inégalités de genre

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1 African Development Bank Economic Research Working Paper Series Des inégalités de genre à l’indice de qualité de vie des femmes Valérie Bérenger Maître de conférences, Faculté des sciences économiques Université de Nice, France et Audrey Verdier-Chouchane Economiste de recherche, Département de la Recherche sur le Développement Banque Africaine de Développement, Tunis Economic Research Working Paper No 94 (January 2008) The views and interpretations in this paper are those of the author(s) and do not necessarily represent those of the African Development Bank.

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    African Development Bank

    Economic Research Working Paper Series

    Des ingalits de genre lindice de qualit de vie des femmes

    Valrie Brenger Matre de confrences, Facult des sciences conomiques

    Universit de Nice, France

    et

    Audrey Verdier-Chouchane Economiste de recherche, Dpartement de la Recherche sur le Dveloppement

    Banque Africaine de Dveloppement, Tunis

    Economic Research Working Paper No 94 (January 2008)

    The views and interpretations in this paper are those of the author(s) and do not necessarily represent those of the African Development Bank.

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    Copyright 2008 African Development Bank

    African Development Bank Angle des trois rues: Avenue du Ghana, Rue Pierre de Coubertin, Rue Hdi Nouira BP. 323 1002 Tunis Belvedere Tunisia TEL: (+216) 71 10 34 87 FAX: (+216) 7110 37 79 E-MAIL: [email protected]

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    Working Papers are available online at http://www.afdb.org/

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    Des ingalits de genre lindice de qualit de vie des femmes

    Valrie Brenger et Audrey Verdier-Chouchane *

    Rsum

    Sappuyant sur lapproche de Sen en termes de capabilits et sur une mthode dagrgation issue de la thorie des ensembles flous, larticle tente de dpasser les principales critiques adresss aux indices ISDH et IPF du PNUD dans lanalyse des ingalits de genre. Le premier est un indice pur dingalits, fond sur lindice de Gini, et adresse les critiques lies au concept dingalits dans les indices du PNUD. Le second, lindice sexospcifique de dsavantage des femmes (ISDF) est indpendant du dveloppement humain puisquil ne sappuie que sur des ratios. De plus, il ne saisit que les ingalits lencontre des femmes alors que dans lISDH, les carts de genre sont traits de manire symtrique. Le troisime, lindice relatif de dsavantage des femmes (IRDF) adresse la critique lie linclusion du revenu dans les indices du PNUD. Il est dcomposable en trois domaines (sant, ducation, participation) et exclut tout indicateur montaire. Ces trois indices apportent des informations diffrentes pour lanalyse des ingalits de genre. Ils sont complts par un quatrime indice, celui de la qualit de vie des femmes (QVF). Ce dernier indice est construit partir dindicateurs concernant uniquement les femmes et les enfants. Il est cependant fortement corrl aux indices dingalits de genre.

    * [email protected], CEMAFI (Centre dEtudes en Macroconomie et Finance Internationale), Universit

    de Nice-Sophia Antipolis, et [email protected], Dpartement de la recherche sur le dveloppement, Banque Africaine de Dveloppement. Les rsultats, les interprtations et les conclusions prsentes sont ceux des auteurs et ne reprsentent en aucun cas ceux de la Banque Africaine de Dveloppement, du Conseil dadministration ou des pays quil reprsente.

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    1. INTRODUCTION

    La combinaison des diffrentes dimensions des ingalits de dveloppement humain entre les genres pour mesurer la performance des pays en un seul indice nest pas un exercice facile. Il renvoie la question du choix dindicateurs pertinents et de leur pondration au sein dune formule de calcul fiable et comparable. LISDH (Indice Sexospcifique du Dveloppement Humain) et lIPF (Indicateur de la Participation des Femmes), dfinis par le PNUD pour mesurer les ingalits de genre nont pas permis de relever le dfi. La mthodologie utilise pour lagrgation des diffrents indicateurs et lutilisation de bases de donnes internationales restent des points problmatiques qui ont conduit des erreurs dinterprtation et une utilisation limite de ces indices.

    Lobjectif de cet article est tout dabord de faire le point sur les diffrents indices qui ont dj t labors ainsi que sur les critiques dont ils ont fait lobjet. Ensuite, la mise en avant des difficults lies la construction dindices sxospcifiques nous amnent dfinir plusieurs indices pour analyser les ingalits de genre. Le premier est un indice dingalit sinspirant de lindice de Gini, le second est un indice dcart de genre en dfaveur des femmes et le troisime est un indice de bien-tre relatif des femmes par rapport aux hommes. Ces trois mesures dingalits de genre sont compltes par lindice de qualit de vie des femmes (QVF) qui sous-entend une relation ngative entre ingalits hommes-femmes et bien-tre des femmes. Lindice QVF comporte deux composantes afin de tenir compte du rle spcifique des femmes, celui de mre. Ainsi, le bien-tre des femmes est dtermin non seulement par celui des femmes (leur bien-tre) c'est--dire ce qui les concerne directement mais galement par celui de leurs enfants (la dimension altruiste est prise en compte). Il sagit de capter une particularit propre aux femmes savoir leur rle dans la sphre reproductive.

    Ainsi, les sections 2 et 3 concernent respectivement les indices du PNUD et les indices alternatifs sensibles aux ingalits de genre. La section 4 prsente les indicateurs et la mthodologie de construction de nos quatre indices originaux.

    2. LES INDICES SEXOSPECIFIQUES PROPOSES PAR LE PNUD

    La construction de lISDH et de lIPF a permis de mettre en avant les ingalits de genre dans les dbats de politique internationale. Alors que le premier indice value les avances de dveloppement humain de base corriges des ingalits entre hommes et femmes, le second mesure les ingalits entre hommes et femmes au regard des opportunits conomiques et politiques. Nanmoins, les deux indices ont fait lobjet de nombreuses critiques. Dans un premier temps, nous allons passer en revue la construction de lISDH et de lIPF et dans un second temps, leurs insuffisances.

    2.1 Constructions de lISDH et de lIPF

    LISDH et lIPF ont t introduits dans ldition 1995 du Rapport mondial sur le dveloppement humain par le PNUD (UNDP, 1995). La mthodologie pour le calcul des diffrents indices du PNUD a t modifie partir de 1999, notamment pour les rendre comparables dans le temps. En dautres termes, les ISDH et les IPF calculs chaque anne ne sont pas comparables avant et aprs 1999.

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    2.1.1 LIndice sexospcifique du dveloppement humain (ISDH)

    LIDSH a t conu par Sen et Anand (1995) pour corriger lIDH (Indice de Dveloppement Humain) en tenant compte des ingalits entre les hommes et les femmes. Il sagit dun indice composite qui comprend les mmes variables que lIDH1 mais qui pnalise la moyenne obtenue par le degr dingalit qui existe entre hommes et femmes pour la variable considre. Plus les disparits sont importantes entre les genres et plus le rsultat de lISDH est faible et proche de zro.

    Sa construction comporte trois tapes. En premier lieu, chaque indicateur est converti en un indice dimensionnel sur la base des valeurs minimales et maximales observes pour les hommes et les femmes selon la formule suivante :

    (1) Indice dimensionnel = (valeur actuelle valeur min.) / (valeur max. valeur min.)

    Ensuite, dans un second temps, les indices dimensionnels servent construire un indice dgalit de rpartition (Iede) dfini par la moyenne des deux indices (If et Im) pondre par les parts respectives des hommes et des femmes dans la population (pf et pm) :

    (2) Iede = [(pf . If 1-) + (pm . Im 1-)] 1/1-

    Dans lhypothse o = 2, Iede correspond une moyenne harmonique ce qui permet daccorder plus de poids aux faibles valeurs alors que les moyennes arithmtiques sont biaises vers les valeurs leves. est un coefficient daversion pour lingalit ou indiquant une prfrence sociale pour lgalit. Ainsi, pour une valeur de gale 0, Iede correspondrait la moyenne arithmtique des indices hommes et femmes et ne tiendrait pas compte des ingalits. La valeur Iede est une fonction dcroissante de . Plus augmente et plus Iede tend se rapprocher de la valeur de lindice correspondant au groupe le plus dsavantag dans la dimension considre. En dautres termes, le fait dassigner une pnalit importante ( la limite tendant vers linfini) aux ingalits revient ne tenir compte que du groupe le plus dfavoris. Comme nous pouvons lobserver, lISDH tient compte des ingalits de genre quel que soit le genre qui est dsavantag. Sil y a galit entre hommes et femmes, alors Iede = If = Im avec = 2.

    Enfin, dans une troisime tape, la moyenne des 3 indices dgalit de rpartition permet dobtenir lISDH. Ce nest pas en soit une mesure des ingalits entre les hommes et les femmes puisquil tient compte du niveau absolu de ralisation de chaque pays dans les 3 dimensions considres.

    1 Il sagit de lesprance de vie, linstruction et laccs au savoir (pour les 2/3 du taux dalphabtisation des

    adultes et pour 1/3 du taux brut de scolarisation) et du niveau de vie mesur par le logarithme du revenu en dollars la parit des pouvoirs dachat sur la base des parts des hommes et des femmes dans le revenu du travail.

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    2.1.2 Lindicateur de participation des femmes (IPF)

    LIPF est un indice composite qui mesure le niveau de dveloppement humain au regard des disparits qui existent entre les genres dans les sphres politique et conomique, selon les 3 critres que sont :

    1. la prsence des femmes/hommes et leur pouvoir de dcision dans la vie politique, mesur par le nombre de siges parlementaires ;

    2. la participation des hommes et des femmes dans lconomie du pays ainsi que leur pouvoir de dcision dans ce domaine, mesur par deux indicateurs : la part des hommes et des femmes dans les postes dencadrement, de lgislateurs, de cadres suprieurs, ainsi que leurs parts respectives dans les emplois qualifis et techniques ;

    3. leur pouvoir de contrle sur les ressources conomiques du pays (mesur par une estimation de leurs revenus respectifs). Contrairement lIDH ou lISDH, il ne sagit pas du logarithme des revenus.

    Pour chacune des dimensions, la premire tape consiste calculer le pourcentage dgalit de rpartition (Pede) :

    (3) Pede = [(pf . If 1-) + (pm . Im 1-)] 1/1-

    Laversion pour les ingalits () est gal 2 dans les calculs du PNUD. Pour les indicateurs 1 et 2, le pourcentage Pede est divis par 50. Lide est que dans un monde sans ingalits de genre, les deux premires dimensions (pourcentage de femmes parlementaires et dirigeantes) devraient tre gales 50 %. Dans le cas o lun des indices - If ou Im - serait nul, la valeur de Pede, non dfinie, est fixe zro. Finalement, lIPF est la moyenne simple des trois Pede.

    2.2 Critiques des indices du PNUD

    Les critiques adresses aux indices ISDH et IPF peuvent tre regroupes en trois catgories. La premire a trait au choix des indicateurs et de leur pondration. La seconde concerne le concept dingalits quils vhiculent et les erreurs dinterprtation qui y sont lies. La dernire catgorie met laccent sur lutilisation limite des indices.

    2.2.1 Le choix des indicateurs et de la pondration

    De faon gnrale, lISDH est soumis lensemble des critiques adresss lIDH quant la slection des indicateurs et leur pondration. Le concept de dveloppement humain auquel les indices renvoient, est beaucoup plus large que les trois variables retenues dans lIDH / lISDH2. Le choix des indicateurs et en particulier la prise en compte de la composante lie aux revenus des hommes et des femmes, est la critique la plus frquente car les indices du PNUD sont trs fortement corrls au PIB par tte. Or, le revenu est un indicateur trs rducteur du dveloppement humain. Klasen (2006) affirme galement que la personne qui produit le revenu nest pas forcment celle qui en est

    2 Pour une revue des critiques adresses lIDH, voir Brenger et Verdier-Chouchane (2007).

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    le bnficiaire. Autrement dit, lcart de revenu entre les hommes et les femmes ne signifie pas ncessairement un cart de dveloppement entre les deux. De mme, le travail non rmunr des femmes contribue lamlioration de leur niveau de dveloppement. Pour Dijkstra (2000), lISDH accorde trop de poids au niveau absolu de revenu par tte. Ainsi, il est trs difficile pour les pays pauvres de faire mieux que les pays riches en matire dgalits de genre, mme sils redistribuent plus quitablement les revenus. Cest la consquence du mlange des niveaux absolus de dveloppement humain et des ingalits de genre au sein dun mme indice.

    Les composantes de lISDH ou de lIPF ne sont pas forcment des indicateurs adapts pour mesurer les disparits de genre dans les pays en dveloppement. Cependant, dans le cas de lEspagne, Peinado et Cespedes (2004) dmontrent que les indicateurs retenus dans lISDH ne sont pas mieux adapts une analyse dans les pays industrialiss. Schler (2006) estime que la prise en compte du revenu dans les calculs de lISDH et de lIPF na de sens que dans les pays industrialiss. Dans les pays tels que le Mali o lagriculture occupe prs une trs grande majorit de la population active et reprsente prs de la moiti du PIB, les revenus dorigine agricole devraient tre intgrs dans le calcul des indices. Dans le mme ordre dide, Chant (2006) regrette que seul le travail rmunr et le secteur formel soient pris en compte. Ce biais tend privilgier les lites parmi les femmes au dtriment de celles qui travaillent dans la culture vivrire ou le secteur informel.

    Pour Dijkstra et Hanmer (1997), lesprance de vie est un indicateur trop insensible aux conditions des femmes. La mortalit infantile par sexe aurait davantage reflt la valeur accorde par la socit aux bbs fille ou garon. Klasen (2006) affirme aussi que lesprance de vie est un indicateur problmatique dans le calcul de lISDH. Tout dabord, traitement gal, les femmes vivent de 3 7 ans de plus que les hommes mais leur longvit est moindre dans les pays o la mortalit de la population est leve. La question se pose de savoir si cet avantage fminin doit tre trait comme tant normal ou si ce dsavantage masculin est une ingalit de genre. Ensuite, pour une esprance de vie identique pour les hommes et les femmes, il est paradoxal de considrer quil ny a pas dingalit de genre. Lgalit ne peut tre obtenue que sil existe un traitement de faveur pour les hommes ou une discrimination envers les femmes. De plus, lesprance de vie jouant souvent en faveur des femmes, contrairement aux deux autres indicateurs (ducation et revenu), lISDH agrge en fait trois indicateurs qui peuvent se compenser. Les carts peuvent aussi bien aller en faveur des hommes que des femmes.

    Certains auteurs mettent laccent sur la pertinence dautres indicateurs, notamment dans les domaines de la sant et de lducation pour les pays en dveloppement (Saith et Harriss-White, 2000). De mme, pour Morrison et Jutting (2005), lISDH et lIPF ne tiennent pas suffisamment compte des contraintes institutionnelles (conomiques et sociales) qui psent sur les femmes et que lon peut saisir par divers indicateurs tels que le pourcentage de mutilation gnitale, le pourcentage de femmes maries avant lge de 20 ans, lexistence dunions polygames autorises, lexistence de lautorit parentale pour les femmes, la libert de mouvement, la possibilit dhriter, laccs la proprit, etc. Dans le cadre de lIPF, Cueva Beteta (2006) met laccent sur le pouvoir de dcision et de

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    contrle que les femmes peuvent exercer dans la sphre prive, notamment sur leur corps et leur sexualit. Ainsi, pour lauteur, le nombre de siges parlementaires fminins nest pas pertinent car dans les institutions politiques, seules les lites nationales qui ont eu accs lducation et qui jouissent de relations politiques et conomiques sont reprsentes. Il propose par exemple dinclure la prsence des femmes au niveau des dirigeants politiques locaux.

    Par ailleurs, la pondration des indicateurs consiste assigner la mme valeur pour le coefficient de pnalit. Bardhan et Klasen (1999) ont montr que cette pondration aboutissait accorder un poids important la composante de revenu comparativement aux autres indicateurs et pour certains pays, sous-estimer les ingalits de genre concernant la sant et lducation. Ils proposent alors de corriger la construction des indices dimensionnels et daffecter des valeurs diffrentes lindice de pnalit (esprance de vie = 6, ducation =3 et revenu =2). Klasen (2006) dmontre que lISDH accorde en moyenne 66% de la pnalit totale au revenu, 22.4% lducation et 11.6% lesprance de vie. De faon intressante, Klasen (2006, p 251) note que la pnalit lie lesprance de vie est trs importante dans les pays dAfrique notamment australe, particulirement touch par le VIH/Sida3.

    2.2.2 Le concept dingalits et les erreurs dinterprtation

    Ces critiques ont trait des aspects plus conceptuels et sur les insuffisances de lISDH en tant quindicateur dingalits. Selon Djisktra et Hanmer (2000), lISDH est un indice qui prend en compte la fois les niveaux absolus de bien-tre (de dveloppement humain) et les ingalits de genre. En analysant de plus prs sa construction, les pays caractriss par un faible niveau de dveloppement humain ont galement un faible ISDH. De ce fait, il ne tient pas suffisamment compte des ingalits. Par ailleurs, ces indices napportent pas dinformation nouvelle concernant le dveloppement car ils restent trs fortement corrls au PIB par tte. Klasen (2004) et Bardham et Klasen (1999) regrettent que les deux indices ntablissent pas de lien entre le genre et la pauvret. LISDH est en fait dabord une mesure du dveloppement humain pondre par les ingalits et non une mesure des ingalits.

    La moyenne harmonique pnalise les ingalits de genre quel que soit le genre, et ne permet pas dtablir une diffrence entre les dsavantages des hommes ou des femmes. Ainsi, Dijkstra (2000) souligne quun pays o les femmes font mieux que les hommes peut avoir un score plus faible quun pays o les hommes et les femmes font aussi bien. De mme, un avantage fminin dans une dimension ne peut pas compenser un dsavantage fminin dans une autre dimension.

    Pour sa part, lIPF est interprt comme une mesure du dsquilibre de reprsentation entre les deux sexes dans les domaines politique et conomique. Cependant, le calcul prend en considration le niveau des salaires de chacun et non la part de lun ou de lautre

    3 Contre une moyenne de 11.6% au niveau international, la pnalit lie lesprance de vie est de 84.8%

    au Kenya, de 69.8% au Botswana et de 69.4% au Zimbabwe.

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    dans le total des salaires (Schler, 2006). Autrement dit, ni lISDH ni lIPF ne correspondent de vritables mesures des ingalits de genre.

    2.2.3 Lutilisation et la porte limites des indices

    Cueva Beteta (2006) estime que le manque de donnes dans les pays en voie de dveloppement limite lanalyse des deux indices aux pays occidentaux. Cette critique sadresse particulirement lIPF dont le calcul est impossible dans 60% des pays revenu intermdiaire et dans 90% des pays faible revenu. Cette critique est directement lie au choix des indicateurs. Pour bon nombre dauteurs (Klasen, 2006 ; Chant, 2006 ; Cueva Beteta, 2006), les indices sont biaiss car ils ne tiennent pas compte des plus pauvres dans les indicateurs considrs.

    Schler (2006) estime quaussi bien lISDH que lIPF sont des outils de mesure trs peu utiliss dans la littrature conomique. Lorsque cest le cas, lattention est essentiellement porte sur lordre de classement des pays plutt que sur leur objet dtude. Ils nont quun impact trs faible sur les politiques, notamment en raison des erreurs dinterprtation qui y sont lies.

    3. INDICES ALTERNATIFS ET DIFFICULTES DE CONSTRUCTION

    La liste des critiques lencontre de lISDH et de lIPF nest pas exhaustive. En relation avec les insuffisances de lISDH en tant que mesure des ingalits, certains auteurs ont souhait rduire ou liminer le niveau absolu de dveloppement humain. Par exemple, White (1997) a propos le ratio GEQ = ISDH / IDH et Forsythe et al. (1998) a utilis le GI dfini par GI = (IDH ISDH) / IDH. Ainsi, llment dveloppement est supprim mais lobjectif original de lISDH, celui dtre une mesure du dveloppement humain sensible lgalit entre les genres, est compltement perdu.

    Dautres auteurs ont souhait construire de nouveaux indices, en slectionnant de nouveaux indicateurs et / ou une nouvelle mthode dagrgation.

    3.1 Les indices sensibles aux ingalits de genre

    En plus des deux indices du PNUD et des deux combinaisons dindices prsentes ci-dessus, nous avons rpertori 6 indices dingalits de genre diffrents de ceux du PNUD dans le sens o ils nutilisent pas les mmes indicateurs et / ou la mme mthodologie. Les 4 premiers ont t labors par des auteurs individuels alors que les deux derniers, lindice africain de genre et de dveloppement et lindice dcart de genre global, ont rcemment t mis en place par deux institutions, respectivement, la Commission conomique pour lAfrique des Nations-Unies en 2004 et le Forum conomique mondial en 2005. Ils refltent limportance accorde par les institutions la mesure des ingalits de genre, notamment pour estimer les avances vers les OMD (Objectifs du Millnaire pour le Dveloppement).

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    3.1.1 Le premier indice de mesure des ingalits

    Lindice PCC tient son nom du Population Crisis Committee qui la labor en 1988 et calcul pour 99 pays. Cet indice mesure le bien-tre des femmes dans 5 dimensions4. Il y a 4 indicateurs par dimension et en gnral, le quatrime indicateur correspond une mesure dcart de genre. Au total, le PCC comprend 20 indicateurs auxquels on attribue un score maximum de 5, soit un maximum de 20 par dimension et un score total maximum de 100. Il ny a pas de pondration des dimensions. Le PCC a notamment t critiqu par Mohiuddin (1996) qui propose lindice alternatif AC (Alternative Composite Index).

    3.1.2 Lindice AC de Mohiuddin

    Selon lauteur, le PCC est fortement corrl au revenu par tte et il ntablit pas de distinction entre les statuts absolu et relatif des femmes par rapport aux hommes puisquil combine en fait les deux catgories dindicateurs. De plus, le choix de certains indicateurs, notamment ceux relatifs lemploi, ne semble pas appropri pour les pays en dveloppement et certains indicateurs sont redondants (par exemple, 7 indicateurs sont relatifs la sant).

    Mohiuddin (1996) propose donc un indice AC qui comprend 16 indicateurs rpartis en 8 dimensions5 et attribue un score maximum de 100 pour chaque indicateur ce qui donne un total maximum de 1 600. Lindice composite sur 100 est ensuite obtenu en faisant une moyenne. Lauteur considre 112 pays mais le manque de donnes la conduit en exclure certains ou ne retenir quun indicateur dans certaines dimensions.

    4 (1) La sant (taux de mortalit infantile, taux de mortalit maternelle, esprance de vie des femmes et

    cart de genre en matire desprance de vie) ; (2) Lducation (taux de scolarisation des femmes dans le primaire et le secondaire, pourcentage de femmes parmi les enseignants du secondaire, taux de scolarisation des femmes luniversit, cart de genre en matire dalphabtisation) ; (3) Lemploi (taux de participation des femmes dans les emplois rmunrs et autres professions, cart de genre dans lemploi rmunr) ; (4) Le mariage et les enfants (taux de fertilit, pourcentage de mariages dadolescents, contraception, cart de genre dtermin par le ratio des femmes veuves, divorces ou spares par rapport aux hommes) et (5) Lgalit sociale : galit dans le mariage et la famille (droits de divorce, loi de la famille), galit conomique (droit daccs, de gestion et dhritage), galit lgale et politique (protection lgale contre la discrimination des sexes, reprsentation dans le secteur politique). 5 (1) La sant : cart de genre desprance de vie (la diffrence), sex ratio ; (2) Lducation des enfants et

    adolescents : cart de genre de scolarisation dans le primaire (ratio), cart de genre dans le secondaire (ratio) ; (3) Lducation des adultes : cart de genre danalphabtisation (diffrence), cart de genre de scolarisation collge et universit (ratio) ; (4) La participation lemploi : cart de genre dans le taux dactivit conomique (diffrence), part des femmes dans la force de travail ; (5) Les conditions demploi : ratio des emplois rmunration leve (nombre de femmes pour 100 hommes), ratio des emplois rmunration faible ; (6) La vie domestique : ratio de femmes chefs de mnages, ratio de femmes divorces ; (7) La vie publique : participation politique des femmes, pourcentage de femmes ayant un rle en matire de dcisions politique et (8) La protection lgale : cart de genre dans le droit de vote, protection contre la discrimination des sexes.

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    3.1.3 Indice de statut relatif des femmes (RSW)

    Face aux limites de lISDH en tant quindicateur des ingalits hommes-femmes, Dijkstra et Hanmer (2000) proposent de construire un indice de statut relatif des femmes (RSW Relative Status of Women) faisant abstraction des niveaux absolus de dveloppement afin de rendre compte de la performance des pays sur lgalit de genre. Cet indice comprend les mmes indicateurs que lISDH mais il est compos des ratios femmes-hommes :

    (4) RSW = 1/3 [Ef/Em + Lf/Lm + Wf/Wm]

    E : indice dimensionnel desprance de vie, L : indice dducation, W : revenu

    Lapplication de cet indicateur 136 pays montre que les classements diffrent de ceux de lISDH. Ce nouvel indice est faiblement corrl au logarithme du PIB par tte et donc permet dapporter une information diffrente.

    3.1.4 Le Standardised Index of Gender Equality (SIGE)

    Dijkstra (2000) propose galement une mesure alternative des ingalits de genre partir de 5 ratios de la performance fminine sur la performance masculine : (1) Laccs lducation primaire et secondaire (pour 1/3) et le taux dalphabtisation (pour 2/3), (2) La longvit ou esprance de vie, (3) La participation sur le march du travail, (4) Les positions dans ladministration et la gestion et (5) Le nombre de siges parlementaires. Lauteur regrette de ne pas avoir pu inclure des facteurs culturels ou dutilisation du temps cause du manque de donnes.

    Lindicateur j de chaque pays i (xij) est standardis cest--dire quon lui soustrait dabord la moyenne ( j) puis quon divise le rsultat par lcart-type (j). Cette transformation na de sens que si la distribution suit une loi normale. Pour cette raison, certaines sries ont t normalises mais Dijkstra (2000) ne prcise pas lesquelles.

    Le SIGE est la moyenne arithmtique des indicateurs standardiss. Il prend des valeurs relativement faibles aussi bien ngatives que positives et dont la moyenne est proche de zro. Nanmoins, ces valeurs nont pas de sens prcis. Le SIGE a pu tre calcul pour 115 pays. La plupart des pays sub-sahariens se situe entre les rangs 50 et 100 alors que les pays dAfrique du Nord se trouvent entre les rangs 103 et 112. En tte de liste, figurent des pays dAfrique australe : le Botswana (33), le Swaziland (37), le Lesotho (38)) ainsi que le Rwanda (44) qui dtient le meilleur score en Afrique en matire de participation des femmes sur le march du travail.

    Alors que lISDH ou lIPF utilise les valeurs extrmes (minimales et maximales) pour transformer chacune des variables, la transformation tablie par le SIGE est moins perturbe par des valeurs aberrantes de pays isols.

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    3.1.5 Lindice africain de genre et de dveloppement

    La Commission conomique pour lAfrique des Nations Unies a lanc en 2004 lAGDI (African Gender and Development Index) pour lequel la slection et la justification des indicateurs ont t particulirement rflchies au niveau conceptuel et dans le cas de lAfrique6. LAGDI se dcompose en deux indices, lindice du statut de genre (Gender Status Index ou GSI) et lindice du progrs des femmes en Afrique (African Womens Progress Scoreboard ou AWPS). Le GSI capture de faon quantitative les ingalits de genre alors que lAWPS le complte de faon qualitative en apprciant la politique du gouvernement concernant lamlioration des conditions des femmes.

    Le GSI est divis en trois domaines (social, conomique et politique) qui renvoient aux distinctions tablies par Sen (1985) concernant le dveloppement humain, savoir, de faon respective :

    (1) Les capabilits (Capabilities) correspondent la capacit dune personne mener le style de vie quelle souhaite, effectuer des choix et raliser des choses. Le GSI relie ce concept au secteur social de la sant et de lducation et aux sous-domaines de la scolarisation, de labandon scolaire, de lalphabtisation, de la sant infantile, de lesprance de vie, des nouveaux cas de VIH/Sida et au temps pass en dehors du travail.

    (2) Les opportunits (Opportunities) sont lensemble des actions et des ralisations parmi lesquelles un individu peut choisir. Dans le cas du GSI, les opportunits renvoient au secteur conomique et concernent tout dabord les revenus. Il sagit des salaires et des autres revenus notamment des revenus informels, ceux issus de lagriculture et des transferts de fonds des travailleurs immigrs. Ils concernent ensuite la rpartition du temps entre les diffrentes activits et la rpartition de lemploi entre les diffrents types de travailleurs (salaris, travailleurs indpendants ou employeurs). La prise en compte des diffrents revenus permet au GSI dviter la critique tablie lencontre de lISDH ou de lIPF qui ne prennent en compte que les revenus dorigine salariale. Les dernires opportunits ont trait laccs aux ressources, aux moyens de production (proprit, crdit, revenu) et la gestion des ressources (employeurs, hauts fonctionnaires, syndicats, personnel administratif, scientifique et technique).

    (3) Lagence (Agency) cest--dire la libert dagir ou de changer les choses a trait au pouvoir politique dans le secteur public (parlementaires, ministres, juges, conseils municipaux, hauts fonctionnaires) et au sein de la socit civile (responsables de partis politiques, de syndicats, etc., responsables dorganisations non gouvernementales, dassociations).

    Au total, le GSI totalise 42 indicateurs rpartis en 3 domaines, 7 groupes et 12 sous-groupes7. Chaque indicateur est converti en un ratio mesurant la performance fminine sur la performance masculine. Par exemple, si le taux de scolarisation est de 35% pour les filles et de 53% pour les garons, le ratio quivaut 0.66 (cest--dire 35/53). Si un des

    6 Le rapport est disponible ladresse suivante :

    www.uneca.org/eca_programmes/acgd/publications/AGDI_book_final.pdf 7 Pour la liste exhaustive des 42 indicateurs, voir ECA (2004), tableau 1, p. 13.

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    indicateurs nest pas disponible, les poids des autres indicateurs du sous-groupe sont modifis de faon ce que chaque sous-groupe ait le mme poids dans lagrgation finale. Autrement dit, si tous les indicateurs sont disponibles, chacun des 42 indicateurs a le mme poids dans le processus dagrgation.

    La plus grosse faiblesse du GSI est not dans le rapport lui-mme, cest celle de mesurer les carts de genre mais sans tenir compte de la performance socio-conomique des pays.

    LAWPS complte le GSI par une mesure qualitative de la politique du gouvernement en faveur des femmes. Linformation est collecte auprs des organisations non gouvernementales, des donneurs, des instituts de recherche, des institutions internationales, des universits, etc. En plus des trois domaines du GSI (le pouvoir social, conomique et politique), lAWPS inclut aussi les droits des femmes. Il se prsente sous la forme dun tableau8 o figurent en ligne les diffrents indicateurs rpartis dans les quatre domaines. Par exemple, il peut sagir de la discrimination, de la ratification des traits internationaux, de la contraception, de la proprit, du VIH/Sida, des services dans les zones agricoles, de la violence domestique, des viols, de la politique en matire dabandons scolaires, de parit, etc. Le nombre total de lignes est de 31 et chaque ligne est value en fonction des critres qui figurent en colonnes (la ratification, ltablissement dun rapport, la loi, lengagement politique, le dveloppement dun plan daction, les cibles, les mcanismes institutionnels, le budget, les ressources humaines, la recherche, limplication de la socit civile, linformation et la dissmination ainsi que la surveillance et lvaluation). Le systme de notation comprend trois notes : 0 quand la performance est nulle ou quasi-nulle, 1 quand elle varie de faible moyenne et 2 quand elle est bonne voire excellente . Le total est converti en pourcentage, en fonction du nombre de cases remplies.

    Cependant, comme les donnes sont collectes un niveau national, partir des ministres de lducation, de la sant, de la fonction publique ou denqutes ralises pour loccasion, lAGDI (le GSI et lAWPS) nest disponible que pour 12 pays (Afrique du Sud, Bnin, Burkina Faso, Cameroun, Egypte, Ethiopie, Ghana, Madagascar, Mozambique, Ouganda, Tanzanie et Tunisie) mme sil est en cours dlargissement dautres pays africains. Bien que la ralisation denqutes nationales permette dobtenir des donnes qui ne sont pas habituellement prises en compte, lAGDI a le dsavantage de ne pas permettre la comparaison de beaucoup de pays entre eux ou le classement des pays africains par rapport au reste du monde.

    3.1.6 Lindice dcart de genre global du Forum conomique mondial

    Lanc en 2005, lindice dcart de genre global (Global Gender Gap Index) du Forum conomique mondial montre les carts entre les genres pour 58 pays en 2005 et 115 pays depuis 2006 parmi lesquels figurent 28 pays africains et 23 pays dAfrique sub-saharienne. Il quantifie les ingalits entre les hommes et les femmes dans 4 domaines : (1) La sant et la survie ; (2) La participation la vie conomique ; (3) Le niveau

    8 Le tableau est prsent dans ECA (2004), la page 30.

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    dducation et (4) Le pouvoir politique9. Depuis 2006, lindice distingue les variables de rsultats telles que le niveau dducation et les variables de moyens telles que loffre de soins gratuits aux enfants. Par rapport 2005, les chelles sont fixes entre 0 et 1 pour chaque indicateur. Autrement dit, alors que la valeur pouvait tre suprieure un lorsque plus de filles que de garons frquentaient lcole, lindice 2006 fixe une fourchette haute 1 quand autant de filles que de garons vont lcole. Une fois que les diffrents ratios ont t transforms, ils sont normaliss par galisation des carts-types de faon ce que chaque variable ait le mme poids dans le calcul des sous-indices cest--dire des indices par domaine. Lindice total est la moyenne simple des quatre sous-indices. Il prend des valeurs comprises entre zro et un.

    Les pays dAfrique du Nord affichent de faibles performances. Le meilleur rang est dtenu par la Tunisie (rang 90) qui possde le meilleur sous-indice du monde Arabe pour le pouvoir politique, devant la France et les Etats-Unis. En Afrique sub-saharienne, les situations sont trs varies et schelonnent entre lAfrique du Sud (rang 18) et la Tanzanie (rang 23) dune part, et dautre part, le Bnin (rang 110) et le Tchad (rang 113).

    3.2 Les problmes lis la construction dindices sexospcifiques

    Quel que soit lindice considr, les problmes de la prise en compte du niveau de dveloppement et de la construction dun indice relatif ou absolu en matire de bien-tre des femmes se posent. Ces deux problmes figurent parmi les plus importants.

    3.2.1 La prise en compte du niveau de dveloppement

    Plusieurs interrogations se posent lorsquil sagit de mesurer les carts de genre. La premire concerne lutilisation dun ratio ou dune diffrence. Cette question renvoie un autre problme, celui de tenir compte ou non du niveau de dveloppement pour construire un indice de genre.

    A priori, il semble ncessaire de tenir compte du niveau de dveloppement, non dans le sens de lISDH mais de manire relative, comme le font dailleurs Djisktra et Hanmer (2000). De ce point de vue, lobtention dune mesure en soi dingalit de genre peut tre apprhende soit par lutilisation des ratios soit par des diffrences absolues rapportes la valeur moyenne de lindicateur considr.

    La seconde question a trait la combinaison dindicateurs de deux types, soit exclusivement relatifs aux femmes soit prenant en compte le statut relatif des femmes par rapport celui des hommes. Autrement dit, la construction dun indice composite doit-il

    9 Lindice dcart de genre nest construit qu partir de ratios de la performance fminine sur la

    performance masculine. Ces derniers concernent pour chaque domaine : (1) Lesprance de vie et le sex ratio ; (2) La force de travail, le salaire travail gal, les revenus, le nombre de dputs, haut dirigeants et responsables, le nombre de professionnels et de techniciens ; (3) Le taux dalphabtisation, les taux de scolarisation dans le primaire (taux net), dans le secondaire (taux net) et dans le tertiaire (taux brut) et (4) Le nombre de siges parlementaires, le nombre de ministres et le nombre dannes la tte dun Etat. Pour plus de dtails, consulter : http://www.weforum.org/en/initiatives/gcp/Gender%20Gap/index.htm

  • 15

    tre uniquement un indice de bien-tre sensible aux carts de genre ou un indice du statut des femmes ?

    A ce niveau, la difficult est labsence dune liste exhaustive dindicateurs sexus permettant dapprcier le statut relatif des femmes. Pour tenir compte de lavantage ou du dsavantage que prsentent les femmes dans une dimension particulire par rapport aux hommes, les indicateurs doivent tre disponibles pour les deux sexes. Or, la disponibilit des donnes ne permet pas de prendre en compte beaucoup dcarts de genre.

    En revanche, il existe certains domaines, tels que la sant, pour lesquels les indicateurs se rattachent exclusivement aux femmes (par exemple, le taux de mortalit maternelle). En intgrant ces indicateurs dans la construction dun indice, nous comparons le statut absolu des femmes entre les pays. Si nous les intgrons aux cts dindicateurs dcarts de genre, lindice obtenu risque dtre influenc par la pauvret et corrl au niveau de revenu des pays. En particulier, il existe de fortes chances quil y ait une corrlation significative entre la pauvret humaine et le statut des femmes.

    Aussi, la prise en compte dindicateurs spcifiques aux femmes aux cts dindicateurs pour lesquels on dispose de donnes sexues sinscrit plus dans la perspective dune mesure du statut ou du bien-tre des femmes et donc dune comparaison des performances des pays en termes de dveloppement humain apprhend sous langle fminin que dans celle dune mesure des ingalits de genre. Ces difficults suggrent de sparer les deux aspects : mesure du niveau absolu du bien-tre dune part et mesure des ingalits de genre dautre part.

    Ces deux problmes de construction nous conduisent proposer diffrents indices originaux.

    4. VERS UNE MEILLEURE ANALYSE DES INEGALITES DE GENRE

    Dans llaboration de nouveaux indices de mesure des ingalits de genre, nous avons t confronts au manque de disponibilit des donnes. Ce problme limite srieusement la porte des rsultats et les tentatives de mesure, lobjectif tant dobtenir des indices un niveau international de faon pouvoir faire des comparaisons entre les diffrents pays et les zones gographiques.

    Ainsi, les trois indices que nous avons conus reprennent des indicateurs dj identifis dans la construction notamment des indices du PNUD. Le premier indice, lindice composite des diffrences de genre sinspire de lindice de Gini et utilise les diffrences de performances entre les hommes et les femmes. Le deuxime est un indice relatif de dsavantage des femmes qui inclut les ratios hommes / femmes et pour lequel nous avons fait les calculs en incluant puis en excluant lindicateur montaire cest--dire, le revenu. Le dernier indice est lindice de qualit de vie des femmes (QVF) qui ntablit pas de comparaisons avec les hommes mais tient compte dindicateurs proprement fminins ou concernant les enfants. Cest galement lindice qui permet de nuancer et de complter linformation fournie par les indices dingalits de genre.

  • 16

    4.1 Indice composite des diffrences de genre

    En rfrence aux critiques adresses lISDH en tant que mesure dingalit, nous proposons une mesure qui ne dpende pas da priori concernant laversion de la socit pour lingalit. En fait, lISDH naboutit pas une mesure dingalit mais uniquement un ajustement de lIDH consistant pnaliser, par les ingalits de genre, les performances atteintes par les diffrents pays.

    Parmi les indices dingalit les plus couramment utiliss, lindice de Gini est considr comme neutre au regard de lindice prcdent. Traditionnellement utilis pour mesurer les ingalits dans la distribution des revenus, cet indice connat diffrentes formulations qui peuvent tre adaptes afin de mesurer lingalit de genre sur des indicateurs sexus relatifs chaque pays. Par ailleurs, sa formulation suggre de prendre en considration les diffrences et non les ratios.

    Nous supposons i [1, N] pays et j [1, M] indicateurs sexus et nous considrons XjM = { xj / j = 1M} et XjF = { xjF / j = 1M} les vecteurs des indicateurs respectifs des hommes et des femmes. Les variables xjiM and xjiF sont les valeurs prises par lindicateur j pour les hommes et les femmes dans le pays i. De manire gnrale, en considrant la distribution dun indicateur j, comme le revenu, au sein dune population de taille N, lindice de Gini est dfini de la manire suivante :

    (5) lji l

    ijj

    j xxNG

    = 22

    1

    avec la moyenne de lindicateur j et N le nombre total dindividus dans la population.

    Dans le cas le plus simple, en admettant que Ni=2 dans le pays i et que la proportion dhommes et de femmes est identique (niF = niM) dans la population alors lindice de Gini se rduit cart de genre rapport la moyenne de lindicateur :

    (6) ( )( )iFjiMjiFj

    iMjiF

    jiMji

    j

    ij

    xx

    xxxxG

    +

    =

    = 2

    14

    1

    Dans lhypothse o les tailles la population des hommes et des femmes diffrent, la formule prcdente ncessite dtre ajuste. Dans cette perspective, nous utilisons la formulation matricielle de lindice de Gini (cf. Silber, 1989) dont lajustement conduit la formule suivante :

    (7) ( )iFjiFiMjiMiFjiFi

    iFiMjiMi

    iM

    ijxnxn

    xnN

    nxn

    Nn

    G+

    =

  • 17

    Tandis que lindice traditionnel de Gini admet une valeur de 1 dans le cas dune ingalit totale, la limite suprieure de notre indice vaut (niM / Ni) ou (niF / Ni). Ainsi, dans lhypothse o niF = niM, lingalit parfaite serait atteinte pour une valeur de 0.5. Bien que la mesure tienne compte des diffrences de tailles de population, on peut utiliser lapproximation prcdente afin dajuster lindice de Gini dingalit de genre de faon obtenir une valeur de 1 pour lingalit parfaite en multipliant ce dernier par 2.

    Pour chaque indicateur j, nous obtenons un vecteur Gj = {Gji / i =1N}

    Afin dobtenir un indice de Gini composite dingalit de genre sur les diffrentes dimensions considres, il est ncessaire de choisir un systme de pondration. A linstar de Desai et Shah (1988) qui ont inspir le systme de pondration utilis dans certaines mesures de la pauvret, nous supposons que le poids j attribu un indicateur j est inversement proportionnel au niveau moyen dingalit atteinte pour cet indicateur :

    (8) =

    =

    =

    =

    N

    i

    ijjM

    j j

    jj GN

    Gavec

    G

    G

    1

    1

    11ln

    1ln

    En dautres termes, un niveau lev dingalit atteint dans un pays donn sera dautant plus important que le niveau dingalit est faible sur la totalit des pays considrs.

    Il vient que lindice composite pour le pays i vaut :

    (9) ijM

    jji GG =

    =1

    Lapplication de cette mthodologie aux indicateurs inclus dans lISDH permet dobtenir les rsultats prsents dans le tableau 1.

  • 18

    Tableau 1 Indicateurs statistiques de lindice de Gini dingalit de genre

    Moyenne Ecart-type Minimum Maximum

    Gini Esprance de

    vie 0.0677 0.0753 0.0002 0.64929

    Gini Alphabtisation 0.11075 0.11827 0.00097 0.61627

    Gini Scolarisation 0.10991 0.13035 0.00105 0.82512

    Gini Revenu 0.10083 0.09557 0.00223 0.77811

    Gini Total 0.093951 0.085 0.01232 0.7152

    Source: Calcul des auteurs partir des donnes du PNUD (UNDP, 2002). NB : Les poids j sont les suivants : 0.28430 pour lesprance de vie, 0.24111 pour la

    scolarisation, 0.23234 pour lalphabtisation et 0.24224 pour le revenu.

    Globalement, les ingalits de genre sont trs faibles pour les diffrents indicateurs puisque les moyennes sont trs loignes de la valeur 1. De manire relative, cest dans le domaine de lducation (scolarisation et alphabtisation) que les ingalits de genre sont les plus leves.

    En regroupant les deux indicateurs relatifs lducation, les rsultats par zone gographique sont prsents dans le tableau 2. La liste des pays est en annexe 1.

    Tableau 2 Indice de Gini dingalit de genre par zones gographiques

    Esprance de vie Education Revenu Total

    Afrique (48 pays) 0.061677 0.18252 0.108407 0.130262 Moyen-Orient

    (10) 0.177336 0.245438 0.307524 0.241087 Amrique Lat.

    (26) 0.0457 0.041 0.1175 0.060848 Asie (21) 0.059747 0.114307 0.11744 0.099489

    Autres pays (48) 0.071221 0.038581 0.039844 0.04849

    Source: Calcul des auteurs partir des donnes du PNUD (UNDP, 2002).

    Bien que les valeurs obtenues soient relativement faibles, de manire relative, les pays du Moyen-Orient cumulent les plus fortes ingalits dans toutes les dimensions considres, suivis des pays dAfrique. Lannexe 2 prsente les 10 meilleurs et les 10 moins bons classements. Dans le cas de lAfrique, 4 pays (la Cte dIvoire, la Zambie, le

  • 19

    Malawi et le Niger) figurent parmi les 10 pays les plus ingalitaires en considrant lindice dingalit de genre total.

    En tant que pure mesure dingalit, lindice de Gini prsente une plus faible corrlation avec le PIB par tte et lIDH, par rapport lISDH (voir annexe 3). Alors que lISDH a un coefficient de corrlation de 0.93 avec le log du PIB/tte et de 0.99 avec lIDH, lindice de Gini est le plus fortement corrl avec lISDH mais avec un faible coefficient (-0.55). Si nous isolons les 43 pays africains et calculons la matrice des corrlations, les rsultats sont encore plus faibles. Le coefficient de corrlation Indice de Gini ISDH est de -0.42. Autrement dit, lindice de Gini dingalit de genre apporte une information diffrente de lISDH et du niveau de dveloppement des pays (mesur par lIDH et le PIB par tte). Ainsi, les fortes ingalits entre les hommes et les femmes ne seraient pas lies au niveau de dveloppement des pays.

    Toutefois comme lISDH, lindice de Gini des ingalits de genre repose sur un traitement symtrique des carts de genre affectant les hommes et les femmes et cumule les carts de genre de directions opposes. En revanche, lindice RSW de Dijkstra et Hanmer (2000) tient compte des ratios des niveaux atteints par les hommes et les femmes dans les dimensions composant lISDH. Il permet ainsi didentifier dans chaque dimension si lcart a lieu au dtriment des femmes ou des hommes et de compenser des carts de sens opposs. Dans la mme ligne, nous construisons un indice dcart de genre bas sur les ratios.

    4.2 Indice dcart de genre en dfaveur des femmes

    Bien que le genre ne renvoie pas au fait dtre un homme ou une femme, les femmes restent cependant les premires victimes des ingalits dans les diffrentes sphres de la vie (Sen, 1992). Ainsi, linstar de lapproche qui sous-tend lindice dcart de genre global (GGI) du Forum conomique mondial, la seule prise en compte du cumul des carts de genre au dtriment des femmes permettra une apprciation de lampleur des ingalits quelles subissent. Dans la ligne des travaux prcdents, nous considrons les ratios femmes / hommes des diffrents indicateurs.

    Nous dfinissons Rj = {rj = xjF / xjM / j = 1 M} le vecteur des ratios performances femmes hommes pour chaque indicateur. La variable rji = xjiF / xjiM qui reprsente la valeur du ratio de lindicateur j pour le pays i est dfinie de la manire suivante :

    (10) iMjiFjijiMj

    iFjij xxsiravecx

    xr == 1

    Afin de tenir compte des ingalits lencontre des femmes, les ratios sont tronqus 1 lorsque lingalit est lencontre des hommes (le ratio serait dans ce cas suprieur 1). La valeur 1 reprsente aussi latteinte de lgalit parfaite. Ainsi, comme le GGI, les pays ayant atteint ou dpass le niveau dgalit galisent leur performance ceux ayant atteint lgalit dans la mesure o ce sont les carts au dtriment des femmes qui

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    importent. Les indices obtenus prennent thoriquement leur valeur entre 0 (un fort cart en dfaveur des femmes) et 1 (un faible cart en dfaveur des femmes).

    Afin dobtenir une mesure agrge, la procdure utilise sinspire de Desai et Shah (1988) utilise par Cheli et Lemmi (1995) dans le cadre de la thorie des ensembles flous applique la mesure de la pauvret multidimensionnelle. Ainsi, dans le cadre de la construction dun indice pour lequel 1 reprsente labsence dcart de genre au dtriment des femmes, le systme de pondration utilis est le suivant :

    (11) ( )( ) = ++

    =

    =

    =

    N

    i

    ijjM

    jj

    jj rN

    ravec

    r

    r

    1

    1

    1

    1ln

    1ln

    4.2.1. Lindice sexospcifique de dsavantage des femmes (ISDF)

    Comme pour lindice de Gini dingalit de genre et en dpit des critiques adresss lencontre des composantes de lISDH, nous appliquons la mthodologie expose prcdemment lensemble des indicateurs de lISDH. Lintrt est de permettre, dune part, une mesure des ingalits indpendamment du niveau de dveloppement humain puisquil repose sur des ratios et dautre part, de saisir les ingalits lencontre des femmes ce que ne permettent ni lISDH ni mme le RSW. Les indicateurs statistiques de lISDF sont prsents dans le tableau 3.

    Tableau 3 Indicateurs statistiques de lISDF

    Moyenne Ecart-type Minimum Maximum

    ISDF 0.8937477 0.0895686 0.5853326 0.9847564

    Source: Calcul des auteurs partir des donnes du PNUD (UNDP, 2002). NB : Les poids j sont les suivants : 0.26229 pour lesprance de vie, 0.2574 pour la

    scolarisation, 0.24511 pour lalphabtisation et 0.23486 pour le revenu.

    Nous constatons que lintervalle de variation de lindice est faible puisquil prend ses valeurs entre 0.585 et 0.985 avec des valeurs trs proches les unes des autres pour les pays les mieux classs compars aux pays moins bien classs (voir annexe 4 pour les 10 meilleurs et les 10 moins bons classements). Globalement, les rsultats indiquent que les ingalits en dfaveur des femmes sont faibles mais dans le mme temps quaucun pays na atteint lgalit dans les diffrentes dimensions. Lindice sexospcifique de dsavantage des femmes (ISDF) montre que les pays africains affichent de mauvaises performances. Parmi les 10 moins bons classements, lexception du Npal, du Pakistan et du Ymen, les 7 autres pays sont des pays dAfrique subsaharienne.

    Comme pour lindice prcdent, nous obtenons une mesure indpendante du niveau de dveloppement en analysant ses corrlations avec le PIB par tte et lIDH (annexe 5). Respectivement, les coefficients de corrlation sont de 0.56 et de 0.85. Lindice est moins

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    fortement corrl au PIB par tte ainsi qu lIDH que ne lest lISDH (respectivement de 0.769 et de 0.994). Toutefois, sa corrlation lIDH est relativement forte ce qui pourrait sexpliquer par la composante lie lingalit de revenu des hommes et des femmes. En effet, la composante revenu des indices du PNUD a fait lobjet de nombreuses critiques (voir Brenger et Verdier-Chouchane, 2007) et nous amne concevoir un indice dcart de genre non montaire. Ce dernier sappuie sur une conception plus large des ingalits de genre.

    4.2.2 Lindice relatif de dsavantage des femmes (IRDF)

    Les critiques adresses lencontre du caractre rductionniste de lIDH et de lISDH dans le choix des composantes nous amnent concevoir un indice dcomposable en dimensions (sant, ducation, etc.). Les composantes montaires comme le revenu sont exclues de lindice pour plusieurs raisons. Dune part, selon lapproche en termes de capabilits de Sen (1992), les ingalits de genre ne sont pas rductibles des ingalits de revenu mais elles se manifestent dans les divers fonctionnements ou capabilits qui dfinissent le type de vie dun individu. Le revenu nest en cela quun indicateur de moyens. Dautre part, bien que les carts de revenu puissent tre utiliss comme une approximation des carts de genre en termes de nutrition et de consommation, son traitement introduit des biais dans lindice composite en raison des estimations grossires utilises pour combler labsence de donnes dans certains pays et de la non prise en compte de la rpartition des revenus au sein des mnages.

    En rfrence aux travaux de Sen (1992, 1999) et notamment la distinction entre les concepts de bien-tre et dagence, le PNUD a propos deux indices, lISDH et lIPF. Le premier prend en compte les carts de genre dans les capabilits ou fonctionnements de base en tant que composante du bien-tre et implique dailleurs un traitement particulier des indicateurs de revenu. En revanche, le second adhre plus au concept dagence puisquil prend en compte le rle des femmes en termes de prise de dcision et en faveur de lamlioration du statut des autres femmes et du bien-tre gnral de la population. Lide est que les femmes nagissent pas uniquement dans leur propre intrt mais galement dans celui des enfants, des autres femmes et des hommes dans la population.

    Toutefois, dans la mesure o il sagit de mesurer les ingalits dans les diffrents fonctionnements, rien ne soppose combiner des indicateurs de capabilits tels que ceux lis la sant et lducation et des indicateurs dopportunit et de participation comme ceux relatifs la participation dans les sphres conomiques et politiques.

    Lindice dquit inclut des indicateurs non montaires de rsultats que nous regroupons en trois domaines : la sant, lducation et la participation conomique et politique. Le domaine de la sant inclut les carts de genre en termes desprance de vie et de sex ratio. Le ratio desprance de vie des femmes par rapport aux hommes prend en compte lingalit dans la capabilit mener une vie longue et saine. Lexistence dun cart reflte une ingalit en termes de statut nutritionnel, de sant. Toutefois cet indicateur peut masquer des diffrences de taux de mortalit certains ges spcifiques. Par ailleurs, comme le souligne Djisktra (2000), cet indicateur est estim en utilisant des tables de vie qui peuvent diffrer selon la disponibilit des donnes et les caractristiques

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    dmographiques propres chaque pays. Il sensuit que dans les pays faible niveau de revenu lesprance de vie traduit les diffrences de taux de mortalit infantiles sans ncessairement inclure les aspects lis aux risques de maladie et de morbidit qui sont en revanche pris en compte pour les pays haut revenu. Ainsi, lindice desprance de vie est complt par le sex ratio qui permet notamment de saisir le problme des femmes manquantes dans les pays dAfrique du Nord et dAsie prsent par Sen, 1992. Le ratio du nombre de femmes par rapport aux hommes rsume lingalit de genre agissant sur le long terme. Alors que les femmes ont une prdisposition vivre plus longtemps que les hommes, la masculinisation de ce ratio dans certains pays traduit les diffrences de traitement dont peuvent tre victimes les petites filles et les femmes en raison des politiques de slection des sexes, de linfanticide, de la discrimination etc. A linstar de lISDH, lcart de genre au dtriment des femmes dans lducation est apprhend au travers du taux de scolarisation brut combin aux trois niveaux et du taux dalphabtisation. Enfin, le pourcentage de siges au parlement et le taux dactivit conomique des femmes reprsente leur opportunit sintgrer et participer respectivement, dans les sphres politique et conomique.

    Tableau 4 Indicateurs statistiques de lindice IRDF et de ses dimensions

    Moyenne Ecart-type Minimum Maximum

    Sant 0.96813 0.04342 0.74664 1 Education 0.89548 0.13904 0.43908 1 Participation 0.550165 0.144 0.19374 0.87531 IRDF 0.85512 0.07218 0.62213 0.97429

    Source: Calcul des auteurs partir des donnes du PNUD (UNDP, 2002). NB : Les poids j sont les suivants : 0.4099 pour la sant, 0.3769 pour lducation,

    0.2031 pour la participation. Selon les rsultats obtenus, le domaine participation enregistre en moyenne les

    ingalits les plus fortes en dfaveur des femmes suivies des ingalits dans la sphre de lducation puis de la sant. A lexception de la participation, les autres domaines enregistrent des valeurs maximales gales 1, cest--dire que dans certains pays, il nexiste aucun dsavantage pour les femmes dans les dimensions considres.

    Les rsultats de la dcomposition par zones gographiques sont prsents dans le tableau 5.

    Tableau 5 IRDF par zones gographiques

    Sant Education Participation Total Afrique (49 pays) 0.93067 0.774742 0.563045 0.798694 Moyen-Orient (11) 0.917041 0.858321 0.307225 0.770453 Amrique Lat. (27) 0.993704 0.975843 0.46522 0.879444 Asie (20) 0.961194 0.878677 0.571234 0.850053 Autres pays (49) 0.998414 0.987131 0.630028 0.919216

  • 23

    Source: Calcul des auteurs partir des donnes du PNUD (UNDP, 2002).

    Les rsultats refltent le traitement ingal des filles et des garons dans les diffrents domaines selon les zones gographiques. La dcomposition conforte le classement par dimension prcdent, savoir que les ingalits les plus fortes se trouvent dans la participation conomique et politique des femmes, quelle que soit la zone gographique considre. De manire relative, les pays du Moyen-Orient prsentent les ingalits les plus importantes au dtriment des femmes au niveau global et notamment dans les domaines de la participation et de la sant. Le sous-indice de la sant ne traduit pas directement la discrimination faite lencontre des filles mais plutt une ingalit dans laccs aux soins de sant.

    La zone africaine possde un indice global dont la valeur est proche de celle des pays du Moyen-Orient. En revanche, les pays africains se distinguent par les plus fortes ingalits de genre dans le domaine de lducation. En revanche, dans la sphre de la participation conomique et politique des femmes, lAfrique enregistre des ingalits moins fortes que les pays dAmrique Latine mais comparables celles des pays dAsie. Cependant, le taux de participation conomique des femmes en Afrique (ainsi quen Asie) agrge des situations demplois diffrentes et inclut notamment le travail au sein de la famille et dans lconomie de subsistance sans pour autant capter des informations sur lautonomie conomique issue de cette participation (Jtting et al., 2006)

    Lannexe 6 prsente les coefficients de corrlation entre lIRDFet ses trois composantes. Lindice est fortement corrl avec le domaine de lducation (0.872) puis avec le domaine de la sant (0.606) et beaucoup moins avec la participation (0.495). En revanche, les coefficients de corrlation entre les trois domaines sont trs faibles et non significatifs, notamment avec la participation. Lannexe 7 rvle que lIRDF est moins corrl que lISDF au PIB par tte ainsi qu lIDH et lISDH. Ce rsultat peut sexpliquer par la non-inclusion des carts de revenu. Il reste en revanche trs fortement corrl lISDF (0.937). Ce rsultat peut tre d la forte corrlation qui existe entre lducation et les deux indices.

    Finalement, les trois indices dingalits de genre indiquent que lducation est un domaine sensible aux ingalits et que les pays dAfrique et du Moyen-Orient sont parmi les plus ingalitaires. Cette rflexion sur les ingalits entre hommes et femmes nous conduit nous interroger sur la relation entre ingalits et niveau de bien-tre et construire, linstar de lindice des mres propos par Save the Children, un indice de qualit de vie des femmes.

    4.3 Lindice de Qualit de Vie des femmes

    Lindice de qualit de vie des femmes (QVF) sinspire de celui que propose lorganisation non-gouvernementale Save the Children en combinant des indicateurs ayant trait aux femmes et aux enfants mais il sinscrit dans un cadre conceptuel plus prcis et lagrgation, sur une mthodologie plus rigoureuse.

  • 24

    4.3.1 Lindice des mres de Save the Children

    Lindice des mres de lONG (organisation non-gouvernementale) Save The Children, compile un maximum de 12 indicateurs10 ayant trait au bien-tre des femmes et des enfants et permet la comparaison de 140 pays. Le Rapport de 2007 indique que sur les 10 derniers pays, 9 sont des pays dAfrique sub-saharienne (dans lordre dcroissant : le Niger, la Sierra Leone, le Tchad, la Guine Bissau, lAngola, lErythre, lEthiopie, le Burkina Faso et Djibouti).

    Comme lindice SIGE de Dijkstra (2000), Save the Children utilise les z-scores cest--dire lindicateur du pays auquel est retranche la moyenne de lindicateur sur tous les pays puis le total est divis par lcart-type de lindicateur sur tous les pays. Les indicateurs de mal-tre (par opposition au bien-tre) sont multiplis par -1. Le tableau 6 suivant retrace les poids attribus aux diffrents indicateurs et sous-indices.

    Tableau 6 Liste des indicateurs et des poids attribus aux composantes de lindice des femmes, des enfants et des mres (cas des pays les moins avancs)

    IND

    ICE

    DES

    FE

    MM

    ES

    30 %

    30 %

    30 %

    10 %

    Statut de la sant des femmes Risque de mortalit maternelle 25 % Esprance de vie la naissance des femmes 25 % Accouchements sous surveillance mdicale 25 % Pourcentage de femmes utilisant une contraception moderne 25 % Statut de lducation des femmes Estimation du nombre dannes de scolarisation formelle des femmes Statut conomique des femmes Ratio des revenus estims des femmes sur celui des hommes Statut politique des femmes Participation des femmes dans les gouvernements nationaux

    IND

    ICE

    DES

    ENFA

    NTS

    100 %

    Statut des enfants Mortalit des enfants de moins de 5 ans 20 % Enfants - de 5 ans sous pondrs (modrment ou svrement) 20 % Taux bruts de scolarisation 20 % Ratio du nombre de filles scolarises par rapport aux garons 20 % Pourcentage de la population ayant accs leau 20 %

    20 %

    20 %

    20 %

    10 %

    30 %

    IND

    ICE

    DES

    M

    ERES

    Source : Auteurs partir de Save the Children (2007)

    Ainsi, lattribution des poids est totalement arbitraire et injustifie. De mme, lindice des mres nest reli aucun cadre conceptuel, contrairement lindice de qualit de vie des femmes.

    10 Le nombre dindicateurs diffre suivant le niveau de dveloppement des pays (voir Save the Children,

    2007, p. 46). Dans le cas des pays les moins dvelopps, les 12 indicateurs sont prsents dans le tableau 6. Les pays moyennement dvelopps comptent galement 12 indicateurs quasiment similaires ceux des pays les moins dvelopps alors que les pays dvelopps en ont 10 parmi lesquels la dure et le paiement des congs de maternit et les taux bruts de prscolarisation.

  • 25

    4.3.2 Le cadre conceptuel de lindice QVF

    Dans la littrature relative la construction dindices dingalit de genre, deux tendances peuvent tre identifies. La premire concerne les tentatives menes afin dobtenir une mesure en soi des ingalits ; la seconde vise la construction dindice de bien-tre corrigs des ingalits de genre ou du moins sensibles aux ingalits combinant la fois niveau absolu de bien-tre et cart de genre linstar de lISDH. Ces deux approches ont en commun dexiger des indicateurs sexus. Bien que ces mesures permettent didentifier les dimensions dans lesquelles les carts sont les plus saillants, elles ne permettent pas de tenir compte daspects spcifiques aux femmes tenant en particulier leur rle de mres.

    Ainsi, les indices de bien-tre sensibles aux diffrences de genre reposent implicitement sur lhypothse de neutralit lgard dtre un homme ou une femme excluant par l-mme lintgration dindicateurs capturant certaines spcificits propres aux femmes qui peuvent tre lies des diffrences biologiques mais galement tre le rsultat de choix informs et consensuels entre les hommes et les femmes. La reconnaissance du rle des femmes dans les stratgies et politiques de dveloppement suggrerait de tenir compte de ces spcificits et de complter la mesure des ingalits par un indice de bien-tre refltant la qualit de vie des femmes.

    Si les amliorations dans le statut des femmes sont directement recherches au travers de programmes cibls plutt que comme sous-produit des politiques gnrales de dveloppement alors cela justifie llaboration dun tel indice. Bien que lindice de Qualit de Vie des Femmes (QVF) ne diffre pas fondamentalement de lIDH puisquil consiste rendre compte des performances relatives des pays au regard des capabilits et opportunits offertes aux femmes, il prsente nanmoins lintrt daborder le dveloppement humain en termes fminins en rendant explicite la visibilit des femmes. La confrontation dun tel indice capturant la qualit de vie des femmes aux indices dingalit permet didentifier la relation entre ingalit ou dsavantage que subissent les femmes et leur vulnrabilit du point de vue de leur condition.

    Le bien-tre des femmes ne peut tre apprhend sans y intgrer une dimension intergnrationnelle tenant leur rle de procratrice et de dispensatrice de soins lgard des enfants. Le bien-tre des femmes doit tre plac au-del de lapprciation individuelle du bien-tre sans pour autant confiner les femmes leur rle de mre. Elles ne recherchent pas uniquement leur propre bien-tre, elles peuvent en tant quagent, poursuivre et se raliser au travers dautres objectifs11. Cette dimension altruiste est explicitement reconnue dans plusieurs travaux de la littrature (Sen, 1990 ; Folbre, 1994, 2001 ; Himmelweit, 2000 ; Klasen, 1998) ainsi que par les partenaires du dveloppement. Par exemple, la Banque Mondiale souligne dans son rapport de 2001 les externalits positives lies une amlioration du statut des femmes sur le bien-tre des autres membres de la communaut. Cet aspect soulve un certain nombre dinterrogations notamment celle de lintgration dindicateurs de qualit dagent en tant que composante

    11 Cette qualit dagent ne concide pas ncessairement avec le bien-tre individuel car elle peut se traduire

    par un sacrifice.

  • 26

    du bien-tre12. Ainsi, pour Gasper (2004), la notion de bien-tre dfinie par Sen est rduite aux accomplissements et liberts personnelles et ignore les accomplissements en tant quagent traduisant un intrt pour les autres. Toutefois, le concept de qualit de vie permet de couvrir les diffrentes notions introduites par Sen (1992) pour caractriser la situation dune personne impliquant la fois lintrt personnel (Gasper le nomme bien-tre objectif ) et lintrt ou la sympathie pour les autres (le bien-tre subjectif ).

    La fminisation du concept de dveloppement humain sinscrit dans le cadre dune conception durable et soutenable du dveloppement humain. De ce point de vue, le bien-tre des enfants peut sinsrer en tant que composante du bien-tre des femmes aux cts des composantes de leur propre bien-tre. Adoptant lapproche en termes de capabilits qui sous-tend lIDH, lindice QVF est dfini partir dindicateurs de rsultats humains, c'est--dire dune combinaison de fonctionnements et de capabilits incluant des valeurs de ralisation et de liberts ou de dnis de libert dont sont victimes les femmes mais aussi les enfants13.

    4.3.3 Le choix des indicateurs

    Lindice QVF combine 11 indicateurs qui couvrent dune part, le bien-tre des femmes et dautre part, celui des enfants. Il permet ainsi un classement des pays selon le niveau moyen des capacits atteintes selon ces deux composantes linstar de lindice Mre labor par Save the Children.

    Tableau 7 Liste des indicateurs de lindice QVF

    Statut des femmes : 1. Taux de mortalit maternelle 2. Esprance de vie 3. Taux de scolarisation brut combin primaire, secondaire et suprieur 4. Taux dalphabtisation 5. Taux dactivit conomique 6. Pourcentage de siges au parlement 7. Indice relatif la politique davortement

    Statut des enfants : 1. Taux brut de scolarisation dans le primaire 2. Travail des enfants 3. Enfants souffrant dinsuffisance pondrale (ou taille)

    Ainsi, les capabilits de base dterminant le statut des femmes regroupent des indicateurs relatifs la sant tels que leur capabilit vivre une vie longue et saine (esprance de vie), pouvoir procrer dans des conditions saines et salubres et, un ge

    12 Cet aspect pose en outre des problmes dinterprtation dans le cadre de llaboration dindices

    dingalit de genre (voir Klasen, 2004 pour plus de dtails). 13

    Les fonctionnements sont une faon de mener son existence et les capabilits, les diverses opportunits qui se prsentent une personne. Cet indice renvoie ainsi la notion de qualit de vie.

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    plus avanc, de ne pas souffrir de mortalit prmature14. Les indicateurs dducation (taux de scolarisation et taux dalphabtisation) font rfrence leur capabilit accder au savoir et linstruction. Lindice QVF tient compte galement de leurs opportunits ou absence dopportunits sintgrer dans les sphres conomique (taux dactivit des femmes) et politique (pourcentage de siges occups par les femmes au parlement) ainsi que leur capacit exercer leur droit de procration (indice de politique davortement15).

    Le statut des enfants combine le pourcentage denfants souffrant dune insuffisance pondrale afin de capturer la prvalence de la malnutrition. La malnutrition des enfants reflte la difficult daccs au revenu ds lors quune part prpondrante de ce dernier est consacre lalimentation. Le taux brut de scolarisation dans le primaire est un indicateur daccs au savoir. Ce dernier qui ne tient pas compte de labsentisme, est complt par le travail des enfants qui indique un dni de libert pouvoir acqurir les capabilits de base ncessaires pour sintgrer dans les sphres conomiques et sociales.

    Tandis que la classification des composantes de lindice QVF sappuie sur une distinction du type dindividus concerns - femme ou enfant, leur regroupement selon la sphre socio-conomique laquelle ils renvoient peut galement se justifier compte tenu de la nature des indicateurs. Les dimensions sant, ducation et opportunits incluant la fois les femmes et les enfants peuvent ainsi tre identifies. Dans cette perspective, lindice peut tre utilis dans le cadre dune approche par les manques en termes de pnuries de capabilits des femmes en identifiant les dimensions o les pays enregistrent notamment les plus faibles performances. Dans ce cas, lidentification des plus fortes privations se fait sur la base de la dtermination dune ligne de pauvret. Cet exercice pourrait alors permettre didentifier la disponibilit de certains services mais galement le degr dexclusion de ces services et apporter des informations importantes pour le ciblage des politiques socio-conomiques.

    4.3.4 Les Rsultats par rgion et par domaine

    La mesure du statut des femmes sappuie sur lapproche issue des ensembles flous dvelopps par Cerioli et Zani (1990) dans le cadre de la mesure multidimensionnelle de la pauvret. Dans la mesure o on cherche tablir le niveau de performances atteint dans les fonctionnements et capabilits, les indicateurs sont normaliss de telle manire que la valeur 0 corresponde un dfaut de capabilits. La formule pour les poids repose sur le mme principe que lapproche de Cerioli et Zani (1990) mais a t adapte comme cela a t fait pour lISDF (voir quation 11).

    La construction de cet indice sappuie sur la Totally Fuzzy Analysis16 en ladaptant de faon dfinir un indice de bien-tre dfini comme une fonction croissante de la valeur

    14 Le taux de mortalit maternelle reflte ainsi un dfaut de capabilit dans le domaine de la qualit de la

    sant des femmes 15

    Cet indice est disponible sur le site des Nations-Unies (United Nations World Abortion Policies, 1999) ladresse suivante : http//www.un.org/esa/population/publications/abt/babtpeu.htm. Pour lindice de politique davortement, nous comptabilisons les scores obtenus par chaque pays pour les diffrentes situations qui sont au nombre de 7. Le score varie ainsi entre 0 et 7. 16

    Pour une revue dtaille de cette mthode issue de la thorie des ensembles flous, voir Brenger et Verdier-Chouchane (2007).

  • 28

    de lindice obtenu. Une valeur faible refltera un certain tat de privation. Il ne sagit plus de rendre compte du statut des femmes par rapport aux hommes mais des performances de chaque pays par rapport aux autres concernant le statut des femmes.

    Tableau 8 Indicateurs statistiques de lindice QVF et de ses dimensions

    Moyenne Ecart-type Minimum Maximum

    Valeur critique

    QVF 0.6371295 0.1993427 0.1625696 0.9516896 0.588925 Femme 0.5747045 0.2064637 0.1572667 0.9466522 0.542805 Enfant 0.7506261 0.2104635 0.1529022 0.9766685 0.592755

    Source: Calcul des auteurs partir des donnes du PNUD (UNDP, 2002). NB : Les poids j sont les suivants : 0.645191 pour le sous-indice Femme et

    0.35481 pour le sous-indice Enfant .

    La dcomposition de lindice QVF laisse apparatre en moyenne une plus faible performance dans le statut des femmes que dans celui des enfants. La dcomposition de lindice en ses deux composantes et par zones gographiques est prsente dans le tableau 9.

    Tableau 9 - Dcomposition par zones gographiques

    QVF Femme Enfant Afrique (49 pays) 0.512002 0.3624495 0.544366 Moyen-Orient (11) 0.611937 0.510249 0.801116 Amrique Lat. (27) 0.703352 0.603348 0.855485 Asie (20) 0.611969 0.562916 0.701152 Autres pays (49) 0.832500 0.790457 0.908929

    Source: Calcul des auteurs partir des donnes du PNUD (UNDP, 2002).

    Du point de vue du statut des mres ainsi que des deux sous-indices femmes et enfants, lAfrique enregistre les plus faibles performances au regard des autres zones.

    Les rsultats issus du calcul des valeurs critiques permettent de dterminer pour chaque zone gographique le pourcentage de pays prsentant une vritable privation du point de vue du statut des mres, des femmes ou des enfants.

    Tableau 10 Pourcentage de pays prsentant un dficit par zone gographique

    QVF Femme Enfant Afrique 0.8775 0.8775 0.63265 Moyen-Orient 0.2727 0.5454 0.09090 Amrique Latine 0.1111 0.3333 0.037 Asie 0.4000 0.45 0.3000 Autres 0 0 0

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    Source: Calcul des auteurs partir des donnes du PNUD (UNDP, 2002).

    Selon les rsultats issus de la valeur critique, nous observons que lAfrique est la zone qui prsente le pourcentage le plus lev de pays prsentant un dficit du point de vue de lindice QVF (87.8 % des pays). Les seules exceptions dans cette zone sont lAlgrie, la Libye, le Cap Vert, lIle Maurice, lAfrique du Sud et la Tunisie.

    La dcomposition de lindice QVF selon les sous-indices Femme et Enfant montre que le statut des femmes est la composante pour laquelle le pourcentage de pays prsentant un dficit est le plus lev quelle que soit la zone considre. LAfrique reste la seule zone qui cumule les dficits aussi bien du point de vue du statut des femmes (87.8 % prsentent un dficit) que du statut des enfants (63.3 %). Toutefois au sein de cette zone, seuls le Cap Vert, le Ghana, la Namibie, lIle Maurice, la Tunisie et lAfrique du Sud ne prsentent pas de dficit du point de vue du statut des femmes.

    Par ailleurs, certains pays prsentent ou non une carence du point de vue de lindice QVF mais pas dans lune de ses composantes. Ainsi, labsence de carence dans le statut des mres en Algrie correspond un dficit observ dans le statut des femmes mais qui est compens par les performances raliss dans le statut des enfants (la valeur de lindice Enfant est largement suprieure la valeur critique). En revanche, le dficit du Ghana au regard de lindice QVF est associ labsence de dficit de lindice Femme dont la valeur proche de la valeur critique ne permet pas de compenser la privation identifie pour lindice Enfant. Dautres cas, comme le Botswana et le Cameroun prsentent une carence en termes de qualit de vie des femmes ainsi que du point de vue du bien-tre des femmes mais pas au regard du bien-tre des enfants.

    Les corrlations avec dautres indices indiquent des rsultats intressants. Par exemple, tandis que lindice dquit ainsi que lindice de Gini capturent les carts ou ingalit de genre, lindice QVF reflte les performances relatives des pays en termes de dveloppement humain abord sous un angle fminin. Nanmoins, il existe une forte corrlation entre les mesures dingalit, lindice QVF et le statut des femmes. Bien que la corrlation ne vaille pas causalit, cela suggrerait que les ingalits auraient une incidence sur le statut et donc le bien-tre des mres et des femmes. De la mme manire, les corrlations entre lindice QVF et les indices de dveloppement conomique (PIB par tte) et humain (IDH) sont trs leves, respectivement gales 0.844 et 0.926. Ce rsultat nest pas surprenant compte tenu du fait que lindice QVF est un indice de dveloppement humain abord sous langle fminin.

    Bien que lon ait identifi deux sous-indices dans le bien-tre des mres, du fait de la proprit de dcomposabilit additive de lindice obtenu, nous pouvons aborder la dcomposition selon les domaines de la sant, de lducation et des opportunits offertes aux femmes et aux enfants afin de sinsrer dans la socit.

    Les dimensions considres regroupent des indicateurs relatifs aux femmes et aux enfants. Ainsi, la sant inclut linsuffisance pondrale des enfants, le taux de mortalit maternelle et lesprance de vie des femmes. De mme, le taux dalphabtisation des femmes, le taux de scolarisation brut combin ainsi que le taux de scolarisation dans le

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    primaire reprsentent les composantes de lducation. Enfin, la dimension opportunits concerne les autres indicateurs que sont le pourcentage de siges dtenus par les femmes au parlement, le taux dactivit des femmes, le travail des enfants et lindice de politique davortement.

    Tableau 11 QVF selon le domaine et la zone gographique

    Sant Education Opportunits Moyenne % Moyenne % Moyenne %

    Afrique 0.371938 0.8571 0.431577 0.7755 0.471245 0.7959 M.-Orient 0.776389 0.09090 0.596207 0.4545 0.481557 1 Amr. Latine

    0.78346 0.037 0.75873 0.1111 0.557113 0.5185

    Asie 0.569159 0.45 0.669142 0.35 0.600483 0.40 Autres 0.903872 0 0.835818 0.0204 0.772367 0.0408

    Source: Calcul des auteurs partir des donnes du PNUD (UNDP, 2002).

    LAfrique accumule nouveau les plus faibles performances dans toutes les dimensions. Cette zone se caractrise en particulier par le faible niveau de ltat de sant des femmes et des enfants, alors que pour les autres zones, lexception de lAsie, le plus faible niveau atteint concerne la dimension opportunits. Il sensuit que selon la valeur critique, plus de 85% des pays africains prsenteraient une privation dans la dimension sant lexception de lAlgrie, du Cap Vert, de la Lybie, de lIle Maurice, du Maroc et de la Tunisie. En revanche, les pays du Moyen-Orient prsentent tous une carence dans la dimension opportunit des femmes et des enfants.

    Lanalyse des corrlations entre lindice QVF et ses composantes (voir annexe 8) montre que la corrlation de lindice QVF la plus leve est obtenue avec la dimension sant avec une valeur proche de lducation pour lensemble des 140 pays. En revanche, les corrlations obtenues sur la zone des pays dAfrique indiquent une trs forte corrlation avec le domaine de lducation. Ce rsultat a dj t soulign dans Brenger et Verdier-Chouchane, 2007 dans lanalyse du bien-tre. Lducation est une variable cl dans le cadre des pays africains. Elle dtermine le niveau de vie et la qualit de vie ainsi que le bien-tre des femmes. Cette affirmation donne lieu dimportantes implications en termes de politique conomique dans les pays concerns.

    6. CONCLUSION

    Dans la ligne des tentatives dobtenir une mesure des ingalits de genre, notre objectif a consist dune part laborer une mesure composite des ingalits sinspirant de la mthodologie sous-jacente au calcul de lindice de Gini. Lindice obtenu prsente lintrt de ne pas dpendre de choix normatif relatif au degr daversion pour lingalit de la socit contrairement lISDH et dtre une mesure en soi dingalit. Ce premier indice nous permet daffirmer que les fortes ingalits de genre ne sont pas lies au niveau de dveloppement dun pays. Dautre part, afin de saisir les ingalits au

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    dtriment des femmes, un second indicateur ISDF a t construit. Il possde lavantage dtre moins fortement corrl au PIB par tte que les indices du PNUD. Cependant, en rponse aux critiques adresses lencontre du traitement du revenu, un nouvel indice a t construit. Lindice IDRF saisit les ingalits partir dindicateurs non montaires et dans diffrentes sphres. Ainsi, reconnaissant les multiples facettes des ingalits de genre et apprhendant les ingalits partir dindicateurs de rsultats, il tente de rendre opratoire lapproche des capabilits de Sen sans adhrer totalement cette approche puisquil combine capabilits et indicateurs de participation. Sa dsagrgation dans les diffrentes dimensions permet de mettre laccent sur la forte corrlation entre lindice dquit et lducation.

    Toutefois, ces mesures dingalits ou dcart de genre au dtriment des femmes ne sont pas en soi suffisantes dans le sens o elles renvoient une interrogation plus large, celle du bien-tre des femmes et des mres. Existe-t-il une relation ngative entre ingalits de genre et qualit de vie des femmes ? Sappuyant sur lapproche de Sen et partir de la mthodologie issue de la thorie des ensembles flous, nous conceptualisons un indice de qualit de vie des femmes qui reprend des indicateurs lis uniquement aux femmes et aux enfants. Lindice QVF est trs fortement corrl aux mesures dingalit de genre. Sans valoir causalit, ce premier rsultat indiquerait quen diminuant les ingalits de genre, le bien-tre des femmes samliorerait.

    Par ailleurs et de faon rcurrente, les diffrents indices montrent quaussi bien en termes dgalits que de bien-tre, les deux zones gographiques qui accusent les plus importants dficits sont lAfrique et le Moyen-Orient.

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    Annexe 1 - Liste des pays Afrique

    Afrique du Sud Algrie Angola Benin Botswana Burkina Faso Burundi Cameroun Cap-Vert Centrafricaine, Rpublique Comores Congo, Rep. Congo, Rep. Dem. Cote d'Ivoire Egypte Erythre thiopie Gabon Gambie Ghana Guine Guine Equatoriale Guine-Bissau Kenya Lesotho Liberia Libye Madagascar Malawi Mali Maroc Maurice Mauritanie Mozambique Namibie Niger Nigeria Ouganda Rwanda Sngal Sierra Leone Soudan Swaziland Tanzanie Tchad Togo Tunisie Zambie Zimbabwe

    Amrique latine

    Argentine Bahamas Barbade Belize Bolivie Brsil Chili Colombie Costa Rica Cuba Dominicaine, Rpublique El Salvador Equateur Guatemala Guyane Hati Honduras Jamaque Mexique Nicaragua Panama Paraguay Prou Suriname Trinit & Tobago Uruguay Venezuela

    Europe, Amrique du Nord et Ocanie

    Albanie Allemagne Armnie Australie Autriche Azerbadjan Belgique Bilorussie Bulgarie Canada Chypre Croatie Danemark Espagne Estonie Etats-Unis Finlande France Gorgie Grce Hongrie Irlande Islande Italie Kazakhstan Kyrgyzstan Lettonie Lituanie Luxembourg Macdoine Malta Moldavie Norvge Nouvelle Zlande Ouzbkistan Pays-Bas Pologne Portugal Roumanie Royaume-Uni Russie Slovaquie Slovnie Sude Suisse Tadjikistan Turkmnistan Turquie Ukraine

    Moyen-Orient

    Arabie Saoudite Bahren Emirats Arabes Unis Irak Iran Isral Jordanie Kowet Liban Syrie Ymen

    Asie

    Bangladesh Cambodge Chine Core, Rep. Fiji Inde Indonsie Japon Laos Malaisie Maldives Mongolie Npal Pakistan Papouasie Nouvelle Guine Philippines Singapour Sri Lanka Thalande Viet Nam

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    Annexe 2 - Meilleures et moins bonnes performances par pays concernant lIndice de Gini dingalit de genre

    10 pays les plus galitaires 10 pays les plus ingalitaires

    Esprance de vie

    1. Lituanie 2. Zambie 3. Estonie 4. Ukraine 5. Bilorussie 6. Russie 7. Lettonie 8. Bahren 9. Kowet 10. mirats Arabes Unis

    146. Benin 147. Chypre 148. Burkina Faso 149. Vietnam 150. Venezuela, RB 151. Honduras 152. Equateur 153. Nicaragua 154. Afrique du Sud 155. Guatemala

    Education

    1. Tadjikistan 2. Australie 3. Mexique 4. Ouzbkistan 5. Thalande 6. Trinidad and Tobago 7. Irlande 8. Viet Nam 9. Chypre 10. Azerbadjan

    146. Mozambique 147. Zambie 148. Guine 149. Pakistan 150. Bahren 151. Malawi 152. Npal 153. Kowet 154. Niger 155. mirats Arabes Unis

    Revenu

    1. Croatie 2. Pologne 3. Kazakhstan 4. Cambodge 5. Bulgarie 6. Armenia 7. Nouvelle Zlande 8. Burkina Faso 9. France 10. Slovnie

    146. Sierra Leone 147. Libye 148. Cote d'Ivoire 149. Jordan 150. Pakistan 151. Ymen 152. Arabie Saoudite 153. Bahren 154. Kowet 155. mirats Arabes Unis

    Total

    1. Australie 2. Danemark 3. Sude 4. Norvge 5. Viet Nam 6. Canada 7. Chypre 8. Thalande 9. Ouzbkistan 10. Islande

    146. Arabie Saoudite 147. Cte d'Ivoire 148. Zambie 149. Malawi 150. Npal 151. Pakistan 152. Niger 153. Bahren 154. Kowet 155. mirats Arabes Unis

    Source: Calcul des auteurs partir des donnes du PNUD (UNDP, 2002).

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    Annexe 3 - Coefficients de corrlation de Pearson entre diffrents indices de dveloppement et lindice de Gini dingalit de genre17

    Gini

    PIB/tte

    Log PIB/tte

    IDH

    ISDH

    Gini

    1

    PIB/tte -0.40775 < 0.0001 1

    Log PIB/tte -0.45092 < 0.0001

    0.88325 < 0.0001 1

    IDH -0.54943 < 0.0001

    0.77272 < 0.0001

    0.93692 < 0.0001 1

    ISDH -0.55154 < 0.0001

    0.76881 < 0.0001

    0.93042 < 0.0001

    0.99398 < 0.0001 1

    Source : Calculs des auteurs, N = 140

    Annexe 4 - Meilleures et moins bonnes performances par pays concernant lISDF

    10 pays les plus galitaires 10 pays les plus ingalitaires

    Danemark 0.984756 Npal 0.712893 Finlande 0.984488 Burkina Faso 0.707735 Australie 0.984219 Mali 0.705059 Sude 0.983262 Cte d'Ivoire 0.704636 Nouvelle Zlande 0.982857 Guine 0.696028 Norvge 0.982286 Guine-Bissau 0.682024 Lettonie 0.981298 Pakistan 0.654433 Etats-Unis 0.980643 Niger 0.651374 Canada 0.980406 Sierra Leone 0.645008 Bahamas 0.98011 Ymen 0.585333

    17 Ces rsultats sont confirms par les corrlations de rang pour lensemble des 140 pays pour lesquels les

    diffrents indices sont disponibles.

  • 35

    Annexe 5 - Coefficients de corrlation de Pearson entre diffrents indices de dveloppement et lISDF

    ISDF

    PIB/tte

    Log PIB/tte

    IDH

    ISDH

    ISDF

    1

    PIB/tte 0.56261 < 0.0001 1

    Log PIB/tte 0.73901 < 0.0001

    0.88325 < 0.0001 1

    IDH 0.85174 < 0.0001

    0.77272 < 0.0001

    0.93692 < 0.0001 1

    ISDH 0.85382 < 0.0001

    0.76881 < 0.0001

    0.93042 < 0.0001

    0.99398 < 0.0001 1

    Source : Calculs des auteurs, N = 140

    Annexe 6 - Coefficients de corrlation de Pearson entre lIRDF et ses composantes

    IRDF

    Sant

    Education

    Participation

    IRDF

    1

    Sant 0.60650 < 0.0001 1

    Education 0.87191 < 0.0001

    0.39910 < 0.0001 1

    Participation 0.49496 < 0.0001

    0.15403 0.0549

    0.06945 0.3890 1

    Source : Calculs des auteurs, N = 156

  • 36

    Annexe 7 - Coefficients de corrlation de Pearson entre diffrents indices de dveloppement et les indices dingalits de genre

    ISDF

    PIB/tte

    Log PIB/tte

    IDH

    ISDH

    Gini IRDF

    ISDF

    1

    PIB/tte 0.56261 < 0.0001 1

    Log PIB/tte

    0.73901 < 0.0001

    0.88325 < 0.0001 1

    IDH 0.85174 < 0.0001

    0.77272 < 0.0001

    0.93692 < 0.0001 1

    ISDH 0.85382 < 0.0001

    0.76881 < 0.0001

    0.93042 < 0.0001

    0.99398 < 0.0001 1

    Gini -0.63863 < 0.00