5les yogas tibetain du reve et du sommeil tenzin wangyal v2

Post on 03-Jun-2018

251 Views

Category:

Documents

2 Downloads

Preview:

Click to see full reader

TRANSCRIPT

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 1/114

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 2/114

TENZINWANGYALRINPOCHÉ

Les éditions Claire Lumière publient de nombreux ouvragesconsacrés au bouddhisme.

Si vous souhaitez recevoir gratuitement notre   CATALOGUE  et

être tenu au courant de nos publications, il suffit de nous faire

 parvenir vo tre no m et votre adresse à l'adresse suivante :

ÉDITIONS CLAIRE LUMIÈRE5 AV. CAMILLE PELLETAN

13760 SAINT-CANNATFRANCE

Y O G A S

T I B É T A I N S

D U R Ê V E

ET DU SOMMEIL

Titre original :  THE TIBETAN YOGAS OF DREAM AND SLEEP ©

1998 - Tenzin Wangyal

 publié aux Etat s-Unis p ar Sn ow Lion P ublicat ions

Pour l'édition française:  YOGAS TIBÉTAINS DU RÊVE ET DU SOMMEIL

© 2001 - Editions Claire Lumière - France

ISBN 2-905998-57-1

TEXTE PRÉPARÉ PAR MARK DAHLBY

T R A D U I T D E L ' A N G L A I S P A R

T A N C R È D E M O N T M A R T E L

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 3/114

TABLES DES MATIERES

REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier les personnes dont la contribution a permis la publication dece livre. En premier lieu, et tout particulièrement, Mark Dahlby, mon élève et amiintime, avec qui ce fut un grand plaisir de travailler. Nous avons passé de longuesheures à discuter de sujets divers dans les cafés autour de Berkeley. Sans lui, celivre n'aurait pas été possible.

Aussi Steven D. Goodman, un collègue et ami, qui améliora le manuscrit par denombreuses bonnes suggestions ; Sue Ellis Dyer et Chris Baker, qui proposèrentdes modifications rédactionnelles dans une version antérieure de l'ouvrage; SueDavis et Laura Shekerjian, qui lurent le texte et donnèrent leur avis ; Christine Cox,enfin, des Editions Snow Lion, qui apporta son grand savoir-faire d'éditrice expé-rimentée au texte et en fit un bien meilleur livre.

Les illustrations des chakras des pages xx et xx furent créées par Monica R.Ortega. Je veux aussi remercier tous ceux que je n'ai pas cités mais qui m'aidèrentde bien des façons.

Tenzin Wangyal Rinpoché enseigne aux Etats-Unis, au Mexique et en Europe.Vous pouvez recevoir des informations sur son programme en contactant :

The Ligmincha InstituteP.O. Box 1892 Charlottesville,

Virginia 22903, USA

Site internet : www.comet.net/ligmincha/ e-

mail : ligmincha@aol.com 

 Préface 11 

 Introduction 15 

Recevoir les enseignements 18

1ÈRE PARTIE :  LA NATURE DU RÊVE 21

1-RÊVE ET RÉALITÉ 22

2-NAISSANCE DE L'EXPÉRIENCE 23 

Ignorance 23

Actes et résulta ts 25

Karma négatif. 28

Karma positif. 29

Libérer les émotions 30

Pollutions de la conscience 32Empreintes karmiques et rêve 32

Les six mondes d'existence cyclique 34

 Monde des enfers 39

 Monde des esprits avides 40

 Monde des an imaux 40

 Monde des hum ains 41

 Monde des demi-dieux 41

 Monde des die ux 42

Pourquoi émotion "négative"? 43

3- LE CORPS D'ÉNERGIE 45 

Canaux et prana 45

Canaux (tsa) 47 

Prana (loung) 48 Prana karmique 48

Trois formes de prana karmique 49

 Prana de sagesse 49

 Activité pranique 50

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 4/114

Equilibrer le prana 50

Pran a et esprit 51

Chakras 52Cheval aveugle, cavalier éclopé 53

4- RÉSUMÉ: COMMENT NAISSENT LES RÊVES 56 

5- IMAGES DU TANTRA MÈRE.  57

Métaphores didactiques 60

2e PARTIE: TYPES ET UTILISATIONS DES RÊVES  63 

1- LES TROIS SORTES DE RÊVES 64 

Rêves samsariq ues 64

Rêves de clarté 65

Rêves de claire lumière 66

2- UTILISATIONS DES RÊVES 68 

Expériences oniriques 68

Conseils et lignes directr ices 69Divination 71

Ensei gnemen t dans le rêve 74

3-LA DÉCOUVERTE DÉ LA PRATIQUÉ DÉ TCHËU 76 

4-DEUX NIVEAUX DÉ PRATIQUE 81 

3e PARTIE : LA PRATIQUE DU YOGA DU RÊVE   85 

1-VUE, ACTION, RÊVE, MORT 86 

2- S'ÉTABLIR DANS LE CALME MENTAL: CHINÉ 89 

Chiné contrai nt 91

Chiné naturel 92

Chiné ultime 93

Obstacles 93

 Agitation  93

Torpeur.  94

 Relâchement   94

3- LES QUATRE PRATIQUES PRÉLIMINAIRES 95 

Pratique 1 : Modifier les empreintes karmiques 95

Pratiqu e 2 : Suppr imer la saisie et le rejet 98Pratiqu e 3 : Renfo rcer la résolu tion 100

Pratique 4 : Cultiver la mémoire et l'effort joyeux . . .101

Persévérance 101

4- PRÉPARATIO N À LA NUIT 103 

 Neu f resp ira tio ns p uri fic atr ice s 104

Gourou Yoga 105

 La pratique  107 

Protection 108

5- PRATIQUÉ PRINCIPALE 110 

Introduire la conscience dans le canal central 110

Accroît re la clarté 112

Renforcer la présence 114

Développer l'intrépidité 116

Posture 117Se conce ntrer 118

La séquen ce 123

6-LUCIDITÉ 127 

Développ er la flexibi lité 129

7-LE S OBSTACLES 136 

Illusion 136

Relâchement 136

Distrac tion endogèn e 137

Oubli 138

Les quatre obsta cles selon Shardza Rinpoc hé 138

8- CONTRÔLER ET RESPECTER LES RÊVÉS 140 

9-PRATIQUES SIMPLES 143 

L'espri t penda nt l'état de veille 143 Se prépar er pour la nuit 145

10-INTÉGRATION 148 

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 5/114

4e  PARTIE : SOMMEIL  151

1- S'ENDORMIR ET DORMIR 152 

2-TRO IS VARIÉTÉS DE SOMMEIL 154 

Sommeil de l'ignorance 154

Sommeil samsarique 154

Sommeil de claire lumière 155

3- PRATIQUE DU SOMMEIL ET PRATIQUE DU RÊVE 157 

5e  PARTIE : LA PRATIQUE DU YOGA DU SOMMEIL   161

1-LA DAKINI SALDJÉ DU DALMA 162 

2-PRAT IQUE PRÉLIMINAIRE 165 

3-PRATI QUE DU SOMMEIL 167 

Endormissement 168

4-TIGLÉ ................................................................................................... 171 

5-PROGRÈS................................................................................................ 173 

6- OBSTACLES 175

7- PRATIQUES DE SOUTIEN 178 

Evocat ion du Maître 178

Evocat ion de la dakini 178

Express ion corporel le 179

Prièr e .... 179Dissolution 179

Expansi on et rétrac tion 180

8-INTÉGRATIO N 182 

Intégration de la claire lumière et des trois poisons .. .182

Intégra tion aux cycles du temps 185

Unification externe  185Unification intérieure  188

Unification secrète  189

 Les trois unifications : conclusion  190

9- CONTINUITÉ 192 

6

e

PARTIE: PRÉCISIONS  193 1-CONTEXT E 194

2-ESPRIT ET RIGPA 195 

Esprit concept uel 195Conscie nce non-duel le : rigpa 196

 Rigpa de la base et rigpa du chemin  198

3- LA BASE: KUNSHI 199 

Esprit et matière 200

4- CONNAISSANCE 201 

5- RECONNAÎTRE LA CLARTÉ ET LA VACUITÉ 204 

Equilibre 206

Discrimination 206

6-MOI 208 

7- PARADOXE DU MOI NON-SUBSTANTIEL 211 

DERNIERS MOTS 212 

APPENDICE: RÉSUMÉ DES PRATIQUES DU YOGA DU RÊVE . .216

Glossaire  219 

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 6/114

PREFACE

Ce livre est dédié à Namkhai Norbou Rinpoché, qui inspira gran-dement ma vie, à la fois dans mon enseignement et dans ma pra-tique personnelle.

D'après un dicton tibétain bien connu : "II faut préciser l'apparte-nance à la lignée et exposer l'historique, pour ôter les doutes surl'authenticité de l'enseignement et de la transmission." Je vais donccommencer ce livre par une brève histoire de ma vie.

Je suis né peu après que mes parents eurent fui l'oppression chi-noise au Tibet. Les conditions d'existence étaient difficiles et mes paren ts me plac èrent dans un pensi onna t c hréti en, espéra nt qu'on y pren drai t soin de moi. Mon père était un  lama*  bouddhiste, mamère une pratiquante bœun*. Un peu plus tard, mon père mourut.Ma mère finit par se remarier avec un homme qui était un lama

 bœun . Ma m ère et lui désira ient me voir vivre selon ma p ropre cul-

ture et, à l'âge de dix ans, j'entrai au principal monastère bœun àDolanji, en Inde, où je fus ordonné moine.

Après avoir vécu au monastère pendant un certain temps, je fusreconnu par Lopœun (le Supérieur) Sangyé Tènzin Rinpochécomme étant la réincarnation de Khyoungtrul Rinpoché, un éruditfameux, enseignant, écrivain et maître de méditation. C'était unmaître astrologue célèbre. Il était réputé au Tibet occidental et dansl'Inde du nord comme dompteur d'esprits sauvages. Il était aussirecherché de toutes parts pour ses capacités magiques de guérisseur.L'un de ses bienfaiteurs était un roi local de l'Himachal, en Inde du

 Nord . Ce roi et son épous e, ne pouv ant avoir d'enf ants, prière ntKhyoungtrul Rinpoché de les guérir, ce qu'il fit. Le fils qu'ils eurentet élevèrent est l'actuel Premier Ministre de l'Himachal Pradesh,Virbhardur.

Lorsque j'eus treize ans, mon bon maître-racine, Lopœun SangyéTènzin, un homme de grand savoir et de haute réalisation, se pré-

 para à don ner l 'un des ensei gneme nts les plus impor tant s et l es p lusésotériques de la religion bœun, la Lignée de Grande Perfection(Dzogchèn*)  de la Transmission Orale de Shang Shoung  (ShangShung Nyèn Gyud*).  Mon beau-père rendit visite à Lopœun

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 7/114

12  yogas tibétains du rêve et du sommeil  préface 13

Rinpoché et lui demanda de m'admettre malgré mon jeune âge àces enseignements, qui seraient quotidiens pendant trois ans.

Lopœun accepta gentiment mais demanda que je lui soumette àl'instar des autres futurs élèves, un rêve fait dans la nuit qui précé-derait le début des cours, afin qu'il puisse apprécier notre degré de

 prépar ation .

Certains étudiants ne se souvinrent pas d'avoir rêvé, ce qui futconsidéré comme un signe d'obstacles. Lopœun leur fit entre-

 prendr e d es pr atiq ues de p urifi cati on a ppropr iées et d iffé ra le débutde l'enseignement jusqu'à ce que chacun d'eux ait fait un rêve. Lesrêves d'autres étudiants furent pris comme des signes montrantqu'ils avaient besoin de faire des pratiques particulières afin de se

 prép arer aux ense igne ment s - p ar exem ple des prat ique s dest inéesà renforcer leur connexion avec les Gardiens du Bœun*.

Je rêvai d'un autobus tournant dans le sens horaire autour de lamaison de mon maître, bien qu'il n'y ait en réalité pas de route à cetendroit. Dans le rêve, le chauffeur était mon ami et je me tenais àcôté de lui, distribuant un ticket à chaque personne montant dans le

car. Les tickets étaient des morceaux de papier sur lesquels étaitécrite la syllabe tibétaine A. C'était la deuxième ou troisième annéede mon instruction à Dolanji, j'avais treize ans et j'ignorais alorsque le A est un symbole majeur des enseignements Dzogchèn. A sonhabitude, mon maître n'a jamais rien dit du rêve. Il fit peu de com-mentaires sur ce qui était bien mais, comme j'étais autorisé à suivreles enseignements, j'étais heureux.

Il est courant, dans les traditions spirituelles tibétaines, que lemaître utilise ainsi les rêves de ses étudiants pour déterminer s'il estapproprié de donner à l'un ou l'autre d'entre eux un enseignement

 parti culie r. Beauc oup de temp s allait encore s'écou ler avant que j ecommence à étudier et à pratiquer le yoga du rêve, mais cet incidentmarqua néanmoins le début de mon intérêt pour les rêves. Je fusfortement impressionné de voir comme le rêve est valorisé dans laculture tibétaine et la religion bœun, et combien l'informationvenue de l'inconscient est souvent plus importante que celle donnée

 par l'esp rit consc ient .Après l'enseignement de trois ans, qui comporta de nombreuses

retraites de méditation avec mes camarades pratiquants ainsi que bea uco up de ret rai tes sol ita ire s, j'a ccé dai à l'É col e Dia lec ti que

monastique. Le cursus comprend normalement neuf à treize ansd'études et inclut toute l'instruction traditionnelle. On nous

enseigne les sujets académiques habituels, tels que la grammaire, lesanscrit, la poésie, l'astrologie et l'art, ainsi que des matières moinscommunes: l'épistémologie, la cosmologie, les soutras*, les tan-tras* et le Dzogchèn. Pendant cette instruction monastique, je reçusnombre d'enseignements et de transmissions sur le rêve, les plusimportants reposant sur le Shang Shoung Nyèn Gyud, le TantraMère et sur les écrits de Shardza Rinpoché.

Je réussis bien dans ces études et, à l'âge de dix-neuf ans, on medemanda de commencer à enseigner les autres, ce que je fis. Vers lamême époque, j'écrivis et publiai un résumé de la biographie duSeigneur Chènrab Miwoché*, le fondateur de la religion bœun. Jedevins plus tard Président de l'École Dialectique ; je le restai quatreans et fus très impliqué dans la mise au point et le développementde l'école. En 1986, j'accédai au titre de Guéché, le grade le plusélevé de l'instruction monastique tibétaine.

En 1989, je partis pour l'Occident, à l'invitation de la commu-nauté dzogchèn italienne de Namkhai Norbou Rinpoché. Bien quen'ayant pas prévu d'enseigner, je fus invité à le faire par desmembres de la communauté. Un jour, j'étais en train de distribuerde petits morceaux de papier devant servir dans une méditation surla concentration. La syllabe tibétaine A était inscrite sur chacund'eux. Le rêve que j'avais fait quinze ans auparavant, dans lequel jedistribuais le même papier aux personnes entrant dans le car, merevint tout d'un coup. Ce fut comme s'il me frappait la tête.

Je restai en Occident et, en 1991, devins boursier Rockefeller pour faire de la rec herche à l' Universi té de Rice. En 1993, je publi aimon premier livre en Occident,  The Wonders ofthe Natural Mind,dans lequel je tentai de présenter les enseignements de la GrandePerfection (Dzogchèn) de façon claire et simple. La Fondation

 Nati onale pour les Science s Huma ines m'ac corda en 1994 une sub-vention pour poursuivre la recherche sur les aspects logiques et phi-

losophiques de la tradition bœun, en collaboration avec le profes-seur Anne Klein, chaire d'Études Religieuses, à l'Université deRice.

Ainsi, mon côté intellectuel trouva à s'exprimer. Mais la pratiquea toujours été plus importante et, durant tout ce temps, je me suis

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 8/114

14  yogas tibétains du rêve et du sommeil

intéressé au rêve et à la pratique du rêve. Mon intérêt n'est pas seu-lement théorique. Influencé dès l'enfance par les expériences oni-

riques de mes maîtres et de ma mère, et par l'usage que la tradition bœun fait des rêves, j'ai fait conf ianc e à la sagesse de mes rêves etme suis intensivement exercé au yoga du rêve durant ces dix der-nières années. Chaque soir, quand je me mets au lit, j'ai un senti-ment de liberté. Le travail de la journée est terminé. Certaines nuits,la pratique est couronnée de succès, d'autres nuits, elle ne l'est pas,et l'on peut s'attendre à ce qu'il en soit ainsi tant qu'elle n'est pastrès avancée. Je m'endors néanmoins presque chaque nuit avec l'in-tention de pratiquer le yoga du rêve. L'expérience personnelle que

 j'ai de ce yoga, et les t rois text es cités plus haut, fond ent les ense i-gnements de ce livre sur   les yogas tibétains du rêve et du sommeil.

Il fut élaboré à partir d'exposés oraux que j'ai donnés pendant plus ieur s anné es en Cali forni e et au Nou veau Mexi que. Le côtéinformel propre à ces enseignements a été en grande partieconservé. Les mots marqués d'un astérisque lors de leur premièremention dans le texte figurent dans le glossaire en fin de volume.

Le yoga du rêve est un support essentiel du développement de ma prat ique pers onne lle . Ce fut vrai aussi pou r de très nom bre uxmaîtres et yogis* du Tibet. J'ai, par exemple, toujours été impres-sionné par l'histoire de Shardza Rinpoché, un grand maître tibétainqui manifesta le corps de lumière  (djalu*) -  un signe de pleine réa-lisation - lorsqu'il mourut en 1934. Sa vie durant il eut de nom-

 breux étudi ants accomp lis, écrivi t b eauco up de texte s impor tant s etœuvra pour le bien du pays dans lequel il vivait. On imagine diffi-cilement comment il put être aussi productif dans sa vie temporelleet s'acquitter des multiples responsabilités et des grands projetsentrepris pour le bien d'autrui, tout en réalisant un tel accomplisse-ment dans sa pratique spirituelle. Il a pu le faire parce qu'il n'était pas écriv ain pend ant une parti e de la j ourn ée, ense igna nt pend antune autre partie, et pratiquant pendant les quelques heures qui res-taient. Sa vie entière était une pratique, qu'il médite, écrive,enseigne ou dorme. Il écrit que la pratique du rêve fut d'importance

 prim ordi ale dans sa déma rche spiri tuel le et fit parti e inté grant e desa réalisation. Cela peut aussi être vrai pour nous.

INTRODUCTION

 Nou s passo ns le tier s de notre vie à d ormir . Quoi que nous fas-sions, que nos activités soient vertueuses ou non, que nous soyonssaints ou meurtriers, moines ou libertins, chaque jour finit de même.

 Nou s ferm ons les yeux et nous nous diss olvo ns dans l'obs curi té. Nou s l e f aison s sans crainte , m ême si t out ce que nous connai ssonscomme "moi" disparaît. Au bout d'une brève période apparaissentdes images et, avec elles, réapparaît notre sens de l'identité. Nousexistons de nouveau, dans le monde apparemment illimité du rêve.

 Nou s prenon s part chaque nuit à ces très profo nds mystè res, allan td'une dimension d'expérience à une autre, perdant notre identité etla retrouvant, considérant même que cela va de soi. Nous nous

réveillons au matin et reprenons la vie "réelle", mais d'une certainefaçon nous dormons encore et continuons de rêver. Les enseigne-ments nous disent que nous pouvons rester jour et nuit dans cet étatillusoire du rêve, ou nous éveiller à la vérité.

Lorsque nous nous engageons dans les yogas du sommeil et durêve, nous devenons membre d'une longue lignée. Depuis dessiècles, des hommes et des femmes ont accompli ces mêmes pra-tiques, ont été confrontés aux mêmes doutes et aux mêmes obs-tacles que nous, en ont tiré les mêmes bienfaits que nous. Beaucoupde grands lamas et de yogis accomplis ont fait des yogas du som-meil et du rêve leurs pratiques principales et ont, grâce à elles,atteint la réalisation. Réfléchir à ce passé et se remémorer les êtresqui ont dédié leur vie aux enseignements - par lesquels nos ancêtresspirituels nous transmettent les fruits de leur pratique - engendreenvers la tradition confiance et gratitude.

Certains maîtres tibétains pourraient trouver étrange que j'en-seigne ces yogas à des Occidentaux qui n'ont pas effectué certaines

 prati ques préli mina ires ou n'ont pas certa ines conna issan ces. Lesenseignements étaient traditionnellement tenus secrets, en signe derespect et pour éviter qu'ils perdent leur force en étant mal compris

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 9/114

16  yogas tibétains du rêve et du sommeil

 par d es p ratiq uant s no n-pré parés . Ils n'ét aien t jama is expos és p ubli-quement ni donnés à la légère, mais étaient réservés à des personnesqui s'étaient préparées à les recevoir.

Les pratiques ne sont pas moins efficaces et valables qu'elles lefurent jadis, mais les conditions du monde ont changé, de sorte que

 je tent e autre chose. En ensei gnant ouvert ement et simp leme nt cequi est efficace, j'espère que la tradition sera mieux préservée etque davantage de personnes pourront en bénéficier. Mais il estimportant de respecter les enseignements, pour les protéger et pourfavoriser notre propre pratique. Essayez de recevoir la transmissiondirecte de ces enseignements de la part d'un maître authentique. Ilest bon d'avoir une connaissance livresque de ces yogas, mais il estmeilleur d' en recevoir la transmission orale. Elle crée uneconnexion plus forte avec la lignée. De plus, un maître expérimenté

 peut ident ifier et aider à écart er les obsta cles que l'o n rencon trefacilement sur le chemin et qu'il est difficile de surmonter par soi-même. Il s'agit là d'un point important à ne pas oublier.

 Notr e exi stenc e hu mai ne es t préc ieuse . Nous avons un co rps et unesprit intacts, dotés de toutes leurs possibilités. Nous avons peut-

être rencontré des maîtres et reçu des enseignements et nous jouis-sons en cette vie de la liberté de suivre la voie spirituelle. Noussavons que la pratique est essentielle dans le cheminement spirituel,de même que notre aspiration à aider autrui. Nous savons aussi quela vie passe rapidement et que la mort est certaine. Pourtant, dansnotre vie besogneuse, nous avons du mal à pratiquer autant quenous le voudrions. Peut-être méditons-nous une heure ou deuxchaque jour, mais cela laisse vingt-deux heures pour être distraits et

 ball otté s par les vagues du samsa ra*. Cepen dant, il exist e touj oursun temps de sommeil ; le tiers de notre vie passé à dormir peut êtreconsacré à la pratique.

Un point essentiel de ce livre est de montrer que la pratique nous perm et d e dé velop per u ne consc ienc e pl us grand e de chaq ue i nstan tde notre vie. Si nous y parvenons, la liberté et la flexibilité ne ces-sent d'augmenter et nous sommes moins sous l'emprise de nos pré-occupations et de nos distractions habituelles. Nous acquérons une

 prés ence stable et vivant e qui nous perm et de choi sir plus habil e-ment des réponses positives à tout ce qui nous arrive, réponses quisont plus bénéfiques pour autrui et pour notre propre démarche

introduction  17

spirituelle. Finalement, nous accédons à une continuité de présencequi nous permet de rester pleinement conscients dans le rêve,comme dans l'état de veille. Nous sommes alors capables de

répondre aux événements du rêve de façon créative et positive, et pouv ons accom plir divers es prat ique s dans l'é tat de rêve. En déve-loppant pleinement cette capacité, nous découvrirons que nousvivons le sommeil et la veille avec plus d'aise, de confort, de clartéet de considération, et nous nous préparons aussi à atteindre la libé-ration dans l'état intermédiaire (bardo*) après la mort.

Les enseignements nous fournissent de nombreuses méthodes pour amél iorer la qu alit é de la v ie ordin aire. C'e st u ne b onne chose,car cette vie est importante et digne d'intérêt. Mais la finalité ultimede ces yogas est toujours de nous conduire à la libération. Danscette optique, ce livre doit être considéré plutôt comme un manueld'exercices, un guide des yogas des traditions bœun-bouddhistes duTibet qui se servent des rêves pour nous libérer de l'état ensom-meillé de la vie quotidienne, et du sommeil pour nous éveiller del'ignorance. Pour utiliser le livre de cette façon, vous devez établirune connexion avec un enseignant qualifié. Ensuite, pour stabiliser

l'esprit, pratiquez les méthodes du calme mental  (chiné*)  décritesdans la troisième partie. Lorsque vous vous sentez prêt, commencezles pratiques préliminaires et consacrez-leur un certain temps, defaçon à les intégrer à votre vie. Puis, débutez la pratique principale.

Rien ne presse. Nous avons erré dans les illusions du samsaradepuis des temps sans commencement. Lire simplement un autrelivre sur la spiritualité et l'oublier ensuite ne changera pas grand-chose dans notre vie. Mais si nous poursuivons ces exercices jus-qu'à leur terme, nous nous éveillerons à notre nature véritable, quiest l'illumination elle-même.

Si nous ne pouvons pas rester présents pendant le sommeil, sinous nous perdons chaque nuit, quelles sont nos chances d'êtreconscients au moment de mourir? Si nous entrons dans nos rêves etréagissons aux images de l'esprit comme si elles étaient réelles,nous ne devons pas nous attendre à être libres dans l'état après lamort. Examinez votre manière de rêver, vous saurez ce qu'il

adviendra de vous à la mort. Observez votre manière de dormir,vous découvrirez si vous êtes vraiment éveillé ou non.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 10/114

18  yogas tibétains du rêve et du sommeil

RECEVOIR LES ENSEIGNEMENTS

La meilleure façon de recevoir des enseignements spirituels,

oraux ou écrits, consiste à "écouter, comprendre, pratiquer", c'est-à-dire à saisir intellectuellement ce qui est dit, à en comprendre lesens et à le mettre en pratique. Ainsi conçu, le processus d'appren-tissage est continu et incessant mais, s'il s'arrête au niveau intel-lectuel, il peut devenir un obstacle à la pratique.

Concernant l'écoute des enseignements, le bon étudiant estcomme un mur encollé ; de l'herbe qu'on jette dessus y adhère. Unmauvais étudiant est comme un mur sec : ce qu'on y lance glisse ausol. Lorsque l'on reçoit un enseignement, il ne doit pas être perduou gaspillé. Il faut le garder présent à l'esprit et le travailler. Unenseignement que l'on n'a pas compris est comme l'herbe jetéecontre un mur sec qui tombe au sol et dans l'oubli.

Arriver à comprendre le sens des enseignements est comme allu-mer la lumière dans une pièce obscure : ce qui était caché devientvisible. C'est l'expérience du "ah-ha!" quand les pièces s'enclen-chent avec un déclic et sont comprises. Elle diffère de la simple

connaissance conceptuelle: c'est une chose que nous savons, nousne l'avons pas seulement entendue. Entendre dire, par exemple,qu'une chambre contient des coussins rouges et des coussins jaunesnous en donne en quelque sorte la connaissance conceptuelle; sinous pénétrons dans la pièce alors qu'elle est plongée dans l'obs-curité, nous ne pourrons pas distinguer les uns des autres.Comprendre la signifi cation est comme all umer la lumière : nous

 perce vons alors dire ctem ent le roug e et le jau ne. L'en sei gnem entn'est plus une chose que nous ne pouvons que répéter, il fait partiede nous.

La "mise en pratique" est la transformation de ce qui a été saisiconceptuellement - ce qui a été reçu, médité, et qui a pris du sens- en expérience directe. C'est un processus analogue à celui de goû-ter du sel. On peut parler du sel, en connaître la nature chimique, etainsi de suite, mais on en a l'expérience directe seulement aprèsl'avoir goûté. Il est impossible de la saisir intellectuellement ou dela décrire en mots. Si nous voulons l'expliquer à une personne quin'a jamais goûté de sel, elle sera incapable de comprendre ce quenous avons éprouvé. Mais quand nous en parlons à quelqu'un qui adéjà fait l'expérience, nous savons tous les deux de quoi il s'agit. Il

introduction  19

en est de même avec les enseignements. C'est ainsi qu'il faut lesétudier : les écouter ou les lire, y réfléchir, en comprendre le sens,

et l'expérimenter directement.Au Tibet, les peaux de cuir neuves sont exposées au soleil et frot-tées de beurre, pour les assouplir. Le pratiquant est comme la peauneuve, dure et raide, avec des vues étriquées et une rigidité concep-tuelle. L'enseignement (dharma*) est comme le beurre, il pénètregrâce à la friction de la pratique tandis que le soleil est comme l'ex-

 périe nce dir ect e; lorsq ue les deux sont appli qués, le prati quantdevient souple et docile. Mais on conserve aussi le beurre dans dessacs de cuir. Quand on abandonne du beurre dans un sac pour plu-sieurs années, le cuir du sac devient dur comme du bois et aucunequantité de beurre frais ne peut plus l'assouplir. Quiconque passedes années à étudier les enseignements, favorisant énormémentl'intellect et très peu l'expérience pratique, est comme le cuir durci.Les enseignements peuvent assouplir la dure peau d'ignorance et deconditionnements mais, lorsqu'ils sont stockés dans l'intellect,qu'ils ne pénètrent pas la personne par la pratique, qu'ils ne sont

 pas r écha uffé s pa r l' expé rien ce di recte , a lors la per sonn e peu t de ve-nir rigide et dure dans sa conception intellectuelle. Les nouveauxenseignements ne l'assoupliront pas, ne la pénétreront pas et ne lachangeront pas. Nous devons être attentifs à ne pas stocker lesenseignements comme de simples connaissances intellectuelles, de peur qu' ell es obstr uent l'a ccès à la sages se. Les ense igne ment s nesont pas des idées à collectionner, mais un chemin à parcourir.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 11/114

PREMIÈRE PARTIE

LA NATURE

DU RÊVE

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 12/114

1 - REVE ETREALITE

2 - NAISSANCE DE L'EXPÉRIENCE

 Nous rêvons tous, que nous en g ardio ns le souveni r ou non. Nousrêvons de notre naissance à notre mort. Chaque nuit nous pénétronsdans un monde inconnu. Nous avons notre apparence ordinaire ou

 bien somm es quel qu'u n de tout à f ait diff éren t. Nou s renco ntro nsdes gens que nous connaissons ou qui nous sont inconnus, qui sontvivants ou morts. Nous volons, rencontrons des êtres non-humains,faisons des expériences béatifiques, rions, pleurons, sommes terri-fiés, exaltés, ou transformés. Cependant, nous accordons générale-

ment peu d'importance à ces expériences extraordinaires.Beaucoup d'Occidentaux qui s'intéressent aux enseignements ontsur le rêve des idées nourries de théories psychologiques ; en consé-quence, lorsque l'utilisation des rêves dans leur vie spirituelle com-mence à les intéresser, ils se concentrent en général sur leur contenuet leur signification. La nature même de l'acte de rêver est rarementétudiée. Lorsqu'elle l'est, la recherche débouche sur les processusmystérieux qui sous-tendent la totalité de notre existence, et passeulement la partie pendant laquelle nous rêvons.

La première étape dans la pratique du rêve est toute simple : ondoit reconnaître les grandes possibilités qu'offre le rêve pour notredémarche spirituelle. On pense généralement que le rêve est"irréel", par opposition à la "réalité" de notre état vigile. Mais rienn'est plus réel que le rêve. Cette affirmation prend tout son sens dèsqu'il est compris que la vie à l'état de veille est aussi irréelle que lerêve, exactement de la même façon. On peut alors comprendre quele yoga du rêve s'applique à toute expérience, aux rêves de la jour-née comme à ceux de la nuit.

IGNORANCE

La totalité de notre expérience, rêves inclus, naît de l'ignorance.C'est une affirmation plutôt surprenante en Occident, aussi voyonsd'abord ce que l'on entend par ignorance  (ma-rigpa*).  La traditiontibétaine en distingue deux variétés, l'ignorance innée et l'igno-rance culturelle.

L'ignorance innée est la base du samsara. Elle caractérise par

définition les êtres ordinaires. C'est l'ignorance de notre vraienature et de la vraie nature du monde. Sous son effet, nous nousempêtrons dans les illusions de l'esprit dualiste.

La dualité réifie les polarités et les dichotomies. Elle divise l'unitésans faille de l'expérience en ceci et cela, juste et faux, vous et moi.

 Nous dévelo ppons à part ir de ces divisi ons concept uelle s des préfé -rences qui se traduisent par le désir et la répulsion, les réponseshabituelles qui constituent l'essentiel de ce que nous identifionscomme "moi". Nous voulons ceci, pas cela; croyons ceci, pas cela;respectons ceci et méprisons cela. Nous voulons le plaisir, leconfort, la richesse, la renommée et tentons d'éviter la douleur, la

 pauvre té, la hont e et l'in confor t. Nou s voul ons ces choses pournous-mêmes et ceux que nous aimons, sans nous soucier des autres.

 Nou s voul ons autre chose que ce que nous avons , ou bien noustenons à ce que nous avons et voulons éviter les changements inévi-tables qui en amèneront la perte.

La seconde variété d'ignorance est conditionnée par la culture.Elle vient, dans une culture donnée, de ce que les désirs et les répul-sions sont institués en système de valeurs et sont codifiés. En Inde,Par exemple, les Hindous pensent qu'il est incorrect de manger dea vache mais qu'on peut manger du porc. Les Musulmans croientqu ils peuvent manger du bœuf mais il leur est interdit de manger

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 13/114

24  yogas tibétains du rêve et du sommeil la nature  du  rêve  25

du porc. Les Tibétains mangent les deux. Qui a raison? L'Hindou pense que ce sont les Hind ous, le Musu lman pense que ce sont lesMusulmans et le Tibétain pense que ce sont les Tibétains. Les dif-férentes croyances ont leur origine dans les préjugés et lescroyances propres à la culture, pas dans la sagesse fondamentale.

On trouve un autre exemple dans les disputes philosophiques.Beaucoup de doctrines philosophiques sont définies l'une par rap-

 port à l' autre, par un désacc ord sur un poin t de détail . Bien que cesdoctrines soient conçues pour conduire les êtres à la sagesse, elles

 produ isent l'ign orance dans la m esure où leurs parti sans adhère nt àune vision duelle de la réalité. C'est inévitable pour tout systèmeconceptuel, quel qu'il soit, car l'esprit conceptuel est en lui-mêmeune manifestation d'ignorance.

L'ignorance culturelle est promue et maintenue par les traditions.Elle infiltre toute coutume, opinion, ensemble de valeurs, corpus deconnaissance. Pour les individus comme pour les cultures ces pré-férences sont fondamentales au point d'être considérées comme du

 bon sens ou la l oi divin e. Nou s g randi ssons en n ous attac hant à de s

croyances variées, à un parti politique, à un système médical, à unereligion, à une opinion sur ce que devraient être les choses. Nousrecevons un enseignement primaire, un enseignement secondaire,voire un enseignement supérieur et, d'une certaine façon, chaquediplôme nous permet de faire s'épanouir une ignorance plus raffi-née. L'instruction conforte l'habitude de voir le monde à travers unecertaine lentille. Nous pouvons devenir experts es vues erronées,acquérir une connaissance très précise et communiquer avecd'autres experts. Ce peut aussi être le cas dans la philosophie, quiétudie en détail des systèmes intellectuels et fait de l'esprit un ins-trument de recherche très fin. Mais, tant que l'ignorance innée n'est pas compri se, on est simpl ement en train de faire grand ir u ne nou-velle tendance, non la sagesse fondamentale.

 Nou s nous atta chons jus qu' aux plus peti tes choses : une marq uede savon, un style de coupe de cheveux. A grande échelle, nousinventons des religions, des systèmes politiques, philosophiques,

 psych olog ique s et des scien ces. Mais nul ne naît avec la croyan cequ'il est mauvais de manger du bœuf ou du porc, ou que tel système phil osoph ique est exact tan dis que tel autre est erroné , ou encor eque cette religion-ci est juste et celle-là est fausse. Tout ceci doit

être appris. L'adhésion à certaines valeurs résulte de notre igno-rance culturelle, tandis que la tendance à accepter des opinions bor-

nées vient de la dualité, qui manifeste notre ignorance innée.Ce n'est pas mauvais. C'est simplement ainsi. Nos attachements peuv ent mener à la guerre, mais ils se mani feste nt a ussi sous form ede technologies utiles et d'arts variés, qui sont un grand bienfait

 pour le mond e. Tant que nous somme s non-év eillé s, nous somme sdans la dualité, et c'est très bien. Un proverbe tibétain dit : "Lorsquetu as le corps d'un âne, réjouis-toi de la saveur de l'herbe."Autrement dit, nous devons jouir de cette vie et l'apprécier, car elleest pleine de sens et précieuse par elle-même, et parce que c'est lavie que nous vivons.

Si nous n'y prenons pas garde, les enseignements peuvent servir àmaintenir notre ignorance. On peut dire qu'il est mauvais pour quel-qu'un d'obtenir un grade supérieur, ou erroné d'observer des res-trictions diététiques, mais la question n'est pas là du tout. Ou bienl'on pourrait dire que l'ignorance est mauvaise, ou que la vie nor-male n'est qu'une stupidité samsarique. Mais l'ignorance est sim-

 plem ent un obscur cisse ment de la consci ence. Y être attac hé, ou larepousser, est toujours encore le vieux jeu de la dualité, joué cettefois dans le domaine de l'ignorance. Nous pouvons voir à quel pointelle est envahissante. Même les enseignements doivent composeravec la dualité - en encourageant l'attachement à la vertu, parexemple, et l'aversion pour le non-vertueux - en faisant paradoxale-ment appel à la dualité de l'ignorance pour triompher de l'ignorance.Que notre compréhension doit devenir subtile, et comme nous pou-vons nous perdre facilement ! Voilà pourquoi il est nécessaire de pra-tiquer, pour avoir une expérience directe au lieu d'échafauder seule-ment un autre système conceptuel à perfectionner et à défendre.Vues de haut, les choses ont tendance à s'aplanir. Du point de vue dela sagesse non-duelle, "important" et "dérisoire" n'existent pas.

 ACT ES ET RÉSU LTAT S : KARMA ET EMPR EINT ES KARM IQU ES

La culture dans laquelle nous vivons nous conditionne, mais c'est

nous qui portons les semences du conditionnement avec nous, oùque nous allions. Tout ce qui nous perturbe est en réalité dans notreesprit. Nous accusons l'environnement de notre mal-être, ou notresituation, et croyons que nous serions heureux si nous pouvions

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 14/114

26  yogas tibétains du rêve et du sommeil la la nature du rêve 27

changer l'état des choses. Mais la situation dans laquelle nous noustrouvons n'est que la cause secondaire de notre souffrance. La

cause primaire est l'ignorance innée et le désir qui en résulte de voirles choses être différentes de ce qu'elles sont.

 Nou s pou von s déc ide r d'é cha ppe r aux ten sio ns urb ain es enmigrant vers l'océan ou la montagne. Ou bien, nous pouvons quit-ter l'isolement et les difficultés de la campagne pour l'excitation dela ville. Le changement sera peut-être agréable car les causes secon-daires sont modifiées et l'on pourra éprouver du contentement.Mais seulement pour peu de temps. La racine de notre mal-êtreemménage avec nous dans notre nouveau foyer, où elle donneranaissance à de nouvelles insatisfactions. Nous serons bien vite prisde nouveau dans un tourbillon d'espoir et de crainte.

Ou bien, nous pouvons penser qu'avec un peu plus d'argent, unmeilleur compagnon ou une meilleure compagne, ou avec un corps,une éducation, un travail meilleurs, nous serions heureux. Maisnous savons que c'est faux. Les riches ne sont pas délivrés de lasouffrance, un nouveau compagnon nous mécontentera d'une

manière ou d'une autre, le corps vieillira, le nouveau travail devien-dra moins intéressant, et ainsi de suite. Lorsque nous pensons quela solution à notre malheur se trouve dans le monde extérieur, nosdésirs ne peuvent qu'être temporairement satisfaits. Ne le compre-nant pas, nous sommes poussés çà et là par les vents du désir, tou-

 jou rs agités et insat isfai ts. Nous somme s dirigés par notre karm a etne cessons de planter les graines d'une future récolte karmique.

 Non seul ement cette faço n de faire nous distra it du chemi n spiri -tuel, mais elle nous empêche en outre de trouver la satisfaction et le bonh eur dans notre vie quoti dienn e.

Tant que nous sommes identifiés avec le désir et la répulsion del'esprit en mouvement, nous produisons des émotions négatives:elles naissent dans l'espace qui sépare ce qui est de ce que nousvoulons. Les actes engendrés par ces émotions - ce sont pratique-ment tous les actes de notre vie ordinaire - laissent des empreinteskarmiques.

 Karma*  signifie action. Les empreintes karmiques* résultent desactions, restent dans la conscience mentale et influencent notre avenir.

 Nous pouvo ns compre ndre en partie ce qu'elles sont en les rappro-chant de ce qu'on appelle en Occident les tendances inconscientes. Ce

sont des penchants, des schémas de comportement intérieur et exté-rieur, des réactions invétérées, des manières de penser habituelles. Ces

tendances régissent nos réactions émotives aux événements et notrecompréhension intellectuelle, de même que les émotions habituellesqui nous caractérisent, et nos rigidités mentales. Elles créent, et condi-tionnent, chacune des réponses que nous donnons normalement à cha-cun des éléments de notre expérience.

Voici un exemple de traces karmiques grossières (mais la mêmedynamique est à l'œuvre aux niveaux les plus subtils et les plus pro-fonds de notre expérience). Un garçon grandit dans une famille oùl'on se querelle beaucoup. Trente ou quarante ans peut-être aprèsavoir quitté la maison, marchant dans la rue, l'homme qu'il est devenuentend des gens qui se disputent dans l'immeuble à côté duquel il passe. La nuit suivante, il rêve qu'il se querelle avec sa fe mme ou s acompagne. Au réveil, il se sent chagrin et renfermé. Sa partenaireremarque son humeur et y réagit, ce qui l'irrite encore davantage.

Cette succession d'événements nous révèle quelque chose desempreintes karmiques. L'homme, dans sa jeunesse, réagissait aux

altercations familiales par la peur, la colère et la peine. Il avait cesconflits en horreur - une réaction normale - et cette aversion alaissé une empreinte dans son esprit. Des décennies plus tard, pas-sant à côté d'une maison, il y entend une querelle; c'est la condi-tion secondaire qui stimule la vieille empreinte karmique, laquellese manifeste par un rêve.

Dans ce rêve, l'homme réagit par la colère et le chagrin à la pro-vocation de sa partenaire. Cette réponse est commandée par lestraces karmiques accumulées dans sa conscience mentale d'enfantet probablement souvent renforcées depuis. Lorsqu'il rêve qu'il est

 prov oqu é par sa part enai re (qui n'es t qu'u ne pro jec tio n de sonesprit), il réagit par la répulsion, exactement comme lorsqu'il étaitenfant. Cette réaction onirique est une action nouvelle, créatriced une graine karmique nouvelle. Au réveil, il est plongé dans desémotions négatives qui sont le fruit de karmas antérieurs ; il se sent

 blessé et éloig né de sa femm e. Pour compl ique r e ncore les choses,

celle-ci réagit selon ses propres tendances karmiques habituelles, peut-ê tre en s'e mport ant, en se sentant blessé e, en s 'excusan t, ou en   s

abaissant, ce qui entraîne une nouvelle réaction négative de   1

homme, semant encore une autre graine karmique.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 15/114

28  yogas tibétains du rêve et du sommeil la nature du rêve  29

Toute réaction à tout événement - extérieur ou intérieur, que l'onsoit réveillé ou que l'on rêve - qui a pour racine le désir ou la répul-sion laisse une trace dans l'esprit. A mesure que le karma dicte lesréactions, celles-ci sèment de nouvelles graines karmiques, qui dic-teront de futures réactions, et ainsi de suite. Voilà comment lekarma conduit à davantage de karma. C'est la roue du samsara, lecycle sans fin de l'action et de la réaction.

Bien que cet exemple concerne le karma au seul niveau psycho-logique, chaque dimension de l'existence est en fait déterminée parlui. Il façonne les phénomènes émotifs et mentaux de la vie d'unindividu, la perception et l'interprétation de l'existence, le fonc-tionnement du corps, et la causalité dynamique du monde extérieur.Chaque aspect de l'existence, qu'il soit petit ou grand, est gouverné

 par l e k arma.Les empreintes laissées par le karma dans l'esprit sont comme

des semences. Comme elles, les empreintes karmiques requièrentcertaines conditions pour se manifester. La semence a besoin de lacombinaison adéquate de lumière, d'humidité, de nutriments et detempérature pour germer et grandir; de même, l'empreinte kar-mique se manifeste lorsqu'elle rencontre la situation adéquate. Leséléments de la situation qui favorisent la manifestation du karmasont connus sous le nom de causes et conditions secondaires.

Il est utile de comprendre que le karma est la loi de causalité, carcela conduit à reconnaître que les choix faits en réponse à n'importequelle situation, extérieure ou intérieure, ont des conséquences.Lorsque nous comprenons vraiment que chaque empreinte kar-mique porte en germe une action future régie par le karma, nous pouv ons util iser ce savoi r pour évit er de créer la négat ivit é dansnotre vie et pour créer, au contraire, les conditions qui l'orienteront positi vement . Ou bi en, si n ous savons comm ent faire, nous pouvo nslaisser les émotions s'auto-libérer dès qu'elles surviennent; aucunnouveau karma n'est plus créé.

KARMA NÉGATIF

Si nous réagissons à un événement par une émotion négative, l'em- preinte laissée dans l'esprit mûri ra un j our et donner a un e conno ta-tion négative à une situation de la vie. Par exemple, si quelqu'un esten colère contre nous et que nous réagissons nous-même par la

colère, nous créons une empreinte qui facilitera à l'avenir les accèsde colère en nous ; de surcroît, nous serons plus exposés à rencontrerles situations secondaires qui déclencheront notre colère habituelle. Ilest facile de nous en rendre compte si nous sommes très coléreux ousi nous connaissons quelqu'un qui l'est. Les gens coléreux ne cessentd'être confrontés à des situations qui semblent justifier leur colère, cequi n'est pas le cas pour les gens pacifiques. Les situations secon-daires peuvent sembler similaires, mais les tendances karmiques dif-férentes créent des mondes subjectivement différents.

Une émotion exprimée impulsivement peut engendrer de puis-sants résultats et de violentes réactions. La colère peut conduire àse battre ou à quelque autre sorte de destruction. Il peut y avoir bles-sure physique ou psychique. Cela n'est pas vrai que pour la colère ;l'expression de la peur peut aussi être une forte agression pour la

 perso nne qui la subit, peut lui alié ner ses amis, et ainsi de suite. Iln'est pas trop difficile de voir que tout ceci laisse des traces quiinfluencent négativement l'avenir.

Si nous supprimons l'émotion, l'empreinte négative n'en persiste

 pas moin s. Suppr imer est une mani fest atio n d'aver sion. Nou s sup- prim ons lorsq ue nous répri mons quel que chose en nous, lorsq uenous mettons quelque chose derrière une porte que nous ver-rouillons et imposons à une partie de notre expérience l'obscuritédans laquelle elle attend, apparemment hostile, la cause secondaireappropriée qui la fera surgir. Cela peut se manifester de bien desmanières. Par exemple, si nous réprimons notre jalousie envers lesautres, elle peut un jour ou l'autre se manifester par une explosionémotive, ou se traduire par nos jugements sévères envers des per-sonnes dont nous sommes secrètement jaloux, même si nous refu-sons de l'admettre. Le jugement est aussi une action, fondée sur larépulsion, qui crée des graines de karma négatif.

KARMA POSITIF

Au lieu d'une de ces réponses négatives - se comporter commeexige la tendance karmique ou la réprimer - nous pouvons mar-

quer un temps d'arrêt pour entrer en contact avec nous-même etdécider de mettre en œuvre l'antidote à l'émotion négative. Si quel-qu'un est en colère contre nous et que notre propre colère monte,antidote est la compassion. L'engendrer peut d'abord sembler

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 16/114

30  yogas tibétains du rêve et du sommeil la nature du rêve 31

forcé et dénué de sincérité. Cependant, si nous comprenons que la person ne qui nous irrite est l e jou et de son p ropre condi tion nemen t,

et que sa conscience est aveuglée parce qu'elle est prisonnière deson karma négatif, alors nous ressentons une certaine compassionet pouvons commencer à nous détacher de notre émotion négative.Ce faisant, nous commençons à modeler positivement notre futur.

Cette réponse nouvelle reste basée sur le désir - de vertu, de paixou de croissance spirituelle - mais son résultat karmique est posi-tif: nous avons planté la graine de la compassion. Lors de notre pro-chain mouvement de colère, nous serons un peu plus enclins àréagir avec compassion. C'est une réponse bien plus confortable etouverte que l'enfermement dans la colère d'auto-protection. Decette façon, la pratique de la vertu réajuste peu à peu notre réponseau monde et nous observons, par exemple, que nous sommes demoins en moins en colère, tant intérieurement qu'extérieurement.Si nous poursuivons la pratique, la compassion peut même s'éleverspontanément et sans effort. En nous aidant de la compréhension dukarma, nous pouvons réformer notre esprit pour que toutes les cir-

constances, même les rêveries les plus intimes et les plus fugitives,soutiennent notre pratique spirituelle.

LIBÉRER LES ÉMOTIONS

La meilleure réponse à l'émotion négative est de la laisser s'auto-libérer, en restant soi-même dans la conscience non-duelle, libre desaisie et de rejet. Si nous y parvenons, l'émotion passe comme l'oi-seau traverse le ciel; il ne reste aucune trace de son passage.L'émotion surgit et, spontanément, elle se dissout dans la vacuité.

Dans ce cas, la semence karmique se manifeste (sous la formed'une émotion, d'une sensation corporelle, ou d'une pulsion face àcertains comportements) mais, en ne répondant ni par la saisie ni

 par le rejet , nous ne créon s aucu n germ e de karm a fut ur. Chaq uefois que nous laissons par exemple le désir s'élever et disparaîtredans la vacuité sans être emportés par lui et sans essayer de le répri-mer, la tendance karmique au désir perd de sa force. Aucune action

nouvelle ne la renforce. Libérer ainsi l'émotion tranche le karma àsa racine. C'est comme si nous brûlions les semences karmiquesavant qu'elles n'aient la possibilité de germer et de devenir assezgrandes pour perturber notre vie.

On peut se demander pourquoi il vaut mieux libérer l'émotionqu'engendrer du karma positif. La réponse est que toutes lesempreintes karmiques sont contraignantes ; elles agissent de façonà nous enfermer dans des identités particulières. Le but du cheminest la libération totale de tous les conditionnements. Cela ne signi-fie pas que les traits de caractère positifs, comme la compassion,n'existent plus après la libération. Ils existent. Mais, quand nous nesommes plus le jouet des tendances karmiques, nous voyons claire-ment notre situation et y répondons spontanément de manièreappropriée, au lieu d'être poussés dans une direction ou tirés dansune autre. La compassion relative qui naît des tendances karmiques posit ives est t rès bonne, mais la c ompas sion absolu e et p arfai te quinaît sans effort chez l'individu libéré du conditionnement karmiqueest encore meilleure. Elle est universelle et inconditionnelle, totale-ment efficace, libre des illusions de la dualité.

Laisser l'émotion s'auto-libérer est la meilleure des réponses, maiselle est difficile à donner tant que notre pratique n'est pas avancée etstable. Néanmoins chacun de nous, quel que soit son niveau de pra-

tique actuel, peut s'arrêter un instant quand surgit l'émotion pourfaire intérieurement le point et choisir d'agir aussi adroitement que possi ble. Nous pouv ons tous appren dre à émous ser la force de la pulsi on, la fo rce des h abitu des karmiq ues. Nous pouvo ns f aire appelà la réflexion, en nous souvenant que l'émotion éprouvée est sim-

 pleme nt l e f ruit de tr aces karmiq ues antérieu res. Il devient alors pos-sible de relâcher notre identification à l'émotion ou à l'opinion, etnous cessons d'être sur la défensive. Lorsque le nœud de l'émotionse défait, l'identité se libère et devient plus vaste. Nous pouvonschoisir une réponse plus positive, plantant des graines de karma

 posit if. Encor e une fois , il est impo rtant d'agi r ainsi sans répri merl'émotion. Nous devons nous détendre lorsque nous engendrons lacompassion, et non pas supprimer de façon rigide la colère dansnotre corps en tentant d'avoir de bonnes pensées.

La démarche spirituelle n'a pas pour but d'améliorer un lointainfutur ou notre prochaine vie. Lorsque nous nous entraînons à réagir

de façon plus positive aux situations, nous modifions nosempreintes karmiques et développons des qualités qui produisentdes changements positifs dans notre vie actuelle. En voyant nette-ment que tout événement, aussi minuscule et intime soit-il, produit

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 17/114

28  yogas tibétains du rêve et du sommeil la nature du rêve  33

un résultat, nous sommes enclins à utiliser cette compréhension pour chan ger n otre vie et nos rêves.

POLLUTIONS DE LA CONSCIENCE

Les empreintes karmiques restent en nous en tant que résidus psy-chiques d'actes accomplis par désir ou répulsion. Ce sont des impu-retés stockées dans la conscience de base de la personne  (kunshinamshé*).  Bien qu'on la compare à un réservoir, kunshi namshédéfinit en réalité la conscience polluée: quand la conscience necontient rien qui la pollue, kunshi namshé n'existe pas. Ce n'est niune chose, ni un lieu ; c'est la dynamique qui sous-tend l'organisa-tion de l'expérience dualiste. Elle est aussi immatérielle qu'unensemble d'habitudes, et aussi puissante que les habitudes qui per-mettent au langage de faire sens, aux formes de devenir des objets,à l'existence de nous apparaître comme une chose intelligible quenous pouvons diriger et comprendre.

La métaphore ordinaire pour désigner kunshi namshé est unmagasin ou un entrepôt, indestructible. On peut penser que kunshinamshé abrite une collection de schémas ou de scénarios. C'est unegrammaire d'expériences qui est affectée plus ou moins fortement par chacu ne de nos acti ons, extér ieur e ou inté rieur e, phys ique oumentale. Aussi longtemps qu'existent des tendances habituellesdans l'esprit d'une personne, kunshi namshé existe. Lorsque l'onmeurt et que le corps se dégrade, il n'en va pas de même pour kun-shi namshé. Les empreintes karmiques persistent dans laconscience mentale tant qu'elles ne sont pas évacuées. Lorsqu'ellessont entièrement éliminées, kunshi namshé n'existe plus et la per-sonne est un bouddha.

EMPREINTES KARMIQUES ET RÊVE

Toute expérience samsarique est configurée par les empreinteskarmiques. Les humeurs, les émotions, les images mentales, les perc ept ions , les réact ions inst inct ives , le "bon sens" , et mêm e lesens de notre identité, tous sont déterminés par le fonctionnement

karmique. Par exemple, vous pouvez vous réveiller déprimé. Vous prene z le petit -déje uner, tout semble aller très bien, et vous éprou -vez pourtant un sentiment inexplicable de dépression. Nous disonsdans ce cas qu'un certain karma est en train de mûrir. Les causes et

les conditions se sont rencontrées de telle sorte que la dépression semanifeste. Il peut y avoir une centaine de raisons pour qu'elle sur-vienne justement ce matin-là, et elle peut se manifester suivant des

myriades de façons. Elle peut aussi le faire la nuit, en rêve.Dans le rêve, les empreintes karmiques apparaissent à la

conscience qui n'est pas entravée par l'esprit rationnel grâceauquel, bien souvent, nous évacuons après coup une sensation ouune image mentale fugitive. Nous pouvons imaginer le déroulementsuivant. Dans la journée, la conscience éclaire les sens et nous fai-sons l'expérience du monde, tissant nos ressentis sensoriels et psy-chiques pour produire l'ensemble cohérent de notre vie. La nuit, laconscience se retire des sens et réside dans la base. Si nous avonsune solide pratique de la présence, avec une grande expérience dela nature vide et lumineuse de l'esprit, nous aurons conscience decette nature pure et brillante et y demeurerons. Mais, pour la plu-

 part d'ent re nous , la cons cien ce éclai re les emp rein tes karm iqu esqui se manifestent sous forme de rêve.

Les empreintes karmiques sont comme des photographies quenous faisons de chaque expérience. Toute réaction visant à saisir ou

à rejeter un phénomène - souvenir, impression, perception senso-rielle ou pensée - revient à prendre une photographie. Dans lachambre noire de notre sommeil, nous développons la pellicule.Les conditions secondaires récemment rencontrées déterminent lesimages qui seront développées au cours d'une nuit donnée.Certaines sont profondément gravées en nous par de puissantesréactions, tandis que d'autres, qui correspondent à des expériencessuperficielles, ne laissent qu'une marque légère. Notre conscience,telle la lumière d'un projecteur, éclaire les traces qui ont été acti-vées et deviennent les images et les expériences du rêve. Nous lesfaisons se succéder à la manière d'un film (car c'est ainsi que notre

 psych isme fonct ionn e p our fabri quer du sens) et n ous obten ons unehistoire, construite à partir des tendances et identifications habi-tuelles, qui est le rêve.

Le même processus intervient continuellement à l'état de veille,où il élabore ce que nous pensons communément être "notre expé-rience". La dynamique est cependant plus facile à comprendre dansle rêve, car on peut l'observer sans les limitations du monde maté-riel et de la conscience rationnel le. Dans la journé e, nous sommes

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 18/114

34  yogas tibétains du rêve et du sommeil la nature du rêve 35

engagés dans le même processus de production onirique, mais nous proj eton s cette activ ité ment ale sur le mond e et penso ns que nos

expériences sont "réelles" et extérieures à notre propre esprit.Dans le yoga du rêve, cette compréhension du karma estemployée pour entraîner l'esprit à réagir autrement à l'expérience,afin de créer des empreintes karmiques nouvelles, à partir des-quelles sont engendrés des rêves plus favorables à la pratique spiri-tuelle. Il n'est pas question ici de violence. La conscience n'op- prim e pas auto rita irem ent l'in consc ient . Au cont raire , le yoga durêve nous propose d'élargir la conscience et la vision profonde pourque nous puissions faire des choix positifs dans la vie. Comprendrela structure dynamique de l'expérience et les conséquences desactions mène à reconnaître que toute expérience, quelle qu'elle soit,est une occasion de pratique spirituelle.

La pratique du rêve nous fournit aussi une méthode pour brûler lessemences du karma futur. En demeurant dans la pleine conscience

 pendan t que nous rêvons, nous perme ttons aux traces karmi ques des'auto-libérer lorsqu'elles s'élèvent. Elles ne pourront dès lors plus

se manifester dans notre vie sous forme d'états négatifs. De mêmequ'à l'état de veille, ceci ne peut se produire qu'à condition de pou-voir rester dans l'état non-duel de pleine conscience de  rigpa*,  laclaire lumière de l'esprit. Si cela ne nous est pas possible, nous pou-vons cependant amplifier les tendances à choisir un comportementspirituel positif, même dans nos rêves, jusqu'à ce que nous puissionstranscender les préférences et la dualité.

Ultimement, quand les impuretés sont éliminées jusqu'à la dernière,nulle pellicule, nulle influence karmique cachée n'est plus là pourcolorer et modifier la lumière de notre conscience. Lorsque lesempreintes karmiques, qui sont les racines des rêves, sont entièrementépuisées, il ne reste plus que la pure lumière de la pleine conscience.Il n'existe plus de film, d'histoire, de rêveur, de rêve, seulement lalumineuse nature fondamentale qui est la réalité absolue. C'est pour-quoi l'illumination est la fin des rêves et porte le nom d' "éveil".

LES SIX MONDES D'EXISTENCE CYCLIQUE

Selon les enseignements, il existe six mondes   (loka*)  d'exis-tence* dans lesquels vivent tous les êtres pris dans l'illusion. Cesont les mondes des dieux, des demi-dieux, des humains, des

animaux, des esprits avides et des êtres infernaux.Fondamentalement, ces mondes représentent six dimensions deconscience, six dimensions d'expérience possible. Leurs manifesta-tions en nous sont les six émotions négatives : colère, avidité, igno-rance, jalousie, orgueil, distraction agréable. La distraction agréablecorrespond à la présence harmonieusement équilibrée et en quantitéégale des cinq autres émotions. Les six mondes ne sont cependant pas seule ment des types d'exp érienc e, mais aussi des mond es réelsoù naissent des êtres, comme nous-mêmes naissons dans le mondedes humains, ou comme un lion naît dans le monde des animaux.

Chaque monde peut être envisagé comme un continuum d'expé-rience. Le monde des enfers, par exemple, englobe le ressenti inté-rieur de colère et de haine, les comportements ancrés dans la colèrecomme la lutte et la guerre, les institutions, préjugés et tendancesfondées sur la haine telles les armées, la haine raciale et l'intolé-rance, et l'enfer réel où existent des êtres. Le nom donné à la tota-lité de cette dimension d'expériences, de l'émotion individuelle aumonde réel, est "enfer".

Comme les rêves, les mondes sont les manifestations de traceskarmiques, mais, s'agissant des mondes, elles sont collectives plu-tôt qu'individuelles. Le karma étant collectif, les êtres de chaquemonde vivent dans un monde consensuel où ils partagent le mêmetype d'expériences, comme nous partageons les expériencesd'autres êtres humains. Le karma collectif crée des corps, desorganes des sens et des capacités mentales qui permettent aux indi-vidus de partager certaines possibilités et catégories d'expérience etleur en interdisent d'autres. L'espèce canine, par exemple, estcapable d'entendre des sons inaudibles aux humains, qui ont eux-mêmes un langage inaccessible aux chiens.

Bien que les mondes semblent distincts et consistants, commenous apparaît le nôtre, ils sont en réalité oniriques et immatériels.Ils s'interpénétrent et nous sommes reliés à chacun d'eux. Nousavons en nous les graines de la renaissance dans les autres mondeset certaines des émotions que nous éprouvons nous font participer

à des qualités et à des souffrances particulières qui y prédominent.Lorsque nous sommes pris dans une bouffée d'orgueil ou que la

 jal ousi e nous enfl amm e, par exemp le, nous expé rime nton s en par-tie ce qui caractérise le monde des demi-dieux.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 19/114

36  yogas tibétains du rêve et du sommeil

Parfois, une dimension prédomine dans la personnalité des indi-vidus ; elle évoque davantage l'animal, ou l'esprit avide, ou le dieu,ou le demi-dieu. Elle apparaît comme un trait dominant de carac-tère et peut se reconnaître à la façon qu'ont ces personnes de parler,de marcher, d'être en relation. Nous pouvons connaître des gens quisemblent toujours prisonniers du monde des esprits avides : jamaisrassasiés, toujours affamés de tout, ils exigent sans cesse davantagede leurs amis, de leur environnement, de leur vie, sans jamais pou-voir être satisfaits. Ou peut-être connaissons-nous quelqu'un quiressemble à un être infernal : coléreux, violent, furieux, agité. Plusgénéralement, les personnes présentent des traits de caractèreappartenant à toutes les dimensions de conscience.

Comme ces dimensions de conscience se manifestent par desémotions, leur universalité se révèle. Chaque culture, par exemple,connaît la jalousie. La manifestation de la jalousie peut varier, carl'expression de l'émotion est un moyen de communication, un lan-gage gestuel, déterminé à la fois par la biologie et par la culture quifournit la variable. Mais le sentiment de jalousie est le même par-

tout. Dans le bœun/bouddhisme, cette dimension universelle estexpliquée par la réalité des mondes et lui est corrélée.Les six émotions négatives ne sont pas censées constituer la liste

exhaustive des émotions. Débattre de la place de la tristesse ou dela peur dans les mondes ne sert à rien. La peur peut survenir dansn'importe lequel d'entre eux, de même que la tristesse, la colère, la

 jalo usie, ou l'am our. Bien que les émot ions négat ives nous affec -tent, et affectent spécifiquement les six mondes, elles sont aussi lesmots-clés dont l'ensemble représente la globalité de l'expérience,depuis l'émotion individuelle jusqu'aux mondes réels. Et chacun deces mots-clés définit lui-même d'immenses possibilités d'expé-riences, incluant de multiples émotions.

On appelle chemins les six tendances de la conscience parcequ'elles conduisent quelque part: elles nous emmènent à l'endroitde notre renaissance tout comme dans différents mondes d'expé-rience durant cette vie. Lorsqu'un être est pris au piège d'une émo-

tion négative ou s'identifie à elle, certains résultats s'ensuivent.C'est ainsi que le karma opère en réalité. Par exemple, pour naîtreen tant qu'humain, nous avons dû observer scrupuleusementl'éthique dans nos vies antérieures. Même la culture populaire

la nature du rêve 37

l'atteste, qui considère qu'une personne est "pleinement humaine"lorsque mûrissent en elle l'amour et l'altruisme.

Si la vie que nous menons est dominée par les émotions négativesde la haine ou de la colère, nous obtiendrons un résultat différent :nous renaîtrons en enfer. Il arrive réellement, et aussi psychologi-quement, qu'un être renaisse dans le monde infernal. S'ouvrir à ladimension de la haine fait vivre des expériences que, même danscette vie, on appelle infernales.

A l'évidence, cela ne signifie pas que tous les êtres humains ten-tent d'échapper à de telles expériences. Le karma peut entraînerquelqu'un si fortement dans une direction que l'émotion négativedevient plaisante. Pensez à tous les "divertissements" remplis dehaine, de meurtres et de guerres. Nous pouvons y prendre goût. Nous dison s : "La guerre, c'e st l'e nfe r", mais nomb re d'e ntr e n ousaspirent à la guerre.

 Notr e pe ncha nt po ur l 'un e ou l'a utr e d e ces dime nsion s pe ut aussiêtre culturel. Par exemple, dans une société qui considère le guer-rier violent comme un héros, on peut être poussé dans cette direc-

tion. Ceci est un exemple de l'ignorance culturelle évoquée précé-demment.

Les six mondes peuvent sembler imaginaires aux Occidentaux. Nous pouv ons cepen dant recon naît re leurs mani fest atio ns dansnotre propre expérience, dans nos rêves et notre vie, ainsi que dansles vies de nos proches. Quelquefois, par exemple, nous avons l'im- pressi on d'ê tre perdus . Nous savons comm ent gérer notr e routi nequotidienne, mais sa signification nous échappe. Le sens a disparu,non du fait de la libération, mais par manque de compréhension. Nous rêvon s q ue nous somm es embo urbés , ou dans un lieu obscur ,ou dans une rue sans repères. Nous entrons dans une pièce sansissue, ou ne savons pas dans quelle direction aller. Tout ceci peutmanifester l'ignorance du monde des animaux. (L'ignorance enquestion n'est pas la même que l'ignorance innée, c'est plutôt uneopacité mentale, un manque d'intelligence).

 Nous part icip ons un peu au mon de des dieu x lorsq ue nous nous

 perdo ns dans la distr actio n agréab le, jou issa nt de pério des insou -ciantes de plaisir et de bonheur. Mais, final ement, ces période ss'achèvent. Tant qu'elles durent, notre conscience semble res-treinte. Nous restons dans une sorte de superficialité, évitant de

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 20/114

38  yogas tibétains du rêve et du sommeil la nature du rêve 39

regarder en profondeur ce qui se passe autour de nous, évitant de pren dre cons cien ce de la sou ffra nce envi ronna nte. Il est bon de

 jou ir de péri odes agréa bles dans notre vie, mais si nous ne prat i-quons pas, si nous ne continuons pas à nous délivrer des identitéscontraignantes et erronées, nous arriverons à la fin de ces périodes

 plei nes d'agr ément s et t ombe rons sans y être prépa rés dans un état plus diffi cil e, où nous rencon trero ns prob able ment une souf fran ceou une autre. On éprouve souvent, à la fin d'une petite fête ou d'une

 jou rnée très agréa ble, une sorte d'aba tte ment ou de dépre ssio n aumoment de rentrer chez soi. De même qu'on peut avoir l'humeurchagrine en retournant travailler après un week-end heureux. Nous avons tou s des pério des au cours desqu elle s nous expér i-

mentons des mondes différents : le bonheur du monde des dieux, par ex empl e au c ours de nos vacan ces ou d 'une prome nade avec desamis, la douleur de l'avidité lorsque nous voyons une chose dontnous pensons qu'il nous faut la posséder, la honte de l'orgueil blessé, les affr es de la jalo usie, l'enf er de l'amer tume et d e l a hai ne,l'aveuglement et la confusion de l'ignorance. Nous passons facile-

ment et souvent du vécu d'un monde à celui d'un autre. Nous avonstous fait l'expérience d'être d'humeur très heureuse, reliés aumonde divin ; le soleil brille, les gens sont beaux, nous nous sentons bien. Et voil à q ue nous recevo ns de mauv aises nouvel les, ou qu'unami dit quelque chose qui nous blesse. Soudain, le monde lui-mêmesemble avoir changé. Les rires sonnent faux, le ciel est froid etindifférent, les autres ne nous semblent plus attirants du tout et plusrien ne nous paraît plaisant. Nous avons modifié les paramètres del'expérience et le monde semble avoir changé avec nous. C'estexactement ainsi que les êtres des autres mondes sont en relationavec tous les mondes : un chat, ou un demi-dieu, peuvent éprouverla colère, la jalousie, la soif d'émotions, et ainsi de suite.

 Nous faison s aussi l'expérien ce des six m ondes dans la vi e de nosrêves. De la même manière que les six émotions négatives détermi-nent le ressenti de notre vécu quotidien, elles définissent la tonalité etle contenu des rêves. Les rêves sont infiniment variés mais tous les

rêves karmiques ont un rapport avec l'un ou plusieurs des six mondes.Ce qui suit est une brève présentation des six mondes.

Traditionnellement, on décrit les lieux et les êtres qui les habitent.Les enfers, par exemple, sont au nombre de dix-huit, dont neuf

enfers chauds et neuf enfers froids. Tous les détails des descriptionstraditionnelles ont un sens. Mais nous nous centrons ici sur l'expé-

rience que nous faisons des mondes maintenant, dans cette vie. Nou s somm es en relat ion énerg étiq ue avec chaqu e dim ensio n del'expérience grâce à un centre d'énergie   (chakra*)  du corps. Leslocalisations de ces chakras sont énumérées dans le tableau ci-des-sous. Les chakras tiennent une grande place dans de nombreuses

 prat ique s et ils j oue nt u n rô le impo rtan t d ans le yoga du rêve.

monde des enfers

La colère est l'émotion-germe du monde des enfers. Lorsque lestraces karmiques de la colère se manifestent, elles s'expriment denombreuses façons différentes, telles que la répulsion, la tension, leressentiment, la critique, la controverse et la violence. Beaucoup dedestructions lors des guerres sont dues à la colère, et de nombreuses

 pers onne s meur ent chaqu e j our à c ause d'ell e. La colè re ne résou tcependant jamais aucun problème. Lorsqu'elle nous domine, nous

 perdo ns la maîtr ise et la consci ence de nous- même s. Lorsqu e nous

sommes emportés par la haine, la violence et la colère, ou que nousen sommes victimes, nous participons au monde des enfers. Lecentre énergétique de la colère se situe à la plante des pieds.L'antidote à la colère est l'amour pur, non-conditionné, qui naîtd'un esprit non-conditionné. Traditionnellement, les enfers com-

 prenn ent neuf enfer s chaud s et neuf enfe rs froi ds. Les êtres qui yséjournent souffrent immensément, torturés à mort et renaissantsans cesse instantanément.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 21/114

40  yogas tibétains du rêve et du sommeil la nature du rêve 41

monde des esprits avides

L'avidité est l'émotion-germe du monde des esprits avides   {pré-tas). Elle se manifeste comme un sentiment de manque excessif quine peut pas être satisfait. Essayer de satisfaire l'avidité est comme boire de l'eau salée lorsq u'on est asso iffé . Quand on est égaré parl'avidité, on cherche la satisfaction à l'extérieur plutôt qu'à l'inté-rieur, mais on n'en trouve jamais suffisamment pour remplir le videauquel on souhaite échapper. La vraie faim que nous ressentons estcelle de connaître notre nature propre.

L'avidité est associée au désir sexuel; son centre énergétique estle chakra postérieur aux organes génitaux. La générosité, le donsans contrepartie fait aux autres de ce qu'ils désirent, dénoue lenœud serré de l'avidité.

On représente traditionnellement les prêtas comme des êtres affa-més dotés d'abdomens énormes, avec une bouche et une gorgeminuscules. Certains habitent des contrées desséchées où la notionmême d'eau est inconnue depuis des centaines d'années. D'autres peuv ent trouv er à bo ire et à m anger , mais s'ils aval ent ne serait -ce

qu'une gorgée à travers leur petite bouche, la nourriture s'enflammedans leur estomac en provoquant une grande douleur. Il existe beau-coup de types de souffrances pour les prêtas, mais toutes résultentde leur avarice et de leur hostilité à la générosité d'autrui.

monde des animaux

L'ignorance est le germe du monde des animaux. On l'éprouvesous la forme du sentiment d'être perdu, d'avoir l'esprit terne,imprécis, vague. De nombreuses personnes éprouvent une obscuritéet une tristesse enracinées dans cette ignorance ; elles ressentent un

 besoin, mais ne savent même pas ce qu'elle s ve ulent ou c e q ui pour-rait les satisfaire. En Occident, on considère souvent que les genscontinuellement occupés sont heureux, mais on peut être perdu dansl'ignorance au cœur de son travail quand on ignore sa nature propre.

Le chakra associé à l'ignorance est au centre du corps, à la hau-teur du nombril. La sagesse à laquelle on accède en se tournant vers

l'intérieur de soi-même et en découvrant son être véritable est l'an-tidote de l'ignorance.

Les êtres du monde animal sont sous l'influence d'une ignoranceopaque. Les animaux vivent dans la peur à cause de la menace

 perman ente d'autre s anim aux et des humai ns. Même les grands ani-maux sont tourmentés par des insectes qui creusent leur peau etvivent sur leur chair. On trait les animaux domestiques, on les

charge, les castre, leur perce le nez, on les monte, sans qu'ils puis-sent s'échapper. Les animaux ressentent la douleur et le plaisir,mais ils sont dominés par l'ignorance qui les empêche de découvrirleur vraie nature à travers les événements de leur vie.

monde des humains

Le désir est F émotion-racine du monde des humains. Sous sonemprise, nous tenons fortement à ce que nous avons et voulons legarder pour nous, que ce soit une idée, une possession, une relation. Nous voyon s la source du b onheu r dan s q uelque chose qui nous estextérieur, ce qui accroît l'attachement à l'objet de notre désir.

Le désir est en relation avec le centre cardiaque, dans le corps.L'antidote au désir est une grande ouverture du cœur, l'ouverturequi survient quand nous contactons notre vraie nature.

Il nous est facile d'observer les souffrances de notre propre

monde. Nous subissons la naissance, la vieillesse, la mort. Noussommes tourmentés par la perte due au changement permanent.Lorsque nous atteignons l'objet de notre désir, nous luttons pour leconserver, mais sa perte finale est certaine. Plutôt que de nousréjouir du bonheur d'autrui, nous sommes en proie à l'envie et à la

 jal ousi e. Bien que la n aissa nce en t ant qu'êtr e huma in soit consi dé-rée comme le comble du bonheur, parce que les humains ont la pos-sibilité d'écouter et de pratiquer les enseignements, seule uneinfime minorité d'entre nous trouve son chemin vers cette grandeopportunité et en profite.

monde des demi-dieux

L'orgueil est la principale affliction des demi-dieux   (asuras).L'orgueil est un sentiment lié à la réussite et il est souvent territorial.L'orgueil des individus et des nations qui croient avoir la solutiondes problèmes d'autres peuples est une cause de guerre. Un aspect

caché de l'orgueil se manifeste par l'auto-dépréciation égocentrique,lorsque nous nous croyons plus mauvais qu'autrui dans un domaine

 parti culie r ou un tr ait de caractè re, ce qui n ous singul arise.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 22/114

42  yogas tibétains du rêve et du sommeil la nature du rêve 43

L'orgueil est associé au chakra de la gorge. Il se traduit souvent par des actio ns courro ucées , et son antid ote est la grande paix etl'humilité qui apparaissent quand nous demeurons dans notre vraienature.

Les asuras vivent dans le plaisir et ne manquent de rien, mais ilsinclinent à la jalousie et à la colère. Ils ne cessent de se disputer.Leur plus grande souffrance survient quand ils déclarent la guerreaux dieux qui jouissent d'une abondance encore supérieure à laleur. Les dieux sont plus puissants que les asuras et très difficiles àvaincre. Ils gagnent toujours les guerres. Les asuras subissent alorsle traumatisme émotionnel d'une blessure d'orgueil et de jalousie,

 par laquel le ils se sente nt amoi ndri s et qui, à son tour , les condu itsans cesse à de vains combats.

monde des dieux

La distraction agréable est le germe du monde des dieux. Dans cemonde, les cinq émotions négatives sont équitablement présentes etéquilibrées comme les cinq voix harmonieuses d'un chœur. Les

dieux sont perdus dans un état grisant de joie paresseuse et de plai-sir égocentrique. Ils jouissent d'abondantes richesses et du bien-être pendant des vies aussi longues qu'un éon. Tous les besoinssemblent couverts et tous les désirs satisfaits. Tout comme cela estvrai pour certaines personnes et certaines sociétés, les dieux se pren nent au pièg e du plai sir et de la pours uit e du plai sir. Ils n'on taucun sens de la réalité cachée sous leur expérience. Abîmés dansles jouissances et les divertissements dénués de sens, ils sont dis-traits et ne se tournent pas vers le chemin de la libération.La situation finit cependant par changer lorsque les causes kar-miques de l'existence dans le monde divin sont épuisées. Quand lamort s'approche, le dieu mourant est abandonné par ses compa-gnons et ses amis, incapables d'affronter la preuve de leur propremortalité. Le corps jusqu'alors parfait vieillit et se dégrade. La pério de de bonh eur est term inée . Sa clai rvoya nce perm et au dieu(ou à la déesse) de voir quelles seront les conditions d'existence du

monde de souffrance dans lequel il, ou elle, est voué(e) à renaîtreet, déjà avant la mort, commencent les souffrances de la vie à venir.Le monde divin est associé au chakra coronal de la tête.L'antidote à la jouissance égoïste des dieux est la compassion née

spontanément de la prise de conscience de la réalité qui sous-tendle monde et soi-même.

POURQUOI ÉMOTION "NÉGATIVE"?

Beaucoup d'Occidentaux sont mal à l'aise en entendant qualifierdes émotions de "négatives". Mais ce ne sont pas les émotions enelles-mêmes qui sont négatives. Toutes les émotions aident à sur-vivre et sont nécessaires à la totalité de l'expérience humaine, ycompris l'attachement, la colère, l'orgueil, le désir, etc. Sans lesémotions, nous ne vivrions pas pleinement.

Les émotions sont cependant négatives dans la mesure où nousnous laissons prendre à leur piège et perdons le contact avec lesaspects les plus profonds de nous-mêmes. Elles sont négatives sielles nous font réagir par la saisie ou le rejet, car nous subissonsalors une limitation de la conscience et de la personnalité. Noussemons les graines de futures conditions négatives. Celles-ci nousretiennent dans les mondes de la souffrance, pour cette vie et lesvies futures, mondes où il pourra être difficile d'entreprendre une

démarche spirituelle. Ce résultat est négatif quand on le compare àune identité plus ouverte et tout particulièrement quand on le com- pare avec la libér ation hors de tout es les ident ific atio ns const ruit eset limitées. C'est pourquoi il importe de considérer les mondes non

 pas comm e de simpl es émot ions , mais comm e six dime nsion s deconscience et d'expérience.

Il existe des différences culturelles par rapport à l'émotion. La peur, par exemp le, et la tris tesse ne sont pas souve nt ment ionn éesdans les enseignements, bien que le samsara en soit teinté. Et leconcept d'autodestruction est étranger aux Tibétains qui n'ont pasde mots pour le décrire. Lorsque j'étais en Finlande, de nombreuses

 perso nnes me parlèr ent de dépres sion. Le contras te avec l'Ital ie, où je venai s de séjou rner, était frap pant : on sembl ait y pa rler t rès peude dépression. Le climat, la religion, les traditions, les systèmes decroyances spirituelles nous conditionnent et affectent notre expé-rience. Mais le mécanisme sous-jacent de notre engluement - la sai-

sie, le rejet, la projection, l'interaction dualiste avec ce que nous proj etons - e st partou t le même . C'est cela qui est n égati f dans l'ex- périe nce émot ionn elle .

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 23/114

44  yogas tibétains du rêve et du sommeil

Si nous comprenions vraiment et expérimentions la nature videde la réalité, il n'y aurait pas de saisie et, par conséquent, pas deformes grossières d'émotions; mais, ignorant la vraie nature des

 phén omèn es, nous saisi ssons les proj ecti ons de l'espr it comm e sielles étaient réelles. Nous développons une relation duelle avec lesillusions, ressentant la colère ou l'avidité ou quelque autre émotionen rapport avec elles. Dans la réalité absolue n'existe aucune entitéindépendante qui puisse être la cible de notre colère, ou l'objet dequelque émotion. Il n'existe pas la moindre raison de se mettre encolère. Nous créons l'histoire, les projections et la colère simulta-nément.

En Occident, comprendre les émotions sert souvent en psycholo-gie pour essayer d'améliorer la vie des gens dans le samsara. C'estune bonne chose. Toutefois, l'objectif du système tibétain est diffé-rent. Comprendre les émotions y sert à se libérer des restrictions etdes vues erronées que nous entretenons à travers l'attachementémotif. Encore une fois, ceci ne signifie pas que les émotions sontnégatives en elles-mêmes, mais qu'elles sont négatives dans lamesure où nous y adhérons ou les fuyons.

3 - LE CORPS D'ÉNERGIE

Toute activité des états de veille et de sommeil a une base éner-gétique. Cette énergie vitale est nommée  loung*  en tibétain, maison la connaît mieux en Occident sous sa dénomination sanscrite de

 prana*.  Ce qui structure tout événement est une combinaison pré-cise de diverses causes et conditions. Si nous sommes capables decomprendre comment et pourquoi se produit une situation etd'identifier ses dynamiques mentales, physiques et énergétiques,alors nous sommes en mesure de la reproduire ou de la modifier.Cela nous permet de créer les expériences qui soutiennent la pra-tique spirituelle et d'éviter celles qui lui nuisent.

CANAUX ET PRANA

Dans la vie quotidienne, nous adoptons différentes positions cor- porell es sans pense r à leurs effets . Pour nous repose r ou nous entre -tenir avec des amis, nous allons dans une pièce pourvue de canapéset de fauteuils confortables. Cela accroît le calme et la détente etfacilite la conversation. Mais, pour avoir des discussions de travail,nous allons dans un bureau où les chaises nous tiennent plus droitset moins relâchés. Cela convient mieux au travail et aux activitéscréatrices. Si nous souhaitons nous reposer en silence nous pouvonsaller sur la terrasse et nous installer dans une autre sorte de siège

 plac é de faço n à j oui r du pays age et de la brise . Lors que noussommes fatigués, nous allons dans la chambre à coucher et prenonsune position complètement différente pour induire le sommeil.

De façon similaire, nous adoptons des postures variées dans dif-

férents types de méditation pour changer le flux de prana dans lecorps en manipulant les canaux*  (tsa*)  qui conduisent l'énergie, et

 pour ouvr ir dive rs poin ts foc aux éner géti ques , les chakr as. Agi rainsi suscite des expériences variées. C'est aussi la base des

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 24/114

46  yogas tibétains du rêve et du sommeil

 post ures du yoga. Guid er cons ciem ment l'é nerg ie dans notre corps perme t de dével oppe r la prati que médit ative plus rapid emen t q ue sil'on s'en remettait seulement à l'esprit. Cela nous permet aussi desurmonter certains obstacles à la pratique. Si l'on n'emploie pas laconnaissance du prana et de ses déplacements dans le corps, l'esprit

 peut se perdre dans ses propr es fonc tio nnem ents .Les canaux, le prana et les chakras sont impliqués dans la mort

comme dans la vie. Beaucoup d'états mystiques et d'expériences del'état intermédiaire après la mort proviennent de l'ouverture ou dela fermeture de centres d'énergie. De nombreux livres traitant du

 phén omèn e des expér ienc es de la mort imm inen te conti ennent lesdescriptions de lumières et de visions diverses observées par ceuxqui commencent à mourir. Selon la tradition tibétaine, ces phéno-mènes sont liés au mouvement du prana. Les canaux sont associésà divers éléments ; lors de la dissolution de ces derniers, au momentde la mort, les canaux se dégradent et l'énergie libérée est ressentiesous forme lumineuse et colorée. Les enseignements décrivent avecminutie la couleur de la lumière correspondant à la dissolution d'un

canal donné, la localisation corporelle de celui-ci et l'émotion àlaquelle il correspond.

Il existe une importante variation dans la façon dont ces lumièresapparaissent aux mourants, car elles sont en rapport à la fois avecles aspects émotifs négatifs de la conscience ainsi qu'avec sesaspects de sagesse positifs. La personne ordinaire éprouve des émo-tions en mourant. L'émotion dominante détermine les lumières etles couleurs qui se manifestent. Au début, on voit souvent deslumières colorées avec une couleur prédominante; mais il peutaussi se faire que plusieurs couleurs prédominent ou qu'il existeune combinaison de nombreuses couleurs. Puis, la lumière com-mence à composer différentes imag es, comme dans le rêve : mai-sons, châteaux, mandalas, personnages, divinités, ou pratiquementn'importe quoi d'autre. A l'instant de mourir, nous pouvons réagirà ces visions comme à des entités samsariques - et nous sommesalors dominés par les réactions qu'elles nous inspirent en allant vers

notre naissance suivante, - ou bien nous les considérons comme desexpériences de méditation, ce qui nous donne la possibilité de lalibération ou, à tout le moins, la possibilité de donner consciem-ment à notre prochaine naissance une orientation positive.

la nature du rêve 47

c a n a u x ( t s a )

Le corps contient une grande variété de canaux. Nous connais-

sons les plus grossiers par l'anatomie médicale dont nous tirons laconnaissance des vaisseaux sanguins, de la circulation lympha-tique, du système nerveux, etc. Il existe aussi des canaux - tels ceuxconnus en acuponcture - dans lesquels circulent les formes les plussubstantielles de prana. Dans le yoga du rêve, nous nous intéressonsà une énergie psychique encore plus subtile, qui sous-tend à la foisla sagesse et l'émotion négative. Les canaux conduisant cette éner-gie très subtile ne peuvent pas être localisés physiquement, maisnous pouvons devenir conscients de leur existence.

Il existe trois canaux racines. Six chakras majeurs sont localisésdans et sur eux. A partir de ces chakras, trois cent soixante canaux

 branches part ent à travers tout le corps . Les trois canaux raci nessont, chez les femmes, le canal rouge du côté droit du corps, lecanal blanc du côté gauche et le canal central bleu. Chez leshommes, le canal droit est blanc et le gauche est rouge. Les troiscanaux racines fusionnent à dix centimètres sous le nombril. Les

deux canaux latéraux, du diamètre d'un crayon, s'élèvent de part etd'autre devant la colonne vertébrale et à travers le cerveau, s'incur-vent le long de la voûte osseuse crânienne et s'ouvrent aux narines.Le canal central s'élève verticalement entre eux, devant la colonnevertébrale. Il a le diamètre d'un bambou et s'élargit légèrement dela région cardiaque au sommet de la tête, le sinciput, où il setermine.

Le canal blanc (à droite pour l'homme et à gauche pour la femme)est celui dans lequel se déplacent les énergies des émotions néga-tives. On le considère parfois comme le canal de la méthode. Le

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 25/114

48  yogas tibétains du rêve et du sommeil la nature du rêve 49

canal rouge (à gauche pour l'homme et à droite pour la femme)conduit les énergies positives ou énergies de sagesse. C'est pour-quoi, dans la pratique du yoga du rêve, les hommes dorment sur le

côté droit et les femmes sur le côté gauche, pour occlure légèrementle canal blanc en exerçant une pression sur lui et ouvrir le canalrouge de la sagesse. Cela concourt à faire de meilleurs rêves, enrendant l'expérience émotive plus positive et plus claire.

Le canal central bleu est celui de la non-dualité. C'est à l'intérieurde celui-ci que se meut l'énergie de la conscience primordiale(rigpa).  L'exercice du yoga du rêve conduit ultimement la conscienceet le prana dans le canal central, au-delà de toute expérience positiveou négative. Quand cela arrive, le pratiquant réalise l'unité de toutedualité apparente. Généralement, quand on a des expériences mys-tiques, de grandes expériences de félicité, ou de vacuité, ou de clarté,ou rigpa, elles émanent énergétiquement du canal central.

PRANA (LOUNG)

Rêver est un processus dynamique. Contrairement aux imagesstatiques des films dont nous usons métaphoriquement, les imagesdes rêves sont fluides : elles se meuvent, les êtres parlent, les sonsvibrent, la sensation est vive. Le contenu du rêve est formé par l'es- prit, mais la vita lité et l'an imat ion du rêve ont pour base le prana .La traduction littérale du mot tibétain pour prana,   "loung",  est"vent", mais il est plus précis de l'appeler "énergie vitale".

Prana est l'énergie de base de toute expérience, de toute vie. EnOrient, on pratique des postures de yoga et divers exercices respi-ratoires pour fortifier et affiner cette énergie vitale afin d'équilibrercorps et esprit. Certains des anciens enseignements ésotériques duTibet décrivent deux variétés de prana: le prana karmique et le prana de sagesse.

 prana karmique

Le prana karmique est la base énergétique des empreintes kar-miques résultant de toute action, positive, négative ou neutre.

Quand elles sont activées par les causes secondaires appropriées, le pran a karm ique leur fourn it l'énergi e et leur perme t d'avoi r un effe tdans l'esprit, le corps et les rêves. Le prana karmique est la vitalitédes énergies négative et positive des deux canaux latéraux.

Quand l'esprit est instable, distrait, dispersé, le prana karmique sedéplace. Cela signifie, par exemple, que lorsqu'une émotion surgitet que l'esprit ne la contrôle pas, le prana karmique transporte l'es-

 prit à sa g uise. Not re atten tion se dépla ce ici et là, pouss ée par larépulsion et tirée par le désir.

Il est nécessaire de faire progresser la stabilité mentale sur le che-min spirituel, pour rendre l'esprit fort, présent et concentré. Dèslors, même quand s'élèvent les forces des émotions négatives, lesvents karmiques ne nous emportent plus dans la distraction. Tantque la pratique n'est pas bien établie, le rêveur contrôle parfois lerêve et parfois le rêve contrôle le rêveur.

A en croire certaines psychologies occidentales, le rêveur ne peut pas contrô ler le rêve. D'aprè s les ensei gneme nts tibét ains, c'est uneopinion erronée. Il est préférable que le rêveur lucide et conscientcontrôle le rêve, plutôt que d'être un rêveur rêvé. C'est égalementvrai des pensées : il vaut mieux que le penseur domine les pensées, plut ôt que d'être domi né par elles .

trois formes de prana karmique

Certains textes de yoga tibétain décrivent trois formes de pranakarmique : le prana doux, le prana violent, le prana neutre. Le pranadoux désigne le prana vertueux de sagesse qui se déplace dans lecanal de sagesse, rouge. Le prana violent désigne le prana d'émo-tion négative qui circule dans le canal blanc. Dans cette classifica-tion, le prana vertueux de sagesse et le prana d'émotion négativesont tous deux du prana karmique.

Comme l'indique son nom, le prana neutre n'est ni vertueux ninon-vertueux, mais il est également karmique. Il imprègne le corps.L'expérience du prana neutre conduit le pratiquant à l'expériencedu prana naturel primordial, qui n'est pas du prana karmique maisl'énergie de rigpa non-duel résidant dans le canal central.

 prana de sagesse

Le prana de sagesse  (yé loung) n'est pas karmique. On ne doit pas

le confondre avec le prana vertueux de sagesse décrit ci-dessus.Au premier instant de toute expérience, avant toute réaction, il

n'existe que la perception pure. Le prana en jeu à ce pur instant decontact est le prana de sagesse primordiale, l'énergie qui sous-tend

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 26/114

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 27/114

52  yogas tibétains du rêve et du sommeil

 jace nt de l'es prit , les émot ions négati ves et les empre inte s kar-miques censées créer la prédisposition à la maladie.

 Nous pouv ons par exemp le nous repré sente r un feu inten se enréponse à une maladie. Nous imaginons des formes triangulairesrouges et tentons de ressentir en imagination une chaleur - aussiintense que celle d'un volcan - se déplaçant dans notre corps envagues de flammes. Nous pouvons faire un exercice respiratoire

 parti culie r pou r eng endr er en core plus de c haleu r. Nous util isons decette façon l'esprit et ses images pour affecter le corps, les émotionset l'énergie. Et un résultat s'obtient alors que nous n'avons établiaucun contact avec le monde matériel. De même que la médecineoccidentale utilise la radiothérapie pour tenter de brûler les cellulescancéreuses, nous utilisons le feu intérieur pour brûler les traceskarmiques. Pour que la pratique soit efficace, il importe que l'in-tention soit claire. Le processus n'est pas uniquement mécanique, ilse sert de la compréhension du karma, de l'esprit et du prana pouraider à guérir. Cette pratique a l'avantage d'essayer de résoudre lacause de la maladie plutôt que ses symptômes et d'être sans effets

secondaires. Bien sûr, il est bon aussi de s'en remettre à la méde-cine occidentale lorsque c'est possible. Mieux vaut employer ce quiest bénéfique, que se limiter à un système particulier.

CHAKRAS

Dans la pratique du rêve, nous dirigeons notre attention vers dif-férentes zones du corps: les chakras de la gorge, du front et ducœur, ainsi que le chakra secret, au niveau génital. Un chakra estune roue d'énergi e, un nœud de con nexions énergétiques. Lescanaux d'énergie convergent à des endroits particuliers du corps etleurs jonctions forment les complexes énergétiques que sont leschakras. Les chakras majeurs sont des lieux où confluent de nom-

 breux canaux .Les chakras ne sont en réalité pas tels qu'on les dessine, sous

forme de lotus ouverts ou fermés, dotés d'un certain nombre de pétal es et d'u ne cert aine couleu r. De telle s imag es sont seule ment

un support symbolique pour l'esprit - comme des cartes - qui nousaide à focaliser l'attention sur le nœud énergétique situé à l'endroitdu chakra. Les chakras ont été initialement découverts grâce à la

 prati que, à trave rs l es ré alisa tion s de diff éren ts p rati quant s. Lorsq ue

la nature du rêve  53

ces pratiquants ont, les premiers, fait l'expérience des chakras, iln'existait aucun langage pour décrire leurs découvertes à ceux quin'avaient pas eu la même expérience. Ils créèrent des images qui

 pouvai ent servir de méta phore s visue lles, auxque lles d'a utre s per-sonnes pouvaient se référer. Les diverses images de lotus, parexemple, suggèrent que l'énergie se dilate et se rétracte autour duchakra comme s'ouvre et se ferme une fleur; un chakra semblaitdifférent d'un autre et ces différences furent représentées par descouleurs différentes ; les changements de concentration et de com-

 plexité de l'én ergi e d ans les diff érent s chakr as f uren t f igurés par lenombre de pétales. Ces métaphores visuelles devinrent le langage

 permet tant de dire comm ent étaie nt perçus les centre s énergé tiqu esdu corps. Lorsqu'un nouveau pratiquant visualise le nombre exactde pétales à l'endroit exact du corps, avec la couleur exacte, alors le

 pouvoir de l'es prit affec te ce poin t parti culi er d'én ergi e et estinfluencé par lui. Lorsque cela arrive, nous disons que l'esprit et le

 prana sont unifi és dans le chakra .

CHEVAL AVEUGLE, CAVALIER ÉCLOPÉ

Le soir, lorsque nous allons dormir, nous le faisons généralementsans bien nous rendre compte de ce qui se passe. Nous sommessimplement fatigués, fermons les yeux, et disparaissons. Nous pou-vons avoir une idée de ce qu'est le sommeil - le sang dans le cer-veau, les hormones, tout ce genre de fonctionnement - mais le vraimécanisme de l'endormissement reste mystérieux et inexploré.

La tradition tibétaine explique le mécanisme de l'endormisse-ment par une métaphore portant sur l'esprit et le prana. Le prana estsouvent comparé à un cheval aveugle et l'esprit à une personneinapte à la marche. Séparément, ils ne peuvent rien faire ; réunis ilscomposent une unité fonctionnelle. Quand le cheval et le cavaliersont réunis, ils commencent à galoper, en contrôlant généralement

 peu leur direct ion. Nous conna isso ns cela par notre propr e expé-rience: nous pouvons "poser" l'esprit dans un chakra en y plaçantl'attention, mais il n'est pas facile de conserver l'esprit en ce seul

endroit. Il est toujours agité et notre attention se porte ça et là. Norm alem ent, chez les êtres samsa riqu es, le cheval et le caval iergalopent aveuglément dans l'une des six dimensions de laconscience, l'un des six états émotionnels négatifs.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 28/114

54  yogas tibétains du rêve et du sommeil

Par exemple, en nous endormant, nous perdons la conscience dumonde sensoriel. L'esprit est transporté ça et là par le chevalaveugle du prana karmique jusqu'à ce qu'il se centre sur un chakra

 partic ulier, où il subit l'i nflu ence d'u ne dime nsio n par ticu lière de laconscience. Peut-être vous êtes-vous disputé(e) avec votre parte-naire; cette dispute est la condition secondaire qui active uneempreinte karmique associée au chakra du cœur, laquelle poussevotre esprit dans cet endroit du corps. L'activité subséquente del'esprit et du prana se traduit par les images et les scénarios du rêve.

L'esprit n'est pas conduit au hasard vers tel ou tel chakra; il est plutô t at tiré par le s po ints du co rps et l es situ ation s de la vi e qui ont besoin d'at ten tio n et de g uériso n. Dans l'e xem ple précéd ent, tout se passe com me si le chakr a du cœur appela it à l'a ide . L'em prein tekarmique perturbante sera guérie par sa manifestation onirique, quil'épuisé. Cependant, tant que la manifestation s'élève alors que lerêveur n'est pas centré ni conscient, des réactions induites dictées par l es t endan ces karm ique s ha bitu elles se p rodui ront et c réeront denouvelles graines karmiques.

Par analogie, imaginons un ordinateur. Les chakras sont comme

différents fichiers. Cliquez sur le dossier "Prana et Esprit" et ouvrezle fichier "chakra du cœur". Les informations contenues dans lefichier - les empreintes karmiques associées au chakra du cœur -apparaissent sur l'écran de la conscience. C'est comme le rêve quel'on fait.

Puis, la situation dans le rêve induit une autre réponse, qui stimuleune émotion différente. Le rêve devient ainsi la cause secondairequi permet à une autre trace karmique de se manifester. A présentl'esprit descend jusqu'au chakra ombilical et pénètre dans unmonde différe nt d'expéri ences. Le rêve cha nge de nature. Vousn'êtes plus du tout jaloux; vous êtes dans une rue sans panneauxindicateurs, ou quelque part dans une profonde obscurité. Vous êteségaré. Vous essayez d'aller quelque part mais ne pouvez trouvervotre chemin. Vous êtes dans le monde animal, la dimension essen-tiellement liée à l'ignorance.

Fondamentalement, c'est ainsi que s'élabore le contenu du rêve.L'esprit et le prana sont attirés dans différents chakras du corps ;sous l'influence des empreintes karmiques qui leur sont associéesnaissent dans l'esprit les représentations de diverses dimensions

la nature du rêve  55

d'expérience qui donnent au rêve son caractère et son contenu.Cette compréhension peut nous aider à considérer nos rêves autre-ment, et à noter quelle émotion et quel monde leur sont liés. Il est

 bon aussi de c ompr endr e qu e ch aque rêve nous donne une occasi onde pratique spirituelle et de guérison.

Ultimement, nous souhaitons stabiliser l'esprit et le prana dans lecanal central, au lieu de le laisser être attiré par un chakra particu-lier. Le canal central est la base énergétique des expériences derigpa ; les exercices que nous pratiquons dans le yoga du rêve ont

 pour but d e co ndui re l'es prit et l e pr ana d ans ce c anal. Lors que celaarrive, nous demeurons dans une claire conscience et une forte pré-sence. Rêver en étant établi dans le canal central est rêver sans subirles fortes influences des émotions négatives. C'est une situationd'équilibre qui permet aux rêves de connaissance et de clarté de semanifester.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 29/114

4-R ÉSUMÉ : COMMENT NAISSENT LESRÊVES

5 - IMAGES DU TANTRA MÈRE

Avant qu'une personne soit réalisée, sa nature propre est obscur-cie par l'ignorance fondamentale qui donne naissance à l'espritconceptuel. Pris au piège de la vision dualiste, l'esprit ordinairescinde l'unité absolue de l'expérience en entités, et considèreensuite ces projections mentales comme des objets et des êtresindépendants, doués d'existence propre. La dualité primordialedivise le rapport au monde en "moi" et "autre" et, par identificationavec une seule partie de la relation - moi - se développent les pré-férences. De là naissent le désir et la répulsion, qui deviennent la base d'acti ons à l a fo is physi ques et m ental es (karmas ). Ces actio nslaissent dans l'esprit de l'individu des empreintes sous forme detendances conditionnées; ces dernières accentuent la saisie et lerejet, créant de nouvelles empreintes karmiques, et ainsi de suite.Tel est le cycle perpétuellement auto-entretenu du karma.

Pendant le sommeil, l'esprit est retiré du monde sensoriel. Lesempreintes karmiques maintenant stimulées par les causes secon-daires nécessaires à leur manifestation ont une force, ou une éner-gie, qui est le prana karmique. Selon une analogie équestre, l'esprit"chevauche" le prana karmique en direction du centre énergétiquecorporel lié à la trace karmique activée. Autrement dit, laconscience se focalise sur un chakra particulier.

Dans cette interaction d'esprit, d'énergie et de signification, laconscience éclaire les traces karmiques et les qualités du monde quilui sont associées, et elle est affectée par ces traces et qualités. Le

 prana karmi que est l 'énergie du rêve, la f orce vitale, tandi s que l'es- prit tisse avec les manif estat ions spécif iques des trace s karmi ques-couleur, lumière, émotion, images - le scénario signifiant qui est lerêve. Tel est le mécanisme qui aboutit au rêve samsarique.

Dans les enseignements de la Grande Perfection (Dzogchèn), la

question est toujours de savoir si nous reconnaissons ou non notrevraie nature et comprenons que les reflets de cette nature se mani-festent en tant qu'expériences. Le rêve est un reflet de notre propreesprit. Il est facile de s'en convaincre au réveil, de même que les

 boudd has savent après leur illu minati on que les entités et les objet sdu samsara sont irréels. Et, de même qu'il faut s'exercer pour recon-naître en dormant la nature illusoire du rêve, il faut s'exercer pourréaliser la nature irréelle de l'état de veille. Avoir une certaineconnaissance de la manière dont naissent les rêves peut faciliter lacompréhension de ce que signifient "illusoire" et "dépourvu d'exis-tence propre". Cela peut aussi, et c'est plus important, faciliter l'ap- pli cati on de cette com préh ensi on à notr e rela tion au mond e. Lafaçon dont se produit l'expérience est toujours la même, que noussoyons endormis ou réveillés. Le monde est un rêve, l'enseignant etl'enseignement sont un rêve, le résultat de notre pratique est un rêve ;le rêve ne cesse nulle part tant que nous ne sommes pas libérés dans

la claire lumière. En attendant, nous continuons à nous rêver et àrêver nos vies, dans le sommeil autant qu'à l'état de veille.

Si l'on ne sait pas utiliser la pensée, on est contrôlé par les pen-sées. Si l'on sait l'utiliser, cela signifie que la pensée est amenée àla conscience et employée à des fins positives et actions vertueuses,ou libérée dans son essence vide. C'est ainsi qu'on utilise la penséesur le chemin. Nous pouvons, de la même manière, intégrer au che-min l'illusion, la souffrance et toute expérience quelle qu'elle soit.Mais pour agir ainsi nous devons comprendre qu'en essence tout cequi survient est dépourvu d'existence propre. Lorsque c'est le cas,alors chaque instant de vie est libre et toute expérience est pratiquespirituelle : tout son est mantra, toute forme est pure vacuité, toutesouffrance est un enseignement. C'est ce que veut dire "transformeren chemin".

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 30/114

58  yogas tibétains du rêve et du sommeil la nature du rêve 59

Lorsque nous réalisons directement que la colère n'a pas de base obje ctiv e mais n'est qu'un refl et de l'espr it, comm e l'est unrêve, le nœud de la colère se défait et ne nous lie plus. Quand nous

réalisons que le serpent que nous redoutons n'est qu'une cordeque nous avons mal vue, le pouvoir de son apparence est parti.Comprendre que toutes les apparences sont luminosité videconduit à reconnaître que l'esprit ne fait qu'un avec l'expérience.

Il existe un mot tibétain, Ihun droup,  que l'on traduit par "perfec-tion spontanée". Cela signifie qu'il n'existe aucun producteur pro-duisant quelque chose. Toute chose est telle qu'elle est, s'élevantspontanément de la base comme parfaite manifestation devacuité-clarté. Un cristal ne fabrique pas de lumière : sa fonctionnaturelle est simplement de la rayonner. Un miroir ne sélectionne pas ce qu'il reflèt e : sa na ture est de reflé ter t oute chose. Lorsqu enous comprenons que tout ce qui apparaît, y compris ce que nousappelons conventionnellement "moi", n'est qu'une projection del'esprit, alors nous sommes libres. Sans cette compréhension, c'estcomme si nous prenions un mirage pour réel, un écho pour un autreson que le nôtre. Le sens de la séparation est puissant et nous nous

 prenon s a u pi ège d'une duali té ill usoire .Le Tantra Mère,  un des plus importants textes bœun, nous offre

des exemples, des comparaisons, des métaphores que nous pouvo ns médi ter afin de mie ux compr endre cette natur e illu soiredu rêve et de l'état de veille.

 Reflet.  Le rêve est une projection de notre propre esprit. Il n'est pas dif fére nt de l'espr it, tout comm e un rayon de solei l n e dif fère pas de l a lum ière du so leil dans le ciel. En l'igno rant, nous preno nsle rêve pour une réalité, comme un lion gronderait férocementaprès la face qu'il voit reflétée par l'eau. Dans un rêve, le ciel estnotre esprit, la montagne est notre esprit; les fleurs, le chocolatque nous mangeons, les autres personnes, tout est notre esprit quinous est reflété.

 Eclair.  Dans le ciel nocturne, des éclairs fulgurent. Soudain lesmontagnes sont illuminées et chaque pic semble être un objetisolé ; mais ce que nous expérimentons véritablement est un seuléclair reflété dans nos yeux. De même, les objets qui paraissentindividualisés dans le rêve sont en réalité l'unique lumière de notreesprit, la lumière de rigpa.

 Arc-en-ciel.  Comme un arc-en-ciel, le rêve peut être magnifiqueet séduisant. Mais il n'a aucune matérialité; il est un déploiementde lumière et dépend du placement de l'observateur. Si nous le

 poursu ivons , nous ne p ouvo ns jam ais l'att eindre ; i l n' y a r ien là. Lerêve, comme l'arc-en-ciel, est une combinaison de conditions d'oùnaît une illusion.

 Lune. Le rêve est comme la lune reflétée par des eaux différentes- la mare, le puits, la mer - et les multiples vitres différentes de laville, et des cristaux différents. La lune ne se multiplie pas. Il n'enexiste qu'une, tout comme les nombreuses apparitions du rêve sontd'essence unique.

 Magie.  Un magicien peut faire apparaître un éléphant, puis unserpent, enfin un tigre à partir d'une seule et même pierre. Mais cesdifférents objets sont des illusions, comme le sont les objets durêve, tous formés par la lumière de l'esprit.

 Echo.  Si nous émettons un son fort dans un endroit favorable, unson fort nous revient en écho; un son faible revient comme sonfaible ; et un cri étrange, comme cri étrange. Le son que nous enten-

dons revenir est celui que nous avons émis, de même que le contenudu rêve nous apparaît autonome mais n'est que le contenu projetéde notre esprit qui nous revient.

Ces exemples soulignent le manque d'existence propre et l'unitéde l'expérience et de l'expérimentateur. Dans les enseignementsdes soutras, on appelle cela "vacuité", dans les tantras "illusion" etdans le Dzogchèn "la sphère unique". Le moi et l'objet de l'expé-rience ne sont pas deux entités. Les mondes intérieur et extérieursont notre propre manifestation. Nous partageons tous le mêmemonde parce que nous partageons le même karma collectif. Lafaçon dont nous voyons les phénomènes de l'expérience déterminele genre d'expérience que nous avons, et notre manière d'y réagir.

 Nou s croyo ns à notre conc epti on d'ent ité s pour vues d'un e exis -tence propre, qui vivent en tant qu'êtres et objets individualisés.Lorsque nous croyons qu'une chose est vraiment là, alors elle y est !Cela a le pouvoir de nous affecter. Nous créons le monde auquel

nous répondons.

Lorsque nous cessons d'exister, le monde que nous créons se dis-sout, celui qu'habitent les autres persiste. Notre perception et notre

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 31/114

60  yogas tibétains du rêve et du sommeil lla nature  du  rêve  61

façon de voir toute chose prennent fin avec nous. Si nous dissolvonsnotre esprit conceptuel, la pureté sous-jacente se manifeste spontané-ment. Lorsque nous savons directement que nous-même et le monde

n'avons pas d'existence propre, alors rien de ce qui nous arrive n'a plus de pouvo ir sur no us. Quand le lion prend à to rt son reflet dansl'eau pour la réalité, il est très surpris et gronde; quand il comprendla nature illusoire du reflet, il ne réagit plus par la peur. Faute de vraiecompréhension, nous réagissons aux projections illusoires de notre

 propre esprit p ar la saisie et la répulsion, et créo ns d u karma . Lorsquenous connaissons la vraie vacuité, nous sommes libres.

MÉTAPHORES DIDACTIQUES

Le  Tantra Mère  énonce que l'ignorance du sommeil ordinaire estcomme une pièce obscure. L'attention est la flamme d'une lampe.Quand on allume la lampe, l'obscurité disparaît et la pièce est éclairée.

Instruire par le biais de symboles et de métaphores est le moyenle plus puissant pour communiquer verbalement des enseignementsspirituels. Mais cette utilisation du langage demande un apprentis-sage. J'ai souvent observé que les étudiants éprouvaient des diffi-

cultés avec les métaphores ; aussi ai-je souhaité expliquer briève-ment comment employer au mieux les métaphores et autres imagessymboliques.

Employer le langage pour évoquer une expérience sensorielle est plus util e dans les ensei gneme nts que ne le sont des expl icat ionsréduites à des notions abstraites et techniques. Bien que la réalité del'expérience ne soit pas facile à transmettre par la parole, les imagesutilisées dans les enseignements sont une aide, dans la mesure oùelles sont perçues par davantage que le seul esprit rationnel. Cesmétaphores doivent être ressenties, comme le sont les images poé-tiques. Il faut les ruminer, y réfléchir, les expérimenter et les inté-grer dans l'expérience.

En entendant le mot "feu", par exemple, on peut y prêter peu d'at-tention. Mais en s'y attardant, en permettant à l'image d'émerger dumot, on voit le feu, on en sent la chaleur. Comme nous connaissonstous le feu autrement qu'en tant que concept abstrait - nous avonstous observé des flammes et ressenti leur chaleur sur la peau - lemot évoque une expérience sensorielle imaginaire. Un feu brûledans notre imagination.

Si nous disons "citron" et laissons le fruit émerger du mot, notre bouc he saliv e et notre langu e réagi t à l'aci dité . Avec "choco lat" ,nous percevons presque le goût agréable. Le langage est symbole.

Pour être signifiant, il fait appel à la mémoire, aux sens, à l'imagi-nation. Lorsque des métaphores et des symboles sont employésdans les enseignements, le mieux est de les laisser nous toucher decette façon. Ne pensez pas simplement "une flamme dans un lieuobscur", ou "un reflet dans le miroir". Servez-vous de vos sens, devotre corps, de votre imagination pour comprendre. Nous devonsdépasser l'image, mais elle peut nous indiquer la bonne direction.

Lorsque nous entrons dans une maison qu'éclaire une lampe àhuile, nous n'examinons pas cette dernière, la mèche, ou l'huile.

 Nous faiso ns simpl ement l'expé rience de la lumi nosit é de la pièce.Essayez de faire de même avec les métaphores didactiques. Notreesprit entraîné à manier la logique et l'abstraction s'emparent de lamétaphore et la dissèquent. Nous lui en demandons trop. Nous vou-lons savoir comment la lampe est venue dans la chambre, commentla flamme s'allume, comment le vent se lève. Nous voulons savoirde quel genre de miroir il s'agit, de quoi il est fait, ce qui se tient en

dehors du miroir et doit être reflété. Au lieu de cela, laissez-vousaller dans l'image ; essayez de trouver l'expérience cachée dans lesmots. Il fait sombre. Une lampe est allumée. Nous avons tous vécucela avec nos corps et nos sens. L'obscurité est remplacée par laluminosité qui est clarté, immatérialité, connaissance directe. Unvent se lève et la flamme est soufflée. Nous savons tous ce que l'onressent quand la lumière est vaincue par les ténèbres.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 32/114

DEUXIEME PARTIE

TYPES ET

UTILISATIONS

DES RÊVES

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 33/114

types et utilisations des rêves   65

1- LES TROIS SORTES DE RÊVES

Il existe trois types de rêves qui forment une progression dans la prati que du yoga du rêve, même si elle n'est pas tout à fa it exacte .Ce sont :

1) les rêves samsariques ordinaires,

2) les rêves de clarté,

3) les rêves de claire lumière.

Les deux premiers groupes se distinguent par leurs causes diffé-rentes et le fait que le rêveur peut y être lucide ou non-lucide. Lesrêves de claire lumière, eux, se caractérisent par la présence de laconscience et l'absence de dichotomie sujet/objet; ils se produisentdans la conscience non-duelle.

RÊVES SAMSARIQUES

Les rêves que la plupart d'entre nous faisons sont en général lesrêves samsariques qui naissent à partir des empreintes karmiques*.La signification donnée à ces rêves est celle que nous y projetons ;elle est attribuée par le rêveur et n'est pas inhérente au rêve. C'estaussi le cas du sens de notre vie à l'état de veille. Cela ne trans-forme pas pour autant les rêves qui ont du sens en rêves insigni-fiants, ni ne rend insignifiant le sens de notre vie. Le processus s'ap-

 paren te à la lect ure d'un livr e. Le livre n'est qu'u n ense mble designes sur du papier, mais du fait que nous lui appliquons notre sensde la compréhension, nous pouvons en tirer une signification. Et lasignification d'un texte, comme celle d'un rêve, est une questiond'interprétation. Deux personnes lisant le même livre peuvent avoirdes expériences de lecture tout à fait différentes ; l'une peut chan-ger totalement sa vie du fait de la compréhension qu'elle a eue dulivre, alors que l'autre sera modérément, sinon pas du tout, intéres-

sée. Le livre n'a pas changé. Le sens est d'abord projeté par le lec-teur sur les mots, puis il en est extrait.

RÊVES DE CLARTÉ

Quand la pratique du rêve progresse, les rêves deviennent plusclairs et plus précis, et l'on se souvient en grande partie de chacund'eux. Cela résulte de l'attention plus vive que l'on porte à l'état de

rêve. Au-delà de cette attention plus vive portée aux rêves ordi-naires, il existe une deuxième sorte de rêve, le rêve de clarté. Il sedéveloppe quand l'esprit et le prana sont équilibrés et que le rêveurdevient capable de rester dans la présence non-personnelle. A l'in-verse du rêve samsarique dans lequel l'esprit est entraîné ici et là par le pran a k armi que, dans le rêve de clart é l'esp rit du rêve ur e ststable. Les images et l'information continuent de s'élever. Ellesreposent cependant moins sur les empreintes karmiques person-nelles et présentent plutôt la connaissance directement disponibledans la conscience sous-jacente au plan du moi conventionnel. Ilexiste une différence analogue entre le prana karmique violent ducanal blanc, lié à l'émotion négative, et le prana vertueux de sagessedu canal rouge: il s'agit dans les deux cas de prana karmique-l'énergie impliquée dans les expériences de la dualité - mais l'unest plus pur et moins entaché d'illusion que l'autre. De même, lerêve de clarté est plus pur et moins entaché d'illusion que le rêve

samsarique. Tout se passe dans le rêve de clarté comme si quelquechose était donné au rêveur, ou trouvé par lui, alors que dans le rêvesamsarique, c'est le rêveur qui projette une signification sur la

 puret é de l'ex périe nce fond amen tal e.

Chacun peut à l'occasion avoir des rêves de clarté, mais ils sontinhabituels tant que la pratique n'est pas développée et stable. Pourla plupart d'entre nous, tous les rêves sont samsariques et fondéssur notre vie et nos émotions quotidiennes. Même s'il nous arrivede rêver d'enseignements, de nos maîtres, de notre pratique, de

 boud dhas , ou de dakin is*, il n'en est pas moi ns très prob able queces rêves soient samsariques. Si nous sommes engagés dans une

 prati que avec un maît re, alors, évid emme nt, nous allo ns en rêver.C'est un signe positif. Il témoigne de notre implication dans l'en-seignement, mais celle-ci est en elle-même duelle et appartient dece fait au samsara. Le samsara associant le pire et le meilleur, il estsalutaire d'être totalement engagé dans la pratique et l'enseigne-

ment parce que c'est le chemin de la libération. Mais il est

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 34/114

66  yogas tibétains du rêve et du sommeil types et utilisations des rêves 67

également salutaire de ne pas se tromper en prenant des rêves sam-sariques pour des rêves de clarté.

Si nous commettons l'erreur de croire que les rêves samsariquesnous offrent de vrais conseils, changer quotidiennement notre vie pour essay er de les suivre peut deve nir un trava il à plei n tem ps.C'est aussi un moyen de s'enliser dans son propre cinéma que de

 prendre tous les rêves pour des messag es émana nt d 'une source spi-rituelle supérieure. Cela ne se passe pas comme ça. Nous devonsfaire très attention aux rêves et devons pouvoir discerner ceux quiont de l'importance de ceux qui traduisent seulement les émotions,désirs, peurs, espérances et fantasmes de notre vie quotidienne.

RÊVES DE CLAIRE LUMIÈRE

Le rêve de claire lumière est un troisième type de rêve, qui appa-raît lorsqu'on est très avancé sur le chemin. Il naît du prana pri-mordial dans le canal central. La claire lumière généralement évo-quée dans les enseignements sur le yoga du sommeil désigne unétat dépourvu de rêve, de pensée et d'image. Mais il existe aussi un

rêve de claire lumière, dans lequel le rêveur reste dans la nature del'esprit. Ce n'est pas un accomplissement facile; le pratiquant doitêtre très stable dans la conscience non-duelle avant qu'apparaissentles rêves de claire lumière. L'auteur d'un important commentaire duTantra Mère,  Gyaltsèn Milu Samlèk, écrit qu'il pratiqua assidûment

 pend ant neuf a ns avant d'avo ir des rêves de clair e lum ière.Développer l'aptitude aux rêves de claire lumière et développer

l'aptitude à rester dans la présence non-duelle de rigpa pendant la jou rnée sont comp arabl es. Au comm ence ment , rigpa et la pensé esemblent différents : quand on est en rigpa, il n'existe pas de pen-sées et si des pensées surviennent, on perd rigpa. Mais quand on aacquis la stabilité en rigpa, la pensée vient et s'en va sans le moinsdu monde obscurcir rigpa; le pratiquant demeure dans laconscience non-duelle. Cette situation ressemble à l'apprentissagedu jeu simultané de la cloche et du tambourin pendant un rituel : audébut, on ne peut jouer qu'un instrument à la fois. Si l'on joue de lacloche, on perd le rythme du tambourin, et vice-versa. Ensuite, ontrouve l'équilibre et l'on est capable de jouer simultanément desdeux.

Le rêve de claire lumière n'est pas analogue au rêve de clarté. Ce dernier, qui

naît d'aspects profonds et relativement purs de l'esprit, et qui est engendré par desempreintes karmiques positives, reste néanmoins dans la dualité. Le rêve declaire lumière, bien qu'il émerge d'empreintes karmiques du passé, n'aboutit pas àune expérience dualiste. Le pratiquant ne se retrouve pas sujet observant un rêveobjet, ni sujet dans le monde du rêve, mais demeure entièrement intégré à rigpanon-duel.

Les différences entre les trois sortes de rêves peuvent paraître subtiles. Le rêvesamsarique s'élève à partir des empremtes karmiques et des émotionsindividuelles, qui façonnent tout son contenu. Le rêve de clarté contient uneconnaissance plus objective, qui naît des empreintes karmiques collectives et estaccessible à la conscience lorsque celle-ci n'est plus prisonnière des empreinteskarmiques personnelles. La conscience n'étant alors plus liée par l'espace, letemps et l'histoire personnelle du rêveur, celui-ci peut contacter des êtres réels,recevoir des enseignements de maîtres réels, et trouver des informations

 béné fiqu es p our lui-m ême et po ur au trui.Le rêve de claire lumière n'est pas défini d'après son contenu. Il

est rêve de claire lumière parce qu'il ne s'y trouve pas de rêveur- sujet ou pour vu d 'un ego, ni de m oi en relat ion duell e avec le rêve ou son con tenu . Lerêve n'est qu'un mouvemen t de l'esprit qui ne perturbe pas la stabilité du

 prat iqua nt établ i dans la c laire lumi ère.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 35/114

types et utilisations des rêves   69

2 - UTILISATIONS DES RÊVES

C'est dans le contexte de la démarche spirituelle que les rêvessont les plus précieux. Bien plus, ils peuvent constituer à eux seulsune pratique spirituelle. Ils peuvent aussi donner au rêveur des rai-sons d'entreprendre une démarche spirituelle. Mieux encore, ils

 peuv ent être le moye n de savo ir si une prat ique est bien ou malfaite, quels sont les progrès réalisés, et ce à quoi il faut prêter atten-tion.

Comme dans l'histoire que j'ai contée en préface, il est fréquentqu'avant de donner un enseignement de niveau élevé le maîtreattende que l'élève ait un rêve indiquant qu'il est prêt à le recevoir.

Un rêve peut aussi démontrer qu'un étudiant a réussi une pratiquedonnée; le maître auquel il est rapporté peut alors juger si lemoment est venu pour l'étudiant d'entreprendre une autre pratique.De la même façon, nous pouvons jauger notre propre maturitédans la pratique en étant attentifs aux rêves. Il nous arrive à l'étatde veille de penser que nous agissons plutôt bien, mais nous consta-tons en dormant qu'une partie au moins de nous est toujours trèsconfuse ou plongée dans la négativité. Il ne faut pas en être décou-ragé. C'est un bienfait de voir divers aspects de l'esprit se manifes-ter en rêve ; ils nous indiquent où faire porter nos efforts afin de pro-gresser. D'un autre côté, quand la pratique devient très intense, sesrésultats se manifestent en rêve et nous rassurent quant à nosefforts.

EXPÉRIENCES ONIRIQUES

Les expériences oniriques sont très polymorphes et nous pouvonsfaire en rêve un grand nombre de choses dont nous sommes inca- pable s à l'état de veill e, y compr is des prati ques spéci fiqu es quicontribuent à notre développement. Nous pouvons guérir des

 ble ssu res psy chi que s, des dif fic ult és émo ti onn ell es que nou sn'avons pas pu surmonter. Nous pouvons lever les blocages quiempêchent l'énergie de circuler librement dans le corps. Et nous

 pouv ons perce r les voil es obscu rciss ant l'espr it en cherc hant l'ex- périe nce au-del à des front ière s e t d es l imit ation s c oncep tuel les.

Ces tâches s'accomplissent généralement mieux quand on estdevenu capable de rester lucide pendant le rêve. Elles ne sont men-tionnées ici qu'en tant que possibilités ; la partie de ce livre consa-crée à la pratique détaille ce qu'il convient de faire dans le rêvelorsque la lucidité est atteinte.

CONSEILS ET LIGNES DIRECTRICES

La plupart des Tibétains, des grands maîtres spirituels auxsimples gens du peuple, tiennent les rêves pour une source poten-tielle de très haut savoir spirituel et de repères pour la vie quoti-dienne. On consulte les rêves pour diagnostiquer les maladies, poursavoir s'il faut faire des pratiques de purification ou de clarification,

 pour savoir s'il faut prend re soin de la relati on avec les divin ités et

les protecteurs. On peut penser que cette utilisation des rêves relèvede la superstition, mais, à un niveau profond, le rêve dépeint lasituation du rêveur et ses relations avec différentes énergies. EnOrient, on reconnaît ces énergies ; on voit en elles des gardiens etdes esprits protecteurs, autant que des données physiologiques etdes états spirituels. En Occident, où l'étude des rêves est bien plusrécente, ces énergies peuvent se comprendre comme des maladies

 potent ielle s, ou b ien des compl exes profo ndém ent enraciné s, ou d esarchétypes.

Certains Tibétains étudient pendant toute leur vie les rêves, qu'ilsconsidèrent comme la principale forme de communication avec lesaspects plus profonds d'eux-mêmes et avec d'autres mondes. Mamère en offrait un bon exemple. C'était une pratiquante, et unefemme très aimante et gentille. Elle partageait souvent ses rêvesavec toute la famille, le matin, lorsque nous étions tous à table, par-ticulièrement lorsqu'il était question de Namthel Karpo, son gar-

dien et protecteur. Namt hel est un gardi en du Tibe t septen trion al, la régio n de Hor,

où ma mère avait grandi. Bien que son rituel soit connu dans tout leTibet, il était principalement vénéré dans le village où elle vivait et

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 36/114

70  yogas tibétains du rêve et du sommeiltypes et utilisations des rêves  71

dans la contrée alentour. Ma mère faisait sa pratique mais pas mon

 père, qui la ta quina it souve nt q uand elle nous racont ait ses rêves.Je me souviens clairement de ma mère nous parlant d'un rêvedans lequel Namthel était venu la trouver. Il portait, comme tou-

 jou rs, des robes blanc hes, des boucl es d'orei lles fait es deconques, et les cheveux longs. Cette fois-là, il avait l'aircourroucé. Il entra par la porte et jeta violemment un petit sac àterre, en s'écriant : "Je vous dis toujours de prendre davantagesoin de vous, mais vous n'en avez cure !" Il regarda

 profo ndém ent m a mère dans les ye ux et disparut.Ma mère hésita toute la matinée sur la signification du rêve.L'après-midi, une femme qui travaillait parfois à la maison essayade voler notre argent. Elle le portait enfoui sous ses habits mais,lorsqu'elle arriva devant ma mère, juste à ce moment-là, l'argenttomba au sol. Il était contenu dans une bourse identique au sac quiavait été montré à ma mère en rêve. Ma mère la ramassa et trouvatout notre argent à l'intérieur, sur le point d'être volé. Elle considéracet événement comme un signe de l'activité protectrice de son gar-

dien et fut persuadée que Namthel avait provoqué la chute de la bourse.

 Namt hel apparu t dans les rêves de ma mère durant toute sa vie,toujours sous la même forme. Les messages qu'il lui donnait chan-geaient, mais ils étaient généralement destinés à l'aider d'une cer-taine manière, à la protéger et à la guider.Jusqu'à l'âge de dix ans je suis allé à l'école chrétienne, aprèsquoi mes parents m'en ont retiré et je suis entré au Monastère deMéri. L'un des moines, Guèn Sèngtouk, me racontait parfois sesrêves. Je me souviens parfaitement de certains d'entre eux car ilsétaient très semblables à ceux de ma mère. Il rêvait souvent deSippè Gyalmo, l'une des plus importantes et plus anciennes protec-trices éveillées de la tradition bœun. Son rituel est également pratiquédans les autres écoles bouddhiques tibétaines ; dans le palais du Potala,au Tibet, se trouve une pièce qui abrite son autel. Les rêves oùapparaissait Sippè Gyalmo guidaient Guèn Sèngtouk dans sa vie et sa

 pratique.

Elle ne prenait pas pour lui l'aspect courroucé que nous montrentles peintures des temples et des pièces de méditation. Au contraire.Il la voyait comme une très vieille femme à cheveux gris, dont le

corps n'était plus bien droit, et qui s'aidait d'une canne pour marcher.Guèn Sèngtouk rencontrait toujours Sippè Gyalmo dans un grand désert

où elle avait sa tente. Personne d'autre ne vivait là. Le moine devaitdéchiffrer ses expressions, si elle avait l'air joyeux ou triste, ou si safaçon de se déplacer traduisait la colère. Et, l'observant ainsi, il arrivaiton ne sait comment à savoir quoi faire pour triompher des obstacles danssa pratique ou pour donner à certaines choses de sa vie une orientation

 plus posit ive. C'est ainsi qu'ell e le guidai t à t ravers ses rêves. Il fut enrelation onirique étroite avec elle et elle lui apparut toujours de la mêmefaçon. Ses expériences avec elle sont de bons exemples de rêves declarté.

J'étais alors un petit garçon, mais je peux clairement me souvenir du jo ur où l'idé e me fra ppa souda in, alors que j 'éco uta is le moi ne raco nte rl'un de ses rêves, que c'était comme s'il avait un ami ailleurs. J'ai

 pens é que ce serai t agré able d'av oir quel ques amis avec qui jou er enrêve, car je ne jouais pas beaucoup pendant la journée, les études étantintensives et les maîtres stricts. Voilà la pensée que j'eus alors. Ainsi,voyez-vous, notre compréhension du rêve et de la pratique du rêve, etnotre motivation pour effectuer la pratique, peuvent s'approfondir etmûrir à mesure que nous grandissons.

DIVINATION

La stabilité de leur pratique méditative permet à beaucoup de maîtres deméditation d'appliquer les rêves de clarté à la divination. Pour ce faire, lerêveur doit pouvoir se libérer lui-même de la plupart des séquelles karmiques

 perso nnel les qui modè lent habi tuel leme nt le rêve. Sinon , l'in form ati on n'est pas tiré e du rêve mai s est proj eté e sur l ui, comm e c'est habi tuel leme nt le casavec les rêves samsariques. Dans la tradition bœun, cette utilisation desrêves est l'une des nombreuses méthodes de divination chamanique ; elle estassez courante chez les Tibétains. Il n'est pas inhabituel qu'un étudiantdemande à son maître de le conseiller au sujet d'une entreprise, ou de luiindiquer la façon de surmonter un obstacle; le maître s'adresse alorssouvent aux rêves pour trouver la réponse à donner à l'étudiant.

Par exemple, j'ai rencontré pendant que j'étais au Tibet une femmeréalisée nommée Khacheu Wangmo. Elle avait beaucoup de

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 37/114

72  yogas tibétains du rêve et du sommeiltypes et utilisations des rêves  73

 pouvo ir et était une "décou vreuse de trésor s"  (terteuri)  qui avaitredécouvert beaucoup d'enseignements cachés. Je l'ai interrogéesur mon avenir et, de façon générale, sur les obstacles que je ren-contrerai. Je lui ai demandé d'avoir un rêve de clarté pour moi.

Il est habituel en pareil cas que le rêveur demande un bien appar-tenant à la personne qui requiert le rêve. J'ai donné à KhacheuWangmo le maillot de corps que je portais. Il me représentait éner-gétiquement et, en se concentrant sur lui, elle pouvait entrer encontact avec moi. Elle le mit sous son oreiller, cette nuit-là, s'en-dormit et eut un rêve de clarté. Au matin, elle me donna une longueexplication sur ce qui allait se passer dans ma vie, ce que je devraiséviter et ce que je devrais faire. Ses conseils furent clairs et utiles.On me demande parfois si le fait pour un rêve de nous dévoilerune parcelle de futur ne démontre pas que ce futur est déterminé.Dans la tradition tibétaine, on pense que non. Les causes de tout cequi peut se produire sont déjà présentes, en ce moment, parce queles conséquences du passé sont les semences des situations futures.Les causes primaires de toute situation à venir sont à chercher dansce qui a déjà eu lieu. Mais les causes secondaires nécessaires à lamanifestation des graines karmiques ne sont pas déterminées, elles

sont circonstancielles. C'est pourquoi la pratique est efficace et pour quoi la mal adi e peut être guér ie. S'il en étai t aut reme nt, cel an'aurait aucun sens de tenter quoi que ce soit, puisque rien ne pour-rait être modifié. Si nous rêvons de demain, que demain arrive etque tout se passe comme nous l'avons rêvé, cela ne signifie pas quele futur est déterminé et ne peut pas être changé ; cela signifie quenous ne l'avons pas changé.

Supposons qu'une empreinte karmique puissante et imprégnéed'une violente émotion, qui est la cause primaire d'une situation

 parti culi ère, vienn e à ma turi té. Dans ce sens, notre vie peut fourn irles causes secondaires nécessaires à la manifestation de cette cause

 prim aire. Dans un rêve prémo nito ire, la cause est présen te et l'em - prein te en pa sse de se mani fest er condit ionne le rêve ; celui- ci seracomme une anticipation du résultat tel qu'il apparaît à l'imagina-tion. C'est comme si nous entrions dans la cuisine d'un merveilleuxcuisinier italien: nous humons l'odeur des épices et des mets qui

cuisent et voyons les ingrédients laissés sur la table. Nous pouvons presqu e i magin er quel repas se pré pare, presque voir les rés ultats de

la situation. Tel est le rêve. Nous ne sommes peut-être pas d'une parfa ite préci sion, mais nous avons une idée assez exacte de l'en-semble. Puis, lorsqu'on nous sert le repas, il se combine à nos pré-visions, les différences s'estompent, et ce sera le repas que nous

avions prévu même si ce n'est pas tout à fait le même.Il me revient un exemple de jeunesse à ce propos. C'était en Inde,le jour de Diwali, célébré traditionnellement avec des pétards. Mesamis et moi, sans argent pour en acheter, cherchions ceux quiavaient été allumés et n'avaient pas explosé. Après en avoir collectéquelques-uns, nous avons voulu les ré-allumer. J'étais très jeune,âgé de quatre ou cinq ans. L'un des pétards était un peu humide. Jel'ai posé sur du charbon en train de brûler, j'ai fermé les yeux, j'aisoufflé dessus et, naturellement, il a explosé. Pendant un moment jen'ai rien vu d'autre que des étoiles et, à l'instant même, je me suissouvenu de mon rêve de la nuit précédente. Il montrait très précisé-ment tout ce qui venait de se passer. Bien sûr, il aurait été plus utileque je m'en souvienne avant et non après l'incident ! Il existe denombreux cas analogues, dans lesquels les causes de situationsfutures forment la trame d'un rêve concernant un avenir qui peut sedéployer, mais ne le fait pas nécessairement.

On peut parfois connaître en rêve les causes et les conséquencesaffectant d'autres personnes. Lorsque j'étais au Tibet, mon maître,Lopœun Tènzin Namdak, fit un rêve puis me dit qu'il était trèsimportant que j'effectue la pratique particulière d'un certain gar-dien. J'ai pratiqué pendant plusieurs heures, chaque jour de monvoyage, tentant d'influencer ce qu'il avait vu dans son rêve.Quelques jours après ce rêve, je voyageais à bord d'un camion rou-lant sur une étroite route de montagne. Les chauffeurs de cetterégion du Tibet sont de rudes nomades, peu effrayés par la mort.

 Nous étions entassés à trent e dans ce camion chargé d'une masse delourds bagages lorsqu'il tomba dans un trou et bascula.

Je sortis et regardai en bas. Je n'avais pas spécialement peur. Mais je vis alors que seul un petit rocher retenai t l e camion et l 'empêch aitde glisser au fond de la vallée, un précipice si profond qu'une pierre

 jetée depuis la route mettai t ce qui semblait être un long m oment avantd'en toucher le fond. Alors mon cœur fit des bonds dans ma poitrine.

Je sentis la peur, m'apercevant que seule une petite pierre se tenaitentre la mort et nous, empêchant ma vie de finir prématurément.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 38/114

74  yogas tibétains du rêve et du sommeil

En voyant ce qu'était la situation, je pensai : "C'est cela. Ça y est.Voilà pourquoi je devais effectuer la pratique du gardien." C'est

cela que mon maître a vu en rêve et pour cela qu'il m'a dit de pra-tiquer. Sans être très spécifique, un rêve peut tout de même laisserentendre par son ambiance et ses images qu'il se prépare quelquechose à quoi il faut remédier. C'est un bienfait que nous pouvonsrecevoir en travaillant sur nos rêves.

ENSEIGNEMENT DANS LE RÊVE

La tradition tibétaine est riche d'exemples de pratiquants ayantreçu des enseignements en rêve. Les rêves surviennent souvent ensérie, chacun d'eux commençant là où a cessé celui de la nuit pré-cédente ; ils transmettent ainsi un enseignement détaillé et complet,

 jus qu'à ce qu'un point précis et approp rié d'ach èveme nt soit attein t,qui voit les rêves s'arrêter. Des volumes d'enseignements ont été"découverts" de cette façon, y compris de nombreuses pratiquesauxquelles les Tibétains se consacrent depuis des siècles. C'est ceque nous appelons les "trésors de l'esprit" ( gong -te r*).

Imaginons que nous pénétrons dans une grotte et que nous y trou-vons un volume d'enseignement caché là. C'est une découvertedans le monde physique. Les trésors de l'esprit sont trouvés dans laconscience, plutôt que dans le monde physique. Des maîtres sontrenommés pour avoir trouvé ces trésors dans des rêves de clarté età l'état de veille. Pour recevoir de tels enseignements en rêve, le

 prat iquan t doit avoi r acqui s certa ines capaci tés, comm e celle de pouv oir se stabi liser dans la plei ne consci ence sans s'id enti fier aumoi conventionnel. Le pratiquant dont la clarté n'est pas souillée par les empre inte s karm ique s et les rêves samsa rique s accède à lasagesse inhérente à la pleine conscience.

Les enseignements authentiques découverts en rêve ne viennent pas de l'int ellect . Ce n'est pas comm e si on allai t à l a bi blio thèqu e pour faire une recher che et écrire un livre , en se servan t d e l'int el-ligence pour rassembler et synthétiser les informations, à la manièred'un érudit. Bien que de nombreux bons enseignements émanent de

l'intellect, on ne les considère pas comme des trésors de l'esprit. Lasagesse des bouddhas est auto-émanée, surgie des profondeurs de laconscience, parfaite. Cela ne signifie pas que les trésors de l'espritne ressemblent pas à des e nseignemen ts existants, car ils y

types et utilisations des rêves   75

ressemblent. De plus, on les trouve dans des cultures et à desépoques différentes, et ils peuvent être semblables bien qu'ilsn'aient pas échangé d'informations. Les historiens font des

recherches chronologiques sur un enseignement pour savoir com-ment un enseignement similaire a pu l'influencer, à quelle époque aeu lieu le rapprochement, et ainsi de suite. Ils trouvent souvent unetelle relation. Mais la vérité sous-jacente est que les trésors de l'es- prit appara issent spont aném ent chez un être humai n lorsqu' il attei ntun certain degré de développement personnel. Ils sont inhérents à lasagesse fondamentale à laquelle toute culture peut finalement accé-der. Ce ne sont pas seulement des enseignements bouddhistes ou

 bœun s ; ce sont des ensei gnem ents pour t ous les êtres huma ins.Si nous avons pour karma d'aider d'autres êtres, les enseigne-

ments découverts dans un rêve peuvent leur être destinés pour leur bien. Mais il peut aussi se faire, si notre karm a es t d'êt re relié à unelignée, par exemple, que les enseignements découverts dans un rêves'appliquent particulièrement à notre propre pratique, peut-êtrecomme remède spécifique pour surmonter un obstacle particulier.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 39/114

types et utilisations des rêves  77

3 - LA DÉCOUVERTE DELA PRATIQUE DE TCHEU

De nombreux maîtres ont fait du rêve une importante porte desagesse, qui leur a permis d'accéder à des enseignements, de ren-contrer des maîtres éloignés dans le temps et l'espace, et de déve-lopper le pouvoir d'aider les autres. L'histoire de TongjoungThouchèn, un grand maître bœun qui passe pour avoir vécu au hui-tième siècle, en est l'illustration. Il découvrit dans un ensemble derêves la pratique bœun de tcheu ( chod*),  qui fait appel à la visionmentale pour cultiver la générosité et trancher l'attachement.

A l'âge de six ans, Tongjoung Thouchèn était déjà bien informédes enseignements. A douze ans, il pratiquait de longues retraites etavait de remarquables expériences oniriques au cours desquelles ildécouvrait des enseignements et rencontrait des maîtres dont ilrecevait l'enseignement. Lors d'une retraite où il s'adonnait avecintensité à la pratique de Walsè, l'une des plus importantes divini-tés tantriques du Bœun, il fut convoqué par son maître. Quittant laretraite, il voyagea jusqu'à la demeure de l'un des bienfaiteurs deson maître, où il dormit et eut un rêve étonnant.

Dans ce rêve, une femme très belle le conduisait à travers des pay sag es inc onn us ju squ 'à un gra nd char nie r. De nom bre uxcadavres jonchaient le sol. Au milieu, se dressait une grande tente

 blan che couve rte d'or neme nts déco rati fs et entou rée de fleu rsmagnifiques. Au centre de la tente, une femme brune siégeait sur ungrand trône. Elle était vêtue de blanc et ses cheveux étaient ornés deturquoises et d'or. Beaucoup de belles dakinis l'entouraient. Elles parla ient les lang ues de nomb reux pays diff éren ts et Tong jou ng

Thouchèn réalisa qu'elles étaient venues de contrées éloignées.Quittant son trône, la dakini brune apporta à Tongjoung Thouchènune coupe crânienne remplie de sang et de chair et l'en nourrit. Cefaisant, elle lui dit d'accepter ces offrandes comme des offrandes

 pures et q u'ell e a llai t, avec les autre s d akini s, lui conf érer une ini-tiation importante.

- Pu isses-tu parvenir à l'éveil dans l'espace de la Grande Mère,

lui dit-elle ensuite. Je suis Sippè Gyalmo, détentrice de l'enseignement bœun, la Reine Brune de l'Existence. Cette initiation et cetenseignement sont le  Tanîra Mère-racine  essentiel. Je t'initie afinque tu puisses initier et enseigner les autres." Tongjoung Thouchènfut conduit sur un trône élevé. Sippè Gyalmo lui donna alors unecoiffe de cérémonie, une robe d'initiation et les instruments rituels.Elle le prit de court en lui demandant ensuite de donner l'initiationaux dakinis rassemblées.

- Oh non, je ne peux pas conférer d' initiation, réponditTongjoung Thouchèn. Je ne sais pas comment faire cette initiation.C'est très gênant.

- Ne t'inquiète pas, le rassura Sippè Gyalmo. Tu es un grandmaître. Tu as reçu toutes les initiations des trente maîtres du Tibetet du Shang Shoung. Tu peux nous conférer l'initiation.

- Je ne sais pas comment chanter les prières pendant l'initiation,

lui objecta Tongjoung Thouchèn.- Je t'aiderai et tous les protecteurs te donneront du pouvoir,répliqua Sippè Gyalmo. Il n'y a pas de quoi s'effrayer. Je t'en prie,accomplis l'initiation.

Au même instant, toute la viande et le sang dans la tente se trans-formèrent en beurre, sucre et aliments variés, en médicaments et enfleurs. Les dakinis lancèrent des fleurs sur lui. Il réalisa soudainqu'il savait comment donner l'initiation du Tantra Mère et la donna.

Après quoi, toutes les dakinis le remercièrent. Sippè Gyalmo luidit : "Dans cinq ans, les dakinis des huit charniers principaux, ainsique de nombreux maîtres, vont se retrouver. Si tu viens, nous tedonnerons d'autres enseignements du Tantra Mère. "   Puis toutes lesdakinis prirent congé de lui, lui d'elles, et Sippè Gyalmo lui indi-qua qu'il devai t partir. Une da kini roug e écrivit la sylla be YAM-représentant l'élément vent - sur une écharpe et l'agita en l'air, luidemandant de la toucher du pied droit. Au moment où il le fît, il

était de retour dans son corps et réalisa qu'il dormait.Il dormit si longtemps qu'on le crut mort. Lorsqu'il s'éveilla

enfin, son maître lui demanda pourquoi il avait dormi aussi long-temps. Il raconta sa vision à son maître, qui lui dit qu'elle était

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 40/114

78  yogas tibétains du rêve et du sommeil ltypes et utilisations des rêves 79

vraiment merveilleuse et lui recommanda de garder ce rêve secret,de crainte qu'il ne devienne un obstacle. Le maître dit à TongjoungThouchèn qu'il enseignerait un jour, puis il lui donna une bénédic-

tion pour renforcer ses enseignements futurs.L'année suivante, Tongjoung Thouchèn était en retraite lorsqu'il

reçut, un soir, la visite de trois dakinis. Elles portaient des écharpesvertes avec lesquelles elles effleurèrent ses pieds. A l'instant, il per-dit brièvement conscience et se réveilla dans un rêve.

Il vit trois grottes tournées vers l'est. Un beau lac s'étendaitdevant elles. Il pénétra dans la grotte centrale. Elle était mer-veilleusement décorée de fleurs. Il rencontra trois maîtres, toushabillés différemment d'habits ésotériques d'initiation. Ils étaiententourés de charmantes dakinis qui jouaient de la musique, dan-saient, faisaient des offrandes, priaient et s'adonnaient à d'autresactivités sacrées.

Les trois maîtres lui donnèrent des initiations pour l'éveiller à sanature propre, pour le faire se souvenir de ses vies antérieures et pour lui perme ttre d'ens eign er a vec succès la p ratiq ue de tche u. Lemaître assis au centre se leva et dit : "Tu détiens tous les enseigne-ments sacrés. Tu as reçu les initiations et nous t'avons béni pourrenforcer ta capacité à enseigner."

Puis, le maître assis à droite se leva et dit: "Nous t'avons initié àtous les enseignements généraux, aux analyses logiques permettantde trancher l'ego, à l'utilisation de l'esprit conceptuel pour défaireles illusions et à la pratique de tcheu. Nous te bénissons pour que tu

 puiss es ensei gner ces prati ques et l eur donne r l a pér ennit é."Le maître assis à gauche se leva enfin et dit : "Je vais te donner

l'enseignement tantrique sacré qui tient au cœur de tous les maîtresdu Tibet et du Shang Shoung. Nous t'initions et te bénissons par cesenseignements afin que tu puisses aider autrui."

Les trois maîtres étaient de très importants maîtres bœun quiavaient vécu vers la fin du deuxième siècle, plus de cinq cents ansavant la naissance de Tongjoung Thouchèn.

Quelque temps plus tard, après le décès du maître de Tongjoung

Thouchèn, ce dernier retourna au petit village de son maître où il prat iqua des ritu els pour les vill ageoi s. A main tes repri ses, aussi bien lors de court es médi tati ons qu'en retrai te, il eut des visi ons demaîtres venant lui rendre visite. Il devint capable de voir l'intérieur

de son corps, avec les canaux et les énergies qui semblaient de purcristal. Souvent, quand il marchait, ses pieds ne touchaient pas lesol et il pouvait se déplacer extrêmement vite en utilisant le pouvoirde son prana.

Quatre autres années passèrent. La dakini brune qu'il avait ren-contrée dans son rêve, la manifestation de Sippè Gyalmo, lui avaitdit qu'ils se rencontreraient à nouveau au bout de cinq ans et cetemps était arrivé. Faisant un jour un petit somme dans une grotte,il adressa en rêve une prière à tous les maîtres. Lorsqu'il se réveilla,il vit un ciel incroyablement clair. Une légère brise se leva et deuxdakinis vinrent vers lui, chevauchant le vent. Il devait les accompa-gner, lui dirent-elles.

Il rejoignit avec elles un rassemblement de dakinis, les mêmesdakinis de nombreux pays qu'il avait rencontrées en rêve cinq ans

 plus tôt. Il reçut les trans miss ions et les expl icati ons de la p ratiq uede tcheu et du  Tantra Mère.  Les dakinis prédirent qu'un jour vien-drait où des bodhisattvas et douze maîtres bénis apparaîtraient etqu'à cette époque Tongjoung Thouchèn enseignerait. Chaque

dakini lui promit de l'aider à enseigner. L'une déclara vouloir agircomme gardienne des enseignements, une autre dit qu'elle béniraitles enseignements, une troisième affirma qu'elle protégerait lesenseignements des mots et des interprétations erronés et ainsi desuite. Sippè Gyalmo fit également le vœu d'agir comme protectricedes enseignements. Chacune des dakinis présentes dit, à son tour,quelle responsabilité elle assumerait pour aider à la diffusion desenseignements. Elles lui dirent que les enseignements se répan-draient dans les dix directions comme les rayons du soleil, verstoutes les régions du monde. Cette prophétie était importante ; elleencourage ceux qui étudient aujourd'hui ces pratiques, car ilssavent qu'elles continuent à se répandre de par le monde.

Les rêves de Tongjoung Thouchèn sont de bons exemples derêves de clarté. Il reçut en rêve des informations précises à proposd'un rêve important qu'il ferait plus tard. Il reçut des enseignementset des initiations et fut aidé par des dakinis et d'autres maîtres. Au

début de sa vie, alors qu'il était déjà un maître accompli, il ignoraitl'ampleur de ses capacités jusqu'à ce qu'un rêve les lui révèle.Grâce aux bénédictions reçues en rêves, il s'éveilla à différentesdimensions de conscience et retrouva la partie de lui-même qui

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 41/114

80  yogas tibétains du rêve et du sommeil

avait étudié et progressé dans ses vies antérieures. Il continua à sedévelopper grâce aux rêves, recevant des enseignements et rencon-trant des maîtres et des dakinis toute sa vie durant.

Il peut en être de même pour chacun de nous. En tant que prati-quants, nous découvrirons qu'il existe une continuité dans la partiede notre vie consacrée aux rêves. C'est précieux pour notre chemi-nement spirituel, car le rêve participe au processus spécifique quinous relie à notre être le plus profond et fait mûrir notre dévelop- peme nt spirit uel.

4 - DEUX NIVEAUX DE PRATIQUE

Une nuit, voici quelques années, j'ai rêvé que j'avais un serpentdans la bouche. Je l'en ai sorti, pour découvrir qu'il était mort;c'était plutôt déplaisant. Une ambulance est arrivée à la maison. Lesauxiliaires médicaux m'ont annoncé que le serpent était venimeuxet que j'étais en train de mourir. J'ai dit d'accord, et ils m'ontemmené à l'hôpital.

J'étais effrayé et leur ai dit que j'avais besoin de voir une statuede Tapihritsa, le maître dzogchèn, avant de mourir. Les infirmiersignoraient de qui il s'agissait, mais ils acceptèrent et m'annoncèrentque je devrais attendre pour mourir, ce qui me soulagea. Ils me sur-

 priren t cepe ndant en m'ap port ant tout de suite la statue . Mon pré-

texte pour différer la mort n'avait pas tenu bien longtemps. Alors jeleur dis que la mort n'existait pas et que tel serait dorénavant monsoutien. A la minute même, je m'éveillai avec le cœur battant lachamade.

C'était la Saint Sylvestre et je devais m'envoler de Houston pourRome le lendemain. Mal à l'aise après ce rêve, je pensais que jedevrais peut-être le prendre au sérieux et annuler mes projets devoyage. J'avais besoin des conseils de mon maître. Je me mis doncau lit et, en un rêve lucide, me rendis auprès de Lopœun, au Népal,où je lui racontai ce rêve troublant.

Houston subissait à l'époque de graves inondations. Pour monmaître, le rêve voulait dire que je représentais Garuda, l'oiseau sur-naturel qui a le pouvoir sur les Nagas, les esprits serpentiformes deseaux. Lopœun dit que le rêve signifiait que Garuda allait vaincre lesesprits des eaux, responsables des inondations. Je me sentis beau-coup mieux après cette interprétation ; le lendemain, je partis pour

Rome comme prévu. Ceci est un exemple d'utilisation du rêvelucide à des fins pratiques, pour prendre des décisions.

Cela peut sembler étrange ou incroyable, mais l'essentiel est dedévelopper la flexibilité de l'esprit et de franchir les limites qui le

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 42/114

82 yogas tibétains du rêve et du sommeil

restreignent. Nous pouvons mieux accepter ce qui arrive sans êtreinfluencés par les attentes et les désirs si nous avons davantage desouplesse. Cette pratique spirituelle sera bienfaisante dans notre viequotidienne, même pendant que nous sommes encore limités par ledésir et l'aversion.

Si je vis en ayant vraiment réalisé que la mort n'existe pas et que perso nne ne meurt , alors je ne cherch e pas à inter préte r un rêvecomme je l'ai fait à Houston, quand je me suis senti angoissé. Notredésir d'interprétation repose sur l'espoir et la peur. Nous voulonssavoir ce qu'il faut éviter ou favoriser, nous voulons comprendreafin de changer quelque chose. Lorsque vous réalisez votre vraienature, vous ne cherchez pas un sens; à qui servirait-il? Quandvous êtes au-delà de l'espoir et de la crainte, le sens d'un rêvedevient insignifiant ; vous vivez tout simplement pleinement ce quise manifeste dans l'instant présent. Aucun rêve ne peut alors pro-voquer d'anxiété.

Le yoga du rêve s'étend à notre vie entière et s'applique aux dif-férentes dimensions de notre expérience. Ceci peut donner l'im-

 pressi on d'un confli t e ntre la v ue philo sophi que la p lus haute et cer-taines instructions. D'une part, la vue est illimitée: lesenseignements qui portent sur la non-dualité, sur la réalité non-conventionnelle, affirment qu'il n'y a rien à accomplir, qu'il estvain de chercher, qu'en faisant des efforts on s'éloigne de sa nature prop re. D'aut re part, il exis te des prat iqu es et des ense igne ment squi n'ont de sens qu'en termes de dualité, en termes d'espoir et decrainte. On apprend à interpréter les rêves, à apaiser les gardienslocaux, à accomplir des pratiques de longue vie et l'on exhortel'étudiant à œuvrer avec diligence et à garder l'esprit concentré. Ilsemble que l'on nous dise à la fois qu'il n'y a rien à accomplir etque nous devons travailler très dur.

La confusion à ce sujet induit chez le pratiquant la confusion dansla pratique. La question est la suivante : "Si la réalité ultime est videde différences et si la libération se trouve dans la réalisation de cettevacuité, alors pourquoi devrais-je m'adonner à des pratiques orien-

tées vers des résultats relatifs ?" La réponse est très simple. Nousvivons dans le monde de la dualité, du relatif et devons donc effec-tuer les pratiques qui y sont efficaces. Dans l'existence samsarique,divisions et polarités signifient quelque chose ; il y a le vrai et le

types et utilisations des rêves 83

faux et des manières d'agir et de penser qui sont bonnes ou mau-vaises, selon les valeurs des différentes religions, écoles spiri-tuelles, systèmes philosophiques, selon la science et la culture.Respectez les conditions de la situation à laquelle vous êtes soumis.

 Nous vivon s dans le samsara , les prati ques conven tionn elle s y sontvalables et l'interprétation des rêves peut être très utile.

J'ai eu besoin d'interpréter le rêve parce que j'avais peur de lamort. Mais il est important pour moi de savoir que ce besoin repo-sait sur la peur, sur la dualité et que, lorsque je demeure dans la pré-sence non-duelle, il n'y a ni crainte ni besoin d'interprétation. Nousemployons ce qui nous est utile dans la situation où nous sommes.Lorsque nous vivons seulement dans la nature de l'esprit, l'étatdans lequel la réalité est vraiment libre de distinctions, alors nousn'avons pas besoin de faire des pratiques relatives. Alors, il n'estnul besoin d'interpréter un rêve parce qu'il n'est pas nécessaire dese réorienter, il n'existe pas d'ego à réorienter. Nous n'avons pas

 besoi n d e consu lte r un rêve à pro pos du futu r, car i l n 'y a ni espoi rni crainte. Nous sommes totalement présents à ce qui arrive, sans

aversion ni attirance. Nous n'avons pas besoin d'interroger lesrêves pour trouver du sens, car nous vivons dans la vérité.

Dans notre vie conventionnelle, nous faisons des choix et pou-vons modifier les choses. C'est pour cela que nous étudions lesenseignements et que nous pratiquons. Lorsque nous comprenonsdavantage et devenons plus habiles dans nos vies, nous devenons

 plus flexi bles. Nou s comm enço ns à c ompr endre réell ement ce quinous est enseigné: ce qu'est la lucidité, ce que nos expériences ontd'illusoire, comment naît la souffrance, ce qu'est notre vraie nature.Dès que nous voyons comment notre action crée davantage de souf-france, nous pouvons choisir d'agir un peu différemment. Nousdevenons las des identités restreintes et des tendances répétitivesqui mènent à tant de souffrances inutiles. Nous nous débarrassonsdes émotions négatives, nous nous exerçons à vaincre la distractionet demeurons dans la présence pure.

Il en est de même pour le rêve. La pratique est progressive. Amesure qu'elle se développe, on découvre qu'il existe une autremanière de rêver. On s'oriente alors vers les pratiques non-conven-tionnelles du rêve dans lesquelles l'histoire et son interprétation

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 43/114

84 yogas tibétains du rêve et du sommeil

n'ont pas d'importance. On travaille davantage sur les causes durêve que sur le rêve lui-même.

Il n'existe aucune raison de ne pas appliquer le yoga du rêve à desfins temporelles. Certaines pratiques ont des objectifs relatifs etconduisent à se servir des rêves pour la santé, la divination, leconseil, la purification de tendances karmiques et psychologiquesmalsaines, la guérison, etc. Le chemin est pratique et convient àtous. Cependant, si l'usage du yoga du rêve pour notre bien dans lemonde relatif est une bonne chose, ce n'est qu'un usage provisoire.Ultimement, nous souhaitons nous aider du rêve pour nous libérer detoutes les conditions relatives, pas simplement pour les améliorer.

TROISIEME PARTIE

LA PRATIQUE DU

YOGA DU RÊVE

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 44/114

la pratique du yoga du rêve  87

1-VUE, ACTION, RÊVE, MORT

Selon le  Tantra Mère,  si l'on n'est pas conscient de la vue, il est peu prob abl e qu'on le soit du com port eme nt. Si l'on n'es t pasconscient du comportement, il est peu probable qu'on le soit enrêve. Et si l'on n'est pas conscient en rêve, il est peu probable qu'onle soit dans le bardo après la mort.

Qu'est ce que cela signifie? La "vue", dans ce contexte, ne ren-voie pas seulement aux phénomènes visuels, mais plutôt à la tota-lité du vécu. "Vue" inclut toute perception, sensation, événementmental et émotionnel, de même que toute chose qui nous sembleextérieure. C'est ce que nous "voyons" comme expérience; c'estnotre expérience. Ne pas être conscient de la vue signifie ne pas êtrecapable de voir la vérité de ce qui surgit dans l'expérience, et êtrela victime des illusions de l'esprit dualiste qui prend à tort ses pro-

 jec tio ns et ses fant asme s pour la r éalit é.Lorsque nous n'avons pas conscience de la vraie situation dans

laquelle nous sommes, il nous est difficile de répondre habilementà ce que nous rencontrons dans la vie, tant intérieure qu'extérieure.

 Nous réagi ssons plut ôt en fonct ion des habit udes karmi ques de sai-sie et de rejet, menés de-ci de-là par le chagrin et les espoirs illu-soires. Entreprendre d'agir dans cette confusion est "n'être pasconscient du comportement". L'action aura pour résultat de renfor-cer l'attachement, la haine, l'ignorance, créant des empreintes kar-miques négatives supplémentaires.

Les rêves naissent des mêmes traces karmiques que celles quigouvernent nos expériences à l'état de veille. Si nous sommes tropdistraits dans la journée pour déjouer les fantasmes et les illusionsde l'esprit en mouvement, les mêmes limitations nous contraindronttrès probablement en rêve. C'est ce que signifie "n'être pas

conscient en rêve". Les événements du rêve soulèveront en nous lesmêmes émotions et réactions duelles que celles dans lesquellesnous nous égarons à l'état vigile, et il sera difficile de développer lalucidité ou d'entreprendre les pratiques ultérieures.

 Nou s entro ns dans le bardo, l'état inte rmédi aire après la mort ,exactement comme nous entrons dans le rêve après nous être endor-mis. Si notre expérience du rêve manque de clarté et se caractérise

 par l a co nfusi on émoti onnell e et l a ré activi té habitu elle, nous seronsamenés à expérimenter de la même manière les processus de lamort. Notre réaction duelle aux visions de l'état intermédiaire noussoumettra à de nouveaux liens karmiques. Notre future renaissancesera déterminée par celles des tendances karmiques que nousaurons entretenues durant la vie. C'est ce que signifie "manquer deconscience dans le bardo".

Si, à l'inverse, nous sommes en permanence conscients de chaqueinstant de l'expérience, cette capacité se trouve bientôt en rêve. Endéveloppant la présence dans le rêve, nous nous préparons à lamort. La pratique du rêve est liée à cette progression.

Pour progresser, nous devons acquérir une certaine stabilité del'esprit, afin de pouvoir maintenir une conscience plus grande del'expérience, de la "vue" et afin d'améliorer l'habileté de laréponse. C'est pourquoi la première pratique est celle de   chiné,  lecalme mental, dans laquelle on entraîne l'esprit à rester tranquille,

 posé en un p oint et alert e.A mesure que nous avons davantage conscience de l'expérience,

nous pouvons surmonter les réactions habituelles, basées sur l'illu-sion, de l'esprit conventionnel. Les quatre pratiques préliminairesfavorisent par ailleurs cette flexibilité en exerçant l'esprit à se ser-vir de tout objet de l'expérience de l'état de veille comme d'unmoyen d'accroître la lucidité et la présence. Lorsque nous desser-rons l'emprise de la réactivité karmique, nous pouvons choisird'agir positivement. C'est ce que l'on appelle "être conscient ducomportement".

La présence que nous avons stabilisée dans l'état de veille et mani-festée dans nos comportements commence naturellement à appa-raître dans le rêve. Les exercices de la pratique principale utilisent lacompréhension du prana, des chakras et de l'esprit pour contribuer àrenforcer la conscience dans le rêve. On les effectue avant de s'en-dormir et pendant trois phases de réveil nocturne. Une fois que la

lucidité est développée, on entreprend d'autres pratiques pendant lerêve lui-même afin de développer la flexibilité de l'esprit, de vaincreles limitations et les méprises qui nous lient au samsara.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 45/114

88 yogas tibétains du rêve e t du sommeil

De même que la lucidité et la présence cultivées à l'état de veillesont introduites dans le rêve, la lucidité et la présence cultivées dansle rêve sont introduites dans la mort. Si l'on accomplit totalement

le yoga du rêve, on est prêt à entrer dans l'état intermédiaire aprèsla mort avec la vue correcte et la stabilité dans la présence non-duelle, indispensables pour atteindre la libération.

Telle est la séquence : pleine conscience dès le premier instant del'expérience, dans la réponse, dans le rêve et enfin dans la mort. Onne peut pas simplement commencer par la fin. Vous pouvez appré-cier vous-mêmes la maturité de votre pratique : lorsque vous êtesconfronté à une expérience, examinez vos ressentis et vos réactionsà ces ressentis. Etes-vous contrôlé par vos interactions avec lesobjets de l'expérience, ou contrôlez-vous vos réactions à leurégard ? Etes-vous précipité dans les émotions par vos attirances etrépulsions, ou pouvez-vous rester équilibré dans diverses situa-tions? Dans le premier cas, la pratique développera la présencenécessaire pour vous libérer du conditionnement karmique et de laréactivité. Dans le second cas, vous augmenterez la stabilité del'état de conscience et vos rêves se transformeront de façon extra-

ordinaire.

2 - S'ETABLIR DANS LECALME MENTAL: CHINÉ

Un yogi du rêve accompli doit être suffisamment établi dans la prése nce pour ne pas être entra îné par les vent s d'ém oti ons kar-miques et se perdre dans le rêve. A mesure que l'esprit se calme, lesrêves s'allongent, se fragmentent moins, on s'en souvient mieux etla lucidité s'accroît. La vie est également améliorée. Nous consta-tons que nous sommes de moins en moins soumis aux emporte-ments de nos émotions habituelles, qui nous entraînent dans la dis-traction et le malheur, tandis que se développent, au contraire, lestraits positifs qui conduisent au bonheur. Cela nous soutient dans lecheminement spirituel.

Toutes les disciplines yogiques et spirituelles comportent uneforme de pratique qui développe la concentration et apaise l'esprit.Dans la tradition tibétaine, cette pratique s'appelle chiné, la médi-tation du calme mental. Nous distinguons trois stades dans le déve-loppement de la stabilité: chiné contraint, chiné naturel, chinéultime. Chiné commence par la fixation mentale sur un objet puis,lorsque la concentration est suffisamment forte, continue par lafixation sans objet.

Commencez la pratique en vous asseyant dans la posture de médi-tation en cinq points : jambes croisées, mains superposées appuyéessur le giron, paumes vers le haut, colonne vertébrale droite maissans raideur, tête légèrement inclinée vers le bas pour tendre lanuque, yeux ouverts. Les yeux doivent être détendus, ni tropouverts, ni trop fermés. L'objet de concentration doit être posé defaçon à ce que les yeux regardent à l'horizontale, ni vers le haut, ni

vers le bas. Essayez de ne pas bouger pendant que vous pratiquez,de ne même pas déglutir ni cligner des yeux, tout en gardant l'es- prit uniq uemen t p osé sur l 'objet . Même si des larmes vous inond entla figure, ne bougez pas. Laissez la respiration aller naturellement.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 46/114

90  yogas tibétains du rêve et du sommeil la pratique du yoga du rêve  91

On utilise généralement la lettre tibétaine A lorsqu'on fait chinéavec un objet. Cette lettre a beaucoup de significations symbo-

liques ; ici, elle sert simplement de support à la concentration. On peu t auss i se ser vir d'au tre s obj ets - la lett re A de l'al pha bet lati n,une image, le son d'un mantra, le souffle - pratiquement n'importequoi. Il vaut mieux néanmoins prendre quelque chose qui soit enrapport avec le sacré, car c'est une source d'inspiration. Essayezd'utiliser le même support chaque fois que vous méditez, plutôt quede passer de l'un à l'autre, car la continuité agit comme soutiendans la pratique. Il est également préférable de se fixer sur un sup-

 por t ext éri eur au corp s, car l'o bje ctif est de dév elo ppe r la stab ilit édurant la perception des objets extérieurs puis, finalement, desobjets du rêve.

Si vous voulez vous servir du A tibétain, écrivez-le sur un carré de pa pie r d'e nvi ron 2,5 cen tim ètr es de côt é. Tra dit ion nel lem ent , lalettre est blanche, inscrite sur un disque indigo, entouré de cinqcercles concentriques colorés en bleu, vert, rouge, jaune et blanc.Fixez ce papier sur un bâton assez long pour que le papier soit à la

hauteur de vos yeux lorsque vous êtes assis en posture et donnez-

 Le A tibétain

lui une base qui le tienne vertical. Placez-le à environ quarante-cinqcentimètres devant vous.

De nombreux signes de progrès peuvent apparaître pendant la prat ique . Au fu r e t à mesu re que la con cen trat ion se ren for ce et queles temps de pratique s'allongent, d'étranges sensations peuventnaître dans le corps et beaucoup de phénomènes visuels étranges peu ven t s e mani fes ter . Vou s t rouv ere z a ussi que votr e espr it fait deschoses étranges ! Tout cela est normal. Ces expériences participentnaturellement du développement de la concentration et naissent

quand l'esprit se stabilise ; ne soyez ni troublé ni exalté par elles.

CHINÉ CONTRAINT

Le premier stade de la pratique est dit "contraint", car il nécessiteun effort. L'esprit est vite et facilement distrait et il peut semblerimpossible qu'il reste posé sur l'objet pendant plus d'une minute.Au début, il est utile de pratiquer en alternant de nombreuses ses-sions courtes et des pauses. Ne laissez pas l'esprit vagabonder pen-dant ces dernières, mais récitez plutôt un mantra, ou faites un tra-vail d'imagerie mentale, ou bien faites une autre pratique que vousconnaissez, comme le développement de la compassion. Après la

 pau se, repr ene z la prat ique de con cent rat ion. Si vou s vou lez méd i-ter mais n'avez pas le support dont vous vous servez habituelle-ment, imaginez une sphère de lumière entre vos sourcils et concen-trez-vous sur elle. Il faut pratiquer une à deux fois par jour, plussouvent si vous en avez le temps. Développer la concentration estcomme renforcer les muscles du corps : les exercices doivent êtrefréquents et réguliers. Pour devenir plus fort, repoussez sans cessevos limites.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 47/114

92  yogas tibétains du rêve et du sommeil la pratique du yoga du rêve  93

Gardez l'esprit posé sur le support. Ne suivez pas les pensées du passé ou du futu r. Ne laiss ez pas l'att entio n être empo rtée parl'imagination, le son, la sensation physique, ou toute autre distrac-tion. Restez simplement dans la sensation de l'instant présent et,

avec une force et une clarté totales, fixez l'esprit sur l'objet par l'in-termédiaire des yeux. Ne perdez pas conscience de l'objet, neserait-ce qu'une seconde. Respirez doucement, puis encore plusdoucement, jusqu'à ce que la sensation de respirer se perde.Lentement, laissez-vous aller de plus en profondément dans la tran-quillité et le calme. Maintenez le corps détendu; ne vous crispez pas en vous conc ent rant . Ne vou s lai ssez pas dava nta ge tom berdans la torpeur, l'ennui ou l'extase. Ne pense z rien de l'obj et, laisse z-le exist er dans la consc ience .

C'est une importante différence à faire. Entretenir des pensées à propo s de l'obj et n 'est pas le genre de concen trati on que nous déve-loppons. Il s'agit seulement de garder l'esprit posé sur l'objet, surla perception sensorielle de l'objet, de rester conscient, sans dis-traction, de la présence de l'objet. Quand l'esprit devient distrait-et c'est fréquent au début - ramenez-le doucement sur l'objet etlaissez-le là.

CHINÉ NATUREL

Le deuxième stade de la pratique - chiné naturel - commencelorsque la stabilité est installée. La première étape a consisté àdévelopper la concentration en dirigeant continuellement l'atten-tion sur le support et en prenant le contrôle de l'esprit turbulent.Dans l'étape suivante, l'esprit est absorbé dans la contemplation dusupport et il n'est plus nécessaire de le forcer à se tenir tranquille.Une tranquillité agréable et détendue est établie, dans laquelle l'es-

 prit est calm e et les pens ées survi ennen t sans le dist raire de sonobjet. Les éléments du corps s'harmonisent et le prana circule dou-cement et régulièrement à travers le corps. Le moment est venu de

 passe r à l a fi xati on sans objet .Abandonnez le support matériel et posez le regard sur l'espace. Il

est utile de regarder un grand vide, comme le ciel, mais on peut pra-

tiquer même dans une petite pièce en fixant l'espace compris entrele corps et le mur. Restez stable et calme. Laissez le corps détendu.Au lieu de vous concentrer sur un point imaginaire de l'espace,

laissez l'esprit s'épancher tout en maintenant une forte présence. Nou s appel ons cela "diss oudre l'espri t dans l'esp ace", ou "mêle rl'esprit à l'espace". Cela conduira à la tranquillité durable et au troi-sième stade de la pratique de chiné.

CHINÉ ULTIME

Alors qu'au stade précédent l'absorption dans l'objet se mêleencore d'une certaine pesanteur, le troisième stade est caractérisé

 par un esprit tranq uill e, mais léger, déten du et docil e. Les pensé esnaissent et se dissolvent spontanément et sans effort. L'esprit esttotalement unifié avec son mouvement propre.

Dans la tradition dzogchèn, c'est traditionnellement à ce stadeque le maître introduit l'étudiant à l'état naturel de l'esprit. Commel'étudiant a développé chiné, le maître peut désigner ce que l'étu-diant a déjà expérimenté plutôt que de décrire un nouvel état qu'ilfaut découvrir. L'explication, connue comme "l'instruction quidésigne", a pour but de conduire l'étudiant à reconnaître ce qui estdéjà là, à différencier l'esprit en mouvement habituel de la naturede l'esprit, laquelle est pure conscience non-duelle. C'est le stade

ultime de la pratique de chiné, demeurer dans la présence non-duelle, dans rigpa même.

OBSTACLES

Trois obstacles doivent être surmontés au cours de la pratique dechiné : l'agitation, la torpeur et le relâchement.

agitation

L'agitation fait que l'esprit saute sans relâche d'une pensée àl'autre et que la concentration est difficile. Pour l'éviter, calmez-vous avant la pratique en évitant toute activité physique ou mentaleexcessive. Des étirements lents peuvent aider à détendre le corps età calmer l'esprit. Lorsque vous êtes assis, faites quelques respira-tions profondes et lentes. Faites-en une habitude pour focaliserimmédiatement l'esprit quand vous commencez la pratique, afin dene pas créer la tendance au vagabondage mental pendant laméditation.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 48/114

94  yogas tibétains du rêve et du sommeil

torpeur

Le deuxième obstacle est la somnolence, ou torpeur, qui envahitl'esprit comme un brouillard, une lourdeur qui émousse l'acuité de

l'état de conscience. Lorsque cela arrive, essayez de renforcer laconcentration de l'esprit sur l'objet pour traverser la somnolence.Vous pourrez constater qu'elle est une sorte de mouvement de l'es- prit que vous pouve z ar rêter g râce à une forte concent ration . Si celan'est pas efficace, faites une pause, étirez-vous et pratiquez éven-tuellement debout.

relâchement

Le troisième obstacle est le relâchement. Lorsque vous rencontrezcet obstacle, vous avez l'impression d'avoir l'esprit calme, maisl'état mental est faible et passif, sans force de concentration. Il estimportant de reconnaître cet état pour ce qu'il est. Car l'expérience peut être agréab le et reposa nte et, si on la pren d à tort pour uneméditation correcte, on peut perdre des années à l'entretenir, sanschangement décelable de la qualité de conscience. Si votre concen-tration perd de sa force et que votre méditation se relâche, renfor-

cez la posture et réveillez votre esprit. Revigorez l'attention etveillez à la stabilité de la présence. Considérez que la pratique est précieu se, ce qu'ell e est, et c omme suscept ible de condui re à la réa-lisation la plus élevée, ce qu'elle fera. Renforcez la motivation;automatiquement la vigilance de l'esprit se renforce.

Il faut pratiquer chiné chaque jour jusqu'à ce que l'esprit soitapaisé et stable. Ce n'est pas seulement une pratique préliminaire.Elle est utile à chaque instant de la vie du pratiquant ; même lesyogis très avancés s'y consacrent. Le yoga du rêve et toutes lesautres pratiques méditatives reposent sur la stabilité de l'esprit obte-nue grâce à chiné. Lorsqu'on a acquis la stabilité ferme et durablede la présence calme, on peut développer cette stabilité dans tousles aspects de la vie. Lorsqu'elle est stable, la présence peut tou-

 jou rs être trou vée et n'est pas bala yée par les pensé es et les émo -tions. Alors nous restons dans la conscience, même si les traces kar-miques continuent à produire des images oniriques après

l'endormissement. Cela donne accès aux pratiques ultérieures desyogas du rêve et du sommeil.

3 - LES QUATREPRATIQUES PRÉLIMINAIRES

Le yoga du rêve comporte quatre pratiques préliminaires. On lesappelle traditionnellement les Quatre Préparations, ce qui ne signi-fie pas qu'elles ont peu d'importance et seront suivies de la pratique"vraie". Elles sont préparatoires en ce sens qu'elles posent les fon-dations dont dépend le succès de la pratique principale.

Le yoga du rêve s'enracine dans notre manière d'employer l'es- prit pend ant l'état de veille et c'est sur el le que porte nt les prati ques préli minai res. La m anière dont nous nous servon s de l'esprit déter -mine autant les types de rêves qui s'élèvent dans le sommeil que laqualité de ce que nous vivons en étant réveillés. Changez de com-

 port ement enver s les perso nnes et les objet s dans la vie et votre

expérience du rêve changera. Après tout, le "moi" qui vit le rêve del'état de veille est aussi le "moi" qui vit le rêve de l'état de som-meil. Si vous êtes toute la journée di spersé et captivé par les diva-gations de l'esprit conceptuel, il y a des chances que vous agissiezde même en rêve. Et si vous êtes davantage présent quand vous êtesréveillés, vous aurez aussi cette présence en rêve.

PRATIQUE I : MODIFIER LES EMPREINTES KARMIQUES

Une forme de la première pratique préliminaire est assez bienconnue en Occident, parce que des chercheurs et des personnes quis'intéressent au rêve ont trouvé qu'elle favorise le rêve lucide. Ellese formule ainsi : au cours de la journée, exercez-vous à reconnaîtrela nature onirique de la vie, jusqu'à ce que la même reconnaissancecommence à se manifester en rêve.

En vous levant le matin, pensez : "Je suis réveillé dans un rêve".Quand vous entrez dans la cuisine, identifiez-la comme une cuisinede rêve. Versez du lait de rêve dans le café de rêve. Pensez : "Toutest un rêve", ou: "C'est un rêve". Gardez cette pensée présente àl'esprit pendant toute la journée.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 49/114

96 yogas tibétains du rêve et du sommeil la pratique du yoga du rêve 97

En fait, il faut insister davantage sur vous, le rêveur, que sur lesobjets de votre expérience. Souvenez-vous sans cesse que vous êtesen train de rêver ce que vous vivez : la colère que vous éprouvez, le

 bonhe ur, la fati gue, l'ang oisse - to ut fait partie d'un rêve. Le chêneque vous aimez, la voiture que vous conduisez, la personne à qui

vous parlez, font tous partie du rêve. Cette façon de procéder créedans votre esprit la tendance nouvelle de considérer l'expériencecomme irréelle, impermanente et intimement liée aux projectionsde l'esprit. Les phénomènes étant vus comme éphémères et non-substantiels, la saisie diminue. Chaque contact sensoriel, chaqueévénement mental, rappelle la nature onirique du vécu. Finalement,ce discernement s'étendra au rêve ; il permettra de reconnaître l'étatde rêve et de développer la lucidité.

On peut comprendre de deux façons l'affirmation selon laquelletout est un rêve. La première est de considérer que c'est uneméthode pour modifier les empreintes karmiques. L'appliquerchange la relation au monde, comme le fait toute pratique. Si noustransformons les réactions habituelles et largement inconscientesaux stimuli, les qualités de la vie et du rêve changent. Lorsque nousconsidérons qu'une expérience "n'est qu'un rêve", elle devientmoins "réelle" pour nous. Elle perd le pouvoir qu'elle avait sur nous(seulement parce que nous le lui donnions) et ne peut plus nous per-turber, ni nous précipiter dans les émotions négatives. Nous com-mençons dès lors à aborder toute expérience avec une clarté et uncalme plus grands et l'apprécions même davantage. De cette façon,la pratique agit psychologiquement en changeant le sens que nous

 proj eton s sur to ut ce qui est au-de là de nos conce ptio ns. En v oyantautrement l'expérience, nous modifions notre réaction à son égard,ce qui modifie les empreintes karmiques des actions et donc lesracines du rêve.

La deuxième façon de comprendre la pratique est de réaliser quel'état de veille est en réalité semblable au rêve, que la totalité del'expérience habituelle est composée de projections de l'esprit, quetoute signification est attribuée et que tout ce que nous vivons est dûà l'influence du karma. Nous parlons là du travail subtil et pénétrantdu karma, le cycle infini des causes et conséquences qui crée le pré-

sent à partir des traces du passé, par l'intermédiaire du condition-nement incessant qu'entraîne chaque action. C'est une des façons

d'exprimer la réalisation que tous les phénomènes sont vides et quel'existence apparemment autonome des êtres et des objets est illu-soire. Il n'existe nulle part dans notre vie active de "chose" concrète- exactement comme en rêve - mais seulement des apparenceséphémères, dénuées d'essence propre, survenant et s'auto-effaçant

dans la base lumineuse et vide de l'existence. Réaliser pleinementla vérité de l'affirmation: "C'est un rêve", nous libère de nos habi-tudes de conception erronée et nous libère par conséquent de la viesamsarique étriquée dans laquelle le fantasme est pris à tort pour laréalité. Nous sommes nécessairement présents lorsque survientcette réalisation, car il est alors vrai qu'il n'y a nulle autre place oùêtre. Et il n'existe pas de méthode plus puissante pour être conti-nuellement lucide en rêve que de demeurer en permanence dans la prése nce lucid e au cours de la jour née.

Ainsi, une part importante de cette pratique consiste à éprouverque vous êtes vous-même un rêve. Imaginez-vous comme une illu-sion, un personnage rêvé, dont le corps manque de matérialité.Imaginez que votre personnalité et vos différentes identités sont des

 proj ect ion s de l'esp rit. Mai nten ez la prés ence , cette luci dité quevous tentez d'entretenir dans le rêve, pendant que vous avez la sen-sation d'être éphémère et immatériel, seulement constitué delumière. Cela crée une relation très différente avec vous-même, quiest confortable, souple et chaleureuse.

Ce faisant, il ne suffit pas de seulement répéter sans cesse quevous êtes dans un rêve. La vérité de cette affirmation doit être res-sentie et expérimentée au-delà des mots. Utilisez l'imagination, lessens et la conscience pour intégrer pleinement la pratique et ce quevous avez ressenti. Quand vous pratiquez correctement, chaque foisque vous pensez être dans un rêve la présence devient plus forte etl'expérience plus vivante. Si ce changement qualitatif immédiat n'a

 pas lieu, véri fiez que la prati que n'est pas deven ue seule ment larépétition machinale d'une phrase, ce qui est peu profitable. Penserseulement à une formule n'a rien de magique ; les mots doivent ser-vir à vous rappeler à la conscience et au calme dans l'instant.Lorsque vous vous exercez à la reconnaissance, "éveillez-vous" enaugmentant sans relâche la clarté et la présence, jusqu'à ce que le

simple souvenir de la pensée "c'est un rêve" entraîne simultané-ment le renforcement et la clarification de la conscience.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 50/114

98 yogas tibétains du rêve et du sommeil la pratique du yoga du rêve  99

Telle est le premier préliminaire : voir toute la vie comme un rêve.Il faut l'appliquer au moment de la perception, avant l'apparition dela réaction. C'est une pratique puissante par elle-même et qui agit

fortement sur le pratiquant. Restez dans cette conscience et vousserez aussi lucide à l'état de veille que pendant le rêve.

Une mise en garde est cependant nécessaire : il importe de ne pas perdre les respon sabil ités de vue et de respec ter les limi tes et lalogique de la vie conventionnelle. Lorsque vous répétez intérieure-ment que la vie est un rêve, c'est vrai; mais si vous sautez d'unimmeuble vous tomberez quand même, vous ne volerez pas. Si vousn'allez pas travailler, les factures resteront impayées. Plongez lesmains dans un feu et vous vous brûlerez. Il est important de resterancré dans les réalités du monde relatif. Car aussi longtemps que"toi" et "moi" existent, un monde relatif existe, dans lequel nousvivons, d'autres êtres souffrent et les décisions que nous prenonsont des conséquences.

P R A T I Q U E 2 : S U P P R I M E R L A S A I S I E E T L E R E J E T

La deuxième pratique préliminaire agit pour diminuer davantagela saisie et le rejet. Alors qu'on applique la première pratique àl'instant de la rencontre avec l'objet, avant que la réaction sedéclenche, la deuxième pratique est mise en œuvre une fois la réac-tion déclenchée. Fondamentalement, l'objectif est le même dans lesdeux cas. Mais la différence entre les deux pratiques tient à la situa-tion dans laquelle on les applique et à l'objet sur lequel on portel'attention. Dans la première, la conscience lucide et le fait deconsidérer que tout phénomène est onirique sont orientés vers toutce qui est rencontré: objets des sens, événements intérieurs, lecorps lui-même, etc. La deuxième pratique oriente la mêmeconscience lucide vers les réactions teintées d'émotion qui répon-dent aux éléments de l'expérience.

Idéalement, il faudrait pratiquer dès que la saisie ou le rejet nais-sent face à un objet ou à une situation. L'esprit avide peut réagirsous forme de désir, colère, jalousie, orgueil, envie, chagrin, déses-

 poir, jo ie, angoisse, dépressi on, p eur, ennui, ou toute autre é motion .Lorsqu'une réaction s'élève, souvenez-vous que vous-même,l'objet, et votre réaction, sont un rêve. Pensez : "Cette colère est unrêve; ce désir, cette indignation, ce chagrin, cette exubérance, c'est

un rêve." La vérité de cette affirmation devient évidente quand vousobservez le processus intérieur qui produit l'émotion : vous la créezlittéralement de toutes pièces à travers une interaction complexe de

 pens ées, d'im ages, d'ét ats corpo rels et de sensat ions. La réact ionémotive n'est pas inhérente à l'objet. L'émotion naît, est vécue, et

 prend fin, en vou s.Le nombre de stimuli auxquels vous êtes susceptible de réagir est

infini: l'attirance peut s'élever à la vue d'une belle femme ou d'un bel homme ; la col ère, quand un au tomobi liste vous coupe la rout e ;l'écœurement ou le chagrin, à la vue d'un environnement en ruines ;l'anxiété ou le souci, à propos de la situation de quelqu'un, et ainside suite. Il faut se rendre compte que chaque situation et chaqueréaction sont rêvées. N'appliquez pas simplement cette phrase à unfragment de votre expérience ; essayez de ressentir vraiment la qua-lité onirique de votre vie intérieure. Quand vous ressentez réelle-ment que tout est un rêve, au lieu de seulement le penser, le rapportà la situation change. La mainmise forte et émotive sur le phéno-mène se relâche. La situation devient plus claire et plus ouverte. Lasaisie et la répulsion sont directement reconnues comme les étran-

glements inconfortables qu'elles sont en vérité. C'est un antidote puis sant à l'état quasi obses sionn el et posse ssif créé par les émo-tions négatives. Avoir l'expérience directe et indiscutable que cettefaçon de procéder dénoue le nœud de l'émotion négative est ledébut de la vraie pratique de lucidité et de souplesse qui conduit àla liberté. Avec une pratique régulière, même les états de fortecolère, de profonde dépression, et d'autres afflictions, peuventcéder. Lorsqu'ils apparaissent, ils se dissolvent.

Les enseignements se réfèrent généralement à cette deuxième prati que préli mina ire comm e à une méth ode pour renon cer auxattachements. On peut y renoncer de façon saine ou malsaine. Celan'avance pas à grand-chose de supprimer les désirs ; ils sont trans-formés en agitation intérieure ou extériorisés sous forme decondamnations et d'intolérance. On travaille aussi à rencontre dudéveloppement spirituel en essayant de fuir la douleur par la dis-traction, ou en raidissant le corps pour étouffer l'expérience. Il peutêtre sain de renoncer à la vie temporelle pour devenir moine ounonne, mais il peut être malsain d'essayer d'échapper aux expé-riences difficiles en les supprimant ou en les évitant.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 51/114

100  yogas  tibétains du rêve et du sommeil la pratique du yoga du rêve  101

Le yoga du rêve coupe l'attachement en réorganisant la perceptionet la compréhension de l'objet ou de la situation, en changeant lafaçon de voir et en permettant ainsi au pratiquant de percevoir à tra-vers l'apparence illusoire de l'objet sa réalité radieuse, lumineuse. Amesure que la pratique progresse, les objets et les situations ne sont plus seulem ent expéri menté s avec une clarté et un éclat plus grands,mais ils sont aussi reconnus comme éphémères, immatériels, passa-gers. Cela nivelle l'importance relative des phénomènes et diminuela saisie et la répulsion basées sur la préférence.

PRATIQUE 3 : RENFORCER LA RÉSOLUTION

Le troisième préliminaire consiste à passer la journée en revueavant de s'endormir et à renforcer la résolution de pratiquer pendantla nuit. En vous apprêtant à dormir, laissez s'élever les souvenirs dela journée. Considérez comme un rêve ce qui vient à l'esprit, quoique ce soit. Les souvenirs les plus susceptibles d'apparaître sontceux d'expériences suffisamment fortes pour affecter les rêves àvenir. Pendant cette récapitulation, essayez de considérer les sou-

venirs qui se lèvent comme des souvenirs de rêves. Le souvenir estvraiment très semblable au rêve. Une nouvelle fois, il n'est pasquestion d'un étiquetage automatique, d'une répétition rituelle sansfin de: "C'était un rêve". Essayez de comprendre véritablement lanature onirique de votre expérience, les projections qui la soutien-nent, et sentez la différence que cela fait d'envisager l'expériencecomme un rêve.

Prenez ensuite la forte résolution de reconnaître les rêves de lanuit pour ce qu'ils sont. Que votre détermination de savoir directe-ment et clairement que vous rêvez lorsque vous êtes en train de lefaire soit la plus puissante possible. La résolution est comme uneflèche que la conscience peut suivre dans la nuit, une flèche qui

 poin te direc teme nt sur la lucid ité dans le rêve. La phrase tibé tain eque nous employons pour engendrer l'intention se traduit par"envoyer un vœu". C'est dans cet esprit que nous prions et formu-lons des résolutions, et que nous les adressons à nos maîtres ainsi

qu'aux bouddhas et aux divinités, en promettant d'essayer de resterdans la conscience et en sollicitant leur aide. Il existe d'autres pra-tiques réalisables avant l'endormissement, mais celle-ci est acces-sible à tous.

PRATIQUE 4 : CULTIVER LA MÉMOIRE ET L'EFFORT JOYEUX

La quatrième pratique préliminaire commence dès le réveil, au

matin. Elle continue à entretenir la puissance de la résolution et ren-force aussi la capacité à se souvenir des événements de la nuit.Commencez par passer la nuit en revue. Le mot tibétain qualifiant

cette préparation est "remémoration". Avez-vous rêvé ? Etiez-vousconscient de rêver? Si vous avez rêvé mais n'avez pas atteint lalucidité, réfléchissez ainsi: "J'ai rêvé, sans reconnaître le rêvecomme tel. Mais, c'était un rêve." Décidez, la prochaine fois quevous ferez un rêve, de devenir conscient de sa vraie nature pendantque vous serez dans le rêve.

Si vous trouvez difficile de vous souvenir des rêves, il peut êtreutile, dans la journée et particulièrement avant le sommeil, de géné-rer la forte détermination de le faire. Vous pouvez aussi transcrirevos rêves sur un bloc-notes ou les enregistrer ; cela renforcera l'ha- bitude de t raiter vos rêves comme des objet s de valeur. L'acte mêmede préparer le bloc-notes ou l'enregistreur pour la nuit sert de sup-

 port à la vol ont é de se rap pel er le rêve au réve il. Quan d cett e

volonté est présente et soutenue, ne serait-ce que pendant quelques jou rs, il n'est pas diff ici le de se souve nir d e s es r êves.

Si vous avez un rêve lucide, soyez joyeux de cet accomplisse-ment. Sentez-vous heureux de pratiquer et décidez d'accroître lalucidité pour la nuit suivante. Continuez à faire grandir votre réso-lution d'accomplir la pratique, en prenant les succès et les échecscomme des occasions de la rendre encore plus puissante. Et sachezque même votre résolution est un rêve.

Finalement, le matin, décidez fermement de pratiquer assidûmentdurant la journée. Et priez de tout votre cœur pour le succès ; la

 prière est comm e un pouv oir magi que que nous possé dons tous etoublions d'employer.

Cette pratique rejoint la première pratique fondamentale, recon-naître toute expérience comme un rêve. De cette façon, le yoga durêve devient ininterrompu dans la ronde des jours et des nuits.

PERSÉVÉRANCE

Les "quatre préparations" aux étapes ultérieures du yoga du rêveont une importance inestimable. Elles sont bien plus puissantesqu'il n'y paraît. De plus, elles sont accessibles à tout le monde.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 52/114

102  yogas tibétains du rêve et du sommeil

Davantage axées sur la psychologie que beaucoup d'autres pra-tiques, elles ne présentent pas de difficultés pour le pratiquant. Faireseulement un exercice avant de se coucher est sans doute inefficace,mais la pratique assidue des quatre préparations pendant la journée

rend bien plus facile l'accès à la lucidité dans le rêve et, ensuite, le passa ge à d 'autr es prati ques. En s'ado nnant à c es derni ères, tou t c equi survient est l'occasion de revenir à la présence, ce qui sera très

 bén éfi que dans la vie quot idi enne et cond uir a au succè s dans leyoga du rêve.

Vous ne devez pas être découragé si vous n'avez pas de résultatsimmédiats, même s'il vous faut pratiquer longtemps avant d'êtrelucide dans le rêve. Ne pensez pas que vos efforts sont inutiles ouque vous n'y arrivez pas. Souvenez-vous de votre manière d'agir etde penser quand vous aviez dix ans, et comparez-la à votre compor-tement actuel - le changement est permanent. Ne vous enlisez pasdans la croyance que les difficultés éprouvées aujourd'hui persiste-ront demain. Sachant que tout change, vous ne devez pas croire quela façon dont les choses se manifestent maintenant doit persister.

Apprécier le caractère vivant, lumineux et onirique de la vie per-met à votre expérience de devenir plus spacieuse, plus légère et plus

claire. Quand on a acquis la lucidité dans le rêve et l'état vigile, onest bien plus libre de façonner la vie positivement et de renoncerenfin à toutes les dualités et préférences, pour demeurer dans la pré-sence non-duelle.

4 - PRÉPARATION À LA NUIT

La personne ordinaire qui ignore les principes de la méditation,emmène avec elle dans la nuit le stress, les émotions, les pensées etles troubles de la journée. Elle ne dispose d'aucune pratique parti-culière, d'aucun moment réservé, pour s'occuper de sa journée ourevenir au calme avant d'entrer dans le sommeil. Celui-ci l'atteinten pleine distraction et les négativités perdurent dans l'esprit pen-dant la nuit. Lorsque des rêves s'élèvent à partir de ces négativités,la présence n'a aucune stabilité et la personne est entraînée par lesimages désordonnées du monde onirique. Le corps est raidi d'an-goisse, ou empli de tristesse, le prana est rude et irrégulier tandis

que l'esprit se précipite çà et là. Le sommeil est perturbé, les rêvessont pénibles ou ne sont que d'agréables évasions. Au matin, le dor-meur se réveille fatigué et agité, et il poursuit souvent la journéedans un état négatif.

Se préparer au sommeil, le considérer avec sérieux, fait du bienmême à la personne qui ne pratique pas les yogas du rêve ou dusommeil. Purifier l'esprit autant que possible avant de dormir,comme avant de méditer, engendre plus de présence et des qualités

 posit ives. Plut ôt que de charri er l es émot ions négat ives au cœur dela nuit, utilisez les savoir-faire que vous avez pour vous en libérer.Si vous savez comment permettre à une émotion de s'auto-libérer,comment la dissoudre dans la vacuité, faites-le. Si vous savez com-ment transformer l'émotion ou appliquer son antidote, utilisez cesavoir. Essayez de contacter le lama, le  yidam*,  les dakinis; priezles bouddhas et les divinités ; engendrez la compassion. Faites ceque vous pouvez pour vous débarrasser de la tension du corps et des

attitudes négatives de l'esprit. Alors, non troublé, l'esprit léger ettranquille, vous jouirez d'un sommeil plus reposant et réparateur.Même s'il existe une incapacité à faire le reste des pratiques, cette

 prépar atio n est posit ive et c hacun peut l'incl ure dans son q uotid ien.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 53/114

104  yogas tibétains du rêve et du sommeil la pratique du yoga du rêve  105

On trouvera ci-dessous quelques préparations d'ordre général à lanuit; il ne faudrait cependant pas s'y limiter. La chose importanteest de savoir ce que vous faites de votre esprit et de quelle façon

cela vous affecte, et d'utiliser votre savoir pour vous calmer, deve-nir présent, et vous ouvrir aux possibilités de la nuit.

NEUF RESPIRATIONS PURIFICATRICES

Vous avez peut-être remarqué à quel point la tension peut envahirle corps et affecter la respiration. Lorsqu'une personne avec quinous avons eu des difficultés entre dans la pièce, le corps se raiditet la respiration devient courte et brusque. Lorsque nous sommeseffrayés, la respiration devient rapide et superficielle. Dans la tris-tesse, la respiration est souvent profonde et ponctuée de soupirs. Etsi quelqu'un que nous aimons vraiment entre dans la pièce, le corpsse détend et la respiration s'amplifie et se calme.

Au lieu d'attendre que l'expérience modifie la respiration, nous pouv ons déli bérém ent mod ifi er la respir ation pour chang er notreexpérience. Les neuf respirations purificatrices sont un exercicecourt pour clarifier et purifier les canaux, et pour détendre le corps

et l'esprit. On trouvera page 47 le dessin des canaux.Asseyez-vous en posture de méditation, jambes croisées. Posez

les mains dans le giron, paumes en dessus, la main gauche reposantsur la droite. Rentrez un peu le menton afin de tendre la nuque.

Imaginez les trois canaux d'énergie dans votre corps. Le canalcentral est bleu et s'élève dans l'axe médian du corps; il a le dia-mètre d'un bambou et s'élargit légèrement depuis le cœur jusqu'àson ouverture au sommet de la tête. Les canaux latéraux ont le dia-mètre d'un crayon ; ils sont reliés à la base du canal central, à envi-ron dix centimètres sous le nombril. Ils s'élèvent à travers le corpsde chaque côté du canal central, s'infléchissent le long de la voûtecrânienne, redescendent derrière les yeux et s'ouvrent aux narines.Chez les femmes, le canal de droite est rouge, celui de gauche est

 blan c. Chez les hom mes, le canal de droit e est blan c et celui degauche est rouge.

 première triade de respirations

Hommes : levez la main droite, le pouce pressant la base de l'an-nulaire. Fermez la narine droite avec l'annulaire, inspirez de la

lumière verte par la narine gauche. Puis, fermant la narine gaucheavec l'annulaire droit, expirez complètement à travers la narinedroite. Faites trois inspirations et trois expirations.

Femmes : levez la main gauche, le pouce pressant la base de l'an-nulaire. Fermez la narine gauche avec l'annulaire, inspirez unelumière verte par la narine droite. Puis, fermant la narine droiteavec l'annulaire gauche, expirez complètement par la narinegauche. Faites trois inspirations et trois expirations.

Lors de chaque expiration, imaginez que tous les obstacles liésaux forces masculines - comprenant aussi les maladies associéesaux vents (pranas) et les obstacles et aveuglements liés au passé-sont expulsés du canal blanc sous la forme d'air bleu pâle.

deuxième triade de respirations

Hommes et femmes : changez de main et de narine et refaites troiscycles respiratoires en inhalant la lumière verte. Imaginez qu'avecchaque expiration tous les obstacles liés aux forces féminines-comprenant aussi les maladies associées à la bile ainsi que les obs-tacles et aveuglements associés au futur - sont expulsés du canalrouge sous forme d'air rosé pâle.

troisième triade de respirations

Hommes et femmes : placez la main gauche sur la droite, dans legiron, paumes en dessus. Inhalez une lumière verte curative par lesdeux narines. Voyez-la descendre dans les canaux latéraux jusqu'àleur jonction avec le canal principal, à quatre travers de doigt sousle nombril. A l'expiration, voyez l'énergie s'élever dans le canalcentral et sortir par le sommet de la tête. Faites trois inspirations etexpirations. Imaginez qu'à chaque expiration toutes les possibilitésde maladies dues aux esprits hostiles - comprenant aussi les mala-dies associées au flegme et les obstacles et aveuglements associésau présent - sont expulsées par le sommet de la tête sous forme defumée noire.

GOUROU YOGA

Le gourou yoga est une pratique essentielle dans toutes les écoles

du bouddhisme tibétain et du Bœun. C'est vrai dans les soutras, lestantras et le Dzogchèn. Il développe le lien de cœur avec le maître.En renforçant continuellement notre dévotion, nous accédons en

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 54/114

106  yogas tibétains du rêve et du sommeil la pratique du yoga du rêve  107

nous-même au lieu de pure dévotion, qui est la puissante baseinébranlable de la pratique. L'essence du gourou yoga est de fondrel'esprit du pratiquant dans celui du maître.

Qu'est-ce que le maître authentique? C'est la nature sans-forme,

fondamentale de l'esprit, la conscience primordiale de la base detoute chose mais, comme nous vivons dans la dualité, il nous estutile de lui donner une apparence. Ce faisant, on emploie habile-ment les dualités de l'esprit conceptuel pour renforcer encore ladévotion et pour nous aider à rester tournés vers la pratique et lacréation de qualités.

Dans la tradition bœun, on représente souvent le maître sous l'as- pect de Tapih rits a*, ou du Boud dha Shènl a E ukar* , qui est l'uni onde tous les maîtres. Si vous êtes déjà pratiquant, peut-être avez-vousune autre divinité à invoquer, telle Gourou Rinpoché, ou un yidam,ou une dakini. Bien qu'il soit important de travailler au sein de lalignée à laquelle on est relié, il faut comprendre que le maître quevous visualisez personnifie tous les maîtres auxquels vous êtesrelié, tous les instructeurs avec lesquels vous avez étudié, toutes lesdivinités envers lesquelles vous êtes engagé. Dans le gourou yoga,le maître n'est pas seulement une personne, mais l'essence de l'illu-

mination, la conscience primordiale qui est votre vraie nature.Le maître est aussi l'enseignant dont vous recevez les instruc-

tions. On dit dans la tradition tibétaine que le maître est plus impor-tant que le Bouddha. Pourquoi ? Parce que le maître est le messagerdirect des enseignements, celui qui transmet la sagesse des boud-dhas à l'étudiant. Sans le maître, nous ne saurions trouver notrechemin vers Bouddha. Nous devons par conséquent éprouver autantde dévotion pour le maître que nous en aurions pour le Bouddha s'ilapparaissait soudain devant nous.

Le gourou yoga ne se réduit pas à ressentir quelque chose pourune image mentale. On le pratique pour trouver en soi-même l'es- prit fond ament al qui est aussi celui de t ous nos maît res, de t ous les boud dhas et de tous les êtres réali sés qui ont exist é. En nous unis -sant au gourou, nous fusionnons avec notre vraie nature parfaite,qui est le vrai guide, le vrai maître. Mais, cela ne doit pas être une

 prati que abstra ite. Lorsq ue vous fait es le gour ou yoga, essaye z deressentir une dévotion si intense que vos cheveux se dressent sur latête, que les larmes inondent vos joues, que votre cœur s'ouvre et

s'emplit d'un immense amour. Unissez-vous à l'esprit du gourou,qui est votre nature de bouddha éveillée. C'est ainsi que se pratique

le gourou yoga.

la pratique

Après les neuf respirations, restez assis en posture de méditationet imaginez que le maître se trouve un peu au-dessus et devant vous.Cela ne doit pas être une image plate, bi-dimensionnelle. Un êtreréel existe là, en trois dimensions, fait de pure lumière, et vous res-sentez sa puissante présence dans votre corps, votre énergie, votreesprit. Générez une forte dévotion et réfléchissez au merveilleuxcadeau que sont les enseignements et à la chance immense dont vous

 joui ssez pour les avoir reçus. Offr ez u ne p rière sincère, souhai tant ladisparition de vos négativités et aveuglements, l'accroissement devos qualités positives, l'accomplissement du yoga du rêve.

Imaginez ensuite que vous recevez la bénédiction du maître sousla forme de trois lumières colorées qui jaillissent de lui à partir des

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 55/114

108  yogas tibétains du rêve et du sommeil

trois portes de sagesse - le corps, la parole et l'esprit - et pénètrentles vôtres. Les lumières sont transmises dans l'ordre suivant: de lalumière blanche rayonne depuis le chakra du front du maître dans

le vôtre, purifiant et détendant tout votre corps physique. Puis, de lalumière rouge passe du chakra de la gorge du maître dans le vôtre,

 purif iant et déten dant votre dime nsion énerg étiq ue. Enfi n, de lalumière bleue s'écoule du chakra du cœur du maître dans le vôtre,

 purif iant et déten dant votre esprit .Lorsque les lumières pénètrent votre corps, ressentez-les. Laissez

se détendre votre corps, votre énergie et votre esprit, baignés delumière de sagesse. Servez-vous de votre imagination pour faire dela bénédiction une réalité ressentie dans votre corps, votre énergieet les images de votre esprit.

Après avoir reçu la bénédiction, imaginez que le maître se trans-forme en une lumière qui entre dans votre cœur et y réside, commevotre essence la plus intime. Imaginez que vous vous fondez danscette lumière et restez dans la pure conscience, rigpa.

Il existe des instructions plus complètes pour pratiquer le gourouyoga, impliquant des prosternations, des offrandes, des gestes, des

mantras et des visualisations plus complexes, mais l'essence de la prat ique consi ste à mêle r son espri t à celui du maît re, qui est laconscience pure, non-duelle. On peut faire le gourou-yoga à n'im-

 port e que l m omen t de la jou rné e ; le p lus souvent sera l e mi eux. Denombreux maîtres affirment que, de toutes les pratiques, le gourouyoga est la plus importante. Il confère les bénédictions de la lignée,ouvre et adoucit le cœur et calme l'esprit agité. Parachever le gou-rou yoga revient à accomplir le chemin.

PROTECTION

Aller dormir est un peu comme mourir, un voyage solitaire dansl'inconnu. D'ordinaire, le sommeil ne nous préoccupe pas parcequ'il nous est familier, mais pensez à ce que cela implique. Nousnous perdons complètement dans un vide pour un certain temps,

 ju squ 'à ce que nous appar aissi ons à nouve au dans un rêve. Notr e

identité et notre corps peuvent être différents. Nous pouvons noustrouver dans un lieu inconnu, occupés à des activités déroutantesqui peuvent sembler assez hasardeuses, en compagnie de gens quenous ne connaissons pas.

la pratique du yoga du rêve   109

Essayer de dormir dans un endroit inhabituel peut suffire à engen-drer l'anxiété. Même si le lieu est parfaitement sûr et confortable,nous ne dormons pas aussi bien qu'à la maison, dans notre envi-

ronnement familier, soit que nous ressentions défavorablementl'énergie du lieu, soit que notre propre sentiment d'insécurité noustrouble. Nous pouvons même nous sentir anxieux dans un endroitfamilier lorsque nous attendons le sommeil, ou quand ce que nousrêvons nous effraie. Lorsque nous nous endormons dans l'angoisse,nos rêves mélangent peur et tension, le sommeil est moins reposantet la pratique plus difficile à faire. Créer une sorte de protectionavant de dormir et faire de l'endroit où nous dormons un endroitsacré est donc une bonne idée.

On y parvient en imaginant que des dakinis protectrices l'entou-rent. Voyez les dakinis comme de belles déesses, des êtres éveillésde couleur verte, qui sont affectueuses et puissamment protectrices.Ces dakinis restent auprès de vous quand vous vous endormez et

 penda nt l a nui t, com me des m ères veil lant leur enfant , ou le s g ardesdu corps d'un roi ou d'une reine. Imaginez-les partout, veillant aux

 porte s et aux fenê tres , assise s pr ès d e vo us sur le lit, march ant dans

le jardin ou la cour, jusqu'à vous sentir parfaitement protégé.Là encore, il ne s'agit pas seulement de créer une image mentale.

Voyez les dakinis avec votre esprit, mais servez-vous aussi de votreimagination pour ressentir leur présence. Créer de cette manière unenvironnement protecteur sacré induit le calme, la détente et unsommeil reposant. C'est ainsi que vit le mystique: voir le surnatu-rel, changer l'environnement avec l'esprit, et permettre aux actions,fussent-elles imaginées, d'avoir de l'importance.

Vous pouvez accroître le sentiment de paix autour de vous en gar-dant dans la chambre à coucher des objets de nature sacrée : desimages paisibles et douces, des symboles sacrés et religieux, etd'autres objets qui orientent votre esprit vers le chemin.

Le  Tantra Mère  nous dit qu'en nous préparant au sommeil nousdevons rester conscients des causes du rêve, de l'objet sur lequelnous devons nous concentrer, des protecteurs et de nous-mêmes.Maintenir la conscience sur l'ensemble de ces éléments, non pas surchacun d'eux pris isolément, aura un grand impact sur le sommeilet le rêve.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 56/114

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 57/114

112  yogas tibétains du rêve et du sommeil

(garuda) ou un lion et la conduit dans une terre pure, un endroitmerveilleux et sacré. Mais le rêve n'est pas forcément aussi expli-cite. Il peut seulement s'agir d'une promenade dans un beau jardinou dans les montagnes, en compagnie d'autres gens. A ce stade, laqualité des rêves est moins liée à des images particulières qu'ausentiment de paix.

 ACCRO ÎTRE LA CLARTÉ

Après avoir dormi environ deux heures, réveillez-vous et engagezla deuxième partie de la pratique. On la fait traditionnellementautour de minuit mais, comme à présent chacun a son propreemploi du temps, ajustez la pratique à votre vie.

Prenez la position de l'exercice précédent, les hommes sur le côtédroit, les femmes sur le côté gauche. Il faut effectuer une forme par-ticulière de respirati on. Inspirez et retenez très dou cement lesouffle. Contractez légèrement le périnée - les muscles du plancher

 pelv ien - en ayant l'i mpre ssi on de pouss er ve rs le haut l'a ir retenu .Essayez de sentir qu'il se maintient juste sous l'ombilic, comprimé

 par la p ressio n v enue d' en b as. Il e st d iffi cile d'i mag ine r cet te sortede respiration et quelques essais vous seront peut-être nécessaires pour découv rir de q uoi il s'ag it. Mais il est e ncor e me ill eur d e rece -voir les instructions détaillées d'un maître.

Après avoir retenu l'air un petit moment, expirez doucement touten relâchant les muscles du pelvis, de la poitrine et de tout le corps.Détendez-vous complètement. Faites sept fois cet exercice.

Le point sur lequel on se concentre est le chakra situé légèrementau-dessus et en arrière de l'endroit du front où les sourcils se rap-

 proch ent. Visual isez une peti te sphère de lum ière blan che, lumi -

neuse (tiglé*) dans le chakra. C'est un point de clarté. Un tiglé,appelé aussi  bindu,  peut représenter beaucoup de choses que l'ontraduit de diverses façons. Dans un contexte donné, c'est une

la pratique du yoga du rêve   113

TIGLÉ ROUGEARRIÈRE

TIGLÉ BLANCCENTRE

, \AVANT

TIGLÉ VERTGAUCHE

DROITE

qualité d'énergie que l'on peut trouver dans le corps. Dans un autrecontexte, il peut représenter la totalité illimitée. Tel que nous l'em- ployons dans la p ratiq ue, le tigl é es t u ne petit e sphère imma téri ellede lumière. Les tiglés de couleurs différentes représentent diversesqualités de conscience; leur visualisation agit comme une portedonnant accès à l'expérience de cette qualité.

L'instruction de "visualiser" le tiglé ne signifie pas que vous devezcréer l'image statique d'une lumière blanche et ronde; il faut vousimaginer en train de fusionner avec quelque chose qui se trouve vrai-

ment là. Essayez de ressentir le tiglé avec vos sens imaginaires, etunissez-vous totalement à lui jusqu'à ce qu'il n'y ait plus que laclarté et la luminosité. Certaines personnes percevront clairement lalumière avec leur vision intérieure, d'autres la ressentiront plus

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 58/114

114  yogas tibétains du rêve et du sommeil la pratique du yoga du rêve 115

qu'elles ne la verront. Ressentir le tiglé est plus important que de levoir. S'unir entièrement à lui est encore plus important.

L'esprit relié au tiglé blanc lumineux du chakra du front resteclair et présent. A mesure que l'expérience de la lumière s'appro-fondit, qu'elle devient plus précise et plus globale, absorbez-vous

en elle tandis que la lucidité de l'esprit continue de s'accroître. Sivous dormez dans cet état, la conscience devient continue.Développer la clarté et la continuité de la présence est l'objectif decette partie de la pratique. C'est ce que signifie: "augmenter laluminosité du rêve". Essayez de vous relier au sens profond du mot"luminosité", à l'expérience réelle. La métaphore désigne seule-ment une expérience plus profonde que le langage et la représenta-tion visuelle.

Ainsi, nous parlons "d'accroissement" pour définir la qualité desrêves apparaissant dans cette partie de la pratique. L'idée est ici dese développer, de grandir vers l'achèvement, d'engendrer, de don-ner. L'exemple fourni par le  Tantra Mère  est un rêve dans lequelune dakini joue d'instruments de musique, chante, offre des fleurs,des fruits et des vêtements au rêveur. Une fois de plus, cela ne signi-fie pas que les rêves doivent comporter une dakini ou quelque autreimage particulière, mais que, à mesure que le pratiquant améliorera

cette partie de la pratique, les rêves seront marqués d'un vif plaisir.

RENFORCER LA PRÉSENCE

La troisième partie de la pratique s'entreprend deux heures envi-ron après la deuxième, quatre heures après le début de la période desommeil. Traditionnellement, c'est deux heures avant l'aube. Onadopte une position différente : allongez-vous sur le dos, sur un grosoreiller. Croisez les jambes, sans les serrer comme dans la posturede méditation. Il est indifférent que la jambe supérieure soit la

®la syllabe tibétaine . -J-

hou ng V *V

droite ou la gauche. La position est un peu comparable à celle desdormeurs en première classe dans les avions : inclinés, mais pas toutà fait étendus. Le gros oreiller aide à garder le sommeil léger et àengendrer davantage de lucidité dans le rêve, mais il faut prendregarde au confort de la nuque. Ne restez pas dans une positioninconfortable.

Il importe d'être attentif aux exigences du corps. A l'école, je res-tais assis chaque jour pendant des heures entières avec les jambescroisées ; c'est donc une position très facile pour moi. Ce n'est pasle cas pour la plupart des Occidentaux. Le but n'est pas de souffrirchaque nuit, mais de maintenir la continuité de la conscience.Ajustez la pratique à l'objectif.

Pour cette partie de la pratique, faites vingt et une respirationsdouces et profondes, en restant pleinement conscient de la respiration.

Le point de concentration est le chakra du cœur, à l'intérieurduquel on se représente la syllabe   HOUNG,  noire et lumineuse. Elleest tournée vers l'avant, comme le corps. Devenez indissocié de lasyllabe de sorte que toute chose soit le  HOUNG  noir. Devenez leHOUNG  noir. Laissez l'esprit se poser légèrement dans le   HOUNG

noir, et endormez-vous.La qualité que l'on développe ici est le pouvoir. Vous n'avez rien

à faire : ne vous enflez pas pour "essayer" de vous sentir puissant. Il

s'agit de trouver la force que vous pos sédez déjà intérieurement. Le

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 59/114

116  yogas tibétains du rêve et du sommeil

sentiment de pouvoir est aussi un sentiment de sécurité. Les rêvesque l'on fait dans cette partie de la pratique sont en rapport avec cesentiment de force tranquille. Dans les rêves que le   Tantra Mère

donne en exemple, une puissante dakini invite le rêveur à s'asseoirsur un trône, ou bien il entre dans un château sûr pour y recevoir desenseignements, ou encore il reçoit l'approbation de son père ou desa mère. Ce qui importe est la tonalité du rêve, non ses images par-ticulières. La dakini faisant asseoir le rêveur sur un trône peut êtreremplacée par le patron lui accordant une promotion, ou par la mèredu rêveur qui organise une fête pour célébrer ses accomplissements.Les deux rêves seraient typiques de cette partie de la pratique. Aulieu d'être situé dans un château, le rêve peut se dérouler de tellesorte que le rêveur se sente en sécurité, et le parent peut être rem-

 plac é p ar u ne autre pers onne dont éman ent les senti ments de sécu-rité, de sûreté et de force.

d é ve lo p p e r l ' i n t ré p id i t é

La quatrième partie de la pratique est la plus facile parce qu'il est

inutile de se réveiller à nouveau avant le matin. On ne prend aucune postu re parti culi ère, simp leme nt, on se m et à l 'ais e. Aucu n t ype derespiration n'est prescrit: on laisse la respiration se faire à sonrythme naturel. Traditionnellement, cela se passe deux heures aprèsle dernier réveil, juste avant les premières lueurs de l'aube.

Le point de concentration est le "chakra secret", situé en arrièredes organes génitaux. Il contient un tiglé noir, une sphère delumière noire. C'est l'aspect sombre de l'imagination. Les ensei-gnements affirment que les rêves issus de ce lieu contiennent volon-tiers des dakinis courroucées, des montagnes et des vallées en feu,des rivières torrentielles, des vents qui détruisent tout sur leur pas-sage. Ce sont des rêves dans lesquels les éléments détruisentl'image du moi; ils peuvent être terrifiants. Découvrez si cela estvrai pour vous. La tonalité des rêves de cette partie de la nuit peutfinir par devenir effrayante.

Dans cette partie de la pratique, pénétrez dans le tiglé noir lumi-

neux du chakra secret et devenez-le. Laissez ensuite votre esprit sedétendre et concentrez-vous légèrement sur la lumière noire qui est

 parto ut, qui imbi be vos sens et votre esprit , et dorm ez.

la pratique du yoga du rêve  117

Les quatre qualités - apaisement, accomplissement, puissance,courroux - couvrent un large faisceau d'images associées, de sen-sations, d'émotions, et d'expériences. Comme il a déjà été dit, vous

n'aurez pas nécessairement les rêves présentés comme exemplesdans les enseignements. Ce qui importe, c'est la qualité du rêve,c'est-à-dire sa tonalité émotionnelle, ce qu'il fait ressentir, les cou-rants, peut-être subtils, qui le traversent. C'est grâce à cela que l'ondétermine avec quel chakra, quelle dimension d'expérience le rêveest en relation; ce n'est pas en tentant d'en déchiffrer le contenu.C'est encore cela qui indique où le prana et l'esprit se sont posésdans le système énergétique corporel pour produire tel rêve parti-culier. Le rêve peut aussi subir l'influence des événements et descirconstances du jour précédent. On peut rassembler beaucoupd'informations en examinant tout ce à quoi un rêve est lié.

Il n'y a plus d'autre période de réveil pour pratiquer, mais vousallez bien sûr vous réveiller à nouveau pour commencer la journée.Essayez alors de vous réveiller dans la présence, en ayantconscience de vous réveiller. Le but de la pratique est de dévelop-

 per la cont inui té de la consc ienc e pend ant la nuit, penda nt le lever

et tout au long de la journée.

p o s t u r e

Certaines positions du corps ouvrent ou compriment des canauxénergétiques particuliers et influencent le flux d'énergie subtile.

 Nous util ison s cett e c onna issan ce p our favori ser certai ns proce ssusau cours de la pratique. La tradition tibétaine considère que lesémotions négatives sont plus étroitement associées au canal pri-maire du côté droit du corps chez l'homme, du côté gauche chez lafemme. Lorsqu'un homme dort sur son côté droit, le canal droit quivéhicule surtout du prana négatif est forcé de s'obturer partielle-ment et le canal gauche s'ouvre. Le poumon de ce côté est égale-ment un peu comprimé de sorte que le poumon controlatéral respireun peu plus. Les effets du décubitus latéral vous sont probablementdéjà familiers : lorsque vous reposez sur le côté droit, vous trouvez

 plus faci le de respi rer par la nari ne gauch e. Chez les homm es, onconsidère que cette position est bénéfique pour le mouvement du prana posit if de sagess e à t ravers le canal gauch e. A l 'inv erse, chezles femmes, le canal de sagesse du côté droit s'ouvre lorsqu'elles

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 60/114

118  yogas tibétains du rêve et du sommeil lla pratique du yoga du rêve 119

dorment sur le côté gauche. Cela affecte positivement les rêves etrend la pratique plus aisée. Ouvrir le flux de prana de sagesse est unexpédient provisoire, puisque nous voulons ultimement voir le

 prana équil ibré circu ler dans le canal centra l.De plus, l'attention portée à la posture donne à la conscience plus

de stabilité pendant le sommeil. Là d'où je viens, la plupart desgens dorment sur un tapis tibétain de quatre-vingt-dix centimètresde large et un mètre quatre-vingt de long. Si l'on bouge trop, ontombe du lit. Mais cela n'arrive pas souvent: quand on dort sur unlit étroit, la position du corps est maintenue durant la nuit par l'es-

 prit endorm i. Si l'on dort p ar ex empl e sur une vire étroit e, on m ain-tient suffisamment de conscience pour s'empêcher de chuter. Ici,dans les grands lits occidentaux, le dormeur peut tourner comme lesaiguilles d'une horloge et ne pas tomber mais, quoi qu'il en soit,maintenir la position aidera à maintenir la conscience.

Vous pouvez en faire l'expérience lorsque votre concentration sedisperse. Changez de position, calmez et adoucissez la respiration :vous constaterez que vous pouvez mieux vous concentrer. La respi-ration, le mouvement du prana, la position du corps, les pensées et

la qualité de l'esprit sont corrélés ; en le sachant, le pratiquant peutengendrer consciemment des expériences positives.

SE CONCENTRER

Les postures variées du corps modifient le flux d'énergie et affec-tent la qualité de l'expérience. Les visualisations focalisées à diffé-rents endroits du corps agissent de même. Chacune des quatre par-ties de la pratique principale comporte la concentration sur unelumière colorée et sur un tiglé ou une syllabe dans l'un des quatrechakras.

Lorsque nous créons l'image d'un lotus de couleur, d'un tiglé, oud'une syllabe à l'endroit d'un chakra, ces objets n'y sont pas réel-lement. L'image mentale est comme un dessin ou un symbolereprésentant la structure et les qualités de l'énergie qui se meut encet endroit. Cela permet à l'esprit de mieux contacter les caractèresénergétiques particuliers d'un lieu précis du corps, et cette mise enrelation affecte notre conscience. La couleur affecte aussi notreconscience, comme nous le montre l'expérience quotidienne:entrer dans une chambre entièrement peinte en rouge n'est pas la

même chose qu'entrer dans une chambre blanche, verte ou noire.Dans la visualisation, la couleur sert à favoriser l'installation d'unequalité particulière dans la conscience.

Lorsque nous méditons, nous avons tendance à penser que laconcentration et la distraction sont comme les positions d'un com-mutateur, ouvert ou fermé. Mais ce n'est pas le cas. La concentra-tion peut avoir des variations d'intensité. Par exemple, lorsque jesuis sorti d'une longue retraite dans l'obscurité, tous les phéno-mènes visuels étaient extrêmement intenses. Les maisons et lesarbres, chaque couleur et chaque objet, étaient vifs. Lorsque jevoyais ces mêmes images quotidiennement, elles n'avaient rien deremarquable mais, après cinquante jours d'obscurité totale, mondésir de regarder était si fort que toute chose était extraordinaire-ment colorée. Puis, les jours ont passé et les phénomènes visuelsont semblé s'estomper - ce qui n'était évidemment pas le cas.C'était l'attention que je leur portais qui diminuait. Les conditionsde mon expérience étaient inhabituelles, mais elles illustrent un princi pe général . Nos expérie nces sont d'autant plus vives que notreconscience est plus intensément centrée sur elles.

Les gradations du niveau de concentration existent aussi dans la prati que. Lorsq ue nous veno ns de comm ence r la visua lisa tion , lanuit, la concentration sur le tiglé peut être très forte. Puis, tandis quele corps se détend et que le sommeil vient, l'image du tiglé peuts'estomper. Les sens - l'audition, l'olfaction, le toucher - déclinenttous. Ce déclin des sens et de la représentation visuelle tient au faitque la concentration perd de son intensité et de son acuité. Enfin, lasensation disparaît presque ; c'est un autre niveau de concentration.Et il n'y a finalement plus d'expérience sensorielle du tout, et plusd'image visible.

Il est difficile de remarquer ces distinctions subtiles, mais ellesdeviennent évidentes quand on devient plus conscient du processusde l'endormissement. La présence peut être maintenue, alors mêmeque les images et les sens se sont totalement obscurcis. Il devientfinalement possible de s'endormir en posant l'esprit sur le A, puisde demeurer toute la nuit dans la pure présence que le A représente.

Si tel est le cas, même les tout premiers instants du réveil, au matin,auront lieu dans la pure présence.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 61/114

120  yogas tibétains du rêve et du sommeil lla pratique du yoga du rêve  121

Vous avez probablement déjà fait l'expérience d'avoir une idéefixe pendant la nuit. Si, par exemple, vous devez vous réveiller pourun rendez-vous matinal, une certaine conscience persiste pendant le

sommeil. Supposons que vous deviez vous lever à cinq heures dumatin. Vous allez dormir, tout en ne cessant de vous réveiller pourvoir l'heure. La conscience du besoin de vous réveiller tôt persiste, bien que v ous ne la conc eptuali siez pas fortem ent, que v ous n'y pe n-siez pas. C'est une attention très subtile. C'est ce genre d'attentionqu'il faut introduire dans la pratique: pas une concentration forte,mais une touche légère, douce et constante. Si vous êtes heureux envous endormant parce que vous avez vécu quelque chose de mer-veilleux, vous retrouverez la joie à chaque réveil. Elle continue pen-dant le sommeil; inutile de vous y accrocher avec acharnement.Votre conscience reste simplement avec elle. Telle est la façon d'êtreavec le tiglé : dormez avec lui comme vous dormez avec la joie.

On peut considérer les phénomènes liés à la concentration sur letiglé de deux manières différentes. Dans l'une, les phénomènes sontsaisis par l'esprit; dans l'autre, ils apparaissent à l'esprit. Dansl'une, l'esprit saisit les phénomènes; dans l'autre, ils lui apparais-

sent. La saisie est une forme grossière d'interaction duelle. L'objetest traité comme une entité dotée d'existence inhérente - commes'il avait une identité propre, distincte - et l'esprit s'en empare.Quand la saisie prend fin, cela ne signifie pas que la dualité a dis-

 paru - les phéno mènes se produ isent encore et sont conçu s commedes entités distinctes - mais la conceptualisation est plus subtile. On

 pourr ait dire que dans le prem ier cas la conce ptual isat ion est plusagressive, plus active, alors que dans le second elle est plus passive,

 plus faibl e. Comm e elle est plus faib le, elle est aussi plus facil e àdissoudre dans rigpa non-duel.

 Nou s comm ençon s la prati que avec la premi ère forme , la plusgrossière, de la dualité. Concevez l'objet et développez-en une expé-rience aussi forte que possible en utilisant les sens de l'imagination :essayez de le voir clairement et, surtout, essayez de le ressentir, lais-sez-le affecter vos sensations corporelles, votre énergie et la qualitéde l'esprit. Après avoir fortement établi l'objet dans la conscience,relâchez la concentration. Laissez l'objet apparaître sans effort,comme si l'intention sous-jacente à la conscience liait l'esprit à l'ob-

 jet , de l a même faço n que l'espri t reste lié au be soin de se ré veill er

 pour un rende z-vou s mati nal, ou à une gran de joi e. L'ef fort et laconcentration sont inutiles - l'objet existe, tout simplement, et vousêtes avec lui. Vous ne continuez pas à le créer ; vous l'acceptez, vous

l'observez. Quand on est allongé au soleil les yeux fermés, on sentla chaleur, on sent la lumière ; on n'a pas besoin de se concentrer surle soleil, au-dehors, on est uni à lui. On n'a pas une expérience dechaleur et de lumière - il n'est pas nécessaire de se concentrer surelles - on  est  chaleur et lumière, indissocié d'elles. Telle est la façond'être avec la visualisation pendant la pratique.

Un problème couramment rencontré au début de la pratique est la pert urbat ion du somm eil due à u ne conce ntrat ion excess ive. Cettedernière doit être légère: il s'agit "d'être avec" le tiglé, pas de for-cer l'esprit à se poser sur lui. Par comparaison avec le sommeilordinaire, la même différence existe entre le fait de voir des penséeset des images traverser l'esprit lors de l'endormissement, et celuid'être intensément fixé avec émotion sur un objet, ce qui entraînel'insomnie. Laissez-vous enseigner par l'expérience; observez cequi fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, et faites la mise au point.Si la pratique vous tient réveillé, réduisez progressivement l'inten-

sité de votre concentration jusqu'à pouvoir dormir.La concentration sur un tiglé ou une syllabe est seulement la pre-

mière étape, qu'on les saisisse ou qu'on les laisse apparaître.L'intention réelle est de s'unir à l'objet. Prenons l'exemple de lalettre A. Elle symbolise l'état non-né, immuable, naturel de l'esprit.Il vaut mieux fusionner avec l'essence omni-pénétrante représentée

 par le A que de se conc entr er sur lui en t ant qu'o bjet . En fait , celase produit chaque nuit, parce que plonger dans le sommeil est"plonger" dans pur rigpa; mais, comme on s'identifie à l'espritconceptuel grossier qui cesse de fonctionner dans le sommeil pro-fond, on est dans l'inconscience plutôt qu'en rigpa. On peut décou-vrir rigpa dans le sommeil parce que rigpa est déjà là.

Laisser l'objet apparaître à l'esprit est une étape; l'état non-duelse trouve après. L'esprit reste concentré, mais il n'existe aucuneidentification aux concepts, et la pensée ne s'applique pas à voir letiglé ou le A. L'esprit est simplement présent en pleine conscience,

sans division entre sujet et objet. Quand la conscience est focalisée,sans sujet qui focalise, ni objet focal, on a la vraie notion de cequ'est la conscience non-duelle. Dans l'état non-duel, le A n'est pas

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 62/114

122  yogas tibétains du rêve et du sommeil la pratique du yoga du rêve  123

"ici" et vous "là". Que l'image persiste ou qu'elle s'efface, l'expé-rience n'est pas scindée entre un sujet et un objet. Seul existe le A,et vous l'êtes. C'est ce que signifie le A limpide teinté en rouge par

la lumière des pétales. Vous devez devenir la conscience pure non-duelle symbolisée par le A et, lorsque s'élève une expérience, sym-

 boli sée par le rouge des pétale s, elle colore le A, mais la lu minos itéde la présence non-duelle n'est pas perdue.

Les pratiquants disent souvent qu'ils ont du mal à maintenir lareprésentation visuelle, ou qu'elle interfère avec le sommeil.Comprendre la progression dans la pratique peut clarifier certainsde ces problèmes; elle consiste à voir l'objet, puis à le ressentir,enfin à l'être. Quand vous êtes totalement indissocié de l'objet, sonimage mentale peut disparaître, et c'est très bien.

Les enseignements recommandent aussi ce genre de concentra-tion au moment de la mort. Quand on maintient la présence à cemoment-là, tout est très différent. Maintenir la présence est réelle-ment l'essence de la pratique du transfert de conscience   (powa).Cette pratique a pour but d'envoyer l'esprit directement dans le purespace de la conscience  (dharmakaya*).  Si cela réussit, le prati-

quant ne subit pas la turbulence et la distraction de l'expérience post -mort em ; il est direc teme nt l ibéré dans la cl aire lumi ère.

Si nous n'avons pas la capacité de rester dans la pure présence,nous sommes distraits et nous nous égarons dans le rêve, les fan-tasmes, le samsara, la vie suivante. Mais, si nous maintenons la pure présen ce, nous somme s dans la claire lumiè re penda nt la n uit,nous restons dans la nature de l'esprit pendant la journée, noussommes libérés dans le bardo après la mort.

Pour expérimenter l'impact de la visualisation sur l'état deconscience, essayez ceci: imaginez-vous dans l'obscurité totale, lenoir absolu. Cette noirceur n'est pas seulement autour de vous, maiselle est également en vous, dans votre vision, votre peau, au-dessuset au-dessous de vous, à l'intérieur de chaque cellule de votre corps.Vous pourriez presque ressentir, humer, goûter l'obscurité.

Imaginez à présent qu'au noir absolu succède soudain unelumière éclatante, qui se répand partout, autour de vous et en vous,

que vous êtes cette lumière pénétrante.Vous pouvez ressentir la différence entre ces deux visualisations

grâce aux sens imaginaires subtils qui éclairent votre monde

intérieur et qui ne sont pas simplement le côté visuel de l'imagina-tion. Dans l'obscurité, vous éprouvez quelque chose, peut-être une peti te craint e ou une émot ion plus effr ayan te, tand is que dans la

lumière, se trouve la clarté.Voici un autre exercice qui vous donnera la notion du genre deconcentration nécessaire à la pratique. Détendez votre corps.Imaginez un A rouge, lumineux, dans le chakra de votre gorge. Lalumière rouge est profonde, somptueuse, voluptueuse. Servez-vousde votre imagination pour sentir la lumière. Laissez-la vous calmer,vous détendre, apaiser votre corps et votre esprit, vous guérir. Lalumière s'étend, remplit le chakra de votre gorge, puis votre corpstout entier. Ce faisant, elle dénoue chaque tension. Tout ce qu'elletouche se dissout en elle. Tout votre corps se dissout dans la lumièrerouge. Laissez-la envahir votre conscience au point de tout voircomme une lumière rouge, de tout sentir comme une calme lumièrerouge, d'entendre tout son comme une apaisante lumière rouge. Ne

 pen sez pas to ut cel a, épr ouv ez- le. Lai sse z vot re esp rit dev eni rlumière rouge de sorte qu'il n'y a plus de moi pour être conscientd'un objet, seuleme nt une lumière rouge devenue elle-mêm e

conscience. Laissez tout ce qui apparaît en tant que sujet et objet sedissoudre dans la lumière rouge. Toute chose - le corps, l'énergie,les événements du monde et ceux du mental - se dissout jusqu'à ceque vous ayez entièrement fusionné avec la lumière rouge. Iln'existe plus ni "dedans", ni "dehors", seulement la lumière rouge.Voilà comment s'unir au A et comment se concentrer pendant lanuit, ne faisant qu'un avec le support de la concentration.

LA SÉQUENCE

II faut toujours effectuer dans l'ordre les quatre parties de la pra-tique principale. La première partie - la concentration sur le A dansla gorge - s'effectue au coucher. Idéalement, les trois suivantes sesuccèdent à intervalles de deux heures. Se réveiller pendant la nuitrend le sommeil plus léger et facilite l'accomplissement du yoga durêve. Il n'est pas nécessaire de diviser exactement la nuit entranches de deux heures, quoique l'on puisse s'aider d'un réveille-

matin si on le souhaite ; il s'agit simplement d'avoir trois périodesde réveil. Les phases de deux heures sont proposées parce qu'ondort environ huit heures, en général. Bien que ce programme

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 63/114

124  yogas tibétains du rêve et du sommeil la pratique du yoga du rêve  125

induise la clarté, il est également important d'être reposé; ne vousinquiétez donc pas si vous manquez une période de pratique et n'enfaites que trois, ou si vous en manquez trois et n'en faites qu'une.Faites du mieux que vous pouvez et ne vous tracassez pas pour ceque vous ne pouvez pas faire. C'est un secret important de la pra-tique ! Se tracasser ne la fera pas avancer. Mais, il ne faut pas non plus perdre la volon té de faire mieux . Faite s simp lemen t du mieu xque vous pouvez.

Que devez-vous faire alors si, après avoir effectué la première partie, vous vous endorm ez et ne vous réveil lez p as avant l'aurore ?Pratiquez la deuxième partie, pas la troisième ou la quatrième. Nesautez jamais l'une des parties de la pratique principale. Les résul-tats de la pratique tiennent au fait que tous les éléments sont liés.Les différents chakras, les couleurs, les méditations, l'horaire, leséléments, les énergies et les postures concourent à produire desexpériences bien définies et à développer certaines capacités chez le

 prati quant . Chaqu e étape de la pra tiqu e suscite une quali té énerg é-tique particulière de l'état de conscience qui doit être intégrée à la plei ne con sci ence et chaq ue qual ité fon de l'e xpan sio n de la sui-vante. C'est parce que la progression se développe de cette manièrequ'il est important de faire les quatre exercices dans l'ordre.

La première partie de la pratique est imprégnée de la nature pai-sible des rêves. Si vous ne pratiquez que partiellement, il est bien plus facil e de trava ille r av ec cet aspect paisi ble qu'ave c l'aspe ct t er-rible. On maintient plus facilement la présence dans une situation

 paisi ble que dans une situa tion effr ayan te. C'est un princ ipe géné -ral de pratique. On travaille plus fréquemment avec la situation la

 plus facil e à m aîtr iser puis, à m esure de la progre ssion , on abordeles situations plus difficiles. Ainsi, on développe d'abord la stabilitéde la présence avant de travailler avec des aspects de l'expériencequi nous provoquent davantage : augmenter la clarté, développer laforce et puis imaginer l'aspect courroucé.

Cette première partie consiste moins à essayer de créer quelquechose qu'à redécouvrir la conscience au repos. On essaye moins de"faire" et on s'autorise plus à "être". C'est comme si vous rentriezchez vous, après une journée passée à courir en tous sens, et vousdétendiez dans des rêves paisibles. Il faut un peu de temps pour se

reposer et se rétablir. Le chakra mis à contribution est le chakra de

la gorge, lié énergétiquement à la potentialité, à l'expansion et à larétraction.

Deux heures plus tard, vous vous réveillez. Vous avez dormi assez prof ondé men t pour être reposé et déten du, ce qui chang e l'att itudeet la qualité de l'esprit. On travaille sur la stabilité et la concentra-

tion, qui sont comme le socle du corps, durant la première partie dela pratique. Dans la deuxième partie, on doit orner le corps, endéveloppant la clarté qui est la parure de la présence stabilisée.C'est pourquoi le point de concentration est le chakra du front, quiest associé à l'ouverture et à l'augmentation de la clarté.

Si l'on a fait progresser la stabilité dans la première partie et laclarté dans la deuxième, il devient possible de développer le pou-voir dans la troisième. Le point focal est le chakra le plus central ducorps, le chakra du cœur, rattaché à la source de la force. Cela nesignifie pas que, si vous rêvez à cet instant précis, vous aurez du

 pouv oir dans le rêve. Le pouv oir est le frui t de la prati que et desdeux parties précédentes. Ce que l'on développe ici n'est pas une

 puiss ance dure et agressi ve, mais le pouv oir sur les pens ées et lesvisions, le pouvoir de se libérer de la réactivité habituelle face auxapparences. Comme un roi assis sur son trône - le siège de son pou-voir - vous siégez dans la base de votre pouvoir, la pure conscience.

Dans la quatrième session nocturne, on développe l'intrépidité,en se reposant sur la stabilité, la clarté et le pouvoir. Nous avons ennous les causes de rêves effrayants et, après un certain accomplis-sement dans les trois premières étapes de la pratique, nous les acti-vons en nous centrant sur le tiglé noir du chakra secret, le chakraessentiellement associé aux empreintes karmiques courroucées. La

 produc tion de rêves effra yant s résult e ici de la pr atiqu e. On encou -rage le pratiquant à poursuivre cette sorte de rêves, afin d'utiliser la

 prati que pou r t rans form er mêm e les trac es karm iqu es effr ayan tesen chemin. Nous testons de cette façon notre progression et renfor-çons davantage la stabilité, la clarté et la force que nous avonsengendrées. Les images terrifiantes ne soulèvent plus de peurs maissont les opportunités bienvenues de parfaire la pratique.

Il existe une autre manière de procéder. Vous pouvez choisir devous concentrer sur un seul point de la pratique jusqu'à ce que lerésultat approprié soit obtenu. En ce cas, les sessions devant tou-

 jou rs être accom plie s s équen tiel lemen t, vous effe ctue z l a pre mièr e

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 64/114

126  yogas tibétains du rêve et du sommeil

session de la pratique à chacun de vos réveils ; vous la répétez demultiples fois, pendant de nombreux jours, jusqu'à ce que voussachiez créer des rêves paisibles et puissiez garder la stabilité de laconscience. Un certain accomplissement s'étant manifesté danscette première partie de la pratique, vous pouvez ensuite vousconsacrer uniquement à la deuxième partie. Vous faites grandir laclarté pendant le nombre de nuits nécessaires pour avoir des rêvesde la qualité voulue dans cette section de la pratique et jusqu'à cequ'il y ait une certaine augmentation de la clarté pendant la nuit.Puis, pratiquez la troisième partie jusqu'à ce que les résultats semanifestent et, finalement, pratiquez la quatrième. Mais ne faites pas la deuxi ème si v ous n'avez pas fait la p remiè re, ou l a qua trièm esi vous n'avez pas fait la troisième. Je le répète: la séquence estimportante.

Certaines personnes peuvent se sentir submergées par l'apparentecomplexité de la pratique. Ce n'est cependant qu'une impressioninitiale. Plus l'on maîtrise le yoga du rêve, plus la pratique devientsimple. Lorsque la conscience est stable, on n'a plus besoin de fairel'une quelconque des formes particulières de la pratique. Il suffit

simplement de rester dans la présence, et les rêves seront naturelle-ment lucides. La complexité apparente de la pratique tient aunombre de facteurs différents qui coopèrent harmonieusement pourmieux soutenir le pratiquant, et c'est surtout au début de la pratiqueque nous avons besoin du maximum de soutien. Prenez le temps decomprendre parfaitement chacun des points des préliminaires et dela pratique principale, avant de les associer. Une fois que vous serezrégulièrement lucide en rêve, vous pourrez essayer de simplifier la

 prati que.

6 - LUCIDITE

Si quelqu'un nous annonce avoir passé plusieurs années enretraite, nous sommes impressionnés, et ajuste titre. Ce genre d'ef-fort est nécessaire pour atteindre l'éveil ; mais il peut sembler irréa-lisable dans notre vie active. Nous pouvons souhaiter faire laretraite traditionnelle de trois ans et penser que les circonstances nele permettront jamais. En réalité, nous avons tous la possibilité de

 prati quer tout autant . Dans les dix proch aine s année s de notre vie,nous allons passer plus de trois ans à dormir. Les rêves ordinaires peuv ent nous appo rter de ravi ssant es expé rien ces, et aussi nousfaire ressentir la colère, ou la jalousie, ou la peur. Peut-être devons-nous vivre ces émotions. Nous n'avons cependant pas besoin defaire en sorte d'intensifier par nos actions le penchant habituel à être

attachés aux émotions et aux imaginations et à les laisser nous sub-merger. Pourquoi ne pas pratiquer plutôt la Voie ? Ces trois ans desommeil peuvent être passés à pratiquer. Dès lors que la lucidité eststable, toute pratique peut être accomplie en rêve et, pour certaines,avec plus d'efficacité et davantage de résultats que lorsqu'elles sontfaites dans la journée.

Le yoga du rêve augmente la capacité que nous avons tous derêver lucidement. Dans ce contexte, le rêve lucide est celui où la

 perso nne qui le fait a cons cien ce de rêver pend ant qu'ell e rêve.Beaucoup de personnes, peut-être la plupart des gens, ont fait aumoins une fois l'expérience du rêve lucide. Elle a pu se produirelors d'un cauchemar dans lequel, s'étant rendu compte que l'onrêvait, on s'est réveillé pour en sortir. Ou bien ce ne fut qu'uneexpérience inhabituelle. Certains font régulièrement des rêveslucides sans en avoir du tout l'intention consciente. Lorsque les pra-tiques préliminaires et principale sont intégrées à la vie du prati-quant, les rêves lucides ont lieu avec une fréquence croissante.Rêver lucidement n'est pas en soi le but de la pratique ; c'est néan-moins une évolution importante sur la voie de ce yoga.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 65/114

128  yogas tibétains du rêve et du sommeil la pratique du yoga du rêve 129

II existe de nombreux niveaux différents dans le rêve lucide. Auniveau superficiel, on peut réaliser que l'on est dans un rêve, sans pouvo ir ag ir sur lu i et sans avoir beauc oup de clarté. La l ucidit é esttrouvée, puis perdue, et la logique du rêve prévaut sur l'intention

consciente du rêveur. A l'autre extrémité de la progression, les rêveslucides peuvent être extraordinairement vivants, semblant plus"réels" que la réalité diurne ordinaire. Avec l'expérience, on acquiertdavantage de liberté dans le rêve et l'on dépasse les limites de l'es-

 prit, jus qu' à fai re litt éralem ent t out ce à quo i l'on peut pense r.Certes, le rêve ne se déroule pas dans la même dimension de réa-

lité que l'état de veille. S'offrir une nouvelle voiture en rêve n'em- pêche pas qu'il faill e prendr e l'aut obus pour aller travai ller, le len-demain matin. On peut, en ce sens, trouver les rêves insatisfaisants :ils ne sont pas "réels". Les effets du rêve peuvent cependant se fairesentir dans l'état de veille, en permettant d'achever des tâches psy-chologiques inachevées, ou de surmonter des difficultés énergé-tiques. Chose encore plus importante, le rêve permet de défier et dedépasser les limitations de l'esprit. Dans ce cas, nous développonsla flexibilité de l'esprit, ce qui est très important.

Pourquoi la flexibilité de l'esprit est-elle si importante? Parce que

les rigidités de l'esprit, les limitations dues aux vues erronées qui mas-quent la sagesse et restreignent l'expérience, nous prennent au piègedes identités illusoires et nous empêchent de trouver la liberté. Je sou-ligne tout au long de ce livre combien l'ignorance, la saisie et la répul-sion nous conditionnent et nous immobilisent dans les tendances kar-miques négatives. Nous devons, pour progresser sur le cheminspirituel, amoindrir la saisie et la répulsion jusqu'à ce que nous puis-sions percer l'ignorance qui les fonde pour découvrir la sagessequ'elle cache. La flexibilité de l'esprit, lorsqu'elle est acquise, nous

 permet de vainc re la saisi e et l a répulsion. Elle n ous perm et de v oir leschoses de façon nouvelle et d'avoir des réponses positives, au lieud'être menés à l'aveuglette par nos réactions habituelles.

Des personnes différentes, partageant la même situation, réagis-sent différemment. Certaines sont plus avides que d'autres. Plus lasaisie - cette réaction due au conditionnement karmique - estimportante et plus nous sommes soumis aux circonstances que nous

rencontrons. Si nous avons assez de souplesse, nous ne sommes plus dirig és p ar le karma . Le m iroi r ne choisi t pas ce qu 'il reflèt e ;

toute chose est libre d'apparaître et de s'en retourner dans sa nature pure. En ce sens, le miroi r est flexib le, parce qu'il ne saisit pas et nerejette pas. Il n'essaye pas de retenir un reflet, ni d'en interdire unautre. Nous n'avons pas cette souplesse parce que nous ne compre-

nons pas que tout ce qui apparaît à la conscience n'est que le refletde notre propre esprit.

Dans le rêve lucide, nous nous exerçons à transformer tout ce quisurvient. Il n'existe pas de frontière qui ne puisse être franchie enrêve; nous pouvons faire tout ce qui nous vient à l'esprit.Transgresser les limites habituelles de notre expérience assouplit de

 plus en plus l'espri t. Nou s dével oppo ns d'abor d la lucid ité, puis laflexibilité, que nous appliquons ensuite à toute notre vie. Nos iden-tités habituelles nous inhibent moins lorsque nous savons les trans-former et les abandonner. Nos perceptions habituelles nous contrai-gnent moins lorsque nous savons qu'elles sont relatives etmalléables.

De même que les images oniriques peuvent être transformées aucours du rêve, les émotions et les limitations conceptuelles peuventêtre transformées à l'état de veille. Connaissant la nature oniriqueet malléable de l'expérience, nous pouvons changer la dépression

en bonheur, la peur en courage, la colère en amour, le désespoir enfoi, la distraction en présence. Ce qui est malsain, nous pouvons lechanger en sain. Ce qui est sombre, nous pouvons le changer enlumière. Ce qui est restreint et solide, nous pouvons le changer enouvert et spacieux. Défiez les limites qui vous contraignent.L'objectif de ces pratiques est d'intégrer la lucidité et la flexibilitéà chaque instant de la vie et d'abandonner notre façon fortementconditionnée d'ordonner la réalité, de produire du sens, d'être pris

 par l'il lusi on.

DÉVELOPPER LA FLEXIBILITÉ

Les enseignements proposent beaucoup de choses à faire en rêveaprès que l'on a acquis la lucidité. La première étape pour dévelop-

 per la fl exibi lité en rê ve et à l'état de veille est de se rendre compt equ'on peut le faire. Penser aux possibilités suggérées par les ensei-gnements permet à l'esprit de les intégrer à son potentiel. Nousdevenons capables de choses auxquelles nous n'avions même

 jam ais pensé aupara vant .

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 66/114

130  yogas tibétains du rêve et du sommeil

Je possède un ordinateur portable dont l'exploration est très amu-sante. Si je clique sur l'une des icônes de l'écran, un fichier s'ouvre.Cliquer sur une autre fait apparaître autre chose sur l'écran. L'espritest comme cela. L'attention se porte sur une chose et c'est comme si

l'on activait une icône: un train de pensées et d'images se déroulesoudain. L'esprit ne cesse de cliquer, sautant d'une chose à l'autre. Nous avons parfois deux f enêtres ouvertes, comme lorsque nous par-lons à quelqu'un tout en pensant à autre chose. D'habitude, nous n'endéduisons pas que nous avons des "moi", ou des identités multiples.Ces "moi" multiples peuvent pourtant se manifester dans le rêvequand, au lieu de partager simplement notre attention, nous nous par-tageons en différents corps oniriques qui existent simultanément.

J'ai rêvé une nuit, après avoir joué avec mon ordina teur dans la jou rnée , que je regar dais un écran sur leque l se dess inai ent desicônes que je pouvais activer avec mon esprit, transformant toutl'environnement. L'icône d'une forêt est apparue et, quand j'ai cli-qué sur elle, je me suis trouvé dans une forêt; puis ce fut l'icôned'un océan - clic -j'étais dans un milieu océanique. Cette capacitéd'action était déjà dans mon esprit, mais c'est l'interaction avecmon ordinateur qui a déclenché l'expérience. Nos pensées et nos

expériences influencent d'autres pensées et d'autres expériences.La pratique du rêve s'appuie sur ce fait. Les enseignements nous

 propo sent des idées nouvel les, des possi bili tés nouvel les, ainsi queles outils pour réaliser ces possibilités ; il nous revient ensuite de lesconcrétiser dans les rêves et l'état de veille.

Les enseignements évoquent par exemple la multiplication desobjets dans le rêve. Supposons que nous rêvions de trois fleurs.Comme nous sommes conscients de rêver et savons que les rêvessont malléables, nous pouvons à volonté créer cent fleurs, millefleurs, une pluie de fleurs. Mais nous devons d'abord en connaîtrela possibilité. Si nous ignorons que ce genre de multiplication est

 possi ble, alors la p ossib ili té n'exi ste pas pou r nou s.La recherche occidentale sur les rêves a découvert que l'on pou-

vait améliorer ses aptitudes en les exerçant dans les rêves nocturneset les rêveries. Il y a des siècles, cette connaissance était incorporéeaux enseignements. Grâce aux rêves, nous pouvons diminuer le

négatif et accroître le positif, changeant ainsi nos relations aumonde. Cela ne s'applique pas seulement aux savoir-faire qui nous

la pratique du yoga du rêve  131

aident dans la vie quotidienne, mais est valable aussi aux niveauxles plus profonds de la vie spirituelle. Aspirez toujours à l'objectifle plus élevé, le plus vaste, car cela inclura automatiquement le plus

 petit . Bien qu'il soit bon de trav ail ler sur des prob lèm es relat ifs,

après l'éveil il n'existe plus de problèmes du tout.Le  Tantra Mère  énumère onze cas dans lesquels l'esprit est géné-ralement lié par l'apparence. Il faut tous les reconnaître, lesremettre en question, les transformer. Le principe est le même pourtous mais il est utile de prendre le temps de réfléchir à chacun, afinde présenter à notre esprit les possibilités de transformation. Ceséléments d'expérience sont: la taille, la quantité, la qualité, lavitesse, l'accomplissement, la transformation, l'émanation, levoyage, la vision, la rencontre, les expérimentations.

Taille.  Nous pensons rarement à la taille dans nos rêves, maisnous le faisons souvent dans la vie diurne. La taille varie du plus peti t au plus grand . Chang ez de tail le dans le rêve, deven ez aussi peti t qu'un insec te, puis aussi grand qu'un e mont agne . Prene z ungros problème et rendez-le petit. Prenez une belle petite fleur etdonnez-lui la taille du soleil.

Quantité.  Si votre rêve comporte un bouddha, faites-en apparaître

cent ou mille. Et s'il y a cent problèmes, réduisez-les à un. La pra-tique du rêve permet de brûler les semences du karma en gestation.Servez-vous de la claire conscience pour conduire le rêve, au lieud'être conduit; rêvez au lieu d'être rêvé.

Qualité.  On s'enlise souvent dans une expérience malsaine parcequ'on ignore pouvoir la modifier. Vous devez réfléchir au change-ment possible, puis l'effectuer en rêve. Quand vous rêvez que vousêtes en colère, transformez cette émotion en amour. Vous pouveztransformer la peur, la jalousie, la colère, l'avidité, l'attente inces-sante, l'aveuglement. Aucune de ces émotions n'est utile. Dites-vous que vous pouvez vous en débarrasser en les transformant.Vous pouvez même l'énoncer à voix haute pour renforcer votreconviction. Lorsque vous saurez modifier une émotion en rêve,vous pourrez en faire autant à l'état de veille. Ainsi progressent laliberté et la flexibilité ; vous ne devez pas vous laisser piéger par lesconditionnements antérieurs.

Vitesse.  Quelques secondes de rêve suffisent pour accomplir bea uco up de chos es, parc e que l'on est ent ière ment dans l'es prit .

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 67/114

132  yogas  tibétains du  rêve et  du sommeil l la pratique du yoga du rêve  133

Ralentissez une expérience jusqu'à ce que chaque instant soit ununivers entier. Visitez une centaine d'endroits en une minute. Lesseules limites du rêve sont celles de notre imagination. Accomplissement.  Tout ce que vous avez été incapable de faire

dans la vie, vous pouvez le faire en rêve : pratiquer, écrire un livretraverser un océan à la nage, finir ce qui doit être fini...

Un an après son décès, ma mère m'est apparue en rêve et m'ademandé de l'aider. Je lui ai demandé ce que je pouvais faire. Ellem'a donné le dessin d'un stoupa et m'a prié de le lui construire. Jesavais que je rêvais, mais j'ai accepté la mission comme si elle étaitréelle. J'étais en Italie à l'époque, où les constructions sont trèsréglementées et les zones d'urbanisation nombreuses. J'ignoraiscomment obtenir le permis, l'argent et le terrain dont j'avais besoin.Alors, j'ai pensé à interroger mes gardiens. C'est ce que recom-mande le  Tantra Mère:  demandez en rêve aux gardiens de vousaider quand vous êtes confronté à une tâche qu'il vous sembleimpossible d'accomplir.

En réponse à mon appel à l'aide, les gardiens apparurent. Je rêvaid'un gigantesque arbre de la bodhi ; ils le transformèrent soudaine-ment en stoupa. Nous croyons, dans notre culture, que construire un

stoupa pour une personne décédée l'aide à se diriger vers sa pro-chaine naissance. Ma mère était heureuse et satisfaite, dans le rêve,et moi aussi. J'ai senti que je lui avais donné quelque chose d'im-

 porta nt, quelq ue chose qui ne s'était peut-ê tre pas produi t à la m ai-son, en Inde, lors de son décès. A présent, c'était accompli. Mamère et moi étions heureux. Ce sentiment persista dans mon état deveille.

Ce que l'on accomplit en rêve influence notre vie réveillée. Entravaillant avec l'expérience, vous travaillez avec les empreinteskarmiques. Servez-vous des rêves pour accomplir ce qui est impor-tant à vos yeux.

Transformation.  La transformation est très importante pour les prati quant s du tant ra, car elle est le princ ipe qui sous-t end la pra-tique tantrique, mais elle est aussi très importante pour nous tous.Apprenez à vous transformer vous-même. Essayez n'importe quoi.Changez-vous en oiseau, en chien, en garuda, en lion, en dragon.Transformez-vous de personne coléreuse en personne compatis-sante, d'individu jaloux et avide en bouddha clair et ouvert.

Devenez le yidam et la dakini. C'est une technique très puissante pour dépas ser l es limi tes des iden tifi cati ons habit uell es.

 Emanation.  C'est un acte semblable à la transformation. Aprèsvous être transformé en un yidam ou un bouddha, émanez d'in-

nombrables corps qui peuvent être bienfaisants pour d'autres êtres.Ayez deux corps, puis trois, quatre, autant que vous pouvez, et plusencore. Cassez l'habitude de vous prendre pour un ego unique, indi-vidualisé.

Voyage. Commencez par les endroits où vous aimeriez aller. Vousvoulez aller au Tibet ? Faites-y un tour. A Paris ? Allez-y. Où avez-vous toujours rêvé d'aller?

La pratique ne consiste pas simplement à être quelque part. Ils'agit de faire un voyage. Rendez-vous consciemment où vous vou-lez aller. Vous pouvez voyager vers un autre pays, ou vers une terre pure où n' existe nt pa s d e souillu res. Ou v isite r une autre planèt e, ourevoir un endroit que vous n'avez pas vu depuis des années, ouexplorer le fond de l'océan.

Vision.  Essayez de voir ce que vous n'avez pas vu auparavant.Avez-vous déjà vu Gourou Rinpoché? Tapihritsa? le Christ?Maintenant, vous pouvez. Avez-vous vu Shambhala ou le cœur du

soleil ? Avez-vous vu des cellules se diviser, votre cœur en train de pomp er, le somm et de l'Eve rest, ce que voie nt des yeux d'abei lle?Ayez vos propres idées et rendez-les réelles en rêve. Rencontre.  La tradition tibétaine est riche d'histoires de per-

sonnes qui rencontrent des maîtres, des protecteurs, des dakinisdans leurs rêves. Peut-être vous sentez-vous relié à des maîtres du

 passé ; rencont rez-les , maint enant . Lorsq ue vous y êtes, deman dezsur-le-champ si vous pouvez avoir un autre rendez-vous. Cela crée

 plus d'une possibi lité de rencont re futur e. Puis, demand ez u n e nsei-gnement.

 Expérimentation.  Servez-vous du rêve pour accomplir quelquechose que vous n'avez pas encore fait. Si vous doutez de votre réa-lisation de rigpa, ayez-la en rêve. Vous pouvez éprouver n'importequel état mystique du chemin, qu'il soit simple ou complexe. Vous

 pouvez respirer l'eau comme un poisso n, traver ser l es m urs, être unnuage. Vous pouvez franchir l'univers comme un rayon lumineux

ou être la pluie qui tombe du ciel. Quel le que soit votre pensé e,vous pouvez la réaliser.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 68/114

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 69/114

la pratique du yoga du rêve  137

7 - LES OBSTACLES

Le  Tantra Mère  décrit quatre obstacles que l'on peut rencontrerdans le yoga du rêve : la distraction dans l'illusion et les rêveries, lerelâchement, l'agitation qui entraîne l'insomnie, l'oubli. Il prescritdes remèdes à la fois internes et externes.

ILLUSION

La distraction due à l'illusion se produit lorsqu'un son, ou uneimage, interne ou externe, capte l'attention. Le son peut provenir del'extérieur au moment où le pratiquant s'endort. L'esprit s'y porteet lui associe un souvenir ou un fantasme, qui entraîne le pratiquantet lui fait ressentir l'émotion correspondante. Ou bien le son éveille

la curiosité du pratiquant, qui se perd en conjectures. C'est de l'illu-sion, car nous sommes captivés par la poursuite de choses quin'existent pas vraiment telles que nous les pensons.

L'antidote intérieur est de diriger l'attention sur le canal central.Quel effet cela fait-il ? Essayez - vous allez vous sentir mieux cen-tré et présent, vous sortez de la rêverie et revenez à vous-même. Ilest utile de s'endormir en pensant au canal central. Soyez simple encela. Nous pratiquons parfois avec une telle intensité que nous ren-dons les pratiques inutilement complexes. Ressentez simplement lecanal central; cela empêchera l'esprit de s'échapper. Il est utileaussi de méditer sur l'impermanence et la nature illusoire de notreexpérience dualiste, car ces méditations renforceront notre intentionde rester concentré et nous éviteront de nous perdre en rêveries.L'antidote externe est de faire des offrandes ou de faire des pra-tiques dévotionnelles comme le gourou yoga.

RELÂCHEMENT

Le deuxième obstacle est le relâchement. Il se manifeste commeune paresse intérieure, un manque de force intérieure et de clarté.

Quand votre pratique est trop détendue, vous allez à la dérive,embrumé et peut-être à l'aise, alors même que vous êtes attentif àl'objet de concentration. L'obstacle est différent du précédent, où

vous poursuivez une distraction. Ici, l'acuité intérieure fait défaut.L'antidote consiste à se représenter une fumée bleue montant len-tement dans le canal central, depuis la jonction des trois canaux (àquelques centimètres sous l'ombilic et au centre du corps) jusqu'àla gorge. Ne vous accrochez pas à des questions matérielles - où vala fumée, est-ce qu'elle se rassemble, et ainsi de suite. Voyez sim-

 ple men t la fum ée se dépl acer len tem ent dans le canal cent ral,comme s'il s'agissait déjà d'un rêve. Vous pouvez par ailleursrendre visite à votre maître ou à un guérisseur et lui demander unesorte d'exorcisme. Le  Tantra Mère  suggère que l'apparition du relâ-chement peut révéler l'existence d'une difficulté avec un esprit ouavec une force dans l'entourage, bien que cela ne soit certainement

 pas la seule mani ère de comp rendr e l'obs tacle .

DISTRACTION ENDOGÈNE

Le troisième obstacle est la distraction endogène. Vous ne cessez

de vous réveiller et votre sommeil est agité. La cause peut être liéeau prana, ou à votre excitation, ou à votre agitation. L'antidoteconsiste à se concentrer sur quatre dakinis, représentées par quatresyllabes dressées sur les quatre pétales d'un lotus, dans le chakra dela gorge. Ces syllabes sont RA, jaune et placée en avant, LA, verte, àgauche, SHA, rouge et placée derrière, SA, bleue, à droite. Si l'agita-tion est une source de distraction, fixez les syllabes l'une aprèsl'autre en vous endormant. Essayez de sentir des dakinis protec-trices partout autour de vous. Extérieurement, il peut s'avérer béné-fique de faire la pratique de tcheu, qui comporte des offrandes auxesprits. Examinez si vous avez rompu des vœux ( sam aya *)  quevous auriez pris concernant les enseignements ou le maître. Desrelations difficiles avec des amis ou des connaissances peuventaussi provoquer cette agitation. L'autocritique peut être utile.

Pour la faire, visualisez votre maître comme dans le gourou yoga

et avouez-lui vos torts. Examinez-les, sans remords, ni honte, ni

quelque autre sentiment négatif, mais en pleine conscience. Si vous

avez fait quelque chose qui n'était pas juste, décidez de ne plus

recommencer. Peut-être faut-il aussi entreprendre quelque chose,

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 70/114

138  yogas tibétains du rêve et du sommeil la pratique du yoga du rêve  139

comme parler à l'ami avec lequel vous êtes fâché; vous pouvez

décider de le faire.

OUBLI

Le quatrième obstacle est l'oubli - l'oubli de vos rêves et l'oublide la pratique. Même si vous faites des expériences qui vous aident,elles peuvent être oubliées. Faire une retraite solitaire peut contri-

 buer à do nner plus de clarté à l'e sprit. Equi libre r le prana grâce à larespiration peut stabiliser et calmer la conscience. Le   Tantra Mère

 préconi se d e pr atiqu er la p remière veille de la nui t co mme antido te ;il s'agit de la première partie de la pratique principale que nousavons décrite, la concentration sur le A rouge dans la gorge.Maintenir la conscience sur le A en vous endormant vous aidera àvous souvenir.

LES QUATRE OBSTACLES SELON SHARDZA R1NPOCHÉ

Shardza Rinpoché évoque aussi la possibilité de quatre obstacles,mais il les attribue à des causes différentes. Ce sont des difficultésavec le prana, l'esprit, les esprits locaux et la maladie. Ces obstacles

 peu ven t emp êch er que l'on fas se des rêve s ou qu'o n s'en sou-

vienne. Ils sont également susceptibles de perturber le rêve lui-même.

Si vous souffrez d'une altération du prana, l'énergie est bloquéedans le corps ou, d'une certaine façon, empêchée de circuler facile-ment. L'esprit et le prana sont liés. Si le prana est perturbé, l'espritl'est aussi. Dans un tel cas, tout ce qui vous aidera à vous détendreavant d'aller dormir vous aidera, comme un massage, ou un bainchaud, par exemple. Essayez également de rester autant que pos-sible calme et détendu dans l a journée.

L'esprit peut être trop affairé pour permettre le sommeil. Il est, par exemp le, parf ois diffi cile de s'arrêt er de pens er à la jour néevraiment trépidante que l'on a eue - l'esprit s'attarde sur les pro- blèm es et les émot ions fort es et il est ten du par la viol ence oul'anxiété. Si l'on a du mal à calmer l'esprit, il peut être utile de selivrer à une dure activité physique, de fatiguer, voire même d'épui-ser le corps. Comme dans le cas précédent, il faut ensuite faire toutce que l'on peut pour se détendre avant le sommeil.

Une mauvaise relation avec les esprits du lieu peut entraîner unsommeil haché ou agité. Je sais que beaucoup d'Occidentaux necroient pas à ces choses - que les esprits locaux sont réellementl'énergie du lieu ou la façon dont on ressent l'environnement - etils ont raison dans une certaine mesure. Mais les Tibétains croientqu'il existe vraiment des esprits, des êtres qui habitent des lieux etqui, si l'on interfère énergétiquement avec eux, peuvent nous affec-ter en retour. Provoquer les esprits locaux peut entraîner des rêvesaffreux, ou l'incapacité à s'en souvenir, ou une agitation interdisantle sommeil.

Dans une telle situation, nous devons d'abord prendre conscience dela nature du problème. Les Tibétains connaissent plusieursremèdes à ce genre de perturbation. Souvent, ils vont voir un cha-man et lui demandent une divination, pour découvrir la source dutrouble et l'action appropriée qui s'impose. Ou bien, ils effectuentune pratique de tcheu, faisant des offrandes aux divinités. Ouencore, ils vont trouver le maître et sollicitent son aide, qui leur estgénéralement accordée sous la forme d'une sorte d'exorcisme, unrituel qui tranche la connexion de l'esprit avec eux. Le maître, dans cecas, demande habituellement au requérant quelque chose qui lui

appartient, des cheveux ou un vêtement, qu'il brûle dans un feurituel. Les Tibétains ont beaucoup de remèdes de ce genre, mais ilssont efficaces seulement si on comprend le problème et si l'on croitêtre en butte aux esprits, de sorte que l'on fait les démarches néces-saires pour rétablir la situation. Si vous avez cette connaissance desesprits, offrez-leur de la compassion. Si vous ne croyez pas auxesprits mais que vous êtes sensibles à l'énergie du lieu, corrigez-la en

 brûl ant de l'en cens et en enge ndra nt de la c ompa ssio n. Si vous necroyez à rien de tout cela, engendrez de la compassion pourmodifier l'environnement intérieur de votre esprit et vos émotions. Lequatrième obstacle est la maladie. Les enseignements recom-mandent, naturellement, d'aller consulter un médecin.

Vous ne rencontrerez aucun obstacle qui n'a pas déjà été rencontré et surmonté par d'autres avant vous. Vous n'avez donc aucuneraison de vous décourager. Faites confiance aux enseignements et àvotre maître pour trouver les remèdes ; ils existent dans les ensei

gnements et ne demandent qu'à être appris et appliqués.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 71/114

8 - CONTROLER ETRESPECTER LES RÊVES

Certaines écoles de psychologie en Occident professent qu'il estnuisible de contrôler les rêves ; les rêves auraient une fonction régu-latrice de l'inconscient ou seraient une forme de communication,entre des parties de nous-même, qu'il ne convient pas de perturber.Cela laisse entendre que l'inconscient existe et qu'il est le déposi-taire de l'expérience et du sens. On pense que l'inconscient élaborele rêve et lui incorpore un sens qui est explicite et évident, ou latentet qui demande interprétation. Dans ce contexte, on imagine sou-vent que le moi est composé des aspects conscients et inconscientsde l'individu, et que le rêve est le moyen de communication néces-

saire entre eux. Le moi conscient peut ainsi tirer profit du travail surle rêve : il en extrait le sens et la force de compréhension que l'in-conscient y a mis. Ou bien il tire profit de la catharsis du rêve, oude l'équilibrage des processus physiologiques dû à la productiononirique.

Comprendre la vacuité transforme radicalement notre compré-hension du processus onirique. Les trois entités que sont l'incons-cient, le sens, et le moi conscient n'existent qu'en attribuant uneréalité à ce qui, en soi, n'en a aucune. Il est important de com-

 pren dre ce qui est aff irm é là. La crai nte de voi r l'em pris e duconscient sur l'inconscient endommager les fonctions naturelles estfondée si l'on pose en principe que les éléments de la situation sontdes éléments distincts, isolables dans l'individu, coopérant récipro-quement. Mais cette opinion rend seulement compte d'une dimen-sion de la dynamique personnelle intérieure, souvent au détrimentd'une identité plus vaste.

 Nou s l'avo ns déjà ment ionn é, il existe deux nive aux dans le tra -vail sur le rêve. L'un consiste à lui trouver une signification, ce quiest une bonne chose. C'est le niveau de la plupart des psychologies

occidentales qui valorisent les rêves. En Orient, comme enOccident, on sait que l'on peut trouver dans les rêves une source decréativité, la solution de problèmes, le diagnostic de maladies, etc. Maisle sens du rêve ne lui est pas inhérent ; il est projeté sur le rêve par la perso nne qui l'exa mine et q ui en f ait ensui te la "lec ture" . Le proc édé

ressemble beaucoup à la description des images qui semblentapparaître dans les taches d'encre du test dont se servent certains psych olog ues. La sign ific ati on n 'a pa s d'exi stenc e auto nome . Ellen'existe pas tant que quelqu'un n'a pas commencé à la chercher. Notreerreur est qu'au lieu de voir la vérité de la situation, nouscommençons par penser qu'il existe vraiment un inconscient, une chose,et que le rêve est réel, comme un rouleau de parchemin porteur d'unmessage codé que chacun peut lire une fois décodé.

 Nous avons besoi n d'un e c ompré hensi on pr ofon de de la nat ure durêve, de la nature de l'expérience, pour utiliser vraiment le rêvecomme approche de l'éveil. Lorsque nous pratiquons sérieusement,apparaissent de nombreux rêves merveilleux, riches de signes de progrès.Mais, ultimement, la signification du rêve n'est pas importante. Il vautmieux ne pas considérer le rêve comme un message émanant d'uneautre entité, ou même d'une autre partie de soi que l'on neconnaîtrait pas. Il n'existe aucune signification conventionnelle en

dehors de la dualité du samsara. Penser cela n'est pas s'abandonner auchaos : il n'existe ni chaos, ni absence de sens, ce ne sont que desconcepts de plus. Cela peut sembler étrange, mais l'idée du sens doitêtre abandonnée pour que l'esprit trouve la libération complète.L'objectif essentiel de la pratique du rêve est d'y parvenir.

 Nou s n 'ign oron s p as l'em ploi que l'on peut fair e de la sign ifi cati ondu rêve. Mais il est bon de reconnaître qu'il y a aussi du rêve dansla signification attribuée. Pourquoi attendre de grands messagesdes rêves? Mieux vaut accéder à ce qui se trouve sous lasignification, et qui est la pure base de l'expérience. C'est la pra-tique supérieure du rêve - spirituelle, et non pas psychologique.Elle cherche à connaître et à réaliser le fondement de l'expérience,le non-conditionné. Lorsque vous en êtes arrivé à ce niveau, vousêtes indifférent à la présence ou à l'absence de message dans lerêve. Alors, vous êtes une personne parfaite, votre développementest parachevé, vous êtes libéré des conditionnements qui naissentdes interactions dualistes avec les projections de votre esprit.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 72/114

142  yogas tibétains du rêve et du sommeil

La majeure partie de la pratique du rêve s'accomplit alors que le prati quant est ré veil lé p our influ encer le r êve. Elle ne co nsist e pas àle contrôler directement. Le contrôle direct du rêve, le seul qui inté-resse sans doute la plupart des personnes, intervient durant le rêvelucide. Se multiplier dans le rêve, ou se transformer, ou créer desentités oniriques en sont des exemples. Les enseignements disentqu'il est bon de manifester ce pouvoir de contrôle, car il prouve quela flexibilité de l'esprit est obtenue. De plus, il faut introduire dansl'état de veille le même genre de flexibilité et de contrôle. Non pas

 pour s'envo ler, mais pour comp rendr e la natur e fabri quée de l'ex - périe nce et trouv er la liber té inhére nte à cett e comp réhens ion.Plutôt que d'être dominé par les sensations, vous pouvez voustransformer et changer l'histoire que vous vous racontez, et faire cequi est vraiment important plutôt que de rester pris dans un cau-chemar, ou un rêve sans fin, ou même un agréable fantasme.

L'état de rêve n'est pas différent de l'état de veille. Lesempreintes karmiques provoquent les rêves, et nos réactions dans lavie créent d'autres empreintes. Cette dynamique opère aussi pen-dant que nous rêvons. Nous devons vouloir maîtriser nos rêves plu-

tôt qu'être dominés par eux, de même qu'à l'état de veille il vautmieux répondre aux situations en pleine conscience qu'être dominé par les pensé es et les émot ions .

 Nou s désir ons infl uenc er nos rêves. Nou s voul ons qu' ils soient plus clairs et p lus inté grés à notr e pra tiqu e, com me nous souhai tonsque ces qualités imprègnent chaque instant de notre vie. Cela nerisque absolument pas de perturber quoi que ce soit d'important. Laseule chose que cela risque de perturber est notre ignorance.

9 - PRATIQUES SIMPLES

Pour parachever les yogas du rêve et du sommeil, il faut de la foi,de la résolution, de l'engagement et de la patience. Aucune pratiquen'aboutit à la réalisation en une seule nuit d'efforts. Mûrir spiri-tuellement prend du temps, et c'est dans le temps que nous passonsnos vies ordinaires. Lutter contre le temps, c'est perdre. Mais quandnous savons comment nous accorder au temps, la pratique sedéroule spontanément d'elle-même.

Le yoga du rêve peut nous apparaître comme un ensemble tropcomplexe et trop exigeant pour devenir une réalité de notre vie.Mais nous pouvons faire beaucoup de choses, par petites additionssuccessives que nous intégrons à notre vie, jusqu'à ce que nous

transformions graduellement toute notre vie en pratique. Voici deschoses que chacun peut faire et qui conduisent au succès dans leyoga du rêve.

l ' e sp r i t p e n d a n t l ' é t a t d e ve i l l e

 Nous somm es réveil lés penda nt enviro n seize heures , duran t les-quelles l'esprit ne cesse de travailler. Il semble souvent ne pas yavoir assez de temps, et cependant nous en perdons encore beau-coup en distractions et en expériences désagréables. On dirait quele monde moderne ne cesse d'exiger mille choses qui accaparentl'attention et la détournent, comme s'occuper de la famille et du tra-vail, regarder des films, faire du lèche-vitrines, attendre dans lesembouteillages, parler aux amis, etc. La journée finit par n'être plusqu'un embrouillamini menant à l'épuisement et au besoin accru dedistraction où s'évader. D'instant en instant nous sommes éloignésde nous-même. Vivre ainsi n'aide aucune pratique, yoga du rêve

compris. C'est pourquoi il faut cultiver des habitudes simples etrégulières pour reprendre contact avec soi-même, pour devenir plus présent .

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 73/114

Chaque respiration peut être une pratique. En inspirant, imaginezque vous absorbez des énergies pures, purificatrices, reposantes. Achaque expiration, imaginez que vous expulsez tous les obstacles,les tensions et les émotions négatives. Il n'est pas nécessaire pour

cela de s'asseoir dans un endroit spécial. On peut le faire dans lavoiture en allant travailler, en attendant au feu rouge, assis devantl'ordinateur, pendant la préparation du repas, en nettoyant la mai-son, ou en marchant.

Une pratique puissante, bien que simple, consiste à essayer demaintenir continûment la présence dans le corps pendant la journée.Ressentez le corps dans sa globalité. L'esprit est pire qu'un singefou, sautant d'une chose à l'autre, incapable de se concentrer surl'une d'elle. Mais le corps est une source stable et constante d'expé-riences dont on peut se servir pour ancrer l'esprit et l'aider à deve-nir plus calme et plus concentré. De même que la participation del'esprit est essentielle à l'organisation et à l'alimentation matériellesde la vie, le corps sert à stabiliser l'esprit dans une présence calme,dont l'importance est'fondamentale pour toutes les pratiques.

Lorsque vous marchez dans un parc, par exemple, il se peut quele corps s'y trouve et que l'esprit soit ailleurs, au bureau, ou à lamaison, ou en conversation avec un ami au loin, ou faisant une listede commissions. C'est-à-dire que l'esprit s'est déconnecté ducorps. Au lieu de cela, lorsque vous regardez une fleur, regardez-lavraiment. Soyez entièrement présent. Avec l'aide de la fleur, rame-nez l'esprit dans le parc. Apprécier l'expérience sensorielle recon-necte l'esprit et le corps. Quand l'expérience de la fleur est faite àtravers tout le corps, une guérison a lieu. Il en est de même si vousregardez un arbre, humez une fumée, ressentez l'étoffe de votrechemise, entendez un chant d'oiseau, ou dégustez une pomme.Entraînez-vous à percevoir clairement les objets sensoriels, sans

 jug emen t. Essaye z d'être tot alem ent l'œil devant une form e, le nezavec une odeur, l'oreille avec un son, et ainsi de suite. Essayez defaire l'expérience à fond en restant seulement dans la pureconscience de l'objet sensoriel.

Lorsque cette capacité est acquise, les réactions n'en continuent

 pas moi ns. La visi on d'un e fle ur soul èver a un ju gem ent sur sa beaut é, ou une odeur sera ju gée fétid e. Cepend ant, la prati que per-met alors de maintenir la connexion avec la pureté de l'expérience

sensorielle et évite à l'esprit de se perdre dans la distraction. Se lais-ser distraire par une masse de concepts est une habitude que l'on

 peut rempl acer p ar une habit ude nouvell e : utili ser l es sensati ons ducorps pour aller vers la présence, pour s'ouvrir à la beauté du

monde, à l'expérience éclatante et nourrissante de la vie, qui setrouve sous nos distractions. C'est le filigrane d'un yoga du rêvefructueux.

Le premier instant de la perception est toujours clair et brillant.C'est seulement la distraction de l'esprit qui nous empêche de lereconnaître et d'apprécier chaque moment de la vie. Maintenir la

 présen ce dans l'expé rience s'appui e sur l a s tabili té de la form e et l a percept ion vivant e du m onde sensori el pour souten ir l es quali tés del'esprit les plus aptes à rendre fructueuse la pratique du yoga durêve.

SE PRÉPARER POUR LA NUIT

 Nou s avons souve nt l'im pressi on d'être à m oiti é mort s après une jou rnée stress ante. Ensui te, nous allon s nous couch er et deven ons presqu e enti èreme nt morts . Nou s ne preno ns même pas quelq uesminutes pour unir le corps et l'esprit dans la présence, mais passons

la soirée dans la distraction, dans laquelle nous restons pendant quenous nous préparons pour la nuit et quand nous sommes emportés par le somme il. Reli er l'espri t, le corps et la sensat ion est une deschoses les plus importantes que nous pouvons faire pour assurernotre progression sur le chemin spirituel. Nous devrions y consa-crer un peu de temps chaque soir avant de dormir.

Lorsqu'en nous endormant, le corps et l'esprit sont désunis, ils poursu ivent chacun leur propre chemin . Le corps garde les t ensio nsaccumulées dans la journée; l'esprit continue, comme dans la jour-née, à passer d'un endroit à l'autre, d'un moment à l'autre, déra-ciné, instable et agité. Il est dans l'anxiété et dans la somnolence,sans beaucoup de présence. Dans un tel état, nous manquons deforce et de conscience. Le yoga du rêve devient très difficile.

Pour modifier cette situation, pour avoir un sommeil plus sain etde meilleurs résultats dans le yoga du rêve, prenez quelquesminutes avant de dormir pour rétablir la présence et le calme. Desactes simples sont efficaces : prenez un bain, allumez une bougie ou

 brûl ez d e l'ence ns, assey ez-vo us devan t un autel , ou m ême dans le

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 74/114

146  yogas tibétains du rêve et du sommeil la pratique du yoga du rêve  147

lit, et entrez en contact avec la présence éveillée de votre maître.Vous pouvez engendrer la compassion, être attentif à ressentir votrecorps, et entretenir les sentiments de joie, de bonheur et de grati-tude. Développez des pensées et des sentiments positifs, et endor-mez-vous. Les prières et l'amour détendront le corps et adoucirontl'esprit, leur apportant joie et paix. Comme cela a déjà été suggéré

 préc édem ment , pens ez que vous êtes ento uré d'être prot ecte urséveillés, particulièrement de dakinis. Imaginez qu'elles vous protè-gent comme la mère protège son enfant, et qu'elles irradientl'amour et la compassion pour vous. Puis, vous sentant en paix eten sécurité, priez : "Puissé-je avoir un rêve de clarté. Puissé-je avoirun rêve lucide. Puissé-je me comprendre à travers le rêve." Répétezces mots de multiples fois, à voix basse ou haute. C'est tellementsimple à faire, et pourtant cela changera la qualité du sommeil etdes rêves ; vous serez plus reposé et d'aplomb au matin.

S'il vous semble que les quatre étapes de la pratique sont tropcompliquées - la fixation sur les chakras de la gorge, de l'entresourcils, du cœur, de l'endroit secret - posez seulement l'attentionsur le chakra de la gorge. Imaginez qu'un A rouge, lumineux, s'ytrouve après votre prière. Concentrez-vous sur lui, ressentez-le, etendormez-vous. Il est important de vous être préalablement calmé,

 pour vous sentir relié au corps. Si la concen trati on sur le A voussemble trop difficile ou trop complexe, prenez alors simplementconscience de tout votre corps et ressentez la présence et la com-

 passion . Telle est l a faço n de netto yer le corps et l 'esprit que la jour -née a tendus et embrumés. Nous nous brossons les dents et nouslavons chaque soir, et nous nous sentons mieux, et nous dormonsmieux. Si, au contraire, nous allons nous coucher en nous sentantsales et malpropres, notre sommeil et nos rêves s'en ressentent.

 Nou s conn ais sons tou s ces déta ils mat éri els de notr e exi sten ce,mais nous oublions souvent combien il est important aussi de sen-tir cette fraîcheur et cette reliaison dans l'esprit. Vous pourriez peut-être écrire une phrase sur votre brosse à dents: "Et maintenant,lave-toi l'esprit."

Vous pouvez aussi utiliser la respiration au moment de dormir.Essayez de respirer également par les deux narines. Si la droite estobstruée, dormez sur le côté gauche, et réciproquement. Modérez le

souffle et laissez-le devenir doux et calme. Expirez le stress et les

émotions négatives, inhalez la pure énergie de guérison. Respirezainsi neuf fois, en posture de méditation ou allongé dans le lit, puis

 posez l'att entio n sur le A rouge dans la g orge. Resse ntez le A p lusque vous ne vous concentrez sur lui, fusionnez avec lui plutôt qued'en rester séparé. Au lever, si vous vous sentez mieux et plus

reposé, soyez content de votre succès. Ressentez la bénédiction desmaîtres et des êtres éveillés, le plaisir de vos propres efforts joyeux,le bonheur de suivre le chemin spirituel. Ce bonheur va favoriser la

 prati que de la nuit suivan te et l'ai der à se main teni r et à se déve-lopper continûment.

Il n'est pas inhabituel d'éprouver des difficultés à se détendre, ouà ressentir de l'amour et de la compassion en allant dormir. Si c'estvotre cas, servez-vous de votre imagination créatrice. Imaginez quevous êtes allongé sur une belle plage chaude, ou que vous marchezdans l'air pur et frais de la montagne. Imaginez le genre de chosesqui vous aident à vous sentir détendu, plutôt que de simplementtomber dans le sommeil, expulsé de la présence par les émotions etles tensions de la journée. Même ces simples pratiqu es seront d'ungrand secours.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 75/114

la pratique du yoga du rêve   149

10 - INTEGRATION

La pratique du rêve n'est pas destinée seulement au développe-ment personnel ou à la production d'expériences intéressantes. Ellefait partie du chemin spirituel et ses résultats peuvent se faire sentirdans tous les aspects de la vie, en changeant la personnalité du pra-tiquant et sa relation au monde. La plupart des thèmes inclus dansce chapitre consacré à l'intégration de la pratique du rêve dans lavie du pratiquant ayant déjà été traités, ils seront repris ici de façonconcise.

Il existe deux grands niveaux de pratique du yoga du rêve,conventionnel et non-conventionnel, ou dualiste et non-dualiste.

 Nous avons comm encé par envis ager le premi er. Il corres pond autravail avec les images et les histoires oniriques, à nos réponses auxexpériences et à nos émotions, aux effets du rêve en nous et auxeffets de notre pratique dans le rêve, à l'accroissement de laconscience et du contrôle.

Le niveau non-conventionnel ne concerne ni le contenu des rêvesni les expériences que nous en avons, mais plutôt la claire lumièrenon-duelle. Elle est l'objectif final des pratiques du rêve et du som-meil.

 Nou s n e devons jam ais dénigr er l 'usage dualist e du y oga du rêve.Après tout, la plupart d'entre nous, et la plupart du temps, vivonsdans le monde de la dualité et c'est dans notre vie ordinaire quenous devons parcourir le chemin spirituel. En pratiquant le yoga durêve, nous transformons la colère en amour, le désespoir en espé-rance, ce que nous avons de blessé en ce qui est guéri et fort. Nousdevenons capables de faire preuve d'habileté dans les circonstances

de la vie et d'aider les autres. Nous acquérons ces savoir-fairequand nous commençons à comprendre vraiment que la vie estcomme un rêve et peut s'aménager. Nous pouvons alors faire de la

vie ordinaire une expérience pleine de sens et de grande beauté,incorporant toute chose au chemin.

C'est seulement lorsque notre moi conventionnel se dissout dansrigpa que nous dépassons réellement le besoin d'espoir et de sens,

la discrimination entre positif et négatif. La vérité non-convention-nelle est au-delà de la guérison et du besoin de guérison. Adoptercette perspective alors que nous ne vivons pas vraiment dans la vuenon-duelle conduit à une sorte de spiritualité confuse dans laquellenous exerçons notre conditionnement négatif en croyant exercernotre liberté. Lorsque nous résidons pleinement dans la clairelumière, les négativités n'ont plus de pouvoir sur nous, de sortequ'il nous est facile de vérifier si nous y sommes ou pas.

Il existe quatre domaines successifs d'intégration en rapport avecla pratique du rêve : la vue, le rêve, le bardo et la claire lumière. Lavue désigne ici toutes les expériences de l'état de veille, y compristoutes les perceptions sensorielles et tous les événements intérieurs.La vue est intégrée au rêve lorsqu'on comprend que tous les phé-nomènes, toutes les situations, sont oniriques. Cette compréhensionne doit pas être simplement intellectuelle, mais elle doit corres- pondr e à un e expéri ence vivan te et lucide. Sinon, ce n'est qu'un j eu

de l'imagination n'apportant aucun changement réel. L'intégrationauthentique de ce point change profondément la réponse de l'indi-vidu au monde. La saisie et la répulsion sont immédiatementréduites, et les enchevêtrements d'émotions qui semblaient jus-qu'alors si contraignants sont reconnus comme des ficelles de scé-narios oniriques, et rien de plus.

A mesure que la pratique change la façon de voir la journée, lechangement est intégré au rêve. La lucidité apparaît dans l'état oni-rique. Il existe des niveaux successifs de lucidité. Ils vont des pre-mières expériences de prise de conscience que le rêve est un rêve,qui est toujours régi par la logique du rêve, jusqu'à la lucidité puis-sante par laquelle on est totalement libre dans le rêve, ce dernierdevenant lui-même une expérience dont la vivacité et la clarté sont

 presqu e boul eversa ntes.

La lucidité et la flexibilité de l'esprit acquises dans le rêve doiventalors être incorporées dans l'état intermédiaire après la mort

{bardo).  Entrer dans la mort est très semblable à entrer dans le rêve.La possibilité de maintenir la présence pendant le bardo, de rester

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 76/114

150 yogas  ti bétains  du rêve et du sommeil

conscient et non-distrait alors que s'élèvent les visions de l'après-mort, dépend des capacités acquises dans le yoga du rêve. On ditque le rêve est un test pour le bardo. Incorporer l'état de rêve dansl'état intermédiaire, c'est comprendre que les réactions aux élé-ments du rêve seront les mêmes que les réactions aux éléments du

 bardo. Cet accomplissement repose sur le développement dans lerêve de la lucidité et de la non-saisie.

Le bardo doit être inclus dans la claire lumière. C'est le moyen de parvenir à l'éveil. Pendant le bardo, il vaut mieux ne pas entrer dansune relation duelle avec les phénomènes qui surgissent, et resterdans la présence non-duelle, dans la pleine conscience sans distrac-

tion. C'est rester dans la claire lumière, l'union de la vacuité et dela pure conscience. La capacité d'y parvenir est aussi l'étape finalede la pratique du yoga du rêve avant la mort : lorsque le pratiquants'unit entièrement avec la claire lumière, rêver prend fin.

Quand on voit de façon directe que l'état de veille est comme un

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 77/114

QUATRIÈME PARTIE

SOMMEIL

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 78/114

 sommeil   153

1- S'ENDORMIR ET DORMIR

Le processus normal du sommeil intervient lorsque la consciencese retire des sens et que l'esprit se perd dans la distraction, se dis-

 persa nt dans l'im ageri e ment ale et les pens ées jus qu' à sa diss olu-tion dans les ténèbres. L'inconscience dure alors jusqu'à l'arrivéedes rêves. A ce moment, la conscience de soi se reconstruit à traversla relation duelle qui s'établit avec les images oniriques, jusqu'à la

 proc hain e phas e d'in consc ienc e. Ces alte rnanc es d'in consc ience etde rêve constituent la nuit normale de sommeil.

Le sommeil est opaque à nos yeux parce que nous y perdonsconscience. Il semble dépourvu d'expériences parce que l'espritgrossier auquel nous sommes identifiés cesse de fonctionner pen-dant le sommeil. Nous appelons "s'endormir" la période qui voits'effondrer notre identité. Nous sommes conscients pendant le rêve

 parce que l'espri t en mouv emen t est acti f, créant un ego oniri queauquel nous nous identifions. Mais le moi subjectif n'apparaît pasdans le sommeil.

Bien que nous définissions le sommeil comme un état d'incons-cience, l'obscurité et l'absence totale d'expérience ne sont pas l'es-sence du sommeil. Le sommeil n'existe pas pour la pure consciencequi est notre base. Lorsque l'esprit en mouvement n'est pas tour-menté par l'aveuglement, les rêves ou les pensées, il se dissout dansla nature de l'esprit. Le sommeil de l'ignorance cède alors la placeà la clarté, à la paix, à la félicité. Lorsque nous devenons capablesde rester dans cet état, nous trouvons que le sommeil est lumineux.Cette luminosité est la claire lumière. Elle est notre vraie nature. Nou s avons vu préc édem ment que le rêve a pour origi ne les

empreintes karmiques. Par analogie avec l'exemple de la lumièrequi est projetée sur les images de la pellicule cinématographique

 pou r produ ire un film , les empr eint es karm ique s sont les phot o-grammes, la conscience est la lumière qui les éclaire, et les rêves

sont projetés sur la base  {kunshi*).  Le yoga du rêve développe lalucidité relativement aux images oniriques. Mais le yoga du som-meil ne comporte ni pellicule, ni projection. Il est sans images. Sa prati que consi ste en la reconn aiss ance direct e de la consc ience parla conscience, la lumière qui s'illumine elle-même. C'est la lumi-nosité sans aucune image. Plus tard, quand la stabilité dans la clairelumière est installée, même les images oniriques ne distraient plusle pratiquant et les périodes de rêves se déroulent aussi dans laclaire lumière. Ces rêves sont alors appelés rêves de claire lumière,ce qui ne signifie pas la même chose que rêves de clarté. Dans lesrêves de claire lumière, la claire lumière n'est pas masquée.

 Nous perdo ns la no tion réelle de la claire lumiè re dès que nous laconceptualisons ou tentons de l'imaginer. Il n'existe ni sujet, niobjet dans la claire lumière. La moindre identification avec un sujetferme l'accès à la claire lumière. En réalité, rien "n'accède" à laclaire lumière : la claire lumière est la base se reconnaissant elle-même. "Moi" et "l'autre" n'existent pas. Employer le langage de ladualité pour décrire la non-dualité entraîne nécessairement un para-doxe. La seule manière de savoir ce qu'est la claire lumière est d'enavoir l'expérience directe.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 79/114

 sommeil 155

2 -TROIS VARIÉTÉS DE SOMMEIL

SOMMEIL DE L'IGNORANCE

Le sommeil de l'ignorance, que nous appelons "sommeil pro-fond", est une grande obscurité. On dirait une obscurité vieille demilliers d'années, mais elle est encore plus âgée. Elle est l'essencede l'ignorance, la racine du samsara. Malgré le nombre de nuits quenous passons à dormir, nuit après nuit depuis trente ou soixante-dixans, nous ne pouvons pas venir à bout du sommeil. Nous y revenonsencore et toujours, comme s'il nous rechargeait, ce qu'il fait.L'ignorance est l'aliment du samsara. Les êtres samsariques quenous sommes nourrissent leurs vies samsariques en se dissolvantdans le sommeil de l'ignorance. Nous nous réveillons plus forts,notre existence samsarique est revigorée. C'est la "grande igno-

rance", parce qu'elle est incommensurable. Nou s éprou vons le somme il de l'ign orance comm e un néant , un

vide, dans lequel il n'existe pas de notion de moi, ni de conscience.Songez à une longue journée fatigante, par un temps pluvieux, avecun dîner copieux et le sommeil consécutif qui ne comporte ni clarténi notion de moi. On disparaît. Une manifestation de l'ignorancedans l'esprit est l'engourdissement mental qui nous attire vers unetelle dissolution dans l'inconscience.

L'ignorance innée est la cause primaire du sommeil. Les causes etconditions secondaires nécessaires à sa manifestation sont liées aucorps et à sa fatigue.

SOMMEIL SAMSARIQUE

La deuxième variété de sommeil est le sommeil samsarique, lesommeil des rêves. Le sommeil samsarique est appelé la "grandeillusion" parce qu'il semble infini.

Le sommeil samsarique est comparable à une promenade dans lecentre d'une grande ville, où se passent toutes sortes de choses. Les

gens s'embrassent, se battent, bavardent, se quittent; on voit la faimet la richesse; certains courent au travail, d'autres s'y dérobent; il ya des sites magnifiques, des quartiers délabrés, des endroitseffrayants. Dans toute ville apparaissent les manifestations des six

mondes. Le sommeil samsarique est la ville des rêves, un monde illi-mité d'activité mentale engendré par les empreintes karmiques desactions passées. Contrairement au sommeil de l'ignorance, où l'espritgrossier en mouvement disparaît, le sommeil samsarique requiert la parti cipat ion de l'espri t gro ssier et d es émot ions négati ves.

C'est le corps qui nous entraîne dans le sommeil de l'ignorance,et l'activité émotionnelle qui est la cause primaire du rêve. Lescauses secondaires sont nos actes, fondés sur la saisie ou le rejet.

SOMMEIL DE CLAIRE LUMIÈRE

La troisième variété de sommeil que l'on réalise grâce au yoga dusommeil est le sommeil de claire lumière. On l'appelle aussi som-meil de clarté. Il survient lorsque le corps est endormi et que le pra-tiquant n'est perdu ni dans l'obscurité, ni dans les rêves, maisdemeure dans la conscience pure.

La claire lumière est définie dans la plupart des textes commel'union de la vacuité et de la clarté. C'est la conscience pure, vide,qui est la base de l'individu. "Claire" renvoie à la vacuité, la mère,la base, kunshi. "Lumière" renvoie à la luminosité, le fils, rigpa, la

 pure consci ence innée. La cl aire lumiè re est la ré alisat ion directe del'union de rigpa et de la base, de la conscience et de la vacuité.

L'ignorance est comparée à une chambre noire dans laquelle nousdormons et la conscience, à une lampe dans cette chambre. Peuimporte depuis quand la pièce est obscure - que ce soit une heureou un million d'années - à l'instant où la lampe de la conscience estallumée, tout s'éclaire. Un bouddha - le dharmakaya - se trouvedans la flamme. Vous êtes cette luminosité. Vous êtes la clairelumière ; elle n'est pas un objet de votre expérience ou un état men-tal. Quand cette conscience lumineuse dans l'obscurité est la féli-cité, claire, immuable, sans référence, sans jugement, sans circon-férence ni centre, alors c'est rigpa. C'est la nature de l'esprit.

Lorsque la pensée est examinée en pleine conscience, sans saisie

ni rejet, elle se dissout. Lorsque la pensée - l'objet de conscience-se dissout, F observateur-sujet fait de même. D'une certaine façon,

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 80/114

156  yogas tibétains du rêve et du sommeil

quand l'objet se dissout, c'est dans la base et, quand le sujet se dis-sout, c'est dans rigpa. L'exemple est aventuré, car il pourrait don-ner à penser que deux choses existent: la base et rigpa. Mais ceserait mal comprendre. La base et rigpa sont inséparables commel'eau et l'humidité. On les décrit comme les deux aspects d'unemême chose pour nous aider à comprendre, pour relier les ensei-gnements à la dichotomie apparente du sujet et de l'objet. La véritéest qu'il n'existe jamais d'objet séparé du sujet: il n'existe qu'uneillusion de séparation.

3 - PRATIQUE DU SOMMEIL

ET PRATIQUE DU RÊVE

La différence entre la pratique du rêve et celle du sommeil peutêtre comparée à celle qui existe entre chiné (méditation du calmemental) avec support et chiné sans support. Ainsi, le yoga du rêvesert dans la pratique tantrique à générer le corps divin de la déité deméditation (yidam), qui se trouve encore dans le monde de la rela-tion duelle, alors que le yoga du sommeil développe l'esprit de ladivinité, qui est pure conscience non-duelle. En un sens, la pratiquedu rêve est secondaire dans le Dzogchen car elle utilise encore lavision et les images, alors que dans la pratique du sommeil n'exis-tent plus ni sujet ni objet, mais seulement rigpa non-duel.

Lorsqu'on introduit l'étudiant à la pratique de Dzogchen, onenseigne d'abord les pratiques avec attributs. Une fois que la stabi-lité s'est un peu développée, commence la pratique sans attributs.Ceci parce que notre conscience fonctionne principalement avecdes attributs, des objets du sujet auquel on s'identifie. Comme noussommes identifiés en permanence avec l'activité de l'esprit en mou-vement, notre pratique doit, au début, donner à l'esprit quelquechose à saisir. Si on nous enjoint: "Soyez l'espace", l'esprit enmouvement ne trouve aucun sens à cela, car il n'a rien à saisir. Iltente de fabriquer une image de la vacuité pour s'y identifier, ce quin'est pas la pratique. Mais, si on dit qu'il faut visualiser quelquechose et puis en faire la dissolution, l'esprit en mouvement se sentà l'aise, car il peut penser à quelque chose. Nous utilisons l'espritconceptuel et les objets de la conscience pour conduire l'esprit à laconscience sans attributs ; c'est là que doit aller la pratique.

On nous demande, par exemple, d'imaginer la dissolution ducorps. Cela sonne bien, on peut se le représenter. Après la dissolu-tion existe un moment où rien n'est plus à saisir. Cela fournit lasituation qui permet au pratiquant préparé de reconnaître rigpa.C'est comme compter à rebours à partir de dix - dix, neuf, huit...

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 81/114

158  yogas tibétains du rêve et du sommeilsommeil 159

-jusqu'à zéro. Il n'y a rien à saisir dans zéro, c'est le tiglé de l'es- pace vide, mais le mouv emen t nous y condui t. Comp ter à r ebour s jusq u'à la v acuit é ressem ble au fait de prati quer avec attri buts pour

être conduit à la vacuité de la pratique sans attributs.En réalité, la pratique du sommeil n'a rien de formel, de sortequ'il n'y a rien sur quoi porter l'attention. La pratique et le but sontidentiques : demeurer dans l'union inséparable de la clarté et de lavacuité, au-delà du clivage dualiste entre celui qui perçoit et celaqui est perçu. Il n'existe pas de qualités, pas de haut ni de bas, pasd'intérieur ni d'extérieur, pas de sommet ni de fond, pas de tempsni de limites. Il n'existe pas de différences du tout. Contrairement àce qui se passe dans le yoga du rêve, l'esprit n'a pas dans le yogadu sommeil d'objet à saisir; on considère que ce yoga est plus dif-ficile que celui du rêve. Devenir lucide dans un rêve signifie savoirque l'on rêve ; le rêve est l'objet de la conscience. Dans le yoga dusommeil, la connaissance n'est pas celle d'un objet par un sujet;c'est la reconnaissance non-duelle de la pure conscience, la clairelumière, par la conscience elle-même. La conscience sensorielle estinactive, de sorte que l'esprit qui dépend de sa stimulation est inac-

tif. La claire lumière est comme voir sans œil, sans objet et sanssujet qui voit.Ce qui se passe à la mort est analogue : il est plus difficile d'être

libéré dans le premier bardo, le bardo pur primordial  (ka-dag),  quedans le bardo suivant, le bardo de claire lumière   {eu-sal) dans lequelsurgissent les images. Au moment de la mort et avant l'apparitiondes visions du bardo, il existe un instant où l'expérience subjectivese dissout totalement dans la base. A cet instant n'existe aucun moisubjectif, comme lorsque l'activité quotidienne s'achève avec ladissolution dans le sommeil. Nous sommes partis. Puis, les rêvesnaissent dans le sommeil, ou les images naissent dans le bardo et,du moment qu'on les perçoit, la force des tendances karmiques créel'impression d'un moi percevant, qui fait l'expérience des objets de

 perce ptio n. Repl ongé s dans la duali té, nous pour suiv ons le rêvesamsarique si nous dormons, ou nous acheminons vers une autrenaissance si nous sommes dans le bardo.

 Nou s pouv ons être libér és dans le bardo pur prim ordi al si nousaccomplissons la pratique du sommeil. Sinon, nous affronterons lesvisions du bardo suivant, durant lequel nos chances d'être libérés

sont grandes si nous sommes qualifiés dans la pratique du rêve. Sinous n'avons accompli aucune des deux pratiques, nous continue-rons à errer dans le samsara.

Vous devez décider par vous-même laquelle de ces pratiques vousconvient le mieux. L'enseignement du Dzogchèn insiste sur l'im-

 port ance de se conna ître , de conna ître ses capac ités et ses emp ê-chements, et d'utiliser cette connaissance pour pratiquer de lamanière qui sera la plus profitable. Cela dit, quelques personnesseulement trouveront le yoga du sommeil plus facile que celui durêve, de sorte que je recommande en général de commencer par lerêve. Si votre esprit est dans la saisie, il est sage de commencer parle yoga du rêve, dans lequel l'esprit peut s'attacher au rêve lui-même. Lorsque la stabilité dans rigpa est acquise, il devient plusfacile d'accomplir la pratique du sommeil parce que l'expérience denon-saisie, de ne pas être un sujet, est forte - être un sujet étant lasituation du rêve. Une autre raison pour laquelle je recommande decommencer par le yoga du rêve est qu'il faut généralement plus detemps au pratiquant pour devenir lucide dans le sommeil que dansle rêve. Pratiquer longtemps sans résultats apparents peut conduire

au découragement, ce qui peut devenir un empêchement sur le che-min. Une fois que vous avez une certaine expérience de l'un desyogas, il est bon de poursuivre et de renforcer la pratique.

Ultimement, les deux yogas conduisent l'un à l'autre. Quand la prati que du rêve est parac hevée, la consci ence non-du elle de rigpaapparaîtra dans le rêve. Cela entraîne de nombreux rêves de clartéet, finalement, la dissolution des rêves dans la claire lumière. Tel estégalement le fruit de la pratique du sommeil. Réciproquement,' lors-qu'on progresse dans le yoga du sommeil, les rêves deviennentnaturellement plus lucides et des rêves de clartés surgiront sponta-nément. Les rêves lucides peuvent alors servir à développer la flexi- bilit é de l'esprit , comme nous l'avon s déjà vu. Le succès final dansl'une ou l'autre pratique exige que la pure présence de rigpa soitreconnue et stabilisée pendant la journée.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 82/114

CINQUIÈME PARTIE

LA PRATIQUE DU

YOGA DU SOMMEIL

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 83/114

1- LA DAKINI SALDJÉ DU DALMA

Le Tantra Mère enseigne qu'une dakini est la protectrice et la gar-dienne du sommeil sacré. Il est bénéfique d'établir une relation avecson essence, qui est aussi la nature de la pratique, afin qu'elle puisseguider et bénir la transition du sommeil inconscient au sommeilconscient. Son nom est Saldjé Deu Dalma  (gsal-byed-gdos-bral-ma),  qui signifie "Celle qui clarifie au-delà des concepts". Elle estla luminosité cachée au sein de l'obscurité du sommeil normal.

Elle n'a pas de forme dans la pratique du sommeil proprementdite, mais on se la représente au moment de l'endormissementcomme une brillante sphère de lumière, un tiglé. On s'imagine plu-tôt une lumière qu'une syllabe (comme celles que l'on emploie

dans le yoga du rêve) parce qu'on travaille au niveau énergétique,au-delà de la forme. Nous essayons d'abolir toutes les différences-l'intérieur et l'extérieur, soi et autrui. Lorsque l'esprit crée uneforme, il a l'habitude de penser qu'elle est différente de lui, et nousdevons dépasser la dualité. La dakini représente la claire lumière.Elle est ce que nous sommes déjà dans notre état pur : clair et lumi-neux. Nous devenons elle dans la pratique du sommeil.

Lorsque nous entrons en relation avec Saldjé Deu Dalma, nousnous relions à notre propre nature la plus profonde. Nous pouvonsintensifier ce lien en pensant le plus possible à Saldjé Deu Dalma.Dans la journée, on peut l'imaginer sous sa forme de  sambhoga-kaya*:  magnifique, radieuse, d'un blanc pur. Son corps translucideest entièrement fait de lumière. Elle tient dans sa main droite uncouperet, dans sa main gauche un bol fait d'une calotte crânienne.Elle réside dans le centre du cœur, assise sur un disque lunaire blanc

 posé sur un disq ue sola ire doré, repo sant lui -mêm e sur un beau

lotus bleu à quatre pétales. Comme dans le gourou yoga, on ima-gine se fondre en elle et elle en nous, notre essence et la sienne nefaisant plus qu'un.

la pratique du yoga du sommeil   163

Où que vous soyez, elle est avec vous, dans votre cœur. Quandvous mangez, offrez-lui la nourriture. Quand vous buvez, offrez-luice que vous buvez. Vous pouvez lui parler. Si vous êtes dans unendroit qui vous permet d'écouter, laissez-la vous parler. Cela ne

signifie pas que vous deviez devenir fou, mais vous pouvez vousservir de votre imagination. Si vous avez lu un livre sur le dharmaet entendu des conférences sur le sujet, imaginez qu'elle vousdonne les enseignements que vous connaissez déjà. Laissez-la vousrappeler de demeurer dans la présence, d'agir avec compassion,d'être attentif, et de résister aux distractions. Votre maître n'est

 peut -êtr e p as tou jou rs disp onib le, ni vos ami s, mais la dakin i l'est .Faites-en votre compagne de chaque instant et la guide de votre pra-tique. Vous allez vous rendre compte finalement que la communi-cation commence à devenir réelle. Saldjé Deu Dalma va incarnervotre propre compréhension du dharma et vous la refléter. Lorsquevous vous souvenez de sa présence, la pièce dans laquelle vous êtessemblera plus lumineuse et votre esprit deviendra lucide : elle vousenseigne que la luminosité et la lucidité que vous ressentez sont laclaire lumière que vous êtes réellement. Entraînez-vous pour quemême les impressions de rupture de contact et la montée d'émo-

tions négatives vous fassent automatiquement vous souvenir d'elle.Alors la confusion et les pièges émotionnels servent à vous rame-ner à la pleine conscience, comme la cloche d'un temple appelle àcommencer la pratique.

Si cette relation avec la dakini vous paraît trop étrange ou extra-vagante, vous pouvez avoir envie de la concevoir en termes de psy-chologie. Ce n'est pas une mauvaise chose. Vous pouvez penser que ladakini est une entité séparée ou un symbole qui vous sert à dirigervotre intention et votre esprit. Dans les deux cas, la dévotion et larégularité sont des valeurs puissantes pour le cheminement spirituel.Vous pouvez aussi faire cette pratique avec votre yidam, si vous enavez un, ou avec une divinité ou un être éveillé. Ce sont vos efforts quifont la différence dans votre pratique, pas la forme. Mais il estégalement bon de reconnaître que, selon le  Tantra Mère,  SaldjéDeu Dalma est spécialement associée à cette pratique. Une longuecohorte de pratiquants a travaillé avec sa forme et son énergie ;

établir une relation avec le pouvoir de cette lignée peut être d'unegrande aide.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 84/114

164  yogas tibétains du rêve et du sommeil

L'imagination est très puissante. Elle est assez forte pour lierquelqu'un aux souffrances du samsara pour la durée d'une vie, etassez forte pour rendre réel le dialogue avec la dakini. Les prati-quants agissent souvent avec le dharma comme s'il était rigide,

mais il ne l'est pas. Le dharma est flexible et l'esprit devrait êtreflexible avec lui. Il est de votre responsabilité de trouver commentemployer le dharma pour soutenir votre réalisation. Plutôt que de

 pense r à ce que sera la jour née de demai n, ou à la disput e que vousavez eue hier avec le patron, ou à la prochaine soirée avec votre par-tenaire, il serait plus utile de créer la présence de cette belle dakiniqui incarne le but suprême de la pratique. La chose importante estde développer la résolution puissante que l'accomplissement de la

 prati que néces site , et la relat ion d'int imit é avec votre vraie natur e,représentée par la dakini. Adressez-lui aussi souvent que possiblevos prières pour le sommeil de claire lumière. Votre déterminationse renforcera chaque fois que vous le ferez.

Ultimement, vous devez ne faire qu'un avec la dakini, ce qui neveut pas dire prendre sa forme comme dans la pratique tantrique.Cela signifie rester dans la nature de l'esprit, être rigpa à chaqueinstant. Demeurer dans l'état naturel est à la fois le meilleur préli-

minaire et la meilleure pratique.

2 - PRATIQUE PRÉLIMINAIRE

Le stress et la tension qu'on emporte au lit nous suivent dans lesommeil. Aussi, établissez l'esprit en rigpa si vous le pouvez.Sinon, établissez l'esprit dans le corps, dans le canal central, dansle cœur. Les pratiques préparatoires recommandées pour le yoga durêve s'appliquent également au yoga du sommeil. Prenez refuge enle lama, les yidams, les dakinis, ou faites neuf respirations purifica-trices et le gourou yoga. Au minimum, pensez à de bonnes chosesqui développent la dévotion et la pratique, comme engendrer lacompassion. Tout le monde peut faire cela. Priez aussi pour avoir unsommeil de claire lumière. Si vous faites habituellement d'autres

 prat ique s avan t d 'alle r a u l it, conti nuez- les.

Garder une bougie ou une petite lampe allumées pendant la nuitmaintient l'esprit un peu réveillé. Dormir avec une lumière est dif-férent, et cette différence peut contribuer à maintenir la présence. Sil'on se sert d'une bougie, il faut prendre les précautions nécessairescontre l'incendie.

La lumière ne sert pas seulement à rester alerte ; elle représenteaussi la dakini. La clarté et la luminosité de la lampe sont plus

 proc hes de l'ess ence de Saldj é Deu Dal ma que tou t autre phén o-mène du monde de la forme. Quand une lampe est allumée, imagi-nez que la luminosité ambiante est la dakini qui vous baigne de sonessence. Laissez la lumière extérieure vous relier à la lumière inté-rieure, la luminosité que vous êtes. Il est utile de rattacher l'expé-rience de la lumière du monde matériel à la pratique ; cela donne àl'esprit conventionnel une direction, un support dans sa démarchevers la dissolution dans la pure conscience. La lumière extérieure peut être un pont entre le mond e conce ptue l de la form e et l'exp é-

rience directe non-conceptuelle du sans-forme.Une autre pratique préliminaire parfois employée consiste à ne

Pas dormir pendant une, trois ou même cinq nuits. Cela épuise

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 85/114

166  yogas tibétains du rêve et du sommeil

l'esprit conventionnel. Traditionnellement, cette pratique s'effectuedans la proximité du maître. Lorsque le pratiquant s'endort finale-ment au terme de sa période d'insomnie, le maître le réveille pério-diquement pendant la nuit et l'interroge: "Es-tu resté conscient?As-tu rêvé? Es-tu tombé dans le sommeil de l'ignorance?"

Si vous souhaitez faire cette expérience, associez-vous avec un prati quant expéri menté qui vous inspire confi ance. Après votre nuitsans sommeil - il vaut mieux commencer par une seule nuit d'in-somnie - faites-vous masser, pour détendre le corps et ouvrir lescanaux. Demandez ensuite au pratiquant de vous réveiller trois foisdurant la nuit pour vous poser les questions précédentes. Aprèschaque réveil, faites la pratique exposée ci-dessous et rendormez-vous. L'esprit conventionnel peut devenir parfois tellement épuiséqu'il est très calme. Il est alors plus facile de se trouver dans laclaire lumière.

3 -  P R A T I Q U E D U    S O M M E I L

La pratique du sommeil comporte quatre sessions qui s'effectuent pend ant les péri odes de réveil noct urnes , comm e dans la prat iquedu rêve. Mais, dans le yoga du sommeil, les quatre pratiques sontidentiques.

Couchez-vous dans la position du lion, décrite dans le chapitresur la pratique du rêve : les homm es sur le côté droit, les fem mes surle côté gauche. Représentez-vous un lotus à quatre pétales bleudans le chakra du cœur. Au centre se trouve la dakini, Saldjé DeuDalma, dont on imagine l'essence sous la forme d'une sphère delumière pure, un tiglé aussi transparent qu'un cristal parfait.Limpide et incolore par lui-même, le tiglé reflète le bleu des pétaleset devient d'un bleu pâle rayonnant. Mêlez complètement votre pré-sence au tiglé lumineux, au point de devenir vous-mêmes une

radieuse lumière bleue.Chaque pétale bleu supporte un tiglé ce qui, avec le tiglé central, en

fait donc cinq. Devant, se trouve un tiglé jaune, représentant l'est.A votre gauche, au nord, le tiglé est vert. Derrière, le tiglé de l'ouestest rouge. A votre droite, se trouve le tiglé bleu du sud. Ces tiglésreprésentent quatre dakinis dont on visualise l'essence lumineuse, lalumière colorée. Ne les voyez pas autrement que sous forme desphères lumineuses. Les quatre tiglés sont en quelque sortel'escorte de Saldjé Deu Dalma. Développez la sensation d'êtretotalement sous la protection des dakinis. Essayez de sentir vrai-ment leur présence aimante jusqu'à ce que vous soyez rassuré etdétendu.

Priez la dakini pour avoir le sommeil de claire lumière plutôt quecelui de l'ignorance. Priez intensément et avec ferveur, sans cesse.Ainsi se renforcent la dévotion et la résolution. On ne soulignera

 jam ais assez qu'une résol utio n forte est la fonda tion de la p rati que.

Faire grandir la dévotion aidera à concentrer la résolution et à la

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 86/114

168  yogas tibétains du rêve et du sommeil la pratique du yoga du sommeil   169

rendre suffisamment puissante pour percer les  nuages d'ignorance

qui masquent la luminosité de la claire lumière.

ENDORMISSEMENT

Bien que l'endormissement soit un phénomène continu, on ledivise en cinq étapes pour aider à rendre le processus conscient.Dans le tableau ci-dessous, la colonne de gauche énumère la pro-gression de la déconnexion des sens et des objets sensoriels jusqu'à"l'absence de vue" totale, qui est l'absence de toute expérience sen-sorielle.

 Nor mal eme nt, l'id enti té dép end du mon de des sens . Lor squ e cemonde disparaît dans le sommeil, le support de l'état de consciences'effondre. Il en résulte que nous nous endormons, ce qui veut direque nous devenons inconscients. Le yoga du sommeil se sert destiglés pour soutenir l'état de conscience lorsque le contact avec lemonde extérieur est perdu. Le pratiquant contacte successivementles cinq tiglés au fur et à mesure que se dissout progressivementl'expérience sensorielle, jusqu'au moment où le monde extérieur aentièrement disparu et où le sujet se fond dans la pure luminosité

non-duelle de la claire lumière. Le passage d'un tiglé à l'autre doitêtre aussi doux que possible, accordé au mouvement continu et pro-gressif vers le sommeil.

a) Après vous être couché dans la position appropriée, l'expérience sensorielle reste entière: vous voyez, vous entendez, vousressentez le lit, etc. C'est le moment de la vue. Le moi ordinaires'appuie sur l'expérience sensorielle. Commencez par déplacer cesupport vers la pure conscience que les tiglés représentent. La première étape consiste à unir votre conscience au tiglé antérieur, une bel le et cha ude lumi ère j au ne dan s laq uell e l'es prit con cep tue l p eutcommencer à se dissoudre.

 b) Qua nd v os yeu x s e fer ment , le cont act ave c l e m ond e des senstend à faiblir. C'est la deuxième étape, celle de l'affaiblissement dela vue. Le support extérieur étant perdu, déplacez la conscience versle tiglé vert de gauche. Laissez l'identité commencer à se dissoudreà mesure que l'expérience sensorielle diminue.

c) L'expérience sensorielle étant de plus en plus atténuée, déplacez la conscience vers le tiglé rouge. L'endormissement est un processus familier - atténuation et effac ement des sens, perte graduellede la sensation. Normalement, en perdant les supports extérieurs del'identité, vous vous perdez vous-même, mais vous apprenez à présent à exister sans le moindre support.

d) Quand l'expérience sensorielle est sur le point de disparaître,déplacez la conscience vers le tiglé bleu, à droite. C'est la périodeoù cessent toutes les expériences sensorielles. Tous les sens sonttrès calmes ; on est à peine en contact avec le monde extérieur.

e) Enfin le corps entre complètement dans le sommeil et toutcontact avec les sens corporels est perdu. La conscience fusionnealors totalement avec le tiglé central bleu pâle. A cet instant, si vousréussissez, le tiglé ne sera plus vraiment un objet d'attention. Vousne verrez pas une lumière bleue et ne vous attacherez pas à en préciser la localisation. Simplement, vous serez la claire lumière elle-même. Vous devez y demeurer pendant le sommeil.

Remarquez que ces cinq étapes ne s'appliquent pas à des imagesintérieures, mentales, mais à la cessation progressive de l'expé-rience sensorielle. D'ordinaire, le donneur parcourt inconsciem-ment ce processus; avec cette pratique, il se déroule en pleine

conscience. Mais les étapes ne doivent pas être nettement délimi-tées. Lorsque l'état de conscience se retire des sens, laissez laconscience se déplacer doucement d'un tiglé à l'autre jusqu'à ce

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 87/114

170  yogas tibétains du rêve et du sommeil

qu'il ne persiste plus que la conscience non-duelle, la claire lumièredu tiglé central. C'est comme si le corps s'enfonçait en tournoyantdans le sommeil, tandis que vous descendez en tournoyant dans laclaire lumière. Sans compter sur la volonté pour décider d'allerd'un tiglé au suivant, ni essayer de faire advenir le processus, lais-

sez l'intention déployer le processus en une expérience.Si vous vous réveillez complètement au milieu de la pratique,recommencez-la. Ne soyez pas trop rigide avec l'aspect formel dela pratique. Qu'elle se déroule vite ou lentement n'a pas non plusd'importance. Pour certains, l'endormissement est long; d'autress'endorment quelques secondes à peine après avoir posé la tête surl'oreiller. Tout le monde passe par la même transition. Une aiguilletraverse presque instantanément cinq voiles de gaze superposés,mais le percement de chacun d'eux est toujours un instant distinct. Ne soyez pas tro p anal ytiq ue pou r i dent ifi er l'ét ape dont il s'agi t;ne vous attachez pas à partager minutieusement en cinq le proces-sus. La visualisation n'est, au début, qu'un support pour laconscience. L'essence de la pratique doit être comprise et appli-quée. Inutile de se perdre en détails.

J'ai constaté par expérience personnelle que la pratique était aussiefficace lorsqu'on examinait les tiglés en tournant dans l'autre sens.

Ainsi, visualisez le tiglé jaune qui représente la terre, devant; puis,à droite, le tiglé bleu de l'eau ; puis, en arrière, le tiglé rouge du feu ;

 puis , le tigl é vert de l'air, à ga uche ; enfi n, au centr e, le tigl é bleu pâle représen tant l'espace . Cette séquence équiva ut à celle de la di s-solution des éléments lors de la mort. Faites l'expérience poursavoir quelle séquence est la plus efficace pour vous.

Il est bon de se réveiller trois fois dans la nuit comme dans la pra-tique du rêve, à peu près toutes les deux heures. Lorsque vous êtesexpérimenté, il n'est plus nécessaire de programmer trois réveilsnocturnes ; utilisez les moments où vous vous réveillez naturelle-ment. Répétez la même pratique lors de chaque phase de réveil.Examinez chaque fois la période de sommeil dont vous venezd'émerger: avez-vous perdu toute conscience, c'est-à-dire avez-vous dormi du sommeil de l'ignorance? Avez-vous rêvé, perdudans le sommeil samsarique ? Ou étiez-vous dans la claire lumière,demeurant dans la pure conscience non-duelle ?

4 -TIGLÉ

Le tiglé a beaucoup de définitions différentes, dont chacune est prop re à son cont exte . Dans le cadre de cett e prat iqu e, il s'agi td'une petite sphère de lumière représentant des qualités particu-lières de la conscience pour les tiglés périphériques, et pur rigpa pour le tiglé central. Ulti memen t, la c onscien ce doit être stable sansle support d'aucun objet mais, tant qu'elle n'a pas cette capacité, lalumière est un support utile. La lumière est éclatante et transpa-rente. Bien qu'appartenant toujours au monde de la forme, elle estmoins substantielle que n'importe quelle autre forme perceptible.La visualisation des tiglés est un pont, un soutien utile jusqu'à ceque cette perception lumineuse elle-même puisse être abandonnée par le prati quant et q u'il puiss e deme urer dans la c onsci ence vide et

sans images, dans la luminosité qui est l'essence de la lumière.Quand on imagine le tiglé sur les quatre pétales bleus dans le cha-kra du cœur, il n'est pas nécessaire de localiser précisément le siteanatomique. L'important est de sentir le centre du corps dans larégion du cœur. Servez-vous de l'imagination et de l'intelligence

 pour trou ver le bon endroi t, l'end roit où se situe vrai ment l'exp é-rience.

Les couleurs des tiglés ne sont pas choisies au hasard. La couleuragit sur la qualité de la conscience. Les lumières colorées ont pour

 but d'évo quer les quali tés parti culi ères devan t être inté grées par la prati que, tout comme les chakras, les couleu rs et les syllabe s spéci -fiques forment une progression dans le yoga du rêve. Les diffé-rentes qualités peuvent être ressenties lorsque nous allons d'un tigléà l'autre - jaune, vert, rouge, bleu - pour autant que nous soyonssensibles aux différences.

Ce n'est pas une pratique de transformation, au cours de laquelle

nous voudrions changer notre identité ; dans le yoga du sommeil, onrenonce entièrement à l'identité. Il ne s'agit pas de conserver une

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 88/114

172  yogas tibétains du rêve et du sommeil

visualisation, comme au cours d'une pratique tantrique. Mais l'es- prit a bes oin de s'accro cher à quel que chose ; s'il n 'a pas la l umière ,il agrippera autre chose.

Avant d'avoir l'expérience de rigpa, il nous est difficile d'imagi-

ner comment rester conscients, sans un sujet ni un objet deconscience. Normalement, être conscient nécessite la présence d'unobjet. C'est ce que signifie l'affirmation selon laquelle laconscience est "soutenue" par une forme ou un attribut. Les pra-tiques au cours desquelles on dissout l'objet visualisé ou l'identitésubjective entraînent le pratiquant à rester conscient alors mêmeque disparaissent les supports dualistes de la conscience. Elles nous

 prépa rent au yoga du somme il mais ne lui sont pas comp arabl es.Même la "pratique" est un support. Le vrai yoga du sommeil necomporte ni support, ni pratique: le yoga est accompli ou ne l'est

 pas, lors que l'esp rit qui repos e sur un suppo rt se diss out dans la base.

5 -PROGRES

Lorsqu'on conduit sur une route familière, on perd généralementconscience du présent. Même au cours d'une navette quotidiennede quarante-cinq minutes ou d'une heure, rien n'est réellement

 perçu en plei ne consc ience . Le pilot e est sur "aut omat ique" , perdudans les pensées professionnelles, ou rêvant aux vacances, ou sou-cieux à cause des factures ou des projets de la famille.

Puis, on devient un pratiquant qui décide de rester présent autantque possible durant son parcours automobile, et d'employer cetemps comme une occasion de fortifier l'esprit pour la pratique.C'est très difficile à faire, à cause du conditionnement. L'esprits'échappe constamment. Chaque fois, le pratiquant le ramène - sur

la sensation du volant, la couleur de l'herbe le long de la route-mais il ne faut qu'une minute à l'activité mentale pour détourner ànouveau l'attention.

Il en est de même pour la pratique de la méditation. On pose l'es- prit sur l'i mage d'une divinit é, ou s ur le A, ou sur la r espirat ion. Uneminute plus tard, il vagabonde à nouveau. Il faut longtemps, parfoisdes années, pour arriver à maintenir la présence pendant une demi-heure d'affilée.

Quand on commence la pratique du rêve, on suit une progressionsimilaire. La plupart des rêves sont des périodes de distractiontotale. Le rêve est oublié sitôt fait. La pratique fait apparaître desinstants de lucidité qui deviennent peu à peu de longues minutes de

 présenc e l ucide dans le rêve. Même alors, on pe ut pe rdre la lu cidité,ou le rêve suivant peut à nouveau manquer de lucidité. Le progrèsa lieu, c'est certain et reconnaissable, mais il y faut de la diligenceet une forte intention.

La pratique du sommeil progresse souvent de façon encore pluslente. Cependant, si aucun progrès n'apparaît après un long temps de

 prat ique - pa s d'am éli orat ion de la p résen ce, pas de chan gem ent s

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 89/114

174  yogas tibétains du rêve et du sommeil6 - O B S T A C L E S

 posi tifs nota bles dans la vi e - i l v aut m ieux ne pas accept er c et é tatde choses. Il faut faire des pratiques de purification, examiner si l'ona rompu ses engagements (samaya) et les réparer, ou travailler avec

le prana et l'énergie corporelle. D'autres pratiques peuvent êtrenécessaires pour dissiper les obstacles ; elles peuvent servir de base pour accom plir les yogas du r êve et d u somme il.

Le pratiquant est comme une plante grimpante qui peut seulementgrandir où elle trouve un support. Les circonstances extérieuresinfluent fortement sur la qualité de la vie. Essayez par conséquentde passer du temps dans les milieux et avec les personnes quiencouragent à pratiquer, et non là où vous en êtes dissuadé. Lire deslivres sur le dharma, méditer avec d'autres personnes, assister à desenseignements, s'associer avec d'autres pratiquants, sont autantd'aides. Il appartient aux pratiquants d'évaluer honnêtement leur

 prat iqu e et leur s résul tat s. Si cel a n'es t pas fai t, il est faci le de perdre bien des années en croyan t f aire des progrè s a lors qu'en réa-lité il ne se passe rien.

Le yoga du sommeil n'est pas seulement une pratique pour lesommeil. C'est la pratique pour demeurer continuellement dans laconscience non-duelle, à l'état de veille, en dormant, pendant laméditation et lors de la mort. Par conséquent, les seuls obstacles qui peuv ent nous distra ire de la claire lumi ère et nous entra îner dansl'expérience samsarique de la dualité sont les suivants :

1) Perdre la présence de la claire lumière naturelle de l'état deveille en étant distrait par les phénomènes sensoriels et mentaux ;

2) Perdre la présence de la claire lumière du sommeil en étant distrait par les rêves ;

3) Perdre la présence de la claire lumière du samadhi (pendant laméditation) en étant distrait par la pensée ;

4) Perdre la présence de la claire lumière de la mort en étant distrait par les visions de l'état intermédiaire.

1) Perdre la présence de la claire lumière naturelle de l'état de veille.L'obstacle de l'état de veille est constitué par les apparencesextérieures. Nous nous perdons dans la perception des objets sen-soriels. Qu'un son s'élève, et nous sommes partis à sa suite ; qu'uneodeur nous touche, et nous voilà entraînés dans une rêverie de painfrais ; que le vent nous chatouille les cheveux sur la nuque, et nous perdo ns la c onsci ence dépou rvue de centre de rigpa en deven ant lesujet qui éprouve la sensation. Si nous restons dans la clarté derigpa, l'expérience est différente. Le son s'élève, mais nous perce-vons le silence en lui et ne perdons pas la présence. Une forme passe devant nos yeux, mais nous somme s ancrés dans l'imm obili téet restons dans l'esprit immuable. La façon de surmonter l'obstaclede l'apparence est de développer la stabilité dans la claire lumière

naturelle.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 90/114

176  yogas tibétains du rêve et du sommeil la pratique du yoga du sommeil   177

La claire lumière naturelle est la claire lumière de la journée, lamême que la claire lumière de la nuit. Connaissant la claire lumière pend ant la jou rnée , nous pouvo ns aussi trou ver la claire lumi ère penda nt le sommei l. La pratiq ue consis te à r éunir la claire lumiè renaturelle de l'état de veille, la claire lumière du sommeil et la clairelumière du samadhi, jusqu'à ce que nous demeurions continuelle-ment en rigpa pur.

2)  Perdre la présence de la claire lumière du sommeil.   L'obstacleempêchant de réaliser la claire lumière du sommeil est le rêve.Quand le rêve apparaît, nou s y réagissons de façon dualiste et entretenons la fiction d'être un sujet dans un monde d'objets. L'obstacleest semblable au premier, mais il est maintenant intérieur, au lieud'être extérieur. Nous disons que les images obscurcissent la clairelumière; toutefois, le rêve n'obscurcit pas vraiment la clarté, c'estnous qui en sommes détournés. C'est la raison pour laquelle nous prio ns au dé but de la pr atiq ue pour n'avo ir ni le somm eil de l'ign orance, ni le sommeil du rêve. Quand la stabilité est suffisammentdéveloppée, le rêve ne nous distrait plus et il en résulte un rêve declaire lumière.

3)  Perdre la présence de la claire lumière du samadhi.   La claire

lumière du samadhi est la claire lumière méditative, ou clairelumière de la conscience. C'est rigpa pendant la méditation. Les

 pensé es sont ce qui obscur cit la cl aire lumi ère du samad hi dans les premi ers stades de la pra tique . Lorsqu 'on ma inti ent la st abilit é dansrigpa pendant la pratique, alors on peut apprendre à intégrer la pensée à rigpa. En attendant, quand une pensée s'élève, nous la saisissons ou nous la repoussons, et sommes distraits de rigpa.

Il ne faudrait pas croire pour autant que la claire lumière médita-tive ne se découvre qu'après de longues années de pratique. On peutla trouver dans de nombreux moments de la vie. En fait, on peut yaccéder à chaque instant. La clé est le fait d'avoir été introduit à laclaire lumière méditative et d'avoir la capacité de la reconnaître.

4) Perdre la présence de la claire lumière de la mort.   La clairelumière de la mort est obscurcie par les visions du bardo. La clartéde rigpa est perdue quand on est distrait par les visions qui surgissent après la mort et que l'on entretient avec elles une relationduelle. De même que pour les obstacles précédents, cette perte n'a

 pas lieu d'être si la stabil ité dans la cl aire lumi ère est suff isan te.

Le bardo n'obscurcit pas forcément la claire lumière de la mort.Les pensées n'obscurcissent pas forcément la claire lumière dusamadhi. Le rêve n'obscurcit pas forcément la claire lumière dusommeil. Les objets extérieurs n'obscurcissent pas forcément laclaire lumière naturelle.

Si nous sommes leurrés par ces quatre obstacles, nous ne quitte-rons pas le samsara. Nous retomberons seulement dans le piègesamsarique. En ayant accompli les pratiques du rêve et du sommeil,nous savons comment transformer ces obstacles en chemin.

Le yoga du sommeil n'est pas seulement destiné au sommeil. Sa prati que intèg re tou s les mom ent s - état de veill e, somm eil, rêve, bar do - à la clair e lumi ère. Quan d cel a est fait , la libé rati on enrésulte. Des expériences et des compréhensions mystiques, des pen-sées, des sensations, des perceptions, peuvent survenir dans la pré-sence de rigpa. Si tel est le cas, laissez-les s'auto-libérer spontané-ment, se dissoudre dans la vacuité, sans qu'elles laissentd'empreinte karmique résiduelle. Toute expérience est alors directe,immédiate, vivante, profondément satisfaisante.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 91/114

7 - PRATIQUES DE SOUTIEN

On trouvera dans ce chapitre les courtes descriptions de pra-tiques dont la plupart sont recommandées par le   Tantra Mère  et qui

 soutiennent la pratique principale du sommeil.

é v o c a t i o n d u m a î t r e

Pour fortifier la pratique du yoga du sommeil, engendrez unedévotion plus forte pour votre vraie nature. Imaginez que le maîtreest au sommet de votre tête, prenez contact avec lui et développezla dévotion. La relation au maître peut être très pure, fondée sur ladévotion pure. Lorsque vous imaginez le maître, ne vous contentez

 pas seulem ent de créer son imag e. Enge ndrez une fort e dévot ion pour lui et ressen tez réel leme nt sa prése nce. Priez avec ardeur et

sincérité. Puis, transformez le maître en une lumière qui pénètre lesommet de votre tête et descend dans votre cœur. Pensez qu'ildemeure là, dans votre centre cardiaque, et allez dormir.

L'intimité que vous ressentez à l'égard du maître est en réalitél'intimité que vous ressentez à l'égard de votre propre nature. Ceciest le soutien du lama.

é v o c a t i o n d e l a d a k i n i

Sur un lotus rayonnant situé dans le cœur, assise sur un disquesolaire posé sur le lotus, réside la dakini Saldjé Deu Dalma. Elle estclaire, transparente, lumineuse, comme une lumière éclatante.Ressentez fortement sa présence, ressentez sa compassion et sa pro-tection. Elle vous protège, vous aide, vous guide. Elle est l'alliée enqui vous pouvez avoir une confiance aveugle. Elle est l'essence dela claire lumière, votre objectif, l'illumination. Engendrez del'amour pour elle, de la confiance, et du respect. Elle est l'illumi-nation qui accompagne la réalisation. En vous concentrant sur elleet en la priant, endormez-vous.

la pratique du yoga du sommeil   179

e x p r e s s i o n c o r p o r e l l e

Allez dans un lieu tranquille où ne se trouve personne. Couvrezvotre corps de cendres. Mangez des nourritures pesantes qui aidentà surmonter les désordres du vent. Puis, gesticulez frénétiquement,exprimant totalement ce qui est en vous, laissant s'échapper tout cequi vous bloque ou vous distrait. Il n'y a personne alentour, alorsexplosez si besoin est. Laissez cette catharsis vous nettoyer et vousdétendre. Exprimez toutes vos tensions. Priez avec une grande fer-veur le maître, le yidam, la dakini et l'arbre du refuge. Priez inten-sément, demandant à avoir l'expérience de la claire lumière.Dormez ensuite au sein de cette expérience éveillante.

prière

Si vous n'avez pas eu l'expérience de la claire lumière du jour, dela méditation et du sommeil, priez sans cesse pour ces obtentions.On oublie facilement le simple pouvoir du souhait et de la prière.On pense que la prière doit être un geste extraordinaire adressé àquelque incroyable pouvoir extérieur à nous, mais ce n'est pas le

cas. La chose importante est de sentir fortement l'intention et ledésir que l'on met dans la prière, d'y mettre notre cœur.

Peut-être qu'autrefois, lorsque les gens se souhaitaient mutuelle-ment "bonne nuit", ou "bonjour", ou "dormez bien", les motsavaient un certain pouvoir, une certaine chaleur. Aujourd'hui cesont simplement des mots ordinaires que nous marmonnons méca-niquement, sans beaucoup de sentiment ni de sens. Ce sont lesmêmes mots, on les prononce de la même façon, mais ils sont sans pouvoir. Fait es attent ion à ne pas agir ainsi avec la prière. Sache zque la prière a du pouvoir mais qu'il n'est pas dans les mots ; il estdans le sentiment que vous mettez dans la prière. Développez l'in-tention, rendez-la puissante, et mettez-la dans la prière.

d i s s o l u t i o n

Faire cet exercice peut donner une idée de ce que devrait être la

concentration dans la pratique. L'exercice commence avec lalumière et celui qui la perçoit, mais l'intention est d'unir les deux.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 92/114

180  yogas tibétains du rêve et du sommeil

Détendez-vous totalement. Fermez les yeux et commencez parimaginer précisément le tiglé bleu pâle, grand comme la phalan-gette du pouce, dans le chakra du cœur. Laissez-le grandir lente-ment et devenir plus diffus. Il est bon de voir la lumière du tiglé,

mais meilleur de la ressentir. Laissez la lumière irradier de votrecœur. Au fur et à mesure que la magnifique lumière bleue rayonneau-dehors, elle dissout tout ce qu'elle touche. Dissolvez la chambredans laquelle vous êtes, la maison, la ville, la région, le pays.Dissolvez toutes les parties du monde, le système solaire, l'universentier. Chaque point touché par l'esprit - que ce soit un endroit, une

 perso nne, une chose , une pensé e, une image , un senti ment - s e di s-sout. Les trois mondes du désir, de la forme et du sans-forme se dis-solvent. Lorsque tout ce qui est extérieur est transformé en lumière,faites revenir la lumière vers vous. Laissez-la dissoudre votre corps,de façon à ce qu'il se transforme en lumière bleue et fusionne avecla lumière bleue qui l'environne. Puis dissolvez votre esprit -chaque pensée, chaque événement mental. Dissolvez tous les pro-

 blèm es de votre vie. Fond ez-vo us dans la lumi ère. Devene z lalumière. A présent, l'intérieur et l'extérieur, vous et autrui, n'exis-tent plus. Il n'existe plus de monde substantiel ni de moi. Seuleexiste la luminosité dans l'espace de votre cœur, qui est maintenantl'espace omni-pénétrant. Les expériences continuent d'avoir lieu,mais on les laisse se dissoudre spontanément dans la lumière bleue.Laissez cela survenir sans effort. Seule existe la lumière, puis, len-tement, dissolvez aussi la lumière dans l'espace.

C'est là que vous devez demeurer pendant le sommeil.

expans ion e t r é t r ac t ion

Cette pratique plus formelle, qui ressemble à la précédente, estdestinée à conforter le yoga du sommeil. Représentez-vous des mil-liers de  HOUNG  bleus s'échappant de vos narines lorsque vous expi-rez. Ils sont issus du cœur et suivent les canaux pour sortir avec lesouffle exhalé. Ils se dispersent en se diffusant dans toutes les direc-tions de l'espace entier, dissolvant tout ce qu'ils rencontrent. Leurluminosité illumine tout l'univers. Quand vous inspirez, la lumière

des  HOUNG  revient en vous pour illuminer et dissoudre le corps etl'esprit, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus ni intérieur, ni extérieur.Effectuez cette visualisation jusqu'à ce qu'il n'existe plus que le

la pratique du yoga du sommeil  181

mouvement d'expansion et de rétraction de la lumière des  HOUNG.

Fondez-vous dans cette lumière et demeurez dans l'état non-duel.Faites ainsi vingt et un cycles respiratoires, ou davantage si vous pouvez, aussi souven t que possi ble dans la jo urné e.

L'esprit nous joue des tours. Son tour favori est de se prendre pour un suje t et de consi dérer ensui te tout e chose com me dist inct edu sujet. Dans cette pratique, toute chose perçue comme extérieureà vous-même est dissoute par l'expiration. Le sujet qui perçoit estdissout par l'inspiration. L'extérieur et l'intérieur deviennent lumi-neux et limpides et se fondent l'un dans l'autre, devenant indisso-ciables. Si l'esprit trouve une occasion de s'échapper dans la dis-traction, laissez la conscience le poursuivre avec les  HOUNG  bleus.Quand l'esprit s'attache à un objet extérieur, dissolvez l'objet enlumière. Quand l'esprit fait retour sur lui-même et se prend pour unsujet, dissolvez à nouveau. Finalement, même la notion de matéria-lité peut disparaître, la notion d'ici et là, d'objets et de sujets, de

choses et d'entités.

On admet généralement que faire ce type de pratique aide àengendrer l'expérience de la claire lumière. Mais, elle s'avère utileaussi pour prolonger cette expérience lorsqu'elle est connue et pouren maintenir la continuité.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 93/114

la pratique du yoga du sommeil   183

8 - INTEGRATION

Dès lors que l'on connaît rigpa, toute la vie doit y être intégrée.C'est la fonction de la pratique. La vie a besoin de prendre une cer-taine forme. Si nous ne la lui donnons pas, c'est le karma qui la dic-tera. Cela pourrait ne pas beaucoup nous plaire. Avec l'intégrationcroissante de la pratique dans la vie, de nombreux changements

 posit ifs vont interv enir.

INTÉGRATION DE LA CLAIRE LUMIÈRE ET DES TROIS POISONS

II faut intégrer à la claire lumière les trois poisons que sont l'igno-rance, le désir et la haine.

Le yoga du sommeil permet d'intégrer l'ignorance à la clairelumière.

Intégrer le désir dans la claire lumière ressemble à la découvertede la claire lumière dans le sommeil. Lorsque nous sommes perdusdans l'obscurité du sommeil, la claire lumière nous est cachée.Lorsque nous sommes éperdus de désir, notre vraie nature est aussiobscurcie. Mais, alors que le sommeil de l'ignorance obscurcit tota-lement toute chose et même la notion du moi, le désir obscurcitrigpa seulement dans certains cas. Il fait croire à une forte sépara-tion entre le sujet et l'objet désiré. Le "besoin d'avoir" est lui-mêmeun rétrécissement de conscience provenant du sentiment de manquequi persiste aussi longtemps que nous ne demeurons pas dans notrevéritable nature. Le désir le plus pur est l'aspiration à la totalité età la complétude de la pleine réalisation de rigpa mais, comme nousne connaissons pas directement la nature de l'esprit, le désir s'at-tache à d'autres objets.

Si nous observons directement le désir au lieu de nous attacher à

son objet, le désir se dissout. Et, si nous pouvons demeurer dans la pure prése nce, le sujet désir ant et l'obj et désiré vont se disso udredans leur essence vide, révélant la claire lumière.

 Nou s pou vons égal eme nt fair e de la sati sfac tio n du dési r unmoyen de pratique. Il y a de la joie dans l'union de la vacuité et dela clarté. Elle est illustrée dans l'iconographie tibétaine par lesreprésentations en yab yum,  les formes masculine et féminine desdivinités en union, qui représentent l'unité non-duelle de la sagesseet de la méthode, de la vacuité et de la clarté, de kunshi et de rigpa.La joie de l'union est présente dans toute unification des dualitésapparentes, ceci incluant le sujet désirant et l'objet désiré. Dès quele désir est satisfait, il prend fin et la dualité apparente entre le sujetqui désire et l'objet de son désir s'évanouit. Quand cette dualité dis-

 paraît , la bas e, kunshi , est là, à dé couvert . Bien que la pu issanc e denos habitudes karmiques nous entraîne généralement dans le mou-vement suivant de dualité, cela laisse une lacune dans notre expé-rience, presque une inconscience plutôt que l'expérience de rigpa.

Prenons l'exemple de l'union sexuelle entre homme et femme. Norm ale men t, nous épro uvon s l'or gasm e comm e une agréa blerêverie, presque une perte de conscience, un épuisement du désir etde l'agitation, qui vient de la satisfaction du désir. Mais nous pou-vons intégrer cette félicité à l'état de conscience. Si nous restons

dans la pleine conscience de l'expérience sans la partager entre unsujet qui observe et l'action qui se déroule, alors, au lieu de nous perdre, nous pouvo ns accéder au sacré. L'espri t en mouv ement s'ef-face un instant, révélant la base vide ; en intégrant la conscience àcet instant, nous réalisons l'intégration de la vacuité et de la félicité- dont on parle spécialement dans les enseignements tantriques.

Il existe ainsi beaucoup de situations dans lesquelles nous nous perdo ns habi tuel leme nt, et qui peuv ent au contr aire four nir lesoccasions de trouver notre nature véritable. Ce n'est pas seulementdans l'orgasme ou le plaisir intense que nous perdons généralementla présence, mais aussi dans les petits plaisirs qui nous lient auxsensations ou aux objets plaisants. Nous pouvons cependant nousentraîner à faire du plaisir lui-même un rappel pour revenir à la

 plein e consc ience , pour intro duire la plei ne consci ence dans l'in s-tant présent, dans le corps et les sens, et pour abandonner la dis-traction. C'est une manière d'intégrer le désir à la claire lumière.

Elle ne se limite pas à une catégorie particulière d'expériences. On peut la m ettre en œuvre dans tout e situat ion de duali té comp orta ntun sujet et un objet. Quand le plaisir donne accès à la pratique, on

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 94/114

184  yogas tibétains du rêve et du sommeil

ne le perd pas pour autant ; nous n'avons pas besoin d'être anti-plai-sir. Quand le sujet et l'objet se dissolvent dans la claire lumière, onréalise l'union de la vacuité et de la clarté, et c'est la félicité.

La façon de traiter la haine ou l'aversion est comparable. Si l'on

observe la colère dans la pure présence, au lieu de s'y abandonner,ou de s'identifier à elle, ou d'être mené par elle, alors la dualitéobsessionnelle avec l'objet de la colère prend fin et la colère se dis-sout dans la vacuité. En maintenant la présence dans cette vacuité,le sujet se dissout, lui aussi. La présence dans cet espace vide est laclaire lumière.

Observer dans la pure présence ne signifie pas que l'on reste unmoi en colère, regardant la colère, mais que l'on est rigpa, l'espacedans lequel se déploie la colère. Observée de cette façon, la colèrese résorbe en son essence vide. Où se dissout-elle? Dans l'espace.Il est la clarté. Mais la conscience, la présence, persiste. Elle est lalumière. Vacuité et présence sont intégrées à la colère parce que lacolère n'obscurcit plus la claire lumière. Si nous observons ainsi les

 pen sée s, et si l'ob ser vate ur et l'ob serv é disp ara iss ent tou s les deux ,alors on a une certaine expérience de rigpa.

Le Dzogchèn n'est pas compliqué. Les textes dzogchèn compor-

tent souvent des phrases telles que : "Je suis si simple que vous ne pou vez me comp ren dre . Je vou s suis si pro che que vou s n e pou vezme voir." En regardant au loin, on perd conscience de ce qui est tout prè s. En reg ard ant le fut ur, on per d le pré sen t. Il en est ains i dan schaque dimension d'expérience.

Selon un dicton tibétain : "Plus il y a de sagesse, moins il y a de pen sée s." Il sug gère un pro ces sus à deu x voi es. Plus la pra tiq uedevient claire et stable, moins les pensées vont régir l'expérience.Certaines personnes s'en effrayent, craignant, en se libérant de lacolère, par exemple, de ne plus s'occuper de ce qui va mal dans lemonde, comme si elles avaient besoin de la colère pour se motiver.Mais cela n'a pas besoin d'être vrai. En tant que pratiquants, il estimportant que nous soyons responsables de notre vie ordinaire. S'ilarrive de mauvaises choses, il faut y remédier; si quelque chose va detravers, il faut s'en occuper. Mais si nous ne voyons rien qui aille mal,inutile de chercher de quoi nous occuper. Restons plutôt dans l'état

naturel. Si nous avons de la colère, nous devons travailler sur elle.Mais si nous n'avons pas de colère, nous ne perdons rien d'important.

la pratique du yoga du sommeil   185

Je rencontre beaucoup de gens qui se disent dzokchènpas, prati-quants du Dzogchèn, et intégrés. Selon un autre dicton tibétain:"Quand je vais dans les régions escarpées et dangereuses de la fron-tière tibéto-népalaise, je prie les Trois Joyaux. Quand je redescends

dans la merveilleuse vallée fleurie, je chante." Il est facile de se direintégré lorsque tout va bien. La survenue d'une forte crise émo-tionnelle est le vrai test : sommes-nous des dzokchènpas ou non ?La pratique du Dzogchèn est précise. Nous pouvons découvrir parnous-même à quel point nous avons intégré la pratique. Il suffit deregarder comment nous réagissons aux situations que nous vivons.Lorsque notre partenaire nous quitte, le partenaire que nous chéris-sons tant, qu'en est-il de notre intégration? Nous ressentons de ladouleur. Et même cela doit être intégré.

INTÉGRATION AUX CYCLES DU TEMPS

Traditionnellement, une pratique s'examine en termes de vue, deméditation et de comportement. Cette section traite du comporte-ment. Le comportement est décrit relativement à des unificationsexterne, interne et secrète avec des périodes de temps.

 Nou s per don s hab itu ell eme nt notr e éner gie et la pré sen ce au cou -rant de la journée. En développant la pratique, nous apprenons aucontraire à nous servir du temps qui passe pour aller vers une expé-rience plus stable de la claire lumière.

unification externe: intégrer la claire lumière dans le cycle nycthémèralPour les besoins de la pratique, on divise les vingt-quatre heuresdu cycle nycthémèral en périodes qui vont servir à développer lacontinuité de la pure présence dans la claire lumière. On suivaitautrefois des programmes dictés par le cycle naturel du jour et de lanuit ; cela n'est plus faisable. Si votre emploi du temps est différent- vous travaillez la nuit, par exemple - adaptez les enseignements àvotre cas. Quoique notre énergie varie au cours de la journée, nousn'avons pas besoin de croire que la position du soleil détermine lesexpériences décrites par les enseignements. Il faut penser à cesmoments du jour comme à des métaphores de nos fonctionnementsintérieurs. Selon le Tantra Mère,  ces périodes sont les suivantes :

1) dissolution des phénomènes dans la base;

2) accession de la conscience au nirvana ;

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 95/114

186  yogas tibétains du rêve et du sommeil

3) apparition de la conscience innée dans l'état de conscience ;

4) égalisation des deux vérités pendant l'état de veille.

1 ) Dissolution des phénomènes dans la base.   La première période

est le temps qui s'écoule entre le coucher du soleil et le moment oùnous nous mettons au lit, le soir. C'est une période où tout sembledevenir sombre. Les objets sensoriels deviennent indistincts et l'ex-

 péri ence sensori elle se rédui t. La force des organ es des sensinternes diminue. Le  Tantra Mère  utilise la métaphore de nom-

 breus es petit es rivi ères se jet ant dans la m er: les phén omèn es exté-rieurs, les sens, le moi conventionnel, les pensées, les émotions, etla conscience se dirigent vers la dissolution dans le sommeil, dansla base.

L'imagination permet de vivre ce processus pendant la soirée. Aulieu d'aller vers l'obscurité, dirigez-vous vers la plus grandelumière de votre nature véritable. Au lieu d'être fragmenté, épar-

 pill é en rivière s et trib utair e de l'ex péri ence , coul ez vers la pléni -tude de rigpa. Habituellement, nous sommes reliés aux rivières, quinous vident. La pratique consiste à rester lié à la mer, la base, quinous comble. Tout fait mouvement vers la mer vaste, paisible,radieuse, de la claire lumière. Lorsque vient la nuit, allez vers lacomplétude de la pure conscience non-duelle plutôt que vers l'in-conscience.

Telle est la première des quatre périodes.

2) Accession de la conscience au nirvana.  La deuxième périodecommence à l'endormissement et prend fin au réveil du matin, àl'aube selon la tradition. Imaginez cette période, sa quiétude, satranquillité. Les textes disent que lorsque tout devient sombre, ilsurgit une lumière. Comme lors d'une retraite dans l'obscurité, quiest très sombre au début mais qui se remplit bientôt de lumière.

Tentez de maintenir la présence pendant le sommeil, pleinementintégrée à la claire lumière. Lorsque les apparences extérieures, la

 pens ée et la se nsati on sont disso utes dans la ba se, rester dans la pré -sence se compare à l'accession au nirvana, dans lequel cesse touteexpérience samsarique. Il est totalement vide et pourtant la félicité

est là. Lorsque cela est réalisé, on a uni la félicité à la vacuité. C'estvoir la lumière dans l'obscurité.

la pratique du yoga du sommeil   187

Il n'y a pas lieu d'attendre le sommeil pour faire l'expérience dela claire lumière. Essayez de demeurer dans la claire lumière avantmême de vous endormir. Même en effectuant les visualisations duyoga du sommeil, demeurez si possible en rigpa.

Telle est la deuxième période, dans laquelle les sens et laconscience sont comme un mandala du ciel clair. Restez dans cetétat de contemplation autant que possible jusqu'au matin.

3) Apparition de la conscience innée dans l'état de conscience.  Latroisième période commence à votre réveil et va jusqu'à la pleineactivité de votre esprit. Les textes précisent que c'est la période com-

 prise entre l'a ube et le lever du soleil. Imagi nez sa q uali té: les pre-mières lueurs apparaissent dans le ciel sombre et s'épanouissent enla beauté du jour. Le silence s'emplit des sons de l'activité desoiseaux, de la circulation, des gens. Intérieurement, c'est le passagede la quiétude du sommeil à la pleine activité de la vie quotidienne.

Les enseignements recommandent de se lever très tôt le matin etde s'éveiller, si cela est possible, dans l'état naturel de l'esprit plu-tôt que dans son état conventionnel. Observez, sans vous identifierà l'observateur. Cela peut être légèrement plus facile au premier

instant du réveil, parce que l'esprit conceptuel n'est pas encore toutà fait en action. Développez l'intention de vous réveiller dans la pure prése nce.

4) Egalisation des deux vérités pendant l'état de veille.  La qua-trième période commence dès que vous avez totalement engagé la

 jou rnée et p rend fin au couch er d u solei l. C'e st le jo ur, le temp s del'activité, du travail, des relations avec les autres. C'est l'immersiontotale dans le monde, les formes, la parole, les sensations, lesodeurs, et ainsi de suite. Les sens sont totalement actifs et tournésvers leurs objets. Néanmoins, il faut essayer de rester dans la pure présen ce de rigp a.

En vous perdant vous-même dans l'expérience, vous êtesembrouillé par le monde. Tandis qu'en demeurant dans la nature del'esprit, vous ne trouverez pas de questions à poser, ou auxquellesil faille répondre. Etre dans la présence profonde non-duelle répondà toutes les questions. Savoir cela tranche tous les doutes.

Telle est la quatrième période, dans laquelle la vérité convention-nelle et la vérité ultime sont équilibrées dans l'union de la clarté etde la vacuité.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 96/114

188  yogas tibétains du rêve et du sommeil la pratique du yoga du sommeil   189

unification intérieure : intégration de la claire lumière dans le cycledu sommeil.

La progression décrite dans cette section est comparable à celledes sections précédentes. Mais, au lieu de concerner le cycle desvingt-quatre heures, elle vise à développer la continuité de la pré-sence pendant une période de réveil et une période de sommeil, quece dernier soit un petit somme, ou dure toute la nuit. Avant d'allerdormir, souvenons-nous que nous avons la possibilité de pratiquer.C'est une chose positive, que nous pouvons faire à la fois pour la

 pratique et po ur la santé. Si la prat ique est re ssentie comme une cor-vée, il vaut mieux attendre pour la faire que l'inspiration et la joiesoient développées. : II existe là encore quatre phases :

1 ) avant de s ' endormi ;

2) après s'être endormi ;

3) après le réveil et avant la reprise complète des activités tempo-relles ;

4) la phase d'activité allant jusqu'à la période de sommeil sui-,vante.

1) Avant de s'endormir.  Cette phase va du moment où l'on s'allonge à celui où vient le sommeil. Toute expérience se dissout dansla base ; les rivières coulent vers la mer.

2)  Après s'être endormi.  Le  TantraMère  compare cette périodeau dharmakaya, la claire lumière. Le monde extérieur des sens estvide mais la conscience demeure.

3)  Après le réveil.  La clarté est là, l'esprit qui saisit n'est pasencore réveillé. Cette phase est comparable à l'accomplissement dusambhogakaya, non seulement vide mais aussi d'une clarté totale.

4)  La période d'activité.  L'instant précis où l'esprit qui saisitredevient actif est semblable à la manifestation du ni rmanakaya.Les activités, les pensées, le monde ordinaire, tout "démarre".Cependant la claire lumière est maintenue. Le monde des expériences se manifeste dans la non-dualité de rigpa.

unification secrète : intégration de la claire lumière avec le bardo

Cette pratique concerne l'intégration de la claire lumière avecl'état intermédiaire après la mort, le bardo. Le processus de la mortest parallèle à celui de l'endormissement. On le divise en quatreétapes comparables à celles des autres sections :

1) dissolution;

2) avènement;:

3) expérimentation ;

4) intégration.

1)  Dissolution.  Lorsque les éléments du corps commencent à sedésintégrer, dans la première étape de la mort, les expériences sensorielles se dissolvent, les énergies des éléments internes sont libérées, les émotions cessent, la force vitale et la conscience se dissol-vent.

2) Avènement.  Il s'agit du premier bardo après la mort, le bardo prim ordi al, pur   (ka-dag).  Comme lors de l'endormissement, c'esthabituellement une période d'inconscience. A ce stade, le yogiaccompli peut abandonner toutes les identités duelles et être libéré

directement dans la claire lumière.3) Expérimentation.  Ensuite survient le bardo de l'expérience

visionnaire, le bardo de la claire lumière  (eu-sal).  Cette étape estcomparable au passage du néant du sommeil à un rêve, où laconscience se manifeste sous diverses formes. La plupart des gensvont s'identifier à une partie de l'expérience, en créant un ego dua-liste, et en réagissant de façon duelle aux objets qui apparaissent àla conscience, comme dans le rêve samsarique. Le yogi préparé etaccompli peut aussi, dans ce bardo, atteindre la libération.

4) Intégration. Le bardo suivant est celui de l'existence   (si-pé bardo).  Le pratiquant qui est prêt unit la réalité conventionnelle et rigpanon-duel. C'est à nouveau l'égalisation des deux vérités, conventionnelle et absolue. S'il n'est pas capable de la réaliser, l'individus'identifie avec le moi conventionnel illusoire et entre en relationduelle avec les projections de l'esprit qui constituent l'expérience

visionnaire. La renaissance dans l'un des six mondes en résulte.Ces quatre étapes sont des phases du passage de vie à trépas.

 Nou s devo ns avoi r c onsc ienc e d'ell es pou r no us reli er à l a clai re

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 97/114

190  yogas tibétains du rêve et du sommeil

lumière. Lorsque nous approchons de la mort nous devons, si celaest possible, demeurer en rigpa avant que l'expérience sensoriellecommence à se résorber. N'attendez pas d'être entré dans le bardo.Quand l'ouïe est perdue mais que la vision persiste, par exemple, le

moment est venu d'être complètement présent plutôt que d'être dis-trait par les autres sens. Abandonnez-vous entièrement dans rigpa;c'est la meilleure préparation pour ce qui va venir.

Toutes les pratiques du rêve et du sommeil sont, d'une certainefaçon, des préparations à la mort. La mort est un carrefour: qui-conque meurt prend l'une ou l'autre route. Ce qui se passe dépendde la stabilité de la pratique: est-on capable de demeurer pleine-ment en rigpa, ou non ? Même en cas de mort soudaine, par acci-dent de voiture, par exemple, il existe toujours un instant où l'oncomprend que la mort est venue. Il faut alors immédiatement tenterde s'unir à la nature de l'esprit - bien qu'il soit encore plus difficilede le faire dans un tel cas.

Beaucoup de personnes ont fait l'expérience de proximité de lamort. Elles disent n'avoir plus peur de la mort. C'est parce qu'ellesont vécu ce passage, qu'elles le connaissent. Lorsque nous pensonsà l'instant où nous allons mourir, nous ne vivons pas la réalité mais

sommes dans une mort imaginaire où la peur est plus grande qu'ellele sera dans la réalité. Quand la peur disparaît, il devient plus facilede s'unir à la pratique.

les trois unifications : conclusion

Les trois situations - le cycle de vingt-quatre heures, le cycle dusommeil et du réveil, le processus de la mort - suivent le mêmedéroulement. D'abord vient la dissolution; puis le dharmakaya,vacuité ; puis le sambhogakaya, clarté ; enfin le nirmanakaya, mani-festation. Le principe est de toujours rester dans la présence non-duelle. La division en phases - comme dans les yogas du rêve et dusommeil - a pour seul but de nous faciliter la prise de consciencedes moments de passage, de nous donner quelque chose à observer,de nous exercer à nous servir des expériences inévitables comme desupports pour pratiquer la pure présence.

Le comportement est lié au phénomène extérieur du temps. L'étatnaturel de l'esprit est présent en permanence, sauf interruption denotre part. Pour rattacher toute expérience à la pratique, soyez

la pratique du yoga du sommeil   191

vigilant. Des circonstances secondaires peuvent bien sûr favoriserla pratique; c'est pourquoi le temps est présenté comme une cir-constance secondaire. Ainsi, le petit matin, la journée qui suit unenuit sans sommeil, le fait d'être brisé de fatigue ou d'être complè-

tement tranquille, sont favorables. De nombreux moments condui-sent à l'intégration, tels l'instant de soulagement ressenti lors-qu'une envie très impérieuse d'aller aux toilettes est satisfaite, oul'orgasme, ou le fait de nous reposer après avoir déposé une lourdecharge que nous sommes épuisés de porter. Même chaque expira-tion faite en pleine conscience est un support pour expérimenterrigpa. Nous sommes fréquemment un peu fatigués et un peuréveillés. Nous devons nous établir dans ce qui est toujours réveillé ;nous pouvons alors réveiller ce qui est fatigué et qui dort. Lorsquenous nous identifions à ce qui se sent fatigué et s'endort, l'étatd'éveil est masqué. Mais les nuages ne masquent jamais vraimentla lumière du soleil : ils cachent seulement le soleil à celui qui leregarde.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 98/114

9 - CONTINUITÉ

 Notre identi ficati on habit uell e aux produ ction s de l'es prit nousempêche de trouver la claire lumière pendant le sommeil. La mêmeraison fait que nous vivons ordinairement dans la distraction, larêverie, la confusion. Au lieu d'être en rigpa parfait et non-duel,nous restons prisonniers de l'imaginaire et des projections mentales.

La conscience est pourtant continue. Même endormis, nousentendons quelqu'un prononcer doucement notre nom et nous luirépondons. Et dans la journée, au cœur de la plus grande distrac-tion, nous restons conscients de notre environnement ; nous ne tom-

 bons pas inani més et ne nous heurt ons p as a ux mu rs. D' un e cert ainefaçon, la présence est toujours là, mais la pleine conscience, bienqu'ininterrompue, est embrumée et voilée. En perçant durant la nuitles voiles de l'ignorance, nous entrons dans la claire lumièreradieuse et y demeurons. Et si nous perçons les tromperies et lesimaginations fumeuses de l'esprit en mouvement à l'état de veille,

nous découvrons la même pure conscience de la nature de bouddha.La distraction de notre vie quotidienne et l'inconscience du som-meil sont deux faces de la même ignorance.

Les seules limites à la pratique sont celles que nous créons. Il est préf érabl e de ne pas segme nter la prati que en péri odes de médit a-tion, de rêve, de sommeil, et ainsi de suite. Ultimement, nousdevons rester complètement en rigpa à tous moments, dans le som-meil et l'état vigile. D'ici là, il faut appliquer la pratique à chaqueinstant. Nous ne devons pas pour autant pratiquer tout ce que nousapprenons. Faites l'expérience de ces pratiques, essayez d'en com-

 prend re la méth ode et l'e ssen ce, décou vrez cell es qui vous fontvraiment progresser et pratiquez-les jusqu'à ce que la stabilité enrigpa soit atteinte. Les composants de la pratique sont provisoires.La position du corps, les préparations, les visualisations, voiremême le sommeil, n'ont pas d'importance quand on connaît direc-tement la claire lumière et que l'on y demeure. L'expérience de la

claire lumière est atteinte grâce aux spécifications de la pratiquemais, lorsqu'elle est atteinte, la pratique devient inutile. Seuleexiste la claire lumière.

SIXIÈME PARTIE

PRÉCISIONS

Ces addenda concernent les yogas du rêve et du sommeil; ilsaident à fonder la pratique dans la compréhension.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 99/114

1-CONTEXTE 2 - ESPRIT ET RIGPA

La relation entre l'étudiant et le maître est d'une extrême impor-

tance dans le tantrisme et le Dzogchèn. L'étudiant doit recevoir latransmission et les instructions du maître, et doit ensuite parvenir àune certaine stabilité dans rigpa. Sans cela, il est difficile de com- prendr e certai nes disti nctio ns essenti elles pour le chem inem ent spi-rituel, parce qu'elles restent conceptuelles. La nature de l'esprittranscende les concepts. Sans la compréhension intellectuelle, le prat iquan t a du mal à dével opper l'exp érienc e mais, sans l'ex pé-rience, les enseignements peuvent devenir pour lui de l'abstraction

 phil osoph ique ou un dogme . Cela ressem blera it à ét udier la m éde -cine sans être capable de diagnostiquer sa propre maladie. Laconnaissance inutilisée est stérile. Penser seulement que l'on est enrigpa ou que l'on connaît la claire lumière ne fait pas de bien.Connaître la vue et y demeurer ne consiste pas simplement à pen-ser aux enseignements et à en parler, mais c'est vivre réellementl'expérience désignée par les enseignements. Le pratiquant apprendce qu'est rigpa en étant rigpa, et découvre la sagesse qui est au-delà

de l'esprit conceptuel en découvrant que sa propre vraie nature estcette sagesse.

La compréhension intellectuelle exacte du contexte des yogas durêve et du sommeil aide néanmoins le pratiquant à rester bienorienté dans la pratique, à éviter les erreurs et le prépare à recon-naître le fruit de la pratique. Le pratiquant qui comprend bien peutconfronter son expérience à l'enseignement et éviter de prendre àtort une autre expérience pour celle de rigpa. Mais, en fin decompte, ces expériences doivent être mesurées à l'aune des ensei-gnements oraux donnés par le maître à l'étudiant au cours d'unerelation suivie, même si leurs rencontres sont peu fréquentes.

 Nou s somm es libé rés de l'ig noranc e et de la souf fran ce lorsq ue

nous reconnaissons notre vraie nature et y demeurons. Ce quireconnaît, ce n'est pas l'esprit conceptuel ; c'est l'esprit fondamen-tal, la nature de l'esprit, rigpa. Notre tâche essentielle est de perce-voir la différence, en pratique, entre l'esprit conceptuel et laconscience pure de la nature de l'esprit.

ESPRIT CONCEPTUEL

L'esprit conceptuel ou esprit en mouvement est l'esprit familierde l'expérience quotidienne, constamment occupé de pensées, desouvenirs, d'images, de soliloques, de jugements, d'impressions,d'émotions et de fantasmes. C'est l'esprit qui s'identifie normale-ment à "moi" et à "mon vécu". Sa dynamique fondamentale reposesur la vision dualiste de l'existence, consistant à se prendre soi-même pour un sujet dans un monde d'objets, à s'emparer de cer-taines parties de l'expérience et à rejeter les autres. Cet esprit estréactif, parfois de manière débridée, mais, même lorsqu'il est calme

et subtil - pendant la méditation ou la concentration intense, parexemple - il maintient l'attitude intérieure d'une entité observantson environnement et continue de rester dans la dualité.

L'esprit conceptuel n'est pas limité au langage et aux idées. Lelangage, constitué de noms et de verbes, de sujets et d'objets, estnécessairement soumis à la dualité. Mais l'esprit conceptuel œuvreen nous avant l'acquisition du langage. En ce sens, les animaux ontun esprit conceptuel, comme les bébés et ceux qui sont nés sans lacapacité de parler. C'est le résultat de tendances karmiques habi-tuelles qui sont présentes avant que nous développions la notiond'un moi, et même avant notre naissance. Sa caractéristique essen-tielle est de couper instinctivement l'expérience en deux, à com-mencer par le sujet et l'objet, "moi" et "non-moi".

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 100/114

196  yogas tibétains du rêve et du sommeil

Le  Tantra Mère  nomme cet esprit "l'esprit de manifestationactive". C'est l'esprit qui naît en fonction du mouvement du pranakarmique, et qui se manifeste sous forme de pensées, de concepts,et autres activités mentales. Si l'esprit conceptuel devient totale-ment tranquille, il se dissout dans la nature de l'esprit et ne réappa-

raît pas tant que l'activité ne le reconstitue pas.Les activités de l'esprit en mouvement sont vertueuses, non-ver-

tueuses, ou neutres. Les actions vertueuses favorisent l'expériencede la nature de l'esprit. Les actions neutres perturbent le contact avecla nature de l'esprit. Les actions non-vertueuses créent davantage de

 pertu rbati on et entraî nent de nouve lles ruptur es de contact . Lesenseignements détaillent les différences entre les actes vertueux etnon-vertueux, comme la générosité, la cupidité, et ainsi de suite. Ladifférence la plus évidente est toutefois la suivante : certaines actionsrenforcent la relation à rigpa, alors que d'autres l'interrompent.

L'ego lié par la dualité sujet/objet prend naissance dans l'esprit enmouvement, duquel naît toute souffrance. Bien qu'il travaille beau-coup, l'esprit conceptuel n'accomplit rien d'autre. Nous vivonsdans les souvenirs du passé et l'imagination du futur, séparés del'expérience immédiate de la beauté rayonnante de la vie.

CONSCIENCE NON-DUELLE: RIGPA

La réalité fondamentale de l'esprit est la conscience pure non-duelle: rigpa. Son essence est une avec l'essence de tout ce quiexiste. En pratique, il ne faut pas la confondre avec les états les plussubtils, les plus calmes et les plus vastes de l'esprit en mouvement.Quand elle n'est pas reconnue, la nature de l'esprit se manifestesous la forme de l'esprit en mouvement. Quand elle est reconnuedirectement, la nature de l'esprit est à la fois le chemin de la libé-ration et la libération elle-même.

Les enseignements dzogchèn symbolisent souvent rigpa par unmiroir. Un miroir reflète toute chose sans exprimer de choix, de pré-férence, ou de jugement. Il réfléchit le beau et l'horrible, le grand etle petit, le vertueux et le non-vertueux. Il n'existe pas de limites oude restrictions à ce qu'il peut réfléchir. Et pourtant, le miroir resteimmaculé et inaffecté par ce qui se reflète en lui et ne cesse jamaisde renvoyer les images.

 précisions  197

De façon semblable, tous les phénomènes de l'expérience naissentdans rigpa : pensées, images, émotions, la saisie et le saisi, tout sujetet objet apparents, toute expérience. L'esprit conceptuel lui-mêmenaît dans rigpa et demeure en lui. La vie et la mort prennent placedans la nature de l'esprit, mais lui-même n'est pas né, ni ne meurt,tout comme l'image réfléchie apparaît et disparaît sans créer nidétruire le miroir. Identifiés à l'esprit conceptuel, nous vivons commel'un des reflets dans le miroir, réagissant aux autres reflets, confus etsouffrants, vivant et mourant indéfiniment. Nous prenons le reflet

 pour la réali té et per dons nos v ies à pourch asser des illusi ons.Lorsque l'esprit conceptuel est libéré de la saisie et de l'aversion,

il se repose spontanément en rigpa non-créé. Alors l'identificationaux reflets du miroir prend fin et nous pouvons accueillir sans efforttout ce qui arrive, appréciant chaque instant. Si la haine s'élève, lemiroir est rempli de haine. Si l'amour s'élève, le miroir est remplid'amour. Pour le miroir lui-même, la haine et l'amour n'ont pasd'importance: ce sont les manifestations de sa capacité innée àrefléter. C'est ce que l'on appelle la sagesse semblable au miroir:lorsque nous reconnaissons la nature de l'esprit et que noussommes capables d'y demeurer, aucune émotion ne nous dérange

 plus . Tout es les émot ions et t ous les phén omèn es, même la colère,la jalousie, etc., sont libérés dans leur pureté et leur clarté essen-tielles. En demeurant en rigpa, nous tranchons le karma à sa racineet sommes libérés des liens du samsara.

Rester stable en rigpa facilite la réalisation des autres aspirationsspirituelles. Il est plus facile de pratiquer la vertu quand on estlibéré de la saisie et de l'idée du manque, plus facile de pratiquer lacompassion quand on n'est pas obsédé par soi-même, plus facile de

 prati quer la t ransf ormat ion quand on n'est pas attaché aux ident itésfausses et contraignantes.

Le  Tantra Mère  considère la nature de l'esprit comme "l'esprit prim ordia l". Il est compa ré à l'océa n, tand is que l'espr it usuel estcomparé aux rivières, lacs et ruisseaux qui partagent la nature del'océan et retournent à lui, mais ont temporairement une existenced'eaux apparemment distinctes. L'esprit en mouvement est aussicomparé à des bulles qui se font et se défont constamment dans

l'océan de l'esprit primordial, en fonction de la force des vents kar-miques. Mais la nature de l'océan ne change pas.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 101/114

198  yogas tibétains du rêve et du sommeil

Rigpa s'élève spontanément à partir de la base. Son activité est lamanifestation infinie : tous les phénomènes s'élèvent en l'esprit pri-mordial sans le perturber. En se maintenant totalement dans lanature de l'esprit on obtient les trois corps (kayas) de bouddha: le

dharmakaya, qui est l'essence dépourvue de pensées ; le sambhoga-kaya, qui est la manifestation infinie; le nirmanakaya, qui est l'ac-tivité compatissante pure.

rigpa de la base et rigpa du chemin

On définit deux formes de rigpa dans le contexte de la pratique.C'est une division intellectuelle, mais elle est instructive. La pre-mière, rigpa de la base, est la conscience de la base, omniprésenteet primordiale  (khyab-rig).  Tout être doté d'un esprit la possède-les bouddhas et les êtres samsariques - car c'est à partir d'elle ques'élèvent tous les esprits.

La seconde est la conscience du chemin innée qui s'élève   (lam-rig),  c'est-à-dire l'expérience que l'individu fait de la conscienceomniprésente et primordiale. On la nomme rigpa du chemin parcequ'elle renvoie à l'expérience directe de rigpa qu'ont les yogis quicommencent la pratique de Dzogchèn et qui reçoivent la présenta-

tion, l'initiation et la transmission. Cela veut dire qu'un pratiquantne peut pas en faire l'expérience tant qu'il n'en a pas reçu la pré-sentation.

Rigpa du chemin a le pouvoir de se manifester parce que notreesprit naît de la conscience de la base primordiale. Quand laconscience primordiale est connue directement, on l'appelleconscience innée; c'est cela, rigpa du chemin, que connaissent lesyogis. Dans ce contexte, on appelle rigpa la conscience pure pri-mordiale, et  rang-rig   celle qui s'élève en chemin. La première estcomme la crème, la seconde comme le beurre: la substance desdeux est la même, mais il faut faire quelque chose pour produire le

 beurr e. C'est rigpa qui s'élèv e, ou rigpa du chemi n, parce que nousy accédons, puis nous le perdons et retombons dans l'esprit en mou-vement. Nous en faisons l'expérience intermittente. Mais rigpa esttoujours présent - la conscience primordiale de base  est  la présence,qui ne s'élève ni ne cesse - que nous la reconnaissions ou non.

3-LA BASE: KUNSHI

Kunshi, la base de toute existence, aussi bien de la matière que del'esprit des êtres, est l'unité inséparable de la vacuité et de la lumi-nosité. On les appelle aussi   claire  et  lumière,  la même clairelumière que dans le yoga du sommeil. (Kunshi n'est pas, dans lesenseignements dzogchèn, le synonyme du kunshi utilisé par l'écoleCittamatra  sous le nom  d'alayavijnana  pour décrire un état neutremais non-éveillé de la conscience mentale qui contient toutes lescatégories de pensée et d'empreintes karmiques).

L'essence de kunshi est la vacuité  (sunyata).  C'est l'espace illi-mité, absolu. Il est vide d'entités, d'existence inhérente, deconcepts et de limites. C'est l'espace vide qui nous semble exté-rieur, l'espace vide qu'occupent les objets, et l'espace vide de l'es- prit. Kunshi n'a pa s d'exté rieur ni d'int érieur. On ne peut pas le dire

existant (car il n'est rien), ni non-existant (car il est la réalité elle-même). Il est illimité. On ne peut ni le détruire ni le créer. Il n'est pas né et n e m eurt pas. Le lang age qui le décrit est n écess aire ment parad oxal, kunsh i étant au-de là de la dualit é et du conce pt. Toutetentative linguistique de l'appréhender est déjà erronée et ne peutque désigner ce qu'elle ne peut embrasser.

La clarté - l'aspect lumineux - de kunshi, au plan individuel, estrigpa, la pure conscience. Kunshi ressemble au ciel mais n'est pasle ciel, à qui manque la conscience, car kunshi est conscience etvacuité. Ceci ne sous-entend pas que kunshi est un sujet "conscientde", mais que la conscience est la vacuité. La vacuité est la clarté,la clarté est la vacuité. Il n'existe dans kunshi ni sujet ni objet, niaucune sorte de dualité ou de différence.

Quand le soleil se couche en fin de journée, nous disons que lanuit tombe. C'est la nuit du point de vue de celui qui perçoit.L'espace est toujours clair et pénétrant. Il n'est pas affecté par le

lever ou le coucher du soleil. Il n'existe pas d'espace obscur et

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 102/114

200  yogas tibétains du rêve et du sommeil

d'espace lumineux. Ils le sont seulement pour nous, pour notre per-ception. L'obscurité occupe l'espace mais n'affecte pas l'espace.Quand la lampe de la conscience est allumée, l'espace de kunshi, la

 base, s'éclai re p our n ous, mais kunsh i n 'a jama is été obscur . La nu itétait le résultat des obscurcissements ; notre conscience était pri-sonnière de l'obscurité de l'esprit ignorant.

ESPRIT ET MATIÈRE

L'essence de l'esprit et de la matière étant kunshi, pourquoi lamatière est-elle dépourvue de conscience ? Pourquoi les êtres peu-vent-ils devenir éveillés, et pas la matière? Le Dzogchèn l'expliqueavec un cristal et un bloc de charbon, le premier représentant l'es- prit, le second la ma tièr e.

Quand le soleil brille, le charbon, même inondé de lumière, ne peut pas rayonn er c ette lumiè re. Il n'en a pas la c apacit é, comm e lamatière n'a pas la capacité réflective de la conscience innée. Mais,quand la lumière solaire frappe le cristal, il la réfléchit parce qu'ilen a la capacité innée; telle est sa nature. Elle se traduit par undéploiement de lumière multicolore. De manière analogue, les êtresont la capacité de la conscience innée. L'esprit des êtres reflète lalumière de la conscience primordiale et ce potentiel se manifeste

soit dans les projections de l'esprit, soit dans la pure lumière derigpa.

4 - CONNAISSANCE

Les soutras bouddhiques enseignent que la personne ordinaire ne peut pas connaî tre la vacuit é par percep tion direct e, mais doit l'ap- préhe nder grâce à la connai ssanc e discu rsive . De nomb reux débat sde la tradition des soutras, à la fois historiques et actuels, portent surl'utilisation de la déduction et de la raison pour reconnaître lavacuité. Il en existe peu, en revanche, sur la reconnaissance de lanature de l'esprit par le moyen des sens. Dans les soutras, seul leyogi ayant atteint le troisième chemin, celui de la vue, possède la perce ptio n y ogiq ue direct e de la v acuit é, ce qui dès lors ne perme t plus de le consi dérer comm e un êt re ordina ire.

Le Dzogchèn voit les choses autrement. Les enseignements nousapprennent non seulement que la vacuité et la clarté de la nature del'esprit peuvent être appréhendées directement par les sens, mais

que faire appel à eux dans cette tâche spirituelle est plus facile et plus valab le que de se servir de l'espri t conce ptuel . Les sens don-nent instantanément accès à la perception directe qui, avant d'êtresaisie par l'esprit conceptuel, est très proche de la conscience pure.Certains commentaires des soutras critiquent le Dzogchèn, dont les

 pra tiq uan ts sera ient tro p pri son nie rs des vis ion s de lum ière etautres, visions que même les êtres ordinaires peuvent avoir. Maisles choses sont comme elles doivent être ; la nature de l'esprit quenous reconnaissons existe en tous les êtres.

En nous fiant à l'intelligence pour comprendre, nous nous satis-faisons souvent de concepts. Nous pouvons être conditionnés àcroire que nous comprenons ce que signifie l'énoncé de certainsmots, sans avoir jamais eu l'expérience directe de ce qu'ils indi-quent. Au lieu de nous fier à la perception directe de la vérité mas-quée par le concept, nous nous référons aux conceptions que nousavons forgées de ce que nous désirons comprendre. On peut alorsfacilement rester plongé dans l'esprit en mouvement ; nous prenons

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 103/114

202  yogas tibétains du rêve et du sommeil  précisions  203

la carte pour le territoire, ou le doigt pointé vers la lune pour la luneelle-même. Alors que nous finissons par avoir une descriptionimpressionnante de la vérité, nous en arrivons aussi à ne pas vivredans cette vérité.

La nature de l'esprit peut être expérimentée par la consciencevisuelle, par la conscience auditive, par la conscience olfactive etainsi de suite. Nous voyons par notre œil, mais notre œil n'est pasla vision. Nous entendons par notre oreille, mais notre oreille n'est

 pas l'aud ition . De mani ère anal ogue, la natur e de l'espr it peut êtreexpérimentée par la conscience visuelle, mais ce n'est pas laconscience visuelle qui fait l'expérience.

Il en est de même pour toutes les perceptions directes. La formequi est perçue par la conscience visuelle diffère de la forme quel'esprit conceptuel pense qu'elle a perçue. La forme que laconscience visuelle perçoit directement est plus proche de la réalitéfondamentale que la modélisation de cette perception qui s'opèredans l'esprit conceptuel. Ce dernier est incapable de perceptiondirecte. Il ne reconnaît les choses que par l'intermédiaire d'imagesmentales projetées et par le langage, qui est lui-même déductif.

Prenons un exemple. La conscience visuelle voit le phénomèneque nous appelons "table". Ce qui est perçu n'est pas une "table",mais une vive expérience sensorielle de lumière et de couleur.L'esprit conceptuel ne perçoit pas directement le phénomène vital

 brut qui const itue l'ex périe nce de la cons cien ce visue lle. Il crée, àla place, une image mentale de l'objet dont la conscience visuellefait l'expérience et affirme que c'est cela, voir la table. Mais ce quel'esprit conceptuel "voit" est l'image mentale de la table. C'est làqu'est la différence fondamentale entre l'esprit conceptuel et la per-ception directe. Quand l'œil est clos, la "table" n'est plus perçuedirectement et l'ensemble d'éléments qui la constitue n'appartient

 plus à l'exp érienc e sensori elle imm édiat e. Mais l'espr it conce ptuel peut tou jou rs proj ete r une ima ge de la tab le, qui ne sera pas lamême que l'ensemble directement perçu. L'esprit conceptuel n'a pas besoin de rester tourn é vers le présen t sensoriel ; il peut exist er par ses propre s élabo rati ons.

La capacité qu'a l'esprit conceptuel de modeler l'expériencedirecte a une valeur inestimable pour les êtres humains que noussommes. Mais elle est responsable de l'un des obstacles les plus

 persis tant s d e la pr atiqu e. Avan t l 'expéri ence directe de la na ture del'esprit et après elle, l'esprit conventionnel tente de conceptualiserl'expérience. De même qu'au début l'expérience de rigpa est obs-curcie par les formes, les pensées et une relation duelle avec les

 phén omèn es de l'exp érien ce, la concep tual isat ion de rigpa devie ntun obstacle. Nous pouvons croire que nous connaissons la nature del'esprit, alors que nous sommes seulement en relation avec unconcept.

Cela ne signifie pas que l'expérience sensorielle directe est, enelle-même, la nature de l'esprit. Même avec une perception trèsimmédiate, nous avons tendance à être subtilement identifiés avecun sujet percevant et l'expérience reste dans la dualité. Mais, au tout premi er i nstan t d u conta ct entre la consci ence et l'obj et sensoriel , lanature nue de l'esprit est présente. Lorsque nous sommes brusque-ment surpris, par exemple, existe un moment où tous nos sens sontouverts ; nous ne nous sommes pas identifiés à l'expérimentateur ouà l'expérience. Ce moment est habituellement un moment d'in-conscience, parce que l'esprit en mouvement auquel nous sommesidentifiés s'est trouvé, sous le choc, réduit à l'immobilité. Mais, sinous restons dans la conscience de ce moment, il n'existe ni perce-vant ni perçu, seulement la pure perception : pas de pensée, pas de proc essus ment al, pas de réact ion de la part d'un suje t au stim ulusd'un objet. Seule existe la conscience ouverte, non-duelle. C'est lanature de l'esprit. C'est rigpa.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 104/114

 précisions  205

5 - RECONNAITRE LA

CLARTÉ ET LA VACUITÉ

L'expérience de la conscience non-duelle de rigpa est tout à faitmerveilleuse. On est libéré des efforts incessants de l'esprit samsa-rique. Ce n'est pas une paix ennuyeuse, mais son opposé. C'est le

 pur éveil. C'est léger, ouvert , radieu x, béat ifiq ue. Lorsqu e les occu- pati ons égoce ntré es fond ées sur le sent imen t d'ins écuri té du moiillusoire et sur ses désirs et aversions, ne nous préoccupent plus, lemonde apparaît dans la pureté de son état naturel, dans un déploie-ment éclatant et parfait de beauté. Pour le pratiquant établi en rigpa,toutes les expériences s'élèvent comme des ornements de la naturede l'esprit, plutôt que comme des problèmes ou des illusions trom-

 peuses .Reconnaître rigpa n'est cependant pas comparable à la prise

d'une drogue ou à une sorte de grande expérience. Ce n'est pas unechose que l'on trouve en agissant ou en se changeant soi-même. Cen'est pas une transe, une vision géniale, ou une lumière aveuglante.C'est ce que nous avons déjà, ce que nous sommes déjà. S'il existeune attente de rigpa, on ne peut le trouver. L'attente est presque unfantasme : nous regardons au-delà de ce qui est déjà présent. Que

 peut -on atte ndre de la vacui té? Rien . S'il exist e une atte nte, il nes'en suivra que frustration.

L'expérience de la vacuité ressemble à l'expérience de l'espace.Dans la reconnaissance directe de l'espace, la reconnaissance elle-même est luminosité. Cela est rigpa. Ne pas connaître cela est   ma-rigpa,  l'ignorance, notre esprit samsarique. L'espace est une bonneanalogie, car rien n'y fait référence. Il a de la valeur bien qu'il nesoit rien : on peut y construire un stoupa ou une maison. On peutconstruire n'importe quoi lorsqu'il y a de l'espace pour le faire.

L'espace est une pure potentialité. Il ne possède ni haut, ni bas, nidehors, ni dedans, ni limitations. Ce sont des qualités que nous attri- buon s à l'es pace, ce ne sont pas les qual ités de l'esp ace lui- même .

 Ne pouva nt dire que peu de chose de ce qu'est l'espac e, nous décri -vons habituellement ce qu'il n'est pas. Il en est de même pour lavacuité. Bien qu'elle soit l'essence de tout ce qui existe, on ne peutrien affirmer d'elle car elle est au-delà des qualités, des attributs, ou

des références.Il n'existe rien de plus que ce qui est là à l'instant, où que nous

soyons, quoi que nous fassions. Regardez en l'air: l'essence videest juste là. Regardez à gauche, à droite, derrière, dedans: l'essencevide est là. Rigpa, la nature de notre propre esprit, connaît l'essenceet est celle-ci. Nous éprouvons parfois un fort désir d'expériencespirituelle. C'est très bien : nous pouvons engendrer la compassion,faire des visualisations, pratiquer la générosité, ou effectuer beau-coup d'autres pratiques. Nous pouvons travailler avec le côtéconceptuel du chemin ou développer en nous certaines qualités.Mais on ne peut pas travailler avec rigpa. Si nous ne connaissons

 pas la base où nous nous teno ns à l'ins tant même , alors nous ne pouv ons pas la tr ouve r à m oins de cesser de la c herche r.

D'un certain point de vue, l'illu sion n'existe pas et n'a jama isexisté. La base de toute chose est pure et l'a toujours été. La réali-sation directe est toujours accessible, mais elle est inconnue de l'in-

dividu. Lorsque nous suivons la Voie, nous essayons d'obtenir cetteconnaissance, ce qui implique la pensée et l'effort. Essayer, penser,s'efforcer - dans un certain sens - s'opposent à la réalisation derigpa. On trouve rigpa quand on ne fournit plus aucun effort, pasmême celui d'être soi. Rigpa est l'absence complète d'effort, lanon-fabrication, la perfection spontanée. Rigpa est la tranquillitédans laquelle s'élève l'activité, le silence dans lequel survient leson, l'espace sans pensées dans lequel apparaît la pensée. Devoiressayer est l'effet karmique de l'ignorance - nous nous acquittonsdu karma de l'ignorance habituelle en essayant de comprendre.Mais rigpa est en dehors du karma, c'est la conscience de la base,et le karma siège dans la base. Quand nous reconnaissons et quenous réalisons rigpa, nous ne sommes plus identifiés à l'espritkarmique.

Ce que nous recherchons est plus proche de nous que nos penséeset que notre expérience, parce que la claire lumière fonde touteexpérience. Que signifie alors "l'expérience de la claire lumière"?A vrai dire, ce n'est pas du tout une expérience, mais plutôt l'espace

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 105/114

206  yogas tibétains du rêve et du sommeil

dans lequel se déploient la subjectivité, le sommeil, le rêve et l'ex- péri ence vigil e. Nous dorm ons et rê vons dans la l umin osit é de kun-shi, l'essence de l'état d'éveil, plutôt que d'avoir une expérience dekunshi en nous. C'est seulement notre point de vue limité qui nous

fait penser à la claire lumière comme à une expérience que nousfaisons.

Lorsque l'esprit ordinaire se dissout dans la pure conscience derigpa, nous voyons la lumière qui a toujours été, nous réalisons ceque nous sommes déjà. Nous pouvons alors penser que c'est "notreexpérience", que c'est quelque chose que nous avons fait en prati-quant. Mais c'est l'espace dans lequel l'expérience qui s'élève sereconnaît elle-même. C'est rigpa-fils reconnaissant rigpa-mère, la pure consc ience se recon nais sant elle -même .

é q u i l i b re

On parle normalement de la claire lumière en termes positifs -vacuité et clarté, ou espace et luminosité. Bien que ces deux aspectsforment une unité qui n'a jamais été scindée, on peut, pour faciliterla pratique, penser à eux comme à deux qualités qu'il faut équili-

 brer.La vacuité sans la clarté est semblable au sommeil de l'igno-

rance: un vide dépourvu d'expériences, sans discriminations nientités, mais aussi sans conscience. La clarté sans la vacuité res-semble à l'état d'agitation extrême dans lequel les phénomènes del'expérience sont considérés comme des entités substantielles, phy-siques et mentales, qui affectent notre conscience avec l'insistanced'un rêve fiévreux. La nuit, cet état produit l'insomnie. Aucun desdeux extrêmes n'est bon. Nous devons les équilibrer de façon à ne

 jam ais perdre la consc ienc e et à ne j amai s être pris dans l'i llu sionque ce que nous percevons est pourvu d'une existence solide etautonome.

d i s c r i m i n a t i o n

Rigpa n'est jamais perdu et n'est jamais non-rigpa. Le fondementmême de notre être est la conscience omni-pénétrante, auto-exis-

tante, vide, primordiale. Mais chacun de nous doit se demander s'ila la connaissance directe de cette conscience primordiale, ou s'il enest distrait par le mouvement de l'esprit temporel. Et chacun de

 précisions  207

nous doit répondre pour lui-même. Personne ne peut nous donner la

réponse.Lorsque nous sommes absorbés dans les processus intérieurs,

nous ne sommes pas en rigpa, car rigpa n'a pas de processus. Le

 proce ssus est une fonct ion de l'e spri t conce ptuel en mou vem ent ;rigpa est sans effort.Rigpa est comme le ciel au petit matin : pur, vaste, spacieux, clair,

en éveil, frais et tranquille. Bien que rigpa n'ait en réalité ni quali-tés ni attributs, le maître les propose à l'étudiant pour qu'il yconfronte son expérience.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 106/114

 précisions  209

6-  MOI

Le mot "moi" a été défini différemment par diverses religions et phil osoph ies du passé à nos jour s. Le bœun /bou ddhi sme insist e beau coup sur la doctri ne du non-m oi, ou vacui té (sunyat a), qui estla vérité ultime de tous les phénomènes. Si l'on ne comprend pas lavacuité, il est difficile de couper la racine du moi égoïste et de s'af-franchir de ses limites.

Toutefois, nos lectures au sujet de la démarche spirituelle nousinforment aussi sur l'auto-libération du moi et l'auto-réalisation dumoi. Et nous semblons certainement être un moi. Nous avons beauergoter pour convaincre autrui que nous n'avons pas de moi, sinotre vie est menacée ou que quelque chose nous est pris, le moidont nous proclamons l'inexistence peut se trouver vraimenteffrayé ou bouleversé.

Pour le bœun/bouddhisme, le moi conventionnel existe vraiment.Sinon, il n'y aurait personne pour créer du karma, pour souffrir et

 pour tro uver la libé ratio n. C'est le moi inhér ent qui n'a pas d'exi s-tence. Le manque de moi inhérent signifie qu'il n'existe pas d'en-tité centrale distincte et immuable. Bien que la nature de l'esprit nechange pas, elle ne doit pas être confondue avec une entité distincte,un ego, une petite parcelle de conscience indestructible qui serait"moi". La nature de l'esprit n'est pas une possession individuelle etn'est pas un individu. C'est la nature de la sensation elle-même;elle est la même pour tous les êtres doués de sensations.

Reprenons l'exemple du reflet dans le miroir. Si nous observonsles reflets, nous pouvons dire qu'il existe tel reflet, puis tel autre, enmontrant les deux reflets différents. Ils grandissent ou rapetissent,vont et viennent, et nous pouvons les suivre dans le miroir commes'il s'agissait d'entités indépendantes. Ils sont à l'image du moiconventionnel. Les reflets ne sont pas des entités distinctes, ils sontun jeu de lumière, des illusions dénuées de substance dans la

luminosité vide du miroir. Ils n'ont d'existences indépendantes quesi nous les concevons comme tels. Les reflets sont la manifestationde la nature du miroir, comme le moi conventionnel est une mani-festation qui naît de la limpidité vide de la base de l'existence, kun-shi, y réside et s'y dissout à nouveau.

Le moi conventionnel auquel on s'identifie habituellement et l'es- prit en mouv emen t qui lui donne nais sance sont tous deux flui des,dynamiques, provisoires, dénués de substance, changeants, imper-manents et dépourvus d'existence propre, comme le reflet dans lemiroir. Vous pouvez le constater dans votre vie, si vous l'examinez.Imaginez que vous remplissiez des formulaires donnant des infor-mations à votre sujet. Vous notez votre nom, sexe, âge, adresse,activité professionnelle, relations, description physique. Vous faitesdes tests qui décrivent votre personnalité et votre quotient intellec-tuel. Vous inscrivez vos objectifs, vos rêves, croyances, pensées,valeurs et craintes.

Supposez maintenant que l'on vous enlève tout cela. Qu'est-cequi est perdu? Enlevez plus encore - vos amis, la maison, votre

 pays et to ut ce que vous avez. Vous perdez l'usage du langage pour parler ou p enser. Vous perdez vos souvenir s. Vous perdez vos sens.

Où est votre moi ? Est-ce votre corps ? Qu'en est-il si vous perdez bras et jam bes, vivez avec un cœur artifi ciel et un apparei l respi ra-toire, souffrez de lésions cérébrales et perdez vos fonctions céré- bral es? A quel mom ent alle z-vou s cesse r d'être un moi? Même sivous continuez à dépouiller les couches d'identités et les attributssuccessifs, d'un certain point de vue rien n'est perdu.

Vous n'êtes pas celui que vous étiez à un an, ou dix ans. Vousn'êtes même pas celui que vous étiez il y a une heure. Il n'existerien qui ne change pas. Au moment de la mort, les derniers restesde ce qui semble être un moi immuable disparaissent. Vous pouvezrenaître comme un être tout à fait différent, avec un corps différent,un genre différent, une capacité mentale différente. Cela ne signifie pas que vous n'ête s p as un indi vidu - vo us en êtes un, c'est évid ent- mais cela veut dire qu'aucun individu n'a d'existence inhérente,indépendante. Le moi conventionnel est radicalement contingent.Comme le flot des pensées qui s'élèvent sans fin dans la clarté de

l'esprit, ou les images qui surgissent indéfiniment dans le miroir, ilest une succession de product ions instantané es. Les pensées

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 107/114

210  yogas tibétains du rêve et du sommeil

existent en tant que telles mais, quand on les examine au cours dela méditation, elles se dissolvent dans la vacuité dont elles ont surgi.Il en est de même avec le moi conventionnel : son examen appro-fondi révèle qu'il n'est qu'une dénomination attribuée à unensemble vaguement défini d'événements changeant constamment.

 Nos ident ités provi soire s change nt, comm e les pensé es ne cesse ntde s'élever. S'identifier faussement au moi conventionnel et se

 prendr e pour un suje t e nviro nné d'obj ets fond e la v ision duali ste etforme la dichotomie fondamentale sur laquelle repose la souffrancesans fin du samsara.

7 - PARADOXE DU MOI

NON-SUBSTANTIEL

Mais comment est-il alors possible, si la base individuelle est pure consc ience vide, que le moi conve ntio nnel et l'espr it en mo u-vement existent ? Voici un exemple fondé sur des expériences quenous avons tous faites. Lorsque nous dormons, un monde entier semanifeste, dans lequel nous pouvons vivre toutes sortes d'aven-tures. Nous sommes identifiés à un sujet lors du rêve, mais d'autresêtres sont là, apparemment séparés de nous, qui font leurs propresexpériences et semblent aussi réels que le personnage que nouscroyons être. Il existe également un monde matériel apparent danslequel les planchers nous soutiennent, notre corps a des sensations,nous pouvons manger et toucher.

En nous réveillant, nous réalisons que le rêve n'était qu'une pro- ject ion de notre esprit . Il se passai t dans notre esprit et c'est l'éne r-gie de notre esprit qui l'animait. Mais nous y étions plongés etavons réagi aux images créées par l'esprit comme si elles étaientréelles et extérieures à nous-mêmes. Notre esprit peut créer un rêveet s'identifier avec un être qu'il y installe, se séparant des autres.

 Nou s p ouvon s même nous ident ifie r a vec des sujet s bien diffé rent sde ce que nous sommes dans notre vie quotidienne. Nou s somm es, en tant qu'êt res ordin aires , iden tifi és de la mêm e

façon à un moi conventionnel qui est aussi une projection mentale. Nou s somme s en relati on avec des obje ts et des enti tés qui sont, pareil lemen t, des proj ecti ons ment ales. La base de l'exis tence, kun-shi, a la capacité de manifester tout ce qui existe, même des êtresqui sont détournés de leur nature propre, exactement comme notreesprit peut projeter des êtres qui sont apparemment distincts denous dans le rêve. Lorsque nous nous éveillons, le rêve qu'est notre

moi conventionnel se dissout dans la pure vacuité et la clarté lumi-neuse.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 108/114

 précisions 213

DERNIERS MOTS

Les pratiques du rêve et du sommeil ne sont pas des pratiqueshabituelles pour les Tibétains. On ne les transmet généralement pasaux jeune s pratiquants. On ne les enseigne pas en public. Mais lestemps ont changé. J'enseigne ces choses car de très nombreuses person nes en Occid ent s'intér essent aux rêves, au fait de rêver et autravail du rêve. Cet intérêt est généralement psychologique.J'espère que la présentation de ces enseignements fera progresser

 plus en prof onde ur le trava il sur le rêve. Le trava il psych olog iquesur le rêve peut créer davantage de bonheur dans le samsara, et c'est

 bien. Mais , si l'ob ject if est la plei ne réali sati on, alors il faut alle r plus loin. C'est là que le yoga du somm eil est part icul ière mentimportant. Il est en plein cœur de la pratique de la GrandePerfection, Dzogchèn, que l'on peut résumer ainsi : rester, à chaqueinstant de la vie - état de veille, rêve, sommeil - dans la pureconscience non-duelle. C'est la route certaine vers l'illumination etla voie que tous les maîtres réalisés ont empruntée. Telle est l'es-sence du yoga du sommeil.

Comment pouvez-vous avoir l'expérience de la claire lumière ? Je pens e qu'i l est imp ort ant de réfl échi r à cett e ques tio n, dans lamesure où elle concerne votre attitude envers l'enseignement. Tousles enseignements sont d'unique essence. Je pense à rigpa, à laclaire lumière. Peu importe la somme de vos études, la quantité detextes que vous étudiez, le nombre d'enseignements que vous rece-vez, vous n'aurez pas saisi le point principal si vous ne connaissez pas cett e uni que essen ce. Selon un dict on tibé tain : "Vou s aurez beau avoi r la tête plat e à force d'avo ir é té touc hée par l e vase d'ini -tiation, si vous ne connaissez pas l'essence, rien ne changera."

Il peut être difficile de comprendre les enseignements lorsqu'on neconnaît pas directement la nature de l'esprit. Ils paraissent faire réfé-rence à quelque chose d'impossible, parce que la nature de l'esprit

transcende l'esprit conceptuel et ne peut être embrassée par lui.Essayer de saisir la nature de l'esprit grâce aux conceptions revientà vouloir comprendre la nature du soleil d'après l'étude de l'ombre.On peut apprendre quelque chose, mais l'essence reste inconnue.C'est pourquoi la pratique est nécessaire, pour transcender l'esprit

ordinaire et connaître directement la nature de l'esprit.Certaines personnes en arrivent à se sentir écrasées par tous les

enseignements qu'elles ont accumulés. La raison en est une mau-vaise compréhension du chemin. Il faut continuer à étudier et àrecevoir des enseignements, mais bien comprendre que l'on peut y

 puis er ce qui nous aide. Les ensei gnem ents ne sont plus une obli -gation une fois qu'ils sont compris et qu'on les met en pratique. Ilssont le chemin vers la liberté, et c'est une joie de suivre ce chemin.Ils ne sont resentis comme un fardeau que si l'on s'empêtre dansleur forme sans comprendre leur dessein. Il est nécessaire d'ap-

 prend re comm ent mett re un term e aux ense igne ment s; ce n'est ni par des mots , ni par des conce pts, mais par l'ex périe nce.

D'un autre côté, ne vous laissez pas piéger par la pratique.Qu'est-ce à dire? Si vous continuez à pratiquer sans résultats, sanschangements positifs dans votre vie, c'est que la pratique est inopé-rante. Ne vous imaginez pas que vous pratiquez si vous le faitesmachinalement, sans comprendre. Les rituels vides n'accomplis-sent pas grand-chose. Il faut introduire la compréhension dans la

 prat ique, en t rouv er l 'essen tiel et savoir com ment l'app liqu er.Le dharma est vraiment souple. Cela ne veut pas dire que vous

deviez jeter la tradition et en faire à votre guise. Ces pratiques sont puis sant es et effi cace s. Elle s ont perm is à d'i nnom brab les per-sonnes de réaliser la libération. Si la pratique n'opère pas, il fautessayer de rechercher à quoi elle sert. Le mieux est de prendreconseil auprès de votre maître. Lorsque vous comprenez les pra-tiques, vous découvrez aussi que la forme n'est pas le problème.C'est la mise en œuvre de la forme qu'il faut améliorer. La pratiqueest là pour vous, pas vous pour elle. Apprenez la forme, comprenez-en la raison, appliquez-la dans la pratique et réalisez le résultat.

Où devez-vous ultimement conclure les pratiques ? Dans le pro-cessus de la mort, l'état intermédiaire, le bardo. Le bardo après la

mort est comme un grand aéroport où chacun doit passer au coursde son voyage. Il est la frontière entre le samsara et le nirvana. La

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 109/114

214  yogas tibétains du rêve et du sommeil précisions  215

capacité de demeurer dans la présence non-duelle est le passeportqui permet d'entrer au nirvana. Si vous n'avez jamais fait l'expé-rience de la claire lumière pendant le sommeil, il est difficile dequitter le samsara pendant le bardo. Tout se passe comme si un pro-

fond sommeil, une épaisse couverture de pensées, couvrait la clairelumière, rigpa. Si vous pouvez vous unir à la claire lumière du som-meil, alors vous pouvez vous unir à la claire lumière de la mort.L'union à la claire lumière du sommeil ressemble au passage d'unexamen intermédiaire: en le réussissant, vous réussirez probable-ment l'examen terminal qui a lieu dans le bardo. S'unir à la clairelumière de la mort signifie trouver bouddha en soi et être capable deréaliser directement que ce qui s'élève est une apparence non-sub-stantielle.

La présence de rigpa se poursuit du monde présent au suivant.Pratiquez donc pour expérimenter rigpa maintenant, pour l'intégreret y demeurer. Voilà le chemin, la permanence de la clarté et de lasagesse infinie. Tous les êtres qui ont réalisé l'éveil et sont devenusdes bouddhas ont franchi la frontière et sont entrés dans la clairelumière. Sachez-le, pour savoir ce à quoi vous vous préparez.Essayez de saisir le sens de l'ensemble des enseignements, où vous

êtes, où vous allez. Vous saurez alors comment les appliquer, quandvous servir de tel ou tel moyen et quels doivent être les résultats.Les enseignements ressemblent à une carte, qui peut vous indiqueroù aller, où trouver ce que vous cherchez. La carte clarifie toutechose. Sans elle, vous pouvez vous perdre.

Priez pour contacter la claire lumière pendant la mort. Priez pourque chacun contacte la nature de l'esprit au moment de mourir. Le

 pouvo ir de la pri ère e st très grand. Lorsque vous priez, se d évelop peune intention et ce pour quoi vous priez progresse vers sa réalisa-tion.

Toute personne connaît des moments de paix et de joie. Si laclaire lumière semble être un objectif lointain, essayez simplementen permanence de maintenir l'expérience positive de paix et de joie.Le souvenir de votre maître ou de la dakini vous remplit peut-êtrede joie ; ou peut-être éprouvez-vous du bonheur à contempler la

 beaut é de la natur e. Fait es de ces chose s une prati que. Géné rez lagratitude et la reconnaissance pour chaque instant. La claire lumièreest l'apogée de l'expérience mystique, la joie la plus grande, la paix

la plus grande. Considérez par conséquent la joie et la paix commedes qualités à maintenir, comme des supports pour développer lacontinuité de la présence. Ressentez ces qualités dans votre corps,voyez-les dans le monde, souhaitez-les à tous les êtres. Vous pou-vez, ce faisant, développer la conscience tout en générant la com- passi on et des quali tés posit ives.

La persévérance est la clé pour intégrer la pratique dans la vie. On peut la fair e croît re avec de l'at tent ion et de l'i ntent ion. Lorsq uevous y parvenez, votre vie est différente et vous devenez une sourced'influence positive pour votre entourage.

Les yogas du rêve et du sommeil sont des méthodes pour recon-naître la claire lumière et y demeurer à tous les moments de la vie :en étant réveillé, en méditant, en rêvant, en dormant et pendant lamort. Fondamentalement, les enseignements nous aident à recon-naître la nature de l'esprit, à comprendre et à surmonter les obs-tacles à notre pratique et à demeurer immergés en rigpa. Les mêmesméthodes peuvent nous aider à rester joyeux, à trouver la paix aucœur du tourbillon du monde, à vivre bien, à apprécier chaque ins-tant de vie de notre existence humaine.

De grands maîtres ont écrit qu'il leur avait fallu beaucoup d'an-

nées de pratique continue pour réaliser le yoga du sommeil. Nevous découragez donc pas si vous n'avez pas réussi à votre premierou à votre centième essai. Le simple fait d'essayer a des résultats

 posi tifs . Tout ce qui intro duit davan tage de consc ience dans votrevie est bénéfique. Il faut beaucoup de motivation soutenue et de pra-tique pour réaliser l'objectif. Ne vous laissez pas aller au découra-gement. Pratiquez de tout votre être. Avec une forte motivation etun effort joyeux, vous trouverez sûrement que votre vie change defaçon positive et vous parviendrez certainement à la réussite dansles pratiques.

J'espère que les lecteurs de ce livre auront découvert une nouvelleconnaissance du rêve et du sommeil, qui contribuera à améliorerleur vie quotidienne et qui les conduira, ultimement, à l'éveil.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 110/114

appendice   217

 AP PE ND ICE

RESUME DES PRATIQUES

DU YOGA DU RÊVE

LES QUATRE PRATIQUES PRÉLIMINAIRES

modifier les traces karmiques

Gardez toute la journée la conscience que tout ce qui arrive est unrêve. Considérez que toutes les choses sont les objets d'un rêve, quetous les événements surviennent dans un rêve, que toutes les per-sonnes appartiennent à un rêve. Voyez votre propre corps comme uncorps illusoire transparent. Imaginez que vous faites un rêve lucide

 pen dant tou te la jou rnée . Ne lais sez pas ces rapp els deven ir desimples répétitions dénuées de sens. Chaque fois que vous pensez :

"C'est un rêve", devenez réellement plus lucide. Impliquez votrecorps et vos sens dans l'accroissement de la présence.

extirper la saisie et le rejet

Considérez tout ce qui provoque le désir et l'attachement commela manifestation illusoire, vide et lumineuse d'un rêve.Reconnaissez que toutes les réactions aux manifestations appar-tiennent à un rêve : les émotions, les jugements, les préférences,tous sont rêvés. Vous aurez la certitude que vous le faites correcte-ment si, immédiatement après vous être souvenu que votre réactionétait onirique, le désir et l'attachement diminuent.

renforcer la résolution

Avant d'aller dormir, passez la journée en revue et réfléchissez àce que fut la pratique. Laissez s'élever les souvenirs du jour etconsidérez-les comme des souvenirs oniriques. Développez laferme intention d'être conscient dans les rêves de la nuit à venir.Mettez tout votre cœur dans cette aspiration et priez fortement poursa réussite.

cultiver la mémoire et l'effort joyeux

Débutez la journée avec la ferme intention de continuer à prati-quer. Pensez à votre nuit et soyez heureux si vous vous souvenez devos rêves ou êtes resté lucide en les faisant. Reprenez l'engagement

de pratiquer, dans l'intention de devenir lucide si vous ne l'avez pasété, ou afin de développer davantage la lucidité si vous l'avezatteinte. Il est bon de prier pour le succès de la pratique à toutmoment dans la journée ou la soirée. Que votre motivation soitaussi puissante que possible. C'est la clé de la pratique.

PRATIQUES PRÉPARATOIRES AU SOMMEIL

neuf respirations purificatrices

Assis dans la posture de méditation avant de vous allonger pourdormir, faites neuf respirations purificatrices.

 gourou yoga

Pratiquez le gourou yoga. Générez une forte dévotion, puis mêlezvotre esprit à la pure conscience du maître, le maître ultime qui estla conscience primordiale, votre vraie nature.

 protectionAllongez-vous dans la position correcte, les hommes sur le côté

droit, les femmes sur le côté gauche. Imaginez que des dakinis vousentourent et vous protègent. Transformez par l'imagination votrechambre en un environnement sacré et protégé. Adoucissez votrerespiration et calmez votre esprit; observez-le jusqu'à ce que voussoyez détendu et présent, non pas plongé dans des histoires et desrêveries. Créez la forte intention d'avoir des rêves clairs et vifs, devous en souvenir et de reconnaître le rêve pour un rêve en le faisant.

LA PRATIQUE PRINCIPALE

mettre la conscience dans les canaux centraux

C'est la pratique de la première veille de la nuit. Portez l'attentionsur le chakra de la gorge, sur le A pur, translucide et cristallin, quiest teinté en rouge par la couleur des quatre pétales du lotus surlequel il est posé. Fusionnez avec la lumière rouge.

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 111/114

218  yogas tibétains du rêve et du sommeil

accroître la clarté

Environ deux heures plus tard, réveillez-vous. Toujours allongédans la posture du lion, faites sept respirations. Concentrez-vous surle tiglé blanc dans le chakra de l'entre sourcils en vous endormant.

Laissez la lumière blanche dissoudre toute chose, jusqu'à ce qu'elleet vous ne fassiez plus qu'un.

renforcer la présence

Deux heures plus tard, réveillez-vous à nouveau. Adossez-vous àun gros oreiller en croisant légèrement et confortablement les

 jam be s. Poi nte z vot re att ent ion sur le HO UN G noi r du cha kra ducœur. Respirez profondément, pleinement et doucement vingt etune fois. Immergez-vous dans le  HOUNG noir et endormez-vous.

développer l'intrépidité

Deux heures plus tard, réveillez-vous à nouveau. Il n'est pasnécessaire d'adopter une position, ou de faire une respiration, par-ticulières. Concentrez-vous sur le tiglé lumineux noir du chakrasecret, en arrière des organes génitaux. Endormez-vous en fusion-nant avec la lumière noire.

Essayez, lors de chaque réveil, d'être présent et d'être dans la pra-tique. En vous réveillant pour la dernière fois de la nuit, au matin,soyez immédiatement présent. Passez la nuit en revue, générez lesintentions et continuez la pratique durant la journée.

Il est utile, de plus, de prendre le temps de pratiquer la méditationdu calme mental (chiné) pen dant la journ ée. Cela contribu e à rendrel'esprit paisible et concentré, et toutes les autres pratiques en béné-ficieront.

Le point le plus important des pratiques préparatoires et princi- pal es est de mai nte nir la pré sen ce aus si ass idû men t que pos sib le pen dan t la j ou rn ée et la nui t. C'es t l'e sse nce des yog as du rêv e etdu sommeil.

GLOSSAIRE

bardo (tib. bar do ; set.  antarabhava). Bardo signifie "état entre-deux". Cemot désigne toute étape de transition existentielle - la vie, la méditation,le rêve, la mort - mais s'applique communément à l'état intermédiaireentre la mort et la naissance suivante.

bœun  (tib.  bon).  Le Bœun est une tradition spirituelle indigène du Tibet,antérieure au bouddhisme indien. Bien que les érudits ne s'accordent passur l'origine du Bœun, la tradition se réclame d'une lignée ininterrompuede dix-sept mille ans. Comparable à certaines lignées du bouddhisme tibé-tain, notamment Nyingmapa, le Bœun s'en distingue par une iconographiedistincte, une tradition chamanique riche et une lignée propre remontantau Bouddha Shénrab Miwoché plutôt qu'au Bouddha Shakyamouni. Lesneuf véhicules du Bœun contiennent des enseignements sur desmatières pratiques, telles la grammaire, l'astrologie, la médecine, la divi-nation, la pacification des esprits, etc., ainsi que des enseignements sur lalogique, l'épistémologie, la métaphysique, les différents niveaux de tantraet les lignées complètes de la Grande Perfection (Dzogchèn).

canaux (tib.  tsa;  set.  nadï).  Les canaux sont les "veines" du système cor-

 porel de circ ulation d'énergie. Ils s ont parcouru s des courants de l'éne rgiesubtile qui soutient et anime la vie. Les canaux eux-mêmes sont de l'éner-gie et n'ont aucune dimension physique. Cependant, l'expérience permetde prendre conscience de leur présence par la pratique, ou en développantla sensibilité naturelle.

chakra (tib.  khor lo). Littéralement "roue" ou "cercle". Chakra est un motsanscrit désignant les centres énergétiques du corps. Un chakra est un lieuvers lequel convergent un certain nombre de canaux d'énergie  (tsa).Différents systèmes de méditation travaillent avec différents chakras.

chiné  (tib.  shi gnas;  set.  samatha).  "Calme mental" ou "tranquillité". La pratique du calme mental utilise la focalisatio n sur des objets extérieurs ouintérieurs pour développer la concentration et la stabilité mentales. La pra-tique du calme mental est fondamentale. Elle est la base à partir delaquelle peuvent se développer toutes les autres pratiques supérieures deméditation. Elle est nécessaire pour les yogas du rêve et du sommeil.

dakini  (tib.  mkha'gro ma).  L'équivalent tibétain de dakini est  khandroma,

qui signifie littéralement "messagère céleste". "Céleste" s'applique ici à lavacuité, dans laquelle se déplace la dakini, signifiant ainsi qu'elle agit en pleine réalisa tion de la vacuité, la réalité absolue. Une dakini peut être une

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 112/114

220  yogas tibétains du rêve et du sommeil glossaire 221

femme qui a réalisé sa nature vraie, ou un être féminin non-humain, ouune déesse, ou la manifestation directe de l'esprit éveillé. Dakini désigneaussi une classe d'êtres nés dans le monde pur des dakinis.

dharma  (tib.  chos).  Terme très vaste ayant plusieurs significations. Dansle contexte de ce livre, le dharma est à la fois l'enseignement spirituel qui

remonte aux bouddhas et le chemin spirituel lui-même. Dharma signifieaussi existence.

dharmakaya  (tib. chos sku). Il est dit qu'un bouddha a trois corps  (kaya)  :dharmakaya,  sambhogakaya  et nirmanakaya.  Le dharmakaya, souvent tra-duit par "corps absolu", se réfère à la nature absolue du bouddha, com-mune à tous les bouddhas et identique à la nature absolue de tout ce quiexiste, à savoir la vacuité. Le dharmakaya est non-duel, vide de concep-tualisation et libre de toute caractéristique, (voir   sambhogakaya  et  nir-manakaya)

djalu  (tib.  ja lus).  Le "corps d'arc-en-ciel". Dans le Dzogchèn, le signequi manifeste la pleine réalisation est l'obtention du corps d'arc-en-ciel.Le pratiquant dzogchèn réalisé - qui n'est plus dans l'illusion d'une maté-rialité apparente ou de la dualité esprit/matière - libère l'énergie des élé-ments constitutifs du corps physique au moment de mourir. Le corps sedissout à l'exception des ongles et des cheveux, et le pratiquant entreconsciemment dans la mort.

Dzogchèn  (tib.  rdzogs chéri).  La "grande perfection", le "grand accom- plissement". Le Dzogchèn est considéré comme l'enseignemen t et la pra -tique suprêmes dans le Bœun et dans l'école Nyingma du bouddhismetibétain. Sa doctrine fondamentale affirme que la réalité, incluant l'indi-vidu, est déjà complète et parfaite, qu'il n'existe rien à transformer(comme dans le  îantrd)  ou à quoi il faille renoncer (comme dans les   sou-tras),  qu'il suffit de reconnaître ce qui est vraiment. La pratique essentielledu Dzogchèn est "F auto-libération" : laisser tout ce qui survient exister telque cela survient, sans élaboration de l'esprit conceptuel, sans saisie niaversion.

empreinte karmique  {tib. bag chags).  Toute action, physique, orale oumentale entreprise intentionnellement et avec ne serait-ce qu'un peud'aversion ou de désir par une personne laisse une empreinte dans soncourant de conscience. L'accumulation de ces empreintes karmiquesconditionnera chaque moment vécu par l'individu, de façon positive ounégative.

gardiens  (tib.  srung ma / chos skyong   ; set.  dharmapala).  Les gardienssont des êtres masculins ou féminins voués à la protection du dharma (lesenseignements) et du pratiquant de ces enseignements. Ils peuvent être des

 protecteurs temporels, ou les manifesta tions irritées d'êtres éveillés. Les pratiquants tantriques se concilient généralement les f aveurs des gardiensassociés à leur lignée et se fient à eux.

gong-ter   (tib. gong gter).  Il existe une tradition des  termas  dans la culturetibétaine. Ce sont des objets sacrés, des textes, des enseignements, cachés

 par le s maî tres d'une autre époque pour le bi en de l'âge futur dans lequelces termas seront découverts. Les maîtres tantriques qui trouvent les ter-mas sont appelés  terteuns,  découvreurs de trésors. Les termas ont été, etsont encore, découverts dans des lieux matériels comme les grottes et lescimetières, ou dans les éléments comme l'eau, le bois, la terre, l'espace ;on peut les recevoir en rêve ou par des visions. On peut aussi les trouverdans les niveaux profonds de la conscience, et l'on parle alors de gong-ter,trésor de l'esprit.

karma (tib.  las).  Karma signifie en réalité "acte", mais renvoie plus géné-ralement à la loi de causalité. Toute action, physique, orale ou mentale estune "graine" qui portera des "fruits", ou conséquences, dans le futurlorsque les conditions en seront réunies. Les actes positifs ont des effets

 positifs, tel le bonheur ; les actes négatifs ont des effet s négatifs, tel le mal -heur. Le karma n'implique pas que la vie soit pré-déterminée, mais que lesévénements se produisent à partir des actions passées.

kunshi  (tib. kun gzhi). Le kunshi est, dans le Bœun, la base de tout ce qui

existe, y compris l'individu. Il n'est pas synonyme de  Yalaya vijnana  duYogachara, qui ressemble au kunshi namshé  (voir infra). Le kunshi estl'union de la vacuité et de la clarté, l'union de l'absolue indéterminationouverte de la réalité ultime et du déploiement infini de l'apparence et de laconscience. Le kunshi est la base, ou fondement, de l'être.

kunshi namshé  (tib.  kun gzhi rnam ches;  set.  alaya vijnana).  Il s'agit dela conscience de base de l'individu. C'est "l'entrepôt", le "magasin" oùsont stockées les empreintes karmiques d'où naissent les futures expé-riences conditionnées.

lama (tib. bla ma  ; set. guru).  Lama signifie littéralement "mère suprême"et s'applique à un maître spirituel, dont l'importance est insurpassable

 pour le pratiquan t. La traditi on tib étaine considère que le lama est plusimportant que le bouddha, car c'est le lama qui donne vie aux enseigne-ments pour l'étudiant. Au niveau ultime, le lama est notre propre nature de

 bouddha. Au niveau relatif, il est no tre en seignant per sonnel.

loka (tib. jig rteri). Littéralement : "monde" ou "système de mondes". Lokaest souvent employé pour désigner les six mondes de l'existence cyclique,mais le mot s'applique en réalité à un système plus grand d'univers dont l'uncontient les six mondes (voir   six mondes de l'existence cyclique).

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 113/114

222  yogas tibétains du rêve et du sommeil

loung (tib.  rlung   ; set.  vayu). C' est le vent d'énergie vitale habituellementdésigné en Occident par l'un de ses noms sanscrits, prana. Loung a unegrande palette de significations: dans le contexte de ce livre il s'agit del'énergie vitale dont dépendent à la fois la vitalité du corps et laconscience.

ma-rigpa  (tib.  ma rig pa\  set.  avidya).  Ignorance. C'est l'ignorance quiconsiste à ne pas connaître la vérité, la base, kunshi. On décrit souventdeux variétés d'ignorance, innée et culturelle.

nirmanakaya (tib. sprul sku). Le nirmanakaya est le "corps d'émanation"du dharmakaya. C'est la manifestation visible, matérielle, d'un bouddha.Le mot connote aussi la matérialité.

prana  (voir   loung).

rigpa  (tib.  rig pa; set.  vidya).  Littéralement: "conscience" ou "connais-sance". Ce mot désigne la connaissance de la vérité, la conscience innée,la vraie nature de l'individu, dans les enseignements dzogchèn.

rinpoché (tib. rin po chê). Littéralement : "le précieux". Appellation hono-rifique d'usage à l'égard d'un lama incarné.

samaya (tib. dam tshig).  Engagement ou vœu. Désigne communément lesengagements de comportement et d'actes pris par l'adepte d'une pratiquetantrique. Il existe des vœux généraux et des vœux spécifiques à certaines

 pratiques.

sambhogakaya  (tib.  longs sku). Le "corps de jouissance" d'un bouddha.Le sambhogakaya est un corps entièrement fait de lumière, souvent visua-lisé dans les pratiques tantriques et soutriques. Dans le Dzogchèn, onvisualise plus souvent l'image du dharmakaya.

samsara  (tib.  'khor ba).  Le monde de la souffrance qui naît de l'espritaveuglé fonctionnant en mode duel, où tout est impermanent, dépourvud'existence inhérente, et où tous les êtres souffrent. Le samsara comprendles six mondes d'existence cyclique mais désigne généralement le moded'existence des êtres qui souffrent du fait de leur emprisonnement dans lesillusions de l'ignorance et de la dualité. Le samsara prend fin lorsqu'unêtre atteint la libération totale de l'ignorance, le nirvana.

Shènla Eukar (tib. gShen IHa ' od dkar). Shènla Eukar est la forme samb-hogakaya du bouddha Shénrab Miwoché, fondateur du Bœun.

six mondes d'existence cyclique (tib. rigs drug). Nommés communément

"les six mondes" ou les "six lokas". On y trouve six classes d'êtres : dieux,demi-dieux, humains, animaux, esprits avides, esprits infernaux. Les êtresdes six mondes éprouvent la souffrance. Ce sont des mondes réels dans

 glossaire  223

lesquels naissent des êtres, et aussi de vastes zones expérientielles et affec-tives d'expériences potentielles qui forment et limitent même notre expé-rience dans la vie présente.

soutra  (tib.  mdo).  Les soutras sont les textes recensant les paroles duBouddha historique. L'enseignement des soutras expose la voie du renon-cement et fonde la vie monastique.

tantra  (tib.  rgyud).  Les tantras sont des enseignements des bouddhas,comme les soutras, mais beaucoup sont des termas re-découverts par desyogis. Les tantras reposent sur la voie de la transformation et comprennentdes pratiques telles que le travail sur l'énergie, le transfert de conscience,les yogas du rêve et du sommeil, ainsi de suite. Certaines classes de tan-tra, du chemin de la transformation non-graduelle, peuvent aussi contenirdes enseignements sur le Dzogchèn.

Tapihritsa  (tib.  ta pi hri tsa).  Bien qu'il soit considéré comme un person-nage historique, Tapihritsa est représenté sous l'aspect dharmakaya d'un

 bouddha, nu, sans ornements, personnif iant la ré alité absolue. Il est l'undes deux maîtres principaux de la lignée dzogchèn du Shang Shoung NyènGyud.

tcheu  (tib.  geod).  Littéralement : "couper à travers", "trancher".Egalement désignée comme "l'emploi opportun de la peur" et "la pratiquedu don", la pratique de tcheu est un rituel destiné à se défaire de tout atta-chement à son propre corps et à l'ego, en donnant avec compassion auxautres êtres tout ce que l'on est. On utilise à cet effet l'évocation élaboréede classes d'êtres variées et le dépeçage imaginaire de son propre corpsdont les éléments sont transformés en objets et substances d'offra nde. Lerituel comporte des chants mélodieux et l'emploi de tambours, de clocheset de cors ; on l'effectue généralement dans des lieux qui inspirent la peur :charniers, cimetières, cols isolés.

tiglé (tib.  thig lé ; set.  bindu). Tiglé a de nombreux sens selon le contexte.Il est généralement traduit par "goutte" ou "point séminal", mais, dans lecontexte des yogas du rêve et du sommeil, il désigne une brillante sphèrede lumière qui représente une qualité de la conscience et sert de point defocalisation.

trois poisons racines.  Ce sont l'ignorance, l'aversion et le désir, les troisafflictions fondamentales qui perpétuent la continuité de la vie dans lemonde de la souffrance.

tsa  (voir  canaux).

yidam (tib. yid dam ; set. devata). Le yidam est une divinité tutélairè ou deméditation incarnant un aspect de l'esprit éveillé. Il existe quatre

8/12/2019 5les Yogas Tibetain Du Reve Et Du Sommeil Tenzin Wangyal v2

http://slidepdf.com/reader/full/5les-yogas-tibetain-du-reve-et-du-sommeil-tenzin-wangyal-v2 114/114

224  yogas tibétains du rêve et du sommeil

catégories de yidam correspondant à l'apaisement,   Venrichissement,  ladomination et la violence. Les yidams se manifestent sous ces différentsaspects pour surmonter des forces négatives particulières.

yogi (tib.  mal 'byor pa).  Pratiquant masculin de yogas de la méditation,tels que les yogas du rêve et du sommeil.

yogini (tib.  mal 'byor ma).  Pratiquante de yogas de la méditation.

Shang Shoung Nyèn Gyud (tib.   Shang Shung snyan rgyud).  Le ShangShoung Nyèn Gyud est l'un des plus importants cycles des enseignementsdzogchèn dans le Bœun. Il appartient à la série  upadesha  des enseigne-ments.

Achevé d'imprimer sur les presses de l'Imprimerie Darantiere à Dijon-Quetignyen septembre 2001 - Dépôt légal: septembre 2001 - N° d'impression: 21-1074

top related