtel Restaurant Le Relais de Marcillac - 14 Tour de Ville à Marcillac - Tél. : +33 5 65 71 75 57

Quelques adresses

À gauche :l’abbatialeSainte Foy, àConques.

Le tympanaux 124

personnagessculptés, àConques.

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Escale

C’est un hôtel qui a grandi avec Hélène.Jean-Toussaint Canarelli, son père,devient propriétaire en 1978 d’un bâti-

ment au bord d’une plage de rêve. Ce petithôtel, à force d’endurance et de persévé-rance, est devenu le Grand Hôtel de CalaRossa. Tous les ans, des transformations ontlieu. Cette année, c’est la petite cabane demassage avec vue sur la mer qui deviendraen été une chambre, une île d’intimité surcette Île de Beauté.Le centre de bien-être, d’esthétique et demassage s’agrandit, après son passage en

centre Clarins, car ce n’est pas un péché dese faire du bien en s’hydratant au lait de pê-cher. Des séjours forfaits Tentations / Beauté/ Forme sont proposés du 17 septembre au15 octobre. Baigné dans une luxuriante vé-gétation, vous aurez le choix, dans vos bal-lades, soit à la nage ou en bateau, à ladécouverte des Iles Lavezzi et de la CostaSmeralda en Sardaigne, du merveilleux Do-maine de Murtoli. Vous mouillerez dans sonanse et vous aurez la possibilité d’un dînerdans un restaurant au bout du monde oudans une grotte dans le spectaculaire en-chevêtrement du maquis.Pour la restauration, vous ne serez pas enreste avec le Chef de cuisine Georges Billonque vous pourrez retrouver à travers sonlivre “Hommes et saveurs de Corse”. LeCh’ti Pascal Cayeux vous fera découvrir lamagie de la cuisine de saison avec les pois-sons pêchés dans la nuit : rouget, araignée,langouste, denti, le seigneur des poissonsavec sa forte dentition ou les viandes decabri, agneau de lait, brocciu, veau, gibier ouporc sauvage. Pour le dessert et les gruyé-riens, vous trouverezmême desmeringues !Le directeur de la restauration et MaîtreSommelier Patrick Fioramonti qui a édité“Le Vin Corse, a tarra l’omini a passioni”,vous fera déguster les senteurs des cépages

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PLANTÉ À L’EXTRÊMEPOINTE SUD DU GOLFDE PORTO-VECCHIO,UN JOYAU DES RELAISET CHÂTEAUX BAIGNEDANS UN CALME ETUNE DOUCEUR DEVIVRE OÙ HÉLÈNECANARELLI ETPATRICIABIANCARELLI, LADIRECTRICE, VOUSACCUEILLENT.

Porto-VecchioCitàdi Sale

HélèneCanarelli.

Pascal Cayeux.

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Escale

que vous découvrirez dans le paragraphesuivant. Le meilleur moyen de rêver est devenir sur cette plage ou est dessiné le douxvisage du plaisir !http://www.hotel-calarossa.comTél. 0033 (0)4 95 71 61 51

Le Vignoble CorseBien avant que les Grecs ne la cultivent, lavigne poussait en Corse à l’état sauvage etl’on prenait soin d’en recueillir les petitesbaies si douces au palais. Dès l’antiquité, sixsiècles avant J.C., les Grecs importent surKallisté (“la plus belle”) leur savoir-faire vi-ticole. Le vin d’Alalia (Aleria sur la côteorientale) devient l’un de leurs breuvages fa-voris. Les Romains prennent le relais. En 35avant J.C., Virgile vante déjà les qualités duvin de Balagne, couleur de rubis et agréable

au goût. Depuis 1769 et la souveraineté fran-çaise, l’activité viticole, autant qualitative quequantitative, ne fait que s’améliorer. Grâceaux nouvelles pratiques viticoles et œnolo-giques, ainsi que l’entêtement des hommeset des femmes du vignoble corse qui ontporté leurs fruits, la Corse est devenue la 3eîle viticole de laMéditerranée (derrière la Si-cile et la Sardaigne).Avec plus d’une centaine de producteurs encaves particulières, cinq caves coopérativeset une SICA, la Corse élabore des vins à tra-vers neuf AOC : Ajaccio, Calvi, Coteaux duCap Corse, Figari, Patrimonio, Porto Vec-chio, Sartène, Vins de Corse et Muscat duCap Corse autour des cépages traditionnelscorses Niellucciu et Sciaccarellu pour lesRosés et les Rouges, Vermentinu pour lesblancs.A part ces cépages, la Corse possède unevariété de cépages exceptionnelle : Codi-varta, Aléatico, Barbirossa, Montanaccia,Rossol, Brandica, Riminese, Morescone, Ru-gughonna ou Biancu Gentile, le Grenache oul'Alicante corse ou l'Elegante, le MuscatPetit Grain...En goûtant ces vins, on constatera que le cé-page ne fait pas tout le vin et que l'influencede la nature des sols et du climat est pré- >>

PLAISIRET

VOLUPTÉAU

GRANDHÔTEL

DE CALAROSSA

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Escale

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pondérante pour ce qui est de la couleur, dutanin ou du degré d'alcool.L’Appellation d’Origine Contrôlée “AOCCorse Porto-Vecchio” s’étend sur une su-perficie de 89,74 ha. Avec une terre aride,elle plonge vers la mer, où les vignobles,battus par le vent, portent des ceps robusteset fiers comme ces vignerons corses qui tra-vaillent cet univers somptueux mais rude.L’Appellation d’Origine Contrôlée “AOCCorse Figari”, d’une superficie de 130 ha, estretiré dans les terres, à l’abri du clocher deTarabucetta. Le vignoble le plus méridionalde Corse porte les vestiges des premiersceps plantés à la nuit des temps. Le climat yest si rude que la vigne semble pousser à laseule force des vignerons, pour donner desflacons d’un vin d’une extrême finesse.Au sud-est de l’île, les cépages originaux deNiellucciu et Sciaccarellu ou Sciacarello, quiveut dire craquant sous la dent, s’allient autraditionnel Grenache pour donner nais-sance à des rouges élégants et ronds ou àdes rosés fins et aromatiques. Les blancs,issus du Vermentinu, secs et fruités à sou-hait, raviront les amateurs de fruits de meret de poisson.J’ai rencontré un propriétaire-récoltant aty-pique en Bio-dynamie Yves Canarelli dans sacave à Tarabucetta (Figari). En 1993, il re-prend le vignoble et l’agrandit avec les cé-pages Syrah, Nielluciu, Vermentinu et leGrenache, mais aussi avec des cépagescorses oubliés comme leMinustellu, le Car-cagholu Neru ou le Muresconu, pour pro-duire des vins d’une extrême qualité où seperpétuent les pratiques ancestrales de

Le Clos Canarelli.

Le Muscat duClos Canarelli.

Les “œufs” dePatrick Fioramontiet Yves Canarelli.

La salle à manger duGrand Hôtel Cala Rossa.

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l’élevage sur lie et le bâtonnage.Yves Canarelli fait son blanc avec le Ver-mentinu, sa fermentation se fait en foudre etœuf béton, le rouge issu du Nielluciu etSyrah vieilli en amphore sera unmerveilleuxvin de garde avec des notes sauvages dema-quis, son rosé est élaboré à base de Sciaca-

rellu. Une visite ou une dégustation s’impose(tél.: 0033 (0)4 95 71 07 55 ou courriel :[email protected]).Originalité croissante de procédés ou retouraux sources : “l’Amphore” et “l’Œuf enBéton” (non, ce n’est plus Pâques) se fait deplus en plus, de Portimão en Algarve au Por-tugal, jusqu’àMontigny-lès-Arsures, dans leJura en France. La preuve en est une dé-gustation des viticulteurs bio adeptes “LesAmphorés ?” se tenait au mois de mars enCôtes du Rhône dans la Drôme chez un fer-vent défenseur de la Bio-Dynamie le Do-maine Viret à St Maurice/Eygues.

Quelques découvertes gustatives en CorseVous pourrez déguster avec ces produits :les fromages de chèvres et de brebis, de Fi-gari et le Brocciu, le Whisky Altorre de Pa-trimonio, l’eau de source St-Georges àGrossetto Prugna, l’apéritif Cap Corse Mat-tei, la Brasserie Pietra et la Charcuterie Fon-tana avec la Coppa, Lonzu, Figatellu,Prisuttu et Saucisson de Sanglier à Borgo.“Corsica Gastronomia” viendra à vous avecses spécialités corses.http://www.corsicagastronomia.comÀ visiter : Bonifaccio avec “l’Escalier du Roid’Aragon” et ses 187marches qui fut réaliséen 1420 lors du siège de la ville. À déguster :“I mirizani”, les aubergines à la bonifa-cienne, ainsi que la viennoiserie “Le Pain desMorts”.À découvrir, une fête le 31 juillet à Porto-Vecchio, la mise à mort de l’abominable“Luddareddu”, ou l’homme des lièges, quisera pendu et brûlé.Concernant la musique, savez-vous qu’Ali-zée est née à Ajaccio ? Le groupe polypho-nique I Muvrini, ici sur le tarmac del’aéroport de Sion, se produira en Suisse Ro-mande début octobre, ne les manquez pas !http://www.muvrini.com �

ALAIN BARRIÈRE

L’avionAir France - http://www.airfrance.comAir Glacier - http://www.air-glaciers.chRyan Air - http://www.ryanair.comXL Airways - http://www.xlairways.frLe bateauCorsica Ferries - http://www.corsica-ferries.frla S.N.C.M. - http://www.sncm.frMoby Line - http://www.mobylines.fr

Pour venir en Corse

Conseil Interprofessionnel des Vins de Corse (C.I.V.C.)www.vinsdecorse.com - Courriel : [email protected] de l’Agriculture (OPAMTC-CREPAC) à Ajacciohttp://www.corsica-terroirs.comCollectivité Territoriale de Corse - http://www.corse.frOffice du Tourisme de Porto-Vecchiohttp://www.destination-sudcorse.com

À savoir

Le groupepolyphoniqueI Muvrini.

LLaa CCoorrssee,, cc’’eesstt llee ppiieedd !!

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Gastronomie

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De retour du Kenya où je suis allé de-nièrement assister à l'Assemblée desAnciens de GIHE (Glion Institut de

Hautes Etudes), école hôtelière où j'ai ensei-gné la cuisine pendant 22 ans, je vais vousdonner mes impressions “culinaires” de cepays tropical, et naturellement vous parlerdu safari photo que j'ai pu faire, safari quej'ai beaucoup apprécié.Ayant passé, en tout et pour tout, une dizainede jours dans la région de Mombasa, je n'aipas la prétention de vous faire un historiquesur le Kenya, mais simplement vous relaterce séjour sur la base du vécu et, peut-être,vous donner quelques conseils utiles si vousvous rendez dans ce pays fantastique. Le Kenya est un pays de l'est africain, justesur l'équateur, baigné par l'Océan Indien, àpeine plus grand que la France, mais moitiémoins peuplé. Mombasa n'est qu'à huit heures de Zurich.

À l'arrivée, juste après avoir survolé Nairobi,on voit le Kilimandjaro et ses neiges éter-nelles qui donnent une impression de fraî-cheur, bien que la chaleur suffocanteressentie à l'arrivée nous plonge directe-ment dans le contexte.Même si nous avons très bien mangé tout au

Safarietcuisineincompatiblesne sont pas

Votre serviteur entouré de la “brigade de cuisine” et son directeur.

Défilé de phacochères devant leminibus.

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Gastronomie

long de notre séjour, je n'oserais pas vousparler de gastronomie dans un pays où le ni-veau de vie est très bas, où beaucoup degens vivent avec très peu, cela serait vrai-ment indécent. La population est pauvremais pas forcement malheureuse, elle subitmoins le besoin de consommation générépar notre société. Beaucoup de Kenyans,surtout les jeunes, possèdent des télé-phones portables, les contrats et les com-munications étant à un tarif dérisoire.Il est très facile de communiquer, car où quenous soyons allés, la population comprendet parle l'anglais. Les Kenyans sont très af-fables, courtois, hospitaliers.Les établissements qui accueillent les tou-ristes n'ont rien à envier à notre hôtellerie.Le climat, le pays font qu'ils sont différents,mais l'exotisme est bien là.Nous étions logés à l' Hôtel "Leisure LodgeBeach & Golf Resort", un véritable paradis.

Son Directeur, John Mutua, un ancien deGIHE des années quatre-vingts, a su formerson personnel pour qu'il soit accueillant,prévenant, et agréable avec ses hôtes.Côté nourriture, il faut d'abord relativiseravec tout ce qui se raconte. C'est évidentqu'il ne faut pas boire l'eau du robinet, il y acertaines règles à respecter vu la fragilité denotre constitution due à notre régime ali-mentaire surprotégé !La cuisine kenyane diffère d’une région àune autre, elle dépend des ressources natu-relles et surtout des différentes ethnies,c'est une cuisine faite pour se nourrir.Dans la région de Mombasa, les poissons etles crustacés trouvent une place importantedans la restauration locale, la proximité del'océan y est pour quelque chose.Si je puis vous donner un conseil, sous lestropiques, poissons, crustacés et coquillagessont à consommer cuits ; les fruits sont

Toutes les chambres et les infrastructuressont harmonieusement réparties dans unparc de plusieurs hectares en bordure del'Océan Indien, avec une nature luxuriante,des hibiscus, des flamboyants, des bougain-villiers aux couleurs lumineuses, des bao-babs énormes et majestueux.

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1. Des waterbocks,cousins desspringbocks. 2. Un troupeaud’éléphantss’apprête à traverser la

piste. 3. Une femmeMasaï et son

petit. 4. Ne jamaisréveiller une lionne pendantsa sieste…

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Gastronomie

excellents, une simple banane est savou-reuse, son goût n'a rien à voir avec celle quenous avons chez nous qui a subi toutessortes de traitements, à pousser avec del'engrais, a été cueillie verte, avant de mûrirdans une chambre hermétique, à tempéra-ture conditionnée et avec du gaz pour éviterla pourriture.Il y a deux plats typiques qui sont à la basede la nourriture des Kenyans : l’ugali et le gi-theri. Ce sont deux mets de base tradition-nels que l'on retrouve dans la restaurationsous forme de garniture.L’ugali est une pâte faite avec de la farine demaïs blanc, souvent mélangée avec dusorgho, quelquefois du mil ; elle est cuiteà l'eau. Dans la restauration, c'est un ac-compagnement présenté sous forme deboulette, parfois de galette.Le githeri est un mélange de maïs engrains et de fèves, on peut y ajouter d’au-tres légumes.Je n'irai pas jusqu'à vous conseiller l'ali-ment de base des Massaï qui est du sangde jeune bovin mélangé à du lait de chè-vre, le sang est prélevé sur les animauxmais ils ne sont pas abattus.J'ai eu le privilège d'aller manger au Ta-marind Restaurant, considéré comme lemeilleur restaurant de Mombasa.Nous y avons dégusté des crabes que mafemme a choisis avec une sauce au gin-gembre et moi-même avec une sauce auchili… Un vrai régal !Les cartes des mets et des vins y sontcomparables à celles d'un grand restau-rant européen. On retrouve tout ce qu'ontrouverait à Paris ou à Genève avec, en plus,de l'autruche, des cailles, des langoustes,des crabes, autant de produits locaux dontla qualité et la fraîcheur sont irréprochables.Ma qualité de cuisinier m'oblige à aller encuisine saluer les chefs qui œuvrent auxfourneaux, démarche qui m'a été facilitée, lecouple gérant et propriétaire de l'établisse-ment étant deux anciens élèves de GIHE desannées quatre-vingt-dix, Nadège et Jona-than Seex, dont le papa a démarré unechaîne de restaurants au début des annéessoixante-dix et qui ne cesse de s'agrandir.Avant d'aller au Kenya, "pollué" par la télé-vision, safari voulait dire, pour moi, forêtdense et surtout savane sèche, aride, sousun soleil de plomb.Nous sommes partis trois jours dans leTsavo. Nous avons "erré" dans les deuxparcs nationaux Tsavo Est et Tsavo Ouest. En

fait, le parc est scindé en deux par la routenationale Nairobi-Mombasa. Les deux parties réunies représentent à peuprès la superficie de la Suisse avec une sa-vane, des chaînes montagneuses et des col-lines, des forêts d’acacias.Le soleil est de plomb, certes, mais pour lereste, c'est faux, la savane est verte, lespistes rouges à cause de la latérite, puis su-bitement noires à cause de la roche volca-nique. Le spectacle est féérique.Il faut que la savane regorge d'animaux sau-vages pour pouvoir en voir autant sans sor-tir des pistes.

Nous avons passé deux nuits agréables dansdes lodges très confortables.Les moments les plus propices pour voir desanimaux sont le soir jusqu'à la tombée de lanuit et le matin au lever du jour. Les animauxsont aussi imprévisibles qu'impression-nants. C'est un enchantement de voir des gi-rafes à quelques dizaines de mètres mangertranquillement, des lionnes se prélasserdans l'herbe le matin pour se sécher de larosée de la nuit. Plusieurs fois, notre mini-bus a dû s'arrêter pour laisser des zèbres,des éléphants, des phacochères et biend'autres animaux traverser la piste.Aux abords des points d'eau, le spectacleétait garanti, mon appareil photo pourraitvous en dire beaucoup plus.Si vous vous posez quelque question que cesoit pour faire un safari, n'hésitez pas, c'estfantastique et surtout inoubliable. �

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Jean-JacquesPoutrieux

[email protected]

À déguster desyeux et de labouche, ce

plateau de fruitsde mer.

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