1913 - sur la tombe de huysmans

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huysmans

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  • Vof OT

    39003002518-161

    AWA

  • Sur la Tombede Huysmans

  • Ouvrages de LON BLOY

    Le Rvlateur du Globe (Christophe Colomb et sa Batification fu-ture}. Prface de J. Barbey d'Aurevilly.Propos d'un Entrepreneur de Dmolitions.Le Pal, Pamphlet hebdomadaire ( les 4 numros parus ).Le Dsespr, roman.Christophe Colomb devant les Taureaux.La Chevalire de la Mort 'Jtfarie-Antoinette).Le Salut par les Juifs.Sueur de Sang (1870-1871), avec un portrait de l'auteur en 1893.Lon Bloy devant les Cochons.Histoires dsobligeantes.La Femme Pauvre, pisode contemporain.Le Mendiant Ingrat (Journal de Lon \ Bloy J.Le Fils de Louis XVI, avec un portrait de Louis XVII, en hlio-

    gravure.Je m'accuse... Pages irrespectueuses pour Emile Zola et quelques

    autres. Curieux portrait de Lon Bloy, 18 ans.Exgse des Lieux communs.Les Dernires Colonnes de l'Eglise. Coppe. e R.p. Judas.

    Brunetire. Jfugsmans. $ourget, etc.}Mon Journal (Dix-sept mois en Danemark)suite du Jtfendiant Ji\-

    grat.

    Quatre ans de Captivit Cochons-sur-Marne, suite du Jfien.diant Jngrat et de Jtfon journal. Deux portraits de l'auteur.Belluaires et Porchers. Autre portrait.L'Epope Byzantine et G. Schlumberger.La Rsurrection de Villiers de l'Isle-Adam.Pages choisies (1884-1905). Encore un portrait.Celle qui pleure (Notre Dame de la Salette), avec gravure.L'Invendable, suite du Jtfendiant Jngrat, de Jtfon Journal et de

    Quatre ans de Captivit Cocfjons-sur-Jtfarne. Deux gravures.Le Sang du Pauvre.Le Vieux de la Montagne, suite du Jtfendiant Jngrat, de Jfion

    Journal, de Quatre ans de Captivit Cocqorjs~sur-Jyfarne,et del'Jnvenda-ble. Deux gravures.Vie de Mlanie. Introduction par Lon Bloy.L'Ame de Napolon.Exgse des Lieux communs (Nouvelle srie).

  • JUIl 2 4 1972

    LEON BLOY

    Sur la Tombe

    de Huysmans

    PARIS

    Collection des Cvriosits Littraires

    49, Rue Pernety, 49

    BIBUOTHECAAtavionsit

  • EXEMPLAIRE SUR PAPIER VERG

    isr 268

    rf/S$/?/3

  • A Marguerite TERMIER

    Je vous offre ces vieilles pages, ma chre

    enfant, parce que vous tes douce et bonne

    pour moi.

    Quand je les crivis, vous n'aviez pasencore fait votre entre dans ce monde etje n'avais moi-mme d'autre exprience quecelle de la misre et de plusieurs autrestourments.

    S'il vous arrive de souffrir, un jour, sou-venez-vous, en chrtienne, du vieil crivainqui aura pass devant vous comme uneombre douloureuse.

    LON BLOY.

    Novembre 1913.

  • ]

  • Vcfb^dbvrfb^rfbVcfbVcfbvrfbVcfbVcfbvrfbvdbVcfb

    OU donc est-elle, cette pauvre tombe ?Voil plus de six ans qu'il est mort, le

    malheureux, et on pourrait le croire enterr

    depuis un sicle.

    Ceux qui voulurent l'admirer, quand il paraissaittre un vivant, s'tonnent aujourd'hui de ne plus re-trouver un atome de sa poussire et les tristes livres

    qu'il a laisss n'ont mme plus leur ancien pouvoird'ennuyer, tellement ils sont devenus indchiffrables!

    Jlyant t son aptre, hlas! ayant travaill et

    souffert longtemps pour qu'il devnt un chrtien,

    l'excessive mdiocrit de sa nature exigea que je fussepay aussitt de la plus affreuse ingratitude et que jecontemplasse en lui le plus extraordinaire avortement

    de la Grce.

    3tfCon disciple fut acclam par nos catholiques, etcela dit tout.

    Sa religion de bibelot et de bric--brac leur parutl'effet d'une intimit divine, et ils avalrent que l'in-

    dcrottable naturaliste d'A vau-leau se compartlui-mme aux plus grands crivains chrtiens.

    Les pages qu'on va lire marquent deux poques.

    Les premires furent crites avant la conversion de

    Huysmans, alors que, plein, d'esprance et ne pr-

    voyant pas les atroces dboires qu'il me rservait, je

  • ucn 10

    le caressais avec un grand zle. Les autres exprimentYamer dsenchantement qui vint ensuite.

    On ne manquera pas de m'accuser de contradic-tion ou d'inconstance, ce qui m'est tout fait gal.On est venu me demander ces chapitres inutili-ss jusqu'ici, ayant t refuss par l'diteur Stockdans son dition de Belluaires et Porchers,e/ qui peu-

    Vent avoir une importance au point de vue de notre

    histoire littraire. Pourquoi n'y consentirais-je pas ?

    On me reprochera peut-tre aussi de manquer derespect envers un dfunt. " La mort ", disait autre-fois Jules Valls, " n'est pas une excuse ".

    LON BLOY.Bourg-la-Reine, Octobre 1913.

    Apparition de Saint Michel surle Mont TOMBE.

  • floant la onoepsion

  • ^^^^^
  • x/i 14 'Jon

    part de ceux qui me lisent et s'il m'avait t ac-

    cord des mains de profanateur, je craindraismoins de toucher ce sujet redoutable. C'estpeut-tre ce que j'ai rencontr de plus troublant...

    Mais rassure-toi, mon cur, personne n'y com-prendra rien. Si je dis tout, les pntrants croiront

    une simple fumisterie, et, si je me rserve, lespntrs affirmeront que je suis congnitalementenclin une dplorable exagration.

    (< Quelqu'un veut-il voir Cloptre au lit ?

    Cloptre morte et puante ? Quelqu'un a-t-il lule dernier livre de Huysmans, uvre mor-

    bide et dsole dont le titre, R Rebours, ne mon-tre pas, par malheur, l'enrayante profondeur de

    spiritualisme et la surprenante nergie de rproba-

    tion, au nom de l'idal saccag ?

    Eh bien ! Huysmans le naturaliste, l'auteur desSurs Vatard, le collaborateur de Zola et de sarpugnante clique dans les Soires de Mdan, s'of-fre aujourd'hui comme le Iamentateur solitaire duspiritualisme chrtien dcd. Cela est infiniment

    inattendu, infiniment tonnant, c'est peut-tre ce

    qu'on pourrait imaginer de plus confondant, mais

    cela est, Dieu sait avec quelle intensit !Son livre, espce d'autobiographie lapidaire,

  • /r. 1 5 UOH

    forme d'pitaphe, dnonce toute page lenant, l'irrparable nant de tous les tais parlesquels La vieille entit psychique fait semblant

    de se soutenir encore. Puisque, comme un raz de

    mare, les vagues de la mdiocrit humaine mon-tent dsormais jusqu'au ciel et vont engloutirtout refuge

    ,puisqu'en dpit des mensonges mo-

    dernes, il ne se trouve pour les mes suprieuresnul rconfort dans l'universelle bourbe contem-

    poraine, puisqu'enfin, ces intelligences malheu-

    reuses ont perdu jusqu' l'effroyable ressource

    d'un mprisant et hautain pessimisme, et que l'impossible croyance en une vie future serait

    seule apaisante, que faire? que diable faire?

    On ne peut pourtant pas rengainer le d-got et se remettre l'auge cochons. C'est au

    moins aussi impossible que de croire la viefuture.

    Le Sphinx est revenu, mille fois plus formida-ble. Son nigme ne porte plus sur l'homme main-tenant, mais sur Dieu, et aucun dipe ne seprsente pour rpondre. Tout ce qui nourrissait

    l'enfance des peuples est insuffisant et a|fadi.Thologies, philosophies, arts et littratures sontconvaincus d'impuissance et d'insapidit-La vieillesilique de l'esprance croupit dans le rince-pieds

  • ooo 16 vx>

    rationaliste et le dlectable fruit nourricier refuse

    absolument d'apparatre.

    Les dpendeurs d'andouilles du progrs indfiniet les rouftaquiers de la politique ne semblent pas

    faits pour prodiguer la consolation et leurs resse-

    mels boniments ne peuvent avoir, sur l'hommerare non atteint de jobardisme, qu'une actionpurement dtersive. Aucune illusion n'est plustenable, il faut goinfrer comme des bestiaux ou

    contempler la face de Dieu.

    Je ne vois pas de livre contemporain qui pro-nonce plus dfinitivement que celui-l, et dans

    une forme plus angoissante, cette alternative. II

    n'y a pas une page o l'on puisse se reposer oureprendre haleine dans un semblant de scurit-

    L'auteur ne vous offre jamais de sige. Dans cedfil kalidoscopique de tout ce qui peut intres-

    ser un degr quelconque la pense moderne, iln'est rien qui ne soit fltri, bafou, vilipend et

    maudit par ce misanthrope qui n'accepte pas que

    l'ignoble homme qu'il voit partout soit la vraie finde l'homme et qui demande perdument un Dieu.A l'exception de Pascal, personne n'avait encoreexhal d'aussi pntrantes lamentations.

    Mais encore, Pascal avait un Dieu idal quitait, aprs tout, l'invisible Samaritain de sa d-

    tresse et qui pansait ses blessures. D'ailleurs, il

  • jr. 1 7 'JOr.

    tait d un sicle o quelque chose coulait encoredes fontaines de lait du Moyen 5\ge et il ignoraitles puisements et les desschements du ntre. IIavait les mollients de quelques amusettes in-

    tellectuelles. II tait jansniste et admirait aumoins Montaigne. II s'asseyait quelquefois, avecune rr.oiti de bonhomie, chez ce glaireux mar-chand de capotes philosophiques.

    Ici, rien de pareil, nous sommes l'extrmit de

    tout. Le catholicisme ne sufft pas cet enrag,

    parce que la prsence eucharistique relle n'est

    pas assez, il lui faut la prsence sensible, quoi-qu'il ne le dise pas et quoique, peut-tre, il

    l'ignore. C'est le mal trange et nouveau des

    tres suprieurs en cette fin de sicle (1) si myst-rieusement exceptionnelle. On ne veut plus d'unDieu qui se cache. On commence vouloir d'unChrist visible des yeux du corps, clatant, fulgu-

    rant, terrible, incontesiable. On se dit que leshommes qui vivaient Jrusalem ou en Galiledans les premires annes de l're chrtienne, ontpu voir Celui que les Chrtiens adorent et quel'Eglise catholique appelle Dieu fait homme etPre des pauvres

    ;qu'il leur tait sans doute plus

    (1) Ecrit en 1884. J'tais, alors, jeune encore, et celase voit, surtout lorsque je nomme Pascal, vingt lignesplus haut. L. B,

  • uor. 1 8 '&

    facile de croire en lui et que l'innombrable multi-

    tude des autres venus plus tard, ports sur la pente

    des sicles, cahots dans les ornires fangeusesde l'histoire, crass par toutes les pousses ho-micides de la philosophie ou du scandale, ont davoir infniniment plus de mrite livrer leur

    cur et leur raison.

    Tous les livres qui ont en eux un atome de puis"

    sance ou de gnrosit disent cela depuis une

    moiti de sicle. Ils le disent de faon ou d'autre,

    souvent mme sans s'en apercevoir, car c'est letressaillement profond de la terre, comme si quel-

    que chose d'immense et d'inou approchait enfn.Jamais, en efet,Ies thories humaines n'avaient

    sonn aussi creux ; jamais les formules d'artn'avaient t plus exaspres et plus vaines; jamaisle sentiment religieux n'ava Jt subi un si prodigieux

    dchet;jamais le riche n'avait t plus goste,

    pi us navement cruel, et le pauvre plus frocementimpatient

    ;jamais, enfn, il ne s'tait prpar par

    la guerre ou par le sordide trafic de toutes les fa-

    cults de l'tre pensant, une terre moins tenableet une humanit plus dmoniaque.

    Voil, en toute vrit, ce qui se dgagede l'tonnant livre de Huysmans, naturaliste

    nagure, maintenant spiritualiste jusqu'au mys-

  • ocr. 19 '//:

    ticismc (1) le plus ambitieux, et qui se spare

    autant du crapuleux Zola que si tous les espaces

    interplantaires s'taient soudainement accumulsentre eux. Lisez plutt la hautaine et abolissante

    pigraphe de son livre.

    II arrive mme cette chose significative que desEsseintes, le personnage fictif et unique d'^l Re-

    bours, qui n'est que le prte nom littraire de

    l'auteur, se fait ermite pour chapper aux attou-chements impurs, aux salissantes promiscuits dela vie sociale. Ce n'est ni saint Paphnuce ni saintAntoine, il n'extermine pas sa chair dans la soli-

    tude, oh ! non. Mais il fuit la face des hommes,mais il est anxieux d'une Essence suprieure et

    c'est vraiment un fier acompte sur la profession

    rmitique.

    La forme littraire de Huysmans rappelle cesinvraisemblables orchides de l'Inde qui font si

    profondment rver son des Esseintes, plantesmonstrueuses aux exfoliations inattendues, aux

    inconcevables floraisons, ayant une manire devie organique quasi animale, des attitudes obsc-

    nes ou des couleurs menaantes, quelque chose

    comme des apptits, des instincts, presque une

    volont.

    (1) Bavardage serait plus exact. L. B.

  • yr> 20 'JOO

    C'est enrayant de force contenue, de violence

    refoule, de vitalit mystrieuse. Huysmanstasse des ides dans un seul mot et commande un infini de sensations de tenir dans la pelure tri-

    que d'une langue despotiquement plie par luiaux dernires exigences de la plus irrductible con-

    cision (1). Son expression,toujours arme et jetantle dfi, ne supporte jamais de contrainte, pas m-me celle de sa mre l'Image, qu'elle outrage lamoindre vellit de tyrannie et qu'elle trane con-tinuellement, par les cheveux ou par les pieds,

    dans l'escalier vermoulu de la Syntaxe pouvante.

    Aprs cela, qu'importe la multitude des contra-dictions ou des erreurs qui tapissent, la manired'anormales vgtations, le fond d'un livre o sedverse, comme dans la nappe d'un gclfe maudit,

    tout l'azur de l'immense ciel ? Qu'importe, parexemple, que l'a|freux cuistre Schopenhauer soitpresque gal l'auteur de YImitation; Joseph de

    Maistre jug ennuyeux et vide, par la plus incom-prhensible des rpugnances, et mis au-dessous

    de cet acadmique plumassier M. de Falloux ?

    Qu'importe que des Jocrisses dments tels queMallarm soient adors au dsert par cet hbreuen plein Exode, tandis que Barbey d'Aurevilly est

    (1) Que pourrait-on dire de plus d'un crivain degnie? L. B.

  • "xr. 21 "-/2c

    prtendu sadique et divagateur sacrilge ? Cette

    dernire ide est un reste de la vieille vidange na-

    turaliste de M. Zola d'o l'auteur vient peine de

    s'lancer et dont il n'y aura bientt plus, je l'es-pre, une seule crotte sur son talent ni sur sa

    pense.

    Un crivain d'une telle sant de mpris qu'il a

    pu s'lever, absolument seul, jusqu' la concep-tion mystique de la joie au-dessus du temps,

    malgr la plus abrutissante des ducations litt-raires et qui montre cette squalide socit

    contemporaine, si persuade d'avoir escalad leMystre, le buste rigide et terrifiant du Sphinxternel ! II me sufft d'avoir vu cela devant quoi

    tout s'e|face.

  • rri'i'i'l'i'ri'vfi'r

    jluysmans wa ss? ski

    et son dernier Livre

    UNE occasion superbe de baver se prsenteinopinment. Que la multitude des vis-

    queux soit dans l'allgresse ! Le nouveau livre de

    Huysmans, En Rade, vient de paratre.Cet artiste fut beaucoup tran dans les ordures

    et conspu royalement ds son dbut. On se sou-vient encore de l'ouragan de salive et du compis-

    sement procellaire de toutes les presses l'appa-

    rition de Marthe et des Surs Vatard. Les tradi-tionnelles archives du bgueulisme et de la pudi-cit sociale, dont la critique des journaux est l'im-macule chambellane, furent, en ces temps-l,

    vides de leurs trsors, et la besogne de vituprer

    ce romancier fut si copieuse, que la clef des

    sacres chancelleries de l'indignation, qui se vert-

    de-grisait auparavant dans les dos des fonctionnai-

  • ur. 24
  • va 25 'Jor.

    i Ce sicle a horreur de la page crite . Le plusgrand penseur de la terre supposer qu'un tel

    monstre pt natre viable avec une seule tte se

    coulerait et se fricasserait lui-mme jamais, s'ils'avisait, une seule fois, d'crire avec loquence.

    Telle est la norme fatidique, inluctable !

    L'insuccs du nouveau roman de Huysmans estdonc assur, - princirement. Le pessimisme del'auteur a d l'y prparer,et l'homme d'R Reboursest, sans doute, invulnrable tout juvnile es-poir d'une justice littraire dcerne par les con-temporains du gros Sarcey. II se satisfait heu-

    reusement d'crire pourl'intactile pince d'artistes

    que l'ammoniaque rpublicain na pas encore suf-foqus. II suffit de lire deux pages d'En Rade pourque l'vidence de ce parti pris clate. Jamais onn'alla aussi loin dans le dgot de la vie, dans levomissement de ses frres et, en mme temps,jamais une aussi totale satit de la farce humainene fut exprime dans une aussi glaciale ironie !

    7\ Rebours, certes, est dpass. La nouvelle

    uvre est non seulement plus amre encore, plusdsolamment ngatrice de toute joie terrestre,mais le style mme s'est affin, paraffin, sublim,jusqu' ressembler cet effrayant mtal qui re-

  • v/; 26 Jon

    frne les virus infmes quand il est dans son tat

    fluide, et qui, solidifi par un froid atroce, devient

    un projectile capable, dit-on, de percer desmadriers.

    Seulement les mes contemporaines sont mate-lasses d'une paisse toison de btise impn-trable n'importe quelle balistique de l'Art. D'ail-

    leurs, en admettant, une minute, que la forme et

    la couleur de ce livre surprenant pussent tre

    acceptes d'un tel public, il resterait encore lesides et les sentiments qu'aucune suggestion ne

    pourrait lui faire endurer. L'intensit de l'cri-

    vain chez Huysmans est, surtout, dans son m-pris. II ne faut pas chercher ailleurs. Ce mpris,le plus complet qu'on ait jamais pu rver, n'a be-soin d'aucun exutoire spcial, ni d'aucune gueule

    cratriforme, pour se rpandre. L'auteur bien

    connu d'p^ Rebours n'a pas du tout les alluresignivomes d'un imprcateur, et le fEux torrentiel

    d'une verte bile n'est, en lui, que l'illusion littraire

    de quelques vanits ombrageuses que, pacifique-mental tarauda. Indconcertable et frigide, il spute,

    sans motion, sur les plates-bandes varies os'panouissent les puantes Heurs des incomes-

    tibles lgumes de l'art moderne, et voil tout cequ'il veut s'accorder, cet inemballable contemp-

    teur. Mais Dieu sait que cela sufft !

  • XK 27 JT.

    Depuis le scandale des Soeurs Vatard, Huys-

    mans est en pleine jouissance d'une tiquette querien ne pourra dcoller. Son nom est devenu sy-

    nonyme de pornographe 9, absolument comme

    celui du signataire de ces pages est voca-teur de tout vocable scatologique. Nul remde ces identiques radotages. On userait les plus c-lestes dictionnaires raconter Pempyre que I'au-gurale formule ne varierait pas. Dans une fin de

    sicle aussi profondment hypocrite,o le signe dela pense parat avoir enterr la pense dfunte,

    le plus lgitime emploi de certains mots est un

    attentat que nul ne pardonne, et jusqu' la plusdfonce des immmoriales catins rcupre, uninstant, sa virginit pour s'en indigner dans son

    puisard !

    Ce qu'on a voulu dsigner du nom mai faonnde naturalisme et qui reprsente pour la mul-

    titude quelque chose comme un prytane d'or-

    dures, n'est, en dernire analyse, qu'un rcent

    effort de l'esprit humain vers un art nouveau, d-finitivement affranchi des paradigmes culs de la

    tradition. C'est un ngoce d'idal, au mme titreque le romantisme qu'il a remplac, o l'essen-tielle et unique affaire est, avant tout, d'avoir du

    talent ou de n'en avoir pas. Cette primordiale

    question n'a jamais chang. Qu'importe l'oiseuse

  • /n 28 r">

    qualification de naturaliste, quand il s'agit d'un

    romancier transport par sa vocation, dont le so-

    litaire idal est d'treindre la ralit sensible com=-

    me on ne I'treignit jamais, de reflter, de rper-cuter, de transcrire en haut relief les normales

    sensations ou les symboliques images de la vie,et

    qui n'a vraiment besoin des consignes d'aucune

    cole pour tre persuad que toutes les couleurs

    sont ncessaires l'artiste qui veut tout peindre ?

    La gense intellectuelle de Huysmans est com-mune la plupart des crivains de sa gnration,

    plus ou moins infrieurs lui. Si l'on veut toute force qu'il ait eu un matre, c'est Flau-

    bert qu'il faudrait nommer, et encore, l'herm-

    tique Flaubert de VEducation sentimentale, ce-lui que personne ne lit. Flaubert et Goncourt

    pour la langue, Baudelaire pour le spiritualisme

    dcadent et Schopenhauer pour le pessimismenoir, telles furent les incontestables influences

    qui dterminrent au dbut ce protagoniste du m-pris. Mais Flaubert a prdomin et sa tenace ob-session est visible, surtout dans En 'Mnage, u-vre presque russie dj, par laquelle Huysmanstermina sa premire tape d'observateur et deromancier.

  • /,. 29 "

    Quant Zola, son apport est imaginaire et nuldans cette vocation d'un artiste si profondmentspar de lui, malgr l'illusoire confraternit de

    leurs esprits. II a fallu l'indigence critique des

    journaux pour supposer seulement une connexitd'inspiration entre ce rustre puissant dont l'ap-

    pareil crbral capable, comme dans Germinal,

    d'inscrire et de restituer exactement les plus co-

    lossales visions extrieures, se manifeste si dnuquand il lui faut exprimer les perturbations occul-

    tes des mes et ce dlicat inventeur, ce quin-tessencier d'ides et de sensations, cet aristocrate

    de l'analyse, qui fteuronne de son style une psy-

    chologie tortionnaire, dcourager le bourreaud'un roi!

    Lorsque A Rebours parut, en 1884, le mon-de des lettres comprit si bien que Huysmansavait enfin dpouill les pdagogiques ressouve-nances de son ducation d'art, pour entrer dans

    l'originalit certaine, que ce livre dtermina uncourant littraire. Le pessimisme synoptique dedes Esseintes apparut plusieurs comme une

    halte ou comme un refuge, et l'agonisante figure

    de cet anachorte de- l'analyse excita l'mulationd'un groupe nombreux de rveurs que la vomitiveinfamie du temps actuel poussait perdument versun mysticisme quelconque. Ils trouvrent l, sans

  • vyj 30 '&>

    doute, le mysticisme philosophique de Schopen-hauer et I'optative dmence de sa crucifiante rsi-gnation, mais avec le rconfort d'une esthtique

    suprieure ignore de cet Allemand et le nonmoindre viatique d'un trs blme espoir de retourau spiritualisme chrtien. C'tait une issue bien

    inespre, bien trange, bien hasarde, mais enfin

    le livre de Huysmans, effrn de toutes les dcep-tions de la vie, donnait un peu l'impression de ce

    qu'un autre livre, plus trange encore, a rcem-ment dnomm le blasphme par amour .

    L'attribution de pornographie ne fut pas abro-

    ge, pour les hautes raisons dj dites, mais lancessit s'imposa d'excommunier tout fait ceticonoclaste sans merci de toutes les rengaines,

    qui concassait, d'un style scandaleusement ou-

    vrag, les vtusts simulacres d'art adors depuis

    trois mille ans !

    * *

    En Rade ne parat pas une uvre appele modifier le destin de ce rprouv. Le pessimisme

    d'R Rebours s'est affermi et consolid. Surroga-toirement document, pendant trois ans, des addi-tionnels dgots d'une continuation de la mmeexistence, l'auteur ne pouvant se dpasser lui-

    mme dans un itratif expos de nos ordures, apris le parti d'laguer jusqu' cet indistinct, ce

  • " 3 1 Jon

    crpusculaire postulat de des Esseintes vers un

    largissement divin.

    Nui contrepoids, dsormais, l'accablement des

    mes ! Nulle clart ple, nulle blafarde lueur descieux dans la tombe de cette effrayante nuit dela fin des ges ! Jamais l'esprance n'avait t si

    formellement congdie. On en arrive mme neplus discerner un pessimisme dogmatique, annon-

    c dans quelque vangile de philosophie tumu-laire ; c'est le Nihilisme final qui fait son entre

    sans fracas, sans appariteur, sans pralable grin-

    cement des gonds au vestibule ni des dents l'an-

    tichambre, pattes veloutes et lvres closes, dans

    un masque dolent de sardonique rveur. Le tragi-

    que et pnombral Souvarine de Zola, dansGerminal, est un exact portrait physique de Huys-

    mans, dont la dflorante littrature en suppo-

    sant que la curiosit du style ne l'empcht pas

    d'tre accepte deviendrait assurment un p-ril social plus grand, pour l'octognaire sicle,

    que les affolantes catastrophes suscites par de

    dmoniaques sectaires !

    Seul, le pire arrive . Telle est, emprunte Schopenhauer, la devise philosophique de ce d-

    solant esprit. On peut, sans e|fort, se reprsenterl'effet, sur d'adolescents cerveaux, de ce mande-ment de chiourme, uniformment placard dans

  • jj 32 '-fs>

    toutes les galres de l'intelligence, par I'pisco-

    pale volont d'un artiste incontestable. Veut-on

    savoir comment la Vrit lui est apparue dans uncauchemar ?

    La femme tait maintenant assise sur le re-bord de l'une des tours de Saint-Sulpice ; mais

    quelle femme ! une guenippe sordide, qui riaitd'une faon crapuleuse et goguenarde, un torchon

    coiff en paquet d'chalotes sur le haut de la

    tte, les cheveux en flammes sur le front, les yeuxliquides, capotes de bourses, le nez sans racine,

    cras du bout, la gueule gche, dpeuple surl'avant, carie sur l'arrire, barre comme celle

    d'un clown, de deux traits de sang.

    Elle tenait, tout la fois, de la flle soldats

    et de la rempailleuse, et elle rigolait, tapait du ta-

    lon la tour, faisait de l'il au ciel, tendait, au-

    dessus de la place, les besaces de ses vieux seins,

    les volets mal clos de sa bedaine, les outres ru-

    gueuses de ses vastes cuisses, entre lesquelles

    s'panouissait la touffe sche d'un varech mate-las ignoble... Cette abominable gaupe, c'tait laVrit.

    Comme elle est avachie ! II est vrai que leshommes se la repassent depuis tant de sicles !Au fait, quoi d'tonnant ? La Vrit n'est-elle pasla grande Roulure de l'esprit, la grande Trane

  • j/. 33 -"

    de l'me?..- Surnaturelle pour les uns, terrestre

    pour les autres, elle semait indi|fremment la con-viction dans la "Msopotamie des mes leves etdans la Sologne spirituelle des idiots ; elle cares-

    sait chacun, suivant son temprament, suivantses illusions et ses manies, suivant son ge, s'of-

    frait sa concupiscence de certitude, dans toutes

    les postures, sur toutes les faces, au choix. (1)

    II y en a trois, cauchemars, dans cet anormalroman, cauchemars ou rves. D'abord, l'vocationd'un palais biblique, rfulgent de toutes les gem-mes orientales et rempli de la terrifque majestd'un Roi solitaire, aux pieds de qui, tout coup,s'lve une vierge frle, aurole d'un halod'armes , une fleur de chair, exquise,mlancoli-que force de beaut, presque surhumaine, danslaquelle il plat au songeur de vrifier Esther enprsence de son vieux monarque, dont elle seuleaura le pouvoir d'agiter le snile cur ; ensuite,un voyage d'exploration aux arides et lumineusessierras de la Lune, dans cet indissoluble silencequi plane, depuis l'ternit, sous l'immense tn-bre d'un incomprhensible ciel . Cet pisodebizarre est un tour de force littraire inconceva-ble, d'une perversit de langue inoue,mais jamaison ne vit une volont plus implacable de contre-venir aux comminatoires injonctions de l'Infini.

    (1) Ego siim Veritas, dit Jsus. Huysmans, devenuchrtien, a-t-il senti I'normit de son blasphme? LB.

  • zrs. 34 *

    On chercherait inutilement une chose plus dcon-certante. Huysmans emploie toute sa forcea dcourager en lui le pressentiment divin,et son lyrique plerinage sur la frange d'ar-

    gent de cette robe des constellations, dont nul

    plausible Seigneur Dieu ne balaie l'Espace, finitpar ressembler quelque portentueux dfi d'un

    escaladeur de ciel ! Enfin, l'une des dernires im-

    pressions du livre est l'incohrence parfaite et le

    total dlire du cauchemar authentique d'o surgitla hideuse allgorie qu'on vient de citer.

    Cette intrusion tumultueuse des phnomnesles plus mystrieux du sommeil dans un romandnu de pripties dramatiques, dans une simpletude de la vie paysanne, excute, du reste, avec

    cette rigoureuse probit d'artiste qui ne sacrifie

    pas, une seconde, aux sentimentales exigences du

    lecteur, a singulirement drout le public de la

    Revue Indpendante, o cette uvre extraordi-naire a t publie. On a tax de folie cettenouveaut, comme si l'art du romancier devait

    obir encore, de mme qu'aux jours anciens duromantisme, aux mthodes cliches d'une mca-nique fabulation. II n'est pas difficile de prsu-

    mer, pourtant, que l'esthticien surlev, culmi-

    nant, d'R. Rebours, vaincu par I'incommutable

    destin d'impopularit de tout vritable artiste, mais

  • sr. 35 C

    inapte se transformer, a tout naturellement

    choisi l'estuaire illimit des songes pour y dgor-

    ger l'inavouable spiritualit de sa pense

    Au fait, ce titre d'/2 Rade est une contre-v-rit lamentable. Il n'y a pas de rade du tout, ni

    d'abri, ni de scurit d'aucune sorte. On crved'angoisse, de dgot et d'ennui dans ce croulantchteau de Lourps, o l'on avait espr trouver unrefuge. II vaudrait mieux cent fois pour ne passortir de la mtaphore reprendre la haute meret risquer tous les naufrages ! On aurait du moinsla chance d'tre pouss vers quelque havre plushospitalier.

    Si l'me de l'auteur est complexe et certes 1

    ii ne parat pas ais d'en dnicher une qui le soitdavantage la fction de son livre est, en revan-

    che, d'une ingnuit Iinamentaire. II ne sera ja-mais donn personne d'crire un roman plusdshrit de tout mcanisme et de toute combi-naison dramatique. C'est l'histoire pure et simple

    d'un pauvre diable d'homme distingu, mais fai-blement dou du gnie des araires, qui, ruin dela veille par la faillite judicieuse d'un alerte ban-quier, espre trouver un peu de relche sestourments dans une solitude de la Brie o les pa-

  • ooo 36 c-oo

    rcnts de sa femme, paysans peu connus de lui,ont offert l'hospitalit d'un amas de dcombres ces Parisiens dcavs dont ils ignorent ladtresse.

    Jacques Maries ne tarde gure dcouvrirl'ignoble cupidit de ses htes qui ne l'ont attir

    dans leur taudis que dans l'espoir de le carotter

    cur de journe, et ceux-ci, non moins rapides subodorer sa pnurie, ne se donnent bientt plusla peine de dissimuler leur cannibalisme de nau-

    frageurs.

    On voit d'ici la charmante villgiature de cemalheureux dvor d'inquitudes pour le plus pro-chain avenir, bourrel par sa femme malade quine lui pardonne pas ses imprvoyances, forc dedisputer chaque instant ses dernires ressources

    la sordide improbit de tout un pays, casemate

    dans un chenil inhabitable et sinistre, qui n'ogfre

    mme pas la compensation d'un intrt archolo-gique, opprim par de dmentielles hallucinationsnocturnes qui paraissent tenir aux atres inexpli-

    qus de ce chteau dfunt, enfin, rduit prendrela fuite pour chapper la dmontante horreur decette rade de maldiction !

    Voil tout, en vrit. Il faut convenir qu'un sa-

    cr gnie serait ncessaire pour l'adaptation sc-

    nique d'un tel pome ! Mais ce qui importe bien

  • 'jor. 37 yor.

    autrement que tous les trucs ravauds du basfeuilleton, c'est le foisonnant intrt de l'observa-

    tion qui galope le long de ces pages et la nou-

    veaut plus ou moins plausible des aperus qu'ony dcouvre.

    Les paysans ont beaucoup dfray la littraturedepuis cinquante ans, et ces brutes sordides ont

    fait broncher les plus forts- On a voulu, trop sou-vent, que l'extrieure magnificence de la nature

    les pntrt. On les a mme vus, parfois, trsgrands sous les frondaisons sonores ou les firma-

    ments des soirs. L'anglus du peintre 'Millet con-tinuera longtemps d avertir les curs sensibles de

    l'humilit religieuse de ces rsigns enfants de la

    terre. La vieille catau sentimentale George Sandles a certifis pleins d'idylles en les saturant de son

    jus. Le tintamarrant Cladel les a dclars piques

    et son disciple Lemonnier n'a pas permis qu'onles suppost infrieurs des Polyphmes. Com-bien d'autres encore, parmi les crivains, mmeconsciencieux, qui n'ont jamais pu voir dans lepaysan qu'un comparse de la Nature, assorti du

    moins sa diffuse mlancolie, quand il ne l'taitpas sa majest !

    Seul, Balzac discerna l'obtuse bassesse de ces

    hypocrites fauves- Mais ce grand analyste obom-br par des synthses, se trouva presque aussitt

  • //- 38 v&>

    surmont, confisqu par une conception histori-que de jacquerie, de permanente et organiseconspiration du peuple de la campagne contre lesdtenteurs du sol, et ses paysans furent cosmopo-lites la faon des barbares. Ils purent tre indif-

    fremment tourangeaux ou languedociens-

    En vue d'chapper cette planante maisinexacte vision, rfracte dans d'infinies atmos-

    phres, Huysmans a voulu cantonner son observa-tion dans un coin de France trs spcial, trs net-

    tement dsign par lui. II a vcu l de la vie deses paysans, heure par heure, consignant leurs

    gestes, leurs propos, leurs physionomies, sans se

    mettre en peine d'aucune paysannerie limitrophe,

    sereinement assur de rencontrer dans l'int-

    grale prcision de ses notes le mridien de so-

    lidarit profonde ambitionn par les abstracteursde systmes.

    Une critique quitable rendra-t-elle cet

    artiste la justice qui lui est due, en reconnaissantque jamais, avant lui, les paysans n'avaient tpeints dans cette clairante et rigoureuse tona-

    lit ? C'est infiniment douteux. Nanmoins, il enest ainsi, et les thories sentimentales, non plus

    que les prjugs d'coles, n'y pourront rien faire.Les vridiques paysans d'En Rade se dmnent,gueulent et bfrent la faon des Flamands de

  • 'jon 39 'Jon

    Tnicrs ou de van Ostade, qui dgotaient si fort

    le grand roi et qui survivent nanmoins sa pous-sire glorifis. Nous n'avons plus de roi, il est

    vrai, qu'un tel artiste puisse curer, mais Huys-

    mans, Hollandais par sa race et par le gnie de sa

    race, subsistera, comme ses devanciers en pein-

    ture et pour d'analogues raisons, longtemps aprs

    l'ternel oubli des monarques du journalisme, quise prparent, derechef, le contemner.

    Ah ! c'est qu'en e|fet, c'est une fre occasionpour eux d'avoir la nause ! Songez donc ! Toutela lyre champtre galvaude dans le crottin ! II y atels chapitres, le vlement de la vache, par exem-

    ple, ou mieux encore, la saillie du taureau, l'un etl'autre enlevs avec une vigueur de vieille eau-

    forte, qui plongeront dans un deuil certain tout ce

    qui peut nous rester encore d'imaginations buco-

    liques.

    D'ordinaire, Huysmans ne prodigue pas l'ex-

    gse. Sr de son observation et confiant en elle,

    il attend d'elle seule tout Pe|fet possible et se bor-ne la prsenter sans pilogue. Mais, arriv au

    taureau peu virgilien qu'il nous raconte et l'piso-

    de ayant pris fin, ce profanateur des vieux ciboi-

    res de la rhtorique qui, aprs tout, n'a pas fait

  • uar. 40 yr.

    vu, comme Flaubert, d'impassibilit ternelle, ne

    se contient plus et voici son commentaire :

    Jacques commenait croire qu'il en tait dela grandeur pique du taureau comme de l'or des

    bls, un vieux lieu commun, une vieille panne ro-

    mantique rapetasse par les rimailleurs et lesromanciers de l'heure actuelle ! Non, l, vraiment,

    il n'y avait pas de quoi s'emballer et chausser des

    bottes molles et sonner du cor ! Ce n'tait ni im-posant, ni altier. En fait de lyrisme, la saillie se

    composait d'un amas de deux sortes de viandes

    qu'on battait, qu'on empilait l'une sur l'autre, puis

    qu'on emportait, aussitt qu'elles s'talent tou-

    ches, en retapant dessus !

    De mme pour l'or des bls :

    Quelle blague que l'or des bls ! se disait-il,regardant au loin ces bottes couleur d'orange sale,

    runies en tas. Il avait beau s'peronner,ii ne pou-

    vait parvenir trouver que ce tableau de la mois-

    son si constamment clbr par les peintres et

    par les potes, ft vraiment grand. C'tait,sous un

    ciel d'un imitable bleu, des gens dpoitraills et

    velus, puant le suint, et qui sciaient en mesure

    des taillis de rouille. Comme ce tableau semblaitmesquin en face d'une scne d'usine ou d'un ven-tre de paquebot, clair par des feux de forges !

  • //. 4 1 vos

    Qu'tait, en somme, auprs de l'horrible ma-

    gnificence des machines cette seule beautque le monde moderne ait pu crer le travailanodin des champs ? Qu'tait la rcolte claire,la ponte facile dun bienveillant sol, faccouche-ment indolore dune terre fconde par la semencechappe des mains d'une brute, en comparaisonde cet enfantement de la fonte copule par l'hom-

    me, de ces embryons d acier sortis de la matricedes fours, et se formant, et poussant, et grandis-

    sant, et pleurant en de rauques plaintes, et volant

    sur les rails, et soulevant des monts et pilant des

    rocs !

    s Le pain nourricier des machines, le dur an-

    thracite, la sombre houille, toute la noire moissonfauche dans les entrailles mmes du sol,en pleinenuit, tait autrement douloureuse, autrement

    grande !

    Les citations pourraient tre infinies. Mais cettepage n'est-elle pas singulirement magnanime, ensomme, pour un mprisant de cette envergure?

    II faudrait se borner, sans doute, mais le moyende ne pas o|frir encore aux friands de posie cettesavoureuse et suprme tranche :

    La nuit devenue plus opaque, semblait mon-

    ter de la terre, noyant les alles et les massifs,

    condensant les buissons pars, s enroulant aux

  • j&3 42 'JQT.

    troncs disparus des arbres, coagulant les rameaux

    des branches, comblant les trous des feuilles con-fondues en une touffe de tnbres, unique ; et,

    presque compacte et dense, en bas, la nuit se vo-

    latilisait mesure qu'elle atteignait les cimes

    pargnes des pins.

    Enfin, par dessus l'glise, le jardin, les bois,

    tout en haut, dans le ciel dur, sourdaient les froi-

    des eaux des astres. On et dit, de la plupart, dessources lumineuses et glaces, et de quelques-

    unes qui ardaient plu3 actives, des geysers ren-

    verss, des sources retournes de lueurs chaudes.

    II n'y avait pas une vague, pas une nue, pas un

    pli, dans ce firmament qui suggrait l'image d'une

    mer ferme parseme d'lots liquides.

    ce Jacques se sentait cette dfaillance de tout lecorps qu'entrane e vertige des yeux perdus dans

    l'espace.

    L'immensit de ce taciturne ocan, aux ar-chipels allums de rebricitantes flammes, le lais-sait presque tremblant,accabl par cette sensation

    d'inconnu, de vide,devant laquelle lame suffoques'effare...

    Et, derrire le chteau, son tour, la lune sur-

    git, pleine et ronde, pareille un puits bant des-cendant jusqu'au fond des abmes, et ramenant au

  • uar. 43 'JT.

    niveau de ses margelles d'argent des seaux de feux

    ples, d

    Les parties purement psychologiques d'En

    Rade sont telles qu'il faut, de toute nces-sit, y renvoyer le lecteur, sans dflorer, par

    le moindre extrait, les sensations qu'il y trou-

    vera. Certaines explorations dans le noir des

    curs en ces fourmillants abmes o rside ceque Huysmans appelle l'inconsciente ignominiedes mes leves pourront donner le hris-sement de poil et le frisson d'agonie d'une tombedans un cratre. La correcte abomination dessimagres familiales, par exemple, ne pouvait trednonce de faon plus atrocement exquise, nipar une plume diabolique aussi goguenardementjusticire. On l'a dit en commenant, ce livre est faire trembler.

    Logiquement, notre chien de sicle doit ainsifinir et de semblables cantilnes doivent accom-

    pagner sa crevaison. Si, comme on l'a tant

    annonc,

    d'pouvantables manifestations des

    cieux, de trmbondes piphanies et de surpas-sants massacres doivent prochainement signalerle retour d'un Dieu de justice, honneur de telsprophtes qui n'ont pas mme besoin d'tre cons-

  • ss 44 ~m

    cicnts d'une inspiration pour vocifrer la d-

    chance du genre humain ! Tout est dsirable etsaint de ce qui peut prcipiter le vieux monde.Ondoit en avoir tout fait assez d'tre si dgotantset si charogneux sous les constellations impas-

    sibles !

    Mais si,par un inconcevable dcret, le SeigneurDieu ne devait rien faire et qu'il ne fallt espreraucun lessivage cleste, la ncessit de tout d-

    molir apparatrait plus pressante encore et l'uni-

    versel besoin pourrait natre enfin de se bousculer

    ple-mle avec les mes salopes et les espritslches vers le fraternel pourrissoir o fermentedj l'esprance thologale du "Nihilisme !Quand des livres tels que celui dont il vient

    d'tre si longuement parl font cho l'tat mo-ral de tout un monde, il se peut trs bien qu'l'aurore on ait entendu d'harmonieux soupirs, mais

    le soir c'est un hurlement !

    Fontenay-aux-Roses, 1887.

  • flpps la Gontfepsion

  • ^ ^)^ ^> ^)^^^ fa fa fa fa fa fa fa fa

    L'Incctrncttion ssSs ^

    i i de l'adverbeSes abeilles se posent quelquefois sur les excrments.

    Jl parat qu'elles y trouvent du miel-paroles d'un FRELON.

    LORSQUE parurent, dans VEcho ae Paris,les premires pages de L-Bas, j'tais au

    fond d'un dsert Scandinave peu visit par les mo-tions esthtiques. Un ami fidle m'envoya pourtantcette nouveaut et la lecture du chapitre liminaireme secoua d'un si fougueux enthousiasme que,sans attendre ce qui devait suivre, j'expdiai,sance tenante, l'auteur, un pathtique message.Mme je lui promis d'tre plus loquent encore etd'afficher son nom sur les chapiteaux des cieux,

    lorsque son uvre serait dfinitivement publie.

    Je vais donc m'excuter aujourd'hui comme jepourrai, mais sans espoir que l'allgresse de desEsseintes gale mon zle.

  • OOC 48 V30

    En effet, la vision d'ensemble de L-Bas n'agure tard me dlivrer de ma congestion lyri-que. Je suis mme forc de reconnatre, en g-missant, que, malgr certaines pages curieusesdont l'estampille est contestable, le nouveau livre

    de Huysmans est la plus monstrueusement futiledes rapsodies contemporaines.

    Je ne crois pas que I'incirconcision littraire ait

    encore affich un aussi furieux dvergondage d'in-formations anarchiques.

    Cette uvre est un fatras inou, une bagarre,

    une bousculade, un ple-mle, un cataclysme de

    documents, car le clbre crivain se manifeste

    plus que jamais comme une cataracte du ciel do-cumentaire.Dieu seul peut savoir ce que cote un livre

    ce malheureux galement incapable d'inventer etde deviner. Lexistence entire d'un pareil pre-neur de notes est videmment dvolue aux mar-ginalia et aux carnets. Quand la rcolte est suf-fisamment copieuse, il s'entr'ouvre propos den'importe quoi et cela fait un bouquin tel que L-Bas, dont je mets au dfi le critique le plus sagace

    de dterminer la tendance.*

    Dans R Rebours, le procd tait le mme,sans doute, puisque l'auteur n'en connat pas d'au-

  • /r. 49 co:

    tre, mais il y avait au moins une sorte d'ide cen-trale et vertbrale qui pouvait donner l'illusion de

    I unit.

    Ah '. ce n'tait pas fracassant de gnie, a necrevait pas les yeux force d clat, ce haillon

    d ide emprunt la pouilleuse mtaphysique deSchopenhauer: 6 Seul, le pire arrive! Tel tait

    le concept.

    Les hommes sont des porcs, les femmes sontdes truies et la socit n est qu un immense amasde charognes. Par consquent, la Foi, l'Esp-

    rance, I Amour, l'Enthousiasme, tous les grands

    ressorts de la Vie doivent tre bafous et dsho-nors comme les jobardes hallucinations de laquinzime anne.

    Huysmans, trente-cinq ans, imaginait doncun individu radicalement guri de la vertu, mer-

    veilleusement opr du cceur et mme du cerveau,ayant, force d'cus, ralis le refuge dlicat

    d une boutique princire de curiosits esthtiques.

    L'esprit ne pouvait entrer qu' reculons dans

    cet ermitage, puisque l'inflexible consigne tait

    l'option perptuelle pour l'antinomie et le contre-

    pied. Le ssame de cet endroit, c'tait d'trerare et de dtester la tradition du genre humain.

    Je ne sais pas s'il s'est jamais vu un aussi fermeparti pris d'conduire la Vrit et la Beaut pour

  • -y/j 50 z&-

    n'admettre que l'anomalie et la dviation, l'ex-

    ception mme tant abhorre, si elle impliquaitl'quilibre de la force ou de la grandeur.

    L'avenir s'tonnera de l'enfantillage inou d'un

    livre succs, o les orchides de l'Inde, parexemple, sont estimes suprieures aux plus

    belles fEeurs de l'Occident; par cette raison, pas-

    sablement hollandaise, qu'il est difficile de les

    avoir et que cela cote beaucoup d'argent !...

    II est vrai que l'exprience finissait par une d-

    gotation salutaire. L'auteur, cur de son iden-tique radotage, fermait tout coup son livre en

    poussant un grand cri vers Dieu... Comment de-viner que cette clameur tait encore un artifice

    littraire ?*

    *

    A dater de ce jour, Huysmans fut regardcomme un pessimiste qui voluait vers le christia-

    nisme. On put mme croire cette volution vir-tuellement accomplie chez un crivain qui vantait

    lui-mme son indpendance et qui ne devait, ensomme, avoir obi qu' ses facults esthtiques.

    Ne fallait-il pas notre poque de dmolition et detremblement pour qu'une telle aventure devnt

    possible ?... II s'crivit l-dessus de trs amples

    phrases.

    Un homme qu'on disait extraordinaire, pouss

  • v/. 5 1 vcn

    vers Dieu par dsespoir, par mpris, par horreurde la banalit contemporaine, par tous les be-

    soins de son me artiste et cependant, n'en vou-lant pas de ce Dieu terrible et se dbattant avecrage dans ses lumineux filets ! Quel spectacle !L'admiration de quelques nafs dpassa toute con-

    jecture et la surprise de beaucoup de malins futextrme.

    Evidemment, il n'y avait plus qu' attendre et,pour ce faire, on planta de nombreux ormeauxsur le rectiligne chemin du Tribunal de la Pni-tence.

    Les ans s'coulrent et trois nouveaux livres

    parurent : En Rade, Un Dilemme, Certains. Dansle premier, le pessimisme d FI Rebours s taitsimplement aggrav d'une faon dmoniaque, sanscompensation d aucune sorte. C'tait un peu d-

    courageant. Rien de bien thologal non plus ne

    transpirait travers les deux autres. Le spiritua-

    lisme de ce romancier ne se dbobinait pas.

    A la rigueur, cela pouvait s'expliquer par I in-suffisance de l'occasion, cela s'expliquait mmetrs bien par la tnuit de cheveu de ces fantai-

    sies vraiment trangres toute prmditation

    divine, et les croyants se rassirent dans l'inexpu-

    gnable volont de patienter ternellement.

    A la fin, pourtant, L-Bas fut annonc comme

  • ar. 52 'JT.

    une oeuvre dcisive. Etude sur le Satanisme, di-

    sait le journal qui la publia. Evidemment fcri-vain qui dclarait , auparavant, sa hautaine

    rsolution de se rjouir dsormais au-dessus du

    temps , allait, tout de bon, cette fois, s lancer

    dans la direction des cieux, et ies premires pages

    furent telles qu'on pouvait bien croire qu il avait

    dj quitt la terre.

    La conception de L-Bas, lui crivais-je,chappe naturellement mes conjectures, maisquel dbut prodigieux que cette vocation du

    Christ des Pauvres ! Vous devenez, mon cher

    Huysmans, un catholique perdu. Vous ne gou-vernez plus votre me, c'est elle qui vous trane,par ces admirables sentiers en abme, de la vie

    littraire la vie contemplative.

    Ne lavez-vous pas clairement exprim vous-mme ? Aprs ?\. Rebours et En Rade, vous tiezau fond de f impasse. Il fallait crever dans le cul-

    de-sac ou chercher une autre voie.

    6 Vous rappelez-vous Nicolardot expliquantvotre pessimisme par votre ignorance absolue des

    bons endroits . Nous en avons ri quelquefoisensemble, mais ne pensez-vous pas, dcidment,que ce grotesque avait raison ? Vous ignoriez

  • VA 53 w.

    le bon endroit. Vous paraissez le connatre au-jourd hui et voil votre superbe talent renouveld une manire indfectible, car vous tes au seuil

    de I extase et de la magnificence-

    Eh bien, je me trompais d adverbe. Huysmansavait crit L-I>as et je m'obstinais lire L-Haut. Tout s explique.

    Un de ses lves, lgrement du, exprima levu timide que les aspirations vacillantes de l'au-

    teur fussent dsormais garanties parle choix.dci-

    sif de cette nouvelle tiquette. Mais Terreur de

    ce bon disciple est encore plus lourde que lamienne.

    La vrit, c'est que Huysmans a rellementvoulu crire L-Tiavt, qu il a cru I crire, tant

    est profonde son inconscience ! et que sa na-

    ture l'a prcipit dans fautre Abme. Sa gravita-tion est du ct des Tnbres ; son abominablelivre ne permet plus d'en douter.

    Tnbres de la raison, tnbres du cur, tn-bres sur la vie et tnbres sur la mort, c'est hor-

    riblement complet !

    Quand il dit, par exemple, que les conversa-tions qui ne traitent pas de religion ou d art sont

    vaines et basses ;quand il dclare son admira-

    tion pour les Trappistes ou les Chartreux, ses

    attendrissements l'appel matinal des cloches,

  • ucn 54 'Jon

    son mpris indign pour les catholiques mdio-cres et les prtres sans ferveur, etc. ; enfin, lors-

    qu'il crit ttons dix pages obscures sur l'effu-

    sion du Paraclet et favnement prochain du Christ en gloire ; soyez persuad qu'il utilise

    comme il peut les notes qu'on lui a donnes etque son me n'est pour rien dans l'illusion dechristianisme naissant que ce bavardage peut

    produire.

    Au fond, cela est terrible penser Huys-mans est le zlateur des cauchemars et des dif-

    formits qu'il tale, et la complaisance raffinede ses peintures en est la preuve- Mis en de-meure de manifester une bonne foi sa prdilec-tion, ce sceptique blafard s'est enferm dans lac< Tour de plomb des Hystries pour mieuxoutrager le Nazaren .

    Cela pourrait encore avoir une certaine gran-

    deur infernale, si l'audace d'une ide prcise ne

    manquait pas essentiellement et, surtout, si on ne

    sentait pas, chaque instant, I'impersonnalit

    d'un pauvre homme qui tient placer tous sesdocuments.

    Et quelle averse effroyable de ces prtendues

    informations ramasses partout depuis des an-nes ! Songez que ce livre a la prtention de nous

  • xr. 55 '&

    renseigner sur le symbolisme des cloches, sur leMoyen Age, sur I histoire du "Marchal de Rais,sur la mdecine, la pharmacie, le sadisme, le vam-

    pirisme, le spiritisme, l'astrologie, la thurgie, la

    magie, I incubt, le succubat, I envotement et laliturgie ; enfin sur la messe noire, sur le sacrifice

    de Melchissdec, sur l'Antchrist et le Paraclet !

    Tout cela sans prjudice d'aperus interm-diaires sur le naturalisme, la peinture, f argent, les

    femmes, les prtres, la cuisine, la thologie et, en

    gnral, sur tout ce qui peut tre l'objet de l'en-

    tendement humain.

    II n'y manque absolument que ce que j'ai dit,un concept qui appartienne en propre l'auteur,

    une ide personnelle et ombilicale qui nous clai-

    re sur la gense mtaphysique de cette broussail-leuse compilation, en nous dvoilant le souci du

    compilateur. On a lu prs de cinq cents ^pagessans que rien se soit dbrouill.

    Si Ion veut absolument que la dernire phrase

    du livre en soit l'explication, la perplexit ne di-

    minue gure, car il faudrait alors supposer,

    contre toute vraisemblance l'effrayante mdio-crit d'un crivain capable de fabriquer huit ou

    neuf volumes sur cette unique donne que l'mehumaine est dfunte et qu'il ne reste plus qu'

  • jot. 56 "JO

    se croiser les bras en coutant les insipidespropos d'une socit qui va mourir.

    Pourquoi donc, en ce cas, parler avec respect

    de la prire ? Pourquoi des phrases, plusieurs fois

    centenaires, hlas ! sur la paix du clotre, sur la

    suavit des motions religieuses, sur l'enviablecandeur des humbles ? Pourquoi surtout cette ob-session maladive d'un satanisme orthodoxe qu'ilest impossible d'admettre sans la plus formelle

    adhsion aux enseignements du Catholicisme ?

    II fallait choisir ou, du moins, se taire, si on

    tait assez sopranis par le scepticisme pour

    n'avoir plus la virilit d'un choix. Nul byzantin

    littraire n'a le droit d'attenter aux mes et c'estun enfantillage criminel d'accuser l'Eglise en

    la prenant au srieux quand on ne peut pastayer son blme sur des considrants ternels.

    La seule excuse de ce lamentable crivain,

    c'est l'inconscience dont j'ai parl. Huysmans asouvent exprim son mpris et sa haine du di-lettantisme en art et il ne se doute pas qu il fait

    du dilettantisme religieux,ce qui est plus grave et

    certainement plus dnu de gnie, s il est possible.Plus qu'aucun autre, cependant, il avait t

    averti. On sait que, pendant cinq ans, il fut I in-

  • ter. 57 'jan

    time de celui d'entre ses contemporains qui pou-

    vait le mieux I orienter. Ce fut un bail inou desuggestions, de dmonstrations, d'exhortations et

    de conseils. Les aliments les plus gnreux furent

    confrs avec patience cet estomac dbile qui

    ne pouvait rien digrer.

    L unique rsultat de ce dfrichement impossi-

    ble fut le monstrueux cahier de notules sans dis-

    cernement et sans cohsion d o L-Bas est enfinsorti. Le divulgateur d'Absolu qui I allaita doit

    tre mdiocrement satisfait du nourrisson.Non seulement celui-ci n a rien compris aux

    ides gnrales qu'on essaya de faire pntrer en

    lui, mais il les a fragmentes et dnatures, com-

    me un colier barbare, en en dispersant les si-

    gnes.

    Son uvre est ainsi devenue un gchis e|froya-ble de matriaux primitivement destins l'difi-

    cation d un grand livre et dtriors plaisir par la

    perversit d'un impuissant.

    On y rencontre chaque instant la trace d'unepense trangre, quelquefois mme des blocsentiers inexplicablement chapps la rage dudestructeur et qui font voir quel monument auraitpu construire un manouvrier plus obissant et plus

    humble.

    Mais il aurait fallu d abord accepter, je le r

  • ooo 58 'f-

    pte pour la troisime fois, un concept gnra-teur, un substrat mtaphysique dont la normeft inflexible, et cela ne cadrait pas plus avec les

    facults crbrales du dilettante qu'avec les ins-

    tincts du profanateur.

    Le pdagogue providentiel qui I auteur deL-Bas doit les trois quarts de son livre se seraitassurment rjoui dans l'ombre de lui avoir sug-gr un chef-d'uvre, mais je doute qu'il sup-porte sans indignation l'ignominieux travestisse-

    ment de sa pense.

    Non content d accommoder en blasphmes or-duriers les effusions embrases d'une me qui s'estrpandue devant lui, Huysmans, en son vingtimechapitre, a dcouvert, son propre insu, le moyen

    de ridiculiser jusqu'au paradoxe et jusqu' la chie-en-Iit, les confidences religieuses du plus doulou-reux espoir !

    C'est pousser fort avant, je crois, l'abus ducalepin documentaire et je ne sais pas si mmel'inqualifiable mfait d'avoir publi simplementdes lettres de femme (1) qu'il n'et pas t capabled'inventer est plus odieux et dmontre uncur plus bas que l'innocence affreuse de cette

    imbcile profanation.

    1) Mme H. M., matresse de Pladan.

  • 'jor. 59 ss~.

    Arrivons maintenant l'Adverbe.

    Le got passionn de Huysmans pour cettepartie du discours est trangement et proton-dment caractristique.

    Pour qui cherche dans les uvres des cri-

    vains autre chose qu'un dlassement ou unetrpidation nerveuse, le titre d'un livre a l'im-

    portance d'un ostensoir de grandeur et de

    vanit.

    Qu'il le veuille ou non, l'auteur est forc

    d'taler l son espce que ne consacre pastoujours le ravissement du lecteur.A ce point de vue, les titres de Huysmans

    sont peut-tre les plus tonnants qui existent:

    En Mnage, ?\ Rebours, En Rade, \ vau-l'eau,L-Bas. Remarquez bien que ce n'est pas mmel'adverbe, c'est la locution adverbiale,

    Le dynamomtre de son esprit, c'est la lo-cution adverbiale. Le simple adverbe serait en-

    core trop prcis, trop mle, trop dogmatique

    et trop tranchant pour un appareil crbral

    incapable de fonctionner autrement que dans

    un mode subjonctif et satellitaire. La pensede cet homme a l'volution triste et lointainede la plante des calamits.

    L'adverbe, selon la grammaire, est un motinvariable qui modifie le verbe, l'adjectif ou un

  • ur. 60 'm

    autre adverbe par une ide de lieu, de temps,

    de circonstances, etc. Ce dangereux subalterneest le chien du troupeau des phrases. Quandil commande, c'est pour dvorer.Le mme adverbe, selon la littrature sa-

    turnienne, est un vocable de crpuscule qui se

    charge d'infconder I Affirmation, d'estomper

    la plombagine les contours de la Parole et de

    favoriser d'un brouillard les monstrueux accou-

    plements de I'Antimonie. C'est le bienfaiteur

    du Nant.

    C'est pourquoi Huysmans idoltre si jalou-sement jusqu'au simulacre de l'Adverbe, qu'illui a bti des chapelles o ne peuvent entrerqu'en tremblant les gnitives Prpositions ou

    les Conjonctions obscnes, mais d'o sontbannies avec rage les patibulaires Interjec-tions.

    *

    * *

    Un jour Emile Zola, dont l'esprit graisseuxn'est huil que pour glisser sur les surfaces,

    s'avisa de peindre Huysmans.

    Le fantomatique Souvarine de Germinalest le portrait physique, ressemblant faire

    peur, de ce virtuose de fascination. Triais ce

    n'est qu'un portrait physique, le seul dont Emile

    Zola soit capable.

  • aoi 61 jr.

    Or, le nihiliste silencieux et inhumain du

    puits Voreux est un spectre d'action qui op-re fort bien lui-mme, dans les tnbres, et

    qui n'envoie pas les autres en son lieu. II ex-

    termine tant qu'il peut, mais en exposant sa

    carcasse qui ne lui parat pas un meuble pr-

    cieux, et il ne prendrait pas des airs olym-

    piens avec tel ou tel qui se serait fait assom-

    mer pour lui- C'est un dsespr sans cou-

    ture, celui-l, qui ne farde pas ses excra

    tions. Enfin, il a surtout, dfaut de vertus

    cardinales ou thologales, cette noblesse intel-

    lectuelle d'obir une pense fixe et d'en

    pouser toutes les consquences.

    Croirait-on qu'un seul mot de ce person-

    nage fictif a su^i pour dterminer l'insomnie

    de des Esseintes ?

    Lorsque Souvarine, ayant accompli son ven-trement du cuvelage de la fosse, est sur le

    point de porter ailleurs le typhon de ses fu-

    reurs de sectaire, sans s'attarder l'oiseuse con-

    templation de la catastrophe qu'il a dchane,

    quelqu'un lui demande o il va. C'est alorsqu'tendant le bras dans un geste vague, il

    rpond simplement : L-Bas.Cet unique mot, ce semblant d'adverbe a

    dcid l'closion du semblant de livre que

  • OCTj 62 "JOfi

    voici o Huysmans, abrit par l'athisme deson poque, peut impunment raliser sur lesintelligences prives de gardiens, le programmed'immolation que le fanatique de Germinal ex-cutait sur les corps, au hasard de sa pro-

    pre peau.

    Et cependant, il ne s'arrte pas de le vo-

    mir, ce complaisant sicle. On est tent dese demander si c'est bien sincre et si sonchagrin de ne pas vivre en plein "Moyen Ageest autre chose qu'une lamentation de phraseur.

    C'est l'histoire des orchides- II aurait alors

    exig le sicle de Pricls ou la priode fa-

    buleuse des dynasties gyptiennes.

    Ce Moyen Age qu'il pleure et t, je crois,fortement inhospitalier aux oscillations et aux

    amphibologies de son art. Les hommes de cetemps taient vraiment hommes et ne rougissaientni de l'amour, ni de I innocence, ni de la prire.

    Ils ne disaient pas odieusement comme lui : Ma patrie, c'est o je suis bien , mais : Je suisbien o est ma patrie, et c'est pour cela qu'on sefaisait tuer sous les yeux de cette Pucelle d'entre

    les Archanges qu'il ose accuser d'avoir t funeste la France (pages 65 et 66).

    Les enthousiastes qui se crucifiaient de fatigues

    et de pnitences pour le Saint Tombeau auraient

  • '& 63 **

    peu co npris la chiassc devant l'ennemi, dont il

    est parl dans Sac au dos, et moins encore, s'il sepeut, l'tonnante assimilation du vu monastique ce besoin de scurit bordelire qui discipline

    ordinairement les prostitues vagabondes (p. 16).Cette socit vaillante ayant le cur pur, la

    gat de ses Bienheureux ne la scandalisait pas,car elle pensait, au contraire du mlancoliqueauteur de L-Bas, que la tristesse coutumire estun signe de turpitude.

    Pour tout dire, le Verbi: seul tait ador,

    l'adverbe et le sous-adverbe n'ayant encore, en

    ces temps anciens, qu'une existence gramma-ticale.

    Je suis donc inbranlablement persuad que laProvidence n'a pas commis cette impardonnableerreur de fourrer l'me d'un contemporain des

    Croisades sous \& flanelle d'un contemporain de

    TM. Zola et j'estime que Huysmans et vcu sansconsolation dans un monde o l'on torrfiait sibien les profanateurs.

    Et il s'accusa justement la fn. C'tait safaute, lui, si tout ratait. II manquait d'apptit,

    n'tait rellement tourment que par I'rthisme

    de sa cervelle. II tait us de corps, lim d'me,

  • zrs. 64
  • BOC 65 ooo

    roman, il ne ferait dire personne : Je vous aime, sacrifiant ainsi l'exactitude matrielle dont seglorifie le naturalisme la tnbreuse injonctiond un T*latre qu il ne connat pas.

    Cette parole a quelque chose de panique, Iors-

    qu on y songe.

    Mais je ne crois pas qu'il crive beaucoup, d-sormais. Aprs L-Bas, il doit tre puis denotes, comme on est puis de sang, et que diable

    voulez-vous qu'il dise quand il n'en a pas ?

    Schopenhauer n'est pas infni et ce n'est vrai-ment pas une destine littraire de ressasser et de

    retaper ternellement les piphonmes senten-cieux de ce trs bas cuistre.

    La mosaque des mots ou des phrases, quelque

    surfine et complique qu'on la suppose, ne mnepas non plus infiniment loin, surtout quand fes-prit d'un crivain n'a ni vestibule ni paroi.

    Et puis, d'ailleurs, quoi profaner maintenant?

    Que reste-t-il polluer et gter ? Je ne suis pasbgueule, mais il y a vraiment trop d'ordures et ladgotation surabonde en ce brviaire de sugges-

    tions sacrilges que le Moyen Age aurait faitbrler avec des copeaux fangeux !

    Quand on pense la tache ajreuse que ce livre

  • V30 66 C-

    laissera sur certains esprits, c'est garant sedire que le fratricide auteur avait reu de quel-

    qu'un I lectuaire de la Vrit, l'lixir du suprmeEspoir ... et qu'il en a fait un poison mortel, pour

    que son me de spulcre ne ft point en pril dejoie et que son esthtique de galrien ne le rpri-mandt pas !

    Copenhague, 14 mai 1891

    .

  • fa fa fa fa fa fa fa ^^^ 4^W>>^

    'i0'i'i'i7AWiWiWi'iJ'iWA0'O'i77nfA**i*A*'i*i*i*Ufi

    L'Expiation n s

    n il de Jocrisse

    O^N prsume qu'aussitt aprs la mort del'abb BouIIan, le clbre mage de Lyon,

    les fidles de l'Eglise du Carmel, runis en

    une sorte de conclave, ont, d'une voix una-

    nime et par de bruyantes acclamations, dsi-gn M. Joris-Karl Huysmans pour son suc-cesseur.

    L'auteur de L-Bas serait dsormais SouverainPontife selon l'ordre ae Melchissdec et l'uni-que sublunaire en possession de clbrer le

    Sacrifice de gloire

    .

    En dpit de la prostration financire dter-

    mine par la crise du Panama, de notablessommes, sans doute, vont affluer pour l'rec-

    tion d'un temple sublime exclusivement affectaux crmonies du nouveau culte, o les moins

  • JOO 68 'JO

    sotriqucs crivains pourront admirer, en robe

    de cachemire vermillon serre a la taille et

    en manteau blanc dcoup sur la poitrine enforme de croix renverse, le Grand-Prtre quifut un des leurs.

    Pour tout dire, Huysmans est mission-n par ie Ciel pour briser les manigances in-fectieuses du Satanisme et pour prcher lavenue du Christ glorieux et du divin Paraclet .

    C'est pourquoi j'intitule ce propos VExpia-

    tion de Jocrisse.

    Mais tout cela est, en vrit, d'une tristesseprofonde. J'tais bien paisible, ma foi ! dans

    mon petit donjon catholique, en train de r-cuprer mes souvenirs militaires (1). On vient medemander mon avis sur les potins sataniques. Onme tait l'honneur de supposer que mon senti-

    ment sur les mages contemporains s'exprime-

    rait efficacement pour l'dification ou la re-

    couvrance de quelques brebis gares.

    J'y consens donc. Toutefois, j'espre n'ton-ner personne, en dclarant, au pralable, qu'il

    vaudrait beaucoup mieux, peut-tre, consultersimplement le Pape, moins qu'on ne pr-frt relire avec soin la mdiocre transcription

    (1) J'crivais alors Sueur de Sang. L. B.

  • V30 69 'Jor.

    du dictionnaire des hrsies que Flaubert a in-

    titule la Tentation de Saint Antoine.

    Ce pauvre Huysmans ! II avait si heureuse-ment commenc avec ies Surs Vatard et7^ vau-l'eau. On le voyait si bien parti. Djmme, il parvenait copier assez proprementles adjectifs honorables de Lucien Descaves.

    Pourquoi fallut-il qu'il rencontrt cet abbBoullan, ce docteur Baptiste si peu tranquille,

    dont l'atroce bondieuserie aurait d le mettre

    en garde ?

    Au nom du ciel, qu'est venu faire Vintras,prdcesseur de Boullan et garon meunierplein d'apocalypses, dans la caime destine dece descriptif des banlieues ?

    Hlas ! le malheureux avait crit R Rebours,Obsd de cette locution adverbiale, il setrouva sans dfense contre une horrible cha-

    suble de carnaval o la croix tait figure latte en bas.

    Peu document sur l'histoire universelle, ildut croire que le contre-pied de l'Eglise Ca-

    tholique et la dsobissance ou la turpitude

    sacerdotales taient des nouveauts foudroyan-

    tes, et il se persuada qu'un Carmel o l'on

  • ur. 70 jt.

    dvoile que le Paraclet descend dans les

    gnitoires devait abriter ncessairement unplausible Dieu.

    Le rvlateur Vintras, ayant d'ailleurs ensei-

    gn lui - mme que l'acte de l'amour sexuelest, de tous les hommages, le plus agrable Dieu , cette gymnastique agrable aux hom-mes ne pouvait pas ne pas attirer un grand

    nombre de sectateurs.

    Huysmans dut s'engluer d'autant mieux unetelle doctrine que le naturalisme dont il fut

    champion y pensait trouver un dbouch versle ciel. Incapable d'intuition et prodigieusement

    dnu de la facult de synthse, tout pleind yeux et priv d oreilles; ignorant, ds lors,

    quant aux choses religieuses, de la plus pais-

    se ignorance il tait invitable que les sales

    profanations d'un prtre ignoble lui parussent

    des pratiques saintes.

    On a lu, dans les journaux, l'effarant d-tail des gurisons de matrice par l'imposi-

    tion sur les ovaires, d hosties consacres .

    C'est en voyant de tels actes que l'infortu-

    n contempteur du matrialisme de l'cole acru s'lancer la spiritualit la plus transcen-

    dante.

    Car il est certain et de tradition constante

  • /r. 7 1 -jor.

    qu'une religion cochonne est l'objectif de toutdsobissant l'autorit surnaturelle du Vicai-

    re de Jsus-Christ. C'est quoi se rduit, j'enai bien peur, le mouvement de renaissance re-ligieuse, dont il est parl depuis quelques ans.

    *

    Remarquez bien que je n'ai pas en vue prcis-ment les saltimbanques, arlequins ou scaramou-

    ches de l'occultisme. Je signale un gobeur sin-

    cre autour duquel on mne grand bruit, cesderniers jours, un avaleur inconscient des plusvieux sabres de la magie et j'aurais, plus quebeaucoup d'autres assurment, le droit de pous-ser des cris ayant t pendant des saisons,

    le puits bnvole o les ides et les documentsessentiels de L-Bas ont t puiss.Je ne fus pas le seul consult, oh ! non, les

    documentistes prennent de toutes mains. Maisle fond mme du livre, le sens des ralits sur-naturelles qui lui manquait perdument, Dieufut tmoin de mes e|forts et de ma patiencepour le faire pntrer lentement en lui...

    J'ai racont, dans le chapitre prcdent, cetteaventure dplorable dont le souvenir ne mesole d'aucun orgueil, je vous prie de le croire.

    Je pense mme qu'il est enrayant de se trom-

  • zcr. 72 c/5

    per aussi longtemps, aussi compltement surun homme, et je demande continuellement Dieu qu'il me pardonne mon incomparable b-tise (1).

    *

    Tel est le pontife, tel est le sorcier actuel

    du chaudron magique et central o l'on voitcumer, depuis quelques jours, tous les divergentssatanismes nouveau-ns dont le monstrueuxamalgame se nomme ridiculement occultismeou sotrisme.

    Qu'ils le maudissent ou l'adorent, il faut bienqu'il soit leur chef, puisqu'ils ne peuvent s'agi-

    ter et vivre qu'autour de son nom.

    J'eusse mieux aim vraiment qu'il ne s'appe-lt pas Jocrisse. Je me serais alors drangpour quelque chose. Ce que j'aperois de plussatanique en ces jeunes gens, c'est leur sot-tise et leur nerie profonde. Pour n'en donner

    qu'un exemple saisissant, il ne s'est pas trouv

    jusqu' prsent, je le crois, du moins, un seuld'entre eux pour se demander si Vintras, le fon-dateur des nouveaux Carmes ou Johannites, or-

    (1) Etenim homo pacis mese, in quo speravi: quiedebat panes meos, magnificavit super me supplan-tationem. Psalm. XL, 10.

  • JOD 73 C/X

    donn prtre par lui-mme, condamn la pri-son pour escroquerie manifeste, et rdacteur, au

    fond de sa gele, de l'apocalyptique Voix de laSeptaine, n'aurait pas t par hasard un simple

    coquin. Mme observation pour l'abb BouIIan,inhumainement frapp, lui aussi, par nos loispnales.

    II est remarquable surtout que ce dernier, r-

    gulirement investi du sacerdoce, et qui lchabravement l'Eglise pour courir au plus pressqui tait d'incarner l'me de saint Jean, n'ait

    inspir aucun de ses admirateurs le besoin

    violent de le justifier de trahison et d'apos-

    tasie.

    Mais allez donc demander un pareil e^ort ades gens qui ne savent mme pas ce que si-gnifient le mot Obissance, le mot Prtre, lemot Eglise, le mot Absolu, et qui sont nan-moins trs srs d'avoir reconquis la sagesse deSalomon ou la science colossale d'Hnoch, Sep-time Patriarche avant le dluge.

    Je dois m'arrter ici, car j'ai l'honneur peu

    enviable, je vous le jure, d'avoir surpris ie Se-cret suprme, le grand Arcane des mages, etje ne veux pas m'exposer laisser choir unpareil trsor.

    Ce malheur m'est arriv une fois dj, le 15

  • ory. 74 ooc

    mai 1891, dans une toute petite revue. Impru-dence qui faillit me coter cher. Sans l'inter-

    vention du Prince Ourousof, accouru tout ex-

    prs de Moscou pour me dfendre, j'tais en -

    vot de dix mille francs.

    Il parat que tel est le plus juste prix de larputation d'un sotrique.

    24 Janvier 1893.

    BIBUOTHECAJ

  • TABLE

    Pages

    DDICACE 7Prface g

    Avant la Conversion :

    Les Reprsailles du Sphinx. ... 13huysmans et son dernier llvre. 23

    Aprs la Conversion :

    L'Incarnation de l'Adverbe. ... 47L'Expiation de Jocrisse 67

  • ce volume, lepremier de lacollection

    des curiosits littraires , tabli sousla direction de m. a.-l. laquerrire, a ttir a 55o exemplaires soit : 55 sur papierde hollande, numrots de i a 55 (dont5 hors commerce), et 495 sur papier verg,numrots de 56 a 550 (dont 50 horscommerce), il fut achev d'imprimer le25 novembre 1913 par les arts graphiques

    14, boulevardpoissonnirePARIS, IXe ARR*

  • La BibliothqueUniversit d'Ottawa

    Echance

    The LibraryUniversity of Ottawa

    Date Due

  • 1"

    sa :

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