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« IMB INFO » évolue et devient : « Les Nouvelles de l’Institut ». 23 novembre 2015 : Soirée en hommage au Roi Louis XIV. Chers Amis, Alors qu’il y a quelques mois, nous apprenions qu’allait se tenir à Versailles la passionnante exposition Louis XIV et que nous organisions une soirée en hommage au grand roi, autour de la conférence qui nous a tant intéressés, per- sonne n’imaginait que la France serait frappée par un acte d’une barbarie infinie. La France frappée, et en particulier Paris, sa capitale. Paris, que le Comte de Chambord en 1870, alors que les ennemis étaient en son cœur, qualifiait de « la ville de Clovis, de Clotilde et de Geneviève, (…) la ville de Charlemagne et de saint Louis, de Philippe Auguste et d’Henri IV, (…) la ville des sciences, des arts et de la civilisation ». L’ennemi, une nouvelle fois, est là ! Frappée au plus profond d’elle-même car, répétant un geste que les révolutionnaires connaissent bien, les assassins ont pris les jeunes pour cibles. Faire mourir des enfants, c’est aussi, pour une part, tuer les parents. Alors, ne supportons plus le déni, donnons leurs sens aux événements et aux mots, parlons en vérité : ceux qui ont commis ces massacres sauvages sont des assassins et des barbares sans foi ni loi. Ma compassion et mes prières vont à toutes les victimes et à leurs familles meurtries et j’adresse mes encouragements et félicitations aux forces de l’ordre et aux autorités judiciaires dont l’action dangereuse s’est révélée efficace, ainsi (Suite page 2) Bimestriel N° 1 - Novembre-décembre 2015 En point d’orgue à la commémoration du tricentenaire de la mort du Roi Louis XIV, une soirée en hommage au Roi était organisée dans les salons de l’Aéro-club de France à Paris. Une conférence, intitulée « Le siècle de Louis XIV » et donnée par l’historien et écrivain Jean-Christian Petitfils, précédait un dîner qui rassemblait plus de cent convives. Mgr le duc d’Anjou, empêché, ne put se joindre à l’assistance et son discours fut lu par le comte de Beaumont-Beynac. Le voici : Page 1 23 novembre 2015 Page 2 Page 3 Page 4 Page 7 Page 8 23 novembre 2015 (suite) Éditorial La Monarchie française et les chrétiens orientaux 2 mars 1815 : Louis XVIII refonde les Missions... Programme à venir Lectures recommandées

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« IMB INFO » évolue et devient : « Les Nouvelles de l’Institut ».

23 novembre 2015 :

Soirée en hommage au Roi Louis XIV.

Chers Amis,

Alors qu’il y a quelques mois, nous apprenions qu’allait se tenir à Versailles la passionnante exposition Louis XIV et que nous organisions une soirée en hommage au grand roi, autour de la conférence qui nous a tant intéressés, per-sonne n’imaginait que la France serait frappée par un acte d’une barbarie infinie.

La France frappée, et en particulier Paris, sa capitale. Paris, que le Comte de Chambord en 1870, alors que les ennemis étaient en son cœur, qualifiait de « la ville de Clovis, de Clotilde et de Geneviève, (…) la ville de Charlemagne et de saint Louis, de Philippe Auguste et d’Henri IV, (…) la ville des sciences, des arts et de la civilisation ». L’ennemi, une nouvelle fois, est là !

Frappée au plus profond d’elle-même car, répétant un geste que les révolutionnaires connaissent bien, les assassins ont pris les jeunes pour cibles. Faire mourir des enfants, c’est aussi, pour une part, tuer les parents. Alors, ne supportons plus le déni, donnons leurs sens aux événements et aux mots, parlons en vérité : ceux qui ont commis ces massacres sauvages sont des assassins et des barbares sans foi ni loi.

Ma compassion et mes prières vont à toutes les victimes et à leurs familles meurtries et j’adresse mes encouragements et félicitations aux forces de l’ordre et aux autorités judiciaires dont l’action dangereuse s’est révélée efficace, ainsi

(Suite page 2)

Bimestriel N° 1 - Novembre-décembre 2015

En point d’orgue à la commémoration du tricentenaire de la mort du Roi Louis XIV, une soirée en hommage au Roi était organisée dans les salons de l’Aéro-club de France à Paris. Une conférence, intitulée « Le siècle de Louis XIV » et donnée par l’historien et écrivain Jean-Christian Petitfils, précédait un dîner qui rassemblait plus de cent convives.

Mgr le duc d’Anjou, empêché, ne put se joindre à l’assistance et son discours fut lu par le comte de Beaumont-Beynac.

Le voici :

Page 1

23 novembre 2015

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23 novembre 2015 (suite)

Éditorial La Monarchie française et

les chrétiens orientaux 2 mars 1815 : Louis XVIII

refonde les Missions... Programme à venir

Lectures recommandées

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qu’aux médecins et infirmières qui ont secouru et soigné, confrontés à des blessures de guerre bien inhabituelles pour eux.

Mais comme héritier des rois, comme héritier d’une tradition, ayant élevé au rang de principes intangibles de la poli-tique, l’état de droit garanti par les lois fondamentales, je ne peux, comme vous tous, que ressentir au plus profond de moi la tragédie que représentent de tels actes perpétrés sur notre sol, perpétrés contre la France et les Français.

Évoquer cette tragédie en cette journée, où nous tenions à honorer le roi Louis XIV à l’occasion du tricentenaire de sa mort, apparaît alors comme un vrai symbole, tant elle en est l’antithèse. En effet, qu’a voulu le roi, si ce n’est tendre vers le meilleur régime ? Le moins mauvais, en tout cas, sachant ce que sont les individus. Gouvernement d’équilibre entre Dieu et les hommes. Entre les égoïsme de chacun et le bien commun pour tous. Entre tradition et progrès.

S’il fut un grand souverain, celui dont le professeur Jean-Christian Petitfils nous a si bien parlé ce soir, c’est qu’il a dé-couvert tôt dans la vie, lorsqu’il a décidé de gouverner personnellement, ces principes qu’il s’est appliqué ensuite à mettre en œuvre. Pouvoir d’équilibre et de maîtrise du monde naturel comme des hommes ; du monde spirituel comme des institutions. Pouvoir pour ordonner la société comme un jardin à la française, c’est-à-dire lui donner une sens, mais aussi pour permettre aux Lettres et aux Arts d’acquérir leur plein épanouissement. Sa mort fut à l’image de sa vie, comme Madame Saule l’a si bien évoqué dans la remarquable exposition qu’elle a montée à Versailles. Sa mort résume sa vie et la magnifie. L’astre a alors rejoint les cieux !

Mais celui que les hommes avaient peut-être jugé un peu vite trop préoccupé de sa propre grandeur, ne la poursuivait pas pour lui-même mais pour la France dont il a fait un exemple donné au monde et un modèle de civilisation.

Or, n’est-ce pas le message que l’on attend actuellement ? Notre société a besoin de sens et de modèles auxquels se référer. Ne faut-il pas, une nouvelle fois, rappeler la phrase si prophétique de saint Jean-Paul II : « France qu’as-tu fait des promesses de ton baptême ? ».

La France tient-elle toujours sa place ? Au fond d’elle-même peut-elle toujours dire qu’elle est un modèle à donner aux autres nations, quand elle renie la vie, quand elle ne sait plus éduquer ses enfants, quand elle abandonne ses vieillards, quand elle oublie l’essentiel de son histoire et méprise la réalité au profit de l’idéologie ? Pour pouvoir être un modèle auquel le monde peut et veut adhérer, encore faut-il être exemplaire.

La France vient de montrer qu’elle était capable de l’être dans le malheur et lorsqu’elle est attaquée, retrouvant une certaine union ainsi que réalisme et lucidité. Elle doit continuer à le montrer à l’avenir. Reprendre sa place de veilleur et de sentinelle dont la vocation est de protéger et de promouvoir ses idéaux puisés aux sources chrétiennes et ses va-leurs nées de l’héritage gréco-romain et polies par quinze siècles d’histoire. « Ne l’oubliez pas, c’est du retour à ses tra-ditions de Foi et d’honneur que la grande nation, un moment affaiblie, recouvrera sa puissance et sa gloire », écrivait le Comte de Chambord toujours si pertinent dans ses jugement. C’est cette France que le monde attend et espère, sur-tout quand les barbares sont à ses portes, prêts à répandre la mort, le désespoir, la ruine et la désolation.

Chacun à leur manière, Madame Saule et Monsieur Petitfils, à qui je tiens à redire tous mes remerciements, l’ont gran-dement montré. La première par l’exposition qu’elle offre à Versailles et qui, j’en suis persuadé, recevra de très nom-breux visiteurs ; le second par ses talents d’historien et tous ses travaux dont la conférence de ce soir nous a donné un aperçu trop bref, mais si convaincant.

La dynastie capétienne, depuis les premiers temps, a toujours accompagné la France dans ses moments de gloires comme dans ceux d’épreuves : à Bouvines et à Rocroi, comme à Crécy et Malplaquet. Chaque fois, elle a apporté son message d’espoir. Incarnée dans une famille, elle sait, plus que tout autre, qu’il y a toujours une génération pour pren-dre la relève. Louis XIV laissant la France aux mains d’un enfant de cinq ans le savait. Son héritier incarnait la jeunesse du monde. La jeunesse de la France sans cesse renouvelée, celle qui porte notre avenir.

Par l’intercession de saint Louis, protégeons notre pays et transmettons notre héritage à nos enfants.

Merci de m’avoir écouté.

Louis de Bourbon, duc d’Anjou.

(Suite de la page 1)

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Éditorial Chers Membres de l’Institut,

Voici donc le premier numéro de la nouvelle formule de notre bulletin. IMB INFO a fait son temps. Bienvenue à son remplaçant : Les Nouvelles de l’Institut .

La nécessité de mieux informer nous imposait de nous renouveler et d’apporter deux changements importants. Le premier sur le fond : Les Nouvelles de l’Institut, bien que continuant à relater les activités du trimestre précédent, com-porteront des articles, notamment d’histoire, des recensions d’ouvrages ou des récits d’événements organisés par d’autres... Le second sur la périodicité : elle sera régulière, le nouveau bulletin paraissant tous les deux mois.

Pour cela, il y a une équipe de rédaction animée par notre ami Dominique Coudé qui a en charge aussi, au sein du Conseil d’administration, toute la gestion des Nouvelles. Mais, en fait, vous êtes tous concernés...

Si nous avons choisi de renouveler notre formule, c’est essentiellement pour mieux rayonner. Nous ne pouvons nous contenter de nous adresser aux seuls membres. Un bulletin rénové contribuera, j’en suis sûr, à élargir notre audience.

Une telle revue, facile à lire et à conserver, sera complétée pas des moyens plus « modernes », comme Internet. L’un n’empêche pas l’autre. Internet est un bon instrument pour le temps bref, pour les nouvelles à transmettre rapide-ment, pour une information qui peut n’être qu’éphémère comme l’annonce d’un colloque. Nous avons aussi l’inten-tion de rénover le site Internet. L’on y travaille déjà. Gageons qu’en 2016 cela sera chose faite.

Depuis un an, l’Institut, qui a vu son Conseil d’administration s’élargir et s’ouvrir à de nouvelles compétences, évolue. Tout cela se fait peu à peu, en assurant les prises comme disent les alpinistes.

Nous pouvons le faire parce que le nombre de nos membres croît régulièrement et que leur fidélité est grande. Fort de cette confiance et de celle de notre président d’honneur, Mgr le Prince Louis, nous pouvons progresser.

N’hésitez pas à nous faire part de vos suggestions, de vos idées, des projets que nous pourrions monter ensemble. Et aussi… des critiques, car elles nous serviront à progresser ! Ne les gardez pas pour vous !

Je voudrais aussi revenir sur les activités diverses menées depuis la rentrée. Nous avons célébré Louis XIV comme il se devait en cette année du tricentenaire. Nous avons célébré aussi François Ier. La présente livraison évoque, justement, l’action de ces deux rois et de leurs successeurs quant aux missions catholiques au Moyen-Orient et dans le monde entier.

Les conférences mensuelles ont repris leur rythme. Une cinquantaine de personnes, en moyenne, y participent dont la moitié, environ, partage ensuite le dîner avec l’orateur. Cette formule plaît et nous comptons la poursuivre.

L’an prochain est, également, fécond en anniversaires à commémorer. Le Conseil d’administration réfléchit aux sujets à retenir. Nous voudrions que, pour plusieurs des manifestations envisagées, Mgr le Prince Louis, Chef de la Maison de Bourbon, puisse être présent ou accorder sa présidence d’honneur.

Les événements récents, douloureuse piqûre de rappel, nous imposent le retour à l’essentiel en puisant aux sources authentiques de notre histoire, de notre identité chrétienne Ils ne peuvent que conduire notre Institut à progresser, avec vous, dans les mois et les années à venir en pratiquant cette devise : « Aimer, connaître, garder, transmettre ».

Inclinons-nous devant la crèche pour présenter nos vœux de joyeuses et ferventes fêtes de Noël à Mgr le Prince Louis, à Madame la Princesse Marie-Marguerite et à leurs chers enfants les Princesse et Princes Eugénie, Louis et Alphonse. Nous Leur souhaitons également une très bonne année 2016, sous la protection de la Sainte Famille, pour avancer dans l’espérance de la Paix retrouvée.

Merci à tous et bonne lecture.

Prince de Bauffremont

Président

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La Monarchie française et les chrétiens orientaux.

L’année 2015, qui s’achève, a été l’occasion de célébrer plus particulièrement la mémoire de deux rois de France : François Ier, sacré le 25 janvier 1515, et Louis XIV, décédé le 1er septembre 1715.

Si l’on s’accorde, généralement, sur l’importance de leurs règnes pour la France et l’Europe, l’on ne signale guère le rôle qu’ils jouèrent au Moyen-Orient et, singulièrement, quant aux chrétiens du Levant (comme l’on disait autrefois).

Et pourtant…

Bien avant François Ier, dès « le règne de Charlemagne, à la faveur des relations nouées avec Haroun al-Rachid », la France « prétend à une certaine forme de protectorat sur les Lieux saints. Les Croisades sont, pour l’essentiel, une affaire française, et la tradition veut que, dès cette époque, des liens se soient établis entre la communauté maronite1 et la France dont témoignerait une lettre de saint Louis (sans doute apocryphe) »2.

Quant aux relations avec l’Empire ottoman, un épisode quelque peu spécial se déroule en 1483 : contacté par le sultan Bajazet II (1447-1512), Louis XI, mourant, refuse, par piété, de recevoir un musulman. En fait, Bajazet veut s’assurer que son frère et rival Djem, de douze ans son cadet, qui est entre les mains des chevaliers de Saint-Jean, soit empêché de rentrer dans son pays et, en particulier, dit-on, de reprendre ses ravages dans le harem de son aîné. Le Grand-Maître de Rhodes n’a pas les mêmes scrupules que Louis XI et accepte une rente annuelle pour rendre le service demandé (40 000 ou 45 000 ducats selon les sources). Le pape Innocent VIII aurait, lui-même, reçut une pension et le fils de Louis XI, Charles VIII, aurait songé à utiliser Djem pour l’aider à conquérir Constantinople. Mais, Djem meurt à Capoue en 1495… De cette affaire, il nous reste la version turque de la lettre de créance de l’ambassadeur Hüseyn Beg envoyée à Louis XI. Elle montre l’estime que le sultan portait au roi de France et commence par ces termes : « Le Sultan Bajazet, par la grâce de Dieu sultan des Musulmans, à Louis, sultan des Francs, homme brillant et de noble race, entouré de respect et maître de commandement, salut ! »3.

Il faut cependant attendre le règne de François Ier pour que la vocation protectrice de la France sur les chrétiens du Levant se concrétise véritablement. « Gravement menacé sur deux fronts par les Habsbourg (que les hasards dynastiques ont mis aux commandes aussi bien en Espagne qu’en Allemagne et aux Pays-Bas), le roi se résout à enfreindre l’interdit diplomatique majeur de l’Europe chrétienne en faisant alliance avec les Turcs. Beaucoup d’auteurs avancent, bien que, selon l’historien C. A. Bouman, il n’en existe aucune preuve formelle4, qu’il conclut dès 1535 avec Soliman II un traité dit « capitulation »5 comportant, outre des avantages com-merciaux pour la France, des dispositions protégeant les ressortissants français établis dans l’Empire, en particulier, sur le plan de la liberté religieuse. Des accords de cette nature, en tout cas, sont signés entre les deux pays en 1569 [Charles IX] et 1604 [Henri IV], et renouve-lés par la suite... »6.

Toujours est-il que la France dispose rapidement d’assises diplomatiques importantes au Levant. Depuis François Ier,

le royaume entretient, pratiquement sans discontinuer, des ambassadeurs à Istamboul. À partir de 1607, s’ouvrent Si-

don, Tyr, Saint-Jean d’Acre, Jaffa, Jérusalem. En Égypte, la France est représentée au Caire et à Alexandrie puis, au XVIIIe siècle, à Damiette et Rosette. Des missions ont lieu en Perse dès le XVIe siècle et des consulats sont installés, au début du XVIIIe à Bagdad, Ispahan et Chiraz.

(Suite page 5)

1) L’Église catholique maronite, dont le rite est dérivé du rite syriaque, se rattache à la personne, plus ou moins mythique, de saint Maron (IVe-Ve siècle). L’origine ethnique des maronites est très controversée : d’aucuns leur donnent une ascendance phénicienne, quand d’autres les voient d’origine persane ou arabe bédouine. En tout cas, contrairement à nombre de chrétiens orientaux, ils acceptent le concile de Chalcédoine qui, en 451, condamne la doctrine monophysite et restent, de ce fait, en communion avec Rome. 2) Valognes Jean-Pierre, Vie et mort des chrétiens d’Orient, Fayard, 1994, pp. 77. Jean-Pierre Valognes est le pseudonyme d’un agrégé d’histoire de-venu diplomate. Vie et mort des chrétiens d’Orient a obtenu, en 1995, le « Prix Guizot » de l’Académie française, avec médaille d’argent. 3) In Vatin Nicolas, Attaché de recherche au CNRS, Une tentative manquée d’ouverture diplomatique : La lettre d’un envoyé de Bajazet II auprès de Louis XI (1483), 1986. 4) Ce qui est certain, en revanche, c’est que l’épisode de l’anneau envoyé au sultan relève de la légende et de la propagande anti-française et anti-capétienne, aucune source fiable de l’époque ne permettant de le confirmer. 5) Il faut préciser que le mot « capitulation » n’a pas le sens péjoratif qu’on lui donne communément. Selon Littré, en droit international, une capitulation est une : « Convention qui assure aux sujets d’une puissance certains privilèges dans les États d’une autre puissance, c’était en particulier le terme utilisé pour désigner la convention qui réglait les droits et devoirs des Suisses au service de la France ». 6) Valognes Jean-Pierre, Vie et mort… , op. cit., pp. 77-78.

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Dans ces circonstances, le « protectorat de la France sur les chrétiens orientaux s’établit par touches successives, davantage de façon coutumière que sur la base de droits formels »7.

En 1604, sous Henri IV, « l’ambassadeur Savary de Brèves, qui se fait reconnaître sur place comme « protecteur particulier et défenseur de toutes les églises et monastères de l’Empire ottoman », obtient que les religieux latins puissent y circuler librement et déployer leurs activi-tés sans entraves »8.

Dans les capitulations de 1673, Louis XIV « se voit reconnaître un droit de protection sur tous les ecclésiastiques de rite latin établis dans l’Empire, qui seront considérés comme « sujets à la France » »9.

Arrêtons-nous quelque peu à Louis XIV. Si l’on en croit François Charles-Roux (1879-1961) qui fut ambassadeur de France en Tchécoslovaquie puis, auprès du Saint-Siège : « Dans l’administration du Levant, Louis XIV semble s’être réservé les missions comme une part personnelle. Il fut pour elles ce que ses Ministres furent pour le commerce »10. Et selon Georges Goyau (1869-1939), Normalien et agrégé d’histoire, cette « sollicitude de Louis XIV pour l’action missionnaire de la France n’est pas moins sensible en Perse qu’en Asie Mineure »11.

Un certain François Picquet (1626-1685) apparaît comme l’exécuteur particulièrement fidèle de cette politique. La vie mouvementée de François Picquet commence en novembre 1652 quand il arrive à Alep12 pour y remplir la charge de consul de France qu’il vient d’acquérir, poussé par la duchesse d’Aiguillon, nièce de Richelieu. Dix ans plus tard, il quitte Alep et, après avoir été reçu par le pape Alexandre VII et nommé protonotaire apostolique, il revient en France où il entre au séminaire. Il est ordonné prêtre le 13 juillet 1664. Aux termes de dix ans de retraite en Provence13, il est nom-mé vicaire apostolique de Babylone14. Sacré évêque pour le siège (in-partibus) de Césaropolis (Macédoine) en 1675, il retourne à Alep le 19 novembre 1679. Nommé, par Louis XIV, ambassadeur extraordinaire auprès du Shah de Perse pour prendre en main la cause des chrétiens de Perse particulièrement maltraités, il arrive à Ispahan le 12 juillet 1682, y est reçu par le Shah et remplit sa mission avec une efficacité toute particulière. Au décès du titulaire de l’évêché de Baby-lone en 1683, il est préconisé par le cardinal d’Estrée pour le remplacer. C’est à Hamadan, en route vers Babylone15, qu’il meurt le 26 août 1685.

L’activité de Picquet se déploiera suivant trois axes essentiels :

• la protection des ressortissants français et occidentaux,

• la protection des maronites,

• l’uniatisme, c’est-à-dire le retour vers Rome des chrétientés séparées.

Picquet s’acquitte de la besogne qui consiste à protéger les Européens « comme d’une façon de sacerdoce »16. Et pourtant, la conjoncture est excessivement difficile : « Rien de plus capricieux que l’absolutisme des pachas : tantôt ils imposaient la volonté du sultan, tantôt ils la contrecarraient ; mais loyaux ou séditieux, leur méthode était toujours la même : l’arbitraire »17.

Sa collaboration avec le cheikh Abou Naufel est particulièrement significative quant à sa politique à l’égard des maro-

nites. Recommandé par Picquet, fait chevalier de l’Ordre de l’Éperon d’or (avec la qualité de comte Palatin) par le

(Suite de la page 4)

(Suite page 6)

7) Valognes Jean-Pierre, Vie et mort… , op. cit., p. 78. 8) Valognes Jean-Pierre, Vie et mort… , op. cit., p. 78. 9) Valognes Jean-Pierre, Vie et mort… , op. cit., pp. 78-79. 10) Charles-Roux François, Les Échelles de Syrie et de Palestine au 18e siècle, Paris, 1907, p. 10. François Charles-Roux fut élu membre de l’Académie des sciences morales et politiques en 1934. 11) Goyau Georges, Un précurseur : François Piquet Consul de Louis XIV à Alep et Évêque de Babylone, Librairie orientaliste Paul Geuthner, Paris, 1942, p. 13. Georges Goyau fut élu à l’Académie française en 1922. 12) Alors la troisième ville de l’Empire ottoman. 13) Vraisemblablement sous l’influence d’un certain Jean Malaval, à la spiritualité fortement teintée de quiétisme, que Bossuet qualifiait de « laïc sans théologie »... 14) Restauré en 1638 par Urbain VIII, l’évêché de Babylone avait été affecté au Carme Bernard de Sainte-Thérèse qui, en fait, résidait à Paris, dans la rue qui perpétue, aujourd’hui encore, le souvenir de cet évêché. 15) Qu’il n’atteindra donc jamais ! 16) Goyau Georges, Un précurseur… , op. cit., p. 64. 17) Goyau Georges, Un précurseur… , op. cit., p. 65.

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pape Alexandre VII en 1656, ayant reçu, en 1657, des lettres de noblesse qui font de lui et de ses héritiers des nobles de France, Abou Naufel prend solennellement, avec l’assentiment de Louis XIV, possession de ses fonctions de con-sul de France, dans l’église de Beyrouth, le 20 janvier 1663. Il est vrai que la famille Khazen18 « à laquelle appartenait Abou Naufel, avait, dans la première moitié du XVIIe siècle, acquis au Liban une très forte influence »19. Mais de là à ce que, durant un siècle entier, quatre générations de cette famille, se perpétuent « dans ce consulat de Beyrouth, où Picquet et Louis XIV l’avaient installée »20…

Quant à son action en faveur de l’uniatisme, il suffit de prendre connaissance de cet écrit21 du R.P. Nicolas Poirresson22 s.j., pour en être convaincu : « M. Picquet présentement travaille au moyen de réduire à la foi catholique en Alep les Syriens ou Jacobites de quoi s’il vient à bout, comme je me promets de son zèle et de son esprit, il va nous ouvrir une belle porte, non seulement en cette grande ville, mais encore en la Capitale de Syrie, Damas, où les Syriens, en moindre nombre, mais nos grands amis, leurs principaux suivront et feront suivre aisément aux autres l’exemple des Alepiens... »23. Quittons François Picquet !

Sous Louis XV, dans les capitulations de 1740 conclues par l’ambassadeur de Villeneuve, le « droit de protection sur tous les ecclésiastiques latins établis dans l’Empire, qui seront considérés comme « sujets à la France » » sera étendu au bénéfice de « tous les religieux « qui professent la religion franque » »24.

Ainsi, sans troupe, sans arrogance, sans avoir jamais ni renié ni caché la religion à laquelle ils appartenaient, avec hon-neur et fermeté, les rois de France et leurs ambassadeurs ont-ils mené, en terre d’Islam, une action diplomatique qui a valu à la France, pendant plusieurs siècles, une estime et une confiance qui ne se sont jamais démenties.

Dominique Coudé

(Suite de la page 5)

18) La famille Khazen est, aujourd’hui encore, puissante au Liban. Elle possède un site Internet (www.khazen.org) bilingue, arabe et - signe des temps - anglais ! 19) Goyau Georges, Un précurseur…, op. cit., p. 85. 20) Goyau Georges, Un précurseur…, op. cit., p. 94. 21) Daté de 1656. 22) Supérieur des missions du Levant et de Perse. 23) Cité par Goyau Georges, in Un précurseur…, op. cit., p. 103. 24) Valognes Jean-Pierre, Vie et mort… , op. cit., pp. 78-79.

Quelques précisions sur les rites chrétiens présents au Moyen-Orient.

À la suite d’un article évoquant les chrétiens orientaux, il nous a semblé pertinent d’apporter quelques informations sur les rites observés par ces chrétiens et les Églises auxquelles ils appartiennent :

Rite alexandrin : Église copte monophysite, constituée dans le ressort du patriarcat d’Alexandrie à la suite du concile de Chalcédoine de 451 par les partisans des doctrines monophysites - Église copte catholique, fondée en 1895 à l’initiative du pape.

Rite arménien : Église apostolique arménienne grégorienne, dite « arménienne orthodoxe »,constituée en Arménie à la suite des synodes nationaux de Dvin (506 et 551) rejetant les conclusions du concile de Chalcédoine - Église arménienne catholique, rattachée à Rome et issue d’une scission de l’Église arménienne orthodoxe en 1740.

Rite byzantin : Églises issues du patriarcat de Constantinople et séparées de Rome depuis le schisme de 1054 - Église grecque catholique dite « melkite », rattachée à Rome et constituée en 1724 par scission au sein du patriarcat d’Antioche.

Rite chaldéen : Église assyrienne dite « assyrienne nestorienne », constituée à la suite de la condamnation par le concile d’Éphèse, en 431, des doctrines nestoriennes - Église chaldéenne catholique, constituée en 1553 par scission au sein de l’Église assyrienne nestorienne (cette branche étant redevenue nestorienne à la fin du XVIIe siècle, l’Église chaldéenne catho-lique ne sera définitivement établie qu’en 1830).

Rite maronite : Église catholique maronite, constituée en 585 dans le ressort du patriarcat d’Antioche par une commu-nauté nettement différenciée de l’Église grecque, installée ultérieurement dans la montagne libanaise et acceptant le con-cile de Chalcédoine

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2 mars 1815 - Un anniversaire oublié :

Louis XVIII refonde la Société des Missions étrangères de Paris.

Les Missions Étrangères de Paris sont le plus ancien des instituts missionnaires français. Cet institut voit le jour en 1658 après que le jésuite Alexandre de Rhodes a persuadé le pape Alexandre VII d’envoyer des évêques français en Asie avec le rang de vicaires apostoliques pour y former un clergé autochtone. Les premiers à partir seront : Pierre Lambert de La Motte (1624-1679), vicaire apostolique de la Chine, François Pallu (1624-1684), vicaire apostolique du Tonkin, Ignace

Cotolendi (1630-1662), vicaire apostolique de Nankin. À la veille de la Révolution française, Les Missions étrangères de Paris, avec dans leurs rangs six évêques et plus de cent trente cinq prêtres autochtones, entretenaient neuf séminaires (deux cent cinquante étudiants) et comptaient 300 000 fidèles (plus de 3 000 baptêmes par an).

Supprimées pendant la Révolution, rétablies par décret impérial du 27 mai 18041, mais de nouveau supprimées, en même temps que « toutes les congrégations de missionnaires », par le décret impérial2 du 26 septembre 18093, les Missions étrangères sont définitivement rétablies par l’ordonnance royale du 2 mars 18154. Leur essor est alors rapide et consi-dérable. Il s’inscrit dans l’immense élan missionnaire français, un moment immobilisé par la Révolution, mais repris dès la Restauration5. Au début du XXe siècle encore, deux missionnaires sur trois sont français…

Cette action missionnaire - qui, bien sûr, n’a pas concerné que la France - a toujours été encouragée et louée par les

plus hautes autorités de l’Église : « Comment ne pas adresser ici une pensée particulière, chargée d'affection et d'émotion profonde, à tous les missionnaires, à tous les martyrs de la foi qui, comme le Christ, ont donné leur vie en versant leur sang ? Ils ont été innom-brables... »6.

Mais, si elle a été honorée par nombre de responsables politiques et d’écrivains, un telle action missionnaire a, égale-ment, été violemment décriée : « La chrétienté barbare qui se révèle par le massacre, le pillage, avec l’accompagnement ordinaire de tous les délires de la force, peut-elle susciter dans l’Extrême-Asie d’autres sentiments qu’une haine féroce, une soif inextinguible de ven-geance ? », écrit Georges Clemenceau dans Le Bloc7 du 23 juin 1901.

De nos jours encore… « … n’est-il pas temps de reconnaître, « l’enfer étant pavé de bonnes intentions », que les missionnaires, les religieuses soignantes, les médecins et les infirmiers coloniaux, ont, au nom de leur « amour des autres », notion universaliste européenne, provoqué le cataclysme démographique qui, aujourd’hui, tue l’Afrique à petit feu ? »8, prétend un Bernard Lugan.

« Les missionnaires chrétiens, même si leur action n’a pas toujours eu que de mauvaises conséquences, restent pour moi les

plus grands criminels de l’Humanité9 : sous leurs sermons et leurs ukases ont disparu nombre de cultures enracinées et de tradi-tions ancestrales. Ce sont les véritables précurseurs du melting-pot et du mondialisme cosmopolite »10, affirme un Philippe Randa.

Cependant, répondant en quelque sorte à Georges Clemenceau qui prétendait que l’Église missionnaire suscitait la haine des colonisés, célébrant à sa façon le rétablissement par la Restauration des congrégations missionnaires, une voix vient de s’élever et non des moindres ! Il s’agit de celle du cardinal Robert Sarah, guinéen, Préfet de la Congréga-tion pour le culte divin et la discipline des sacrements, qui déclare :

« Regardez ce que la France a fait pour porter la civilisation chrétienne à travers le monde, en Afrique, en Asie. Voyez les missionnaires français qui ont parcouru le monde. Ce que je suis, ce que je dis, je l’ai reçu de vous, de la France »11.

Merci, Éminence ! Merci pour la justice que vous rendez à ces siècles de dévouement, à tous ces martyrs !

1) Source : Choix des Lettres Édifiantes, écrites des Missions étrangères, Tome Premier, Chez Manoury, libraire, 1835, p. lxij. 2) Par ce décret, toutes les missions étaient supprimées ; défense était faite d’employer leurs prêtres, même comme simples prédicateurs ! 3) Source : Choix des Lettres Édifiantes… , op. cit., p. lxiv. 4) Source : Choix des Lettres Édifiantes… , op. cit., p. lxv. 5) L’ordonnance royale du 3 février 1816 étend, par exemple, les effets de celle du 2 mars 1815 aux Lazaristes et aux Pères du Saint-Esprit. 6) Message du pape Jean-Paul II pour la Journée mondiale des Missions 2000 (22 octobre 2000) - Source : w2.vatican.va. 7) Le Bloc. Gazette hebdomadaire par M. G. Clemenceau. 8) Lugan Bernard, Osons dire la vérité à l’Afrique, Éditions du Rocher, 2015, pp. 138-139. 9) Souligné par nos soins. 10) La Mafia Rose - Entretien avec Philippe Randa par Égalité & Réconciliation Aquitaine, 28 mars 2014 - Source : www.eraquitaine.fr/la-mafia-rose-entretien-avec-philippe-randa. 11) Famille chrétienne, n° 1952, du 13 au 19 juin 2015, Grand entretien avec le cardinal Robert Sarah : « Qu’on nous écoute ou pas, nous parlerons », p. 15.

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Institut de la Maison de Bourbon Association régie par la loi de 1901 et reconnue d’utilité publique

Lectures recommandées.

• Entretien avec le cardinal Burke - Un cardinal au cœur de l’Église, par Guillaume d’Alançon, Éditions Artège, 2015.

• Dieu ou rien, par le cardinal Robert Sarah, Fayard, 2015.

• Sainte Thérèse d’Avila, par Louis Bertrand de l’Académie française, préface du P. Jean-François Thomas s.j., aver-tissement de Me Daniel Heck, réédition de l’ouvrage de 1927,Via Romana, 2015.

• Les derniers jours de Louis XIV, par Alexandre Maral, Perrin, 2014.

• Demeurer dans la vérité du Christ - Mariage et communion dans l’Église catholique, textes rassemblés par Robert Dodaro : P. Robert Dodaro, o.s.a., P. Paul Mankowski, s.j., John M. Rist, S.E. Mgr Cyril Vasil’, s.j., Cardinal Walter Brandmüller, Cardinal Gerhard Ludwig Müller, Cardinal Carlo Caffara, Cardinal Velasio De Paolis, c.s., Cardi-

nal Raymond Leo Burke, Éditions Artège, 2014.

Programme à venir.

• 4 janvier 2016 : Conférence organisée par l’IMB :

« Rougeville : de Marie-Antoinette à Alexandre Dumas, le véritable chevalier de Maison-Rouge »,

par Michelle Sapori, historienne.

• 21 janvier 2016 : Messe de Requiem célébrée pour le Roi Louis XVI, à midi, en la basilique Saint-Denys.

• 24 janvier 2016 : Messe de Requiem célébrée pour le Roi Louis XVI, à 10h30, en la Chapelle expiatoire à Paris.

• 1er février 2016 : Conférence organisée par l’IMB :

Marie-Andrée Castor traitera de l’Ordre des Annonciades, ordre fondé par sainte Jeanne de Valois, fille de Louis XI.

• 7 mars 2016 : Conférence organisée par l’IMB :

Dominique Sabourdin-Perrin, docteur ès-lettres, traitera des Massacres de Septembre 1792.

Le baptême de Clovis

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