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Page 1: La mélorhéostose : à propos d’un cas radio clinique

J Radiol 2007;88:397-400© Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2007

Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

lettre

ostéo-articulaire

La mélorhéostose : à propos d’un cas radio clinique

H El Mhabrech (1), W Gamaoun (1), N Arifa (1), A Zrig (1), M Mseddi (2), M Mokni (3) et K Tlili Graiess (1)

a mélorhéostose est une dysplasieosseuse progressive rare, pouvantaboutir à des complications doulou-

reuses et à des déformations (1). Son as-pect radiologique est caractéristique sousforme d’une hyper condensation corticalelinéaire en « coulée de bougie » (2). Sondiagnostic est posé sur les données des ra-diographies standard (3-4). L’IRM trouvesa place dans le diagnostic de nature, desiège et d’extension des lésions notam-ment aux parties molles et dans l’évalua-tion des déformations osseuses pour uneéventuelle correction chirurgicale (5-6).Nous rapportons un cas de mélorhéostosechez un patient de 22 ans illustrant enparticulier les aspects IRM de la mélo-rhéostose.

Observation

Un jeune homme de 22 ans s’est présentépour des gonalgies droites d’intensitécroissante depuis deux ans. Les radiogra-phies standard étaient caractéristiques demélorhéostose avec une atteinte monomé-lique latérale droite étendue sur l’axe dumembre inférieur droit. Ces lésions pre-naient l’aspect de coulées ostéocondensan-tes corticales, relativement bien limitées,parallèles au grand axe du fémur et de lafibula. Il s’y associait de multiples foyersd’ostéosclérose nodulaires au niveau descondyles fémoraux, de la tête fémorale etde l’acétabulum. Une ossification des tis-sus mous para articulaires latérales du ge-nou et de la hanche droite est bien visiblesur les radiographies du genou droit et dubassin

(fig. 1)

. La scintigraphie montraitune hyperfixation de l’ensemble des foyersd’ostéocondensation

(fig. 2)

.

En TDM, ces lésions prenaient l’aspectd’un épaississement de la corticale postérolatérale du fémur associé à un comble-ment quasi total de la cavité médullaireau niveau de la métaphyse fibulaire. Il s’yassociait une petite ossification juxta arti-culaire latérale au sein d’une densificationde la graisse environnante

(fig. 3)

. Ceslésions apparaissaient en IRM en hyposignal sur toutes les séquences et étaientassez bien limitées. Elles étaient responsa-bles d’une réduction de la cavité médul-laire notamment au niveau de la fibula

(fig. 4)

. Il s’y associait un aspect en hypersignal sur les séquences STIR et en densi-té protonique (DP) avec saturation de lagraisse ainsi qu’une discrète prise decontraste sur les séquences T1 après satu-ration de la graisse et injection de gado-linium de la moelle osseuse fémorale

(fig. 5)

. Sur le trajet du tendon du musclepoplité, et autour de l’ossification para ar-ticulaire du genou était notée aussi uneprise de contraste

(fig. 6)

.Le diagnostic de mélorhéostose était déjàretenu sur les radiographies standard. Lesautres explorations ont été réalisées afinde mieux étudier le comportement etl’étendu des lésions pour un éventuel bi-lan pré-opératoire d’autant plus que lepatient était algique.

Discussion

La mélorhéostose est une ostéopathierare, touchant indifféremment les 2 sexes.Elle est décrite pour la première fois parLeri et Joanny en 1922 (3-4). Elle commen-ce dès l’enfance et présente une croissancerapide pendant l’adolescence (2, 6-9). Sonincidence est estimée à 0,9 par milliond’habitants (8, 10). Son étiopathogénieétait jusqu’à maintenant inconnue.Certains auteurs suggèrent qu’elle est laconséquence d’une atteinte d’un ou deplusieurs territoires nerveux sensitifs (sclé-rotomes). Cette atteinte peut être d’originevasculaire, inflammatoire, infectieuse,

dégénérative ou bien embryologique(d’origine mésodermique) (5, 7, 8, 10-11).Cette dysplasie osseuse touche essentielle-ment l’ossification membraneuse et d’unefaçon moindre l’ossification enchondraleet ceci de façon mono, polyostotique oumonomélique (9).Le début de la maladie est insidieux, mar-qué par des douleurs à type de névralgiesou d’arthralgies (2). Progressivement,s’installent des raideurs articulaires, sour-ces de limitation des mouvements des seg-ments osseux intéressés et de déformationsarticulaires (2, 4-5, 7-8, 10-12). Des lésionsdes parties molles sont fréquemment asso-ciées en regard des structures ostéoarti-culaires atteintes; des cas de sclérodermieen bande ont été également signalés (2, 8).Dans d’autres cas, il s’agit d’érythèmecutané, d’œdème, d’une fibrose des tissusmous et de la peau et d’une ossification destissus mous péri-articulaires (4, 8, 11). Cesanomalies précèdent habituellement les lé-sions osseuses (1, 8). Dans notre cas ce sontles douleurs osseuses qui ont pris le devantde la scène et les anomalies des parties mol-les étaient découvertes en imagerie. Laprésence de malformations vasculaires as-sociées (17 % des cas de mélorhéostose)(10), citées par certains auteurs, témoigned’une angiodysplasie sous-jacente à l’at-teinte osseuse (1, 8, 12).Les critères diagnostiques de la mélo-rhéostose sont radiologiques ; il s’agitd’une hyper condensation linéaire en« coulée de bougie » caractéristique lelong des os (2, 6). Cette condensation oc-cupe seule une partie de l’épaisseur corti-cale des os atteints suivant une distributionmétamérique (2). Dans notre cas, l’impor-tante condensation corticale au niveau dufibula comblant la totalité du canal mé-dullaire témoigne de la sévérité de l’ex-tension endostale du processus lésionnel.Cette ostéosclérose atteint le plus souventla corticale, et peut se prolonger dans letissu médullaire sous forme d’une hyper-ostose endostale plus ou moins complète.L’élargissement de l’os est habituellementdiscret (1-2, 4-5).

Key words:

Melorheostosis. Standard x-ray. MRI. CT.

Mots-clés :

Mélorhéostose. Radiographie standard. IRM. Scanner.

L

(1) Service de Radiologie, (2) Service de Chirurgie Ortho-pédique, CHU Sahloul, Route Ceinture 4054 Sousse, Tunisie. (3) Service d’Anatomopathologie, CHU Farhat, Hached, Tunisie.Correspondance : K Tlili-GraiessE-mail : [email protected].

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Fig. 1 : Radiographies standard.a Hanche droite,b genou,c jambe : ostéo-condensation corticale parallèle au grand axe du fémur et de la fibula

avec éléments nodulaires denses du condyle latéral, de la tête fémorale et de l’acé-tabulum. Ossification des tissus mous para articulaires externes de la hanche asso-ciée à un épaississement cortical diaphysaire et cervical.

a b c

Fig. 2 : Scintigraphie osseuse : hyperfixation corticale fémorale latérale, fibulaire et autour du genou.

Cette pathologie touche les membres sui-vant une extension unilatérale, presque ver-ticale de l’épaule aux doigts ou de la hancheaux orteils, rarement les vertèbres, les côtesou le crâne de façon isolée (2, 8).Dans les épiphyses, des taches denses, plusou moins régulièrement arrondies, sontsouvent présentes (2), rappelant un peul’aspect de l’ostéopoecilie où elles sontplus grosses et sont de siège épiphyso-métaphysaire (2).Au niveau du carpe et du tarse, les lésionspeuvent se traduire par de petits foyersnodulaires plus discrets pouvant la aussiprêter à confusion avec l’ostéopoecilie,alors qu’au niveau des os plats des plagesde sclérose localisée ou radiaire sont fré-quemment retrouvées (2).La dysplasie est plutôt mésodermique, tou-chant l’os, mais aussi les parties molles adja-centes. Des anomalies des parties mollesessentiellement péri articulaires peuvent êtreassociées et sont le plus souvent, à côté desdéformations du squelette osseux, le modede révélation le plus fréquent. Il s’agit d’unefibrose et d’un œdème des muscles et du tis-su adipeux. L’ossification des parties molles,notamment près des articulations adjacen-tes, est rare et simule des ostéochondromes(7-8). De grosses ossifications peuvent sevoir au niveau des articulations de l’épaule,de la hanche, du genou et de la cheville.La scintigraphie osseuse montre, contrai-rement à l’ostéopoecilie et l’ostéopathiestriée, une hyperfixation modérée desfoyers d’ostéocondensation (2, 4-5, 12).Cependant une telle fixation peut se voiredans la maladie de Paget.

Fig. 3 : TDM en coupes axiales sans injection de PDC.a Épaississement de la corticale postéro latérale du fémur.b Comblement quasi total de la médullaire au niveau de la métaphyse fibulaire.c Ossification juxta articulaire avec densification de la graisse périphérique.

a b c

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Fig. 4 : IRM du genou droit.a Coupes sagittales T1b et T2. Coulées d’hypo signal corticales fémorales postérieures

et fibulaires antérieures, linéaires, bien limitées avec des zones nodulaires du condyle fémoral.

a b

a b c

Fig. 5 : IRM du genou droit.a Coupes coronales STIRb-c et en DP avec saturation de la

graisse. Hyper signal plus franc en DP de la médullaire fémorale juxta corticale latérale avec hyper signal des parties molles péri condyliennes latérales le long du trajet du tendon poplité jusqu’à la tête fibulaire.

Fig. 6 : IRM du genou droit.a-b coupes axiales T1 FAT SAT avant et après injection de gadolinium.c Rehaussement net du signal de

l’os spongieux en regard des lésions nodulaires du condyle fémoral latéral

d et autour du tendon poplité le long de son trajet

e et de l’ossification para articulaire.

a b cd e

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Quand à la TDM, elle n’est pas indiquéesystématiquement, elle trouve parfois saplace dans l’évaluation de l’étendue deslésions et ceci dans un but pré-opératoireou bien plus rarement dans certainesformes trompeuses localisées pseudo-tumorales. Elle permet aussi de montrerl’absence typique de l’attache osseuse desossifications para-articulaires aux os at-teints (13).L’IRM n’est pas indiquée systématique-ment dans le bilan de cette affection,elle permet de préciser l’extension desanomalies aux parties molles et d’évaluerles déformations osseuses pour uneéventuelle correction chirurgicale (5, 9).Elle constitue ainsi la meilleure techniqued’imagerie dans le bilan pré-opératoire.Les lésions de la mélorhéostose appa-raissent typiquement en hypo signal surtoutes les séquences et ne se modifienthabituellement pas après injection de ga-dolinium (9, 11, 13). Yu et al. (13) ont si-gnalé une augmentation de signal enpériphérie des lésions métaphysaires ostéo-sclérosantes et ceci avec l’augmentationdu TE et après l’injection de Gadoli-nium, caractère retrouvé dans notreobservation, et ils ont suggéré que ceslésions métaphysaires représentent deslésions immatures de la mélorhéostoseexpliquées par la présence de réactionsvasculo-fibreuses autour des foyers deprolifération osseuses.Les foyers d’ossification para-articulaireprésentent un signal identique aux lésionscorticales, en revanche, la prise de contrastepériphérique présente dans notre cas etdécrite dans la littérature (14), est proba-blement liée à la présence aussi d’un tissufibreux vascularisé (combinaison possibled’œdème et de fibrose jeune) expliquantégalement les douleurs aiguës.Dans les cas typiques, le recours à unepreuve histologique est inutile. En histo-logie, l’hyperostose corticale se présentesous forme d’un tissu osseux mixte : matureet immature séparé par des trabéculationsostéoïdes épaisses comblant les canaux deHavers (2, 7) et associé à du tissu fibreuxtout autour de ces foyers d’ossification.Aux niveaux des parties molles, les foyers

d’ossification se développent à partir dutissu cartilagineux ectopique et présen-tent l’aspect de structures osseuses lamel-laires (13). Ils s’associent tout autour à desfoyers de fibrose extensive avec proliféra-tion focale de petits capillaires (1). Lediagnostic différentiel se pose avec l’os-téosarcome paraostéal dans les différenteslocalisations de mélorhéostose et la myo-site ossifiante, l’hématome calcifié dansles cas associés à des calcifications ou uneossification des parties molles (2, 8, 11-13).La mélorhéostose constitue une patholo-gie d’évolution progressive pouvant êtrecompliquée par des douleurs sévères, descontractures et des déformations arti-culaires. Cette progression fait que lerecours à des corrections chirurgicales estjustifié dans les cas graves tout en respec-tant la maturation du squelette osseux.Le recours aux biphosphonates sembleêtre efficace sur les symptômes et nonsur la progression des lésions osseuses(4, 5, 8).

Conclusion

Bien que rare, la distribution et surtout lesaspects radiologiques de la mélorhéostosesont très caractéristiques. Il s’agit d’unehyperostose corticale associée à des modi-fications des parties molles d’un ou deplusieurs sclérotomes adjacents. L’image-rie en coupe, notamment le scanner etmieux l’IRM, constituent l’outil de choixdans l’évaluation surtout des localisationsjuxta osseuses.

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