le processus de construction d'une gpec-territoriale
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ANNE 2015
THSE / UNIVERSIT DE RENNES 1 sous le sceau de lUniversit Europenne de Bretagne
pour le grade de
DOCTEUR DE LUNIVERSIT DE RENNES 1
Mention : Sciences de Gestion
Ecole doctorale
Sciences de lHomme, des Organisations et de la Socit
prsente par
Benjamin Houessou
prpare au CRAPE (UMR 6051) Centre de recherches sur laction politique en Europe
CNRS / Universit de Rennes 1 / IEP de Rennes / EHESP Rennes
Le processus de construction dune GPEC-Territoriale : rflexion partir de dispositifs de GPEC-Territoriale pilote par la Chambre de Mtiers et de lArtisanat de Loir-et-Cher
Thse soutenue Rennes, le 09 juillet 2015
devant le jury compos de :
Mathieu DETCHESSAHAR Professeur, Universit de Nantes / rapporteur
Arnaud STIMEC Professeur, Universit de Reims / rapporteur
Dominique MARTIN Professeur, Universit de Rennes1 / examinateur
Gwnalle POILPOT-ROCABOY Professeure, Universit de Bretagne Sud / examinatrice
Odile UZAN
Matre de confrences / HDR, Universit Paris 5 Descartes / examinatrice
Lionel HONORE Professeur, Universit de la Polynsie Franaise / directeur de thse
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Au souvenir de mon pre et de mon frre
mes frres et surs
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REMERCIEMENTS
Jadresse mes sincres remerciements au professeur Lionel HONORE qui a su diriger cette
thse malgr ses multiples occupations et surtout malgr son dpart de Rennes pour la
Polynsie Franaise. La distance et le dcalage horaire nont pu empcher cet
accompagnement. Aussi, les nouvelles technologies de communication ont largement
contribu faciliter ce suivi.
Je tiens remercier les professeurs Mathieu DETCHESSAHAR et Arnaud STIMEC qui ont
accept dtre les rapporteurs de cette thse.
Mes remerciements sadressent galement aux professeurs Dominique MARTIN, Gwnalle
POILPOT-ROCABOY et Odile UZAN qui ont accept dvaluer ce travail en tant
quexaminateurs de cette thse.
Au professeure Dominique PEYRAT-GUILLARD, je voudrais formuler toute ma
reconnaissance et mes remerciements sincres et respectueux. Elle a su tre prsente mes
cts par ses conseils et par ses relectures constructifs depuis mon master 2.
Cette recherche naurait pu tre ralise sans la contribution de la Chambre de Mtiers et de
lArtisanat de Loir-et-Cher. Je remercie alors cette institution consulaire et ses nombreux
professionnels. Je peux citer, ici, les membres des diffrents services : prsidence, secrtariat
gnral, communication, informatique, comptabilit et gestion, formalits et conseils,
conomie et mtiers, dveloppement des entreprises, formation et comptences.
Mes remerciements sadressent lANRT et tous les acteurs partenaires (entreprises et
institutionnels) qui ont soit financ, soit permis la construction fructueuse des actions.
Un sincre merci ma famille, mes frres et surs, tout particulirement Hortense. Jai
bnfici de leurs conseils et encouragements de tout genre.
mes relecteurs et relectrices ; mes amies et connaissances et au personnel de la CCI 41,
jadresse ma reconnaissance.
Un sincre merci mes collgues doctorants et aux membres de lcole doctorale et du
CRAPE. Je porte une mention particulire lendroit des directeurs, des ingnieurs dtudes
et des secrtaires de ces institutions. vous tous, Monsieur Claude MARTIN et Madame
Marylne BERCEGEAY, je renouvelle mes remerciements.
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LISTE DES ABRVIATIONS
ADEME : Agence de lEnvironnement et de la Matrise de lnergie
ANACT : Agence Nationale pour lAmlioration des Conditions de Travail
ANT : Actor Network Theory
ARDAN : Action Rgionale pour le Dveloppement dActivits Nouvelles
ADIL : Agence Dpartementale dInformation sur le Logement
BEP : Brevet dtudes Professionnelles
BM : Brevet de Matrise
BP : Brevet Professionnel
CAD : Centre dAide la Dcision
CAP : Certificat dAptitude Professionnelle
CAPEB : Confdration de lArtisanat et des Petites Entreprises du Btiment
CAUE : Conseil en Architecture, Urbanisme et Environnement
CC : Communaut de communes
CCCL : Communaut de communes du Cher la Loire
CE : Comit dEntreprise
CFA : Centre de Formation des Apprentis
CIFRE : Convention Industrielle de Formation par la Recherche
CIO : Centre dInformation et dOrientation
CLE 41 : Cher la Loire Entrepreneur du Loir-et-Cher
CMA : Chambre de Mtiers et de lArtisanat
CMA 41 : Chambre de Mtiers et de lArtisanat de Loir-et-Cher
COPIL : Comit de Pilotage
COMAFOA : Comptences des Actifs par la Formation dans lArtisanat
COTECH : Comit Technique
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Le processus de construction dune GPEC-Territoriale
CRMA : Chambre Rgionale de Mtiers et de lArtisanat
CUMA : Cooprative dUtilisation de Matriel Agricole
DIRECCTE : Direction Rgionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation
du Travail et de lEmploi
DDTEFP : Direction Dpartementale du Travail, de lEmploi et de la Formation
Professionnelle
DRTEFP : Direction Rgionale du Travail, de lEmploi et de la Formation Professionnelle
DRIRE : Direction Rgionale de lIndustrie de la Recherche et de lEnvironnement
DIAG-RH : Diagnostic-Ressources Humaines
EHPAD : tablissement dHbergement pour les Personnes ges dpendantes
EI : Entreprise Individuelle
ESAT : Etablissements et Services dAide par le Travail
EURL : Entreprise Unipersonnelle Responsabilit Limite
FFB : Fdration Franaise du Btiment
FSC : Forest Stewardship Council
GPEC : Gestion Prvisionnelle des Emplois et des Comptences
GPEC-Territoriale : Gestion Prvisionnelle des Emplois et des Comptences Territoriale
GRH : Gestion des Ressources Humaines
GTEC : Gestion Territoriale des Emplois et des Comptences
INSEE : Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques
MDE : Maison de lEmploi
MEF : Maison de lEmploi et de la Formation
MFR : Maison Familiale Rurale
MOB : Maison Ossature Bois
MOSAAR : Mutualisation de lOffre de Service pour les Actifs de lArtisanat
ONF : Office National des Forts
PEFC : Pan European Forest Certification
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Liste des abrviations
PER : Ple dExcellence Rural
PIPAME : Ple Interministriel de Prospective et dAnticipation des Mutations Economiques
PME : Petite et Moyenne Entreprise
PPRDF : Plan Pluriannuel Rgional de Dveloppement Forestier
PSE : Plan de Sauvegarde de lEmploi
RA : Recherche Action
RMM : Recherche par Mthode Mixte
RSA : Revenu de Solidarit Active
SA : Socit Anonyme
SARL : Socit Responsabilit Limite
SCIC : Socit Cooprative dIntrt collectif
SCOP : Socit Cooprative et Participative
SGAR : Secrtariat Gnral pour les Affaires Rgionales
SPI : Stage de Prparation lInstallation
SPL : Systme Productif Local
TPE : Trs Petite Entreprise
VAE : Validation des Acquis de lExprience
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SOMMAIRE
INTRODUCTION GNRALE ..................................................................................................... XIII
1ERE
PARTIE : CADRE THORIQUE DE LA RECHERCHE ..................................................... 37
CHAPITRE 1 : LA PROGRESSION DE LA GPEC ANALYSE TRAVERS LA
LITTRATURE .............................................................................................................................. 41
CHAPITRE 2 : LA GPEC-TERRITORIALE COMME LA CONSTRUCTION DUN OBJET
SOCIOTECHNIQUE .................................................................................................................... 103
2EME
PARTIE : CADRE MTHODOLOGIQUE ET EMPIRIQUE DE LA RECHERCHE .... 171
CHAPITRE 3 : LE DESIGN DE LA RECHERCHE ................................................................ 175
CHAPITRE 4 : PRSENTATION DU TERRAIN DE RECHERCHE : UNE TUDE DE CAS
MULTI-SITES ............................................................................................................................... 225
3EME
PARTIE : LES RSULTATS DE LA RECHERCHE .......................................................... 277
CHAPITRE 5 : LA CONSTRUCTION DUNE GPEC-TERRITORIALE NCESSITE DE
FAIRE TRAVAILLER ENSEMBLE PLUSIEURS ACTEURS .............................................. 281
CHAPITRE 6: LA CONSTRUCTION DUNE GPEC TERRITORIALE NCESSITE LE
PARTAGE DUN DIAGNOSTIC PRALABLE ...................................................................... 307
CHAPITRE 7 : LA GPEC-TERRITORIALE, UN CONTENU CONTINMENT TRADUIT
ET SOUS CONSENSUS RELATIF ............................................................................................ 385
CHAPITRE 8 : LA GPEC-TERRITORIALE, UNE MOBILISATION DIFFICILE MAIS
NCESSAIRE ............................................................................................................................... 447
CHAPITRE 9 : ESSAI DE MODLISATION DE LA GPEC-TERRITORIALE EN PHASES
......................................................................................................................................................... 467
4EME
PARTIE : LES APPORTS ET RECOMMANDATIONS DE LA THSE ......................... 489
CHAPITRE 10. LMENTS POUR UNE THORIE DE LA CONSTRUCTION DUNE
GPEC-TERRITORIALE ............................................................................................................. 493
CHAPITRE 11 : APPORTS EMPIRIQUES ET MANAGERIAUX DE LA THSE ............ 525
CONCLUSION GNRALE........................................................................................................... 559
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................ 573
Annexes .......................................................................................................................................... 599
Liste des figures ............................................................................................................................. 663
Table des matires ............................................................................................................................. 667
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INTRODUCTION GNRALE
On ne peut comprendre un processus en l'interrompant. La
comprhension doit rejoindre le cheminement du processus et
cheminer avec lui. (Frank Herbert, Dune, 1965)
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Introduction gnrale
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INTRODUCTION GNRALE
Un pessimiste voit la difficult dans chaque opportunit, un optimiste voit
l'opportunit dans chaque difficult .
Cest par cette citation de Winston Churchill1 que nous choisissons dintroduire la
prsentation de ce travail de recherche. En effet, optimisme et opportunit nous semblent
essentiels pour entamer le chemin dune recherche qui a pour objet une dmarche qui se veut
collaborative en runissant plusieurs acteurs dhorizons diffrents.
Dans cette introduction, nous prsentons dans un premier point, un prambule qui justifie
notre appropriation de la citation de Winston Churchill en dcrivant lhistorique de notre
cheminement de chercheur au sein de la Chambre de Mtiers et de lArtisanat de Loir-et-Cher
(I). Ensuite, nous prsentons, dans un deuxime point, lobjet et le champ de notre tude (II).
Enfin, dans un troisime point, nous prcisons notre objet et question de recherche (III). Ces
diffrentes analyses se feront sur la base dune tude portant sur deux cas : la Communaut de
communes du Cher la Loire et la filire Bois.
I. Prambule
I. 1. Optimisme et opportunit du chercheur
Optimisme et opportunit sappliquent dabord nous-mme, car en entrant en tant que
salari la Chambre de Mtiers et de lArtisanat de Loir-et-Cher nous ntions recrut ni
comme chercheur ni comme agent devant raliser un travail doctoral.
I.1.1. Les motivations de ce travail doctoral
Nous avons toujours eu pour intention et ferme volont de prparer et de soutenir une thse de
doctorat. Plus quun diplme, le doctorat constitue pour nous un dfi, une fiert et un
parachvement dun parcours de formation ; le doctorat tant le plus haut niveau acadmique
1 Penses (1874-1965)
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Le processus de construction dune GPEC-Territoriale
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actuel dans le classement LMD2. Obtenir un doctorat est pour nous symbole dune russite
intellectuelle ; nous qui de tout temps, esprons et ambitionnons de nous lever le plus haut
possible, de caresser la perfection, mme si latteindre ici-bas est impossible. Ainsi, raliser
ce travail doctoral nous panouit double titre.
Dabord, il nous permet daccomplir et de contribuer, notre manire, la ralisation de la
construction dun monde qui se veut meilleur sur le plan socio-conomique.
Ensuite, il nous permet daccomplir notre ambition personnelle datteindre le plus haut degr
possible, en tout cas, dans le classement acadmique actuel. Toutefois et avec grande
modestie, nous reconnaissons que la fin est le dbut dun long itinraire ; le point de dpart
dune nouvelle aventure. De fait, le doctorat devient pour nous, une source dapprentissage de
soi, dapprentissage des autres et dapprentissage du monde qui nous entoure et dans lequel
nous vivons. Cest une reconnaissance affirme et humble de notre limite pour comprendre et
connatre ltendue et la densit de ce qui reste lesprit humain de connatre.
En reconnaissant ces limites, notre contribution travers ce long travail doctoral se veut
pratique, utile pour les entreprises, utile pour les acteurs du territoire, utile pour le monde
acadmique et pour le monde scientifique en gnral. Occasion et opportunit nous sont
donnes de raliser ce travail travers un contrat de recherche tripartite (CIFRE3) :
luniversit de Rennes 1 au sein du laboratoire CRAPE4, la Chambre de Mtiers et de
lArtisanat de Loir-et-Cher et nous-mme avec la participation financire de lANRT5. Ce
type de contrat permet la fois la ralisation dun travail doctoral au sein dun laboratoire de
recherche et limmersion dans une entreprise ou une organisation en tant que salari.
I.1.2. Gense de notre contrat de recherche
Avoir lambition de raliser une thse est une chose, mais pouvoir raliser cette ambition en
est une autre. Il y a ceux qui veulent faire une thse et ne peuvent pas la faire pour des raisons
personnelles, familiales, cognitives ou de lassitude, car le chemin dune telle recherche est
long et complexe. Dautres narrivent pas raliser cette ambition pour des raisons purement
matrielles et surtout financires (le financement de la thse faisant dfaut). Enfin, il y a ceux
qui y parviennent malgr, les difficults. Car, ces derniers ont pu avoir le financement
2 Licence, Master, Doctorat
3 Convention Industrielle de Formation par la Recherche
4 Centre de Recherches sur lAction Politique en Europe Institut dEtudes Politiques de Rennes
5 Association Nationale Recherche Technologie
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Introduction gnrale
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ncessaire, dune part et dautre part, ils ont pu mettre en place le cadre personnel, social et
familial idal pour parvenir cette fin. Dans notre cas et nous lavons voqu supra, le
financement sest fait par le biais dun contrat de type CIFRE.
Dans les faits, nous sommes entr la Chambre de Mtiers et de lArtisanat de Loir-et-Cher
en tant que salari charg dtudes. Rien ne prsageait la signature dun contrat doctoral ds
nos premiers moments dans cette institution consulaire. Nous fmes intgr, notre arrive,
au service dveloppement conomique des entreprises (lun des services rgaliens des
CMA). Les missions qui nous incombaient taient celles dtudes sur la ralisation dun
programme Alimentaire, suivi dun programme sur la filire Bois. Dans ce cadre des actions
destination des artisans et des institutionnels devaient tre ralises sur la base dtudes
pralables. Nous avons mobilis pour ces tudes les mthodes classiques de recherche :
dmarches qualitative et quantitative. Notre diplme de Master 2 Recherche : Mtiers du
Conseil et de la Recherche a constitu lun des atouts indniables dans la conduite de ces
missions. Nous produisions des rapports dtudes sur ces programmes : Alimentaire et du
Bois qui furent prsents aux lus de la CMA 41 et constiturent la base des actions et
orientations desdits programmes. La directrice du service auquel nous appartenions ainsi que
les lus de la CMA 41 furent satisfaits du travail accompli et des rapports dtudes produits.
Six mois (le temps pass dans ce service), cest assez pour montrer ce dont on est capable
dans un service et dans le cadre dun programme. Six mois, cest aussi suffisant pour
comprendre que les programmes dpendent de plusieurs financements. Beaucoup de
programmes ou projets ont d tre arrts et quelquefois les postes des salaris suivaient le
mme sort. Le financement de notre poste na pas t renouvel et notre contrat de travail ne
pouvait donc pas tre reconduit. Nos missions sont donc arrives leur terme au sein de ces
programmes et notre dpart de la CMA 41 devint imminent. Toutefois et par le coup du sort et
par un concours de circonstances, la direction nous a propos une autre mission dtudes pour
mettre en place des actions de GPEC-Territoriale6 (cest une opportunit saisir). En ralit,
nos comptences en tant que charg dtudes ont t juges utiles dans le cadre de ce nouveau
projet. Nous avons intgr, cette occasion, un nouveau service, celui des formations et des
comptences . En acceptant cette nouvelle mission, nous avons propos la CMA 41 de
raliser une thse dont le terrain de recherche pourrait constituer les cas de GPEC-Territoriale
pilote par la Chambre de Mtiers et de lArtisanat. Afin de permettre cette recherche
doctorale et connaissant la situation financire de la Chambre de Mtiers et de lArtisanat de
6 GPEC-Territoriale : Gestion Prvisionnelle des Emplois et des Comptences - Territoriale
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Le processus de construction dune GPEC-Territoriale
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Loir-et-Cher, nous avons propos de monter un dossier CIFRE. Ds lors, la CMA 41 a t
ouverte ce regard extrieur de chercheur, aux mthodologies et aux revues : conceptuelle et
de littrature pouvant permettre dasseoir et de bien conduire la dmarche de
GPEC-Territoriale. Ce projet de recherche a t accept par la direction de la Chambre de
Mtiers et de lArtisanat et autorisation nous a t donne de proposer une problmatique et
une question de recherche. Nous nous sommes alors plong dans la revue de littrature pour
mieux apprhender la problmatique et nous avons tabli des orientations de recherche avec
une planification prvisionnelle. Nous avons constitu le dossier de la CIFRE (question de
recherche, mthodologie, revue de littrature, directeur de thse, inscription doctorale,
laboratoire de recherche, etc.) et il a t soumis la slection de lANRT. Les rsultats de
lacceptation du dossier nous ont permis de raliser ce travail de thse.
I.2. Optimisme et opportunit pour les acteurs impliqus dans la
dmarche de GPEC-Territoriale
Optimisme et opportunit sappliquent aussi aux acteurs qui sont lorigine de la
GPEC-Territoriale ou qui sont sollicits pour faire partie de cette dmarche collaborative.
Dabord lacteur pilote doit pouvoir lire les signes des temps, les signaux faibles, en tant
vigilant aux facteurs de lenvironnement socio-conomique, et saisir le kairos ou le moment
favorable pour agir. Certes, le regard projet en avant partir dlments prsents qui servent
de prmisses du futur, les incertitudes conjoncturelles et la ncessit de travailler avec
dautres acteurs dhorizons et dintrts quelquefois divergents peuvent freiner llan et
empcher le pessimiste dagir. Au contraire, lacteur pilote et les acteurs institutionnels
peuvent se saisir des difficults pour les transformer en force daction. Cest cet optimisme
que nous avons identifi dans linstitution de la Chambre de Mtiers et de lArtisanat de
Loir-et-Cher lorsquen tant quacteur institutionnel, elle a dcid de mettre en place une
dmarche de GPEC-Territoriale sur divers territoires et filires. Le chantier est pourtant
nouveau pour cette institution et des projets similaires conduits par des cabinets privs sur des
territoires du Loir-et-Cher nont pas obtenu tous les rsultats escompts. Comment dans une
telle situation de quasi-chec de projets semblables sur des territoires, la Chambre de Mtiers
et de lArtisanat peut-elle dfendre auprs des financeurs, pour la plupart publics, lide dune
GPEC-Territoriale sans se voir rtorquer ou sans essuyer des rticences de la part de ces
financeurs et partenaires ? Lextrait suivant issu dune de nos notes de terrain illustre un
pisode o la ncessit de financer un tel projet est pose :
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Introduction gnrale
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Ce matin, nous assistons un atelier de travail dont lobjet est de prsenter le projet
de GPEC-Territoriale pilote par la CMA 41 au financeur principal dudit projet.
Autour de la table, il y a la directrice des services oprationnels de la CMA 41, deux
reprsentants de linstitution de financement (la directrice et son adjointe), un charg
de dveloppement territorial de la CMA 41 et nous-mme. Aprs la prsentation du
projet de GPEC-Territoriale, de la mthodologie que nous pensons adopter et du
budget prvisionnel estim pour le bon droulement du projet, la directrice de
linstitution de financement sest montre rserve et perplexe : Nous avons dj
financ des projets similaires sur le territoire X qui nont rien donn. Nous ne sommes
pas prts dpenser encore largent public pour financer de tels projets qui de toute
faon napportent rien au territoire, ne marchent pas et sont compliqus mettre en
place en raison de la multitude dacteurs . ces mots nous rpondons que la
difficult de mise en place du projet ne devrait pas tre une raison suffisante pour
renoncer conduire un tel projet et que lchec ou le succs mitig du projet, conduit
par le cabinet sur le territoire X ne signifie pas lchec du projet conduit par la CMA
41. Nous pensons que nous russirons et que le projet a un sens pour le territoire et
les entreprises. Ces propos que nous tenions sont appuys et renchris par la
directrice de la CMA 41. La runion sest acheve dans une atmosphre tendue
Le financement, puisquil faut le reconnaitre, est indispensable pour conduire de tels
projets. Cet aspect financier sera abord plus en dtail dans la suite de ce travail.
lissue de cette runion, nous avons mesur, ds lors, la complexit du chantier et le chemin
parcourir pour convaincre les financeurs, dune part et pour ne pas dcevoir les acteurs,
dautre part. En effet en dfendant son projet, la CMA 41 affirme son optimisme, mais prend
galement le risque de dcevoir, de perdre sa crdibilit et de ne plus pouvoir solliciter
dautres financements auprs du financeur au cas o les projets choueraient.
Ensuite pour les autres acteurs non-pilotes du projet, mais qui en sont des partenaires,
optimisme et opportunit doivent aussi prvaloir. Car quoique partenaire, lacteur doit
manifester son optimisme et faire siens les objectifs du projet. Cette volution de conviction
et loptimisme contagieux de lacteur pilote vis--vis de chaque acteur partenaire rallier le
projet ne sont pas donns davance. Lacteur pilote devra expliquer et convaincre chaque
acteur individuellement. Une ouverture desprit de ces acteurs partenaires est un lment
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Le processus de construction dune GPEC-Territoriale
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facilitateur de la rception de loptimisme de lacteur pilote. Face aux explications de lacteur
pilote, tous les acteurs partenaires nont donc pas le mme enclin au projet.
Les extraits suivants de nos notes de terrain illustrent ces propos :
Ce matin, la directrice de la Maison De lEmploi (MDE) de Blois est venue la
CMA 41 pour discuter du projet de GPEC-Territoriale dans la filire Bois. travers
les changes entre la directrice et la CMA 41, nous constatons que le projet de
GPEC-Territoriale correspond aux attentes de la MDE et est proche de ce quelle
envisage comme utile la filire. Dailleurs la MDE avait dj mis en place et conduit
un projet de formation pour des mtiers de dcouverte et de construction de maison
ossature Bois. Il y a donc une proximit vidente entre le projet de la CMA 41 et celui
de la MDE. Sur cette base, opportunit et optimisme de la CMA 41 nont eu aucune
difficult tre adopts par la MDE qui dailleurs est devenue un partenaire cl de la
dmarche.
Au contraire, cet aprs-midi, la CMA 41 explique le projet de GPEC-Territoriale au
Conseil Gnral. Les acteurs prsents la runion nont pas rflchi la
problmatique de GPEC-Territoriale avant cette runion. Ils ntaient pas tous
totalement rceptifs aux arguments de la CMA 41 car le succs du projet ne leur
paraissait pas vident. Un travail dexplication et de persuasion simpose.
Enfin pour les entreprises qui devront participer ces projets collaboratifs, leur mobilisation
semble souvent difficile (Houessou, 2013). Cependant malgr cette difficult, leur
mobilisation est essentielle. Ces actions se veulent co-construites et ambitionnent de rpondre,
le plus possible, aux besoins et suggestions des entreprises. Lobjectif de ces dmarches de
GPEC-Territoriale est de faire travailler ensemble entreprises et institutionnels afin que les
actions mettre en place ne soient ni descendantes ni dconnectes des ralits quotidiennes
vcues par les entreprises. La force de ces dmarches est dassocier les entreprises pour que
ce qui est mis en place corresponde aux besoins des entreprises et des territoires. Le concours
et la participation des entreprises sont donc prcieux. Cest pourquoi nous avons sollicit les
dirigeants dentreprise pour faire avec eux ce qui souvent se fait sans eux. Ils ont particip aux
actions travers des enqutes et des ateliers en tant quentreprises leaders et porte-parole des
entreprises de leur branche dactivit.
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Introduction gnrale
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Le pilote des dmarches de GPEC-Territoriale devra tre vigilant quant la capacit cognitive
des chefs dentreprise. cet effet, la proximit entre les connaissances des acteurs
institutionnels et celles des chefs dentreprise doit tre recherche. Dans le management de
ces actions territoriales collaboratives, les analyses sur la distance cognitive entre les acteurs
impliqus (Zardet et Pierre, 2007) doivent tre prises en compte. Les travaux de Montello
(1991) qui proposent des mthodes de construction et de mesure des distances cognitives
peuvent aussi clairer les acteurs du territoire.
Lappropriation de la citation de Winston Churchill nous a permis de poser deux approches.
Dune part, un travail de recherche, en gnral et de thse en particulier, se droule dans un
cadre difficile et long qui ncessite optimisme et recherche de moyens efficaces pour conduire
son terme la recherche. Dautre part, dans une action collaborative et co-construite telle
quune GPEC-Territoriale, les acteurs : entreprises et institutionnels, notamment, devront se
saisir des difficults socio-conomiques et puiser dans ces situations lnergie ncessaire pour
mener des actions correctives et insuffler une dynamique qui prennent en compte les besoins
des entreprises, des salaris et des territoires. Sur la base de ces approches, nous orientons la
rflexion vers la construction dactions dans le cadre dune gestion des ressources humaines
dont le champ dpasse lchelle dune organisation. Ces dmarches sont difficiles mettre en
uvre, mais elles semblent ncessaires pour la conduite dune stratgie globale lie la
gestion de la main-duvre et aux questions conomiques. Lobjet et le champ de notre tude
permettent daller plus avant dans lanalyse de la construction de ces actions.
II. Objet et champ de notre tude
Sans puiser le concept de GPEC-Territoriale sur lequel nous reviendrons plus loin dans la
rdaction de cette thse afin de lapprofondir et de le dvelopper plus en dtail, nous en
proposons, ici, une dfinition. En effet, la GPEC-Territoriale consiste faire natre une
coopration locale entre plusieurs acteurs pour traiter et grer une chelle qui dpasse celle
dune organisation, les questions lies lemploi et aux comptences. Ces actions mises en
place travers une GPEC-Territoriale essaient de rpondre aux attentes des acteurs impliqus
dans la dmarche.
Lobjet de notre travail et de notre rflexion est dessayer, partir dune longue immersion au
cur du systme de production des actions, dexplorer, de conceptualiser et de modliser les
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Le processus de construction dune GPEC-Territoriale
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mcanismes de construction dune GPEC-Territoriale dploye sur un territoire et dans une
filire. En dautres termes, nous essayons dune part, dobserver, danalyser, de problmatiser
et de conceptualiser la ncessit pour les entreprises de travailler ensemble dans les
dmarches de GPEC-Territoriale ; dautre part, nous essayons dobserver, danalyser, de
problmatiser et de conceptualiser la ncessit dun travail collaboratif entre institutionnels et
entreprises sur de telles dmarches. Une fois cette ncessit prouve, nous dveloppons
quelques conditions qui permettent la construction dune GPEC-Territoriale.
Notre rflexion consiste montrer que pour des raisons dacquisition et de transfert de
comptences, de carrire nomade, de besoins en formation, les actions menes de manire
informelle par les entreprises et les institutionnels peuvent tre coordonnes et formalises
travers une GPEC-Territoriale capable dinsuffler un dynamisme socio-conomique dans les
territoires, les filires et les entreprises. Ds lors, la GPEC-Territoriale peut tre perue
comme une solution de stabilisation socio-conomique. Ses actions permettent ainsi
datteindre plusieurs objectifs :
- adapter et anticiper les besoins en main-duvre en termes de comptences, de formations et
demplois,
- favoriser le dynamisme socio-conomique des territoires et des filires,
- favoriser le dynamisme socio-conomique des entreprises,
- favoriser le travail collaboratif entre plusieurs acteurs,
- favoriser lemployabilit des salaris.
la rencontre de questionnements aussi bien thoriques que pratiques et de problmatiques
fortes, la question de recherche qui sert de fil conducteur lensemble de notre thse est la
suivante :
Quel est le processus de construction dune GPEC-Territoriale impliquant des acteurs
institutionnels et des entreprises dun territoire ou dune filire ?
En nous fondant sur une approche qui emprunte aux champs de la thorie des organisations,
des territoires et de la sociologie des acteurs, nous problmatisons le processus de
construction de cette GPEC-Territoriale en termes de mobilisation dacteurs, dinteractions
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Introduction gnrale
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entre acteurs et de gestion dun travail en rseau ncessitant traduction. cette fin nous
nous appuyons notamment sur les courants interactionnistes et sur la sociologie de la
traduction pour caractriser le travail collaboratif entre les entreprises, entre les
institutionnels, et entre les entreprises et les institutionnels dans ces diffrentes situations de
gestion.
Nous appuyons notre rflexion sur les rsultats des dmarches de GPEC-Territoriale pilote
par la Chambre de Mtiers et de lArtisanat de Loir-et-Cher. Nous montrons que la spcificit
de la dmarche, la particularit de lacteur pilote et de sa capacit mobiliser et interagir
avec les autres acteurs du territoire et de la filire dterminent la ralisation et la bonne
marche des actions. La thorie de la traduction propose par Michel CALLON, Bruno
LATOUR et Madeleine AKRICH et la thorie de linteraction propose par Erving
GOFFMAN et Herbert BLUMER nous servent de fondement thorique pour analyser ces
diffrentes situations. Ces thories sont compltes par deux autres : la thorie du choix
rationnel et le paradoxe dOlson sur la mobilisation collective.
Nous dfendons lide et la thse selon laquelle :
La construction dune GPEC-Territoriale est le rsultat dinteractions plus ou moins
stabilises entre les acteurs impliqus dans la dmarche ET des conditions plus ou moins
fortes de leur mobilisation. Cette construction dpend donc de linteraction et de la
mobilisation des acteurs. Elle se droule en plusieurs phases parmi lesquelles celle de
ltablissement dun diagnostic partag est essentielle. En outre, une modlisation du
processus de cette construction est possible. Toutefois, la construction et la conduite de la
dmarche dpendent fondamentalement de la capacit de gestion de lacteur pilote. Des
lments intrinsquement lis sa personne doivent tre pris en compte. Dans ce sens, la
modlisation du processus de construction dune GPEC-Territoriale peut sapparenter la
cration dune recette .
La notion de recette pour expliquer la construction des dispositifs de GPEC-Territoriale
permet de bien comprendre quil faut des ingrdients divers avec un respect de leur dosage.
La combinaison dingrdients et de leur dosage permet la russite ou lchec de lobjet dont la
recette est cre7. La recette est une faon de faire avec des moyens mis disposition. Elle est
ncessaire, mais elle nest pas suffisante, car il arrive que respectant la mme recette on
7 On peut consulter ce sujet les recettes de cuisine, de peinture, de maonnerie, etc.
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Le processus de construction dune GPEC-Territoriale
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nobtienne pas exactement le mme rsultat. Il y a donc un ingrdient au-del de ceux
prsents dans la recette. Cest ce que nous appelons ici la main du matre, la touche
personnelle. Cet ingrdient transcendant, propre chacun et chaque situation est la
connaissance tacite, inhrente la personne qui ralise lobjet de la recette. Il nest pas
toujours reproductible et est, de fait, un ingrdient sui generis qui exprime la finitude et
lhumanit de celui qui ralise lobjet de la recette. Cest ce qui fait la diffrence entre une
ralisation humaine et une ralisation dune machine. cet effet, une production artisanale,
faite la main, est unique la diffrence des productions industrielles qui sont quasi
interchangeables, car se ressemblant (sauf erreur de programmation) comme deux gouttes
deau. Et l encore, sil y a erreur de programmation, celle-ci serait venue dune cause
extrieure (humaine).
Sinspirer de la notion de recette dans la rflexion sur la construction de dispositifs de
GPEC-Territoriale permet de comprendre que lon peut avoir de grandes lignes, de grandes
tapes, des lments indispensables du processus qui peuvent tre essaims et transfrs dun
territoire un autre, mais il existe, au-del de ces lments, un lment intrinsque chaque
cas et chaque pilote quil faut prendre en compte. Cest ce qui constitue le gnome (la
particularit propre de lespce) de chaque GPEC-Territoriale. De fait, chaque cas de
GPEC-Territoriale est unique en tant quil est singulier et possde sa particularit propre.
Prendre conscience de telles considrations permet de ne pas vouloir dupliquer, en ltat, des
dispositifs dun territoire un autre. De plus ces considrations permettent de relativiser le
pilotage. En effet, une vigilance est indispensable de la part dun acteur pilote qui aurait dj
accompagn des dispositifs de GPEC-Territoriale sur un territoire et qui devrait en
accompagner dautres sur un autre territoire ou filire. Chaque cas tant sui generis,
apprhender les autres acteurs, souvrir aux nouvelles donnes et rechercher lingrdient qui
nest pas dans la recette constituent des comptences renouveler. Il apparait que le pilote est
un acteur en constante crativit et en apprentissage permanent dans le projet de construction.
Il capitalise au fur et mesure ce quil apprend de ces diffrentes situations de gestion. Les
autres acteurs sont tout autant dans ces phases dapprentissage et de capitalisation mais ils le
sont dans une mesure moindre que celle du pilote surtout si celui-ci est dans une dmarche de
construction de plusieurs dispositifs sur des territoires diffrents.
Dans ce deuxime point de notre introduction nous avons expos que la GPEC-Territoriale se
droule dans un cadre de coopration entre plusieurs acteurs qui se saisissent des
-
Introduction gnrale
~ 27 ~
problmatiques lies la gestion des emplois et des comptences qui dpassent lchelle
dune organisation. Aussi la GPEC-Territoriale est perue comme une solution globale de
stabilisation socio-conomique dans les territoires et les filires. De ce fait, il est donc
judicieux de sinterroger sur le processus de construction dune GPEC-Territoriale. Pour
analyser cette problmatique et essayer dy rpondre, les courants : interactionniste, de
traduction, de mobilisation des acteurs et de choix rationnel nous ont sembl des thories sur
lesquelles nous pourrons nous appuyer. Ces thories nous ont permis davoir une analyse
approfondie des donnes et de focaliser lattention sur la mobilisation des acteurs,
linteraction entre les acteurs et la gestion dun travail en rseau ncessitant traduction.
partir des dveloppements dans ce deuxime point, notre dmarche gnrale dans cette
thse va consister nous centrer sur les questions qui dcoulent de la problmatique gnrale
de la construction dune GPEC-Territoriale sous lclairage des thories mobilises.
III. Dmarche gnrale et plan de la thse
III.1. Dmarche gnrale de la thse
Nous sommes dans une dmarche exploratoire et constructive du processus dune
GPEC-Territoriale. Nous cherchons analyser les mcanismes socio-conomiques qui
peuvent tre pris en compte dans la construction dune GPEC-Territoriale et proposer une
modlisation qui permette dapprhender, de problmatiser et de comprendre la construction
dune GPEC-Territoriale en tant quune situation de gestion. Notre travail se veut une
contribution pour clairer les acteurs institutionnels qui souhaitent entamer ou participer une
construction de GPEC-Territoriale ; clairer et accompagner les entreprises dans leur
mobilisation dans la construction dune GPEC-Territoriale et proposer la communaut
scientifique de chercheurs une grille de lecture pour conduire et analyser une situation de
gestion particulire telle que la GPEC-Territoriale. De fait, acteurs institutionnels, entreprises
et communaut scientifique des chercheurs constituent les clients de notre thse.
Cette dmarche qui nous a amen poser la question de recherche supra conduit la prise en
compte de plusieurs lments :
- Nous nous intressons la construction de la GPEC-Territoriale en tant que situation de
gestion. Selon Girin (1990, p. 142), une situation de gestion se prsente lorsque des
-
Le processus de construction dune GPEC-Territoriale
~ 28 ~
participants sont runis et doivent accomplir, dans un temps dtermin, une action collective
conduisant un rsultat soumis un jugement externe . Cette approche nous permet
danalyser le positionnement des participants et des allis afin de dcrypter leur
comportement et leur intervention dans le cours de laccomplissement des actions qui relvent
de la dmarche. La situation de gestion dans le cadre de cette GPEC-Territoriale se pose
deux niveaux. Dune part, elle se dveloppe dans une dimension intra-organisationnelle et
dautre part, elle se dploie dans une dimension inter-organisationnelle. La dualit de ces
situations de gestion implique de les considrer suivant deux mthodes proches, mais
diffrentes.
- Partant de la GPEC-Territoriale comme situation de gestion, il sagit pour nous de
formaliser et de modliser des outils qui permettent de piloter ces situations de gestion aussi
bien pour les acteurs institutionnels que pour les entreprises. Les questions, relatives au travail
des entreprises entre elles, la collaboration des institutionnels entre eux, ainsi que celle entre
les institutionnels et les entreprises sont poses.
Dans ce cadre, sintresser la question de la construction dune GPEC-Territoriale
impliquant des acteurs institutionnels et des entreprises dun territoire ou dune filire en
soccupant du processus qui la sous-tend pose dautres questions relatives : la possibilit
pour diffrents acteurs (entreprises et institutionnels) impliqus dans la GPEC-Territoriale de
travailler ensemble ; la possibilit de construire, en plusieurs tapes, la GPEC-Territoriale ;
les modalits de construction du contenu de la GPEC-Territoriale et le procd par lequel les
acteurs ayant contribu cette construction se mettent daccord sur ce contenu ; le procd
qui permet dtablir un diagnostic partag dans la construction dune GPEC-Territoriale ; les
moyens mettre en uvre pour mobiliser les acteurs dans la construction dune
GPEC-Territoriale. Nous abordons ces diffrentes questions sans privilgier un ordre
particulier dans les traitements qui leur sont consacrs.
a. Comment les diffrents acteurs (entreprises et institutionnels) impliqus dans la
GPEC-Territoriale peuvent-ils travailler ensemble ? Cest--dire comprendre et identifier
les facteurs facilitateurs et inhibiteurs du travail collaboratif entre les acteurs de la
GPEC-Territoriale. Il sagit de montrer ce quest le travail collaboratif, pralable aux actions
co-construites, en analysant leur dynamique de fonctionnement et dvolution. Cela passe par
une traduction continue des inscriptions (Callon, 2006), un partage de diagnostic et une
rduction voire une suppression de la distance cognitive et gographique entre les acteurs
-
Introduction gnrale
~ 29 ~
(Zardet et Pierre, 2007). La prise en compte du sens, des enjeux, des attentes de chaque acteur
travers des interactions multiples (Goffman, 1991 ; Mead, 1963 ; Husser, 2006 ; Blumer,
1969 ; De Queiroz et Ziotkowski, 1997) est essentielle.
b. Par quel procd se construit la GPEC-Territoriale en termes de phases ? Cest--dire
quelles progressions en termes dtapes et de mobilisation de moyens se posent. Lacteur
pilote devra rflchir sur la rpartition du temps accord pour arriver au terme du projet de
manire aborder les diffrents lments constitutifs de sa progression. La synchronisation du
travail de chaque acteur, la disponibilit du terrain, lobtention des financements sont autant
dlments qui sont pris en compte. Dans une autre mesure, les acteurs, notamment lacteur
pilote de la GPEC-Territoriale, doivent tre vigilants au phasage car la rpartition en tapes de
dure trop longue peut conduire une lassitude de la part des acteurs et un essoufflement
des outils et de la dmarche tant dans les organisations (Oiry, 2009) que dans les territoires.
La dynamique temporelle et longitudinale des outils de gestion (Martin, 2003 ; Retour, 2005 ;
Gastaldi, 2006 ; Deflix et Retour, 2003) doit se poser dans une dmarche largie lchelle
du territoire.
c. Comment se construit le contenu de la GPEC-Territoriale et comment les acteurs
ayant contribu cette construction se mettent-ils daccord sur ce contenu ? Il sagit
didentifier partir de quelles donnes quantitatives et qualitatives les acteurs co-construisent
les actions qui constituent la dclinaison oprationnelle de la GPEC-Territoriale dans les
entreprises, les territoires et les filires. Ensuite, nous analysons la dmarche conceptuelle
partir de laquelle les acteurs parviennent dfinir la situation de gestion et se mettre
daccord sur son contenu. Bien entendu, la stabilisation du contenu et la dfinition de la
situation sont les fruits dinteractions continues entre les acteurs et de traductions progressives
des inscriptions.
d. Comment mobiliser les acteurs dans la construction dune GPEC-Territoriale ? Il
sagit danalyser et de comprendre la participation des acteurs la construction du dispositif.
Quelles typologies dacteurs participent le plus la construction de la GPEC-Territoriale
sachant que notre ambition est damener le pilote faire participer toutes les classes :
institutionnelles et entreprises, aux actions ? Nous analysons les facteurs ou dterminants qui
peuvent faciliter la mobilisation des acteurs, en gnral et des entreprises en particulier. cet
effet, les clairages des thories sur la mobilisation collective (Olson, 1978 ; Hirschman,
1970) et sur le processus de choix rationnel (March et Simon, 1958) nous sont utiles.
-
Le processus de construction dune GPEC-Territoriale
~ 30 ~
e. Quel procd permet dtablir un diagnostic partag dans une GPEC-Territoriale ?
Le diagnostic est un lment essentiel dans la construction de la GPEC-Territoriale. De son
tablissement dpendent les orientations et les actions qui sont retenues dans le processus de
construction. Le diagnostic est aussi un pralable pour asseoir les rflexions et rallier des
acteurs au projet. Il sagit danalyser les chemins qui conduisent ltablissement du
diagnostic, base de travail, et de rflchir la ncessit de ce partage du diagnostic entre les
acteurs. Nous posons quelques conditions et modalits de facilitation de ce diagnostic.
De manire synthtique et avant daborder le plan de la thse, nous pouvons rsumer comme
suit (figure n1) la question de recherche et les sous-questions qui en dcoulent.
---
Figure 1: Question de recherche (QR) et sous-questions de recherche (SQR) de la thse
III. 2. Plan de la thse
Pour rpondre la problmatique de notre recherche et lensemble des questions qui lui sont
relatives, nous avons analys des matriaux obtenus par triangulation. Dans le dveloppement
de ce point sur le plan de la thse, nous nenvisageons pas dexposer la mthodologie que
QR: Quel est le processus de
construction d'une GPEC-Territoriale
impliquant des acteurs institutionnels et des
entreprises ?
SQR : Par quel procd se
construit la GPEC-Territoriale en
termes de phases ?
SQR : Comment se construit le contenu
d'une GPEC-Territoriale et
comment les acteurs se mettent-ils d'accord sur
ce contenu ?
SQR : Comment mobiliser les acteurs dans la
construction d'une GPEC-Territoriale ?
SQR : Comment faire travailler ensemble les diffrents acteurs d'une
GPEC-Territoriale ?
SQR : Quel procd permet d'tablir un diagnostic partag dans une GPEC-
Territoriale ?
-
Introduction gnrale
~ 31 ~
nous avons adopte pour conduire cette recherche. La deuxime partie de la thse consacre
au cadre mthodologique et empirique permet dapprofondir les questions relatives ce sujet.
Toutefois, pour une meilleure comprhension gnrale du plan de la thse, il nous semble
judicieux de montrer le cheminement que nous avons suivi entre donnes empiriques et
donnes thoriques afin de justifier les diffrents points abords dans le plan.
Dabord, il sagit dune recherche de terrain ralise sur la base de participation et
dobservation. En effet, nous tions en immersion durant toute la dure de la thse au sein de
la Chambre de Mtiers et de lArtisanat de Loir-et-Cher en tant que charg dtudes et
participant la construction de la dmarche de GPEC-Territoriale. Nous tions aussi en
immersion dans tous les ateliers, les runions, les comits techniques, les comits de pilotage
et dans toutes les tapes et actions constitutives de la GPEC-Territoriale. Notre contrat de
travail sous CIFRE constitue un facteur facilitateur et dterminant de cette immersion.
Ensuite, nous avons analys des matriaux obtenus par entretien qualitatif auprs de
dirigeants dentreprise et dacteurs institutionnels. Les entretiens sont raliss sur la base dun
guide qui aborde des questions socio-conomiques, des questions prospectives, des questions
de formation et de comptences. Ces matriaux sont enrichis par ceux obtenus partir
dtudes quantitatives. Il sagit de questionnaires adresss aux dirigeants dentreprise et la
population des territoires.8 Cest donc une mthode de recherche mixte, qui allie des
approches quantitatives et qualitatives, que nous avons mobilise. Ces approches quantitatives
et qualitatives sont menes tantt concomitamment, tantt de manire squentielle.
Enfin, nous avons procd lanalyse de documents (comptes rendus, rapports dactivits,
rapports dtudes, etc.) tablis dans le cadre de cette recherche ou verss au dossier par des
acteurs participants la dmarche ou par des acteurs allis celle-ci.
Les matriaux mobiliss et analyss dans le cadre de cette recherche ont permis le
dploiement de la GPEC-Territoriale aussi bien dans le territoire de la Communaut de
communes du Cher la Loire que dans la filire Bois. Ce sont ces deux cas qui constituent le
socle des units danalyses de notre recherche.
8 Le guide dentretien ainsi que le questionnaire quantitatif se trouvent en annexe de ce document.
-
Le processus de construction dune GPEC-Territoriale
~ 32 ~
Le cadre thorique que nous mobilisons pour clairer et analyser le processus de construction
de cette GPEC-Territoriale est constitu essentiellement de deux thories principales et de
deux thories complmentaires.
Dune part, nous nous appuyons sur la thorie de la traduction travers les concepts de
rseau, dactant, dinscription et de traduction qui en sont des lments constitutifs. Cette
thorie nous a servi galement pour analyser, la lumire des tapes quelle propose
(problmatisation, enrlement, intressement, mobilisation), les phases du processus de
construction de la GPEC-Territoriale. La thorie de la traduction (ou thorie de
lacteur-rseau) est une thorie qui relve du courant de la sociologie. Elle est luvre de
chercheurs de lcole des mines de Paris dans les annes 1980. Bruno LATOUR, Michel
CALLON et Madeleine AKRICH9 en sont les chevilles ouvrires. Leurs recherches sur les
conditions de production de la science, sur la gestion des innovations, sur les objets
techniques, sur lunification du microsocial et du macrosocial, sur lanthropologie symtrique
constituent des travaux clefs dans la comprhension de cette thorie. La thorie de la
traduction est trs mobilise dans les sciences de gestion10
. la suite de ces travaux, notre
recherche se positionne dans le courant de la thorie de la traduction pour analyser les
matriaux collects.
Dautre part, nous mobilisons la thorie de linteraction travers des concepts, de soi,
didentit, de rle, de dfinition de situation, de ngociation et de lAutre gnralis.
Selon Dufort (1992), la thorie des interactions symboliques labore par G.H. Mead en 1934,
et E. Goffman, affirme que la participation dune personne un groupe social dpend
largement de la comprhension quelle a de lenvironnement symbolique du groupe et de son
habilet fonctionner avec ce systme de symboles.
Blumer (1969) numre, quant lui, trois principes fondamentaux de linteractionnisme :
1- les humains agissent lgard des choses en fonction du sens que les choses ont pour eux,
2- ce sens est driv ou provient des interactions de chacun avec autrui,
9 (Callon, 1986 ; Latour, 2005 ; Akrich et al., 1988 ; Akrich et al., 2006)
10 Mazzilli, 2011, Houessou, 2013, El Abboubi et Cornet, 2010, Lemaire, 2013, Brechet et Desreumaux, 2007,
etc.
-
Introduction gnrale
~ 33 ~
3- cest dans un processus dinterprtation mis en uvre par chacun dans le traitement des
objets rencontrs que ce sens est manipul et modifi.
Enfin, nous nous appuyons sur les thories de la mobilisation collective et de la dcision pour
essayer de comprendre pourquoi telles ou telles catgories dacteurs se mobilisent moins que
telles ou telles autres catgories. Les questions de priorit, de hirarchisation des actions et de
rcompense entrent-elles en considration dans la mobilisation des acteurs ? Les travaux de
March et Simon (1958), de Hirschman (1970) et dOlson (1978) constituent des approches qui
clairent notre rflexion.
Pour prsenter cette analyse du processus de construction dune GPEC-Territoriale, nous
adoptons une architecture en quatre parties.
La premire partie prsente le cadre thorique de la recherche. Cette partie est constitue de
deux chapitres.
Dans le premier chapitre, nous abordons la gense et la progression de la Gestion des
Ressources Humaines de faon historique pour comprendre les volutions de cette gestion
dhier nos jours. Cette analyse montre que la Gestion des Ressources Humaines nest pas
inne dans les organisations. Elle est le rsultat de luttes et dvolutions des schmas
organisationnels. Nous abordons aussi la GPEC intra-organisationnelle comme un volet de la
Gestion des Ressources Humaines. Cette GPEC qui est circonscrite dans les dimensions des
organisations connat une extension de son cadre pour se construire et sapprhender
lchelle des territoires et des filires. Cette extension qui peut tre justifie par plusieurs
facteurs connat nanmoins des difficults notamment en ce qui concerne sa construction et sa
gestion. Des travaux parmi lesquels notre thse se positionne essaient de contribuer ltude
de cet objet de recherche qui embrasse territoire et Gestion des Ressources Humaines.
Dans le deuxime chapitre, nous prsentons la GPEC-Territoriale comme la construction dun
objet sociotechnique. Un tel objet, pour sa construction, voit travailler ensemble plusieurs
acteurs quil faut identifier et mobiliser. cet effet, nous dveloppons et analysons les actions
qui conduisent la construction de cet objet et contribuent sa stabilisation.
La deuxime partie, constitue de deux chapitres, prsente le cadre mthodologique et
empirique de notre recherche.
-
Le processus de construction dune GPEC-Territoriale
~ 34 ~
Ainsi le troisime chapitre de la thse est consacr au design de la recherche cest--dire que
dans ce chapitre nous dveloppons notre positionnement pistmologique, la posture que nous
avons adopte et les modalits de collecte de donnes constitutives de nos matriaux.
Le quatrime chapitre est une prsentation des cas tudis dans notre recherche. Deux cas sont
donc concerns : la GPEC-Territoriale dans la Communaut de communes du Cher la Loire
et le cas de la GPEC-Territoriale dans la filire Bois en Loir-et-Cher.
La troisime partie de la thse est ddie aux rsultats. Elle contient cinq chapitres ; chacun
tant la rponse aux sous-questions de recherche que nous avons poses supra. Ainsi nous
rpondons la ncessit de faire travailler ensemble plusieurs acteurs dans la construction
dune GPEC-Territoriale (chapitre 5), la ncessit de partager un diagnostic pralable dans la
construction de la GPEC-Territoriale (chapitre 6), le contenu continment traduit et sous
consensus relatif de la GPEC-Territoriale (chapitre 7), la mobilisation difficile, mais
ncessaire des acteurs pour construire la GPEC-Territoriale (chapitre 8), lessai de
modlisation de la GPEC-Territoriale en phases (chapitre 9).
La quatrime et dernire partie de notre travail est consacre aux apports et recommandations
de la thse. Nous avons voulu mettre disposition des acteurs institutionnels dans le cadre de
leur projet de piloter (ou de participer ) une dmarche de GPEC-Territoriale des outils,
conseils et recommandations sur lesquels ils pourront sappuyer pour faciliter la ralisation de
leurs actions. Aussi nous voulons permettre aux chefs dentreprise de sappuyer sur les
actions et outils issus dune dmarche de GPEC-Territoriale pour amliorer les dispositifs de
management dans leur entreprise. Enfin, nous essayons de prsenter des apports pour la
recherche scientifique.
Deux chapitres sont constitutifs de cette quatrime partie. Dabord, les apports thoriques de
la thse sont prsents (chapitre 10), ensuite les apports empiriques et managriaux sont
illustrs travers des exemples contextualiss et une trousse de recommandations
(chapitre 11).
Nous prsentons une architecture schmatique de la thse dans la figure qui suit (figure n2)
-
Introduction gnrale
~ 35 ~
Figure 2: Architecture de la thse
La thse sachve par une conclusion qui reprend le droulement de la recherche. Cette
dernire retrace les grandes lignes de la thse en faisant apparatre les limites de la recherche
et les voies ou pistes pour de nouvelles recherches dans le but de complter les donnes de la
littrature.
Chapitre 1 : La progression de la GPEC
analyse travers la littrature
Chapitre 2 : La GPEC-Territoriale comme
la construction dun objet sociotechnique
1re
Partie :
Cadre thorique
de la recherche
Chapitre 3 : Le design de la recherche
Chapitre 4 : Prsentation du terrain de
recherche : une tude de cas multi-sites
Chapitre 10 : Elments pour une thorie
de la construction dune
GPEC-Territoriale
Chapitre 11 : Apports empiriques et
managriaux de la thse
3me
Partie :
Les rsultats de la
recherche
Chapitre 5 : La construction dune GPEC-
Territoriale ncessite de faire travailler
ensemble plusieurs acteurs
Chapitre 6 : La construction dune GPEC-
Territoriale ncessite le partage dun
diagnostic pralable
Chapitre 7 : La GPEC-Territoriale, un
contenu continment traduit et sous
consensus relatif
Chapitre 8 : La GPEC-Territoriale, une
mobilisation difficile mais ncessaire
Chapitre 9 : Essai de modlisation de la
GPEC-Territoriale en phases
4me
Partie :
Les apports et
recommandations
de la thse
2me
Partie :
Cadre
mthodologique
et empirique de
la recherche
-
~ 37 ~
1ERE
PARTIE : CADRE THORIQUE DE LA
RECHERCHE
Figure 3: Plan de la thse et 1re partie
Chapitre 1 : La progression de la GPEC
analyse travers la littrature
Chapitre 2 : La GPEC-Territoriale
comme la construction dun objet
sociotechnique
1re
Partie :
Cadre thorique
de la recherche
Chapitre 3 : Le design de la recherche
Chapitre 4 : Prsentation du terrain de
recherche : une tude de cas multi-sites
Chapitre 10 : Elments pour une thorie
de la construction dune
GPEC-Territoriale
Chapitre 11 : Apports empiriques et
managriaux de la thse
3me
Partie :
Les rsultats de la
recherche
Chapitre 5 : La construction dune
GPEC-Territoriale ncessite de faire
travailler ensemble plusieurs acteurs
Chapitre 6 : La construction dune
GPEC-Territoriale ncessite le partage
dun diagnostic pralable
Chapitre 7 : La GPEC-Territoriale, un
contenu continment traduit et sous
consensus relatif
Chapitre 8 : La GPEC-Territoriale, une
mobilisation difficile mais ncessaire
Chapitre 9 : Essai de modlisation de la
GPEC-Territoriale en phases
4me
Partie :
Les apports et
recommandations
de la thse
2me
Partie :
Cadre
mthodologique
et empirique de
la recherche
http://fr.123rf.com/photo_29902901_r-tro-main-de-pointage-en-noir-et-blanc.html
-
~ 39 ~
1ERE
PARTIE : CADRE THORIQUE DE LA
RECHERCHE
La littrature est devenue immense, le nombre des livres
innombrable, la science universelle impossible. Le bel esprit
nest plus quun cho et le sicle prsent nest plus que le disciple
du sicle pass. On sest fait un magasin dides et dexpressions
o tout le monde puise. Rien nest neuf, par consquent tout
languit et la multitude des auteurs a fait la dcadence.
(Voltaire, Les penses philosophiques, 1862)
Cette premire partie de la thse est consacre lanalyse de la revue de littrature et au cadre
thorique mobilis. Deux modalits nous guident dans son dveloppement. Dabord il est
essentiel de prciser la littrature qui sintresse la Gestion des Ressources Humaines au
sens large et son volution historique. Ensuite une deuxime modalit nous conduit
expliquer le cadre thorique dans lequel nous positionnons cette recherche et des diffrentes
thories mobilises pour lanalyse.
Deux chapitres constituent le contenu de cette partie.
Dans un premier chapitre nous tudions la progression de la GRH. Lobjectif est de remonter
la GRH pour comprendre comment elle constitue un terrain de gense de la GPEC
dentreprise dune part, et de la GPEC largie au territoire, dautre part.
Dans un deuxime chapitre nous ciblons lanalyse sur la GPEC-Territoriale en tant que
construction sociotechnique et nous faisons ressortir les thories mobilises dans la thse.
partir de lobjet de la recherche nous identifions les thories qui nous semblent les plus
appropries pour apprhender le plus possible la question de la recherche.
Ces deux chapitres, en se compltant, permettent davoir une vision globale sur notre
positionnement par rapport la littrature existante sur le sujet. Ils permettent aussi davoir un
regard sur cette littrature, de comprendre nos choix mthodologiques et les questions de
recherches poses.
-
~ 41 ~
CHAPITRE 1 : LA PROGRESSION DE LA GPEC
ANALYSE TRAVERS LA LITTRATURE
Figure 4: Plan de la thse et chapitre 1
Chapitre 1 : La progression de la
GPEC analyse travers la littrature
Chapitre 2 : La GPEC-Territoriale
comme la construction dun objet
sociotechnique
1re
Partie :
Cadre thorique
de la recherche
Chapitre 3 : Le design de la recherche
Chapitre 4 : Prsentation du terrain de
recherche : une tude de cas multi-sites
Chapitre 10 : Elments pour une thorie
de la construction dune
GPEC-Territoriale
Chapitre 11 : Apports empiriques et
managriaux de la thse
3me
Partie :
Les rsultats de la
recherche
Chapitre 5 : La construction dune
GPEC-Territoriale ncessite de faire
travailler ensemble plusieurs acteurs
Chapitre 6 : La construction dune
GPEC-Territoriale ncessite le partage
dun diagnostic pralable
Chapitre 7 : La GPEC-Territoriale, un
contenu continment traduit et sous
consensus relatif
Chapitre 8 : La GPEC-Territoriale, une
mobilisation difficile mais ncessaire
Chapitre 9 : Essai de modlisation de la
GPEC-Territoriale en phases
4me
Partie :
Les apports et
recommandations
de la thse
2me
Partie :
Cadre
mthodologique
et empirique de
la recherche
http://previews.123rf.com/images/cheekylorns/cheekylorns1403/cheekylorns140300095/26890783-r-tro-signe-de-point-de-main-vintage-diriger-gauche-Banque-d'images.jpg
-
~ 43 ~
CHAPITRE 1 : LA PROGRESSION DE LA GPEC
ANALYSE TRAVERS LA LITTRATURE
Un dtour par la Gestion Prvisionnelle des Emplois et des Comptences Territoriale
(GPEC-Territoriale dans la suite du texte) montre quavant son largissement la dimension
territoriale, la Gestion Prvisionnelle des Emplois et des Comptences (GPEC dans la suite
du texte) est organisationnelle. Dans ce cadre, elle doit tre resitue dans le contexte gnral
de la Gestion des Ressources Humaines (GRH dans la suite du texte). De fait, se proccuper
de la GPEC-Territoriale et de la GPEC ncessite donc de sinterroger sur la GRH en tant que
leur terrain de germination. Ainsi, dans ce chapitre, il nous semble ncessaire de centre notre
rflexion sur plusieurs points.
Dabord, nous analysons la GPEC comme tant un outil de la GRH. Dans ce sens nous
focalisons notre attention sur les dfis auxquels doit faire face la GPEC et la dimension
danticipation qui doit guider cette dmarche.
Ensuite, nous abordons la GPEC dans son volution contextuelle et llargissement de son
champ dapplication de lorganisation au territoire. Ds lors, nous essayerons de prciser les
approches dfinitionnelles de la GPEC-Territoriale.
Enfin, les raisons pour lesquelles une GPEC-Territoriale peut tre mise en place sur un
territoire ou dans une filire de mme que les enjeux dun tel dispositif pour les acteurs
impliqus dans la dmarche seront analyss.
Trois sections nous permettent de traiter les diffrents lments de ce chapitre.
La premire section est une analyse de la GPEC en prenant pour terrain la GRH. La deuxime
section est consacre la GPEC en tant que dispositif analys hier, aujourdhui et demain.
Enfin, la troisime section focalise lattention sur llargissement de la GPEC de la dimension
de lorganisation celle du territoire.
-
Le processus de construction dune GPEC-Territoriale
~ 44 ~
Section 1. La GPEC analyse au regard de la GRH
Si grer les ressources humaines cest reconnatre que les hommes ont des ressources et quil
faut savoir les mobiliser et les dvelopper, cette gestion des ressources humaines conduit
faire le pari et le choix dintgrer lhomme et ses ressources dans la stratgie globale de
lentreprise. Mais cette approche de la GRH intgre lentreprise ne va pas de soi. En effet,
pendant longtemps la question de la main-duvre na t traite ni de faon approprie ni de
faon satisfaisante dans lentreprise11
. Aussi la GPEC est un outil de la GRH qui est mobilis
dans les entreprises et, de nos jours, dans les territoires et dans les filires.
I. La GPEC, un outil de la GRH
En tant quoutil de GRH, la GPEC permet la mise en uvre de certaines orientations des
politiques RH dans les entreprises en cohrence avec les stratgies de celles-ci. Ainsi la GPEC
permet de faire le lien entre le management de lorganisation, les stratgies de lentreprise,
lenvironnement socio-conomique et les employs. En se positionnant comme outil de la
GRH, la GPEC pourrait tre analyse la lumire des dfis auxquels doit faire face la GRH.
Ces dfis clairent les acteurs dans la construction des outils de GPEC. Pour ces raisons une
prsentation de ces dfis semble justifie.
I. 1. La GPEC, un outil face aux dfis de la GRH
Dans une tude sur la responsabilit sociale des entreprises et le dveloppement durable,
Beaupr et al. (2008) ont identifi quatre enjeux majeurs de la GRH. Selon ces auteurs, la
GRH doit faire face des enjeux dmographiques travers la prparation et la gestion de la
relve. La GRH doit faire face galement des exigences de productivit et de qualit des
produits et services. La GRH doit se proccuper en plus du bien-tre des employs en veillant
leur sant mentale, physique et psychologique. Enfin la GRH a un rle jouer dans
lthique et la justice organisationnelle. Lobjectif est, en dfinitive, de permettre la GRH
dattirer, de retenir et de dvelopper le capital humain. En ce sens, Fitz-enz et Phillips (1998)
affirment que retenir les employs dans leur travail est probablement le plus grand dfi
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Nous avons prsent en annexe une rflexion sur ce sujet.
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La progression de la GRH analyse travers la littrature
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relever dans le secteur des ressources humaines. Dune faon plus dtaille, Peretti (2009,
p. 2-7) a propos une approche contingentielle de la GRH (figure n5). Dans cette approche, il
a fait ressortir les liaisons qui peuvent exister entre dfis, logiques et pratiques de la GRH.
travers cette approche, nous pouvons identifier huit grands dfis auxquels la GRH doit faire
face. Ces dfis sont ainsi numrs : les mutations technologiques, les mutations
conomiques, les mutations sociologiques et la diversit, la mondialisation et laccentuation
de la concurrence, les volutions dmographiques, les partenaires sociaux, le cadre lgislatif
et rglementaire et linvestissement social responsable.
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Le processus de construction dune GPEC-Territoriale
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Contexte social et syndical Mondialisation et concurrence Evolution dmographique Pressions socitales Mutations technologiques Mutations sociologiques Mutations conomiques
Mutations rglementaires Actionnariat socialement responsable
DEFIS
PRATIQUES
Recrutement intgration et non-discrimination Relations avec les parties prenantes
Gestion court terme Gestion court terme Gestion de la Investissement formation Information et Management de la sant Relations sociales
de lemploi et des temps des emplois et des comptences rmunration globale et dveloppement des comptences communication de la scurit et du bien-tre au travail
Figure 5: Modle contingentiel de la GRH, Source Peretti (2009, p. 3)
LOGIQUE DE :
Personnalisation
Adaptation
Mobilisation
Partage
Anticipation
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La progression de la GRH analyse travers la littrature
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Dans la GRH, la dimension gestionnaire oblige intgrer dans les diffrentes dmarches un
volet de projection vers le futur. En cela, il nous semble judicieux de rflchir sur la
dimension danticipation et de prvision dans la GRH et la GPEC.
I.2. La GPEC, un outil en cohrence avec lanticipation dans la GRH
La question de la prvision et de lanticipation sest pose dans la GRH partir des annes
1975. En effet de 1945 1974, priode appele les trente glorieuses , les aspects
prvisionnels de la GRH furent peu sollicits. Les entreprises, dans la plupart des pays
dvelopps, ont connu cette poque, une forte croissance conomique. De fait, les erreurs de
gestion taient moins apparentes et la GRH se contentait dun ajustement au quotidien sans
ncessit une rigueur extrme. Les priodes de crises ou la priode des trente
douloureuses ont rvl que lanticipation devrait faire partie intgrante dune politique de
GRH. Si les priodes de gloire et de croissance ont fait oublier la ncessit de lanticipation
dans la GRH, les temps douloureux et de crise ont eu le mrite de rappeler la GRH ce que
lon peut nommer son cur dtre, son tre premier : la prvision. Puisque la GRH a vocation
sinscrire dans une dmarche de dveloppement durable, elle doit avoir une vraie politique
danticipation. Cette politique danticipation prend encore tout son sens en ces temps de crise
conomique qui courent et dont nous sommes contemporains. Plus la visibilit est faible et
que lavenir sassombrit, plus la GRH se doit davoir une dmarche danticipation qui
permette le dveloppement des capacits dadaptation pour pallier les imprvisions, les
incertitudes, les variations parfois brutales des structures. Comme le prcise Peretti
(2009, p.10), le court terme qui caractrise les mesures dadaptation quotidienne ne
sinscrivant pas dans une dimension stratgique, est une source de risque. Une gestion
court terme sans anticipation multiplie les dangers moyen terme et compromet la survie de
lentreprise . En consquence, les politiques demploi, de formation, de rmunration, etc.
doivent se rflchir dans un dynamisme danticipation. Lanticipation tant une dmarche qui
semble ncessaire quand on parle de GRH, il nous parat essentiel de procder une analyse
des termes qui ont pour cible une dmarche oriente vers le futur et qui pourraient
accompagner le mot gestion .
Durant le dveloppement du premier point de cette section nous avons montr que la GPEC,
en tant quoutil de GRH, est empreinte des vestiges de celle-ci en faisant le lien entre stratgie
de lentreprise, question de management, employabilit, gestion des emplois et des
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Le processus de construction dune GPEC-Territoriale
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comptences. Ces diffrentes questions sont analyses dans une dynamique danticipation.
Ainsi, dans sa qute de grer par anticipation les emplois et les comptences, la GPEC nous a
orient, dans notre rflexion, considrer les concepts qui analysent lavenir et permettent de
mieux apprhender le futur. De fait, se proccuper des questions de GPEC conduit analyser
et dfinir les concepts dont le contenu est orient vers le futur. Pour ces raisons certains de
ces concepts mritent dtre dfinis pour mieux comprendre les actions qui sont mises en
place dans le cadre dune GPEC.
II. Des concepts orients vers le futur : Prvision,
anticipation, prospective, vision
Pour dvelopper ce point, nous choisissons de procder en deux tapes : un premier niveau de
rflexion gnrale sur le futur et un deuxime niveau danalyse qui focalise lattention sur la
prospective. Nous avons isol la prospective afin de procder une rflexion particulire sur
celle-ci car la prospective constitue un courant gestionnaire de plus en plus mobilis dans
lapproche des mtiers, des emplois et des comptences.
II.1. Des rflexions sur le futur
Dans ce dveloppement, nous proposons de faire le point sur les dfinitions des termes qui
accompagnent le mot gestion dans les diffrentes appellations lies au domaine des
ressources humaines. De faon plus large, notre dmarche consiste comprendre les
diffrents termes qui font orienter la rflexion et le regard vers lavenir. En effet, nous
pouvons, demble, affirmer que les notions prvision, anticipation, vision, prdiction,
prvention etc. sont tournes vers le futur et incitent poser des actes pour demain. Or dans le
rapport avec le futur, il y a une part dincertitude que lintelligence humaine ne peut
compltement apprhender (Ladrire et al., 2012). Ainsi face cette incertitude sur lavenir,
on peut adopter deux postures : anticipation ou prdiction (Missonnier, 2007).
II.1.1. Prdire :
Le terme vient du latin prae dicere qui signifie dire lavance ou annoncer
lavance ce qui arrivera . Mais en parlant de la notion de prdiction, plusieurs questions se
posent : sur quoi peut-on se baser pour prdire ? Est-ce par le jeu dun pouvoir divin comme
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La progression de la GRH analyse travers la littrature
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dans le cas des oracles que les affirmations sont produites ? Ou la procdure adopte est-elle
de nature purement intuitive ? Ou encore procde-t-on par conjectures ? Et en tout tat de
cause, les propos prdits seraient-ils jugs en fonction de leur conformit aux rsultats
escompts ?
II.1.2. La vision :
Ce concept exprime aussi une notion dont le contenu serait galement tourn vers lavenir.
Lemploi de ce terme remonte aux temps prophtiques et religieux. Le visionnaire aurait donc
des rvlations ou des reprsentations surnaturelles et divines qui lui apparaissent lesprit.
Le visionnaire voit dans le prsent ce qui adviendrait dans lavenir en bien ou en mal. Dans
lacception commune et hors du champ religieux, la vision dsigne la perception par
lorgane de la vue ou le mcanisme par lequel les stimuli lumineux donnent naissance des
sensations (Smida et Condor, 2001, p. 12). De nos jours, le champ de dfinition de la vision
slargit pour devenir lquivalent du mot opinion ou point de vue . En effet, donner sa
vision de quelque chose, cest en donner son point de vue ou son opinion.
II.1.3. Anticipation :
Ce mot vient du latin anticipare (soit ante et capare). Ce qui signifie, tymologiquement
prendre les devants . Dans sa vie durant, ltre humain ne peut pas ne pas anticiper. En
effet, comme le prcise Missonnier (2005, p. 55), depuis la nuit des temps, lanticipation
inscrit lhumanit dans le flux incessant dune temporalit source de crativit et de finitude.
Face son futur, lindividu, le groupe ne peuvent pas ne pas anticiper . Anticiper suppose
de senraciner dans le pass et le prsent pour essayer de dcider de lavenir. Nous pouvons
dire que ce que lon anticipe est dj, en partie, dans le prsent et ne se trouve donc
pas totalement dans le futur. En dautres termes, le futur a ses vestiges dans le prsent de
faon en conclure que lhumanit baigne sans cesse dans le paradigme du dj et pas
encore dans la mesure o elle aborde des considrations orientes vers le futur.
Lanticipation consiste adapter la vision et les projets aux disponibilits futures (Smida et
Condor, 2001). Des auteurs tels que Vaillant (1992) ont tudi lanticipation dans des
recherches psychologiques et psychopathologiques pour rflchir sur les mcanismes de
dfense. Cet auteur dfinit comme suit lanticipation : un mcanisme de dfense visant
rduire ou annuler les effets des dangers rels ou imaginaires face lincertitude et
lindtermination de lavenir en voie dlaboration (Vaillant, 1992). Quant Smida et Condor
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Le processus de construction dune GPEC-Territoriale
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(2001, p. 17), ils dfinissent lanticipation comme le mcanisme par lequel les dirigeants
collectent des informations en rapport avec leur environnement et les transforment en
reprsentation de lavenir . A priori anticipation et vision se distinguent surtout dans le
domaine de la gestion. En effet, en comparant lanticipation la vision, les auteurs Smida et
Condor (2001) affirment quelles diffrent lune de lautre pour deux raisons :
- La premire raison est que lanticipation (au contraire de la vision) est un mcanisme par
lequel lindividu labore des images mentales . cet gard, et selon cette distinction,
lanticipation est une fonction mentale essentielle (Benot, 2006, p. 149).
- La seconde raison est que les images qui proviennent de lanticipation ne sont pas
ncessairement voulues par les dirigeants qui anticipent.
Dans un contexte de GRH, et selon Thamain (2009), lanticipation peut tre soit une prvision
soit une prospection.
Lanticipation est une prvision quand il sagit dune continuit. Cette approche qui met
laccent sur la continuit rejoint celle de Missonnier (2007) puisque la continuit suppose
lenracinement et la conformit par rapport au pass et/ou au prsent.
Lanticipation est prospective quand il sagit de rupture. De fait, la continuit prne dans le
premier cas disparat.
en croire Gilbert (1994), lessence de la gestion consiste construire demain et par
consquent, prvoir. Parler donc de gestion prvisionnelle, serait, daprs cet auteur, un
plonasme. En dfinitive, construire lavenir passerait donc par une dmarche prospective ou
une dmarche prvisionnelle. Mais ces deux dmarches sont selon Hatem et al. (1993),
complmentaires car si la prvision est continuit et la prospection est rupture, ces deux
logiques de changement portent sur le mme objet commun quest le futur (Thamain, 2009).
En complment de Thamain (2009), les analyses de Smida et Condor (2001) sur lanticipation
font apparatre deux autres considrations : Prdiction et description. En effet, selon ces
auteurs, lanticipation peut tre prdictive ou descriptive.
Lanticipation est prdictive lorsque lenvironnement gnral de fonctionnement est stable.
Dans ce cas, lanticipation nest quune extrapolation des tendances .
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La progression de la GRH analyse travers la littrature
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Lanticipation est descriptive lorsquelle permet la construction de scnarii quant lavenir et
permet de prparer, par la mme occasion, les individus faire face aux incertitudes du
lendemain . Envisager les scnarii de lavenir rejoint lide de Thamain (2009, p. 272) quand
il parle de lanticipation comme construction des futurs possibles .
Pour sortir de cette distinction, ne serait-il pas plus simple de parler de gestion anticipative ?
En effet, lutilisation du terme anticipation permettrait de montrer que la GRH propose
une vision court, moyen et long terme.
II.2. Quid de la prospective ?
II.2.1. Prsentation gnrale de la prospective
linstar des autres termes ci-dessus tudis, la prospective est une dmarche oriente vers
lavenir. Mais une prospective sans dispositif doprationnalisation, sans plan construit vers
la ralisation dactions est vaine. La finalit propre de la prospective est donc dtre au service
de laction (Scouarnec, 2008). Cest en tout cas ce possible manque doprationnalisation qui
a fait lobjet de la plupart des critiques auxquelles a fait face la prospective. De nos jours, il
semble que pour une approche renouvele et corrective de la prospective (Montil, 2002), il
faille rflchir davantage sur le caractre actionnable de cette approche. Il est aussi ncessaire
daller vers un renouvellement des dispositifs prvisionnels des ressources humaines en
interrogeant la complmentarit entre prvision et prospective (Brillet et Hulin, 2010). Quatre
motivations ont t retenues pour permettre la mise en uvre de cette finalit de la
prospective : des motivations de nature thorique, des motivations de nature mthodologique,
des motivations de nature pratique et des motivations de nature pdagogique
(Scouarnec, 2008).
Focalisons-nous, ici, uniquement sur le niveau thorique. Sur ce point, il va sagir dune
refondation en ce qui concerne la vision et lavenir. Le dsir profond de lhomme pour
connatre lavenir sera transpos dans le cadre des organisations et des territoires en ce qui
concerne les actions largies cette chelle. Lobjectif recherch dans les entreprises et de
plus en plus dans les territoires est dinterroger lavenir, de ltudier afin den dgager les
solutions dactions mettre en place ds aujourdhui pour le corriger si ncessaire.
Selon Gaston Berger, la prospective consiste voir loin, voir large, analyser en profondeur,
prendre des risques et penser lhomme . Ds lors, lentreprise qui emprunte cette voie doit
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Le processus de construction dune GPEC-Territoriale
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pouvoir intgrer dans sa stratgie de fonctionnement la dimension humaine. En ce sens et
selon cette dfinition de la prospective nous pouvons identifier un rapprochement entre la
prospective et la dfinition du dveloppement durable dans la mesure o dans la prospective,
lhomme est au cur du dispositif au mme titre que dans le champ du dveloppement
durable (rpondre aux besoins des hommes daujourdhui sans nuire ceux des gnrations
futures). Dans ces deux cas, la dimension humaine doit tre largement prise en compte.
Comment peut-on prendre en compte compltement cette dimension humaine dans la
prospective ?
La rponse cette question conduit considrer la dimension multidisciplinaire que doit
revtir la prospective. De fait, emprunter le chemin de la prospective suppose de souvrir
dautres champs disciplinaires afin de bien tudier, de sinterroger et danticiper les futurs
possibles, plausibles et mme probables sans toutefois rechercher la certitude dans leur
ralisation. La littrature nous rvle des caractristiques de la prospective. Mais quelles en
sont-elles ? Selon Hatem et Prel (1995) repris par Scouarnec (2008), cinq caractristiques de
la prospective peuvent tre identifies. Le tableau, ci-aprs, reprend ces diffrents types de
caractristiques et leurs contenus.
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La progression de la GRH analyse travers la littrature
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Type de
caractristiques Contenus
Approche globale
La prospective est pluridisciplinaire et transversale. Une approche
systmique permet dclairer la complexit du rel. La dimension du
long terme est ncessaire. La crativit exige dexprimenter des
rapprochements et des confrontations pour imaginer les changements
en germe.
Approche Longue
La prospective a pour ambition de voir large et loin :
- parce que lhistoire relativise les modes du moment et renvoie aux
courants profonds.
- parce que seule la vision longue permet de faire merger les
ruptures, les seuils, les inversions de tendance, de priodiciser des
cheminements.
- parce que lavenir introduit des degrs de libert croissants avec
lhorizon temporel : court terme, on peut ragir, long t