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CRISTIANA - NICOLA TEODORESCU

Initiation la smantique Anul III Semestrul I 2011 / 2012

Initiation la smantique

I. LA SEMANTIQUE

Dfinition Smantique est un mot qui a t invent par le linguiste franais Michel Bral pour designer les lois qui prsident la transformation des sens 1. Bral invitait le lecteur le suivre dans une tude qui est despce si nouvelle quelle na mme pas encore reu de nom. En effet, cest sur le corps et sur la forme des mots que la plupart des linguistes ont exerc leur sagacit : les lois qui prsident la transformation des sens, au choix dexpressions nouvelles, la naissance et la mort des locutions, ont t laisses dans lombre ou nont t indiques quen passant. Comme cette tude, aussi bien que la phontique et la morphologie, mrite davoir son nom, lappellerons la smantique (du verbe sman) cest--dire la science des significations 2. La smantique soccupe avec le sens des mots. Le mot smantique est form partir du grec sman, driv du sma (signe). Donc un changement smantique est un changement de sens, la valeur smantique dun nom cest son sens.1

Michel Bral, 1883, Les lois intellectuelles du langage. Fragment de smantique , apud Christian Touratier, La smantique, Paris, Armand Colin, 2000, p. 8. 2 Extrait de Les lois intellectuelles du langage. Fragment de smantique in Anuaire de lAssociation pour lencouragement des tudes grecques en France, XVII, 1883, p. 133, apud Christian Touratier, op.cit., p. 8.

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Depuis la fin du XIXe sicle, le mot smantique a reu des dfinitions partiellement diffrentes, dpendantes du domaine attribu cette science. Irne Tamba-Mecz retient trois dfinitions principales : 1. La smantique est ltude du sens3 ; 2. La smantique est ltude du sens des mots4 ; 3. La smantique est ltude du sens des mots, des phrases et des nonces5 . On voit, donc, que nous partons dune dfinition bien trop large (car le sens peut tre tudi aussi bien par des philosophes, des psychologues et des linguistes), pour passer par une autre, plus restreinte et plus proprement linguistique (car elle limite ltude du sens au sens des mots), pour arriver la troisime dfinition, qui largit la smantique ltude des units complexes que forment les mots, plus prcisment les phrases. La smantique nest pas la seule discipline linguistique qui sintresse la signification, mais elle sintresse au sens dune manire exclusive. Les quatre smantiques Le problme du sens intresse plusieurs disciplines : la philosophie, la psychologie, la linguistique, la logique, lanthropologie, la sociologie. La smantique hante donc les sciences humaines. On constate lexistence de quatre smantiques :

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J. Lyons, Elments de smantique, Paris, Larousse, 1978, p. 9. P. Guiraud, La smantique,, Paris, PUF, 1955, p. 5. 5 Tamba, Irne, La smantique, Paris, PUF, 1988, p. 7.

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la smantique linguistique qui tudie les mots au sein de la langue et qui doit rpondre aux questions suivantes: Quest-ce quun mot? Quelles sont les relations entre le sens et la forme dun mot? la smantique philosophique : pourquoi et comment communiquons-nous? La smantique philosophique a t fortement marque par lempirisme logique de Wittgenstein, lauteur du clbre Tractus logico-philosophicus de 1921 qui fait de la philosophie tout entire une rflexion sur le langage. Les reprsentants les plus importants sont R.Carnap, B.Russell (Signification et vrit, Paris, Flammarion, 1969), E.Casirer. Mariana Tuescu rsume les objectifs de la smantique philosophique : tablir lensemble des rgles qui permettent de former des propositions scientifiques et de les transformer ensuite en dautres propositions quivalentes, susceptibles dtre soumises au contrle des faits du monde gnosologique 6. la smantique logique : quelles sont les relations du signe avec la ralit? La smantique logique est fonde sur la smantique philosophique et a un caractre rigoureux et formalis. Cest la thorie logique des significations des formes linguistiques. Les reprsentants les plus importants sont A.Tarski, R.Carnap (Introduction in Semantics, 1942, Meaning and Necessity, 1947), Em. Vasiliu (Elemente de teorie semantic a limbilor naturale, Bucureti, Editura Academiei RSR, 1970). la smantique gnrale est une application et vulgarisation de la smantique philosophique, portant sa critique sur la communication sociale. A.Korzybski et ses disciples attribuent aux6

Mariana Tuescu, Prcis de smantique franaise, Didactic i Pedagogic, 1978, p. 14.

Bucureti, Editura

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langues naturelles la responsabilit des malheurs du monde et proposent, pour gurir les socits, une vritable smiothrapie. Les reprsentants les plus importants de la smantique gnrale, qui se veut une discipline applique, sont, part A.Korzybski, A.Rapaport, St. Chase, S.I.Hayakawa. Smantique diachronique et synchronique La distinction saussurienne entre diachronie et synchronie a apport en linguistique une vraie rvolution qui nous conduit faire la distinction entre - la smantique synchronique, souvent appele, de nos jours, simplement smantique, tude et thorie des significations linguistiques dans un systme linguistique donn une poque donne, et - la smantique diachronique, appele, lorigine, smantique tout court, tudie lvolution dans le temps du sens des mots. Survol de lhistoire de la smantique Mme si les rflexions sur les significations sont trs anciennes, la smantique est une science relativement rcente. Comme science linguistique, la smantique apparat au commencement du XIX-e sicle. Le professeur de latin Reiseig, dans un ouvrage posthume de 1839, reconnat la smasiologie comme branche autonome. Aprs 40 ans, en 1880, un autre linguiste, Hermann Paul, dans Principes de lhistoire des langues, consacre tout un chapitre cette nouvelle discipline qui soccupe des changements de sens. Cest Michel Bral qui a cr en 1883 le terme de smantique dans un article, Les lois intellectuelles du langage, qui mettait les bases de cette discipline. Dans cet article, Bral dsigne par le terme

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smantique la science des significations et des lois qui prsident la transformation des sens. En 1886 Arsne Darmsteter publie La vie des mots tudie dans leurs significations. En 1887 Lazr ineanu crit ncercare asupra semasiologiei romneti. En 1897 Michel Bral publie Essais de smantique, science des significations, lacte de naissance de cette nouvelle discipline. Antoine Meillet, dans larticle Comment les mots changent de sens applique une perspective sociologique et historique. Il considrait que les changements de sens sont une rsistance des signes aux volutions des socits, car le signifiant est fixe, et les signifis voluent. En 1931 apparat le livre classique pour ltude des changements de sens, The Meaning and Change of Meaning de Gustav Stern. En 1923 Ogden et Richards, dans The Meaning of Meaning, introduisent la perspective synchronique dans ltude de la smantique. En 1930, Jost Trier publie un livre trs important pour lvolution de la smantique, Les champs smantiques. Aprs 1930 on constate une sorte de paralysie dans la recherche smantique. Les raisons de cette pause sont la difficult de trouver un systme smantique cohrent et linfluence du structuralisme de F. de Saussure. En 1916 apparat Cours de linguistique gnrale de F. de Saussure qui va influencer plusieurs coles linguistiques : lcole linguistique de Prague (Troubetzkoy, Jakobson), lcole linguistique de Copenhague (L.Hjelmslev), lcole fonctionnaliste (A.Martinet) et lcole linguistique amricaine (le courant anthropologique avec Bloomfield, Boas, Sapir, Worf, le behaviorisme marque par

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Language de Bloomfield et le descriptivisme. Toutes ces coles chassent le sens de lanalyse linguistique. Les successeurs de Bloomfield (Bloch et Trager) ont pouss lextrme lexclusion du sens. Malgr cette exclusion du sens il y a quand mme des tentatives danalyse qui visent justement la rcupration du sens. Nida introduit en 1951 les termes de sme et smme et conoit un systme danalyse smantique. On arrive, ainsi, la conclusion que le sens est indispensable pour lanalyse de tout systme de langue. Hjelmslev avec sa Glossmatique de 1959 apporte un renouveau dans la recherche smantique. En 1964 B.Pottier crit Vers une smantique moderne et introduit les termes de champs lexico-notionnels, archilexme, virtume, classme, smantme et propose un modle, devenu classique, danalyse smique. Katz et Fodor lancent une smantique interprtative dans Structure dune thorie smantique. N.Chomsky ouvre une nouvelle perspective avec la smantique gnrative. En 1966 apparat La smantique structurale. Recherche de mthode (Paris, Larousse) de Greimas. Une autre date importante pour le dveloppement de la smantique est reprsente par lapparition en 1965 du Prcis de smantique franaise (A.Francke, Berne) de St. Ullmann avec une perspective lexicale trs nette. Dautres directions dans la recherche smantique: lanalyse componentielle (Greimas, Pottier, Guiraud, Coeriu), la smantique textuelle (Greimas, Arriv, Coquet), les recherches narratives (Todorov, Claude Brmond), la potique (Todorov, Genette), la rhtorique (le groupe de Lige), la stylistique (Guiraud, Riffaterre).

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Aujourdhui lanalyse smantique gagne de plus en plus de terrain en dpassant le niveau de lexplicite avec John Austin (Quand dire cest faire) et O. Ducrot (Dire et ne pas dire, La preuve et le dire). Le sens Saint Augustin (IV-III sicle a.J.C.) parlait de la difficult de dfinir le sens, car le sens est fluide et difficilement saisissable. Wittgenstein considrait que le mot est dfini par son emploi dans la langue Valry aussi trouvait que le texte est toujours clair. Les mots sont clairs seulement dans le texte. Jakobson disait que le sens des mots nest palpable que dans le langage concret, cest--dire dans le processus de la communication. Hans Martin Gauger dans Le mot et le langage (1969) affirmait que le sens des mots est une image de notre rminiscence, le sens se forme par lexprience de communication. Le sens cest un acte non pas une substance. Il se basait sur une affirmation de Mallarm. Le sens se forme laide dune dfinition ostensive (< lat. ostendere) ; grce la dfinition du signe indicateur le sens devient plus exacte et plus dense. La reprsentation est complte quand la reprsentation individuelle du rfr se superpose (est identique) avec celle typique et idale. Le sens est le rsultat dun rangement rpt, situationnel et contextuel, le rsultat dune habitude. Le sens des mots se densifie parce que celui qui apprend la langue commence mieux comprendre le systme de la langue. La densification du sens se ralise par trois moyens : - lemploi situationnel et contextuel du mot

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- les connaissances accumules sur la valeur du mot - la dlimitation due au sens structural Sens et signification Mariana Tuescu montre que la distinction sens / vs/ signification est de nature clairer la spcificit de la smantique et celle de la pragmatique 7. Les deux notions ont reu des dfinitions diffrentes en fonctions des chercheurs qui les ont utilises et des coles linguistiques. F.de Saussure et les structuralistes identifient le sens au signifi et le conoivent comme limage mentale attache au signifiant dont il serait porteur. Ex. le sens du signe table est son signifi, le concept objet en bois, de forme prcise, servant des buts prcis . L. Bloomfield et les descriptivistes amricains considrent que le sens dun mot est son emploi dans la langue. Z. Harris et les distributionnalistes trouvent que le sens est une fonction de la distribution, lenvironnement lexical et syntaxique des lments concourant ltablissement de leur sens. Ce qui unit toutes ces approches diffrentes est le fait que le sens est considr comme tant propre au systme linguistique de chaque langue naturelle. L. Hjelmslev dfinissait le sens comme une grandeur qui nest dfinie que par la fonction qui la lie au principe de structure de la langue et tous les facteurs qui font que les langues diffrent les unes des autres 8.

7 8

Mariana Tuescu, op.cit., p. 60. L. Hjelmslev, Prolgomnes une thorie du langage, Paris, Editions de Minuit, 1968, p. 74, apud Mariana Tuescu, op.cit., p.61.

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St.Ullmann conoit la signification comme la relation symtrique entre le signifiant et le signifi et R. Barthes comme lacte dont le produit est le signifi. Mais, ce qui est clair pour tous les linguistes est le fait que la signification est strictement lie au processus de communication, Adam Schaff considrant que les notions fondamentales de la communication sont le signe, la signification et le langage. Mariana Tuescu conoit le sens comme une constante smantique, propre un lment simple (morphme, mot, syntagme) ou un nonc (phrase). Le sens caractrise ainsi les items lexicaux et les noncs qui se trouvent hors de lnonciation. La signification, ensemble de variables smantiques, correspond au discours ; cest le sens implicite dun nonc prolong dans lnonciation 9. La distinction sens/signification a une grande importance oprationnelle et mthodologique, mais elle sefface dans la ralit de la langue.

9

Mariana Tuescu, op.cit., p.61.

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II. LANALYSE SEMIQUE OU COMPONENTIELLE. LES UNITES DE SENS

Le point de dpart de toute description est une reconstruction des classes smantiques au cours de la lecture du corpus ; la construction des classes de signification minimales dans le cadre de la lecture fournit en effet une base lobjectivation des contenus smantiques . M.Cavazza10

LANALYSE SEMIQUE OU COMPONENTIELLE Au commencement du sicle dernier la phonologie a mis au point une nouvelle technique pour ltude des units phoniques du langage. Cette technique permettait de dgager, pour une langue donne, quelques dizaines dentits, les phonmes. Les phonmes pouvaient tre analyss leur tour en traits distinctifs ou traits pertinents, de sorte que chaque phonme se dfinissait comme un ensemble de traits distinctifs. Cette nouvelle technique sest rvle fconde et les linguistes ont tent de lappliquer dautres secteurs du langage, en particulier celui du sens. Alain Polgure11 affirme que lanalyse smique (aussi appele analyse componentielle) est une mtaphore scientifique de la10

M.Cavazza, apud Teodora Cristea, Structures signifiantes et relations smantiques en franais contemporain, Bucureti, Editura Fundaiei Romnia de Mine, 2001, p. 36.

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caractrisation des phonmes dune langue par traits distinctifs. On pense au type danalyse qui permet de contraster les deux phonmes /b/ et /p/ de la faon suivante : /b/ [- vocalique], [+ occlusif], [+bilabial], [+sonore] /p/ [- vocalique], [+ occlusif], [+bilabial], [= sonore] Nous nous rappelons que la smantique navait pas, cette poque l, de mthode rigoureuse danalyse. La description des significations restait assez impressionniste et les linguistes sentaient le besoin de trouver un moyen de traiter le sens comme un ensemble dlments de signification, puis de donner la liste de ces units lmentaires. Ainsi, la description phonologique, tendue domaines du langage, pouvait-elle unifier la description linguistique. La description smantique est faite plusieurs niveaux qui ne sont pas saisissables dans le discours. Ces niveaux et les units qui les constituent restent un premier regard cachs, mais ils apparaissent la suite dune analyse qui sert les dcouvrir, les identifier et prciser leur contenu. La smantique componentielle se propose justement danalyser le niveau infrieur aux morphmes et les units de contenu microsmantique. 1. LE SEME Dans le cadre de lanalyse smique, les traits distinctifs sont appels smes ; ils sont de nature smantique (au lieu dtre de nature phonique ou articulatoire, comme cest le cas pour les traits distinctifs des phonmes). La dcouverte du sme a permis la smantique de devenir une discipline structurale.

11

Cf. Alain Polgure, Lexicologie et smantique lexicale. Notions fondamentales, Les Presses de lUniversit de Montral, 2003, p. 161-162.

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Le sme, marque smique, est lunit minimale de sens, le trait pertinent (diffrentiateur) du contenu smantique. Ex. homme [+ humain], [+ mle], [+ adulte] vache [+ anim], [- humain], [+ bovin], [+ femelle], [+ adulte] Les smes sont des universaux substantiels du type [action], [tat], [couleur], [quantit], [qualit], [manire], [dimension], [anim], [humain], [mle], [femelle], [objet], etc. Le nombre de smes est immense, il est presque impossible de dresser un inventaire de ces units. Le sme est une unit du plan du contenu et ne se ralise jamais comme une unit autonome, mais lintrieur dun ensemble plus complexe, le smme. Les smes se prsentent plutt comme des molcules et non comme des atomes, car, dans la plupart des cas ils sont analysables en units de rang infrieur. Il existe pourtant des units primitives, inanalysables, de nature conceptuelle, translinguale, les nomes. Pottier (1964, p. 124) a dfini le sme comme est un trait diffrentiel, la plus petite diffrence entre deux smmes. Ex. homme [+ humain], [+ mle], [+ adulte] femme [+ humain], [- mle], [+ adulte] Teodora Cristea12 affirme que le sme a un sens opratoire, il runit des smmes sur la base de traits quils partagent en commun ou les diffrencient en fonction des traits qui les sparent. On peut dfinir les smes par des relations dopposition ou dquivalence au sein de classe de smmes. Ex. instituteur [ + personne qui enseigne], [+ dans une cole primaire]

12

Teodora Cristea, op.cit., p. 37.

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professeur [ + personne qui enseigne une discipline ou un art], [ + dans une institution de rang suprieur (lyce, universit, etc.)] macaroni [+ ptes alimentaires prsents sous la forme de longs btonnets], [+ creux] spaghetti [+ ptes alimentaires prsents sous la forme de longs btonnets], [+ pleins]. Types de smes: - les smes relationnels, grammaticaux (appels aussi fonctmes ou morpho-smes) sont des traits minimaux du grammme et tablissent une relation entre les substances des lexmes. Le catgorme est lensemble des smes relationnels et correspond la catgorie grammaticale (genre, nombre, personne, etc.) Ex. la [+ dfini], [+ fminin], [+ singulier] [+ individualisation] les [+ dfini], [ masculin ], [+ pluriel] [+ individualisation] - les smes substantiels, lexicaux sont des traits lexicaux. Ce sont des traits dfinitoires. Ex. maison [+ objet], [+ btiment], [+ pour habiter] marcher [+ action], [+ dplacement], [+ mouvement successifs des pieds], [+ sans quitter le sol] Les smes substantiels se divisent en deux sous-catgories : - les smes gnriques, qui sont communs tous les smmes, servant indexer le smme dans la classe, en tablissant des relations dquivalence.

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Pottier dfinit le sme gnrique comme un lment du classme, permettant le rapprochement de deux smmes voisins par rfrence une classe plus gnrale [] 13. Ex. violon [- anim], [+ matriel], [+ dnombrable], [+ artefact], [+ instrument de musique], [+ cordes frottes]. Sme/ classe14 Taxme Domaine Smes Smes Smes micrognriques msognriques macrogneriques A cordes + instrument de musique + artefact - anim + matriel + dnombrable

Dimension

Les smes gnriques intgrent le sme une classe en notant des relations dquivalence entre smmes. Lensemble des smes gnriques est le classme. - les smes spcifiques diffrencient les smmes appartenant une mme classe. Les smes spcifiques tablissent des relations dopposition, en dfinissant le smme dun lexme par la diffrence spcifique. Le smantme reprsente lensemble des traits spcifiques. B. Pottier dfinit le sme spcifique comme un lment du smantme, permettant dopposer deux smmes trs voisins, par une caractristique propre 15. Ex. dans le domaine des instruments de musique, lintrieur du taxme clavier on distingue :13

Bernard Pottier, Linguistique gnrale. Thorie et description, Paris, Klincksieck, 1974, p. 330-331. 14 Teodora Cristea, op.cit., p. 41. 15 Bernard Pottier, op.cit., p. 330-331.

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Piano [- anim], [+ matriel], [+ dnombrable], [+ artefact], [+ instrument de musique], [+ cordes frappes]. Clavecin [- anim], [+ matriel], [+ dnombrable], [+ artefact], [+ instrument de musique], [+ cordes pinces]. - les smes inhrents relvent du systme fonctionnel de la langue et sont, du point de vue fonctionnel, dfinitoires pour un lexme donn. Ils ont un rle distinctif, opposant un smme dautres smmes voisins, appartenant une mme classe lexicale. Ex. S1: ouvrier qui S3: S4: Sme/ S2: fait des travaux menuiserie menuiserie Lexme16 charpente sur bois utilitaire dcorative Charpentier + + Menuisier + + bniste + + - les smes affrents, considrs comme des smes marginaux, ne sont pas distinctifs et relvent du systme de codification des normes socialises ou partiellement socialises. Ils sont de nature contextuelle, tant mis en relation avec les traits connotatifs. Le virtume17 reprsente lensemble des smes affrents. Pour illustrer ces diffrences, Teodora Cristea donne lexemple du lexme arbre18:16 17

Teodora Cristea, op.cit., p. 43. Bernard Pottier propose cette dfinition au virtume : est virtuel tout lment qui est latent dans la mmoire associative du sujet parlant et dont lactualisation est lie aux facteurs variables des circonstances de communication. Le virtume reprsente la partie connotative du smme. Il est trs dpendent des acquis socioculturels des interlocuteurs. Il est, donc, instable, mais se situe dans la comptence un moment donn (B.Pottier, op.cit., p. 74-75).

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a. Cet arbre a perdu ses feuilles. Classme : smes inhrents Gnriques [+ vivant], [- anim], [+ matriel], [+ dnombrable] Smantme: Spcifiques [+ vgtal], [+ ligneux], [+ branches], [+ frondaison] b. arbre de la science arbre du bien et du mal virtume socialis appartenant au plan dnotatif. c. Je venais de perdre ma protection, mon oppression, mes racines. Comme un arbre dj grand, secou par le vent, je sentais tout coup le poids prilleux de mes branches et de mon feuillage : jtais tout seul. (Pascal Jardin, Le Nain Jaune). Virtume plus ou moins socialis relevant du plan connotatif ; sme actualis [+ solitude]. Les smes affrents dpassent les limites de lensemble auquel le smme en question appartient pour sintgrer un ensemble diffrent. Ils sont actualiss laide dune instruction contextuelle. Ex. le lexme moulin [+ appareil pour moudre] Traits inhrents [- anim], [+ matriel], [+ artefact], [+ instrument] Moulin paroles personne qui parle sans arrt il y a transgression de lensemble [- anim] lensemble [+ humain]. Ex. le lexme oiseau [+ animal]

18

Teodora Cristea, op.cit., p. 44.

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Un drle doiseau individu peu recommandable il y a transgression de la classe [+ animal] la classe [+ humain] plus le sme [+ pjoratif] ; Un oiseau de malheur, un oiseau de mauvais augure personne qui annonce de mauvaises nouvelles Oiseau rare personne irremplaable [+ ironie] Oiseau de bon augure personne qui annonce de bonnes nouvelles [+ mlioratif] Chanter comme un oiseau chanter trs bien . Pour conclure, on reprend le tableau rcapitulatif propos par Teodora Cristea19:Inhrents Types de smes Spcifiques Gnriques distinctifs Non distinctifs gnriques spcifiques Affrents

Ensemble de smes

classme

smantme smme

virtume

Ex. le lexme cheval :Smes inhrents Gnriques Spcifiques distinctifs Animal Mammifre Equid ongul solipde crinire Nondistinctifs domestique smme19

Sme affrents Plus ou Socialement moins cods socialiss Masculinit Rsistance Obstination Intensit

Teodora Cristea, op.cit., p. 46.

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Les smes affrents socialement cods sactualisent dans les contextes suivants: [+ masculinit] un grand cheval une grande femme masculine [+ rsistance] un vrai cheval de labeur un travailleur infatigable [+ obstination] un cheval de retour rcidiviste cheval de bataille sujet favori auquel on revient toujours [+ intensit] fivre de cheval fivre trs forte Dans le contexte suivant, cest le sme [+vitesse] qui sactualise: Nous passmes la frontire comme deux cheveux de sang qui sentent lcurie (Pascal Jardin, Le nain jaune). Sme/vs/lexme Entre le sme et le lexme il y a une diffrence de niveau de manifestation: Le sme Le lexme - unit minimale du plan - unit minimale du plan lexical smantique de la langue, du de la langue, du plan de plan du contenu lexpression - une virtualit, il est antrieur - morphmes lexicaux dont la toute manifestation dans le totalit constitue le lexique discours dune langue - le sme sactualise dans le - est une manifestation concrte lexme dans le discours - ensemble de smes relis entre eux par des relations hirarchiques Ex. fille [+humain], [+femelle], [+ge relatif aux parents]

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Il existe des smes qui sactualise dans la langue, devenant lexmes, et dautres qui ne se lexicalisent pas: [+ gardien spcifique dun animal] porc porcher chvre chevrier buf bouvier mulet muletier cheval cochon ne poule Ce sont les cases vides du vocabulaire (lacunes lexicales). La smantisation est le processus de conversion du sens en mots. La smantisation prcise le rapport entre le sme et le lexme dans le cas des mots polysmiques. Ex. nonciature S1 : + fonction S2 : + exercice de la fonction S3 : + rsidence A laide des smes on peut structurer des ensembles lexmatiques, des microsystmes lexicaux, des ensembles de mots qui circonscrivent un domaine conceptuel lexicalis dans lequel le signifi dun lexme recouvre partiellement le signifi de tous les autres, tirant ainsi leur valeur de leurs oppositions respectives.

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Ex.

rive / rivage Smes / S1 : bande de Lexmes terre Rive + Rivage +

S2 : qui borde la mer +

S3 : qui borde un cours deau + -

Ex.

Jhabite rive gauche de la Seine. J aime habiter sur la rive. Je prfre la mode rive gauche. Le bateau sloigne du rivage. marin / marinierS1: personne qui travaille dans S2: sur S3: sur des canaux, le domaine de la navigation mer des cours deau

Smes / Lexmes

marin marinier

+ +

+ -

+

Marin de la marine marchande. Marinier de Venise. Ex. fleuve / rivireS1 : cours deau S2 : qui se jette dans la mer S3 : se jette dans un autre cours deau

Smes / Lexmes

fleuve rivire Ex.

+ + plaisir / joie

+ -

+

Smes / S1 : soumis S2 : S3 : S4 : Lexmes a une satisfaction satisfacti extrioriapprciades sens on du sation tion morale coeur violente

plaisir joie

+ -

+ -

+

+

Initiation la smantique

Pottier a propos une analyse smique devenue modle :Smes/ Lexmes S1 : pour sasseoir S2 : sur pied(s) S3 : pour une personne S4 : avec dossier S5 : avec bras S6 : en matire rigide

Chaise Fauteuil Tabouret Canap Pouf

+ + + + +

+ + + + -

+ + + +

+ + + -

+ + -

+ + + + -

Alain Polgure20 donne comme exemple danalyse smique:S1: S2: Smes/ sur sur Lexmes terre rail voiture + taxi autobus autocar mtro S3: S4: S7: S8: S5: S6: 4 6 deux indiviintra- traction de payant personnes roues duel urbain personnes

+ + +

= +

-

+ =

+ + + +

+ + -

+ +

+ + + + +

2. LE CLASSEME Mariana Tuescu21 dfinit les classmes comme des traits smiques combinatoires, des smes contextuels dus lenvironnement syntagmatique. Les classmes appartiennent lunivers manifeste de la langue. Ils sont un fait de laxe syntagmatique.

20 21

Alain Polgure, op.cit., p. 162. Mariana Tuescu, op.cit., p. 79.

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B. Pottier considre le classme comme une caractrisation dappartenance des smmes des classes gnrales smanticofonctionnelles : animation, continuit, transitivit, etc. Ex. + mle +personne + femelle anim + mle - personne (animal) -mle +objet matriel inanim - objet matriel +nombrable continuit - nombrable Mariana Tuescu22 donne lexemple des verbes : penser, lire, crire, rire, dire, rver dont le contenu smantique renferme le classme [+personne], qui exigent des nominaux marqus par le trait [+ personne] manger, dormir sont marqus par le classme [+anim] avec les sous - divisions [+personne], [- personne] germer est marqu par le classme [- sujet personnel] effrayer, amuser, intresser sont marqus par le classme [+ complment anim] entendre, voir sont marqus par le classme [ complment anim] apporter, teindre sont marqus par le classme [- complment anim]Mariana Tuescu, op.cit. p. 80.

-

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stylo, tudiant, immeuble sont marqus par le classme [+ nombrable] eau, poudre, courage, intelligence sont marqus par le classme [- nombrable]

Les classmes fonctionnent comme un systme de comptabilits entre les ensembles smiques formant le contenu des lexies qui entrent en rapport: Ex. Le chat miaule. Miauler chat[+anim],[sonorit spcifique]

----------------------------------- ------------------------------[+action],[+cri],[+propre un chat]

Le noyau smique de chat se combine avec le noyau smique de miauler. Lhomme miaule. Homme [+personne], [+ayant la capacit de parler]

Miauler [+action], [+cri], [+propre un chat]

---------------------------------- ---------------------------------

On voit donc que les classmes garantissent la cohsion smique de lnonc, son isotopie, fournissant ainsi, comme laffirme Greimas les conditions structurales du fonctionnement du discours (Greimas, p.69).

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Les traits caractristiques des classmes sont: - leur caractre itratif ; - prsentent une extension syntagmatique ; - assurent lisotopie du discours, constituant le cadre dorganisation de lunivers smantique. Il y a deux types de traits classmatiques : - ceux qui ont un caractre morpho-smantique [ transitif, achev, dnombrable, anim, personnel, etc.] - ceux qui ont un caractre lexical. Mariana Tuescu23 donne lexemple des classmes du verbe prendre : - prendre un surnom, prendre des renseignements, prendre conseil, prendre des ordres [+ faire sien] - prendre sur soi de [+ en porter volontairement la responsabilit] - prendre pour, prendre comme, prendre , prendre en [+ se servir de quelquun en tant que} - prendre des gants [+ agir avec dlicatesse] - prendre le voile, prendre lhabit [+ entrer au couvent] - prendre le deuil [+ mettre des vtements de deuil] - prendre la plume [+ crire] - prendre la cl des champs [+ senfuir] - cet arbre prend bien / le bois prend / bouture qui prend [pousser des racines, continuer sa croissance aprs transplantation] - le feu prend [se mettre consumer une substance] - lescalier prenait gauche [commencer - en parlant de ce qui suit une direction]

23

Mariana Tuescu, op. cit., p. 82-83.

Initiation la smantique

-

vaccin qui prend / la teinture de ce tissu a bien pris [produire leffet recherch, russir] Le recours aux classmes sert dcouvrir le sens des onomatopes et des noms qui en drivent : le froufrou dune robe ; le tic-tac dune montre ; le couac de la trompette ; le couin-couin des canards 3. LE SEMEME Mariana Tuescu24 dfinit le smme comme lensemble des smes et des classmes, des traits inhrents et des traits contextuels formant le sens dun lexme ou dune lexie. Le smme reprsente le sens global dun mot, renfermant toutes les marques smiques pertinentes pour la signification du mot. Le smme est ainsi le sens dnotatif, explicite dune lexie, mais aussi son sens connotatif. Ex. le smme de chaise est form par les smes [+ objet], [+ en matire rigide], [+ pour sasseoir], [+ avec pieds], [+ pour une personne], [+ dossier], [- bras]. Ex. le smme du verbe savoir [+ action], [+ dapprhender par lesprit], [+ tre en mesure de pratiquer, dexcuter, grce des connaissances thoriques], [+ auxiliaire avoir], [+rsultatif], [+ duratif], [+ sujet humain]. Les marques 1, 2, 3, 5, 6 sont des smes nuclaires, les marques 4, 7 sont des classmes. Greimas25 considre que le smme reprsente la combinaison dun noyau smique (des smes nuclaires avec des smes contextuels) : smme Sm = Ns + Cs (le Ns est le noyau smique et le Cs ce sont les smes contextuels). Le noyau smique est linvariant du sens et les smes contextuels sont les classmes (restrictions slectives).

24 25

Mariana Tuescu, op.cit., p. 84. A.J.Greimas, Smantique structurale, Paris, Larousse, 1966, p .45.

Initiation la smantique

27

Entre le sme et le smme il y a un rapport dinclusion : sme smme ; smme sme 1, sme 2, sme3 . ( signifie est inclus dans , signifie inclus ). Ex. le smme homme inclut les smes [+humain], [+mle], [+adulte]. Le smme maison les smes [+btiment],[+destin lhabitation]. Il y a des inclusions smiques successives : Ex. banc sige meuble objet toute chose qui est Fretin poisson animal tre ce qui est. Mariana Tuescu26 modifie un peu le graphe des inclusions successives des smes dans le lexme coffre propos par Pottier: Coffre

Meuble

Caisse Bote Rcipient Ustensile

Objet Chose Ce qui est

26

Mariana Tuescu, op.cit., p. 86.

Initiation la smantique

Greimas27 donne lexemple de la constitution des smes dune lexie partir de ses smes-noyaux et de ses classmes, inventoriant les smmes (ou effets de sens) des syntagmes et des expressions forms autour de tte tout en partant de leurs noyaux smiques : - sme-noyau 1 partie du corps recouverte par les cheveux sactualise dans les lexies la tte nue, laver la tte, tte de fou ne blanchit pas. - sme-noyau 2 partie osseuse apparat dans les smmes fendre la tte quelquun, se casser la tte, une tte de mort. - sme-noyau 3 organisme conu comme un tout discret sactualise dans ce troupeau est compos de cent ttes, vous devez payer vingt francs par tte. sme-noyau 4 tre vivant ou vie sactualise dans payer de sa tte, mettre la tte de quelquun au prix. sme-noyau 5 personne humaine apparat dans les groupes une tte couronne, se payer la tte de quelquun. - sme-noyau 6 sige des ides, du jugement apparat dans les smmes des lexies avoir une tte sans cervelle, une tte doiseau, une tte de linotte, navoir rien dans la tte, avoir la tte en lair, avoir du plomb dans la tte, avoir de la tte, se mettre quelque chose dans la tte. Cest toujours Greimas28 qui tudie lorganisation des smes dans des effets de sens (smmes), significations lies un certain contexte ou une certaine situation de discours :

27 28

A.J.Greimas, apud Mariana Tuescu, op. cit., p. 86-87. A.J.Greimas, op. cit., p. 50-54.

Initiation la smantiquette dun arbre, tte chercheuse, de la tte aux pieds la tte de tte de ligne tte de pont Expressions

29

extrmit

prminence

verticalit

continuit

extrmit extrmit extrmit

prminence prminence prminence

verticalit discontinuit (hirarchique) horizontalit horizontalit continuit discontinuit smes

noyau smique variables smes

Selon Mariana Tuescu29 il y a deux types de smmes : les smmes discrets et les smmes intgrs. Les smmes discrets (ou construits dans la terminologie de Greimas) sont ceux qui sont actualiss dans les units lexicales (lexmes ou lexies) monosmiques et dont la dcouverte ne requiert pas le recours aux units constitutives de lnonc qui les renferment . Les smmes intgrs (smmes-occurrences ou prdicats dans la terminologie de Greimas) se rattachent aux mots polysmiques et homonymiques, aux lexies dont le sens dpend de lenvironnement syntagmatique dans lequel elles figurent . Ex. le mot aller : 1. Cette robe lui va bien [+ statisme] Il va lcole [+ dynamisme] 2. Ex. le mot lourd : 1. un sac lourd [+ concret] 2. une conscience lourde [+ abstrait].

29

Cf. Mariana Tuescu, op.cit., p. 87.

Initiation la smantique

4. LARCHISEMEME Larchismme est un trait smique gnralisateur, commun tous les smmes qui forment un ensemble de lexies. Larchismme est inclut dans le smme : toute chaise, tout fauteuil est un sige, mais non inversement. On doit faire la distinction entre larchismme, ensemble de traits smiques communs plusieurs smmes, et larchilexme, unit du plan lexical, du discours. Ex. larchismme sige est la fois un mot de la langue, donc un archilexme, et un faisceau de significations, un archismme. Suivant linterprtation de B.Pottier, Mariana Tuescu30 affirme que larchismme apparat le plus souvent comme un signe linguistique, tandis que le sme et le classme sont des mtasignes, cest--dire des units (signes) qui se rapportent un autre signe. Pour le sens des verbes, les archismmes seraient action , tat . Pour la classe adjectivale, les archismmes seraient qualit , tat . Pour la classe nominale larchismme le plus gnral est chose , les archilexmes qui lactualisent tant truc et machin. Mariana Tuescu31 donne lexemple de larchismme prendre comme trait smique commun aux verbes - Acheter: Il est interdit de prendre de grandes quantits de marchandises. - Pcher: La baleine fut prise par lquipage. - Saisir: Le lutteur prit son adversaire par le cou. - Acqurir: Les nobles prirent de nouveaux droits fodaux.30 31

Mariana Tuescu, op.cit., p. 88. Idem, p. 89.

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31

-

Puiser: Cet crivain na fait que prendre dans les livres de ses contemporains. Attraper: Lhirondelle prend les insectes au vol. Enlever: Les Romains prirent les filles des Sabins.

Un exemple intressant darchilexme est le verbe faire32 I. Sujet anim faire Sens Complment Pierre fait construit un mur objet matriel La femelle fait met bas ses petits tre anim Jean fait imite lavocat rle Paul fait commet une faute acte Les rivaux font ont tel la paix nom comportement abstrait Lpicier fait tient les nom de lgumes produit Jean a fait a visit lEspagne nom de pays Vous faites ayez une quelque pronom occupation chose indfini Pierre fait sadonne de la article politique partitif + nom abstrait Jean lui a fait un signe de du pied article fait connivence partitif + avec le pied nom concret Laurent fait a un accs de de la article fivre fivre partitif + nom concret32

Cf. Christian Baylon, Paul Fabre, La smantique, Paris, Nathan, 1978, p. 313.

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Il

a fait dans sa culotte Pierre sait y faire Il ne pense qu mal faire II. Sujet anim ou nom de faire chose Lhabit fait

vacu ses matires fcales est rus nuire

Sens caractrise

Complment le moine non marquant ltat nom de mesure nom de personne

Pierre Le roi Sa maladie

fait

pse

cent kilos sa femme quil ne peut pas dormir

a fait Instituer dans reine un tat fait Marque la cause fait jeune parat sens forme Produit un effet a dur

Pierre

III. Sujet nonfaire anim Le sentier fait Cette potion lui a fait Son chapeau lui a fait Deux et deux font IV. Sujet impersonnel Il faire fait

Complment Un coude Du bien Dix ans

donnent quatre comme rsultat sens Complment un vent glac

Il

indication mtorologique fait bon est agrable

dormir

Initiation la smantique

33

Ca Cela

ne fait a de rien limportance fait il y a un mois

5. LEPISEMEME ET LA COMBINATOIRE FIGEELa combinatoire est la formation constitue par la prsence de plusieurs lments, telle quelle est produite, partir dlments simples par la combinatoire. On peut considrer que des combinaisons de dimensions variables forment laxe syntagmatique du langage. (A.J.Greimas, J.Courts)33

Mariana Tuescu34 dfinit lpismme comme lunit smique dune lexie compose ou dune lexie complexe telle que la locution, le proverbe, lexpression, lidiotisme. A laide de lpismme ou signification constructionnelle on conoit le sens dune expression idiomatique comme une unit autre que la somme des sens de ses constituants immdiats. Lpismme se base sur des traits connotatifs appels virtumes. Les virtumes sont des traits nonpertinents et nonobligatoires. Ex. gueule, gueuler peuvent connoter pour une personne une manire grossire de parler ; Pierre est un chameau veut dire que Pierre est une personne peu gentille Jus-de-chaussette signifie un mauvais caf .33 34

Apud Teodora Cristea, op.cit., p. 146. Mariana Tuescu, op.cit., p. 90.

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crin-crin veut dire mauvais violon B.Pottier35 dit que est virtuel tout lment qui est latent dans la mmoire associative du sujet parlant et dont lactualisation est lie aux facteurs variables des circonstances de la communication. Le virtume reprsente la partie connotative du smme. Il est trs dpendant des acquis socioculturels des interlocuteurs. Il est donc instable, mais se situe dans la comptence un moment donn . Les lexies composes, les lexies complexes, les idiotismes appartiennent la combinatoire fige. Mariana Tuescu36 affirme que la combinatoire fige est le phnomne par lequel une squence co-occurrente de lexmes forme une unit indissociable sur les plans fonctionnel (formel ou morphosyntaxique) et smantique. Mariana Tuescu37 considre que les morphmes propres la combinatoire fige perdent ainsi leur autonomie grammaticale et smantique et forment une lexie (mot compos, locution, expression, proverbe, tout idiotisme ou toute idiomatie) qui est un tout de signification et de grammaire. Ex. de combinatoire fige forme autour du lexme il : il-de-buf [+ rotondit] , il-de-serpent [+ couleur verte] Crever les yeux tre vident Il na dyeux que pour elle il ne voit quelle Voir dun bon il voir favorablement Se boucher les yeux se refuser voir Jeter un cour dil regarder rapidement Etre tout yeux tout oreilles couter attentivement

35 36

Bernard Pottier, op.cit., p. 74-75. Mariana Tuescu, op.cit., p. 91. 37 Mariana Tuescu, Du mot au texte, Bucureti, Editura Cavaliotti, 1996, p. 25.

Initiation la smantique

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Avoir un il qui joue au billard et lautre qui compte les points loucher . Exemple donn par Mariana Tuescu38 : Combinatoire libre Combinatoire fige A. Lil de mon cousin ; le globe de Lil-de-buf fentre lil ; mdecine des yeux ; les ronde pratique dans un beaux yeux de ma femme comble, dans la toiture dune maison . Pluriel : des ils-de-buf: B. Perdre son parapluie. Dans la Perdre son latin ny rien cohue, Jean a perdu son comprendre parapluie ; ctait un grand * Je lai perdu, mon latin. parapluie, tout neuf. Ne le perd * Jai perdu ton latin. pas, ton parapluie ! Jai perdu ton parapluie. Jai retrouv mon parapluie dans la salle de spectacles. C. Mordre son matre. Mords-le, ton Mordre la poussire matre ! tomber de tout son long , fig. essuyer un chec *Mords-la, cette poussire ! Le passage de la combinatoire libre (propre la syntaxe) la combinatoire fige est d la lexicalisation. Les critres qui prsident la lexicalisation (lengendrement des lexies en combinatoire fige) sont de deux types : 1. Les critres formels qui sont :

38

Mariana Tuescu, Du mot au texte, Bucureti, Editura Cavaliotti, 1996, p. 26.

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a. la non sparabilit des lments constitutifs de la squence fige: le chemin de fer * le chemin rapide de fer le pet-de-loup ( vieux professeur ridicule ) * le pet de grand loup une robe lgante une robe trs lgante une eau froide, sale une eau trs froide, trs sale de leau plate, de leau lourde * de leau assez plate, * de leau trs lourde *une arme trs blanche *la race trs jaune *un terrain trs vague passer une nuit blanche * passer une nuit trs blanche b. leffacement de ladjectif constitutif. Ladjectif ne peut pas tre supprim dans les lexies figes : tre la bte noire de quelquun * tre la bte de quelquun tre lme damne de quelquun * tre lme de quelquun c. limpossibilit de mettre en facteur la base, par rapport une suite dexpansions : sentir le roussi ( tre suspect dopinions avances ) * sentir [le roussi et loignon] coucher (larme) en joue * coucher [en joue et en cinq minutes] d. limpossibilit de reprendre la base seule comme substitut gnrique : Je prfre le chemin de fer lavion, * car le chemin est plus sr.

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e. limpossibilit de pronominaliser soit la base, soit ses dterminants : jeter un coup dil * le jeter sentir le roussi * le sentir Je fais toujours le dimanche la grasse matine, * toi, tu ne la fais pas. f. limpossibilit de la transformation au passif Jean a jet un coup dil * un coup dil a t jet par Jean. g. la prdicativit. Teodora Cristea affirme que la suite dont ladjectif peut figurer en position dattribut peut tre considre comme une suite libre ; si la prdication est bloque, nous sommes en prsence dune lexie fige 39. Elle donne lexemple suivant : - eau chaude, eau froide, eau tide, eau trouble, eau sale - eau lourde compos dans lequel lhydrogne de leau est remplac par le deutrium ; eau blanche solution dactate de plomb utilise comme un mollient ; eau gazeuse, eau plate, eaux uses, Les adjectifs de la premire srie peuvent apparatre en position dattributs (leau est froide, tide, sale), tandis que le rsultat est diffrent pour la deuxime srie (* leau est lourde, *leau est blanche, * leau est plate ). h. la nominalisation. Les adjectifs des lexies figes rsistent la nominalisation : une dmarche lourde la lourdeur de cette dmarche de leau lourde * la lourdeur de leau un teint blanc la blancheur du teint un mariage blanc * la blancheur du mariage39

Teodora Cristea, op.cit., p. 152.

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le ciel bleu le bleu du ciel un peur bleue * le bleu de la peur i. la variation en nombre. Les lexies nominales figes ou semi-figes sont rsistantes la variation en nombre : une chemise blanche des chemises blanches de leau lourde * des eaux lourdes de leau blanche * des eaux blanches 2. Les critres smantiques rsultent du fait que a. lpismme nest pas la somme des sens de ses lments constitutifs : A vol doiseau en ligne droite En rang doignons sur une seule ligne Mener une vie de bton de chaise avoir une conduite immorale Emboucher la trompette claironner partout quelque chose Ne te casse pas le bol ne ten fais pas . b. unit smantique globale, la lexie, dont le sens est un pismme, peut commuter avec un quivalent synonyme : Prenez la porte ! commute avec Sortez ! Une fine bouche commute avec gourmet Avoir du pain sur la planche commute avec avoir du travail. c. la motivation des lexies figes: - il y a des expressions qui conservent leur motivation dorigine : Ex. tenir le gouvernail, tre la barre, clair comme de leau de roche, baisser pavillon - il y a des expressions qui ont t remotives par rapport lorigine :

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Ex. battre son plein (son substantif est devenu possessif), jolie croquer (dessiner est devenu manger). - il y a des expressions qui ont compltement perdu leur motivation dorigine, qui na pas t remplace : Ex. croquer le marmot attendre avec impatience Tirer le diable par la queue vivre misrablement Dcouvrir le pot aux roses dcouvrir le secret dune affaire . d. la probabilit squentielle. Mariana Tuescu affirme que les contraintes smantiques rvlent des associations lexicales structures selon un certain modle de drivation 40. Ex. il est bavard comme une PIE Il est triste comme une PORTE DE PRISON Il obit au doigt et A LIL Cela lui a cot les yeux DE LA TETE prendre ses cliques ET SES CLAQUES Ex. degrs divers de lexicalisation : rat dgout, rat musqu, rat dAmrique, rat de cave, rat de bibliothque, rat dhtel, rat dOpra (exemple donn par Jacqueline Picoche41) : Rat dgout : dbut de la lexicalisation d la frquence du syntagme ; mais on peut faire permuter dgout avec dautres dterminations indiquant la provenance, la race ou une autre caractristique et coordonner ces dterminations rat de ville, rat de champs, rat deau, rat de cave, rat musqu Rat dAmrique : au contraire, nest pas senti comme une race de rats parmi dautres, mais comme le nom bien spcifique40 41

Mariana Tuescu, op.cit., p. 93. Jacqueline Picoche, Prcis de lexicologie franaise. Ltude et lenseignement du vocabulaire, Paris, Nathan Universit, 1992, p. 162-163.

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dune fourrure. Coordination impossible avec dautres indications de provenance ; substitution en bloc avec vison, astrakan, etc., substitution terme terme impossible ou difficile. Lexicalisation plus avance. Rat de cave, quant il ne sagit pas dun syntagme libre comme plus haut, dnote tout autre chose quun rat : une sorte de bougie. Les deux lments ont donc perdu leur autonomie et leur sens ; permutation terme terme, coordination dun des deux termes impossibles. Lexicalisation totale. Rat dhtel, rat de bibliothque, rat dOpra ne sont pas des espces diffrentes de rats, dont les dterminations pourraient permuter entre elles. Ils dsignent tout autre chose que des rats : des personnes qui nont rien de commun entre elles ; ils pourraient permuter globalement et respectivement avec escroc, rudit, danseuse. Permutation terme terme et coordination dun des deux lments impossibles. Lexicalisation totale. Les sources des expressions idiomatiques Teodora Cristea affirme quun grand nombre dexpressions idiomatiques proviennent des domaines qui ont jou un grand rle dans la vie socioconomique, ce qui explique lextension de leur emploi et leur pntration dans la langue courante 42 et elle donne quelques exemples : - la marine : sembarquer sans biscuits se lancer dans une entreprise sans avoir pris ses prcautions tre la cte tre dans une situation pcuniaire fcheuse, sec dargent (par allusion au navire chou sur le rivage). - la chasse :42

Teodora Cristea, op.cit., p. 157.

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tre aux abois le cerf est aux abois lorsquil ne peut plus et sarrte, rduit endurer, sans pouvoir fuir davantage, les abois des chiens qui lentourent. (fig.) tre dans une situation dsespre tre dattaque - on nomme chien dattaque un chien destin faire lever le gros gibier, le lancer. (fig.) tre vigoureux rompre les chiens empcher les chiens de suivre la voie. (fig.) interrompre une conversation dont le sujet est dlicat ou dangereux . soulever / lever le livre (fig.) soulever limproviste une question gnralement embarrassante ou compromettante pour autrui . - la vie militaire : battre en brche attaquer coups de canon pour ouvrir une brche, (fig.) attaquer mettre quelquun sur la brche, tre toujours sur la brche (fig.) tre toujours combattre ou prt au combat tirer boulets rouges sur quelquun (fig.) lattaquer violement battre la chamade (se dit du cur) tre affol (la chamade = appel de trompettes et de tambours). 6. LE METASEMEME Le mtasmme est la figure qui remplace un smme par un autre, donc qui modifie les groupes de smes de degr zro 43. Ce type de figure suppose quun mot est un ensemble de smes nuclaires sans ordre interne et nadmettant pas la rptition. Pour comprendre cette dfinition on doit dire que le sme est une unit infralinguistique de nature qualitative et que le mot est un dcoupage43

Le Groupe . Rhtorique gnrale, Paris, Larousse, 1970, p. 34.

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smantique ou un groupe de smes privilgi par le langage. A lintrieur du mot on ne peut pas parler de la rptition de smes et non pas de lexistence dun ordre de smes. Mais le smme se manifeste toujours par un mot et cest comme a quon arrive la deuxime dfinition du mtasmme. 1. Le mtasmme est la figure qui remplace un mot par un autre. Si lon donne au mot la valeur dun lment quelconque de la chane des signifiants on peut dire que toute figure, toute mthode, toute mtabole remplace un mot par un autre. Les schmas de Todorov Pour la commutation du sens et celle de la forme, Todorov propose les schmas: Le premier schma: voile synonymie polysmie voile navire (signifi) navire

Le premier triangle reprsente une polysmie = la commutation des deux termes qui peuvent tre attribus au mme signifiant voile. Le deuxime triangle reprsente une synonymie = le mme signifi (navire) peut tre exprim par deux signifiants diffrents. La diagonale commune des deux triangles reprsente la figure mme. Donc, Todorov part du concept de navire qui lenvoie au mot navire qui sefface dans la faveur du mot voile. Du point de vue du rcepteur du mot voile il passe du signifi du signifiant voisin qui est le concept de navire. Le premier triangle est le triangle du dcodificateur et il mesure la distance entre les deux signifis. Le deuxime est le

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triangle du codificateur et il marque lespace entre les deux signifiants. On peut exprimer la mme chose par le schma suivant: voile navire -le chemin du codificateur voile navire

le chemin du dcodificateur Mais le schma est pourtant incomplet, parce que le codificateur arrive au mot navire en passant par son sens. Donc, le chemin du codificateur sera: voile navire signifiant

voile

navire

signifi la possibilit quun signifiant

Pour le mtasmme on a renvoie deux signifis:

voile

voile

navire

Dans le cas du mtasmme le changement de la forme accompagne le changement de sens. On arrive comme a la troisime signification du mtasmme:

Initiation la smantique

Le mtasmme remplace un contenu par un autre; le contenu dun mot par un autre contenu. Mais, le nouveau contenu ne peut pas tre indiffrent; parce que faire quun mot accueille une autre signification qui nest pas sa signification propre est une opration dirige. Si le sens dun mot peut tre modifi parce que le sens est pluriel. Le mot (le lexme) est une collection de smes (unit minimale de sens) qui sont nuclaires et contextuels et le total produit un effet de sens ou smme. Les smes qui forment un mot nont pas un ordre linaire, mais une hirarchie peut exister. Une opration de destruction de cet ordre est impossible. Deux grands types doprations sont possibles - la suppression - ladjonction de smes. Exemple de dcomposition smantique: Tte Nu-tte = rsultat de la dcomposition smantique Tte dpingle Tte [+partie du corps] [+partie suprieure] [+cerveau] [+rond] [+couvre-chef] nu-tte [+ partie suprieure du corps] [-couvre-chef] tte dpingle

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[+rond]. Il y a plusieurs types de dcompositions smantiques: 1) dcomposition exocentrique: - du type (et) arbre = racine (et) tronc (et) feuilles (et) branches (et) fleurs. 2) dcomposition endocentrique du type (ou) arbre = olivier (ou) pommier (ou) prunier. Le mtasmme relve de laxe syntagmatique, ne pouvant tre peru que dans un nonc. Mariana Tuescu44 inventorie les traits essentiels du mtasmme : - cest un marqueur dynamique qui repose sur larticulation du discours ; - il est bas sur la manipulation des arrangements des faisceaux de smes, manipulation qui engendrera une figure de signification ; - il repose sur deux oprations (pouvant apparatre sparment ou concurremment) : la suppression ou ladjonction de smes .

44

Mariana Tuescu, op.cit., p. 95.

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III. LES ANOMALIES SEMANTIQUES

Christian Baylon et Paul Fabre45 rappellent le fait que la grammaire philosophique du XVII-me sicle, dans sa proccupation de dceler les mcanismes de la reprsentation, se divisait en deux branches: - une premire, appele grammaire, tudiait la succession linaire dans le discours et refltait les lois de lassociation des ides; - la deuxime, la rhtorique, tudiait les proprits du discours et de ses diverses composantes. Les traits de rhtorique montrent que la construction dun discours comporte plusieurs tapes : 1. Inventio ou recherche des arguments 2. Dispositio ou mise en forme de ces arguments. 3. Elocutio - ou choix des mots et des tours destins orner le discours. 4. Pronuntiatio ou utilisation de la voix et du gestuel. 5. Memoria ou les moyens de mmorisation du discours. Elocutio reprsente lobjet principal de la rhtorique, partie trs importante car elle tudiait les figures et les tropes. Les figures dsignent en gnral les diffrents tours que peut prendre lexpression.

45

Christiana, Baylon, Paul, Fabre, op.cit., p. 195.

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Georges Molini propose de diviser les figures en deux sousclasses : les figures microstructurales et les figures macrostructurales46 dont nous choisissons quelques exemples :Figures diction de Figures microstructurales aphrse (chute dun phonme, dun groupe de phonmes ou de graphmes correspondant au dbut dun mot) Apocope (le mme phnomne en fin de mot) Syncope (chute en milieu du mot) Paronomase (rapprochement dans une phrase des mots de sonorit voisine) blme pour problme les Ricains pour les Amricains prof pour professeur , restau pour restaurant Msieur pour Monsieur Feuilles de jour et mousse de rose / roseaux du vent, sourires parfumes (Eluard, Capitale de la douleur) Apres avoir souffert, il faut souffrir encore/Il fait aimer sans cesse aprs avoir aim (Musset, Posies nouvelles) Ton bras est invaincu, mais pas invincible (Corneille)

Figures de construction

Polyptote (reprise dans une phrase dun terme en lui faisant subir un changement de cas, de genre, de nombre, de personne, de temps, de mode) Drivation (rapprochement de plusieurs mots drivs du mme radical) Anaphore rhtorique (rptition Cest la seule parole qui dun mot ou dun groupe de mots en me reste, cest la seule tte de phrase) rflexion que me permet, dans un accident si trange, une si juste et si sensible douleur (Bossuet, Oraison funbre de

46

Cf. Georges Molini, Dictionnaire de rhtorique, Paris, Librairie Gnrale Franaise, 1992.

Initiation la smantiqueHenriette-Anne dAngleterre) Je ncoute plus rien ; et pour jamais, adieu. / Pour jamais! (Racine, Brnice). Un roi chantait en bas, en haut mourait un Dieu. (Hugo, La lgende des sicles). Ce mur de brume (Hugo, Les travailleurs de la mer) Lonard fut un grand pinceau. Donnez-nous notre pain quotidien !

Anadiplose (reprise dun lment situ en fin de phrase au dbut de la phrase suivante) Chiasme (juxtaposition ou coordination de deux syntagmes dont les termes sont inverss) Les figures de sens ou tropes

Les figures de pense

Mtaphore (labore un rapport de ressemblance) Mtonymie (fonde sur un rapport de simple contigut logique) Synecdoque (fonde sur un rapport dinclusion logique) Figures macrostructurales Antiphrase (ironie) (employer une expression dans un sens contraire son sens littral) Litote (attnuer lexpression de sa il est brave pour dire pense pour faire entendre le plus il est idiot en disant le moins)

Les tropes sont des cas particuliers des figures qui dsignent les figures de mots (lemploi dun mot ou dune expression dans un sens figur). Todorov47 fait une distinction importante entre figure et trope ; il nomme figure toute expression pouvant tre dcrite; il nomme anomalie une sous-classe de figures, plus prcisment les infractions des rgles de la langue. Pour Todorov, les anomalies reprsentent des tropes qui reposent sur une dviation explicite ou non dune rgle du langage qui concerne:

Initiation la smantique

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a) le rapport son - sens (les assonances) b) la syntaxe (lellipse) c) la smantique (mtaphore, mtonymie, synonymie, personnification, allgorie, plonasme) d) le rapport signe - reprsentation (lironie). Les figures sont pour Todorov toute expression pouvant tre dcrite et cette description concerne: 1. le rapport son - sens (la rptition) 2. la syntaxe (lapostrophe, lapposition, la parenthse) 3. la smantique (la comparaison, lantithse, la gradation) 4. le rapport signe - rfrent (description; le tableau, le parallle, la gradation). Les anomalies smantiques La mtonymie est dfinie par Georges Moulini comme un trope, cest--dire une figure de type microstructural 48. La mtonymie opre un changement dans la comprhension logique dun mot, un changement rfrentiel qui rsulte dune suppression ou dune adjonction complte, cest--dire le passage dun terme de dpart D un terme darrive A, passage qui seffectue pas lintermdiaire dun intermdiaire I, qui englobe D et A.I D A

47 48

Tz.Todorov, Littrature et signification, Paris, Larousse, 1967, p.91-118. Georges Molini, op.cit., p. 217.

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Ex. Prenez votre Cline! Lanalyse de la phrase Prenez votre Cline ! prononce par un professeur de littrature qui invite ses lves continuer ltude du Voyage au bout de la nuit nous montre que le terme intermdiaire I sera la totalit spatio-temporelle comprenant la vie de lcrivain, ses amours, ses uvres littraires, ses guerres, son idologie, ; dans cette totalit, Cline et son livre sont contigus. I: la totalit spatio-temporelle Terme co-inclusion dans un ensemble dans un ensemble de smes Intermdiaire co-appartenance une totalit matrielle La mtonymie se caractrise par un cart par rapport la relation normale entre le signe et le rfrent. Pour St.Ullmann, la mtonymie est un transfert de nom (signifiant) par contigut de sens. Cette contigut peut tre: - spatiale; - temporelle; - causale. Exemples: 1. Lieu de production > produit quon y produit: champagne, camembert, cognac, roquefort, bourgogne, panama, cachemire, jersey, mousseline, baonnette 2. Objet > action, vnement. Crmaillre, lit de justice 3. Nom de lieu > ensemble des personnes qui sy trouve Auditoire (salle > personnes) Parterre > (secteur > personnes), loges, galeries, poulailler ou paradis (au thtre), Chambre (des Dputs), Quai

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dOrsay (Le Ministre des Affaires Etrangres qui sy trouve) 4. Rcipient > contenu. pot-au-feu (rcipient > plat) tasse; un verre. 5. Matriaux > objet fabriqu Verre, caoutchouc, argent, marbre, sapin, fer (pe) 6. Nom danimal > produit Une hermine (manteau de fourrure dhermine), blaireau (pinceau pour se raser fait de poils de blaireau), aigrette (faisceau de plumes daigrettes ornant le casque, la tte), 7. Producteur > objet et produit ou Inventeur > objet invent Guillotine, batiste, pantalon, sandwich, grog, praline, savarin, shrapnel, mauser, raglan, bolivar 8. Inventeur > instrument de musique invent ou inventeur > uvre artistique Un stradivarius, un Balzac, un Picasso, du Mozart 9. Animal (partie de son corps) > outil. Chvre, cheval, 10. Abstrait > concret. Gouvernement (action > personnes). 11. Cause > effet. Les bonts, les maux. 12. Effet > cause. Il faut tracer leurs pertes autours de leurs murailles. 13. Signe > chose signifie. Drapeau > patrie. 14. Les mtonymies publicitaires (instrument > agent). Les Ford ont lev le pied.

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Brassens, le pote qui est entr dans les livres de classe avec une guitare et des refrains. 15. le transfert du nom dun objet A attribu un objet B en raison dune qualit commune. Cette mme qualit commune fait attribuer le nom de A un objet C qui la possde aussi. Ex. Racine: la racine des dents, des cheveux, des ongles; racine grammaticale. Mouchoir: pice de linge servant se moucher, prsentant une forme varie. - un mouchoir: un petit carr de tissu que les femmes portaient autour du cou - dans la langue de la marine: pice de bois triangulaire employe pour rparer le bordage dun navire. La mtaphore est appele la reine des figures de style. Elle est un mtasmme, une manifestation du faisceau de traits smiques dune lexie. Dans la conception du Groupe , cette modification reprsente le rsultat de la conjonction de deux oprations de base : laddition et la suppression de smes49. La mtaphore est une comparaison abrge o un terme de dpart D est modifi par un terme comparable intermdiaire I, toujours absent du discours, pour se transformer ensuite un nouveau faisceau de smes qui est le terme darrive. D-> [I]-> A. La dmarche mtaphorique passe donc du S de dpart au S darrive via un terme intermdiaire. La mtaphore se base sur une possibilit danalogie entre le S de dpart et celui darrive et tend la runion des deux termes une proprit qui nappartient qu leur intersection.49

Le Groupe . Rhtorique gnrale, Paris, Larousse, 1970, p. 106.

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D

I

A

Mariana Tuescu affirme que la vocation de la mtaphore est de violer les restrictions slectives des lexmes co-occurrentiels, donc dapparatre comme trangre lisotopie dnotative de lnonc ou elle est introduite 50. Ex.: Le bateau ivre, mes souliers blesss (Rimbaud). Dans ce cas, il sagit de la dcouverte du transfert du trait smique [+humain] propre aux smmes ivre et bless sur le sens des noms marqus par le trait [+concret] bateau, soulier. Il existe des mtaphores lexicalises ou teintes51. Elles apparaissent comme des mtaphores conceptuelles, tant propres au langage quotidien, aux langages techniques et scientifiques. Mariana Tuescu montre que ces mtaphores lexicalises sont formes de structures nominales dont le premier terme dsigne une partie du corps animal ou humain52. Cest le cas des substantifs bouche, pied, bras, dent, tte, il qui sont a la base de nombreuses mtaphores cognitives :

50 51

Mariana Tuescu, op.cit., p. 98. Appele aussi catachrse, la catachrse tant une mtaphore destine combler une lacune du lexique. 52 Mariana Tuescu, Du mot au texte, Bucureti, Editura Cavallioti, 2001, p. 193.

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le pied de la chaise, le pied de la montagne, la tte dun pont, la tte des arbres, une tte dpingle, tte de liste, wagon de tte, les dents dune scie; la bouche du fleuve, le bras dune ancre, le bras dune manivelle, la bouche du mtro, la bouche dun fleuve Il y a un grand nombre de mtaphores lexicalises devenues des lments de dnotation : tuer son temps, le cur de lt, la source du mal, le feu de linspiration, la cl dun problme, la soif des grandeurs, se tuer au travail, donner la chair de poule Elles deviennent parfois matire potique comme dans Ctait un bon copain de Robert Desnos (Corps et biens), lauteur mettant en valeur larbitraire des expressions toutes-faites53 : Il avait le cur sur la main Et la cervelle dans la lune Ctait un bon copain Il avait lestomac dans les talons Et les yeux dans nos yeux Ctait un triste copain Il avait la tte lenvers []. Ex.: Il existe aussi des mtaphores argumentatives, ayant une vise persuasive trs claire. Elles fournissent les informations les plus solide sur le smantisme de la langue. Ce type de mtaphore joue sur les smes nuclaires. [] La mtaphore argumentative se passe de la complicit de lauditeur, elle devient un mode de dnotation de la ralit, tout comme la mtaphore lexicalise ou teinte 54.53

Franck Evrard, Jeux linguistiques. Un mot peut en cacher un autre , Paris, Ellipses, 2003, p. 115. 54 Idem, p. 197.

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Exemple : une toilette de chat (une toilette trs sommaire); un robinet deau tide (une personne bavarde et insipide), quelle bcasse (femme sotte), baptiser le vin, vendre sa dernire chemise, une histoire cochonne, un film cochon On appelle mtaphores synesthsiques un type particulier de mtaphore qui superpose diffrentes sphres sensorielles : un vert acide, une couleur criarde, couleur chaude, frais signal, chant bien doux, note sombre, voix claire, voix sombre, bruit aigu, odeur grasse, odeur lourde, 55. Il existe aussi des mtaphores files56. Elles se trouvent lopposition de celles lexicalises. La mtaphore file rsulte dun enchssement de deux ou plusieurs mtaphores qui appartiennent au mme champ smantique. Ex.: Un bel arbre Ses branches sont des ruisseaux, Sous les feuilles Ils boivent aux sources du soleil Leurs poissons chantent comme des perles (Paul Eluard, La rose publique, in La lumire teinte). Mariana Tuescu interprte le signifi darrive de cette drivation mtaphorique comme tant le ruissellement de la sve . La teneur ou le terme de dpart est vgtal , le vhicule ou le terme intermdiaire y est aquatique . La drivation smique partir de ruisseau engendre boire et poisson, par analogie : oiseaux:branches : :poissons :ruisseaux (le signe : : reprsente une quation)55

Cf. Nicolas Laurent, Initiation la stylistique, Paris, Hachette Suprieur, 2001, p. 57 et Christian Tourantier, op.cit., p. 81-82. 56 Cf. M.Riffaterre, La mtaphore file dans la posie surraliste dans Langue franaise, No. 3, septembre 1969 et La production du texte, Paris, Seuil, 1979.

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Le mtasmme pourrait tre synthtis par la double nutation : vgtaux => aquatique => animaux (poissons) 57 Un autre exemple, emprunt M. Riffaterre, est constitu par deux vers de R.Brock : Rossignol de muraille, tincelle emmure, Ce bec, ce doux dclic prisonnier de la chaux . Selon Mariana Tuescu58, les mtasmmes sur lesquels repose cette mtaphore seraient : TERME DE DEPART a) oiseau b) tincelle c) bec doiseau d) dclic => => => => VECTEUR OU I (de muraille) (emmure) prisonnier du mur en chaux prisonnier du mur en chaux TERME DARRIVEE => commutateur => commutateur => commutateur => commutateur

On y retrouve au fond le mtasmme anim + oiseau => appareil . Un autre exemple de mtaphore file est analys par Mariana Tuescu : Mais, aux lignes, comme si la frquence de la mort, les blessures et les risques ininterrompus fissent chaque homme mourir plusieurs fois, la mort, mise en petite monnaie, perdait sa valeur. Son change tait le plus bas possible (J.Cocteau, Thomas limposteur). Mariana Tuescu affirme que la drivation mtaphorique prend comme sige le lexme mort, dont le mtasmme abstrait ,57 58

Mariana Tuescu, op.cit., p.101. Idem, ibidem.

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continu => objet concret , discret , payable dclenche tout un champ smantique, qui renferme les squences mise en petite monnaie, valeur, le change59. Franck Evrard donne un autre exemple de mtaphore file tir des Femmes savantes de Molire60 : Pour cette grande faim qu mes yeux on expose, Un plat seul de huit vers me semble peu de chose, Et je pense quici je ne ferai pas mal, De joindre lpigramme ou bien un madrigal, Le ragot dun sonnet, qui chez une princesse, A pass pour avoir quelque dlicatesse, Il est de sel attique assaisonn partout, Et vous le trouverez, je crois, dassez bon got. Dans ce cas, cest la mtaphore culinaire qui est file pour voquer un sonnet. Michel Tournier invente dans Vendredi ou la vie sauvage le portrait araucan en cinq touches . Pour tre convaincu que Robinson ait bien compris la mtaphore, Vendredi lui explique comment lutiliser : Cest une mre qui te berce, cest un cuisinier qui sale ta soupe, cest une arme de soldats qui te retient prisonnier, cest une grosse bte qui se fche, hurle et trpigne quand il fait du vent, cest une peau de serpent aux mille cailles qui miroite au soleil. Questce que cest ? Cest lOcan ! 61. TERME DE DEPART a)59 60

mre

VECTEUR OU I => (berce)

TERME DARRIVEE => mer

Cf. Mariana Tuescu, op.cit., p.101. Franck Evrard, op.cit., p. 68. 61 Idem, p. 119.

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b) soupe => () sale c) arme de => Qui te retient soldats prisonnier d) grosse => Qui se fche, bte hurle, trpigne e) peau de => Qui miroite au serpent soleil

=> mer => vagues menaants => tempte en mer => la surface de la mer

La synecdoque exploite la relation lexicale dhyperonymie : - soit que lhyponyme soit mis pour lhyperonyme : pain pour nourriture - soit que lhyperonyme soit mis pour lhyponyme : le quadrupde pour le lion dans les vers de La Fontaine Le quadrupde cume et son il tincelle . La synecdoque opre un changement dans lextension logique du mot. Elle est base sur un rapport de similarit et consiste dans lemploi dun smme qui reprsente une partie pour un smme qui reprsente le tout. Ex.: poignard, fusil, canon > arme bateau, avion > vhicule arbre > espce darbre. La synecdoque joue sur la classification des tres ou des choses voqus. Elle modifie ce quon appelle lextension du mot. Lextension normale du mot pain est fournie par lensemble de rfrents que le mot peut dsigner. Cet ensemble constituant un sousensemble de lensemble nourriture , lextension du mot pain est infrieure celle du mot nourriture . Dans lexemple Donnez-nous notre pain quotidien lextension de pain subit une dilatation considrable, car elle sajuste lextension de son hyperonyme nourriture .

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Ex. la synecdoque du nombre : consiste employer un singulier ayant valeur de pluriel : la vague pour les vagues ou le pluriel pour le singulier : Il fut loin dimiter la grandeur des Colbert pour de Colbert (pluriel emphatique). - la synecdoque de lindividu (antonomase) consiste dsigner un individu spcifique: - par le nom commun de la classe : Le Philosophe pour Aristote , le Roi pour Louis XIII , - par un nom propre dun individu exemplaire de la classe : un Bossuet pour un grand orateur , un Newton pour un grand gomtre . - la synecdoque gnralisante : ils ont des relations pour ils ont une liaison sexuelle 62. - la synecdoque particularisante : cet homme nest tout entier que regard63. Bernard Dupriez64 montre que la synecdoque introduit une distance, ce qui permet divers effets, utiliss surtout dans la diplomatie, pour dire ce que lon ne peut dire : Louis : Cest cause de la bouche que vous me hassez ? Turelure : Non, cest cause du nez et du front ! (Claudel, Thtre, t.2, p. 456).

62 63

Cf. Georges Molini, op.cit., p. 318. Idem, ibidem. 64 Bernard Dupriez, Gradus. Les procds littraires (Dictionnaire), Paris, UGE, 1984, p. 441.

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IV. FORMES ET CAUSES DES CHANGEMENTS DE SENS

1. La forme logique des changements de sens Darmesteter et Bral ont considr les figures de mots (la mtaphore, la mtonymie et la synecdoque) comme les types de base des changements de sens. Les effets de ces figures ont t group dans un ordre logique selon quil y a restriction, extension et dplacement du sens rfrentiel. 1.1. Restriction du sens rfrentiel : Ex. le verbe traire, anciennement tirer , puis seulement tirer du lait des pis dun animal ; Viande vivres, toute espce de nourriture , puis seulement chair des animaux de boucherie . 1.2. Extension du sens rfrentiel : Ex. boucher marchand de viande de bouc , ensuite marchand de viande en gnral ; Aller (du latin ambulare marcher, se promener ) a pris un sens beaucoup plus gnral. Dplacement du sens rfrentiel : Ex. couvent au XVIII-e sicle, asile o les femmes peuvent trouver gte et nourriture le sens actuel (pour les religieuses).

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A ces trois types de changements de sens, Christian Baylon et Xavier Mignot ajoutent les renforcements et les affaiblissements de sens65 : 1.4. Renforcement du sens rfrentiel : Ex. gne, qui vient dun mot dsignant lenfer dans la tradition juive (cest le mme mot que Ghenne , nom dune valle proche de Jrusalem o les damnes doivent tre regroupes la fin des temps) est, lpoque classique, un quasi synonyme de torture , alors que le sens actuel ne dsigne plus quun malaise, un dsagrment. 1.5. Affaiblissement du sens rfrentiel : Ex. gnie, indiquait le temprament naturel, bon ou mauvais, dune personne ne sapplique quaux qualits exceptionnelles, favorables66. 2. La forme smantique des changements de sens 2.1. Le conservatisme linguistique St.Ullmann67 montre que les changements de sens dorigine historique et extralinguistique sont dus linstinct conservateur de la langue, au conservatisme linguistique. Il sagit dune tendance utiliser des mots qui existent dj avec de nouveaux sens , quand la ralit ou les connaissances ont chang. Donc, rfrents neufs, termes anciens.65

Christian Baylon, Xavier Mignot, Smantique du langage. Initiation, Paris, Nathan, 1995, p. 215. 66 On peut parler du gnie du mal, mais, dans ce cas, cest le contexte qui entrane linversion smantique. 67 Ullmann, St., The Principles of Semantics Basil Blackwell, Oxford, 1963, p. 171-257, apud Christian Baylon, Paul Fabre, La smantique, Paris, Nathan, 1978, p. 206.

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Ex:

changement rfrentiel : artillerie - dsignait un certain type darme lpoque mdivale et lpoque actuelle. Fusil, avant dtre le nom dune arme, dsignait une sorte de briquet ; tirer amener soi a pris des sens multiples : tirer larc tirer sur quelquun tirer des coups de pieds au but en football Une autre source possible des changements de sens est constitu par lapprhension subjective de la chose. Ex.: lectricit, forme garde mme aprs la dcouverte scientifique dcisive sur la nature du phnomne. 2.2. Changements de sens dus linnovation linguistique Linnovation linguistique propose des mots nouveaux pour des ralits nouvelles : Ex. aroplane, avion, automobile, fax Mais, lutilisation de termes nouveaux pour des rfrents anciens est aussi possible : Ex. les traducteurs, avant de sappeler interprtes, taient dnomms truchements. - lanimal que nous appelons renard a dabord t en franais un goupil (du latin vulpes) Les changements de sens dus linnovation linguistique touchent ou bien le transfert du nom ou bien le transfert du sens. Pierre Guiraud affirme que ce classement englobe, en les mettant en vidence, les caractres de la signification ; dune part la similarit signifiant (nom) signifi (sens) ; dautre part la nature psycho-associative du procs sous sa double forme, similarit ou contigut des images mentales associes 68. Ex: chapeau - nous fait penser :68

Pierre Guiraud, op.cit., p. 50.

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-

similarit de sens - casque, bret. contigut de sens: tte, veston similarit de nom : chapelle, chapon, drapeau, crapaud contigut de nom : claque, melon (dans des expressions comme chapeau-claque, chapeau-melon).

St.Ullmann69 propose le tableau suivant : Changement dus linnovation linguistique I. Transfert du nom a) par similarit entre les sens (dont la mtaphore) - transfert direct : - similarit substantielle : feuille darbre > feuille de papier - similarit synesthsique : une couleur chaude, une sombre menace - similarit affective : des sentiments cordiaux, un caractre doux - transfert relay par analogie : - lintrieur dune mme langue : polir prend en argot le sens de voler ; ses synonymes nettoyer, fourbir galement - entre deux langues diffrentes : franais dada (cheval> occupation favorite ) sur langlais hobby (< hobby horse: cheval de bois) b) par contigut entre les sens (dont la synecdoque et la mtonymie) - transfert direct: - contigut spatiale : bureau toffe > section dun tatmajor - contigut temporelle : vpres : soir > office religieux69

Apud Christian Baylon, Paul Fabre, op.cit., p. 207.

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-

contigut causale : fusil pierre feu > arme psudo-synesthsie : la noirceur parfume de ses cheveux pour ses cheveux bruns et parfums

II. Transfert du sens a) par similarit entre les noms - contagion phontique : fors-bourg (en dehor du bourg) = faubourg ( faux-bourg ) - tymologie populaire : cration de monikini sur bikini (le du Pacifique o eurent lieu des explosions atomiques, puis maillot de bain deux pices. On a cru que bi- tait le grec bi = deux et on a cr monkini pour dsigner un maillot de bain fminin rduit au slip : monos = un seul). souffreteux pauvre > de sant fragile b) par contigut entre les noms : ellipse : ville capitale > la capitale contagion syntaxique : point, pas, rien ont acquis une valeur ngative au contact constant de ne. 3. La vie des hommes Christian Baylon et Paul Fabre70 montrent que la vie en socit est faite de contraintes et connat beaucoup dexigences : la recherche dune communication efficace, claire, expressive, dcente, civile, la recherche dune communication adquate. En parlant, les hommes se retrouvent dans un rseau dimpratifs sociaux. Mais, en mme temps, ils sont soumis des tendances psychologiques diverses : interdits, tabous, affectivit, recherche du moindre effort, etc. On voit donc que les causes des changements de sens sont dues aussi la vie socio-psychologique des hommes.70

Christian Baylon, Paul Fabre, op.cit., p. 207.

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Causes psychologiques : 1. La loi du moindre effort entrane des phnomnes comme: - lellipse Ex.: Un verre de vin de Bordeaux un verre de Bordeaux un Bordeaux. Chemin de fer mtropolitain mtro - la troncation: Ex.: un vhicule automobile > un automobile, une auto. - labrviation: Ex. B. B., C.G.T., T.G.V. 2. La recherche de lexpressivit - nomination (cognitive ou expressive) par la mtaphore (procd qui consiste donner un objet un nom qui dsigne dj un autre objet, auquel on le compare : bras de la rivire, feuille de papier, toile de mer, bras de rivire). 3. La recherche de la civilit, aspect trs important dans la communication. Ex. On sue on transpire ou bien le petit coin, aller la selle, dcder, La recherche de la civilit peut facilement engendrer la prciosit. Influence des classes sociales Des causes dordre social entrent souvent en jeu. La socit est divise en classes, en groupes professionnels divers qui ont chacun leur tat desprit, leurs proccupations et tendent avoir leur langue (largot, les jargons). Ainsi, certains mots utiliss spcialement par une catgorie limite de personnes pourraient voir restreindre leur sens premier :

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Ex. ponere, poser en latin classique, va donner pondre dans les milieux agricoles du Moyen- Age. 4. La vie des choses Lvolution de la socit sur tous les plans (institutionnel, moral, matriel) a des influences directes sur lvolution du lexique. La mort de la chose entrane la mort du mot (si le mot vieillit au point de ntre plus compris, cest que la ralit extralinguistique quil signifiait a disparu). Ex.: un pourpoint, fraise, crinoline (vtements); le bailli (institution au Moyen Age) Par contre, la naissance des notions techniques nouvelles entrane lapparition de mots nouveaux (aroplane, aronef, avion, hlicoptre). Ex.: papier (signifiait feuille de papyrus, maintenant la matire fabrique avec des fibres vgtales rduite en pte, tendue et sche pour former une feuille mince). Atome (le sens a beaucoup volu partir de Descartes jusqu Einstein). Il y a aussi des causes sociales, car la plupart des mots ont plusieurs sens en fonction des contextes dans lesquels ils sont employs et chacun de ses sens est privilgi dans certains groupes sociaux qui appartiennent la mme communaut linguistique une poque donne. Il y a des mots qui appartiennent un seul de ses groupes sociaux : ce sont les mots techniques. Il y a des modifications de sens dues au passage du mot dun groupe social un autre. Christian Baylon et Paul Fabre71 les rsument en deux grandes directions:71

Christian Baylon, Paul Fabre, op.cit., p. 210.

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a) extension de sens par gnralisation: Ex.: baliser (terme de navigation maritime) > est pass dans le langage gnral de la navigation (baliser une piste) arriver > atteindre la rive > atteindre un point quelconque b). restriction de sens par spcialisation : le verbe traire tirer a pris le sens prcis que nous lui connaissons en perdant son emploi gnral dans la langue et en se restreignant au lexique agricole. 5. Evolution des murs Le sens peut changer parce que la chose a chang : Charles V dnait vers 10 heures du matin (dner, comme son doublet djeuner, veut dire tymologiquement rompre le jeune : disjunare). Lheure de ce repas a progressivement recul pour atteindre le soir au cours du XIX-e sicle. Dner a chang de sens (quoique dans certaines provinces il dsigne encore le repas du midi) et djeuner la suppl (lui mme remplac par petit-djeuner). 6. La vie des mots La psychologie populaire et lhistoire des faits de civilisation peuvent tre des causes du changement de sens des mots dune langue. Cette explication a t rendue clbre par Darmsteter dans son ouvrage La vie des mots tudie dans leurs signification (Delagrave, 1887). Il y a plusieurs types de causes des changements de sens : - des causes linguistiques qui peuvent tre dordre phontique, morphologique ou syntaxique eu qui prsident aux changements de sens des mots du lexique. Elles donnent naissance aux phnomnes suivants :

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a). tymologie populaire, cest une fausse tymologie (appele encore attraction ou drivation paronymique) par laquelle le locuteur rattache deux formes qui nont aucune parent du point de vue de leur origine. Ce phnomne de contagion d une ressemblance formelle contribue rapprocher smantiquement les termes qui le subissent. Ex. le locuteur franais voit choux et crote dans choucroute, alors que ce mot est issu de lallemand dialectal surkrut (sauerkrau) qui signifie aigre-chou . Ex. souffreteux ( suffracta) qui voulait dire pauvre a t rapproch de souffrir et signifie maintenant de sant frle . b). lhomonymie cest un conflit entre deux formes voisines. En gnral, la langue saccommode bien des homonymes, car, la plupart du temps, cest le contexte qui dsambiguse les confusions ventuelles. Ex. : un seau deau / ce grand sot de Tissotin Christian Baylon et Paul Fabre72 montrent que cependant, il arrive que lvolution conduise deux formes diffrentes se confondre en une seule sans que le contexte puisse distinguer clairement les deux sens des deux formes originelles. Il y a alors tlscopage ou conflit. Ex. : Dans certains points de Lozre (zone o c + a latin reste intact), loccitan cabal cheptel (lat.vulgaire capale pour capitale) sest trouv confondu avec cabal cheval (caballu). Pour remdier cette situation, la langue a abandonn cabal, phontiquement rgulier, pour utiliser la forme [ta b a l] chabal, emprunt aux parlers situs plus au nord (o c + a passe [t])72

Christian Baylon, Paul Fabre, op.cit., p. 211.

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Otto Duchacek73 propose une analyse trs fine des causes des changements de sens :

Changements occasionns par 1. des faits linguistiques a. influence de la parent smantique

Types de changement le sens dun mot peut se modifier quand le sens plus ou moins proche dun autre change ou sort de lusage attraction lexicale influence de la forme du mot : de leffet acoustique quil produit par sa propre structure phontique - tymologie populaire - contamination - scission - perte de la conscience des liens smantiques des mots tymologiquement apparentes - influence du contexte sur le sens des mots

Exemples quand poire prend le sens de tte en argot, dautres noms de fruits, calebasse, citrouille,, deviennent des dnominations argotiques de la tte. fr.pop. tte doreiller pour taie doreiller latin murmur grondement du tonnerre fr. murmure bruit sourd et confus jour ouvrable = o lon ouvre le magasin ; motel=moteur+auto+htel lat.disjunare2 mots en fr. djeuner et dner ; garon/garce ; dbarcadre (driv de barque) dun chemin de fer ; journal mensuel elle est ge/elle est ge de dix-huit ans

b. influence de la ressemblance formelle

c. influence simultane de la ressemblance de la forme et du sens

73

Apud Christian Baylon, Paul Fabre, op.cit., p. 212-213.

Initiation la smantique d. conversion et transposition 2. des faits psychiques a. connexit de choses et dides changement de parties du discours - glissement de sens (mtonymie) - symbole -concrtisation -abstraction -extension de sens - restriction de sens - ellipse - mtaphore la fte battait son plein ; le laisser-faire Paul aime la table (la bonne chre) conduire lautel (pouser) charit = aumne la profondeur dune ide it. andare a cavallo su un asino fortun = favoris par la fortune riche un tte--tte un candidat parachut il la plaque Il est cousu dor Elle mempoisonne tous les jours Manie = folie partielle habitude bizarre Cest un bon bougre Dupe = idiot tromp Vulgaire = commun grossier Gros mal, maladie de Naples, maladie honteuse = syphilis Nom de chien ! = nom de Dieu ! Avaloir, sifflet, gavion, gargamelle, quiqui = cou Une jolie laide Un beau monsieur =

b. sentiments

- hyperbole - affaiblissement - amlioration de sens - dgradation de sens - euphmisme - tabou dysphmisme (remplacement dun mot sans nuance affective par un mot pjoratif) - ironie

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71 coquin Clrical = appartenant au clerg partisan du clerg et de sa prpondrance politique Libertinage = incrdulit religieuse drglements des murs Ministre = serviteur directeur dun ensemble de service Gauchiste, hippy Flegme=mucosit, pituite sang-froid Acide = aigre compos hydrogn

3. des facteurs externes rapport entre lhistoire du peuple et lvolution du lexique

- substitution des signifies - dgradation de sens - amlioration de sens - dnomination des nouvelles notions (nologismes) - passage de mots des langues spciales dans la langue commune - passage de mots de la langue commune dans les langues spciales -

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V. LA SEMATIQUE STRUCUTRALE DIACHRONIQUE

Le point de vue structural en smantique diachronique Le terme structuralisme sapplique diverses coles linguistiques. Ex.: - la glossmatique de Hjelmslev; - lcole de Bloomfield; - toutes les coles linguistiques du XXe sicle. Le sens du mot structure est trs important: toute thorie, nimporte quelle son orientation, qui envisage la langue comme un systme cohrent o tous les lments sont interdpendants. Fidles cette conception, Ullmann considre que la smantique historique sapplique ltude des groupes de mots, lvolution smantique tant inscrite dans le systme des valeurs oppositives. Pour dcrire un systme smantique on fait recours des champs morpho-smantiques, cest--dire des associations formelles et/ou smantiques qui entourent