chitty chitty bang bang et la course contre le...

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  • Traduit de l’anglais par Catherine Gibert

    Gallimard Jeunesse

    Illustrations de Joe Berger

  • Chitty Chitty Bang Bang and the Race Against Time a reçu l’approbation du Ian Fleming Estate.

    Chitty Chitty Bang est une marque déposée de United Artists Corporation et de Danjac LLC, utilisée avec l’autorisation du Ian Fleming Estate.

    Tous droits réservés.

    Titre original : Chitty Chitty Bang Bang and the Race Against TimeÉdition originale publiée par Macmillan Children’s Books,

    Macmillan Publishers Limited, Londres, 2012. © Ian Fleming Will Trust, 2012, pour le texte

    © Ian Fleming Will Trust, 2012, pour les illustrations© Éditions Gallimard Jeunesse, 2014, pour la traduction française

    Illustration de couverture : Joe Berger

    http://www.chittythemagicalcar.com

  • À M. Patrick Roose,notre Eldorado personnel

  • 9

    1

    La plupart des voitures se contentent d’être des voitures : quatre roues, un moteur et des sièges. Elles vous conduisent au travail ou à l’école et vous ramènent à la maison. Rien de plus. La voiture de la famille Klaxon n’appartenait pas à cette catégorie. La voiture de la famille Klaxon était différente. C’était une Paragon Panther d’un vert inoubliable, unique modèle de 1921, restauré à la perfection. Ses roues étincelaient au soleil. Son capot interminable et majestueux brillait de mille feux. Ses sièges avaient la dou-ceur de la soie et les manettes sur son tableau de bord en noyer luisaient. Quant à la poignée en ébène de son Chronojuster, son chatoiement était irrésistible. La plupart des voitures n’ont

  • 10

    pas de Chronojuster. Le Chronojuster permet d’avancer ou de reculer dans le temps. C’est dire si Chitty Chitty Bang Bang était exceptionnelle – le voyage dans le temps y avait été installé en série.

    Lorsqu’une voiture ordinaire tombe en panne, il n’est pas rare qu’elle atterrisse sur le bas-côté de la route, de la fumée s’échappant du moteur. Quand la voiture de la famille Klaxon tomba en panne, elle atterrit au milieu des fumerolles d’une forêt antédiluvienne sous les yeux d’un dinosaure affamé.

     – Dinosaure ! cria Petit Harry, au cas où la

    famille n’aurait pas remarqué la tête gigan-tesque qui dodelinait au-dessus de la cime des arbres, bavant à qui mieux mieux et hurlant de faim.

    – Dinosaure ! cria encore Petit Harry.Aucun d’entre eux ni aucun être vivant d’ail-

    leurs n’avait jamais vu pareille créature, mais tous – même Petit Harry – savaient ce que c’était.

    Un tyrannosaure rex !– Pas de panique, hurla papa. Jem, regarde

    derrière nous. Je recule.Papa appuya sur le champignon et enclen-

    cha la marche arrière. Le tuyau d’échappement cracha un nuage noir, de la boue fut projetée

  • 11

    un peu partout, Chitty Chitty Bang Bang recula dans la gadoue… de quinze centimètres.

    Puis le moteur s’arrêta.– Pourquoi le moteur s’est-il arrêté ? demanda

    maman.– Il a calé, répondit papa.Personne ne dit mot, mais tous pensaient la

    même chose. Pour faire redémarrer le moteur, quelqu’un devait descendre de voiture et tour-ner la manivelle.

    – Si on reste assis bien comme il faut, il ne nous verra peut-être pas et on sera sauvés.

    – À moins qu’il ne remarque la voiture et se dise : « Tiens ! des Klaxon en conserve ! » mar-monna maman.

    – À moins qu’il ne nous écrase sous sa patte et ne nous enterre, proposa Lucy. De sorte qu’au fil du temps on se transforme en fossiles et que, dans plusieurs millions d’années, on constitue un des plus grands mystères de la science – une famille d’êtres humains ayant réussi par on ne sait quel moyen à se fossiliser à l’ère des dino-saures. On deviendra la grande énigme Klaxon. Sauf que personne ne saura qu’on s’appelle Klaxon.

    La tête se pencha davantage. Elle était à ce point énorme que Jem eut l’impression de regarder à travers un microscope. Il discernait

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    même les mottes de terre et les brindilles prises dans les plis de sa peau craquelée, et les taches de sang sur ses dents blanches en forme de poignards. La langue du monstre était plus rugueuse qu’une allée gravillonnée. Ses narines ressemblaient à deux couvercles de poubelle humides et dégoûtants, ses yeux à deux rivets minuscules et mobiles.

    « Peut-être ne nous verra-t-il pas », se dit Jem. Il ne s’était pas plus tôt fait cette réflexion

    que les narines en couvercles de poubelle fré-mirent. Elles se fermèrent, puis s’ouvrirent. Le tyrannosaure reniflait et son souffle était si puis-sant que toutes les feuilles, toutes les branches sans exception bruissèrent et que les cheveux de Lucy s’enroulèrent autour de sa tête. Le tyran-nosaure avait détecté de la nourriture. Il avait détecté les Klaxon.

    – Passionnant ! s’exclama Lucy. Pendant des années, les scientifiques se sont déchirés pour savoir si le tyrannosaure était un vrai prédateur – capable de se déplacer à toute vitesse pour attra-per et tuer ses proies – ou s’il n’était qu’un cha-rognard démesuré, friand de bêtes déjà mortes.

    – Et en quoi c’est intéressant ? demanda Jem.– Si c’est un charognard, il nous laissera tran-

    quille et si c’est un prédateur, il nous tuera.– Très intéressant, effectivement.

  • 13

    C’est alors qu’on entendit un bruit colossal, le bruit que ferait une maison qu’on lâcherait d’une hauteur vertigineuse. C’était la patte du dinosaure qui se posait à quelques mètres des Klaxon. Une patte armée de griffes recourbées avec laquelle le monstre creusait le sol pour prendre appui. Ses orteils s’étiraient tels des ponts de caoutchouc, ses cuisses évoquaient des tours de chair, sa musculature ondulait sous sa peau, à l’image du mécanisme d’une terrible machine.

    – Tout bien considéré, je dirais que c’est un prédateur, annonça Lucy.

    Personne ne leva les yeux.Personne ne se retourna.Tout le monde courut à perdre haleine jusqu’à

    ce qui leur apparut comme un énorme abribus vert. C’était une feuille géante qu’une goutte de pluie de la taille d’un melon faisait ployer jusqu’au sol. Jem se surprit à observer les motifs qui se dessinaient à la surface. Certes, il enten-dait ses parents se demander ce qu’il convenait de faire à présent mais, pour une raison incon-nue, il ne pouvait détacher ses yeux des motifs en question.

    – Il faut s’éloigner de ce tyrannosaure au plus vite, dit papa, étonné de devoir prononcer une phrase pareille.

  • – Et si un autre de ces monstres était tapi dans le coin ? s’inquiéta

    maman. Et s’il s’agissait d’un trou-peau ?

    – Les avis divergent, intervint Lucy. Mais il est plausible que le tyrannosaure rex vive en troupeau.

    Soudain, Jem comprit ce que représentaient les motifs qui l’attiraient tant à la surface de la goutte.

    – Petit Harry ! lâcha-t-il dans un souffle.

  • Les motifs n’étaient rien d’autre que le reflet du derrière de Petit Harry en train de se dandiner en direction du danger.

    – Dinosaure ! s’esclaffa Petit Harry, à raison, en se faufilant dans le sous-bois.

    Sans réfléchir, Jem se rua à sa suite, persuadé de rattraper Petit Harry en un rien de temps. Il fut stupéfait de constater à quelle vitesse son petit frère se déplaçait sur les genoux. Contrai-rement à Jem, lui n’était pas obligé de repous-ser les feuilles et les branches sur son passage

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    ni d’enjamber des racines ou des pierres. Petit Harry rampait en chantonnant : « Dino-saure, dino… saure », quand il déboucha en plein soleil, à l’endroit où la gigantesque créature sau-vage et baveuse examinait le capot de la voiture du bout du museau.

    – Dinosaure ! hurla Petit Harry en agitant la main joyeusement.

    Le monstre tourna sa tête colossale vers lui au moment où Jem arrivait sur les lieux et soulevait son petit frère de terre. Il était sur le point de repartir se mettre au plus vite à couvert quand quelque chose l’arrêta. L’œil ! Le microscopique œil noir était rivé sur lui. Le tyrannosaure regar-dait Jem et Jem était comme hypnotisé. Et le resta, même quand l’énorme gueule s’ouvrit, même quand le soleil renvoya l’éclat aveuglant de la rangée de dents aiguisées comme des cou-telas, même quand la patte géante se souleva du sol et se balança en l’air.

    C’est alors qu’un bruit effroyable retentit, un bruit à vous déchirer les tympans, à secouer les arbres, un bruit qui fit bondir Jem, un bruit qui faisait… Ga gooou ga !

    « Ga gooou ga ? se dit Jem. Ce n’est pas un bruit de dinosaure. »

    – Ga gooou ga !– On dirait…

  • 17

    – Ga gooou ga !C’était l’avertisseur sonore assourdissant de

    Chitty Chitty Bang Bang, unique modèle de 1921.

    – Ga gooou ga !À propos de Chitty Chitty Bang Bang, une

    seule chose intéressait le tyrannosaure : était-elle ou non comestible ? Le monstre reposa sa patte et se tourna vers la chose qui faisait : « Ga gooou ga ».

    Pour savoir s’il convenait ou non de manger une nourriture, le tyrannosaure procédait au test suivant : la nourriture tentait-elle ou non de s’enfuir ? Si la réponse était négative, cela signifiait qu’elle n’était pas fraîche. Or, la chose qui faisait « Ga gooou ga » ne semblait pas vou-loir s’enfuir. En revanche, elle ne sentait pas la charogne. Elle avait même une odeur inté-ressante. Le tyrannosaure n’était pas un man-geur exigeant. Dans son esprit, « intéressante » et « fraîche » se valaient. Un autre test du tyran-nosaure pour déterminer si une nourriture était comestible était de vérifier si elle deman-dait grâce ou criait : « Je vous en supplie, ne me mangez pas ! » ou « Les enfants, filez ! » La chose qui faisait « Ga gooou ga ! » n’avait pas dit un mot jusqu’à ce fameux : « Ga gooou ga ! », qui ne s’apparentait pas à une supplique. On aurait

  • plutôt dit un avertissement, voire – mais c’était impossible – une menace. Personne n’avait jamais menacé le tyrannosaure. Ce dernier ne savait à quoi s’en tenir et ressentit un drôle de pincement dans le ventre. Peut-être était-ce l’ébauche d’un rire mais, comme il n’avait jamais ri, il n’en sut rien.

    Il était déjà fort décontenancé quand il se pro-duisit un nouvel incident.

    La chose qui faisait « Ga gooou ga ! » lui envoya un brusque éclair de lumière dans les yeux. Toutes les ombres dans la clairière s’in-versèrent, comme si la forêt tout entière avait basculé. À croire que le soleil était apparu, puis avait disparu en une seconde. Qu’était-ce donc ?

    Chitty Chitty Bang Bang avait allumé ses pleins phares et les avait éteints aussitôt. Le tyranno-saure n’avait jamais vu de lumière aussi sou-daine ni aussi vive nulle part et certainement pas en provenance de nourriture.

    Cette fois, c’en était trop ; il décida de renon-cer à manger Chitty Chitty Bang Bang et de reporter sa fringale sur ces petites bestioles qui couraient en tous sens, c’est-à-dire : la famille Klaxon.

     

  • Mais à l’heure qu’il était, maman serrait Petit Harry dans ses bras sous l’abribus en feuille.

    – Comment as-tu pu faire une chose pareille ? se plaignit maman en le couvrant de baisers. Ne te sauve plus jamais !

    – On doit rester ensemble, renchérit papa. Oh !

  • 20

    Papa laissa échapper ce « oh ! » car la goutte de pluie en forme de melon avait fini par glisser de la feuille en abribus et avait explosé à leurs pieds comme une bombe à eau. Libérée du poids de la goutte, la feuille se détendit et retourna vers sa branche.

    – Étonnant ! souffla Lucy.Sans la protection de la feuille, la forêt appa-

    rut à leurs yeux. Des nappes de brouillard circu-laient entre les arbres. Une libellule de la taille d’une bicyclette glissa parmi les fougères, ses ailes aux millions de couleurs vrombissaient, tantôt visibles, tantôt invisibles. Et, plus loin derrière, le dos graisseux et monumental du tyrannosaure s’éloignait.

    – C’est ce que j’appelle un prédateur, dit Lucy en sortant son téléphone – en forme de nou-nours gélifié – pour le filmer.

    Elle avait raison. Le tyrannosaure rex était un prédateur et, comme tout prédateur, rien ne lui échappait. Par exemple, il remarqua le tout petit éclair de lumière qui sortit de l’objectif nain de l’appareil photo du téléphone de Lucy. Il tourna la tête pour vérifier ce que c’était.

    Dès qu’il vit la famille Klaxon, le tyrannosaure se sentit beaucoup mieux. C’était de la nourri-ture. La famille Klaxon faisait toutes les choses que la nourriture était censée faire  : détaler

    CouvertureTitreCopyrightDédicaceChapitre 1