artcotedazur n°13
DESCRIPTION
Artcotedazur Arts and Culture on the French Riviera. Theaters, Gallery, Exposition, Entertainment, Photos. The most beautiful aspect of the "Cote d'Azur". Design, Architect, Concerts, Music, Danse, and OperaTRANSCRIPT
Supplément culturel deS petiteS AfficheS deS AlpeS mAritimeS
Galerie
Guy Pieters
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OCTOBRE/DÉCEMBRE 2010
Avec l'expansion des Arabes au VIIème siècle, commence celle du pouvoir islamique qui, en moins d'un siècle,se répand de l'Espagne à l'Indus. Brassant dès l'origine des ethnies aussi diverses que berbères ou perses, suivies aucours du temps par les Turcs, les Kurdes, les Mongols ou les Indiens, ce pouvoir fait émerger, sur les bases des anciennescivilisations auxquelles il est confronté, une culture originale cimentée autour d'un nouvel esprit, celui de l'Islam.Cette série de conférences tentera une approche de la cité, des monuments les plus emblématiques (mosquées)ou les moins attendus (mausolées), des thèmes décoratifs, de l'art du livre si éminemment central.
LES ARTS EN TERRE D’ISLAM
JEUDI 14 OCTOBRE - 16HL’art dans le domaine religieux : Mosquées et CoranCycle de conférences sur « Les arts en terre d’Islam »Annick Leclerc - Chargée de cours à l’Ecole du Louvre
JEUDI 28 OCTOBRE - 16HLe cadre du prince : Palais et dernières demeuresCycle de conférences sur « Les arts en terre d’Islam »Annick Leclerc - Chargée de cours à l’Ecole du Louvre
JEUDI 25 NOVEMBRE - 16HL’Art du livreCycle de conférences sur « Les arts en terre d’Islam »Annick Leclerc - Chargée de cours à l’Ecole du Louvre
JEUDI 2 DÉCEMBRE - 16HCéramique, métal et autres techniques d’ArtCycle de conférences sur « Les arts en terre d’Islam »Annick Leclerc - Chargée de cours à l’Ecole du Louvre
C.U.M.
CENT
RE U
NIVE
RSITA
IRE
C.U.M.
OCTOBRE/DÉCEMBRE 2010
Avec l'expansion des Arabes au VIIème siècle, commence celle du pouvoir islamique qui, en moins d'un siècle,se répand de l'Espagne à l'Indus. Brassant dès l'origine des ethnies aussi diverses que berbères ou perses, suivies aucours du temps par les Turcs, les Kurdes, les Mongols ou les Indiens, ce pouvoir fait émerger, sur les bases des anciennescivilisations auxquelles il est confronté, une culture originale cimentée autour d'un nouvel esprit, celui de l'Islam.Cette série de conférences tentera une approche de la cité, des monuments les plus emblématiques (mosquées)ou les moins attendus (mausolées), des thèmes décoratifs, de l'art du livre si éminemment central.
LES ARTS EN TERRE D’ISLAM
JEUDI 14 OCTOBRE - 16HL’art dans le domaine religieux : Mosquées et CoranCycle de conférences sur « Les arts en terre d’Islam »Annick Leclerc - Chargée de cours à l’Ecole du Louvre
JEUDI 28 OCTOBRE - 16HLe cadre du prince : Palais et dernières demeuresCycle de conférences sur « Les arts en terre d’Islam »Annick Leclerc - Chargée de cours à l’Ecole du Louvre
JEUDI 25 NOVEMBRE - 16HL’Art du livreCycle de conférences sur « Les arts en terre d’Islam »Annick Leclerc - Chargée de cours à l’Ecole du Louvre
JEUDI 2 DÉCEMBRE - 16HCéramique, métal et autres techniques d’ArtCycle de conférences sur « Les arts en terre d’Islam »Annick Leclerc - Chargée de cours à l’Ecole du Louvre
C.U.M.
CENT
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NIVE
RSITA
IRE
C.U.M.
Art côte d’AzurSupplément culturel des Petites Affiches des Alpes Maritimes Numéro 3520 duDu 10 au 16 septembre 2010. BimestrielISSN 1962- 3569
Place du Palais17 rue Alexandre Mari06300 NICE Ont collaboré à ce supplément culturel :
rédacteursAlain Amiel Olivier Marro Faustine Sappa
directeur de publicationdirection ArtistiqueFrançois- Xavier Ciais
conception graphiqueMaïa Beyrouti
GraphisteCaroline Germain
photographe Hugues Lagarde
photo de couvertureŒuvre de Niki de Saint-Phalle exposée à la Galerie Guy Pieters à St Paul de Vence
rédactrice en chef Valérie NoriegaTél : 04 93 80 72 72Fax : 04 93 80 73 [email protected] responsable publicitéAnne AgullesTél : 04 93 80 72 [email protected]
AbonnementTéléchargez le bulletin d'abonnement sur :www.artcotedazur.frou par tél : 04 93 80 72 72
Art Côte d’Azur est imprimé par les Ets Ciais Imprimeurs/Créateurs « ImprimeurVert », sur un papier répondant aux normes FSC, PEFC et 100% recyclé.
La rédaction décline toute responsabilité quant aux opinions formulées dans les articles, celles-ci n’engagent que leur auteur. Tous droits de reproduction et de traductions réservés pour tous supports et tous pays.
« Un mauvais art est quand même de l’art, comme une mauvaise émotion est quand même une émotion ».
Cette citation de Marcel Duchamp offre une belle introduction à notre questionnement quotidien, l’Art dans notre région existe t’il vraiment ? Est–il en régression, en stagnation, ou en progression. Le simple fait d’évoquer le principe d’une possible évolution induit qu’il existe bien réellement. Chaque jour nous découvrons ces esprits créatifs, les Artistes, car c’est bien ce qui anime l’ensemble de nos équipes, ces ren-contres, ces couleurs, ces caractères, ces personnalités débordantes de talents, sou-vent des êtres écorchés au grand Cœur, voire quelquefois des bienheureux communicants spéculant sur un système d’Art économique.
L’Art fait vibrer, fait parler, fait vivre. Il était donc tout aussi important d’ouvrir une fenêtre sur les bienfaits collatéraux, en effet sans regardeur et sans acheteur, point d’Artistes existants ou émergents, ce monde si fermé des collectionneurs il nous fallait le découvrir. Certains nous ont ouvert leur porte, et forcément leur âmes, car au delà des aspects spéculatifs si péjoratifs que nous entendons ici et là, nous avons découvert des passionnés, des amoureux, des affectifs au cœur et à l’esprit engagé. Souvent animé par leur sensibilité, ou leur oblativité envers certaines personnalités, ils impulsent tout simplement à croire et à aimer. En plusieurs points ils ne sont pas si différents des Artis-tes, pour certains il ne leur manque que le passage à l’acte de création. Nous tenions simplement par ces quelques lignes à les remercier de leur engagement artistique.
François-Xavier Ciais
Artcotedazur n° 13, continuons la collection..
mAKinG Of
© Toutes photos H Lagarde
en Ville
6 HORS LES MURS Athènes : un nouvel écrin pour l’acropole
8 BEAULIEU SUR MER Philippe HURST un homme à l’affiche
10 MONACO Jean-René Palacio d’un festival, l’autre !
12 VALLAURIS la création contemporaine en céramique
14 BIOT Christine Carol Tabusso la femme 100 têtes
16 NICE Opéra sous le signe de l’ouverture
18 FOCUS DEPARTEMENT Arts de la Scène côté cour et côté jardin !
22 SAINT PAUL DE VENCE Galerie Guy Pieters fidèle à ses artistes
© P Hurst
© H lagarde
© H lagarde
la Vie des arts
© J Pélissier
© H Lagarde
© H Lagarde
© H. Lagarde
24 FiGure De l’art
BEN
30
PhotoGraPhie
GILLES TRAVERSO
32
artiste
JACqUES PéLISSIER
36
ColleCtionneur
ANNy COURTADE
38
ColleCtionneur
yVON LAMBERT
40
artiste
PIERRE PINONCELLI
6 H O R S L E S M U R S A t h è n e S
Sur la grande place à l’entrée, de
grandes plaques de verre où des
ouvertures en balcons permet-
tent de voir les rues, les boutiques,
les habitations de la ville du quatrième
au septième siècle. Ce nouveau mu-
sée d’une surface de 25 000 m², dont
14 000 m² d’exposition, remplace ce-
lui de l’Acropole, dix fois plus petit,
permettant ainsi d’exposer de nom-
breux objets jusque-là stockés dans
les réserves. Dans ce musée de trois
niveaux, haut de 23 mètres et d’une
superficie de 15 000 m², sont exposés
plus de 350 vestiges et sculptures de
l’Acropole.
En haut de l’escalier monumental trô-
ne une des frises du fronton de l’an-
cien temple. C’est bien sûr la frise du
Parthénon qui devrait être là, mais elle
est toujours au British Museum, qui ne
veut pas la rendre malgré la pétition
mondiale lancée par Mélina Mercouri
en 1989.
L’intérieur est somptueux, clair,
ouvert sur l’Acropole par de grandes
baies vitrées, créant des jeux de trans-
parence ou de reflets. De chaque côté
de la montée, sculptures, bas reliefs
et objets issus des sanctuaires autour
de l’Acropole.
Au premier étage, le plus beau, sont
présentées les plus belles statues des
périodes mycéniennes, archaïques
et géométriques. Les grandes colon-
nes en béton lissé mettent en valeur
cette « forêt » de sculptures parmi les
plus belles au monde : l’Athéna Niké
avec sa tunique de serpents, le bou-
vier avec le petit veau sur l’épaule, les
frises, les bas reliefs les chevaux à la
crinière érigée, les kouros, des dieux,
Pat r i m o i n e
un nouvel écrin pour l’acropole
Le nouveau Musée de l’Acropole érigé au pied du site antique a enfin ouvert ses portes. Sa construction, décidée en 1976, fut reportée jusqu’à cette année car dès qu’on creuse à Athè-nes, surtout à moins de 300 m de l’Acropole, on trouve immanquablement des trésors inexplorés : un énorme complexe urbain allant de la période archaïque aux débuts de l’Athènes chrétienne.Plus de trente années ont été nécessaires pour achever les fouilles avant que les architectes (Ber-nard Tshumi, franco-suisse, et Michael Photiadis, grec) se mettent au travail et bâtissent ce superbe musée sur pilotis qui intègre et préserve le site archéologique.
ci-dessus : Colonnes et statues
ci-dessous : Une vue de la façade du nouveau Musée Vue d'une allée piétonne extérieure du Musée
© Toutes photos A. Amiel
7 A t h è n e S H O R S L E S M U R S
la merveilleuse Athéna pensive, etc.
Des traces de couleur subsistent
nous rappelant que les statues
étaient peintes de couleurs vives.
L’autre partie du premier étage
consacrée à l’érechthéion et princi-
palement à ses Caryatides dont qua-
tre sont les originales ; la cinquième
est un moulage, quant à la sixième,
elle se trouve aussi au British Mu-
seum.
On y trouve également les frises et
parapets du temple d’Athéna Niké
(dont L’Athéna remettant sa sanda-
le) et des objets allant du Vème siècle
avant J.-C. au Vème siècle après J. C.
Des maquettes sont là pour évoquer
les différents temples existants qui
peuplaient cette colline sacrée avant
le Parthénon.
L’étage supérieur entièrement
consacré au Parthénon, présente sur
l’exact modèle du temple, placés
comme à l’origine, les quelques ves-
tiges des métopes, frises et frontons
conservés à Athènes et complétés
par des moulages en plâtre des ori-
ginaux dont la plupart sont à Lon-
dres.
Cette mise en situation dans une ga-
lerie donnant sur la ville permettant
une vue de l’ensemble des sculptu-
res est un véritable manifeste pour
la restitution des «marbres d’Elgin»
(du nom du diplomate britannique
qui les emporta en Angleterre). La
visite du musée complète admirable-
ment celle de l’Acropole et nous rend
compte de toutes les richesses de ce
lieu mythologique devenu mythique.
Pour se sustenter, un café avec vue
sur les fouilles archéologiques ainsi
qu’un restaurant au deuxième étage
sur une belle terrasse avec vue sur
l’Acropole.
ci-dessus : Façade du Parthénon aujourd’hui.D’année en année, les archéologues le remontent.
ci-dessous : Les métopes, bas-reliefs carrés racontant le com-bat des Athéniens contre les Amazones et des scènes empruntées à la lutte des Centaures et des Lapithes
À gauche, de haut en bas : Le Sphinx de Naxos Les Caryatides - Celles-ci sont des copies, les originales sont au Musée Reconstitution en couleurs
© Toutes photos A. Amiel
AA
8 E N V I L L E B e A u l i e u S u r m e r
GraPhisme D’auteur
Philippe hurst Un homme à l’afficheLe studio Couleur Tango s’est distingué avec les campagnes des Ballets de Monte-Carlo, du Festival MANCA et aujourd’hui de l’Opéra de Nice : À son origine, Philippe Hurst,un virtuose de la com-munication visuelle.
© H Lagarde
Couleur Tango a œuvré pour tant de villes
de Nice à Monaco via Biot et Beaulieu sur Mer,
fait connaitre tant d’événements, du festival
MANCA aux « Violons de légende » via « Rus-
koff » porté haut les couleurs de tant d’insti-
tutions des Musées Nationaux à l’Orchestre
Philarmonique de Monte-Carlo qu’il arrive
que l’on se dise en découvrant une nouvelle
affiche dans la rue « Tiens, elle n’est pas si-
gnée Philippe Hurst, celle-là ! » Mais qui est-
il celui qui renouvelle le métier d’affichiste
et s’est fait un nom en faisant descendre la
culture dans la rue ?
Graphisme d’auteur
Formé à la communication visuelle à l’école
des Beaux-arts de Mulhouse et à la concep-
tion chez RSCG à Strasbourg, Philippe Hurst
s’installe à Nice en 1989. Pour cet alsacien
qui exerce un temps ses talents de Directeur
artistique chez Havas Méditerranée puis chez
« Cryptone », le graphisme d’auteur est une
affaire si sérieuse qu’il ne faut pas la laisser
aux autres. Ainsi 10 ans plus tard crée-t-il sa
propre agence Couleur Tango : « Une teinte
chaude évoquant la passion, l’énergie » sous
le signe de la création infographique et du
conseil en communication. Une
complémentarité qui lui permet de
« concevoir des identités visuelles
durables et déclinables sur tous sup-
ports ». Un an suffit à ce stratège dé-
voreur de culture(s) pour convaincre
les acteurs régionaux du monde de
l’art (Musée des Merveilles, Musée Fernand
Léger, Musée Marc Chagall) de lui confier
leur image. Rares sont ses campa-
gnes qui passent inaperçues :
« Seul interlocuteur, j’évite la dé-
perdition d’informations et privilé-
gie l’écoute ». Cette valeur ajoutée
augmentée d’un travail « à façon »
attire des entreprises exerçant
dans des domaines variés, mais
c’est dans le domaine culturel que
Couleur Tango imposera sa griffe.
Dès le nouveau millénaire Philippe
décroche aux Palmes de la com-
munication plusieurs récompenses
pour ses interventions en faveur des Ballets
de Monte-Carlo (dont il signera même le car-
net de voyage de leur tournée en Chine) et du
Festival MANCA, une campagne qui lui vaudra
aussi en 2004 le Trophée « Créaffiche ». Puis
suivra une longue série qui verra chaque an-
née notre affichiste monter sur le podium de
« Fenêtre sur com ». En 2009 il réalise le Grand
schlem en raflant aux Palmes de
la communication trois prix dont
deux palmes d’or tandis qu’aux
« Affichades » de Toulouse « un
concours national où sont pré-
sentes les grandes agences (soit
près de 3 500 campagnes) il rem-
porte trois affiches d’or pour le
Philarmonique de Monte Carlo,
Violons de légende (Beaulieu) et «
les Paris de la musique » organisé
par la Ville de Paris.
photo, surréalisme et cinéma
D’ou vient ce succès qui fait de Philippe Hurst
l’un des graphistes indépendants les plus co-
tés du marché azuréen et comment décrire le
style Couleur Tango ? Philippe avoue un faible
pour tout ce qui est décalé, « légèrement sur-
réaliste ». Un point noir ganté et vengeur (Clin
d’œil aux Black Panthers ?) brandissant une
Collectionneur de masques ethniques, l’affi-chiste fou aime en faire parfois des répliques à partir d’objets recyclés. Une autre facette de l’art du détournement ?© H Lagarde
9B e A u l i e u S u r m e r E N V I L L E
clarinette, un éléphant en périlleux équilibre
sur le bout d’une trompette, des instruments
qui poussent comme des fleurs…ses affiches
séduisent, intriguent, interpellent. D’ailleurs
son auteur n’aurait-il pas un faux air de Salvador
Dali même si sa moustache n’est pas en gui-
don de vélo (il pilote une moto BMW vintage) ?
Mais Philippe lui ne peint pas, ni ne dessine,
même s’il est féru de l’œuvre de Roland Topor.
Il préfère un médium plus actuel, « La photo
qui inscrit l’image dans l’immédiat, s’ancre plus
fortement dans la réalité et jette un trouble :
comment est-ce possible ? C’est le médium
idéal pour détourner le réel et capter le regard
des passants ». Et quand il ne prend pas lui
même les photos il fait appel à des « artistes »
comme Gabriel Martinez qui captura la noire
sauvageonne des MANCA 2010. « Pour cette
nouvelle édition je me suis inspiré des trois
singes de la sagesse, ne rien dire, ne rien voir,
ne rien entendre. Evidemment c’est un contre-
pied car le festival de musique contemporaine
MANCA propose exactement le contraire aux
auditeurs ». Mais si le résultat s’impose sou-
vent, le chemin qui y mène n’est pas toujours
simple. « Sur la trentaine de maquettes, trois
ou quatre sont finalisées pour choisir le visuel
définitif ». Parfois c’est l’annonceur qui n’ose
pas ou ne veut plus changer de visuel tant il est
satisfait de sa dernière campagne. Mais Philippe
parvient toujours à imposer ses créations. Les
plus audacieuses prennent juste un peu plus
de temps comme les chaussures instruments
pour le Philharmonique de Monaco en 2009
ou celle que vous ne pourrez découvrir qu’en
2011… « quoi qu’il en soit la communication
culturelle est valorisante. Mes interlocuteurs ont
une réelle réflexion artistique, une exigence qui
m’oblige à aller toujours plus loin et à convain-
cre à chaque fois ».
Ceux qui ont pu voir l’exposition Musigraphique
« affiches musicales » de 1999 à 2010 présen-
tée jusqu’au 16 septembre à La Chapelle Sancta
Maria de Olivo (Beaulieu Sur Mer) ont pu se ren-
dre compte à quel point Philippe ne s’est jamais
endormi sur ses lauriers. « Chaque commande
est un défi où imagination pure et contraintes
publicitaires doivent s’équilibrer. Pour les MAN-
CA ou d’autres événements musicaux, l’enjeu
est de toucher au-delà de l’audience acquise. Il
faut inciter un autre public potentiel à franchir
le pas ! ». Un défi qui l’oblige souvent à briser
les carcans et les idées préconçues. Ce qui n’est
pas pour lui déplaire et rapproche son travail de
celui d’un artiste plasticien. D’ailleurs Philippe a
commencé l’an dernier pour son propre plaisir
une série de sculptures baptisées non sans hu-
mour « Les arts derniers ». Des masques réali-
sés avec des objets de récupération qui devien-
nent de fausses répliques de quelques-uns des
masques tribaux africains qu’il collectionne.
Une autre façon de jouer avec les codes de la
communication communautaire, mais cette
fois à sa source !
Visuels © p. hurst sauf mention autrement.
Om
© H Lagarde
© H Lagarde
E N V I L L E m O n A c O10
Alors que l’édition cinquan-
tenaire du Festival de Jazz
de Juan les Pins s’annonçait
fructueuse (elle confirmera
avec un record de fréquen-
tation jamais atteint, 80.4%
de spectateurs payants), que
le Sporting Summer Festival
battait son plein et que l’on
bouclait la programmation de
la 5ème édition du Monte Carlo
Jazz festival, nous avons ren-
contré Jean-René Palacio, un
directeur artistique bien trop
occupé cet été pour partir en
vacances !
Se retrouver aux commandes de Jazz à
Juan, c’est pendre le volant d’une ferrari ?
Mieux, c’est Noël en été ! quand on est
passionné de jazz et dans ce métier depuis
25 ans, comment ne pas rêver de program-
mer un festival qui a une telle histoire.
comment fait-on pour piloter trois festivals ?
C’est un rebond permanent, une machine in-
fernale selon ceux qui vivent à mes cotés. Mais
c’est passionnant car chacune de ces missions
est différente. Le Summer Festival se déroule
de Juillet à Aout sur un segment musical dif-
fèrent des deux autres. Jazz à Juan c’est une
jauge de trois mille personnes sous les étoiles,
alors que le Monte Carlo Jazz se déroule lui
en hiver sous les ors de la salle Garnier d’une
capacité de 500 places. En tant que Directeur
artistique du Groupe SBM, je suis heureux de
participer à un rapprochement entre la Princi-
pauté et Antibes et de pouvoir faire la preuve
qu’en créant des passerelles entre tous ces
festivals, on génère une véritable dynamique
pour le Sud-Est. En termes de programmation,
cela nous permet d’avoir plus de poids auprès
des agents et des musiciens.
c’est avec un autre grand festival que
tout a commencé pour vous ?
Je suis né en Algérie en 1953, quand nous
sommes arrivés en France en 1959 avec mes
parents, c’était à Vienne en Isère. Si je fais
aujourd’hui ce métier je le dois à ma rencontre
avec Jean-Paul Bouteiller le fondateur de Jazz à
Vienne, un festival qui fêtera ses trente ans en
2011. Grâce à lui je suis tombé dans la marmite
du jazz, moi qui venais de la planète rock !
le nouveau directeur artistique de Jazz à
Juan, un rocker ?
Je fais partie de cette génération qui a gran-
di avec les Stones et les Who, j’ai même gra-
touillé au fond d’un garage, puis le jazz m’a
rattrapé. Malgré une formation universitaire
classique, j’avais très envie de travailler dans
l’univers de la musique. étant un piètre musi-
cien, j’ai préféré faire travailler les autres.
cela fait combien de temps que ça dure ?
Je viens de la presse et des medias, je me
suis aussi occupé de gérer des spectacles
pour des salles de zénith. Puis il y a dix
ans j’ai pris un autre virage pour faire de la
programmation pure et dure.
Votre cote a monté en dix années ?
Ce qui est sûr c’est que ma passion pour la
musique n’a jamais varié. Et aujourd’hui on
m’a inoculé le virus de la Pinède Gould. C’est
un lieu habité, magique ! D’un coté la mer
de l’autre la scène, et une foule de souve-
nirs que je n’ai pas vécus personnellement
mais qui sont entrés dans la légende via les
disques, les livres, les photos et la télé qui a
débarqué ici avec Jean-Christophe Averty.
Qu’est-ce qui fait pour vous le succès
planétaire de Jazz à Juan ?
C’est le doyen des festivals européens.
quand j’étais enfant Juan était déjà culte.
On venait ici comme on allait à Salzbourg
pour Mozart. Claude Nobs a créé Montreux
après avoir vu Juan, il le dit lui-même. Juan
c’est Dizzy avec sa trompette les pieds dans
l’eau, mais c’est surtout un exceptionnel
travail de programmation entrepris notam-
ment grâce à Norbert Gamsohn, agent de
Ray Charles, dès 1973 et pendant 27 ans.
On est toujours venu ici pour découvrir des
talents, Juan a toujours placé la barre haute
dans ce domaine.
un demi siècle plus tard, est-ce encore
possible ?
C’est sûr que si vous espérez encore voir
Jean-rené Palaciod’un festival, l’autre !Il a succédé en 2010 à Harry Lapp à la direction de Jazz à Juan, 50ème du nom. Désormais à la barre de trois prestigieux rendez-vous musicaux Jean-René Palacio est devenu un chef d’orchestre de festival, incontournable !
m O n A c O E N V I L L E 11
Om
le quartet de Paul Desmond avec Dave
Brubeck cela va être difficile ! Mais le Jazz
n’est pas une musique morte. Loin s’en faut
! Il y a encore des interprètes fabuleux et de
nouveaux talents. Le Jazz se ressource, se
régénère avec l’air du temps. Notre travail
est d’arriver à faire le lien entre cet héritage
et la scène actuelle.
et avec un public qui a lui aussi évolué ?
Effectivement les attentes ont changé
même si on constate avec bonheur un re-
tour des festivaliers. Les gens aujourd’hui
veulent des stars. Le festival est devenu
« Crossover » évoluant entre la musique
populaire et le jazz qui est lui-même un
creuset qui brasse des influences diverses
comme le latino, le funk, la soul, le blues
et même les musiques de la méditerra-
née, on l’a vu cette année avec l’excellent
Avishaï Cohen.
peut-on encore créer la surprise sur une
pinède aussi « gâtée » ?
Il faut aller sur des courants différents.
Nous avons choisi cette année l’option
flamenco avec Paco de Lucia qui n’avait
jamais été invité ; offert à Marcus Miller
l’opportunité de jouer avec l’Orchestre
Philharmonique de Monte Carlo. Un projet
créé à Monaco mais qui ne s’était jamais
produit devant un grand public. Jazz à
Juan joue dans la cour des grands festivals
européens et américains. La mondialisa-
tion ne nous a pas épargnés, il faut évi-
ter de se marcher dessus. Plus que jamais
nous devons être novateurs, créatifs.
des pistes pour la prochaine édition ?
Dans ma tête on est déjà en 2011, mais
il est trop tôt pour en parler. Je suis riche
de l’expérience positive de ce jubilé, mais
qu’est-ce qu’on peut faire de mieux l’an
prochain, c’est ça l’angoisse du program-
mateur !
le monte carlo Jazz festival soufflera
cinq bougies du 23 au 27 novembre. com-
ment s’annonce ce millésime ?
C’est un beau bébé avec un livre d’or déjà
très enviable. Cette édition sera encore
plus ouverte que les précédentes, afin de
séduire un public encore plus large. Parmi
les invités : le saxophoniste David Sanborn
qui œuvra entre autres avec Marcus Miller
et le batteur Steve Gadd, le chanteur de
flamenco Diego el Cigala, deux fois lau-
réat des Latin Grammy Award, Gotan Pro-
ject qui revisite le tango de Carlos Gardel
à la mode électro et bien d’autres surpri-
ses dont un Off au Music Bar Le Moods
dès 18h00 !
© H Lagarde © courtesy Monte Carlo Jazz Festival
© courtesy Monte Carlo Jazz Festival
© H Lagarde© H Lagarde
© H Lagarde
photos du haut : Jazz à Juan : record d’affluence pour le cinquantenaire avec J. Redman et Marcus Miller !
À gauche : Pour Jean-René Palacio, Être directeur de Jazz à Juan, c’est Noël en été !
Au milieu : Dans les coulisses du Monte Carlo Jazz Festival : Jean-René Palacio aux côtés de Marcus Miller et de... Jean-Michel Jarre. Surprise ou crossover ? Mc Coy Tyner sur la scène de l’Opéra Garnier.Monte Carlo Jazz Festival 2009.
12 E N V I L L E V A l l A u r i S
Vallauris, depuis plusieurs siècles produit
une céramique mondialement connue. Si
depuis l’époque gallo-romaine, d’impor-
tants gisements d’argile réfractaire permettaient
de façonner briques, tuiles et pots, c’est aux
XVIIIème et XIXème siècles que l’activité a véritablement
pris son essor. De nombreuses fabriques ont vu le jour
développant une céramique traditionnelle essentielle-
ment culinaire. Les pignates, ustensiles de cuisson sim-
plement revêtus d’un engobe ou d’un vernis incolore, se
sont diversifiés en formes et en couleurs, puis se couvrant
d’émaux et de giclures qui caractérisera le style Vallauris.
La venue de Picasso en 1946 et ses créations vont révolutionner
l’image de la céramique qui rentre de plain-pied dans l’art de son
époque. Les céramistes contemporains présentés à cette Bienna-
le sont les dignes successeurs de l’approche et de la liberté que
Picasso a insufflées à ce medium.
L’extrême variété des œuvres rassemblées par yves Peltier montre
la richesse d’expression d’artistes issus de treize pays. Organisé en
trois grands thèmes (pas toujours évidents) : le Contenant, le Design,
la Céramique architecturale, sculptu-
rale ou conceptuelle, le concours a primé
trois artistes. Dans la section « Conte-
nant », la danoise Turi Heisselberg
Pedersen, pour ses vases en grès aux
formes épurées, un ravissement pour les
yeux. Dans la section « Design », le français
Mathieu Lehanneur a reçu le prix pour une su-
perbe pièce réalisée dans l’atelier de Claude
Aïello, un travail de transcription de la pyramide
des âges du Japon.
Dans la troisième section, l’anglais Andrew Burton
nous fait redécouvrir les briques de terre rouge qu’il utilise à échelle
réduite, nous réapprenant à regarder de plus près la richesse es-
thétique de nos murs travaillés par le temps. Le grand prix de la
ville de Vallauris a été décerné à un jeune artiste hollandais, yasser
Ballemans, pour sa proposition constructiviste.
La visite réjouissante de cette Biennale au Château et dans les diffé-
rents lieux de la ville permet de se rendre compte de la richesse, de
la diversité des tendances actuelles de la céramique contemporaine.
l a c r é at i o n c o n t e m p o r a i n e
en céramiqueLe médium céramique ne suffisant plus à caractériser cet art qui prend toute sa place dans la création contempo-raine, la Biennale de céramique de Vallauris s’est dotée d’une nouvelle appellation correspondant mieux aux en-jeux d’aujourd’hui : « Biennale Internationale de Vallauris, Création Contemporaine et Céramique ».
Ci-dessus :marc Alberghina Offrande, Faïence blan-che émaillée, 2009
flavie cournil Les Formes et les Couleurs, Porcelaine, 2009
Ci-contre (droite)mathieu lehanneurL’âge du Monde (Japon), Faïence émaillée, 2009
Ci-dessus :Brandhorst Museum de Munich, détail d’une façade
13
Quelques bests : les tableaux-objets d’une simplicité déconcer-
tante et pleine de charme de Flavie Cournil
L’environnement créé par le japonais Satoru
Hoshino, une installation murale de 23 mètres
pour nous rappeler la puissance tellurique d’une
terre brûlée et explosive.
Les vases balustres affublés de béquilles,
de l’anglaise Amy Jayne Hughes, une approche
irrévérencieuse décalée et poétique des formes
classiques, une critique de l’artisanat fourvoyé
ou d’un certain académisme.
Les détournements de matières, objets ludi-
ques, d’apparence faussement décorative d’Ishtar
Johnson.
L’étonnante œuvre de Marc Alberghina tant
pour sa technicité que pour son sujet. Pour
« Offrande », il a dû façonner un à un les 206 os
du squelette humain qu’il a recouverts d’émaux
flamés, signés à l’or, caractéristiques du style
Vallauréen. Une offrande à des dieux obscurs ou
restes d’un festin anthropophage ? Son « Usine » à
l’architecture aussi constituée d’os humains nous
interroge sur la barbarie de notre destinée.
L’installation magistrale, énorme, de Dewar
et Gickel à la Chapelle de la Miséricorde : deux
hippopotames émergeant de leur boue grise de
kaolin (23 tonnes de terre et d’eau).
L’utilisation de la céramique pour le Brandhorst
Museum de Munich dont les façades sont consti-
tuées de pièces de céramique émaillée dont
les couleurs vibrent au soleil, sont là pour nous
rappeler que le temple d’Ischtar ou la mosquée
bleue d’Istamboul ont les façades couvertes de
mosaïque.
L’exposition « Gold’n Chromo », avec notam-
ment les œuvres de Soulages ou de Louise Bour-
geois démontre s’il en était besoin que l’art d’un
visionnaire se joue de tous les médias.
La technique doit être maî-trisée afin de mieux la dépas-ser. Inventer, oser, bousculer, transgresser, c’est la leçon à tirer du travail de Picasso à Vallauris.yves PeltierLe terme de « céramique contemporaine » associant pratiques artisanales et créa-teurs étant difficile à manier, yves Peltier, l’organisateur de cette Biennale, préfère parler simplement d’œuvres d’art contemporain. qu’ils soient artistes plasticiens, designers ou céramistes, les créateurs n’hésitent plus aujourd’hui à mêler la céramique à d’autres médias : peintures acryliques, mousses de polyuréthane, bois, etc. Les frontières se dissolvent et de nouveaux espaces sont in-vestis qui viennent bouscu-ler les approches artistiques classiques.L’arrivée d’yves Peltier à la direction de la Biennale a redynamisé l’image de Vallauris qui présente aujourd’hui le meilleur de la création céramique dans le monde.De nouveaux projets sont en cours, comme celui de lieux de résidence pour des créateurs où ils pourraient collaborer avec les fabriques historiques, perpétuant ainsi l’aventure de Vallauris avec les techniques issues du travail de la terre et du feu.
dewar et GickelSans titre, 2010
Ci-contre de haut en bas :
turi heisselberg pedersen, Baluster Vase, grès, 2009
Soulages, Vase, Porcelaine, 2000
Andrew Burton, Wall, terre cuite, 2009
AA
V A l l A u r i S E N V I L L E
© Courtesy Biennale Vallauris
14 E n V i l l E B I O T
Christine Carol Tabusso : “La femme 100 têtes”
Amazone, femme fatale, espionne en cavale, rockeuse gothique, la photographe plasticienne Christine Carol Tabusso brouille les pistes de l’identité sur fond de contre-culture et de romantisme noir.
Par quel bout prendre Christine Carol
Tabusso et de quelle couleur sont
réellement ses cheveux ? Christine
est à la fois candide et sophistiquée, directe
et insaisissable, une actrice sans scénar qui
s’invente des histoires ? On l’a vue sous bien
des visages et dans bien des rôles, face à
l’objectif. Un 6X7mm muni d’un déclen-
cheur à distance. Mais qui est réellement
celle qui est à la fois le photographe et son
modèle, l’artiste et sa muse ? Christine se
définît comme une plasticienne qui se sert
de l’image afin d’explorer la notion d’iden-
tité, qui surfe sur la crête des icones fémi-
nines (préfaçant lady Gaga) forte de la pen-
sée nietzschéenne : « le mythe et l’art, nés
d’un instinct fondamental et indompté en
l’homme, font ressembler la vie à un rêve où
tout est possible ». Christine a ainsi lâché la
bride à ses chimères créant un jeu de l’ego
ou plutôt un « Je » de lego tant les héroïnes
qu’elle incarne depuis plus de 15 ans ont
fait d’elle une sorte de « Dr. Jekyll and Sister
Hyde » qui revient toujours à son domicile.
Sortie de terre
le bercail, pour Christine c’est la bonne
ville de Biot. Christine est née à l’hôpi-
tal de la Fontone (Antibes) en 1968 mais
la maison qu’elle occupe sur la Place des
arts est la maison de famille. En dessous
se trouve encore l’ancien atelier de couture
que tenait sa grand-mère. Quant à ses ar-
rière-grands-parents ils arrivèrent à Biot en
1921 : « ils ont acheté le café de la poste
qu’ils ont transformé en Café cinéma. le
Café est à ce titre classé comme une des
première salles obscures de la région ». la
fiction semble donc inscrite dans les gènes
de Christine qui mettra le doigt dans l’en-
grenage à 14 ans quand son père lui offre
un appareil photo : « Je me suis inscrite au
photo-club de Biot où Marcel Taquet m’a
appris le métier de A à Z ». Après le Bac-
calauréat, direction la Villa Arson où elle
sortira cinq ans plus tard avec son diplôme
partageant la même promotion que Jean-
luc Verna et natacha lesueur, et, avec le
premier, le goût des subcultures et de la
transfiguration. Quant à la céramique et à
la poterie qui ont fait le renom de son villa-
ge natal, elle y échappera malgré une piste
toute tracée. « Ma mère artiste céramiste
avait une boutique à Biot. Mon grand-pè-
re qui tenait le café de la poste a même
acheté la poterie que l’artiste Van lith oc-
cupe aujourd’hui. Ma tante, elle, dirigeait
une usine de céramique. il y avait de la
poussière de terre partout ! Aux Beaux-arts
j’ai choisi de faire quelque chose de diffé-
rent et de plus propre », explique-t-elle en
riant.
Sortie de route
Son enfance sera également marquée par
sa mère qui chevauche une Harley David-
son quand elle n’est pas au volant d’une
Triumph cabriolet, mais aussi par David
Bowie « une des premières rock-star à fu-
sionner arts plastiques et rock en utilisant
le concept de personnages dans le champ
scénique ». Ainsi le premier avatar de
Christine sera une sorte d’égérie Badcave
« À la Villa Arson j’avais décidé de pren-
dre un modèle pour un shooting mais elle
n’est pas venue. Comme j’avais un studio
et un assistant sous la main, j’ai décidé de
poser moi-même ». C’est ainsi que naîtra
lisa Karoll, son double à l’instar de Marcel
Duchamp/ Rose Sélavy. « Ayant joué des
claviers dans un groupe de Rock, Dazzle
and Delight, qui s’est produit au Printemps
de Bourges en 1992 j’ai choisi de me servir
de la culture Rock gothique pour créer lisa
Karoll, une chanteuse pur produit post-
warholien ». Forte d’un album à son nom,
la Star labélisée Gothique est devenue peu
De gauche à droite et de haut en bas :
Errances (travaux en cours de l'artiste) - numérique et technique mixte - Tirage qui seront au format de 50 x 60 sur plexi - Juin – Juillet – Août 2010 © C.Tabusso
Thanatos - Ektachrome 6x7 – Tirage sur papier contre-collé sur support plastique. - 2006 - 60X80 © C.Tabusso
Lisa Karoll - 1998 - Argentique - Tirage sur Papier - Carte Postale – 10x15 © C.Tabusso
Série – Attente à la Caravelle - 2005 - Ektachrome 24x36 – Tirage sur papier contrecollé sur bois. © C.Tabusso
B I O T E n V i l l E 15
OM
à peu un clone autonome. lisa Karoll ce
monstre qui plaît au point d’avoir ses fans
est l’enfant caché que Christine a eu avec
David Bowie : « lisa Jane c’est sa première
chanson et lewis Carroll, l’auteur d’Alice
au pays des Merveilles ». Après le trauma
du 11 septembre elle se met cette fois en
scène dans « l’attente à la Caravelle », sé-
rie présentée à Deauville lors d’une expo-
sition collective. Une série de 10 photos
« Story board » d’une fiction dont l’héroïne
est « laura Celli » et qui nous entraîne dans
ce qui pourrait être les premières séquen-
ces d’un polar des années 60, dont la cou-
leur a viré. Voyage au travers d’une histoire
où le spectateur invente lui-même une fin.
D’autre femmes fatales suivent : la mariée
au fusil, une amazone sortant d’une série B
des studios de la Hammer (Thanatos) une
Suzy Solidor revisitée le temps d’un hom-
mage à Cagnes-sur-Mer. Pour l’exposition
« icône », à la Salle Saint-Esprit de Valbon-
ne, Christine endosse en 2005 les habits
romantiques d’une courtisane. Plus récem-
ment c’est une icône de l’église de Biot
« Sainte Marie Madeleine » qui a inspiré cet-
te reine de la métamorphose qui travaille
actuellement sur des collages propulsant
ses personnages dans des décors virtuels.
Un travail qui vient d’être présenté à l’Es-
pace Magnan dans le cadre du Sept Off de
la photo à nice.
Mais si elle aime changer de visages Chris-
tine garde la tête sur les épaules : « Quand
on est artiste il ne faut jamais oublier d’où
l’on vient », explique celle qui est en charge
de la Galerie municipale des Bains Douche
à Antibes et s’investit depuis 2007 dans la
vie biotoise en tant que Conseillère munici-
pale déléguée à l’événementiel. Ainsi après
avoir créer la Fête des templiers, un évé-
nement culturel et populaire auquel parti-
cipe les artistes biotois, Christine a porté le
projet de ressusciter quarante ans après le
festival de musique « Popanalia » initié par
Jean-François Bizot (Fondateur d’Actuel et
de Radio nova). Un festival Pop qui s’est
déroulé avec succès en juillet dernier dans
la cour du Musée Fernand léger.
© H. lagarde
16 E n V i l l E n I c E
Après l’Opéra de lyon, l’Opéra de Paris et le Théâtre du Châ-
telet, c’est à l’Opéra de nice que Jacques Hédouin déploie,
depuis le mois d’octobre 2009, ses compétences. « notre
ministre-maire, Christian Estrosi, m’a confié la mission de refonder
l’identité institutionnelle et le projet artistique de l’Opéra de nice,
précise-t-il. Après une période flamboyante où la programmation lyri-
que et symphonique était une référence, l’Opéra de nice a été moins
actif. À nous aujourd’hui de le redynamiser ». Et cela passe par une
politique d’ouverture. Ouverture du répertoire avec le choix de pré-
senter des œuvres majeures du répertoire français, italien, allemand
et russe, et parmi les sept titres prévus, deux qui n’ont jamais été
donnés à nice : Orlando Furioso de Vivaldi et l’Elixir d’amour de Do-
nizetti. Des chanteurs, chefs d’orchestre et metteurs en scène sont
également accueillis pour la première fois. « les Dialogues des Car-
mélites, de Francis Poulenc, du 7 au 16 octobre, n’ont pas été joués
à nice depuis 28 ans ! souligne Jacques Hédouin. Créée en italien à
la Scala de Milan en 1957, puis reprise au Palais Garnier en français
cinq mois plus tard, cette œuvre nous a semblé être l’œuvre idéale
pour commémorer le 150e anniversaire du rattachement de nice à
la France. Cette production du nederlandse Opera d’Amsterdam, en
avant-première française, sera l’occasion de recevoir pour la première
fois à nice le directeur Michel Plasson, le metteur en scène canadien
Robert Carsen et la jeune soprano Karen Vourc’h. Et les quatre autres
titres, Fidelio de Beethoven, la Cenerentola de Rossini, Boris Godou-
nov de Moussorgsky et Elektra de Strauss, n’ont pas été donnés de-
puis douze à quinze ans. Sans oublier le répertoire baroque auquel
nous souhaitons donner un nouvel essor ».
Attirer les jeunes
En ce qui concerne les concerts symphoniques, l’Orchestre Philhar-
monique de nice propose 120 rendez-vous musicaux, des grands
concerts symphoniques au ballet, en passant par la musique de
chambre. Sans oublier l’Ensemble Apostrophe qui fera découvrir au
public de belles pages du répertoire musical contemporain. « nous
initions par ailleurs de nouvelles collaborations avec l’Ensemble
Baroque de nice et l’Orchestre Régional Cannes Provence Alpes Côte
d’Azur », ajoute Jacques Hédouin. En outre, le Ballet de l’Opéra de
nice, sous l’appellation « Ballet nice Méditerranée » et l’impulsion
L’Opéra sous le signe de l’ouverture
Après une année de fonctionnement, la nouvelle équipe de l’Opéra de nice, avec Jacques Hédouin comme directeur général et Alain lanceron comme conseiller artistique, entend bien consolider ses acquis et s’ouvrir à de nouveaux univers. Sa programmation 2010-2011 en est un bel exemple : art lyrique, danse et musique symphonique seront au rendez-vous pour le plus grand bonheur des publics, de plus en plus larges.
Du grand spectacle en perspective !
Dernier spectacle du Ballet nice Méditerranée, "Marco Polo", donné au Théâtre de Verdure, et présenté en octobre prochain au Tnn. © D.Jaussein
n I c E E n V i l l E 17
20102011
d’Eric Vu-An, propose quatre nouveaux programmes ouverts sur le
monde : Marco Polo, Don Quichotte, En sol, Création, The enveloppe
et Sylvia… Du grand spectacle en perspective !
l’ouverture, c’est aussi celle vers d’autres univers artistiques, avec
les « Passerelles méditerranéennes » qui, de la Turquie à la Grèce,
l’Algérie, l’italie et l’Espagne, proposent un voyage musical jalonné
de découvertes.
Autre ouverture importante : celle vers de nouveaux publics, et no-
tamment les jeunes. « il est grand temps de faire venir à l’Opéra des
publics non habituels », commente Jacques Hédouin. les « concerts
en famille du dimanche matin » d’une durée d’une heure à partir de
11h (7 euros pour les parents, gratuits pour les enfants), promettent
de jolis moment de surprise, avec du piano, du symphonique, du
lyrique, des ballets, des percussions et même du jazz… Autre opéra-
tion en direction des jeunes : « 1 000 collégiens et lycéens en soirée
à l’Opéra ». Au cours de la saison, une classe sera accueillie à chaque
représentation, quel que soit le spectacle, pour la très modique som-
me de 5 euros. les élèves auront droit aux meilleures places de 1ère et
2ème catégories. Quant aux étudiants, des places au tarif unique de 5
euros seront à leur disposition, dans la limite des places disponibles,
à toutes les représentations.
Enfin, l’Opéra de nice s’ouvre « hors les murs », avec des représenta-
tions au Conservatoire national à Rayonnement Régional, au Théâtre
national de nice, au Forum nice-nord, au Théâtre de la Photographie
et de l’image, au Musée national Marc Chagall ou encore à l’Espace
Magnan, mais aussi dans d’autres villes et villages du département,
grâce au soutien renouvelé du Conseil Général des Alpes-Maritimes.
Au total, l’Opéra de nice prévoit, pour sa saison 2010-2011, 40 % de
levers de rideau supplémentaire par rapport à l’année dernière. Et
avec cette volonté affichée d’ouverture, si vous n’allez pas à l’Opéra,
l’Opéra ira à vous !
Ballet "la Campanella" de Mancini donné en mai dernier à l'Opéra de nice. © D.Jaussein
FS
"Viva Verdi" de Cannito donné en mai dernier à l'Opéra. © D. Jaussein
Visuel du lancement de la saison 2010/2011 de l’Opéra de nice.
18 E n V i l l E A n T I B E S / c A n n E S / n I c E
Il y a d’abord la maman, l’emblématique Monette Candela, comédienne, fondatrice du Théâtre de la Marguerite, et son mari,
loulou, à qui l’on doit le nom de l’association simplement parce qu’il portait toujours une marguerite sur son chapeau. Aujourd’hui, il y a la fille, Fabienne, comédienne, metteur en scène, professeur, directrice artistique, long-temps soutenue par son mari Petit Jean. le fils aussi, Jean-Yves, musicien. Et Adrienne, la petite-fille, qui préfère orchestrer le son et la lumière plutôt que d’arpenter la scène. Mais la Marguerite a beaucoup d’autres enfants : un président, un conseil d’administration, les familles Aussel et Bourgade pour l’hé-bergement des comédiens, 150 élèves, cinq salariés, quatre professeurs, 60 bénévoles, sans oublier de nombreux partenaires… « la compagnie crée en moyenne trois spectacles par an, précise Fabienne Candela, directrice. On ne les joue pas forcément tous ! ici, les comédiens ne sont pas à demeure, ça va, ça vient. ils font souvent leurs débuts dans les cours enfants, c’est encourageant ».
Sur les routesTout est parti d’un tour de clef. Celui qui a fait démarrer pour la première fois le bus aména-gé par loulou, Monette, Fafa, Mitchum, Ged et autres compères, amitiés complices. Ça y est, ils étaient prêts à partir faire les clowns sur les chemins du monde. Peu de pays man-quent à leur palmarès de nez rouge !En 1976, la troupe itinérante officialise l’aventure et crée le Théâtre de la Margue-rite (association loi 1901). En 1977, c’est le premier Bœuf Théâtre, festival d’humour d’Antibes Juan-les-Pins, avec le Magic Circus
en programmation, rien que ça ! En 1990, pour abriter « le monde de Marguerite », la compagnie décide d’ouvrir dans le Vieil An-tibes le café-théâtre Scène sur Mer : un lieu de création, de représentations, de cours et de stages. En 1998, l’équipe organise, en mars, Femin’Arte Côte d’Azur, un festival qui décline les arts et l’humour au féminin : peinture, littérature, danse, musique, ciné-ma, poésie, théâtre, sculpture… Tout y est ! « Ce festival, c’est une envie de montrer des femmes tout en oubliant que ce sont des femmes. il y en a marre des réflexions sur les comédiennes, qu’on ne ferait pas sur les co-médiens ! Sans oublier le type de remarques que j’ai pu entendre dans une exposition : « c’est bien, elle peint comme un homme », comme si une femme n’était pas capable d’être une artiste à part entière ! ».
Un bœuf itinérant et flottantMais revenons à nos bœufs. En 1978, la pe-tite courette derrière les Arcades se trans-forme en Palais des Papes : pendrillons noirs, éclairages, sonorisation. les voisins, conciliants, sont invités. Et ce premier Bœuf Théâtre se déroule dans la plus totale mais la plus sympathique intimité. Florence Foresti,
Stéphane Guillon, noëlle Perna, Roland Ma-gdane, Anne Roumanoff, Gustave Parking, Clémentine Célarié ou encore le ch’ti… ils ont tous un point commun : ils sont passés, dans leurs débuts, par le Bœuf Théâtre ! Un mammifère qui a du flair et qui révèle les ta-lents, à n’en pas douter. « Depuis 2002, la programmation rayonne chaque année un peu plus dans les villes et villages voisins, souligne Fabienne Candela. Aujourd’hui, dix commune de la CASA participent au festival. Un bœuf itinérant, en quelque sorte ». Et en 2010, un nouveau temps fort au programme du Bœuf Théâtre : le festival flottant. Avec la troupe la Rumeur, la plage de la Gravette se transformera pour la première fois en théâtre de pleine mer !
A n t i b e s
Le Théâtre de la Marguerite et si on se faisait un bœuf ?Depuis 1977, le Théâtre de la Marguerite et sa joyeuse troupe se démènent pour amener au public les arts de la scène dans leur plus grande diversité. 33 ans, c’est aussi l’âge du plus ancien festival d’humour de France : le Bœuf Théâtre, qui se tient du 17 septembre au 2 octobre à Antibes et dans neuf villes de la Communauté d’agglomération Sophia-Antipolis. Un concert, un vernissage, deux expositions et quinze spectacles tout public se succèdent…
A r t s d e l a s c è n e
Côté cour et côté jardin !
FS
Au théâtre ce soir… En intérieur ou à l’extérieur, pour tout public ou plus exigeants, les arts de la scène sont bien présents dans le département des Alpes-Maritimes. nous avons choisi de présenter quatre troupes qui, de nice à Cannes, en passant par Antibes, revisitent les clowns, se promènent dans les jardins, explorent les nouvelles écritures ou organisent le plus ancien festival d’humour.
Compagnie la Rumeur, Sirène. © Courtesy Théâtre Marguerite
Fabienne Candela, Directrice © H. lagarde
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Cie AFAG Théâtre, la botte secrète de Dom Juan. © Courtesy Théâtre Marguerite
A n T I B E S / c A n n E S / n I c E E n V i l l E
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C a n n e s
Compagnie la Berlue : Recherche clowns morts ou vifs !Comédien, metteur en scène et fondateur de la Compagnie la Berlue, Pierre Blain revisite le concept du clown sur le mode grinçant dès la rentrée avec la création d’Anatole F au Tnn.
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© H. lagarde
Mount, Posteux et Felde travaillent dans un bureau. Soudain Felde dit « Je m’en vais » et se pend. Dès lors
les deux autres vont s’apercevoir que leur collègue est plus intéressant mort que vivant. En jouant avec son cadavre ils redécouvriront même un nouveau sens à leur vie. le propos paraît morbide voire d’actualité mais Anatole F est une comédie écrite il y a 20 ans par Hervé Blutsch qui a sévi dans le registre de l’absurde. Une aubaine pour Pierre Blain et la compagnie la Berlue créée en 1997 à Saint-Etienne, installée à Cannes et soutenue par la Ville depuis 2004.
D’Argenton à cannesla vie vous réserve des surprises, Pierre un jeune normand de 37 ans en a fait les frais. En-fant il voulait devenir marchand de bonbons il fera des études scientifiques. Mais ayant pris goût au lycée à la magie des tréteaux il finira par intégrer à 18 ans le Conservatoire de Bordeaux puis celui de Saint-Étienne. Une rude école où il apprend le métier et « à al-ler chercher les gens là où ils sont : entre-prises, écoles, place publique ». Alors qu’il joue dans des pièces contemporaines, il est « récupéré » par le Centre Dramatique national de Saint-Étienne qui l’engage sur des spectacles maison dont deux avec Da-niel Benoin , « lucrèce Borgia » et « l’avare ». Mais très vite le comédien a envie de mise en scène. Et comme il aime la pluridisciplinarité, il pioche dans le nouveau cirque mélangeant avec bonheur le théâtre et les marionnettes (Scène de chasse en Bavière) puis Théâtre et danse pour « Gogo » avec la compagnie ni-çoise Reveida.
Des monstres d’humanité ?« Je suis arrivé naturellement au clown qui n’est pas celui du cirque, mais un clown plus moderne tel que le propose aujourd’hui des artistes comme ludor citrik ». Des clowns sans nez enfant de Chaplin/Charlot ou Tati/Hulot, qui parlent de nous sans avoir recours à des mots, des clowns imprévisibles, com-me les « Vladimir » et « Estragon » de Beckett.
« Mon clown n’est pas forcement pour les enfants, c’est un enfant lui-même qui dé-tourne les objets et les choses. il possède toute la palette de sentiments d’un enfant : colère, innocence, perversité, s’exprime vo-lontiers avec le corps ou par onomatopées.
« Bref c’est un être dépourvu de codes sociaux jouant sur l’effet d’attraction/ répulsion ».
la Cie la Berlue a ainsi réuni des comédiens qui ont développé leur propre entité de clowns, mais aussi leur talent de metteur en scène au fil des représentations : la naissance du jongleur (Dario Fo) le baiser de la veuve (Horowitz), et de spectacles d’appartement (Comme si tout avait un sens) en spectacle de bar (Jeu de massacre de ionesco). Pour Anatole F, nos trois clowns imprudents (Jonathan Gensburger, Magali Maria, Julien Storini) investiront (du 28 septembre au 3 octobre au Tnn) « un décor minimaliste transformable à l’envie à l’image de l’univers poétique de l’enfance » avant de se produire en 2011 au Forum Jacques Prévert (Carros), à la licorne (Cannes) et au Théâtre de Grasse.
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l'acteur bouffe d'après Dario Fo © n. Sternalski
Comme si tout avait un sens, Villa Cameline 2010 - © Yoan Boselli
E n V i l l E A n T I B E S / c A n n E S / n I c E20
Née à nice en 1978 linda Blanchet se destine à une carrière de pianiste. Mais après 15 ans au CRR de nice,
elle contracte le virus de la scène. Une pas-sion qui l’amène à postuler après un pas-sage au Cours Florent pour l’université de Berkeley « où l’on peut étudier le théâtre de recherche ». De retour en 2004 tout s’accé-lère. la comédienne monte sur les planches du Tnn dans la pièce d’Alfredo Arias « Mère et fils ». Elle enchaînera les rôles devenant également l'assistante de metteurs en scène tels : Alfredo Arias, Pierre Pradinas, Daniel Benoin, Frédéric de Goldfiem, et Jacques Bel-lay. 2007 voit le baptême de sa Compagnie « Hanna R » avec une pièce de Martin Crimp, « Personne ne voit la vidéo », jouée au Tnn puis à Marseille à la criée. Sa rencontre avec l’écrivaine niçoise Claire legendre débouche l’année suivante sur l’adaptation au Tnn de son roman « Making Off ». En 2009, elle crée « l’air de rien », un spectacle jeune public en tournée dans 78 théâtres et établissements scolaires. « l’homme des plages » est le qua-trième volet d’une compagnie qui explore la narration pluridisciplinaire.
La comédie de l’effacementMais qui est cet homme des plages ? Un homo erectus qui se noie dans l’écume des jours, soumis à ce ressac qui inexorablement efface sur le sable toutes traces humaines de passage. Une fable moderne que linda a développée suite à la lecture du roman de Modiano « Rue des boutiques obscures » : « Cet homme avait passé quarante ans de sa vie sur des plages ou au bord de piscines, à deviser aimablement avec des estivants et de riches oisifs. Dans les coins et à l'arrière
plan de milliers de photos de vacances, il fi-gure en maillot de bain au milieu de groupes joyeux mais personne ne pourrait dire son nom et pourquoi il se trouve là. Et personne ne remarqua qu'un jour il avait disparu des photographies ». linda nourrissait le projet de travailler sur l’identité et la mémoire. À partir de ce personnage concept elle a bâti avec l’aide de Gabor Rassov (auteur, scéna-riste et metteur en scène) un récit en forme d’enquête sur le passé d’un homme, sorte de parabole de la condition humaine.
cabaret métaphysique « l’identité peut aussi se penser de manière épisodique, comme une succession de mi-cro-récits ». Et quelle meilleure forme que celle d’un cabaret dont le meneur serait am-nésique pour rassembler les fragments du puzzle. Pour mener à bien cette chronique d’une disparation annoncée, linda a invité le plasticien photographe Michel Coen à nour-rir sa scénographie de jeux d’images en di-rect. Une revue qui sera également ponctuée de sketchs d’Hanokh levin, de numéros de prestidigitation, de contes personnels des comédiens et d’une partition musicale signée Ezequiel Spucches (Pianiste et arrangeur d’Al-fredo Arias). « Parce que nous avons voulu que ce spectacle vivant soit aussi une ma-nière de résister, avec humour, aux hommes des plages que nous allons devenir ».
N i c e
Cie Hanna R : Qui est l’homme des plages ?la Compagnie Hanna R réunit, chorégraphes, comédiens et plasticiens autour des nouvelles écritures. Son dernier spectacle « l’homme des plages » joué au Tnn (du 16 au 22 octobre) aborde la perte d’identité sous la forme d’un étrange cabaret.
OM
linda Blanchet, Fondatrice de la Cie © H. lagarde
Making Of au Tnn Mars 2009 © Fraicher Matthey
Personne ne voit la vidéo au Tnn 2007 © Fraicher Matthey
A n T I B E S / c A n n E S / n I c E E n V i l l E
l’épopée des prés, des comédies jardinières. © Courtesy Compagnie Bal
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N i c e
Compagnie B.A.L. : déambulations au jardinle plus de légèreté possible, c’est l’envie qu’expriment la Compagnie B.A.l. et son fondateur, Thierry Vincent, au travers de leurs comédies jardinières.
FS
«Je viens de la campagne et j’aime par-ticulièrement le littré de la langue française, explique Thierry Vincent.
il y a beaucoup d’entrées sur la botanique, c’est un thème au vocabulaire luxuriant ». Un langage dont lui et les comédiens de la Compagnie B.A.l. sont gourmands, tout comme les enfants. « Jouer dans les jardins, c’est l’assurance d’aller vers un public nou-veau, pas les abonnés du théâtre, commente Thierry Vincent. nos spectacles ont plusieurs niveaux de lecture et les enfants font preu-ve d’une capacité de compréhension im-pressionnante. Cela va même au-delà de la compréhension. ils ont beaucoup d’instinct, c’est très poétique ». l’idée de jouer dans les jardins est venue alors que la troupe était en résidence au Monastère de Saorge pour écrire un spectacle. C’était la naissance des comédies jardinières. « Dans les jardins, les rapports entre les gens sont bien meilleurs : il y a quelque chose qui apaise. le mot « jar-din » veut dire paradis en persan, c’est un bon équilibre entre l’homme et la nature ». En outre, les gens qui travaillent dans les jardins sont des passionnés, comme Thierry Vincent et sa troupe. « ils sont aussi dans le concret, comme les gens de théâtre. Art et jardins font décidément bon ménage ».
Aller vers le publicUn art qui demande un jeu athlétique, « il faut aller vers le public », et sans faux-semblants. « impossible de jouer « snob » dans un jardin, on joue à vue, et avec la lumière, on la suit, la plus belle qui soit : celle du soleil de 19h ». « il faut aussi prendre en compte le sens du vent, le chant des oiseaux ou papillon qui se pose sur la main, renchérit Elodie Tampon-
lajarriette, comédienne de la troupe. Avant, le théâtre se jouait en extérieur. On renoue ainsi avec la tradition ».l’aventure a démarré en 2003 avec le livre de l’intranquillité, de Fernando Pessoa, au théâ-tre de nice. « Mon cou de poète dans mon col d’employé, tel est l’angle que nous avons adopté dans ce texte immense pour donner une unité au spectacle qui pourrait se nom-mer « Une journée dans la vie de Fernando Pessoa ». Essentiellement, nous avons voulu répondre à cette « demande d'être » qui fon-de l’intranquillité, souligne Thierry Vincent. Du livre au théâtre, quelque chose pourrait revenir à la lumière. intranquille, peut-être... mais vivant ». Une création reprise cet été dans le cadre de la nouvelle manifestation de la compagnie : les noctambules, à l’Amphi de « théâtre de plein air » de la Villa Arson. « nous avons voulu partager ce lieu et ces auteurs, car il y a aussi Charles Bukowski et Vincent Van Gogh, avec le plus de simplicité dans un théâtre à ciel ouvert, où la proximité des acteurs et du musicien garde intacte la présence de ces voix nocturnes sous le ciel étoilé ».
« Au son des guitares, des accords des oiseaux »la compagnie a également joué, pour la 4ème saison consécutive, le Tour de l’infini, dans les jardins des Alpes-Maritimes et du Var. « Au son des guitares, des accords des oiseaux, le spectateur-promeneur, en compagnie des acteurs et des musiciens, déambule entre les scènes et traverse une heure de théâtre. As-sis sur l’herbe, à l’ombre tutélaire des grands arbres. le temps prend une forme d’oasis, le monde urbain s’éloigne. Et le public parta-
ge, le temps d’une heure d’été, quelques instants dorés et festifs à l’écoute des éton-nantes fabulations de Pomone, Cérès et Pan, capricieuses divinités « bio » avant l’heure ».Puis est venue cet été l’Epopée des prés jouée le 18 septembre au Domaine du Rayol dans le cadre des Journées du Patrimoine :
« C'est l'histoire d'un festin où les Hommes sont les invités des Arbres.
Un déjeuner sur l'herbe.ni table, ni chaise (elles pourraient
être de bois). Si les uns se nourrissent de lumière et
d'eau fraîche,les hommes dévorent d'autres menus.leur gastronomie comparée finira pas
les faire sourire.Comment un arbre sourit-il ?
C'est à voir.On dirait qu'il ouvre ses branches
comme d'autres leurs bras.Et s'ils tombent c'est pour être
amoureux des mousses.En somme, nous nous ressemblons un
peu, à la folie, pas du tout ».
Pour sa dernière création, les Funambules, la Compagnie B.A.l. a fait appel à Monique lou-dières, étoile de l’Opéra de Paris, une artiste qui aime les métamorphoses. « En écrivant les Funambules, j'avais en tête trois fils : le texte théâtral, la danse et la musique, indi-que Thierry Vincent. Je voulais écrire une piè-ce qui tisse intimement ces trois arts. Dès les premières pages, il m'est apparu que la pièce allait vers un genre qui la rapprochait de la science-fiction. Et que les influences venaient de films et de livres tels que Farenheit 451 de Ray Bradbury adapté par François Truffaut et 1984 de George Orwell porté à l'écran par Michael Radford ». l’évasion de deux fem-mes qui devient une quête, un éloge de la légèreté, comme toujours avec la Compagnie B.A.l., en attendant les prochaines adapta-tions de Feydeau.
© H. lagarde
22 E n V i l l E S A I n T - P A U L D E V E n c E
C'est une histoire qui a commencé dans les années 60. Guy
Pieters créait ses premières galeries en Belgique. Puis
dans les années 80, il fait la connaissance de lieven De
Buck, passionné par l’art et gérant d’une société de photogravure.
Une amitié très forte se noue. « Chaque année, nous venions passer
une semaine de vacances à Cannes pour faire du golf avec des amis
collectionneurs, se souvient ce dernier. Une journée était consacrée
à la visite de Saint-Paul de Vence. Entre la Fondation Maeght et les
galeries, on prenait l’apéritif au Café de la Place ». lui-même collec-
tionneur, lieven De Buck travaillait dans son atelier de photogravure
avec de nombreux artistes, comme Appel ou Christo, venus faire
la sélection des couleurs pour leur catalogue. « Cela représentait à
peine 5 % du chiffre d’affaires mais c’était ma véritable passion ».
Ses parents possédaient un laboratoire photo, lieven De Buck a donc
baigné très jeune dans cet uni-
vers. En 1970, il crée sa propre
entreprise de photogravure et,
dans les années 80, son atelier
de 3 000 m2 emploie 100 per-
sonnes. Puis au fil de l’évolu-
tion des technologies, le travail
pouvait être fait plus vite, avec
moins de monde. le personnel
passe donc à 35 salariés. Plus
vite, oui, tout est allé trop vite,
avec le numérique. « Cela a
Galerie Guy Pieters :« fidèles à nos artistes »
implantée à Saint-Paul de Vence, sur le chemin de la Fondation Maeght, depuis maintenant 10 ans, la Galerie Guy Pieters se veut comme un espace d’exception pour les amateurs, collectionneurs et professionnels de l'art moderne et contemporain.
Andy Warhol - Arm an - Bernar Venet - César - Christo & Jeanne-Claude - Jan Fabre - Jean-Michel Folon - J ean-Pierre R aynaud - J im Dine - Cl aude & Fr ançois -Xav ier L al anne - Mimmo R otell a - N ik i de Sa int-Phalle - Pavlos - R auschenber g - R obert Comba s - R obert Indiana - R otr aut - Sa m Fr ancis - Sosno - V il leglé - Wim Delvoye - Y ves Kle in…
lieven De Buck (Directeur)
23S A I n T - P A U L D E V E n c E E n V i l l E
ouvert d’énormes possibilités, mais on ne prend plus suffisamment
de temps pour la qualité », regrette lieven De Buck. il a donc fini par
fermer son entreprise, en 1998 : le métier disparaissait. « Je ne vou-
lais plus continuer dans un contexte où il fallait travailler de plus en
plus dur, livrer de plus en plus vite et où les prix étaient sans cesse
en baisse. Aujourd’hui, je ne veux même plus savoir ce qu’il se passe
sur le marché ».
Une passion devenue métier
Mais s’il a perdu son entreprise, lieven De Buck a gardé sa passion
pour l’art, qui allait devenir son deuxième métier. « En 1999, je suis
entré pour la deuxième fois dans la galerie d’Alexandre de la Salle,
qui voulait la vendre. J’ai dit à Guy Pieters de racheter le bâtiment et
que j’allais m’installer à Saint-Paul pour ouvrir la galerie ». Ce qui fut
fait en juin 2000. Agrandie et rénovée, elle compte aujourd’hui une
superficie de 750 m2 et un magnifique jardin de plus de 4 000 m2
entièrement dédié aux artistes. Quant au choix des artistes, la philo-
sophie maison est de rester fidèle à ceux faits par Guy Pieters il y a
35 ans : niki de Saint-Phalle, les nouveaux réalistes, puis Jan Fabre,
Folon, Wim Delvoye, Yves Klein… D’autres sont arrivés mais les pre-
miers sont restés. « le monde entier passe par Saint-Paul, observe
lieven De Buck. Et parmi les visiteurs, il y a de vrais collectionneurs à
la recherche de nos artistes bien cotés. Toutefois, les nouveaux réa-
listes étaient notre choix
à l’époque et pourtant ils
n’étaient pas bien cotés. il
se trouve que ce choix fut
le bon ». Aujourd’hui, la
galerie expose 80 pièces
et en conserve 250 dans
les réserves. Cette année 2010 a été marquée par l’ouverture d’une
nouvelle galerie à Paris, « c’était le bon moment pour nous », dans le
8e arrondissement. Cet été, et jusqu’au 30 septembre, toutes les ga-
leries Guy Pieters présentent une exposition sur le thème unique de la
« Collection Coups de cœur » de linda et Guy Pieters. « nous voulions
montrer de belles choses et ne pas faire une exposition « one man
show », souligne lieven De Buck. Mon coup de cœur à moi ? Toute la
sélection ! ». Mais la galerie n’est pas uniquement concentrée sur l’ex-
position : elle organise beaucoup d’événements au-dehors avec ses
artistes. « Ces derniers ont d’autres choses à dire qu’être simplement
exposés », estime lieven De Buck. Et ce n’est pas Christo ou Bernar
Venet qui diront le contraire… FS
Quelques œuvres d’artistes expo-sés à la Galerie et dans les jardins : Wim Delvoye, Robert indiana, Folon, niki de Saint Phalle, George Segal. Toutes photos © H. lagarde
24 l a v i e d e s a r t s F I G U R E D E L ’ A R T
Tu as fait le tour de l’art, touché à tout,
même été journaliste pour une revue d’art…
en fait je ne me suis jamais arrêté d’écrire,
c’est une démangeaison, je m’exprime en
parlant avec une toile, une performance, une
newsletter, il faut absolument que j’expulse
ce qui me turlupine sinon, je me sens frustré.
Ben à la scène est-il si éloigné que Ben
à la ville ?
Finalement on a une image de moi assez
correcte, si j’ai envie de parler de sexe, d’art
ou de politique, j’en parle. si j’ai envie d’at-
taquer, j’attaque. Mais je constate qu’avant
j’étais plus méchant, je donnais des un sur
dix facilement maintenant quand je donne
un trois sur dix je suis malheureux.
Une forme de sagesse avec l’âge ?
Je me suis rendu compte que c’est difficile
de juger, il faut abandonner la notion de
jugement. l’autre jour je me suis surpris,
j’ai acheté deux tableaux d’un artiste ni-
çois qui peignait des mimosas et exposait
aux jardins albert 1er. il avait une galerie
près de l’Hôtel Plazza. des centaines de toi-
les. Que des mimosas. À l’époque j’aurais
dit que ce type était le niveau le plus bas
de l’art, aujourd’hui je me dis que c’est
de l’art niçois (rires)… dans ma jeunesse
j’avais poussé la porte de sa galerie, je lui
ai dit « je voudrais exposer chez vous mais
moi je fais des bananes », il m’a répondu
« ce n’est pas possible, je ne fais que des
mimosas ». (rires)
Ta vision de l’art a changé ?
surtout mon regard critique. avant, Jean
Mas, personne ne voulait le prendre au sé-
rieux y compris moi-même. aujourd’hui je
me rends compte que dans l’histoire de l’art
à Nice, il fonctionne, je suis plus ouvert !
Tu ne penses pas que les courants étant
avant plus circonscrits, les attitudes
étaient beaucoup plus radicales.
À partir des années 80 les mouvements
ont fondu comme neige au soleil, pour-
quoi ? C’est une question que je me pose.
Strip-poker avec
Entretien chez Ben avec Olivier Marro
pour Art Côte d’Azur
août 2010
C’est au retour de sa première grande rétrospective au Musée d’art contempo-rain de lyon que nous avons rencontré Ben. Cinquante ans de création, un millier d’œuvres sur 3 000 m2. après un demi siècle de pieds de nez et de prises de tête, bilan des fouilles avec le plus niçois des artistes universels. © H lagarde
© H lagarde
25F I G U R E D E L ’ A R T l a v i e d e s a r t s
Je pense qu’avec le mondialisme, l’arrivée
des Chinois, on a commencé à accepter la
diversité culturelle, à la fois au niveau des
peuples mais aussi au niveau des artistes.
L’individualisme n’a-t-il pas participé
aussi à cette perte d’identité collective ?
l’opportunisme sûrement. On veut tous
exposer, être montrés à tout prix donc on
accepte plus facilement certains compro-
mis. des expositions se font aujourd’hui
qui avant n’auraient pas été envisagea-
bles.
Comment Ben arrive à Nice ?
J’ai beaucoup voyagé avec ma mère après
son divorce : Égypte turquie Grèce... Je
suis venu à Nice en 1949, j’ai beaucoup
hésité entre Paris et Nice mais nous nous
sommes établis ici parce que l’air de la mer
était bon pour ma sinusite. l’autre raison
c’est qu’ayant vécu à Naples, alexandrie,
athènes je n’ai jamais pu quitter la Médi-
terranée, j’ai besoin de la mer.
La pratique artistique t’est venue comment ?
C’est de famille, du côté paternel mon ar-
rière grand-père et grand-père étaient des
peintres officiels
suisses : un petit
tableau de mon
grand-père qui
s’appelait com-
me moi Benjamin
vautier vaut cinq fois plus qu’un Ben. Mon
père croyait savoir ce qui était beau, à table
on parlait de Picasso, pour ou contre.
Ta boutique est connue dans le monde,
mais il y a eu un Ben avant
À Nice j’ai commencé par travailler en
1956 à la librairie au Nain Bleu sur l’ave-
nue Jean Médecin en face du Patriote, au
rayon des livres d’art. Puis j’ai ouvert une
première boutique rue George ville où je
vendais des journaux, ensuite j’ai acheté
rue de l’escarène. en 1958 j’ai commencé
à y faire des expos à l’étage sur 15 m2 et
en bas je vendais des disques.
Ta première création ?
après le rond, le carré, je recherchais une
forme géométrique nouvelle, j’ai trouvé
la banane et réalisé une série de tableaux
sur ce thème. Mais Yves Klein et arman
Entretien chez Ben avec Olivier Marro
pour Art Côte d’Azur
août 2010
photos © H lagarde
Ci-dessus : Dieu, 1962, © Courtesy Ben À droite sous la tonnelle de leur maison de saint Pancrace, Ben et annie son épouse© H. lagarde
J’ai tout signé, des trous, Dieu, des coups de pieds au cul. Ben © Courtesy Ben
26
sont passés à la boutique et m’ont dit les
bananes c’est fini, le monochrome c’est
plus fort ! On a une couleur, toi une paire
(rires). C’est comme ça que je suis ren-
tré dans l’esprit du nouveau réalisme, de
l’après duchamp. J’ai tout signé, des trous,
dieu, des coups de pieds au cul, on pou-
vait s’approprier le monde, c’était un peu
avant le manifeste de restany « À quarante
degrés sous dada », où il est dit que l’œu-
vre des nouveaux réalistes est de prendre
quelque chose dans le monde et de le ra-
mener dans l’art.
Comment le nouveau réalisme a fait flores ?
À Nice qui était un lieu de bouillonnement
plus qu’à Paris, tout s’est passé dans les
bistrots - le Provence, le Café de turin -, et
mon magasin. les groupes s’affrontaient,
les Figuratifs, les Nouveaux réalistes, l’ob-
jet état, les supports surface, la transfor-
mation de la matière état et Fluxus la vie
état. Quand on fermait le soir, on allait à
l’eden bar on discutait art, un jour Malaval
nous avait traité de fumistes parce que l’on
ne savait pas dessiner. Puis après lui il a
fait les aliments blancs ?
Et toi, quelle était ta position ?
Moi j’ai toujours dit ce qui compte c’est ce
qui est nouveau, on pouvait exposer chez
moi puis on débattait le pour et le contre,
tous sont venus à la boutique. À tel point
que le directeur de l’école d’art de Nice a
interdit à ses élèves de franchir ma porte.
viallat qui était prof a même été viré pour
avoir pris ma défense. J’étais un vrai danger,
je disais tout est art. tu peux prendre un ver-
re d’eau et le boire c’est de l’art, alors que les
élèves apprenaient à dessiner et peindre.
Le cinéma tu y es très attaché ?
J’aimerais beaucoup faire un film. Même la
nuit je rêve de cinéma. J’ai l’impression que
je pourrais dire des choses que je ne peux
pas dire en peinture. Pour le moment je me
sens incapable de maitriser la technique.
J’ai fait une tentative pour Catherine issert
« le non film », l’histoire de quelqu’un qui
n’arrive pas à faire son film comme dans
Huit et demi de Fellini. Je déteste la fiction
pure je préfère la mélanger à la réalité.
Je vais peut-être faire un docu-reportage
« l’Occitanie ke sa ko » ; demander à 200
personnes dans la rue « qu’est-ce que l’Oc-
citanie, est-ce que ça existe ? ».
D’où vient cet engagement pour les
cultures minoritaires ?
Je suis né à Naples, mon père était suisse,
ma mère occitane à moitié, sa famille étant
juive d’antibes, ma grand-mère mater-
nelle était irlandaise. donc je suis italien
avec du sang irlandais, occitan et suisse.
Mais tout est parti d’une discussion avec
François Fotan, fondateur du Parti natio-
naliste occitan et plus tard avec le Clézio.
Moi j’étais plutôt stalinien, universaliste :
On doit tous porter les mêmes vestes et
pantalons, croire à une seule vérité. Fon-
tan m’a dit les esquimaux ont plus de
cent mots pour dire neige et les dogon
pas un seul. J’ai compris l’importance de
la diversité. là où il y a un peuple, il y a
une langue et une culture. elles peuvent
disparaître avec les guerres, le colonia-
lisme, l’impérialisme, se bouffer l’une
l’autre, mais moi je préfère être du côté
de ceux qui sont pour préserver les dif-
férences. ici c’est l’occitan, je défends
l’idée que l’on puisse la pratiquer si on
le souhaite. Qui a dit que l’art contempo-
rain était réservé à un club d’une dizaine
d’ethnies dominantes ? C’est une erreur,
je crois à un monde de la diversité com-
me levi-strauss.
L’Occitanie a-t-elle été déjà assimilée ou
est-ce sa renaissance ?
C’est la question. en ce moment mon tra-
vail est partagé en trois tiers : les cultures
ethniques, l’avant-garde et le cinéma avec
lequel j’ai envie de parler des deux autres
sujets. tout est lié. la nouveauté c’est pri-
mordial, un peuple meurt quand il reste
bloqué, sur son folklore, ses traditions. À
Nice le renouveau occitan vient de gens
comme louis Pastorelli, Maurice Maubert,
thierry lagalla, Jean-luc sauvaigo...
Et l’Occitanie en 1960 ?
À l’époque du Nouveau réalisme c’était im-
possible arman ou Klein étaient obnubilés par
une seule chose : Paris, New York ! ( il crie)
Que penses-tu de Nice aujourd’hui ?
l a v i e d e s a r t s F I G U R E D E L ’ A R T
photos © H lagarde
27F I G U R E D E L ’ A R T l a v i e d e s a r t s
le MaMaC je lui ai donné un deux sur dix
il peut mieux faire, il doit s’ouvrir davantage
aux collectionneurs, pas seulement à Bernard
Massini, mais aussi à d’autres comme Mi-
chaux, Giovanelli, pour stimuler les collection-
neurs et remettre Nice dans le circuit. C’est ce
qui manque. des associations comme Botox
font avec leurs moyens ce qu’elles peuvent !
Les Abattoirs ?
J’ai peur des institutions publiques, gouver-
nementales qui, voulant faire de la culture,
font une mayonnaise où l’artiste disparaît
au profit du politique. J’ai été très déçu du
projet de la Halle spada, je m’attendais à ce
que ce vaste espace soit donné aux artistes
et je les retrouve dans des cages à lapins
avec un gardien et des horaires de bureau.
C’est un échec. les abattoirs c’est l’arlé-
sienne, on en parle mais rien ne se passe
vraiment, je crains que ce projet prenne le
même chemin.
Par manque d’argent ?
il n’est pas indispensable de dépenser des
fortunes, à New York dans les années 60,
tout a été fait par les artistes dans les ca-
fés, les lofts dowtown des friches. Mais
c’est vrai que c’était une autre époque, le
monde a changé depuis.
Les artistes sont plus individualistes ?
J’aimerais bien qu’ils le soient, qu’ils se
battent. ils attendent trop l’aide. Je me suis
engueulé avec un des envoyés culturels du
Gouvernement à l’espace de l’art Concret
quand je lui ai dit que j’étais d’accord pour
faire des économies, que l’État diminue
l’aide de 40 %. il m’a traité de poujadiste.
il ne m’a pas compris. Je pense que si l’art
redevient clandestin il y aura peut-être de
la vraie création. dada n’a jamais demandé
des subventions.
Où est passée la contre-culture en 2010 ?
la contre-culture est morte en 1980, mais
elle revient avec le septième art, des films,
depuis le film tarnation fait avec quatre
bouts de ficelles et une petite caméra vi-
déo. le cinéma qui était l’art le plus cher est
aujourd’hui le plus accessible, on peut tour-
ner avec son aPN ou une mini caméra numé-
rique (tout fier, il me montre sa dernière).
Tu sembles touché par l’immédiateté.
Ton concept de tableaux écriture est né
dans cet esprit ?
Je voulais que les gens puissent compren-
dre rapidement. au début c’était une écri-
ture bâton mais c’était compliqué il fallait
les faire réaliser par un peintre en lettres.
alors j’ai écrit moi-même. Mais je n’aime
pas quand on parle de mon graphisme,
pour moi l’essentiel c’est que le sens pas-
se.
Le concept a été inventé par Ben
Non malheureusement. Man ray l’avait
déjà utilisé. en 1956 Jasper Johns a fait en
même temps que moi intervenir l’écriture.
C’est arman qui m’en a parlé, je venais
de faire une écriture avec Coca-Cola. les
chinois bien avant s’en étaient servis dans
l’art. J’ai pris l’écriture comme cheval de
bataille mais je n’ai pas pu me l’approprier.
C’est comme si tu voulais garder le feu,
c’est un truc universel.
Tu en as fait en couleurs mais le noir et
blanc domine, pourquoi ?
Je suis daltonien, je ne vois pas la diffé-
rence entre marron et vert, les différences
entre les bleus.
Quid du bleu de Klein ? Pour moi c’est n’importe quel bleu, d’ailleurs la force de Klein ce n’est pas son spécial iKB mais c’est avoir été le premier artiste à dire en 1955 le mono-chrome est une œuvre art.
avant lui, alphonse allais avait fait « Un
combat de nègre dans un tunnel » et « Un
ciel bleu de Provence sans nuage » mais
cela n’avait pas été pris au sérieux. Klein a
dit je mets un point final à la figuration, à
l’abstraction avec une couleur unique.
Parlons performances, tu es un des plus
actifs dans ce domaine ?
J’attends avec impatience l’exposition pré-
parée sur ce sujet par Éric Mangion à la
villa arson. Je crois que cela a été repoussé
d’un an. C’est dommage.
La Côte d’Azur a été creuset dans ce
domaine ?
la performance c’est un grand panier, four-
re-tout. Un jour arman est venu chez moi
il était en colère après moi, il a pris un ta-
bouret et l’a cassé. il m’a dit je te fais une
colère. ses colères, c’est une œuvre ou une
performance ? Klein, ses femmes pinceaux
et les anthropométries, œuvres ou perfor-
mances ? en ce moment, il y a une mode de
la performance. tout a été fait sur la Côte
dans ce registre, je regrette juste qu’on ait
manqué une rencontre avec les lettristes
qui étaient descendus au Festival de Can-
Portrait Ben ©François Fernandez 2006photos © H lagarde
28 l a v i e d e s a r t s F I G U R E D E L ’ A R T
nes pour la projection du « traité de bave
et d’éternité » d’isidore isou. Plus tard en
1963 j’étais sur la Croisette, je collais des
affiches « tout est cinéma », on me tape
sur l’épaule, c’était le jeune Guy débord, il
me dit « c’est bien ce que tu fais là ». Nous
sommes allés dans un bistrot, nous avons
bu un verre puis il s’est levé et m’a dit :
nous sommes suivis par la police ! silen-
ce… Qu’est ce qui est arrivé à Guy débord ?
il s’est suicidé ou il a été assassiné ?
Ça tombe bien que tu évoques ce sujet je
voulais justement parler de la parano...
(rires) Comme je ne crois pas à l’informa-
tion officielle je cherche d’autres explica-
tions au point que je me dis parfois, il doit
y avoir quelqu’un qui tire les ficelles. Un de
mes tableaux c’est « attention la culture
manipule ».
Le système économique, le cinquième
pouvoir, le sixième : l’art contemporain ?
... Je vois très bien quelqu’un dire aux affai-
res étrangères, il faut réagir on va envoyer
Buren au Japon, Boltanski en Chine. avant
on envoyait les marines maintenant on en-
voie les artistes (rires). en fin de compte
est-ce que c’est l’artiste qui compte ou le
pouvoir qui le soutient. tout d’un coup un
artiste accède à la gloire, on lui fait un mu-
sée… Qui tire les ficelles de l’art ?
La gloire et Ben, on en est où ?
Je vends en europe, surtout en italie et en
allemagne. la galerie lara vincy à Paris com-
mence à vendre aux anglo-saxons, les améri-
cains aime bien mes phrases en anglais.
Tu as commencé quand à écrire en
anglais ?
J’ai commencé avec le français, mais j’ai
quand même fait beaucoup des phrases
en anglais surtout à partir de 1964. C’est
ma seconde langue maternelle. Mais j’ai un
scoop pour toi ma prochaine expo sera uni-
quement en occitan, même si je sais que je
n’en vendrai pas une aux collectionneurs.
Elles seront traduites ?
Peut-être sur le cartel.
Pourquoi ne pas les faire réversibles un
coté en occitan, un autre en français ?
(rires) Pourquoi pas c’est une idée… (il ré-
fléchit) Non, ça serait tricher ? Quand on
joue au poker il faut savoir tricher, non ?
Tu joues au Poker ?
Non, mais si je savais tricher, j’y jouerais.
(rires) tiens, un dernier, un secret, le su-
per secret : Je n’aime pas Ben !
On aurait dû commencer par ça ! Le
bruit court que tu vas ouvrir une gale-
rie à Nice ?
Comme le bail qu’avait Bertrand Baraudou
à « espace à vendre » prend fin on a eu
envie de faire une galerie à deux. Une ex-
position sur quatre se fera à partir de ma
collection personnelle ou de ce que j’aime.
les autres avec ses artistes.
Vous avez déjà trouvé un lieu ?
deux locaux nous intéressent dont un qui
est un ancien marchand de meuble entre le
port et la place Garibaldi à Nice.
On parle aussi d’un Musée pour la col-
lection Ferrero ?
la Fondation de Ferrero, ils vont peut-être
la faire là où était la sous-station. Ferrero,
sa collection est un énorme foutoir, il faut
la présenter comme telle.
Voilà deux bonnes raisons pour rester
à Nice ?
Oui, on aura une nouvelle dynamique. il
faut réagir par rapport à Marseille, capitale
de la culture en 2013. OM
Ci-dessus à droite :Ben, je signe la vie
Ci-contre :Ben, La vie c’est 24 images secondes
photos : © Courtesy Ben
© H
lag
arde
M O N A C O l a v i e d e s a r t s 29
30 l a v i e d e s a r t s P H O T O G R A P H I E
En juin 1939 louis lumière n’arrivait pas en gare de la Ciotat mais
bien en gare de Cannes. il fallait être là pour fixer sur la pellicule
le premier Président de ce qui allait devenir le FiF (Festival interna-
tional du Film). il fallait être là pour couvrir une édition naissant dans le
bruit des bottes afin de contrer la Mostra de venise et sa « coupe Mus-
solini ». auguste traverso y était avec son 6X6mm. 63 éditions et quel-
ques milliers de clichés plus tard, c’est Gilles, son arrière-petit-fils qui a
pris la relève sur les marches les plus connues de la planète. saga…
Arrière grand-père, père et fils
C’est ainsi que commence pour cette famille la grande aventure
du festival mais pas celle de la photo, « car après avoir développé
des films pour un radiologue, auguste mon arrière-grand-père ouvrit
dès 1919 son atelier de photographie rue de Bône », explique Gilles
traverso aujourd’hui à la tête de la petite entreprise familiale qui
connaîtra son âge d’or de 1946 à la fin des années 70 sous l’égide
d’Henri son père. « Mon arrière-grand-père n’ayant eu que des filles
qui travaillèrent en labo ou à la boutique, on a sauté une généra-
tion mais nous n’avons manqué aucune édition du Festival ». C’est
aussi de cette dynastie que parle l’exposition « Memories & dreams
1919/2010 » présentée cet été au Palais des festivals. Partout où le
regard se pose vous êtes cernés par les stars. le paradis du ciné-
phile ! Gilles a pris cette fois quelques libertés, des tirages sur toiles et
PvC, du noir et blanc colorisé et un parterre fleuri de visages d’Orson
Welles à lennon sous les pieds du visiteur. Car le patrimoine traverso
depuis quinze ans est devenu une collection (1,7 million de négatifs
dont 348 000 sur le FiF) qui voyage, de New York à tokyo, de Milan à
londres, de Paris à lille. À Cannes elle fut présente notamment pour
les 50 et 60 ème anniversaires du festival. C’est lors de l’exposition
de 1996 pour les 50 bougies du FiF que serge toubiana des Cahiers
du cinéma séduit par ce prestigieux album de famille décide d’en
faire un ouvrage avec Gilles. « Ce n’est qu’à ce moment là que mon
père a pris vraiment la mesure de notre patrimoine ».
L’âge d’or de la Croisette
Un patrimoine cannois qui commence sous le règne d’auguste. Un
photographe qui ne s’est pas contenté de couvrir les premières sal-
ves du festival mais a également participé au lancement de la Côte
d’azur en tant que villégiature estivale. au début du siècle la sai-
son est encore hivernale et les bains de mer ne sont pas à la mode.
les médecins mettent en garde contre « les insolations sablonneu-
ses ». Quand, dans les années 20 les grands hôtels et les casinos
d’été s’élèvent en bordure de mer, on lance le rivage à coup de
filles en bikini qui posent devant le Martinez, le Miramar etc. la
culture balnéaire fait la Une. auguste écoule ses photos en bouti-
que, « il est un des premiers à avoir pu photographier vue d’avion
Cannes : Pas un festival sans Traverso !ils s’appellent auguste, Henri et Gilles, ils connaissent mieux que personne le Festival de Cannes et pour cause, depuis trois générations cette grande famille de photographes capture tout ce qui fait briller le rivage où pousse la palme d’or.
© H lagarde © H lagarde
31P H O T O G R A P H I E l a v i e d e s a r t s
la baie de Cannes à la chambre. Une prouesse ! » , s’étonne encore
Gilles. il est aussi correspondant pour des revues comme « Ciné-
monde ». la concurrence se réduit alors à une poignée d’italiens
mais bientôt c’est le débarquement. Henri traverso, qui a appris le
métier dès l’âge de 16 ans avec son grand-père, devient à son tour
l’œil du FiF. « Quand mon père Henri a commencé en 1946 il n’y
avait qu’une dizaine de photographes contre 500 en 2010. C’est
la seule manifestation au monde où l’on nous voit sur les photos,
la seule où les photographes font partie du décor, de la légende »,
commente Gilles traverso qui est entré lui dans le grand bain à
l’âge de 19 ans. « Quand mon père a vu l’ancien Palais tomber, à
l’orée des années 80 il a préféré raccrocher ». Un repos mérité car
Henri n’a pas chômé. il a connu le passage du noir et blanc à la
couleur, l’âge d’or où les vedettes déambulaient sur la Croisette,
l’époque où Cinecitta rivalisait avec Hollywood, puis la nouvelle
vague. Bref à peine le temps de recharger son 24X36mm !
Le Bunker de la dernière rafale ?
dès les années 80 Gilles vivra lui l’ère du « Bunker » et de la mitraille
sur les marches, pour un sein qui se dévoile. exit les starlettes qui fai-
saient mousser l’écume. On s’effeuille sur tapis rouge, la Cicciolina
semblant confondre Palme d’or et Hot d’or. Pour Gilles les années
80 marquent un recul du glamour : « le palais se fait plus débraillé,
on cache les bijoux et autres signes extérieur de richesse ». avec
les années 90 la sécurité se durcit. et quand le numérique s’installe
mais surtout les téléphones portables avec « aPN » entre stars et
photographes la rupture est consommée. « le pire c’est qu’avec
le numérique les originaux ont disparu », confie Gilles qui débuta
en classant les précieux négatifs de Papa. Un autre contact se fait
rare, celui avec les vedettes. « Mon père avait le temps d’échanger
avec des actrices comme Michèle Morgan qui s’injectait du citron
dans les yeux pour les faire briller ou avec les belles italiennes. Henri
travaillait comme un artiste ». Pas d’abattage chez les traverso qui
œuvrent aux antipodes de la presse people actuelle préférant capter
un regard, une attitude, fournir de la matière « pour des articles
de retour ». Malgré des conditions moins favorables, Gilles a eu lui
aussi son lot de clichés rares et de souvenirs : la courtoisie de Jane
Fonda qu’il pourra suivre pendant toute une journée. isabelle adjani
qui le remercie de ne pas l’avoir flashée lors d’une soirée privée. il se
souvient aussi des show off d’alain delon, Gérard depardieu, et de
Philippe Noiret. « Malgré l’aspect business le Festival a réussi à main-
tenir un équilibre vital. artistes, professionnels, cannois et grand
public s’y retrouvent. le FiF continue de faire rêver, d’offrir une ma-
gie que l’on ne trouve nulle part ailleurs ! », conclut Gilles traverso,
troisième du nom dont la fille de dix ans « prendra la relève ou pas,
c’est à elle de choisir » !
© H lagarde
© H lagarde© H lagarde
OM
En haut Palais des Festivals dans les années 1960
En bas Orson Welles - expo Cannes 2010 andy, dis-moi oui ! Warhol et ses muses sur la Croisette
Kirk douglas à Cannes - 1966 Juliette Binoche à Cannes- 2010
© Courtesy Fonds traverso
© Courtesy Fonds traverso © Courtesy Fonds traverso
Jacques PelissierMon travail vient des gens que j’aime
Portrait de Julian schnabel en pâte à modeler, 160x120 cm.
33A R T I s T E l a v i e d e s a r t s
Comment est né votre travail sur la
pâte à modeler ?
Jacques Pelissier : le travail se fait sou-
vent d’accidents. il y a quatre ans, ma fille
était hospitalisée à lenval, à Nice. Nous
sommes descendus à la boutique de l’hô-
pital lui acheter de la pâte à modeler et j’ai
commencé à faire des petits personnages,
c’est venu tout naturellement. Puis j’ai com-
mencé à travailler, à les prendre en photo,
à créer des fonds et à agrandir leurs dimen-
sions jusqu’à en faire des tirages de 150
cm par 110 cm. Un accident, c’est comme
une rencontre. et parmi les rencontres les
plus importantes que j’ai faites dans ma
vie, il y a celle avec lola Gassin.
Lola Gassin, qu’avez-vous fait pour Jac-
ques Pelissier ?
Lola Gassin : À l’époque, cela faisait au
moins quatre ans qu’il peignait mais qu’il
ne montrait son travail à personne. Or, moi
j’avais envie de le montrer aux autres. Nous
étions en 1997, j’avais fermé ma galerie de
la rue de la terrasse mais j’ai décidé de la
rouvrir pour organiser une exposition du
travail de Jacques. la deuxième exposition
a eu lieu chez moi rue Maréchal Joffre, en
1999. et la troisième, ce sera également
chez moi, à partir du 29 octobre prochain !
là, il y aura des personnages de pâte à mo-
deler et des croquis.
Ces fameux croquis d’enfants sur les-
quels vous vous amusez à repeindre ?
Jacques Pelissier : Oui, comme pour la
pâte à modeler, c’est un univers qui me
parle, comme à un enfant autiste, vers le-
quel je vais spontanément et que j’arrive,
je l’espère, à faire parler.
Frédéric Allard : tu as une approche par-
lante dans ton travail. Ces personnages, tu
leur donnes vie. il y a une notion de regard
sur les personnages, c’est « ta patte ».
Jacques Pelissier : au départ, mes per-
sonnages ne sont pas plus grands que la
paume de la main. Puis je travaille avec un
appareil macro, donc on sort de l’échelle,
et on entre dans la matière. sans compter
qu’avec la pâte à modeler, on a le temps. Je
ne sais pas aller vite, de toute façon. Je dois
y revenir le lendemain, les refaçonner se-
lon l’émotion du moment. J’ai largement le
temps de penser à la personne que je suis
en train de faire. Je choisis généralement
des personnes dont j’aime le travail ou qui
ont une gueule.
Frédéric Allard : Ce sont des personnages qui
attendrissent. tu arrives à dégager l’amour
ou le respect que tu éprouves pour eux.
Jacques Pelissier : Oui, mon travail vient
des gens que j’aime. C’est comme les ren-
contres. Par exemple, Keisuke Matsushima
Jacques Pelissier peint, fait des croquis ou confectionne des petits personnages de pâte à modeler qu’il prend ensuite en photo pour les retravailler. assoiffé de rencontres, il se prend de passion pour les autres. le voici entouré de l’ancienne galeriste lola Gassin, du chef Keisuke Matsushima et du directeur du site vitrines-parisiennes.com, Frédéric allard, pour faire ce qu’il aime le plus au monde : échanger.
Propos recueillis par
Faustine Sappa
dessous : Jacques Pélissier et Keisuke Matsushima À droite de haut en bas : Jacques Pélissier Portrait de Keisuke Matsushima en pâte à modeler
Ci-dessus : lola Gassin
© H lagarde
© H lagarde
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34 l a v i e d e s a r t s A R T I s T E
fait partie des gens que j’ai rencontrés et
que j’aime car il va au bout de sa passion.
Keisuke Matsushima : On pourrait faire
une exposition ensemble, un jour ! Je tra-
vaille avec les gens dont j’aime le travail.
en ce moment, au restaurant saison, j’ex-
pose shun Kawakami, un artiste-designer
qui joue sur la calligraphie japonaise, la
photo et le montage. shun est un artiste
complet qui s’inspire des cultures interna-
tionales, expérience qu’il a acquise en tra-
vaillant beaucoup en dehors du Japon.
Frédéric Allard : Une exposition avec Jac-
ques, ce serait une bonne idée. sur le site
des vitrines parisiennes, nous avons fait
des shootings avec des œuvres de Jacques,
deux portraits, et le jour même, 40 000 per-
sonnes sont venues voir la vitrine en ques-
tion. Un vrai succès ! J’adore mélanger art
et mode, car il y a un sens artistique dans
la mode, avec le travail des créatrices et des
stylistes. Une manière de démocratiser la
mode. Nous allons d’ailleurs bientôt créer
des séries avec des œuvres avec la possibi-
lité de les acheter en ligne.
Jacques Pelissier : il y a beaucoup de choses
à faire à Nice, car c’est une ville exceptionnelle,
avec de nombreux artistes de talent. Mais il y a
aussi une grande force d’inertie. il faut se bat-
tre pour qu’il se passe quelque chose.
On a pu le voir avec l’exemple de la
foire Art Jonction…
Lola Gassin : Oui, art Jonction a duré 15
ans, jusqu’en 2001, puis la ville s’en est dé-
sintéressée. C’était pourtant une belle aven-
ture. au départ, nous l’avions créé pour ac-
compagner le développement des galeries.
le problème à Nice, c’est qu’il y a de bons
artistes mais que cela ne fonctionne pas
commercialement. Or, l’art est une affaire.
Frédéric Allard : Oui, c’est une histoire de
complémentarité, et il faut l’accepter.
Keisuke Matsushima : Jacques, tu as be-
soin de marketing ! le poisson, il faut aller
le chercher !
Jacques Pelissier : Cela viendra quand ça
viendra !
Keisuke Matsushima : À tokyo, j’ai créé
une association, Plus art Club, qui a pour
but d’aider les jeunes artistes à trouver des
financements. Car sans argent, les créa-
teurs ne peuvent rien faire. Moi, j’ai appris
à être créateur, grâce aux personnes qui
m’y ont poussé. C’est donc ma manière de
redonner. et le restaurant, c’est la même
histoire : c’est un endroit où l’on se ren-
contre, idéal pour les artistes !
Jacques Pelissier : Cela me rappelle une
phrase de ma grand-mère : « le non tu l’as,
le oui, tu le cherches ». et cette rencontre,
très importante pour moi : un jour, j’étais
dans un café à saint-Germain-des-Prés, et
je vois Catherine deneuve. Je suis allé lui
parler, avec mon book, pour lui montrer
mon travail. trois mois plus tard, elle m’a
appelé et j’ai fait le portrait de ses petits-
enfants. aujourd’hui, j’ai la même démar-
che. Je ne me précipite pas, j’attends le
bon moment : celui de rencontrer les bon-
nes personnes. Fs
Ci-dessus Portrait de Basquiat en pâte à modeler
dessous : de gauche à droite, Frédéric allard, lola Gassin, Keisuke Matsushima, Jacques Pélissier
Ci-dessus Portrait de Basquiat en pâte à modeler
© H lagarde
M O N A C O l a v i e d e s a r t s 35
Violons deLeg ende
11 >23 sept.L E S P L U S B E L L E S “Â M E S ” D E L A M U S I Q U Ejouées par T. PAPAVRAMI (11/9) G. MOURJA (14/9) M. KAMIO (16/09) Y.J.S. HOU (19/9) Quatuor THYMOS,
R. DAUGAREIL (21/9) L. KORCIA (23/9) racontées par A. PEYRÈGNE • Direction M. DESJARDINS
Concerts suivis de cocktails-dînatoires et dîners* en présence des artistes, dans des lieux prestigieux.Exposit ion Musigraphique : rétrospect ive “d’aff iches mus ica les” de 1999 à 2010 du graphiste/aff ich is te Phi l ippe Hurst
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VDL Art Cd'A 2010 3/08/10 10:52 Page 1
l a v i e d e s a r t s C O L L E C T I O N N E U R36
Dans sa maison du Cannet, qui fut cel-
le de l’auteur victorien sardou, anny
Courtade dit avoir accumulé 35 ans
de coups de cœur. là un Matisse, ici un César,
là-bas un dessin de Bonnard… l’art est pré-
sent partout. elle parle de sa passion comme
un enfant qui apprend la vie, sans jamais vrai-
ment assouvir sa soif du travail des artistes
qu’elle admire tant. « le 18 septembre, nous
avons inauguré une chapelle du 12ème siècle
à Flayosc, entièrement refaite par mon ami
l’architecte Jean-Michel Wilmotte. C’est dans
la plus ancienne commanderie des templiers
de Provence. au-dessus se trouve une maison
ultra contemporaine… » elle est intarissable.
« en octobre, je vais offrir au nouvel hôpital de
Cannes une sculpture de Bernar venet de 11
mètres de haut, poursuit-elle. s’élevant vers
le ciel, elle symbolise l’espoir. C’est un beau
cadeau offert aux malades, toujours en situa-
tion de faiblesse quand ils sont à l’hôpital,
que cette vision esthétique quand on entre
dans l’établissement ». directrice du super-
marché leclerc du Cannet, présidente de la
centrale d’achats du sud-est lecasud, et prési-
dente du racing Club de Cannes, entre autres
mandats, anny Courtade a propulsé l’équipe
de volley-ball féminin au rang de champion de
France et d’europe. Présidente de l’Orches-
tre régional Cannes Provence Côte d’azur,
administratrice du Château de villeneuve à
vence et administratrice de la seaa Fonda-
tion Maeght, elle s’implique aussi dans des
activités très éloignées de ses préoccupations
quotidiennes de femme chef d’entreprise.
Supplément d’âme
« rien ne me destinait à avoir des affinités
avec l’art », confie-t-elle. Fille de mineurs
toscans très pauvres venues en France pour
« casser des cailloux », anny Courtade est
orpheline de mère à 2 ans et perd son père,
qu’elle a peu connu, à l’âge de 16 ans. dans
l’intervalle, elle est éduquée par sa grand-mè-
re. repérée par son institutrice qui la pousse à
poursuivre ses études, celle qui était destinée
à faire la bonne à tout faire devint professeur
de lettres, avant de découvrir l’univers de la
grande distribution lors d’un stage dans un
supermarché géré par une amie. « dans la vie,
il faut savoir s’élever. et cela passe aussi par
les rencontres. J’ai eu par exemple la chance
de faire la connaissance d’adrien Maeght,
qui est un ami intime depuis maintenant 20
ans, Jean-Michel Wilmotte, Philippe Bender…
Beaucoup d’artistes sont devenus mes amis.
C’est à leur contact que je nourris ma pas-
sion pour l’art ». Présidente de l’Orchestre
régional Cannes Provence Côte d’azur, elle
tient un rôle des plus difficiles : celui de la
gestion. « C’est un orchestre magnifique, avec
une cinquantaine de musiciens qui mettent en
valeur une forme d’expression de l’âme qui
reflète l’intime de chacun. Mon rôle consiste
à faire en sorte que cela puisse exister. C’est
un grand bonheur que de pouvoir donner aux
autres un choc émotionnel que l’on partage
en écoutant de la musique ou en regardant
une peinture. On passe notre vie à livrer des
batailles pour tenter de tout gérer. Ces mo-
ments sont un vrai supplément d’âme ». au
Château de villeneuve, à vence, elle fait partie
du bureau. Mais si elle donne parfois son avis
sur le programme artistique, elle sait que les
rôles de chacun sont bien définis. « Chacun
son métier ! le mien, c’est la gestion ». Y com-
pris dans la chose artistique. et si « le hasard
profite aux esprits préparés », comme elle
aime à le répéter en citant louis Pasteur, elle
clame que dans la vie, il faut avoir de l’audace,
que la chance est un alibi car il faut aussi avoir
la volonté de faire. « la vie est une succes-
sion de portillons. il faut savoir se remettre en
question et être capable de s’ouvrir au chan-
gement ». À la Fondation Maeght, celle qui
« aime les aventures » tient aussi un rôle de
gestion. Un endroit « miraculeux » où, dans
une architecture qu’elle juge intemporelle,
voire éternelle, elle peut écouter des heures
durant adrien Maeght lui raconter des anecdo-
anny Courtade est une femme d’affaires active, à l’emploi du temps surchargé. active, elle l’est aussi dans le domaine de l’art, au service duquel elle met son expérience de gestionnaire, en s’impliquant dans différentes structures artistiques. l’art, on le retrouve jusque chez elle, où les murs sont remplis des œuvres qui l’ont émue au fil de ses rencontres.
Anny CourtadeL’art,
ce sont les rencontres
qui ont jalonné ma vie.
37C O L L E C T I O N N E U R l a v i e d e s a r t s
tes vécues avec Matisse, Chagall ou Giacomet-
ti, qu’il a bien connus. Matisse et Chagall, que
l’on retrouve sur les murs de la maison du
Cannet. « Un jour, lors d’une réunion du bu-
reau du Château de villeneuve, sœur Jacques
Marie, qui avait été modèle de Matisse, avait
un air triste, se souvient anny Courtade. il lui
manquait des financements pour terminer les
travaux de la nouvelle aile de la Chapelle Matis-
se, à vence, où sont aujourd’hui exposées les
chasubles et les maquettes des autres projets.
elle voulait vendre 7 œuvres de Matisse mais
à quelqu’un qui ne ferait pas de spéculation.
Je lui ai dit que j’avais trouvé quelqu’un, qui
s’engageait de surcroît à laisser les œuvres en
exposition pendant 3 ans au Château. C’était
moi. » elle ne se vit pas pour autant comme
un mécène. « Je m’occupe simplement des
choses pour qu’elles puissent perdurer ». Un
exemple de rencontres qui ont jalonné la vie
d’anny Courtade. rencontres avec les œuvres,
aussi. « Mon premier tableau, c’est ce Picabia
que j’ai acheté il y a 35 ans, à crédit, alors
que j’étais fauchée comme les blés. Mais je ne
pouvais pas vivre sans ce tableau ». arman,
César et viallat achetés à la vente de l’École
de Nice, une collection de le Basque, un buste
de Mayol, des chevaux datant de 1 000 ans
avant J.C., Hambourg, Picasso, des Gasirowski
et un lustre du 18ème siècle dans la cuisine…
« ici sont rassemblés mes secrets, mes souve-
nirs de voyages ».
Partager le gâteau
anny Courtade est aussi une collectionneuse
de livres. elle en possède des rarissimes. Fan
de saint-exupéry, elle a acheté aux enchères
une empreinte originale de la main gauche
de l’auteur. elle la regarde comme un trésor.
« Je la garde pour mes enfants. l’art, c’est le
partage de l’émotion. Cela n’a aucun intérêt
d’être devant un gâteau et de le manger tout
seul ». dessins de Miro et textes de Prévert,
exemplaires originaux du Petit Prince, la Bi-
ble illustrée par Chagall, une correspondance
de Pierre Bonnard et Giacometti… « Ces mo-
ments d’émotion à la vue de ces chefs-d’œuvre
valent toutes les expositions du monde ». ici,
une tapisserie d’aubusson achetée à crédit,
qu’elle avait roulé dans son deux-pièces en at-
tendant d’avoir la grande maison qui lui per-
mettrait de l’exposer. « il fallait pouvoir vivre
des rêves… ». là une collection de dessins de
derain, Marie laurencin, Bonnard, Cocteau…
« les dessins, c’est mon grave défaut, il y en
a partout ! ». très éclectique dans ses goûts,
anny Courtade a décidé de regrouper ses œu-
vres dans un appartement sur la Croisette, au
design très zen et contemporain imaginé par
Jean-Michel Wilmotte. « tout l’inverse d’ici !
Mais la vie n’est-elle pas faite de contrastes ? ».
anny Courtade ne revend jamais rien. elle
achète parce qu’elle a été émue. et son nou-
veau terrain de jeu, c’est la photographie noir
et blanc, « un mode d’expression très beau ».
elle en possède de Chanel, de saint-exupéry…
« de toute façon, je n’ai plus de place sur les
murs pour accrocher des tableaux ! »
Ces moments d'émotion à la vue des chefs-d'œuvre valent
toutes les expositions du monde.
FS
toutes photos © H. lagarde
l a v i e d e s a r t s C O L L E C T I O N N E U R38
Aujourd’hui à la tête de deux galeries (Paris, New York) Yvon
lambert s’est constitué une collection de cœur qui a anticipé
sur l’émergence de nombreux talents actuels au point que
l’on a pu le qualifier de galeriste « révélateur ». en 2000 à l’occasion
des célébrations « avignon, capitale européenne de la culture » sa
collection si enviée s’installa dans un ancien hôtel particulier (Hôtel
de Caumont) en vue d’une donation future. 300 œuvres venant d’ar-
tistes aussi différents que donal Judd, daniel Buren, dennis Oppen-
heim, Julian schnabel, Jean-Michel Basquiat, douglas Gordon, Bertrand
lavier et couvrant 50 années de passion ont constitué un premier
fonds remarquable. « l’état n’avait pas eu de collection si riche en qua-
lité et en nombre depuis la célèbre donation Picasso dans les années
70 » souligna l’expert nommé par le Ministère de la Culture. C’est à
partir de cette prestigieuse réserve de 1200 références que bon nom-
bre d’expositions hors les murs ont vu le jour : « Blooming » en 2007
qui a permis de faire découvrir le peintre Cy twombly, celles dédiées à
sol leWitt, à Nan Goldin (au Musée d’art contemporain de Montréal en
2003), à robert Comas à tarascon. sans oublier celle consacrée depuis
cet été à Miquel Barceló au cœur de la cité papale, afin de célébrer les
dix ans d’activité de la collection lambert en avignon. Une collection
qui a investi dans le même temps le Château de villeneuve (jusqu’ au
31 octobre) marquant le retour aux sources de l’enfant du pays.
Vence, Paris, New York
enfant Yvon lambert, entendait parler de renoir, Matisse et de Chagall
« qui se promenait à vence dont les rues lui rappelaient son village
natal ». autant de figures qui suscitèrent sa vocation. issu d’une famille
peu portée sur l’art plastique (sa mère tenait une épicerie, son père fut
chauffeur de taxi), Yvon se forme en dévorant des revues d’art puis en
visitant les musées. À 14 ans, avec son premier salaire, il acquiert sa
première œuvre, un tableau d’un post-impressionniste anglais repré-
sentant une rue de vence. Quelques années plus tard, en 1962 avec le
soutien de ses parents il ouvre sa galerie Place du grand Jardin. C’est
Jean Cocteau qui dessinera le carton d’invitation de l’exposition inau-
gurale « dessins de Modigliani à Picasso ». Par la suite, Yvon exposera
des artistes comme auguste Chabaud, rencontrera des créateurs tel
robert Malaval installé à vence et à qui il achète des pièces. très vite
il s’ennuie. les artistes de l’École de Nice, ne sont pas sa tasse de thé.
Yvon lambert rêve d’ailleurs, il sent que le vent a tourné, qu’il souffle
de l’amérique avec les prémices de l’art minimal, l’art conceptuel, le
land art qui représentent les piliers de sa collection. « au bout de trois
ans je suis monté à Paris. J'ai commencé dans une petite galerie à
saint-Germain où j'ai invité des artistes à tendance « géométrique »,
j’ai déménagé pour pouvoir montrer des artistes d’avant garde, com-
me sol le Witt, tony smith, etc. ». après être resté huit ans près du
Yvon LambertLa Collection vue de Vence YL
Yvon lambert lors du vernissage de l’exposition au Château de vence, avec le conserva-teur Zia Mirabdolbaghi © O.Marro
Christian Boltanski – Monument Odessa, 1989. © O.Marro
Nan Goldin - Guido on the dock, venice, 1998. © O.Marro
YL39C O L L E C T I O N N E U R l a v i e d e s a r t s
Centre Pompidou, il s’installe en 1986 dans le Marais. en 2003 il ouvre
une galerie à New York. Pour lui l’activité de galeriste et de collection-
neur participe à un même engagement : « Pendant toute une période,
j’ai acheté de façon quasi exclusive des œuvres que je montrais à la
galerie et il en est encore ainsi aujourd’hui. la plupart des artistes que
j’ai exposés et vendus sont présents dans ma collection ».
Un parcours en autoportraits
C’est cette collection passion qui se raconte en 120 œuvres au Château
de villeneuve. de l’effervescence des sixties à nos jours, de Matisse
à Barceló, de duffy à loris Greaud, le plus jeune (30 ans) car Yvon
lambert s’est toujours tourné vers la création en devenir. Ce parcours
construit comme un dialogue intime entre le collectionneur, la Fonda-
tion emile Hugues et sa ville natale, se révèle grâce aux « touches per-
sonnelles » qu’il a souhaité apporter au fil d’une scénographie réalisée
avec eric Mézil (Commissaire) et le Conservateur Zia Mirabdolbaghi.
« Pour la première fois nous avons ouvert l’intégralité du Château y
compris une salle au rez-de-chaussée qui fut jadis l’atelier de vermi-
cellier que tenait son arrière-grand-père » explique ce dernier. dans
cette salle historique (le grand père d’Yvon naquit à coté, où se trouve
aujourd’hui la librairie du Château) ont été réunis entres autres pièces :
Une peinture sur bois de Basquiat et ses fameux sabots dessinés/
tagués, une toile de Combas dédiée au patron de la ville saint
lambert, ainsi qu’une maquette de sol leWitt pour la chapelle de ven-
ce. Car Yvon lambert était revenu officiellement au Château de ville-
neuve en 1994 pour ce projet qui avorta. Plus discrètement chaque été
il revient dans sa maison familiale où il reçoit avec sa sœur Collette ses
amis artistes Nan Goldin, douglas Gordon et tant d’autres. C’est ce lien
inextinguible qu’évoque ce parcours articulé en cabinets thématiques
comme autant de facettes du galeriste. Portrait de l’homme fasciné
par la mythologie et le sacré, du Christ noir de serrano au Monument
à Odessa de Boltanski, par la modernité tel l’hommage à Cézanne –
« Notre Père à tous » disait Picasso - à travers la Montagne sainte victoi-
re changée en installation par Guilio Paolini. Portrait du collectionneur
féru de photos comme en témoigne l’étrange faune de Nan Goldin,
les portraits d’artistes (brulés) de douglass Gordon ou posant comme
en avignon d’andrés serrano. sans oublier ce cliché insensé montrant
Gilbert & Georges couchés côte à côte dans le lit de Federico García
lorca. Portrait de l’adepte du minimalisme et du bibliophile amoureux
de l’écriture. Portrait d’un passionné qui a continué à relier l’art le plus
antique avec l’art le plus conceptuel, a entrelacé son enfance vençoise
à celle du grand voyageur collectionneur qu’il est devenu. OM
dans le cadre de son cycle « regards sur les collections »,
le Château de villeneuve s’ouvre depuis cet été sur
la collection lambert. Yvon lambert, un galeriste qui
vit le jour à vence et y fit ses débuts avant d’occuper
cinquante ans plus tard le devant de la scène de l’art
contemporain.
andres serrano – la comédie française - 42 portraits, 2007. © O.Marro
© O.Marro
l a v i e d e s a r t s A R T I S T E40
Entre humour, dérision et pointe au cœur, Pierre Pinoncelli était
ce soir-là, le 7 juin dernier, tout de noir vêtu, et arborait un
masque de mort. trois grosses têtes du Carnaval étaient éga-
lement recouvertes de draps noirs : une tête de bébé, de grenouille et
de requin allaient ensuite apparaître tout en couleurs, comme l’artiste,
« comme un papillon sortant de sa chrysalide », commente-t-il. après
avoir dicté les 30 noms des artistes de l’École de Nice, il les a taggués
sur les grotesques, comme on écrit une liste de noms sur un monu-
ment aux morts. réapparu en toutankhamon, Pierre Pinoncelli revê-
tit ensuite une chemise blanche tachée de rouge où l’on pouvait lire
« mort aux vaches » et « love » et taggua « viva la revolucion ! ».
sa main gauche dans un gant noir, il leva le poing, en référence au
Black Power, et baissa la tête. « le 15 décembre, à la fin de l’exposi-
tion, je scellerai la mort de l’École de Nice pour qu’elle puisse entrer
dans l’Histoire ». Pour lui, les meilleurs sont morts, ne restent que les
« ringards », dont il dit faire partie. avec l’autodérision en étendard,
Pierre Pinoncelli a ainsi réalisé sa dernière performance en date lors
du vernissage de l’exposition « 1960-2010, Cinquante ans de l’École
de Nice », au Musée rétif de vence. avec ce geste, on ne peut s’empê-
cher de penser à l’œuvre de Ben, exposée : « l’École de Nice n’est pas
morte, elle renaîtra de mes cendres ».
Une histoire d’enfance
s’il porte son bandeau « Nice » sur l’œil gauche, c’est que Pierre Pinon-
celli revendique son appartenance à l’École de Nice et aussi parce que
c’est une histoire d’enfance, comme l’est toute son œuvre. Un brin cor-
saire, avec de faux airs de Barberousse, il a fait de la contestation et de
la provocation silencieuse un art de vivre. ayant connu une éducation
dans des collèges religieux dont il était souvent renvoyé, il est opposé
à toute forme d’autorité et d’oppression. et le fringant octogénaire
n’a rien perdu de sa « rebelle attitude » d’antan. Cela a commencé par
son nom : né Pinoncély, il a voulu italianiser son patronyme pour se
différencier de la famille de la vieille bourgeoisie catholique à laquelle
il appartient. enfant, il vient tous les étés en vacances à Nice chez sa
grand-mère Clémentine. entre 1950 et 1954, il vit des années d’erran-
ce pendant lesquelles il exerce toutes sortes de métiers pour survivre,
« puisque vivre ne lui suffit pas ». en 1954, il découvre la peinture ex-
pressionniste mexicaine avec les toiles d’Orozco, sigueiros, tamayo et
diego rivera, au Musée d’art moderne de Mexico. C’est une révélation
et il se met alors à peindre dès son retour en France. ses toiles les plus
connues sont de grands formats un peu inquiétants, représentant des
êtres fantomatiques ou squelettiques. sa première exposition, il la fait
en 1959 dans la boucherie d’un petit village de la loire. Puis vient, en
1952, l’exposition « les 40 morts », Place vendôme à Paris : 40 toiles
de format et de sujet identiques dans une matière très épaisse. « les
30 métamorphoses » suivent, toujours à Paris : 30 toiles blanches en
relief de format identique, sur le thème de la thalidomide, ce médica-
ment qui provoque des malformations chez les enfants.
« Mon quart d’heure de célébrité à la Warhol »
en 1967, il retourne au Mexique puis passe trois mois à New York
où, le visage peint en bleu Klein, il rend un hommage silencieux à
Yves Klein. « C’était lors de sa rétrospective au Jewish Museum, devant
rotraut Klein et 3 000 New Yorkais stupéfaits, se souvient-il. C’était
mon quart d’heure de célébrité à la Warhol ! Puis j’ai rencontré Marcel
duchamp au vernissage segal à la Galerie sidney Janis. Je lui ai dit
qu’un jour, je ferai quelque chose avec son urinoir, ça l’a fait rire. C’est
là que j’ai abandonné la peinture ». Pour se consacrer essentiellement
au happening. C’est également en 1967 qu’il vient s’installer sur la
Côte d’azur et intègre l’École de Nice. l’exposition « les copulations
d’un Chinois en Chine » à la Galerie alexandre de la salle est suivie
de la première performance de Pierre Pinoncelli, un happening-créma-
tion Place Godeau, à vence. entre 1967 et 1970, il se livre à de très
nombreux happenings de rue, tous aussi spectaculaires et provocants
les uns que les autres. « arrestations, blessures, procès… Mon nom
passe de la rubrique artistique à celle des faits-divers et des chiens
écrasés », s’amuse-t-il.
en 1969, il asperge andré Malraux d'encre rouge avec un pisto-
let à peinture lors de l'inauguration du Musée Chagall de Nice.
la même année, il signe à Bordeaux son happening « anti-pain » en
Pierre Pinoncelli, artiste se revendiquant de l’École de Nice, est l’un des inventeurs du happening. À 81 ans, il en a plus de 70 à son actif, le dernier en date ayant eu lieu en juin dernier, lors du vernissage de l’exposi-tion « 1960-2010, Cinquante ans de l’École de Nice », au Musée rétif de vence.
Pierre PinoncelliLe dernier coyote
© H. lagarde
41A R T I S T E l a v i e d e s a r t s
brûlant publiquement des baguettes de
pain en chantant « À bas le pain ».
en 1975, il attaque symboliquement une
banque à Nice, muni d'un fusil chargé à blanc et pour un butin de un
franc, pour protester contre le jumelage avec le Cap, durant l'apar-
theid. en 1979, un taureau lui arrache l’oreille droite qu’il voulait se
trancher à la van Gogh, « c’était écrit ». en 1994, il s’expose nu dans
un tonneau à lyon, tel un diogène des temps modernes.
Dada jusqu’au bout des doigts…
le 25 août 1993, au Carré d'art de Nîmes, il urine dans la Fontaine
de Marcel duchamp, puis lui donne un violent coup de marteau. il
est condamné à un mois de prison avec sursis et 286 000 francs de
dommages et intérêts. le 4 janvier 2006, il attaque de même au mar-
teau un urinoir de duchamp figurant dans l'exposition dada au Centre
Georges-Pompidou à Paris, l'ébréchant légèrement. il est condamné, en
première instance, à trois mois de prison avec sursis et 214 000 euros
de dommages et intérêts ; et en appel, à trois mois de prison avec sur-
sis, le musée n'obtenant pas de dommages et intérêts. en juin 2002, il
se tranche une phalange du petit doigt avec une hache en hommage à
ingrid Betancourt pour négocier avec les FarC… « Pour ingrid, il m’en
reste encore neuf… sans compter les doigts de pied ! », déclara-t-il à Yo-
landa Pulecio, la mère d’ingrid Betancourt lors d’une interview télévisée.
« l’esprit dada, revendique-t-il, c’est l’irrespect. C'était un clin d'œil
au dadaïsme, j'ai voulu rendre hommage à l'esprit dada ». lors de sa
défense devant le tribunal Correctionnel de Nîmes, il avait déclaré qu'il
s'agissait « d'achever l'œuvre de duchamp, en attente d'une réponse
depuis plus de quatre-vingts ans ; un urinoir dans un musée doit for-
cément s'attendre à ce que quelqu'un urine dedans un
jour, en réponse à la provocation inhérente à la pré-
sentation de ce genre d'objet trivial dans un musée.
l'appel à l'urine est en effet contenu ipso facto - et ce
dans le concept même de l'œuvre - dans l'objet, vu son
état d'urinoir. l'urine fait partie de l'œuvre et en est
l'une des composantes. Y uriner termine l'œuvre et lui
donne sa pleine qualification. On devrait pouvoir se
servir d'un rembrandt comme planche à repasser ».
Jamais encadré sur le mur d’un musée
Un geste là encore lié à l’enfance… « Quand on se
dressait sur la pointe des pieds pour pisser sur la lune
ou la Grande Ourse. le chef de la bande était toujours
le garçon qui urinait le plus loin ». Comme pour exor-
ciser ses vieux démons, Pierre Pinoncelli a créé sa pro-
pre série de cent urinoirs. « Mon urinoir est plus mo-
derne, plus design », sourit celui qui s’est approprié
le pseudonyme de « Mutt » pour cette re-création. Un
exemplaire a été vendu 2 500 euros à la vente aux enchères de l’École
de Nice du 31 octobre 2009.
Mais Pierre Pinoncelli, c’est aussi, en 1970, une randonnée à vélo entre
Nice et Pékin pour porter à Mao un message de paix de Martin luther
King. N’ayant jamais réussi à entrer en Chine, à son retour, il brûle
devant l’ambassade de Chine, en signe de protestation, le message de
paix, un grand poster de Mao et son visage au fer rouge. Ou encore un
retour à la peinture, avec une série de « Personnages » ayant tous son
visage moulé en plâtre et représentant chacun un « métier » différent :
curé, nazi, guérillero, déporté juif, icare… et, dernièrement, la publica-
tion d’un livre, « Welcome to auschwitz », où il est question des camps
de la mort, sous l’angle de l’art et de l’humour, en hommage à tous les
déportés juifs et contre la folie des bourreaux.
« dans une société où tout s’achète et se vend, le happening est évi-
demment suspect puisque tout ce déploiement de temps, d’énergie et
de peine se fait gratuitement, rappelle Pierre Pinoncelli. Mais le plaisir
d’avoir « créé » pour une heure, pour un instant de démence en cou-
leur qui va crever comme un ballon… savoir qu’il ne restera rien de
cette fureur, de cette passion, de cette sueur, mais qu’après, peut-être,
l’air n’aura plus tout à fait le même goût, le ciel sera plus fou, et il y
aura cette drôle d’ombre verte dans les yeux des cyclopes… satisfac-
tion aussi de finir peut-être à la morgue, à l’hôpital, en prison ou dans
un asile, mais jamais encadré sur le mur d’un musée ». FS
de gauche à droite et haut en bas :
extrait du livre « Welcome to auschwitz », publié en avril 2010. © Pierre Pinoncelli
« l’urinoir duchamp-Pinoncelli », 1917-1993. © Pierre Pinoncelli
« Hommage au Black Power », performance de Pierre Pinoncelli lors du vernissage de l’exposition « 1960-2010 Cinquante ans de l’ecole de Nice » au Musée rétif à vence, le 7 juin 2010.© alain Girelli
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Samedis 2, 9, 16 et 23 octobre 2010 à 14h30 au Palais de l’Europe
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INFO & RÉSA : 04 93 88 74 68 > BUREAU DU FESTIVAL CIRM 33 av. Jean Médecin • Nice
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