la transmission de la tradition katori

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LA TRANSMISSION DE LA TRADITION KATORI Après le fondateur lui-même, il y eut 20 grands Maîtres (Soke) dont le dernier est Iizasa Shuri No Suke YASUSADA. Il n'y eut aucun problème de transmission de père en fils jusqu'à l'époque du 18ème Soke, Shuri No Suke MORISADA. Cependant, celui-ci mourut en 1898 à l'age de 59 ans sans laisser d'héritier mâle. Pendant vingt ans, c'est à dire jusqu'en 1918, le suivi de l'enseignement de l'école fut assuré par un collège de neuf experts dont le principal instructeur était YAMAGUCHI KUMAJIRO. Les huit autres experts assurant l'intérim étaient les Shihans KAMAGATA MINOSUKE, TAMAI KISABURO, SHIINA ICHIZO, ITO TANEKICHI, KUBOKI SOZAEMON, ISOBE KOUHEI, HAYASHI YAZAEMON (mort en 1964) et MOTOMIYA TORANOSUKE. A la mort du Shihan Yamaguchi en 1918, les 8 instructeurs avaient entre 38 et 70 ans. Tous avaient un style et une technique légèrement différente, chacune d'entre elles étant adapté à leur morphologie ainsi qu'à leur personnalité. Le chef du Ryu devant impérativement appartenir à la famille du fondateur, un nouveau Soke fut introduit par le biais d'un mariage au sein de la famille Iizasa. Il s'agissait du Professeur KINJIRO qui pris donc en 1929 le nom de Iizasa SHURI NO SUKE KINJIRO. Maître Jigoro Kano qui était un mystique et un visionnaire, avait pressenti le besoin urgent de préserver le Budo traditionnel. Ainsi en 1928, il créa à cet effet le KOBUDO KENKYUKAI, section de recherche sur les Arts Martiaux traditionnels qui regroupa une trentaine d'experts en Judo. Maître Kano admettait que le Judo n'était pas suffisant et qu'il était nécessaire de pratiquer d'autres disciplines martiales. Il invita donc quatre experts de l'école Katori à enseigner leur Art. Malheureusement, tous les membres du groupe abandonnèrent après quelques mois de pratique, à l'exception de Minoru Mochizuki Sensei. Celui-ci se vit donc confier la responsabilité de mettre sur pied une nouvelle section. Chacun des quatre experts de Katori avait sa propre technique et Minoru Sensei avoua qu'il était quelque peu troublé par cet aspect des choses. Il alla donc trouver Maître Kano et il lui demanda ce qu'il devait faire. En éclatant de rire, celui-ci aurait répondu :

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LA TRANSMISSION DE LA TRADITION KATORI

Après le fondateur lui-même, il y eut 20 grands Maîtres (Soke) dont le dernier est Iizasa Shuri No Suke YASUSADA. Il n'y eut aucun problème de transmission de père en fils jusqu'à l'époque du 18ème Soke, Shuri No Suke MORISADA. Cependant, celui-ci mourut en 1898 à l'age de 59 ans sans laisser d'héritier mâle. Pendant vingt ans, c'est à dire jusqu'en 1918, le suivi de l'enseignement de l'école fut assuré par un collège de neuf experts dont le principal instructeur était YAMAGUCHI KUMAJIRO. Les huit autres experts assurant l'intérim étaient les Shihans KAMAGATA MINOSUKE, TAMAI KISABURO, SHIINA ICHIZO, ITO TANEKICHI, KUBOKI SOZAEMON, ISOBE KOUHEI, HAYASHI YAZAEMON (mort en 1964) et MOTOMIYA TORANOSUKE. A la mort du Shihan Yamaguchi en 1918, les 8 instructeurs avaient entre 38 et 70 ans.

Tous avaient un style et une technique légèrement différente, chacune d'entre elles étant adapté à leur morphologie ainsi qu'à leur personnalité. Le chef du Ryu devant impérativement appartenir à la famille du fondateur, un nouveau Soke fut introduit par le biais d'un mariage au sein de la famille Iizasa. Il s'agissait du Professeur KINJIRO qui pris donc en 1929 le nom de Iizasa SHURI NO SUKE KINJIRO.

Maître Jigoro Kano qui était un mystique et un visionnaire, avait pressenti le besoin urgent de préserver le Budo traditionnel. Ainsi en 1928, il créa à cet effet le KOBUDO KENKYUKAI, section de recherche sur les Arts Martiaux traditionnels qui regroupa une trentaine d'experts en Judo. Maître Kano admettait que le Judo n'était pas suffisant et qu'il était nécessaire de pratiquer d'autres disciplines martiales. Il invita donc quatre experts de l'école Katori à enseigner leur Art. Malheureusement, tous les membres du groupe abandonnèrent après quelques mois de pratique, à l'exception de Minoru Mochizuki Sensei. Celui-ci se vit donc confier la responsabilité de mettre sur pied une nouvelle section.

Chacun des quatre experts de Katori avait sa propre technique et Minoru Sensei avoua qu'il était quelque peu troublé par cet aspect des choses. Il alla donc trouver Maître Kano et il lui demanda ce qu'il devait faire. En éclatant de rire, celui-ci aurait répondu : "Rejettes tout et trouve par toi-même ta propre Voie". C'est alors qu'on lui aurait proposé de devenir le 19ème Soke de l'école Katori, en épousant une descendante de Morisada Iizasa, mais il déclina cette offre qui l'aurait obligé à quitter Maître Kano. Les quatre experts Katori qui avaient été envoyés au KODOKAN à la demande de Maître Kano étaient Tamai Sensei (70 ans), Kuboki Sensei (50 ans), Ito Sensei (45 ans) et Shiina Sensei (38 ans).

Contrairement à Minoru, Sugino Sensei abandonna en 1928 la pratique du Judo pour se consacrer plus complètement à l'Art du sabre de l'école Katori. Il fut formé pendant deux ans par les Shihans Tamai Sensei, Kuboki Sensei, Ito Sensei et Shiina Sensei. Ce dernier l'instruisit personnellement pendant dix ans. Tous ces grands experts avaient été les élèves du Soke Iizasa Morisada, ainsi que du Shihan Yamaguchi.

Maître Risuke Otake est l'actuel responsable de l'école Tenshin Shoden Katori Shintô Ryu. Né en 1926 à Katori gu, dans la préfecture de Chiba, c'est à l'age de 16 ans (en 1942) qu'il entre dans l'école et s'y

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entraîne intensément sous la direction de l'instructeur Hayashi Yazaemon. Ce dernier était lui-même disciple direct du Shihan Yamaguchi. A 42 ans, Maître Otake est investi de la charge suprême de l'école et reçoit le GOKUI KAIDEN (tous les secrets du Ryû). Conformément à la tradition, le 20ème Soke de l'école est Iizasa Shuri No Suke Yasusada, fils de Kinjiro, mais étant donné son inexpérience, il est formé par Maître Otake qui reste en charge de l'école.

Implantation du style Katori Shintô Ryu en France

Très attiré par la tradition Japonaise (mon parrain étant lui-même japonais), j'ai commencé à m'intéresser aux disciplines martiales à l'age de 19 ans. Cependant, à cause des obligations militaires, j'ai dû attendre 1964 pour découvrir un dojo, avec à sa tête un véritable expert japonais. C'était à "Plage 50" et le professeur n'était autre que Hiroo Mochizuki, fils de Minoru Mochizuki Sensei. A cette époque, il enseignait le Karaté (style Wado Ryu), l'Aïkido et il donnait quelques cours de Iaido de façon officieuse. Passionné, j'ai rapidement consacré tout mon temps et mes efforts à l'entraînement où j'accumulais tout ce que Hiroo pouvait m'enseigner. Il était un expert extrêmement doué et par sa manière d'être très "japonaise", il nous transportait en rêves au pays des samouraïs. Même si le destin nous a séparés, je garde pour lui une très grande amitié et une profonde admiration pour ses qualités d'homme de tatamis.

Peu à peu, voyant notre intérêt croissant pour les techniques de Ken et de sabre, Hiroo en vint à nous enseigner la méthode qu'il connaissait. Sa technique était le style Katori tel qu'il avait été modifié par son père, celui-ci s'étant aussi inspiré de l'école Muso Shinden.

Grand expert en Judo, on peut dire que Minoru Mochizuki Sensei fut le premier à donner une puissante et décisive impulsion aux différentes disciplines du Budo traditionnel. C'est au cours des années 1951 à 1953 qu'il eut l'occasion de faire quelques démonstrations, en France notamment. Il eut très peu de temps pour former des élèves, mais en 1958, avec ce qu'il en connaissait, l'un d'entre eux s'efforça d'implanter le Iaido. Il s'agissait de Jim Alcheik qui malheureusement décéda en 1962. C'est alors que Hiroo fut envoyé en France et reprit l'enseignement en 1963 avec Alain Floquet pour assistant. Quant à moi, je devins l'élève de Hiroo en 1964. Hiroo était encore très jeune lorsqu'il vint en France. C'était cependant un redoutable technicien qui avait été capitaine de son équipe en Judo et Karaté à l'université, ce qui impliquait qu'il était nettement au-dessus de la moyenne.

Comme Jacques Normand (aujourd'hui Président de la Fédération Française de Kyudo) et moi-même étions très proche de lui, il n'était pas rare que nous partions ensemble participer à des démonstrations (principalement de sabre et d'Aïkido). A cette époque, on ne pouvait pas parler réellement de méthode Katori car le programme n'était constitué que des Katas de Iaido et d'un Kata de Naginata (le seul que nous présentions en démonstration). Du reste, se programme se trouve dans un petit ouvrage intitulé "Arts Martiaux Traditionnels" édité par SEDIREP et dans lequel je servis de partenaire pour les photos. On peut donc dire que ce programme était le seul pratiqué en France à cette époque. Pour ma part, je restais quelque peu sur ma faim.

Depuis l'age de 16 ans, j'avais consacré toute ma vie à une démarche spirituelle et en dehors des Arts Martiaux, mon temps était exclusivement consacré à la méditation. Au dojo, j'avais beaucoup de mal à faire admettre qu'une discipline martiale devait mener à la paix intérieure et à la réalisation du Soi

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appelée Satori par les moines ZEN. C'est ainsi qu'en plus d'une recherche dans les systèmes Hindou et Judéo-chrétien, je suivais les sessions de Zen du moine Deshimaru. Mais, au sein du dojo, la seule motivation paraissait être l'efficacité.

Tout ceci était normal compte-tenu d'un fait que j'ignorais à l'époque : il s'agissait du point de vue de Minoru Sensei et d'une tendance généralisée dans les Arts Martiaux tels qu'on les pratique encore aujourd'hui, c'est à dire dans un esprit de compétition. Minoru Sensei avait aussi bien étudié le Daitoryu de Maître Takeda (basé uniquement sur une efficacité maximale) que l'Aïkido de Maître Ueshiba qui transforma un Art de self-défense en un Art de self-réalisation. Cependant, Minoru Sensei avait choisi le premier système et l'efficacité. J'étais bien décidé à partir aux sources, mais j'ignorais encore où se porterait mon choix : l'Inde ou le Japon. Dans tous les cas, je sentais qu'il était absolument indispensable de quitter le giron familial et de me dégager de la sécurité que représentait le foyer qui confinait mon esprit dans un cercle restreint, conditionné par l'habitude.

C'est en 1968 que je pris la décision de me rendre au Japon. Il nous fallut près d'un an pour économiser l'argent nécessaire et pour étudier les rudiments de la langue japonaise. Je dis "nous" car mon ami Jacques Normand avait décidé de m'accompagner. Nous sommes donc partis par le train jusqu'à Moscou, puis en avion jusqu'à Vladivostok. Le bateau nous emmena jusqu'à Yokohama et pour finir, un train nous conduisit jusqu'à notre destination finale : Shizuoka. Il me fut très facile de m'adapter à la vie nipponne car je concrétisais un vieux rêve, celui de tout pratiquant d'Arts Martiaux : vivre dans un dojo comme Uchi Deshi d'un Maître.

Le Yoseikan était une vielle demeure en bois qui avait connu les jours de gloire du Budo traditionnel. De plus, et cela n'était pas négligeable, il était situé au coeur de la campagne, étant séparé de la ville par une très large rivière, l'Abe Kawa qui se jettait dans la mer toute proche. A l'opposé du dojo, ce n'était que nature, rizières et montagnes sur lesquelles s'élevaient des plantations de thé et de mandarines. Le lieu où se tenaient les entraînements prenait toute la superficie du bas du bâtiment, les chambres quant à elles étant situées au premier étage ce qui me permettait de descendre m'entraîner à tout instant.

Minoru Sensei et son épouse resteront toujours dans mon coeur comme un couple d'une extrême gentillesse, et grâce auxquels ce séjour comptera comme l'une de mes expériences les plus enrichissantes. L'entraînement, par contre, n'était pas une partie de plaisir, mais là encore, Minoru Sensei ne ménagea pas son temps et partagea avec nous et avec beaucoup de patience, ses hautes compétences techniques. Le travail dans son dojo était très dur car la plupart des élèves étaient des Judokas et Karatékas expérimentés. Par conséquent, les randoris d'Aiki-jutsu était très proche d'un combat réel et cela eut au moins l'avantage de renforcer la puissance mentale et physique qui fait souvent défaut aux occidentaux. Il n'y avait pas un seul jour de repos et le dimanche était le jour le plus chargé avec 8 heures d'entraînement dans plusieurs disciplines : le Karaté avec Sano Teruo Sensei qui nous enseignait aussi le Ju-jutsu et le Kobudo d'Okinawa, le Judo et l'Aiki-jutsu avec Minoru Sensei et son assistant Murii Sensei, et enfin le Iai et les techniques de l'école Katori.

Après quelque temps, nous avons ajouté à cela des cours de Kyudo et de Kendo. Mais il nous fallait sacrifier trois après-midi d'entraînement pour assurer nos finances. A cette époque les occasions ne manquaient pas : c'est ainsi que je devins tout à tour barman, vendeur de produits pharmaceutiques,

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professeur de français, monteur de pièces agricoles dans l'entreprise Marunaka, ..., et surtout manutentionnaire dans une menuiserie située juste en face du Yoseikan. Ceci dit, une fois mis de coté l'argent nécessaire à la chambre, au matériel et pour les cours, il me restait tout juste de quoi manger et à peine de quoi m'habiller. Dans l'ensemble, nous avions 4 à 5 heures d'entraînement par jour.

Les cours sur le style de l'école Katori me plaisaient particulièrement : très souvent le soir, après les activités et un bain bien chaud, je mettais un yukata et muni de mon sabre, j'allais exécuter quelques katas sur les bords de la rivière voisine. D'autres fois encore, je descendais dans le dojo en pleine nuit et à la lueur de la lune, je faisais silencieusement les katas de Iai. Minoru Sensei me rejoignait parfois et sans un bruit, il m'observait pratiquer. Comme avec Hiroo, nous eûmes, Jacques Normand et moi-même, l'occasion de faire plusieurs démonstrations publiques tant en Aiki-jutsu qu'en Iai et en Karaté. Il est évident que toutes ces années consacrées au Budo et à la méditation m'ont apporté une expérience que l'on ne peut acquérir en France en continuant à vivre comme le commun des mortels, c'est à dire soumis aux impératifs de la société.

On peut ne pas être en accord avec la philosophie de Minoru Sensei, mais il reste néanmoins l'une des plus grandes figures du Budo et à ce titre, je me dois d'en dire quelques mots.

Minoru Mochizuki est né en 1907 à Shizuoka. Son grand-père était le dernier descendant d'une lignée de Samuraïs établis en Tokaido. Son père, Miozo, était un homme de la terre, mais il devint un bon expert d'Arts Martiaux. Il s'installa avec sa famille à Tokyo. C'est en 1912 (il avait tout juste 5 ans) que Minoru Sensei commence le Judo avec Maître Takebe. A 17 ans, il s'inscrit au Kendokan, dojo du grand Maître de Judo Sabo Toku, rendu célèbre pour avoir battu 165 adversaires à la suite alors qu'il n'était qu'un adolescent. Deux ans plus tard, Minoru Sensei rentre au KODOKAN, dojo de Maître JIGORO KANO. Il y obtient son premier dan en juin 1926. Un an plus tard, il passe son second dan et Maître Kyuzo Mifune le prend comme assistant. Parallèlement à la pratique du Judo, il s'entraîne au Kendo.

C'est en 1928 que Maître Kano crée le centre du Budo traditionnel et charge Minoru Sensei d'étudier l'enseignement du Katori Shintô Ryu. A cette époque, Ô Sensei Ueshiba est déjà très renommé et Maître Kano qui est venu l'observer, lui envoit quatre de ses meilleurs élèves dont Minoru Sensei. Cela eut lieu en 1930. Minoru Mochizuki allait donc s'entraîner au Daitoryu Aiki-Jutsu de Maître Takeda, ainsi que chez Maître Shimizu Kooji afin d'y pratiquer le SHINDO MUSO RYU. En 1933, O Sensei UESHIBA lui remet son diplôme, le Daito Ryu Aiki Ju Jutsu Okuden Inka, la plus haute distinction de cette école. Cependant , à cause d'un problème de santé, il part pour Shizuoka où il crée un dojo. Il y enseigne l'Aiki-jutsu et l'ensemble des katas de l'école Katori avec, dit-il, l'autorisation de Maître Ueshiba. En 1938, il quitte le Japon pour la Mongolie où il est nommé directeur de lycée en qualité de coopérant.

Par la suite, le gouvernement mongol le nomme préfet du département chinois de SEI SUI GA. Pendant cette période, il enseigne le Budo Japonais et s'initie au Karaté. De retour à Shizuoka en 1946, il reconstruit son dojo qu'il baptise "Budo Yoseikan". En 1951, faisant partie d'une délégation culturelle, il doit se rendre au siège de l'UNESCO à Genève. Mais son bateau prend du retard et il ne peut rejoindre son groupe à temps. Il va donc en profiter pour visiter la Suisse, la France et la Tunisie

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où il s'efforcera d'enseigner les Arts Martiaux. Cette visite durera 2 ans. Le bagage technique de Minoru Mochizuki Sensei est très impressionnant, même au Japon : en 1978, le KOKUSAI BUDO IN le nomme 9ème dan Hanshi de Ju-jutsu. En 1979, il reçoit le 10ème dan d'Aïkido des mains d'un membre de la famille impériale.

Il est actuellement membre du comité directeur du KOKUSAI BUDO IN en qualité de 9ème dan de Ju-jutsu, 10ème dans d'Aïkido, 8ème dan de Judo Hanshi (grade Kokusai). Par ailleurs, il est aussi 7ème dan du Judo (grade Kodokan), 7ème dan de Iai Kyoshi, 5ème dan de Jodo, 5ème dan de Kendo et 8ème dan Katori Shintô Ryu.

Le temps passa et chacun de nous s'intégra à sa manière : mon ami Jacques se maria et quitta le Yoseikan tout en continuant l'entraînement. Nous avions des objectifs communs et différents à la fois. C'est ainsi que de son coté il s'entraîna avec Sensei Ofussa Gyu, grand spécialiste de Naginata avec lequel il passa un 3ème dan. Il eut aussi le privilège de pouvoir rencontrer Maître Sonobe Shigehachi, 10ème dan de Naginata et 16ème Iemoto (issus de 16 générations). De mon coté, j'eus aussi la chance de rencontrer des Senseis ayant une grande ouverture spirituelle, but essentiel de ma recherche. Il y eut Masahiko Tokuda Sensei en Kyudo, ainsi qu'un Maître de Kendo qui pendant une année m'enseigna l'esprit du Iai selon les mêmes préceptes que le moine Zen Takuan.

On le sait, ce dernier influença profondément la mentalité d'escrimeurs tel que Miyamoto Musashi, ainsi que l'esprit de l'école Shinkage fondée par Kami-Isumi-Ise-No-Kami-Nobutsuna (1508-1578). J'eus aussi l'occasion de rencontrer de grands sages parmi les moines de l'école Bouddhiste Shingon et les ascètes du Shugendo avec lesquels je pratiquais certaines formes de purification et des exercices mentaux. Pendant ces 5 années passées au Japon, bien que je sois allé vivre en dehors du Yoseikan la dernière année, je suis toujours resté fidèle aux cours de Minoru Mochizuki Sensei. Cependant, comme ma conception de l'Aïkido n'était pas identique à la sienne, je suis allé m'initier à l'Aïkido du style KOLINDO au Budokan de Shizuoka. Au cours du séjour, il m'a été plusieurs fois donné d'assister à un échange dans le style Katori entre Sensei Minoru et Sensei Sugino Yoshio qui est aussi, comme je l'ai déjà dis, une grande figure du Budo traditionnel. Cependant, je ne lui fus jamais présenté et je ne le connais donc que de vue

. Mon intention initiale était de rester une dizaine d'années sur place. Néanmoins, une ou deux fois, la France vint à moi en la personne d'Alain Floquet que je rencontrais à la faveur d'un championnat de Kendo. Il représente aujourd'hui le style Katori de Sugino Sensei, style non reconnu par l'école mère.

Dans le Budo, il est des lois que l'on ne peut transgresser et l'une d'entre elles est le respect du corps. A cet égard, mon surentraînement me fut fatal et un an et demi avant la date prévue pour mon retour, j'eus la jambe droite retournée au niveau du genou, et un arrachement de tous les ligaments. Comme je n'étais pas assuré (ce qui est interdit et fortement déconseillé), on ne me fit rien d'autre que de m'appliquer des cataplasmes d'argile verte que me fournissait gentiment Sensei Minoru. Trois mois après, je repris l'entraînement, le genou maintenu par une grosse genouillère. Malheureusement, les ligaments s'étant relâchés, le genou craqua définitivement et il fallut admettre que l'opération chirurgicale s'imposait.

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Revenu en France, je subis plusieurs opérations. Cela dura 3 ans si l'on compte les périodes de rééducation. Je repris enfin l'entraînement mais cette fois avec un sérieux handicap. Mais ce fut pour moi l'occasion d'une prise de conscience. Je compris qu'il s'agissait d'une opportunité : celle d'enseigner aux autres la Voie du Budo, ce qui est plus utile que de ne penser qu'à sa propre évolution. A l'époque où j'étais avec Hiroo, celui-ci m'avait déjà confié un cours assez loin de Paris et j'en avais gardé un excellent souvenir. Je choisis donc d'enseigner à mon tour tout ce que j'avais ramené du Japon, en insistant plus particulièrement sur l'enseignement du Katori. Si, contrairement aux souhaits de Minoru Sensei, je n'ai plus travaillé dans le cadre de l'école d'Hiroo, c'est tout simplement à cause du fait que son travail portait, tout comme son père, sur une recherche d'efficacité, ce que dorénavant mon genou ne me permettait plus de faire.

C'est en 1981 que par une intéressante coïncidence, je tombais inopinément sur les ouvrages de Maître Otake. Avec la plus grande joie, je remarquais qu'ils exprimaient les mêmes idéaux que moi, ce que j'avais totalement ignoré aux cours de toutes ces années. Par conséquent, je me suis tout de suite sentis très attiré par cette branche du Katori et je me suis immédiatement mis à pratiquer ces nouvelles formes. Les différences les plus importantes concernaient le Iai-jutsu. Le reste n'était qu'une histoire de détails. En France, j'eus l'occasion de faire quelques démonstrations, mais je n'ai jamais voulu montrer le style de Maître Otake car je n'avais pas encore eu l'opportunité de le rencontrer. C'est en 1983 que je décidais d'aller le voir à son dojo de Narita. J'espérais lui montrer ce que j'avais fait et je souhaitais recevoir des précisions techniques.

Il n'y eut aucun problème protocolaire d'introduction auprès de lui et comme j'avais gardé quelques souvenirs de la langue nipponne, il fut aisé de communiquer. Nous avons passé une merveilleuse journée à parler du Katori et surtout de notre intérêt commun pour le Mikkyo et l'ensemble des pratiques ésotériques issues du Shingon et du Shugendo. Après cette entrevue, Maître Otake m'invita à venir aux cours de la semaine suivante. Il n'observa longuement et me fit travailler avec son propre Katana. Il corrigea surtout des erreurs techniques issues de mon ancienne méthode. Plus tard, il m'invita à visiter le vieux dojo de l'école où se trouve une statue du fondateur. Grâce à Maître Otake je pénétrais dans le sanctuaire de Katori où il me montra des sabres qui appartenaient à sa famille mais qui étaient confiés au sanctuaire. Ce fut également l'occasion d'aller nous recueillir sur la tombe de Iizasa CHOISAI IENAO.

Après cette semaine extraordinairement riche d'enseignements les plus divers, je confiais à Maître Otake mon souhait de faire avec mon épouse le grand pèlerinage des temples de l'école Shingon (sujet sur lequel je préparais un ouvrage) et du Shugendo. Il n'y vit aucun inconvénient mais il me demanda de revenir le voir après ce pèlerinage. C'est ainsi que quelques jours avant notre retour en France, il me proposa de faire véritablement partie de l'école en signant de mon sang un engagement appelé "KEPPAN". Sans cet engagement, qui n'est cependant pas obligatoire, un étudiant perd l'occasion de pénétrer le coeur de la vérité diffusée et exprimée dans l'appellation "TENSHIN SHODEN". Au cours de nos longues conversations, j'ai expliqué à Maître Otake que j'enseignais les principes de l'école à un groupe d'élèves depuis plusieurs années. Je lui dis que je n'avais aucunement l'ambition d'être le représentant d'une quelconque fédération et que je ne cherchais pas à recruter des élèves, la qualité devant prévaloir sur la quantité.

Maître Otake ne souleva aucune objection.

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Maître Otake n'est venu qu'une seule fois dans notre pays : c'était en 1980. Il visita, avec une délégation d'autres experts, la Suisse, les Pays-Bas et la France afin d'y faire des démonstrations de leurs Arts respectifs et beaucoup furent extrêmement impressionnés par celles que fit Maître Otake. C'est le 10 mai 1986 que l'école Katori Shintô Ryu a célébré le 600ème anniversaire de la naissance du fondateur de l'école Iizasa Choisai Ienao. La cérémonie eut lieu près du tombeau de Katori où les membres de l'école se sont rassemblés pour prier l'âme du fondateur. Ils ont exprimé leur gratitude pour tout ce qu'il a apporté à l'école et au monde de la tradition et de la culture. L'école Katori Shintô est avant tout une philosophie pratique qui cherche la vérité au plus profond du coeur de l'homme et non dans un système restrictif et dogmatique.

Son enseignement est préservé dans les textes secrets de l'école et son âme est ancrée dans le sanctuaire de Katori. Adapter sans déformer est une priorité dans les branches du Katori à l'étranger. Il nous incombe d'être les garants moraux de la pureté de l'école et de maintenir vivants les principes essentiels (ceux de l'esprit) en laissant à l'école mère des pratiques qui, même au Japon, ont tendance à disparaître. Seuls quelques rares Shihans de la stature de Maître Otake connaissent et préservent de telles pratiques. Il s'agit entre autres du SEN JUTSU (la stratégie militaire), du NINJUTSU (techniques d'espionnage), du CHIKOJO JUTSU (l'Art des fortifications)...

L'auteur de ses lignes qui a jadis signé de son sang le serment de l'école, n'ignore pas que l'engagement pris consiste en premier lieu à poursuivre la discipline toute sa vie, aussi longtemps que son corps le permet. Il s'engage à discipliner son corps, ses émotions et son mental de manière à garder un contrôle absolu de ses actes, compte tenu du fait qu'il est en possession d'un Jutsu issu de techniques de combat au sabre. Il s'engage par conséquent à ne jamais se battre et à éviter de toutes les manières possibles les confrontations et l'agressivité sous toutes ses formes. Nous devons tous, avec un infini respect dû aux efforts et aux sacrifices des anciens Shihans de l'école, nous efforcer constamment de combattre le mal que développe notre ego et développer les vertus de notre âme. Que ces engagements restent à jamais gravés dans nos coeurs et qu'à l'égal des Maîtres du passé nous restions dignes de l'honneur d'appartenir à une authentique tradition spirituelle qui anime le flambeau du Budo depuis six siècles.

Michel COQUET