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9 PRÉFACE Enseignements dzogchen de Chögyal Namkhai Norbu est la nouvelle édition d’un recueil d’enseignements donnés orale- ment et publiés à l’origine dans The Mirror, le journal de la communauté dzogchen internationale fondée en Italie en 1991 par Chögyal Namkhai Norbu. Le maître dzogchen Chögyal Namkhai Norbu est né en 1938 au Tibet oriental et a commencé à enseigner en occident en 1976. Après avoir été invité à Rome, en Italie, en 1959 par le professeur en tibétologie Giuseppe Tucci, Chögyal Namkhai Norbu devint professeur d’études orientales à l’université de Naples. Il occupa cette fonction de 1964 à 1993. Durant les trente dernières années, Rinpoché a œuvré pour établir des communautés de pratiquants dans le monde entier, il a donné de nombreuses conférences et conduit plus de cinq cents retraites. Ce livre est un riche recueil des précieux ensei- gnements donnés par Rinpoché à ses étudiants afin de leur faciliter la compréhension de la tradition dzogchen et de ses valeurs dans le monde moderne. Le dzogchen est l’essence du bouddhisme tibétain. Bien que le dzogchen, ou la voie de la Perfection Totale, ne soit pas une religion, une tradition ou une philosophie, c’est, comme le dit Chögyal Namkhai Norbu, « la voie de l’autolibération qui nous permet de découvrir notre nature véritable. C’est non

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Préface

Enseignements dzogchen de Chögyal Namkhai Norbu est la nouvelle édition d’un recueil d’enseignements donnés orale-ment et publiés à l’origine dans The Mirror, le journal de la communauté dzogchen internationale fondée en Italie en 1991 par Chögyal Namkhai Norbu. Le maître dzogchen Chögyal Namkhai Norbu est né en 1938 au Tibet oriental et a commencé à enseigner en occident en 1976. Après avoir été invité à Rome, en Italie, en 1959 par le professeur en tibétologie Giuseppe Tucci, Chögyal Namkhai Norbu devint professeur d’études orientales à l’université de Naples. Il occupa cette fonction de 1964 à 1993.

Durant les trente dernières années, Rinpoché a œuvré pour établir des communautés de pratiquants dans le monde entier, il a donné de nombreuses conférences et conduit plus de cinq cents retraites. Ce livre est un riche recueil des précieux ensei-gnements donnés par Rinpoché à ses étudiants afin de leur faciliter la compréhension de la tradition dzogchen et de ses valeurs dans le monde moderne.

Le dzogchen est l’essence du bouddhisme tibétain. Bien que le dzogchen, ou la voie de la Perfection Totale, ne soit pas une religion, une tradition ou une philosophie, c’est, comme le dit Chögyal Namkhai Norbu, « la voie de l’autolibération qui nous permet de découvrir notre nature véritable. C’est non

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seulement le nom d’un enseignement, mais la réalité de notre condition véritable, notre propre état totalement parfait en lui-même. Grâce à la transmission, le maître vous donne des métho-des pour que vous découvriez cette condition véritable ».

Grâce à ses explications et instructions claires, directes et précises, le maître Chögyal Namkhai Norbu rend tous ces pro-fonds enseignements de la lignée de Garab Dorjé accessibles à chacun. Enseignements dzogchen propose une vaste et large com-pilation d’enseignements donnés par un grand maître dzogchen et de surcroît érudit tibétain. Tous les chapitres contiennent des instructions utiles, tant aux étudiants débutants qu’aux plus avancés, quelle que soit la tradition qu’ils suivent, ainsi que des affinements du sens véritable d’importants sujets liés aux soutras, tantras et dzogchen.

Ce livre est organisé autour de différents sujets en rapport avec tous les aspects du bouddhisme et du dzogchen, et bien qu’il puisse y exister des redondances, les rédacteurs ont estimé que dans la mesure où le contexte dans lequel elles apparais-sent est à chaque fois différent, il était important de ne rien retirer. Certaines déclarations, souhaitables dans le contexte d’un enseignement en direct, ont été retirées afin de maintenir la cohérence littéraire.

Nous sommes heureux de vous présenter l’immense sagesse et l’étendue de la connaissance contenue dans ces pages, l’in-tention des rédacteurs est que la publication de ces enseigne-ments, destinés à la communauté mondiale, profite à tous ceux qui sont intéressés par l’étude et la pratique du dzogchen. Nous aimerions aussi exprimer notre gratitude à Jim Valby pour l’édition finale des versions originales, et à Adriano Clemente pour la mise en forme des chapitres et la rédaction des notes de bas de page. Nous désirons aussi remercier Igor Legati pour la coordination du projet et Steven Landsberg pour la correc-tion de la version anglaise définitive.

Naomi ZeitzResponsable d’édition, The Mirror

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la découverTe de noTre naTure vériTable1

Quand nous suivons un enseignement, l’objet principal est de comprendre en quoi consiste véritablement cet enseigne-ment et quel en est le but. Dans l’enseignement il y a quelque chose de concret qui touche à la vie quotidienne. Quelle est l’utilité de recevoir de tels enseignements s’ils ne sont pas compris et que nous n’y recherchions que des techniques de pratiques ? Les techniques sont utiles à la compréhension et en tant que méthodes de réalisation, mais si nous sommes trop à la recherche d’intitulés, nous en perdrons la raison principale. Il existe des centaines et des milliers de titres et de techniques, mais tous ont pour objet la découverte de notre condition véritable. Ceci est l’enseignement essentiel du Bouddha, de Garab Dorjé2 et de tous les maîtres importants.

Il existe, par exemple, les recueils des enseignements du Bouddha appelés le Kangyur et le Tengyur3. Il en existe des centaines de volumes. Nous savons que si nous entreprenons l’étude d’un seul soutra ou d’un seul tantra, notre vie entière sera nécessaire pour comprendre véritablement son contenu et ses différents enseignements. Il nous faudrait de nombreuses vies pour étudier tous ces livres. Quand en trouverions-nous le temps ? Telle est concrètement notre situation. C’est relatif

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et pas vraiment le plus important. Le point principal est ce que le Bouddha a dit à une certaine occasion : « J’ai découvert quelque chose de profond et de lumineux, au-delà de tous les concepts. J’ai essayé de le communiquer avec des mots, mais personne n’a compris. Alors maintenant je méditerai seul dans la forêt ». Ce vers énoncé par le Bouddha est la conclusion de l’enseignement.

L’enseignement n’est ni un intitulé ni un livre. L’enseignement n’est ni le soutra, ni le tantra et ni le dzogchen. L’enseignement est la connaissance et la compréhension, avec pour but la découverte de notre nature véritable. Ce n’est que ça, néan-moins ce n’est pas simple. C’est la raison pour laquelle le Bouddha a exposé les enseignements sous de nombreuses formes en fonction des différentes circonstances et capacités des êtres. Certains comprennent et découvrent ce qui est trans-mis, et comment cela devrait fonctionner. Néanmoins, nom-breux sont ceux qui ne le comprennent pas, n’en ont pas la capacité et doivent fonctionner autrement. Nous devons expli-quer de différentes façons. C’est la raison pour laquelle il existe de nombreuses sortes d’enseignements et de techniques.

Certains considèrent que l’enseignement signifie ne rien faire, simplement se détendre et ne faire que ce que l’on a envie de faire. Ce n’est pas cela l’enseignement. Cela c’est la prolongation du samsara. Nous agissons en permanence de cette façon, mais jamais personne n’a atteint la réalisation ainsi. D’autres pensent que l’enseignement consiste à juger, analyser, penser, puis établir un point de vue, mais ceci n’est pas non plus le sens de l’enseignement, parce que tout est relatif.

L’introduction directe

De même qu’il existe trois façons de communiquer en rela-tion avec nos trois aspects d’existence, le corps physique, l’énergie et l’esprit, l’enseignement est transmis en agissant

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sur ces trois niveaux qui lui sont caractéristiques. Dans le dzo-gchen, pour transmettre la connaissance on utilise l’introduc-tion directe. Cela ne signifie pas que nous allions voir un maître ou un être réalisé puissant et que, nous tenant devant celui-ci, nous devenions éveillés ou réalisés après un certain temps passé auprès d’elle ou de lui.

Nombreux sont ceux qui ont cette idée, mais cela n’est pas l’introduction directe. Personne ne peut faire cela, pas même Bouddha Shakyamouni. Si Bouddha Shakyamouni avait pu le faire, pourquoi ne l’aurait-il pas fait instantanément pour tous les êtres sensibles ? Pourquoi tous ne sont pas réalisés ? La compassion du Bouddha est infinie. Il ne lui manque pas, ne serait-ce qu’une once de compassion, lui permettant d’agir pour les autres. Le Bouddha est omniscient, il connaît la condi-tion du samsara et de la souffrance, et n’aurait donc eu aucune raison de ne pas le faire. Mais ce n’est pas ainsi que ça fonctionne.

Même s’il existait un maître fantastique, un être réalisé, et que nous percevions certaines vibrations émanant de ce maître, nous ne pourrions pour autant réaliser notre nature de cette façon. Si nous allons voir un maître, celui-ci enseigne, et c’est pour cela qu’il ou elle, est appelé-e un maître. Le maître ensei-gne et ne se contente pas de s’asseoir ou de pratiquer la médi-tation. Le maître nous enseigne comment accéder à notre nature véritable en expliquant avec des mots et dans un lan-gage courant. Cela s’appelle la transmission orale. C’est la raison pour laquelle, pendant des heures et des heures, un maître conduit des retraites, donne des enseignements, explique dif-férentes méthodes et façons de découvrir notre nature véritable. Ce n’est pas parce que le maître aime parler. Si le maître ne parlait pas, comment pourrions-nous comprendre ce qu’est la transmission directe ?

Le maître donne des exemples et des explications en utilisant des symboles comme le miroir, le cristal et la plume de paon. En utilisant ces symboles, nous pouvons comprendre notre

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condition véritable et notre potentialité. Il est possible de nous faire une idée grâce à ces symboles et ces explications. Une fois l’explication reçue, vous êtes plus ou moins prêt à recevoir la transmission directe. Dans ce cas le maître vous délivre les ins-tructions sur ce que vous devez faire pour réaliser directement l’expérience. Il se peut que cela se déroule en présence du maî-tre, ou que vous receviez les instructions, les mettiez en pratique et découvriez par la suite. Cela s’appelle introduction directe. Il est important que vous le compreniez.

Parfois certains lisent des livres et des enseignements dzo-gchen dans lesquels la transmission directe est expliquée, ce que Garab Dorjé en a dit et la méthode permettant d’accéder à notre nature véritable. Certains pensent que le maître peut donner l’introduction directe comme un présent ou un objet. Ils vont voir le maître et lui demandent : « S’il vous plaît, don-nez-moi l’introduction directe ». Ils pensent : « Oh, peut-être le maître ne donne-t-il pas l’introduction directe à tout le monde, ainsi si je lui demande personnellement, il ou elle, me la donnera, seulement à moi ». Ceci n’est pas exact. Si les maîtres pouvaient donner la réalisation à tous les êtres sensi-bles, ils le feraient toujours. Le maître aimerait que tous les êtres sensibles soient réalisés et accèdent à leur nature vérita-ble, mais ce n’est pas toujours facile.

C’est la raison pour laquelle nous devons œuvrer et expli-quer pas à pas, oralement, et à l’aide de symboles, en élaborant des concepts très précis. Ensuite nous pouvons en venir aux instructions de la transmission directe. De cette façon nous pouvons acquérir la connaissance et la compréhension, et véritablement pénétrer le sens de l’enseignement. Nous devons nous rappeler que tel en est le principe. Pendant une retraite de plusieurs jours nous apprenons diverses techniques, mais nous devons néanmoins nous rappeler que ce principe – décou-vrir notre nature véritable – est leur but à toutes, particulière-ment si nous suivons l’enseignement dzogchen.

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la condiTion vériTable de TouT PhénoMène4

Quand nous parlons des enseignements du dharma, il existe de nombreuses formes et traditions différentes, mais le principe n’est ni la forme ni la tradition. Dharma signifie « connaissance, compréhension ». Le terme dharma vient du sanskrit, et son véritable sens est « tout phénomène ». Cela signifie que nous devons posséder la connaissance et la compréhension de tout phénomène.

En général les gens disent : « Nous pratiquons le dharma » et en parlent comme d’une religion créée par Bouddha Shakyamouni. Ce point de vue n’est pas correct. Le Bouddha n’a jamais créé une quelconque école ou religion. Le Bouddha était un être complètement éveillé, quelqu’un au-delà de nos points de vue limités. L’enseignement du Bouddha consiste à être présent dans cette connaissance.

Si nous nous intéressons au dharma, nous sommes inté-ressés par la connaissance et la compréhension de la condition véritable de tous les phénomènes. Comment pouvons-nous acquérir une telle connaissance ? Cela ne veut pas dire qu’il nous faille apprendre par l’intellect, avec pour seule condition un sujet et un objet, jugeant et considérant les choses comme nous étant extérieures.

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En général nous pensons : « Je suis ici. Je vois ces objets devant moi et je considère ceci comme bon, et cela comme mauvais ». Nous accomplissons ainsi une quantité invraisem-blable d’analyses à partir desquelles nous développons des limitations infinies. C’est la raison pour laquelle, dès le début, le Bouddha enseigna que nous ne devons pas seulement regar-der vers l’extérieur, mais que nous devons nous observer un peu. En fonctionnant de la sorte nous pouvons découvrir qu’elle est véritablement la situation.

Quand nous parlons de l’enseignement du Bouddha, nous parlons de trois différents yana ou véhicules5 dont les racines se trouvent toutes dans les enseignements qu’il donna de son vivant en Inde. Nous pouvons aussi étudier de quelle façon le Bouddha transmit cet enseignement.

La souffrance

Il existe un enseignement, commun à tous les bouddhistes, appelé les Quatre Nobles Vérités6. Ce fut le premier enseigne-ment transmis par le Bouddha. Même s’il existe différentes méthodes d’enseignement telles que le tantra et le dzogchen, celles-ci sont toujours basées sur les Quatre Nobles Vérités. Pourquoi sont-elles appelées les Nobles Vérités ? Elles sont nobles parce qu’elles sont importantes pour la connaissance et la compréhension.

Par exemple, dans les Quatre Nobles Vérités nous commen-çons par la compréhension de ce qu’est la souffrance. Généralement la souffrance n’est pas si difficile à comprendre. Même si nous savons de quoi il s’agit, nous sommes inattentifs, pas présents et en particulier nous ne sommes pas conscients que la souffrance a une cause. La souffrance est le fruit, ou l’effet, d’une cause. S’il existe un effet ou un fruit, il existe une cause. Pourquoi le Bouddha expliqua-t-il la souffrance dans le tout premier de ses enseignements ? Ce n’est pas parce que

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c’était d’un intérêt particulier ou parce que les gens désiraient acquérir cette connaissance, mais parce que la souffrance est universelle et que chacun en a fait l’expérience. La souffrance n’est pas un sujet avec lequel nous pouvons être en accord ou en désaccord.

Si, par exemple, le Bouddha avait expliqué la nature de l’esprit, nombreux sont ceux qui seraient tombés d’accord ou en désaccord avec lui. Nous autres, êtres humains, sommes en général très limités. Nous possédons des ego surdimensionnés et, généralement, les gens sont convaincus que par leurs points de vue ils détiennent la connaissance et la compréhension.

Tout d’abord il y a de nombreux raisonnements au sujet de la nature de l’esprit. L’axe principal de l’enseignement du Bouddha n’était pas de convaincre ou d’argumenter, mais de dévoiler notre condition véritable. Les personnes ordinaires sont capables de comprendre quelque chose dont elles ont fait concrètement l’expérience. Si nous n’en avons pas fait l’expé-rience, il nous est difficile de comprendre ou d’accepter quoi que ce soit.

Un bébé ou un jeune enfant, par exemple, n’a aucune expérience de la vie. Il ne connaît pas sa condition ou ses limi-tes. Lorsque nous recommandons aux enfants de ne pas tou-cher au feu, nous leur disons : « Tu vas te faire mal ». Si l’enfant n’a aucune expérience du feu, il lui est difficile de l’accepter, mais si l’enfant touche le feu, il en fait alors directement l’ex-périence. Lorsqu’il sentira le feu brûler, il n’y touchera plus. Il s’agit bien entendu d’une expérience de la souffrance, un pro-blème concret de tout un chacun, mais nous réfléchissons peu à la cause.

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Le karma

Quand nous avons des problèmes, notre premier réflexe est de nous débattre avec ceux-ci. Nous disons que « Là où il y a un problème, en luttant, on trouvera aussi une solution ». Le Bouddha expliqua tout d’abord que la condition de la souf-france est quelque chose de désagréable, que personne n’aime. Si vous désirez ne pas souffrir, il vous faut rechercher les causes de la souffrance. Pour résoudre le problème la solution ne consiste pas à lutter ou à combattre.

Pour découvrir la cause, il existe des explications sur les causes, les effets et sur leur relation. Tous les bouddhistes et tous les hindous parlent de karma. En Asie, pour la plupart des gens, le karma est quelque chose de familier, néanmoins ça ne l’est pas dans le monde occidental. Bien que certains trouvent le concept difficile à accepter et n’utilisent pas le mot, ils acceptent le karma parce qu’il existe toujours une cause, un effet et leur relation dans le temps. Tout le monde accepte cela. C’est ça le point principal.

En utilisant des centaines et des centaines d’exemples dif-férents, le Bouddha expliqua dans l’enseignement des soutras ce que sont la cause et l’effet, et comment ceux-ci se manifes-tent. Cet enseignement permet d’approfondir ce savoir et n’existe pas uniquement pour que nous prenions l’habitude de dire : « Nous sommes bouddhistes, nous croyions en cela ».

Je pense que le karma est très réel pour tout le monde et qu’il est très important de le comprendre correctement. Certaines personnes pensent au karma comme à quelque chose de pré-programmé que nous sommes destinés à subir. Quand des problèmes apparaissent, celles-ci disent : « C’est mon karma, qu’y puis-je ? ». Elles sont résignées et s’y complaisent. Ce n’est pas une compréhension correcte du karma. Le karma est lié au temps et aux situations concrètes dans lesquelles il se manifeste.

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Il existe une citation célèbre du Bouddha Shakyamouni qui dit : « Pour savoir ce que nous avons fait dans nos vies anté-rieures, nous devons examiner notre situation présente ». Cela signifie que nous sommes maintenant des êtres humains, que nous sommes dotés d’un corps, de la parole et d’un esprit humains. Notre existence présente est conditionnée par notre karma passé. Le Bouddha dit ensuite : « Pour savoir comment sera notre prochaine vie, il nous faut examiner nos actions présentes ». Cela signifie que nos actions présentes peuvent produire le fruit de notre prochaine vie, mais que nous pou-vons aussi les modifier et les purifier. Nous pouvons tout faire.

Dans toutes les traditions bouddhistes il existe un grand nombre de pratiques permettant de purifier le karma négatif. Cela signifie que lorsque nous avons le problème d’un karma négatif, il nous est aussi possible de le purifier. Nous ne pou-vons pas nous contenter de dire : « C’est mon karma, il n’y a rien à faire ». Le potentiel du karma se manifeste de la même façon qu’ont les graines de pousser dans un champ. Elles ont le potentiel de produire des fleurs, quelque chose de concret. Si, par exemple, nous plantons une graine de fleur, une fleur pousse, pas du riz ni des céréales. Cela s’appelle le potentiel. Pour qu’une fleur puisse apparaître, de nombreuses causes secondaires sont nécessaires. Bien que la graine possède la faculté de produire une fleur, pour apparaître elle a besoin d’être plantée dans la terre, d’être arrosée, de recevoir les rayons du soleil et d’autres causes secondaires.

En général nous vivons dans notre condition relative et nos circonstances nécessaires de la même façon que la terre, l’eau et la lumière le sont pour qu’une graine se développe. En modifiant nos causes secondaires, nous pouvons changer ou bloquer les situations négatives. C’est la bonne façon de consi-dérer le karma et sa manifestation, et c’est aussi la raison pour laquelle nous appliquons la pratique de purification.

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La cessation

Comment pouvons-nous interrompre la cause d’un karma négatif ? Si nous ne voulons pas souffrir, nous devons d’abord comprendre que la souffrance est produite par une cause. Une fois la cause découverte, nous devons l’interrompre. Même si nous avons acquis la compréhension de la cause et de l’effet, si nous n’interrompons pas la cause, cette compréhension ne nous apporte aucun bénéfice. En conséquence, après qu’il eut expliqué la cause et l’effet, le Bouddha enseigna la Troisième Noble Vérité de la cessation.

La maladie, par exemple, peut être produite par la nourri-ture, notre comportement ou notre façon de vivre. Il existe toujours une cause productrice de la maladie. D’une manière ou d’une autre nous devons découvrir qu’elle est la cause. Si nous ne pouvons pas découvrir la cause par nous-mêmes nous allons voir un médecin parce que c’est un expert. Celui-ci découvrira la cause et l’effet, après nous avoir examiné et réa-lisé un diagnostic. Ainsi nous suivons un enseignement et un maître, et nous apprenons quelle est la cause de la souffrance. Quand, grâce à l’enseignement et au maître, nous découvrons quelle est véritablement la situation, nous obtenons en même temps la solution pour la modifier. Le docteur nous prescrit, par exemple, de ne pas manger ou boire certaines nourritures et boissons ainsi que de modifier notre comportement. Habituellement le docteur nous donne aussi des médicaments. Pour en obtenir un bienfait, nous devons appliquer cette pres-cription. C’est ainsi que nous pouvons interrompre la cause des négativités.

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Les émotions

Dans les enseignements un des noms du Bouddha est celui de « grand médecin ». Cela ne signifie pas que le Bouddha prépare certaines compositions médicinales à base de plantes ou qu’il analyse les maladies. Toutes nos maladies et nos pro-blèmes prennent racine dans nos émotions. D’ordinaire nous sommes complètement conditionnés par nos émotions et ne sommes même pas conscients à quel point nous le sommes. C’est là notre maladie.

Si nous ne savons pas comment trancher la racine de nos problèmes, il n’est pas facile de surmonter des choses telles que les affections physiques. Dans la médecine tibétaine ou ayurvédique, par exemple, sont toujours expliquées les trois humeurs, vent, bile et flegme. Ces conditions caractéristiques gouvernent notre existence en tant que corps, parole et esprit. Si nos humeurs sont équilibrées, nous aurons peu de problè-mes physiques, mais si celles-ci sont déséquilibrées nous ris-quons d’en avoir. Les trois humeurs prennent racine dans les trois émotions principales, l’ignorance ou manque de clarté, la colère et l’attachement. Celles-ci nous conditionnent et sont aussi la cause de tous nos problèmes. Si nous ne désirons pas subir les effets de la souffrance, nous devons interrompre ces causes. C’est ce que le Bouddha expliqua dans la Troisième Noble Vérité.

La voie

Pour mettre fin aux différentes causes, de nombreuses solutions existent, principalement dépendantes de la condition de l’individu. Certaines personnes ont plus de capacités et d’opportunités, d’autres moins. Le Bouddha est omniscient, ce qui signifie qu’il a une parfaite connaissance et compréhen-sion de la situation du samsara. C’est la raison pour laquelle

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le Bouddha, en bon médecin, œuvre en conséquence pour chaque personne, afin de transmettre la connaissance et la compréhension.

Si un bon docteur diagnostique et traite les maladies des gens, il, ou elle, doit le faire individuellement selon la situation propre à chacun. Il est parfois possible de préparer une méde-cine universelle dont chacun peut profiter, mais si vous désirez guérir quelqu’un parfaitement, il faut que vous compreniez sa situation particulière et voyiez qu’elle est sa condition véritable. C’est pour cette raison que la Quatrième Noble Vérité est appe-lée la Noble Vérité de la voie.

Le Bouddha enseigna différentes sortes de voies. Cela ne veut pas dire que le Bouddha créa différents types d’écoles, mais qu’il transmit le savoir et la compréhension de différentes manières, en fonction de la condition des individus. C’est ainsi qu’existent les enseignements des soutras, des tantras et du dzogchen : des enseignements en relation particulière avec la condition des trois existences de l’individu.

Nous avons d’abord notre corps physique en relation avec notre monde physique au niveau matériel. En conséquence, le Bouddha se manifesta physiquement et enseigna et transmit l’enseignement des soutras.

Le tantra

En général tantra est un mot sanskrit utilisé aussi dans l’hindouisme, mais bien que le même nom soit utilisé, celui-ci n’a pas toujours le même sens. Dans les enseignements tan-triques de la tradition bouddhiste, tantra signifie notre condition véritable. Au sens premier, tantra signifie « continuité » ou « continuation ». Que veut dire « continuité de notre nature véritable » ? Cela signifie une reconnaissance ou compréhen-sion au niveau de notre énergie.

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Par exemple, une infinité de pensées bonnes ou mauvaises apparaissent. Nous avons aussi une certaine conception du bien et du mal, mais la racine de ces pensées est liée à notre énergie, un mouvement de pensées, dont la source fait partie de notre condition véritable. Si nous observons une pensée, où se trouve-t-elle ? Où va-t-elle ? Lorsque nous l’observons, nous ne trouvons rien. Ce que nous trouvons inévitablement c’est la vacuité, la condition véritable de toutes choses, le dharmadhatu.

Immédiatement après une pensée, une autre apparaît. Lorsque nous observons cette deuxième pensée, elle disparaît et nous ne trouvons que la vacuité. Immédiatement après, une troisième puis une quatrième pensée apparaissent, et cela se perpétue à l’infini. Ce mouvement sans fin existe parce que nous en possédons le potentiel, l’énergie, dans notre nature. C’est le sens véritable de la continuité : la continuité de la vacuité et du mouvement, énergie et mouvement, encore et encore, sans interruption. Cette connaissance et compréhen-sion sont le principe de l’enseignement tantrique qui est plus en relation avec le niveau de notre énergie.

Bien qu’il ne fût pas transmis physiquement par le Bouddha, cet enseignement le fut à travers sa manifestation. C’est un trait caractéristique de l’enseignement tantrique. Ceux qui pratiquent ce genre d’enseignement doivent posséder davan-tage de capacité pour le suivre et le comprendre. Le niveau physique est toujours plus facile à comprendre. Si, par exem-ple, vous voyez quelqu’un arriver, ce que vous voyez est son corps physique. Il n’est pas facile de voir le niveau de l’énergie de cette personne. Si quelqu’un ne possédait pas de corps phy-sique, mais n’était qu’énergie ou esprit, vous ne seriez pas capable de le voir. Si vous le pouviez, cela signifierait que vous possédez une capacité particulière. C’est un exemple de ce en quoi l’énergie est plus difficile à comprendre.

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Le dzogchen

Dzogchen, qui est un mot tibétain, se dit santi maha dans la langue d’Oddiyana7, ou maha santi en sanskrit, et fait référence à un état parfait, le potentiel et le pouvoir de notre nature véritable. Nous pouvons découvrir cette connaissance, ce potentiel, cette condition véritable. Ceci est un enseignement davantage relié à l’esprit. Pour comprendre l’enseignement dzogchen, nous devons disposer de la capacité d’esprit corres-pondant à ce niveau. Bien sûr il est beaucoup plus difficile de savoir ou de découvrir quelque chose à ce niveau qu’au niveau physique.

En tout cas, il existe principalement trois enseignements caractéristiques en relation avec les trois aspects de l’existence d’un individu. Il est parfois important de connaître les carac-téristiques des enseignements. Cela ne veut pas dire que nous les comparions et que nous affirmions que « cet enseignement est meilleur que celui-ci ». Cela dépend simplement de la situation et de la capacité de l’individu. S’il n’y avait pas de différences entre les individus, il n’y aurait aucune raison d’avoir différentes voies. S’il existe différentes voies, c’est qu’il existe différentes raisons à cela. En général, l’objet principal d’un enseignement consiste à comprendre, concrètement, notre condition. C’est l’objet du dharma. La connaissance du dharma est la connaissance de la compréhension de tout phé-nomène, que l’on peut avoir lorsque nous découvrons notre condition véritable.

La façon dont les enseignements du bouddhisme se sont développés en différents endroits du monde est liée à la culture et au savoir du pays. Trisong Deutsen (742-797) fut un roi réputé du dharma, responsable de la diffusion du bouddhisme au Tibet au VIIIe siècle. Il invita Shantarakshita, le pandit indien de renom, pour qu’il enseigne les soutras bouddhistes, mais celui-ci rencontra de nombreuses difficultés dans la propaga-tion des enseignements bouddhistes. La raison en est qu’au

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Page 17: Préface - excerpts.numilog.comexcerpts.numilog.com/books/9782351180945.pdf · 9 Préface Enseignements dzogchen de Chögyal Namkhai Norbu est la nouvelle édition d’un recueil

Tibet il existait, avant l’introduction du bouddhisme, une ancienne tradition appelée bön8 ; une tradition très différente du bouddhisme, considérée par certains érudits occidentaux comme l’une des sources du chamanisme. Cette ancienne tradition se concentrait sur le concept d’énergie. Ses disciples étudiaient et développaient la connaissance de l’énergie et sa relation avec l’individu et le monde extérieur.

Pour un individu intéressé par le dharma, le point déter-minant consiste à découvrir sa condition véritable. Si nous découvrons ce qu’est notre condition véritable, nous pouvons découvrir celle des autres. Si nous ne faisons pas la découverte de nous-mêmes, que nous jugeons et considérons les choses comme nous étant extérieures, il nous sera impossible de découvrir la condition de tout phénomène. C’est la raison pour laquelle, dans tous les enseignements du Bouddha – soutras, tantras et dzogchen – il est dit que nous devons nous observer. Nous ne pouvons contrôler l’univers extérieur, mais nous pouvons nous contrôler nous-mêmes. Si une évolution se produit en nous, elle peut aussi être utile aux autres.

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