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L'INITIATION AU CALCUL ENTRE 5 ET 7 NS Esquisse d'une méthode et d'une progression. Le texte ci-dessous a été publié d'abord en 3 articles épars dans « l'Ecole Publique, supplément mensuel de ITEducation Nationale » au cours de l'année 7947. ll a paru expédient de reproduire ce document dans sa forme originale mais de le compléter, en tant que de besoin, Par des notes et éclaircissements qu'on trouvera à la suite. A. MÉTHODE. - Le chemin qu'un écolier doit parcourir, en calcul, entre 5 et 7 ans, se définit avec simplicité : A 5 ans, l'enfant ne sait rien, ale droit de ne rien savoir; A 7 ans, il doit connaître les 100 premiers nombres et savoir opérer sur eux. A 5 ans, le petit rural est conduit pour la première fois à l'école de son village; l'enfant des villes entre dans la section des Grands de l'École maternelle, où, pour la première fois, un Lui propose des exercices d'initiation au calcul. Tout au plus, au cours de l'annee précédente, a t-on pu lui proposer des jeux « éducatifs e qui l'ont mis sur la voie de l'aperception du nombre. On a pu, par exemple, lui faire trier des cartons d après le nombre d'objets qui y figurent. Imaginons 2 séries de cartons, les uns portant 2 lapins verts, les autres 3 poulettes rouges. L'enfant les sépare en prenant appui sur la couleur et sur la nature des animaux représentés. A un deuxième stade, l'exercice consistera a trier des cartons de 2 .lapins verts et des cartons de 3 lapins verts, le point d'appui sensoriel disparaissant; et à un troisième stade enfin, l'enfant, placé devant 4 sortes de cartons (2 lapins verts, 3 lapins verts, 2 poulettes rouges, 3 poulettes rouges) devra mettre à part, non point les poulettes ou les lapins, mais les groupes de 2 ou les groupes de 3 sans s'arrêter à la nature des objets représentés.

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L'INITIATION AU CALCUL ENTRE 5 ET 7 NSE s q u i s s e d ' u n e m é t h o d e e t d ' u n e p r o g r e s s i o n .

L e t e x t e c i - d e s s o u s a é t é p u b l i é d ' a b o r d e n 3 a r t i c l e s é p a r s d a n s « l ' E c o l e P u b l i q u e , s u p p l é m e n t m e n s u e l d e I T E d u c a t i o n N a t i o n a l e » a u c o u r s d e l ' a n n é e 7 9 4 7 .

l l a p a r u e x p é d i e n t d e r e p r o d u i r e c e d o c u m e n t d a n s s a f o r m e o r i g i n a l e m a i s d e l e c o m p l é t e r , e n t a n t q u e d e b e s o i n , P a r d e s n o t e s e t é c l a i r c i s s e m e n t s q u ' o n t r o u v e r a à l a s u i t e .

A. MÉTHODE. - Le chemin qu'un écolier doit parcourir, en calcul, entre 5 et 7 ans, se définit avec simplicité :

— A 5 ans, l'enfant ne sait rien, ale droit de ne rien savoir;— A 7 ans, il doit connaître les 100 premiers nombres et

savoir opérer sur eux.A 5 ans, le petit rural est conduit pour la première fois à

l'école de son village; l'enfant des villes entre dans la section des Grands de l'École maternelle, où, pour la première fois, un Lui propose des exercices d'initiation au calcul. Tout au plus, au cours de l'annee précédente, a t-on pu lui proposer des jeux « éducatifs e qui l'ont mis sur la voie de l'aperception du nombre. On a pu, par exemple, lui faire trier des cartons d après le nombre d'objets qui y figurent. Imaginons 2 séries de cartons, les uns portant 2 lapins verts, les autres 3 poulettes rouges. L'enfant les sépare en prenant appui sur la couleur et sur la nature des animaux représentés. A un deuxième stade, l'exercice consistera a trier des cartons de 2 .lapins verts et des cartons de 3 lapins verts, le point d'appui sensoriel disparaissant; et à un troisième stade enfin, l'enfant, placé devant 4 sortes de car tons (2 lapins verts, 3 lapins verts, 2 poulettes rouges, 3 poulettes rouges) devra mettre à part, non point les poulettes ou les lapins, mais les groupes de 2 ou les groupes de 3 sans s'arrêter à la nature des objets représentés. Ainsi se trouve esquissée une suite d'exercices — que, dans la pratique, on pourra diversi fier et graduer comme on voudra — selon laquelle l'enfant de 4 à 5 ans, prenant appui d'abord sur des données sensorielles et concrètes (forme, couleur, nature des objets), passe de là à la considération du nombre ou de la quantité des objets, abstrac tion faite de ces données ou même en les contrariant.

On observera que ces exercices n'aboutissent pas nécessaire -ment à la notion de tel ou tel nombre défini . On peut ne pu

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10 L'ENFANT ET LE NOMBRE

t iepasser le stade de la discrimination de quanti tés saisies glo. Ia lement : l 'absence (aucun, pas du tout) , l 'unité, une faible quanti té (quelques-uns un peu), une grande, ou plus grande , i t ranti te (beaucoup), sans dépasser cette « évaluation quali ta t ive » que l 'adulte exprime en général par des adjectifs ou pronoms indéfinis. Ainsi , dans certaines peuplades très primitives, e berger, incapable de dénombrer ses ouailles, sai t tout de même évaluer globalement son troupeau, sent s ' i l est au complet au non.

On peut encore exercer l 'enfant de quatre ans et demi sur une gravure présentant une route en Y à la bifurcation de taquelle des groupes de cyclistes, tantôt se joignent et tantôt se séparent; et l 'on peut faire parler l 'enfant sur ces « opérations », te familiariser avec les notions qu'expriment des mots comme : se séparer, ensemble, à part, ajouter, enlever, partager, moitié. . . exercices de langage qui préludent à l 'acquisition des notions arithrnologiques fondamentales et préparent de longue main aux opérations ari thmétiques.

Niais cet te pré-init ia t ion ne s 'adresse qu'à une extrême mino -ri té d 'enfants — quelques élèves bien doués des bonnes classes maternel les ou enfant ines — et , dans ce cas très favorable, demeure . f ragmentaire , toute concrète e t sensorirnotr ice et de faible portée. La pré-ini t iat ion des autres enfants est ce qu 'el le peut , au gré des conversations famil ia les et des expériences de hasard. En gros, i l reste vrai qu'en calcul , tout est à fa ire après cinq ans, tout est à prendre à pied d 'oeuvre.

Deux ans plus tard par contre, le jeune écolier qui va entrer au cours élémentaire doit tenir un bagage très explicitement défini par le programme officiel du cours préparatoire; i l doit savoir « compter jusqu'à 100 ».

Le problème pédagogique qui nous occupe id est donc de doter "enfant de 7 ans de la connaissance assurée (automatique) de ce programme, par des procédés efficaces (économiques), éducatifs, et, si possible, plaisants, la route à parcourir se décomposant naturellement en deux étapes : une première année (5à ans) d'initiation Libre, où l 'on musarde un peu en chemin, où chaque enfant va aussi loin qu'il ¶e peut, selon sa fréquenta tion, sa capacité ou même son ban vouloir, et une deuxième année icours préparatoire) où faisant fonds sur une fréquen tation régulière et une maturité intellectuelle beaucoup plus grande, i l s 'agit (l 'aller de l 'avant et d'atteindre le but.

Ainsi se trouve délimité, e t « cadré » le sujet de cette étude.

0

Mais , pour ser rer la chose de p lus près , qu 'es t -ce donc que « savoi r compter jusqu 'à 100 »?

C'est d'abord — c'est uniquement pour certains parents — être capable de réciter La suite naturelle des 100 premiers nom- bres : un, deux, trois, ....... et , parfois, de les écrire : 1, 2, 3, . On aperçoit tout de suite que cette récitat ion li t térale d'une suite de mots, si elle est réduite à elle-même, représente exacte-

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L'INITIATION AU CALCUL ENTRE ET 7 ANS 11

ment une habitude verbale, un enchaînement de sons proférés, c'est-à-dire de mouvements des organes phonateurs, se déroulant de lui-même, dans un seul sens, dans un seul ordre, chaque terme introduisant automatiquement le suivant, sans aucun. effort, sans aucun travail d'interprétation ou d'organisation intellectuelle. A la limite, un jeune enfant peut réciter la suite des nombres sans rien- y comprendre, comme l 'acolyte débite imperturbablement le Confiteor sans connaître un mot de latin.

De même, tracer, sous la dictée ou autrement, le signe gra -phique 7, ou 12, ou 54, c'est déclencher un enchaînement de mouvements des doigts, de la main, du poignet, qui, parvenu à sa perfection, devient entièrement automatique et constitue une habitude motrice.

Réciter la suite des nombres, ou les écrire, ce n 'est donc nul -lement de l 'ar t ihmétique, ni même du calcul . Mais, pour se

développer sur l 'humble plan de l 'habitude, ces connaissancesn'en sont pas moins indispensables à toute opération plus relevée. Et. principalement, elles permettent le dénombrement d'une collection d'objets.

•Savoir compter, et nommément savoir compter jusqu'à cent,

c'est aussi, en effet, pouvoir dénombrer, à l'aide de la suite naturelle des nombres, une série ou collection d'objets réels et présents. Soit, par exemple, une file de wagons. Je peux d'abord l'évaluer d'ensemble, en gros, d'un coup d'oeil. Mais je puis aussi faire correspondre à chacun d'eux un nombre, en par tant de 1 et en suivant l'ordre de la numération. A chaque wagon, je prononce le nom d'un nombre; et arrivé au dernier, il se trouve que je prononce le nombre 38. Je sais dès lors que la rame est de 38 wagons et non de 37 ou de 40. Je dispose dès lors d'un moyen d'appréciation beaucoup plus précis — et de plus large portée — que l'évaluatiun qualitative décrite plus haut

Ainsi certaines peuplades plus évoluées que notre berger pri -mitif ont-elles appris à dénombrer grâce à un curieux système de numération, le premier objet étant mis en correspondance avec l 'auriculaire gauche, le deuxième avec l 'annulaire, et ainsi de suite en passant par le poignet, le coude, l 'aisselle, et eu redescendant ensuite le bras droit jusqu'à l 'auriculaire. Ces bons sauvages se sont ainsi donné un pittoresque instrument de calcul, de portée limitée certes, moins maniable et moins astu -cieusement combiné que notre système décimal, mais qui rend des services tout à fait analogues.

Ces techniques sont très précieuses et c'est sur elles seules que l'humanité a vécu durant des millénaires. Ce que les anciens appelaient calcul n'était rien d'autre que la manipulation et le dénombrement de petits cailloux, ou calculs, figurant les objets, sur lesquels on opérait'.

1. Voir note I, p. 28.

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Mais dans la plupart de nos classes enfantines ou prépara -toires, i l n 'est pas sûr, en dépit de quelques apparences spé -cieuses, qu'on s 'élève beaucoup au-dessus du dénombremen mécanique. Lôrsqu'un enfant compte sur ses doigts, compte des bûchettes ou des barres tracées sur l 'ardoise, i l ne fait que dénombrer des objets; et de mémé lorsque, pressé de renoncer à ces béquilles, dans l ' incapacité où il se trouve d'opérer d'un seul coup, i l se récite mentalement la suite des nombres, les noms ainsi proférés, surtout s ' ils sont nettement scandés, cons -tituant à leur manière des objets concrets.

Or ce sempiternel dénombrement , à quoi se rédui t t rop sou -vent le 4 : calcul concret » , présente au moins deux inconvé- nients en premier l ieu, comme il se ramène, qu'i l s 'agisse

d'additions ou de soustractions, voire de petites multiplicat ions ou divisions, à réciter un tronçon de la suite des nombres et à une opération, manuelle le plus souvent, de mise en corres -pondance d'une série d'objets à la série numérale, i l constitue une méthode d' init iat ion lente, d 'une monotonie fastidieuse, et qui ne peut passer pour act ive que si l 'on veut confondre mani -pulat ion de matériel et activité de l 'esprit .

Le maniement des bûchettes, la gesticulation digitale, le preste tracé de barres sur l 'ardoise, peuvent à la rigueur déve-lopPer la dextérité de la main; mais cette précieuse qualité trouve de meilleures occasions de s 'affirmer dans d'autres disciplines. Le calcul, les mathématiques, voire à leurs humbles débuts, doivent développer une activité plus rationnelle, de l 'ordre de l 'esprit et non pIus de l 'ordre du corps; et cette pra -tique routinière laisse l 'esprit vide et somnolent.

En second lieu, il sera extrêmement difficile d'arracher l 'en -fant devenu grand à la servitude du calcul concret.

Dans de nombreux cours élémentaires, ou même cours moyens, on trouve souvent de grands benêts qui comptent sur leurs doigts (en cachette, lorsque M. l 'Inspecteur est là) ou qui, som més de résoudre une simple opération, comme 8 + 5, se récitent intérieurement à eux-mêmes

8, 9, 1G, 11, 12, 13en évoquant des doigts imaginaires.

Au vrai, avec ces élèves e mal débutés », comme on dit , I l n 'est qu'un moyen d'en sortir , qui est de leur faire apprendre par cœur les tables d'addition. Comme i l a appris jadis la suite naturelle des nombres, le grand benêt de 8 ou 9 ans, si on l 'assujet t i t tous les jours à répondre à des interrogations rapides sur la table d 'addition (8 et 5 ? 4 et 3 ? 7 et 9 ? 8 et 4 ? . . . ) f inira par proférer sans hési tation les groupes de mots huit et cinq, treize; quatre et t rois, sept; etc. . . et se l ibérera ainsi de la servitude des bûchettes, des barres ou des doigts.

Oui, mais ce sera passer d'une routine à une autre. Or, il y a beaucoup mieux à faire. L'étude des premiers nombres peut donner occasion à une formation admirable de valeur éducative dont la méthode., ébauchée d'abord par de bonnes institutrices,

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L'INITIATION AU CALCUL ENTRE 5 ET 7 ANS 13

reprise ensuite par les auteurs de certains manuels récents, vient enfin d'être officiellement consacrée par les programmes et les' instructions de 1945. Cette conception nouvelle de l ' initiation au calcul, qui n'est pas sans parenté avec les méthodes nouvelles d'apprentissage de la lecture, forme à notre sens, une des meilleures conquêtes de la pratique pédagogique au cours du dernier quart de siècle.

Lorsque je dénombre une fi le de wagons, je constate, par correspondance avec la suite des nombres, l 'ordre du dernier. Le dénombrement m'indique qu' i l occupe le 3 & m e rang, d 'où je conclus implici tement que leur nombre est de 38. Mais, outre qu' i ls consti tuent une très s imple et t rès maniable « série ordon -née de référence », les nombres ont chacun une valeur cardi-nale, une signification individuelle, une f igure propre. Déjà Kant avait observé que, lorsqu'on effectue l 'addit ion 7 -I- 5, on obtient un nombre nouveau, 12, dont les propriétés (pair, mult i -ple de 3, de 4, de 6. . . ) n 'étaient nullement incluses dans l 'une ou l 'autre des part ies de la sommet.

Plus s implement, soi t , par exemple, le nombre 4. Je sais qu ' i l est placé, dans la sér ie numérale , entre 3 et 5 . Mais cet te place n 'es t pas cont ingente et convent ionnel le (comme, dans le sys -tème du bon sauvage, l 'épaule droi te es t , par convent ion, à 6 rangs après l ' index gauche. . . ) . Dans notre échel le numérale , la place de 4 es t fondée en nature, fondée sur une nature mathématique. I l est égal à 3 + l 'uni té ou à 5 — l 'uni té . Et i l a sa f igure propre; son individual i té , t rès dif férente de cel le de ses deux vois ins : i l est pair , i l est carré . . .

On peut donc concevoir une étude individuel le de 4, comme, en d 'autres discipl ines , une étude du pet i t pois , espèce botani -que, ou du losange, espèce géométr ique.

Je le définis, je le pose par rapport à 3, supposé connu. Si, à une collection de trois objets, j 'ajoute une unité, j 'obtiens une collection nouvelle, qui s 'exprime par le nombre quatre. (Pro -noncez : quatre, écrivez : 4.) Puis, cette espèce définie, j 'en étudie les propriétés, c 'est-à-dire les décompositions. La notion de 4 enferme en elle les décompositions virtuelles : 1 plus 1 plus 1 plus 1; 2 plus 1 plus 1; 2 plus 2; 3 plus 1; et les décomposi -tions obtenues en intervertissant l 'ordre des parties dans celles de ces décompositions qui ne sont pas symétriques (1 plus 1 plus 2; 1 plus 2 plus 1; 1 plus 3).

A vrai dire, la notion de 4 implique aussi la propriété de se composer avec tous les nombres, y compris lui-même, pour constituer d'autres nombres déterminés. Quatre est le nombre, l 'unique nombre, qui, ajouté à 1, donne 5, qui, retranché de 19, donne 15... Et ces compositions sont en nombre infini, comme la suite des nombres. Le nombre 4 une fois posé, une infinité d'opé-

2. Kant, Critique de la Raison pure, édit. Barni. p. 59.

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14 L'ENFANT ET LE NOMBRE

rations possibles découle rigoureusement de cette position; et c'est cela qui fait la nature propre du nombre 4 3 .

On objectera que ces considérations philosophiques ne sont pas de saison à la section enfantine, que l'enfant se soucie peu de contempler les essences arithmétiques et laisse aux pythagori -ciens attardés le souci de la mathématique spéculative. Voire t Il y a quelques années, mon jeune ami Pierre (4 ans 3 mois, élevé seul dans sa famille), s'en allait au gré de son humeur à la découverte des premiers nombres. Déjà il connaissait 1 (tout seul), 2 et 3; il savait reconnaître 2 bols, 3 enfants ou même 3 coups frappés sur la table. Or, cette semaine-là, il était en train de conquérir le nombre 4.

— Mais, dis-moi, s 'écria-t-il un jour ex abrupto, 2 et 2 c'est done aussi 3 et 1 ?

Il jubilait, après cette glorieuse découverte. Je répondis affir -mativement et, pour éprouver le contenu de cette intuition, je pris 4 objets que je trouvai sous la main et j 'en formai des schémas par 2 et 2, puis par 3 et 1; mais lui, ravi dans sa con-templation idéale, ne s'intéressait guère à ces manipulations vulgaires; et lorsque j'ajoutai, d'un ton finememi pédagogique

— Et bien! que ce soient des carottes ou des couteaux, toujours 2 et 2 c'est aussi 3 et 1.

Mon jeune mathémat ic ien la i ssa tomber sur moi un regard lourd de dédain e t me répondi t

— Mais bien sûr, du moment que 2 et 2 c'est aussi 3 et 1 (sous-entendu, en général et dans l'abstrait), qu'est-ce que ça me fait, ces carottes et ces couteaux?

Je rentrai en moi-même et je compris que je venais, en niai-sant inutilement, d'offenser en ce petit bonhomme la majesté même de l 'esprit .

Ne méprisons donc point tant l 'enfant. Faible encore et bal -butiant, il n'en est pas moins porteur d'esprit et parfaitement capable, dans son domaine limité, de s'élever à la joie de la découverte spéculative. Il suffit de ne pas excéder sa portée ; et mon jeune ami, que les propriétés mathématiques de 4 soule-vaien t d'une flamme d'enthousiasme, se trouvait parfaitement incapable à ce moment de former la notion de 5.

On conçoit donc qu'i l est possible d'étudier les premiers nombres ( les 10 premiers notamment) , avec des enfants de 5 à

ans, d'une manière beaucoup plus intell igente que par le dénombrement monotone des bûchettes. (Encore qu'i l fail le

parfois recourir au dénombrement comme moyen de constata -tion ou de contrôle.) Cette méthode consiste essentiellement à construire (définir , poser) , le nouveau nombre par adjonction

de l 'unité au nombre précédent, puis â étudier ses diverses décompositions en nombres moins élevés que lui.

3. Voir p. 32, ci-dessous, le texte d'Alain sur la nature du nombre (note 5).

4. Cf. Hamelin, Éléments principaux de la représentation, ch. 1.

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L'INITIATION AU CALCUL ENTRE 5 ET 7 ANS 15

B. P R O G R E S S I O N 6 . - On peut admet t re qu 'un enfant de 5 ans , inème venant en c lasse pour la première fo is , connaî t dé jà pas -sablement les nombres 1 e t 2 e t l ' on pourra donc passer assez v i te sur ces premières not ions .

Sur UN, il n'y a vraiment qu'une chose à faire, qui est de l 'opposer à plusieurs, ou à beaucoup. Parler à un enfant de 1, tout seul, en énumérant un crayon, I enfant, 1 toupie.. . , c 'est le déconcerter parce que l 'objet de la leçon lui semble aller de soi et par conséquent lui apparaît mal, Il convient, au contraire, par des exercices concrets, de poser en les opposant les deux notions corrélatives d'unité et de multiplicité, qui sont l 'essence même du nombre (cf. Hamelin, Kant. op. cil.), un nombre quelconque consistant dans une collection d'unités homogènes et demeurant distinctes quoique liées dans la notion du nombre considéré.

DEUX, c 'est la paire, notion de grande importance théorique (nombre pairs) et prat ique, mais qui n 'offre encore aucune diff iculté appréciable. Au cours de ces premiers exercices, l 'enfant , jusque-là habitué à discriminer des objets d 'après des différences, parfois très fines, de couleur, de forme, de rugosité, d 'après leur usage. . . ou selon te l autre cri tère sensoriel ou intel -lectuel , est invité dorénavant à se détacher de ces caractères concrets et à porter son at tention sur le nombre seul , élément invariable sous la diversi té des apparences. Ainsi le jeune éco -l ier de 5 ans, placé devant des cartons portant des objets divers en nombre variable et à qui l 'on demande de mettre à part les cartons de 2 objets , s 'élève, à part ir de la contemplation de col -lections concrètes, à la notion de nombre abstrai t .

C'est dire6 qu'en calcul, comme ailleurs sans doute, l 'expérience concrète est un indispensable point de départ. C'est pour cela sans doute — peut-être aussi pour égayer et séduire — que les livres de calcul les plus récents offrent à la vue toutes sortes de collections d'objets hétéroclites, « pittoresques « ou « vivants lapins. cocottes. tulipes, carottes, rivions, diablotins, etc.

Nous avouerons sans ambage no t re peu de goût pour tou t cebr ic-à-brac . I l a le grave inconvénient de détourner l ' a t tent ionde l ' enfant sur le p i t toresque individuel ou le ca rac tè re émou- vant de chaque ob je t . L 'enfan t à qu i l ' on présen te 5 l ap ins seme t t ra peu t -ê t re à r êve r nos t a lg iquemen t au pe t i t l ap in b lancqu'il élève chez lui: ou bien il observera que le 3 1 n e des lapins

figurés sur l ' image laisse tomber nonchalamment l 'oreille gauche alors que tel autre lève avec brio sa courte queue touffue. Dans ta mesure même où le dessinateur aura égayé son dessin de détails vivants. i l détournera l 'attention de l 'enfant du seul point qui importe, qui est de l 'amener, en dépassant l 'observa tion concrète, à la notion d'une collection absolument homogène, aux unités identiques et parfaitement interchangeables. Sur ce chemin qui conduit à un schéma tout à fait abstrait , le pitto resque singulier des éléments est un obstacle et un écran: et s ' il

5. Ou plutôt : Etapes. La progression suit évidemment l'ordre naturel des nombres.

6. Voir note II , p. 29.

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16 L'ENFANT ET LE NOMBRE

est bien entendu qu 'on ne peut é lever l 'enfant à la not ion de nombre sans part i r de la contemplat ion de col lec t ions d 'objets , encore faudrai t - i l réduire cet te .ervitude au minimum et pré -férer des col lect ions d 'é léments aussi ident iques (régul iers) . schématiques et abstra i ts que possible , auss i insigni l ianis que poss ible , oserons-nous dire , puisque l 'a t tent ion doit se por ter toute sur l ' idée du nombre par-delà cet te apparence, qu ' i l faut fa ire aussi t ransparente que poss ible .

C ' e s t p o u r q u o i n o u s p r é f é r e r i o n s u n m a t é r i e l t r è s s i m p le ,rriployé du reste dans de nombreuses classes et qui se com pose

uniquement des formes géométriques les plus régulières le cercle et le segment de droite, le rond et la barre, la pastil le et la bûchette. (Expérience faite dans diverses classes, il semble que l 'enfant l ise mieux des groupes de cercles que des groupes d'autres figures gé9métriques même très régulières, comme le carré ou le losange. Hommage à l ' incomparable perfection de la forme circulaire).

Ent re autres avantages , ce matér ie l permet des groupements parfa i tement c la i rs , e t nous touchons ic i à un point décis i f .

Si nous présentons à un observateur, durant un temps t rès cour t , la chaîne de past i l les f igurée ci -dessous :

0 0 0 0 0 0 0et s i nous lui demandons ensuite quel en est le nombre, peuh être sera-t- i l fort embarrassé. Si l 'observateur est un jeune enfant , et comme on ne tui a pas laissé le temps de dénombrer les past i l les une à une, i l n 'aura pas su l ire cette f igure. Siun adulte, il aura sans doute coupé en pensée la chaine en ptu• sieurs tronçons (3 -e 4 ou 3 + 3 + 1) et sera ainsi parvenu à trouver le total 7; mais, pas plus que l'enfant, il ne l'aura lu d'emblée,

Présentons à présent ces pastilles sous forme de figure organisée, de constellation,

0 0 •0 0 • •

et l ' observa teur n ' aura aucune peine à reconnaî t re au premier coup d 'oe i l l e nombre 7 , formé par 4 e t 3 .

Qu 'es t -ce à d i re? Que les obje ts a l ignés ramèneront invinci -b lement l ' enfant à la rout ine du dénombrement mécanique , qui ne fera jamais appara î t re dans sa pensée la f igure propre du nombre , les arbres cachant perpé tue l lement la forê t ; tandis

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Il 1

LeINITIATION AU CALCUL ENTRE 5 ET 7 ANS 17

que, par la présentat ion en constel la t ion, la f igure globale du nombre saute aux yeux sans que l 'at tent ion ai t à se f ixer suc -cessivement sur les unités qui le composent .

La méthode d'étude c< concrète » ou globale des premiers nombres, que nous esquissons ici, est donc toute suspendue à cette règle fondamentale : du moins au début, les objets qui seront présentés à. l 'enfant ne seront jamais alignés, mais tou -jours disposés en constellation?.

Or, ces constellations sont d'autant plus lisibles qu'elles sont formées d'éléments plus simples et d'une • symétrie plus appa -rente.

Si je présente à l 'enfant (au jeune de 5 ans), 5 lapins par exemple, plus ou moins individualisés, orientés différemment, « mis en page » par le dessinateur de manière vivante , c 'est-à-dire selon une arabesque assez irrégulière et une symétrie dis -crète, i l y a à parier que le schéma de 5 se dérobe sous l 'oei l de l 'enfant , ramené irrésist iblement à la considération succes -sive des unités et au dénombrement. Par contre , le domino de 5 lui impose d 'un seul coup une f igure géométrique qui est comme le symbole, à peine matériel , du nombre même.

On objecterait vainement qu'un matériel aussi monotone risque de lasser l'attention de l'enfant, rafraîchie au contraire par la variété des objets présentés. N'augurons point si mal du sérieux enfantin. En fait, l'enfant convenablement entraîné dépasse vite le plan des futilités pittoresques et se passionne pour la reconnaissance, la décomposition et le regroupement de ces schémas, travail incessant d'analyse et de synthèse de formes arithmétiques, qui est des plus excitants pour sa jeune intelli -gence...

Le nombre 3 exprime une collection assez limitée pour être saisie globalement même lorsqu'elle est figurée par des objets alignés. On pourra donc présenter 3 objets (ronds ou longs), alignés selon des orientations diverses, verticale, horizontale, oblique.

· 0 •

000 0 0 •O••

Mais, avec 3, apparaît la possibil i té de former des figures constellantes. On associera donc l ' idée de 3 avec la forme du triangle; et le premier triangle présenté sera équilatéral , parce

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que ce triangle est le plus régulier et le plus beau et qu' i l s 'agit ici , non point de faire collectionner à l 'enfant les diverses

7. Vair ci-dessous, p. 29, la note III.

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18 L'ENFANT ET LE NOMBRE.

var ié tés de cet te f igure , mais de lui er r donner une image géné -r ique, aussi peu individual i sée que poss ib le .

Êquilatéral « parce qu' i l n 'y a pas de raison de faire autre ment » (Pascal); aussi parce que: 3 bûchettes égales conduisent naturellement à cette figure,

"'rois bûchet tes permettent aussi de présenter à l 'enfant, puis de lui fai re réaliser , une autre f igure remarquable : la division du plan en 3 secteurs de 120 degrés . Ainsi , dès le début , l 'espri t de l 'enfant est enrichi de formes géométriques fondamentales et d 'une grande beauté décorative.

0o o / \ I

A part ir de 4, i l est d if f ic i le à un enfant de sa is i r une col lec -t ion d 'obje ts al ignés sans re tomber à la rout ine du dénombre ment . Dorénavant , donc, on présentera d 'abord des pas t i l les ou des bûchet tes disposées en conste l la t ions.

L ' idée de 4 sera fortement associée à la forme du carré et , accessoirement , a la divis ion du plan en 4 secteurs rec tangu -laires ( la croix) . Au contra ire , nous ne voyons pas l ' in térêt qu ' i l y aura i t , avec de s i jeunes enfants , à met t re en évidence, à propos de 5, le pentagone, f igure diff ic i le à reconnaî t re et à t ra -cer . asymétr ique, disgracieuse, biscornue; e t la mei l leure repré -senta t ion de 5 est sans doute le domino correspondant .

0 00 0 I

.1 00°0

On notera ic i que cet te dispos i t ion constel lante , non seule -ment favor ise la percept ion g lobale des nombres, mais encore met sur le chemin de leurs d iverses décomposi t ions . 11 suff i t , pour les fai re mieux apparaî t re , de casser le schéma en f rag -ments détachés ou, s implement , d 'employer des past i l les , des bûchet tes (ou des cra ies) de couleurs d if férentes .

0 00

o oo •

Ainsi apparaissent les décompositions de trois 2 1, quiest sa déf ini t ion; I . + 2 ; 1 + 1 + 1.

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11121»

L'INITIATION AU CALCUL ENTRE 5 ET 7 ANS

De quatre2 ± 2;3 ± 1;

De cinq

1 + 1 ± 1 1;2 ± 1 1 et leurs symétriques.

4 + 1; 3 + 2; 2 + 2 + 1, etc...

On notera du reste qu'i l est surtout important d'at tirer l 'at ten -tion sur les décompositions en deux termes, les décompositions en plusieurs termes pouvant être considérées comme formées de plusieurs décomposit ions en 2 termes, qui ramènent l 'enfant à des cas déjà connus

2 + 1 + 1 = 2 + (1 + 1 ) = 2 + 2

Ces décompositions conduisent naturellement à l ' idée de l 'addition et à Vidée corrélative de la soustraction.

Dès lors, il est possible de proposer à l 'enfant toutes sortes de petits exercices, variés à l ' infini et convenablement gradués.

— Présentation (très rapide, pour éviter ]e dénombrement par unités) de cartons portant 1, 2, 3, 4, 5 pastilles; les enfants reconnaissent le nombre d'une seule vue, puis le prononcent ou l 'écrivent, ou tendent une étiquette portant le chiffre corres -pondant;

— Exercices de collage, sur les c jolis cahiers de gommettes de couleurs vives;

0+0 000

2+1 r, 3

0 /4%

0 0 c=1— Combina isons décora t ives sur canevas avec des points ,

des pastil les, ou des barres en nombre détermin6;Ex . p a r i e t 3 .

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20 L'ENFANT ET LE NOMBRE

- Problèmes oraux où réapparaissent, avec les lapins, carottes et sucres d'orge, la vie et la variété, mais à un moment où la notion des nombres étudiés, indissolublement liée avec des schémas géométriques simples, ne peut plus être obscurcie dans la pensée de l 'enfant par la profusion du concret;

— Peti tes opérations abstrai tes sur les 5 premiers nombres (additions et soustractions) lorsque la connaissance des décom -posit ions est devenue bien assurée et quasi automatique.

La gradation dans la suite de ces exercices consistera à passer peu à peu du calcul concret au calcul abstrai t , ce qui est aussi al ler du facile au diff ici le.

A un premier stade, l 'enfant manipule des objets ( jetons ronds par exemple) et réalise l 'opération sous forme concrète. Ainsi , e l 'opération manuelle précède l 'opération mathématique » (Instr, Off.) . I l dispose devant lui 3 jetons, puis 2, les met ensemble (addit ion) et constate, en les dénombrant, qu' i l a constitué une collection de 5 unités, Ce degré dépassé, on pourra, par exemple, présenter (rapidement) à l 'enfant un carton portant le schéma suivant

+o00 o00c i 0 0 0

L'enfant reconnaîtra ic i , à la vue, l 'opération qu' il sai t effec -tuer manuellement et apprendra à exprimer ce schéma par la formule numérique : 3 et 2 font 5.

(Le maître peut se contenter de tracer de tels schémas au tableau, ce qui est rapide et commode, mais il doit veiller à ce que les enfants, même les yeux fermés, ne dénombrent pas les unités au son, au fur et à .mesure, où la craie trace les pastilles, ce qui changerait totalement la nature de l 'exercice).

Mais s i , au l ieu de montrer ce schéma aux enfants , le mai tre se contente de le décrire sans le leur la isser voir :

« J 'ai sous les yeux un carton avec 3 pastilles vertes, puis 2 pastilles vertes enfin, à droite, toutes ces pastil les ont été mises ensemble. Dessinez ce que je vois, puis écrivez cette opération avec des chiffres », il les astreint à un effort d'imagination qui les met sur le chemin de l 'abstrait et, en fin de compte, les enfants seront capables de résoudre l 'opération sous sa forme abstraites (3 et 2 font. ..), d 'abord en évoquant furtivement le schéma correspondant, puis spontanément et du premier coup. A ce moment, l 'automatisme du calcul abstrait sera obtenu et un fragment des tables d'addition assimilé, sans effort pénible et sans rabachage.

Sien entendu, dès qu 'un enfant sa i t résoudre une opéra t ion dans l ' abs t ra i t , i l faut b ien se garder de le re teni r sur le p lan

8. Voir ei-dessous, p. 30 et 32 les notes ne IV et ne V,

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L'INITIATION AU CALCUL ENTRE 5 ET 7 ANS 21

du concret, qui lui devient fastidieux par trop de facilité leconcret , point de départ seulement . Béqui l les , à rejeter dès que la démarche est suff isamment assurée .

In v e r s e m e n t , s i u n e n f a n t p e r d p i e d , i l c o n v i e n t d e l e r a m e n e r à m i s t a d e p l u s c o n c r e t : ( « T u n e s a i s p l u s c o m b i e n fo n t

3 et 2? Rappel le- toi : 3 pasti l les d 'abord, puis 2 . . . ») et , le faut , jusqu'à l 'opérat ion manuel le qui fut au point de départ de cette progression. Ainsi , selon la nature des exercices, selon l 'é lève interrogé et , d 'une manière générale , selon la diff icul té rencontrée, le mait re enlève ses élèves vers les hauteurs de l 'abstrai t ou bien les laisse reprendre haleine sur la terre ferme des opérat ions concrètes,

Ces remarques ne valent pas seulement pour les 5 premiers nombres.. .

iDans une de ux ième é t ape , l e s nombre s de 6 à 10 se ron t é tu -

diés d'une manière analogue chaque nombre étant défini et posé par l'adjonction de l'unité au nombre précédent, p .uis figuré dans des schémas géométriques simples, enfin étudié dans ses diverses décompositions. Notons toutefois une nou- veauté assez importante alors que les schémas constellants qui représentent les 5 premiers nombres sont facilement saisis d'un seul coup d'oeil et globalement, cette opération devient impossible, ou incommode, avec des nombres plus élevés8 past i l les d isposées en octogone forment une f igure bien moins l i s ible qu 'un carré de 4 past i l les . I l es t donc indiqué. , au-delà de 5, de présenter des schémas non plus indivis , nia is analysés en plus ieurs f ragments , dont aucun ne présentera pas plus de 5 obje ts au l ieu de 8 points en octogone, deux carrés de 4, le domino double-quatre . Il suff i t encore ic i de la isser ent re ces f ragments un in terval le en blanc pour fac i l i ter l 'analyse v isuel le ou de présenter des schémas de plus ieurs couleurs .

0 0 0 0 0 0 00 0

L e p r o c é d é l e p l u s s i m p l e p o u r é t u d i e r c e s n o m b r e s d eà 10 cons i s te à p rendre appui un i fo rmément su r l e nombre 5

e t d ' a s soc ie r l a no t ion des nombres su ivan t s avec des schémas du type : 5 + 1 ; 5 + 2 ; 5 + 3 ; 5 + ; 5 + 5 .

0000

0o

00*000

0 0000

0000o

Cb060,

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•00· I1,000 00

22 LeENFANT ET LE NOMBRE

Ce procédé, proposé par divers auteurs de manuels récents , serai t sans doute agréé par l 'auteur des récents programmes, qui est de toute évidence un sectateur déterminé de la demi-dizaine. I l permet de ret rouver la série déjà parcourue de 1 à 5 et de met tre en évidence le nombre 5, moit ié de 10, qui , en système décimal , est le point d 'appui de diverses unités de mesure.

On peut préférer toutefois une marche plus souple, chaque nombre étant surtout associé avec le schéma le plus significatif , le plus parlant, le plus symétrique, avec celui qui achemine aux décompositions les plus intéressantes. Il semble indiqué, par exemple, de présenter 6 sous la forme du domino corres pondant, qui est 2 fois 3 et 3 fois 2 et qui permet de faire apparaître aisément les décompositions 4 + 2 et 2 ÷ 4; huit serait naturellement figuré par le domino double-quatre; neuf, par le jeu de quilles (3 fois 3, 6 et 3, 3 et 6) dans lequel, par un jeu convenable de jetons de 2 couleurs, on forme l 'autre décom -position intéressante : 5 + 4 = 4 + 5; dix, c 'est le domino double-cinq.

Quant à 7, nombre sauvage et remarquablement dépourvu d'affinités intéressantes, on peut le figurer par le schéma 4 + 3, faute de mieux.

0 00 00

oo••

ooe 0000000.

0.0~0e0 0

000*0 00009

Ce schéma de 9 offre encore l'avantage de mettre en valeur la forme carrée, caractérist ique de ce nombre (et de 4); les nombres 3, 6 et 10, eux, peuvent être représentés par des grou -pes triangulaires (des oranges sur un compotier) et ici encore cette forme régulière est le symbole d'une forme arithmétique remarquable. Ainsi, ces modestes combinaisons préfigurent des notions mathématiques de grand intérêts.

Quel que soit du reste le point de départ de cette étude des nombres de 6 à 10, tous les schémas figurés ci-dessus apparal-

9. On trouvera plus loin un point de vue fort différent de cet éclec-tisme dans l'article d'F. Delaunay (pp. 38 à 59), qui préconise l'em -ploi rigoureux du système de Lay, à base 4.

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L'INITIATION AU CALCUL ENTRE 5 ET 7 Aes 23

tront à leur tour, y compris les moins symétriques, ceux par exemple, où entre le nombre 7 (7 -t- 2; 5 m 2), puisqu'il s 'agit d'aboutir a une revue complète de la table d 'addit ion (pour le moment, pour des totaux ne dépassant pas 10). 11 est indique toutefois de mettre l 'accent, d 'une manière ou de l 'autre, sur les groupes qui offrent les plus belles symétries, les plus amies de la mémoire. Si, par exemple, on a abordé les nombres de la deuxième demi-dizaine en prenant appui sur 5, on peut ensuite, dans des exercices de révision, g - i -ouper les 10 premiers nom-bres en « familles ) .

Famille de 2 : 2, 4, 6, 8, 10.Famille de 3 : 3, 6, 9.Famille de 4 : 4, 8.Famille de 5 : 5, 10.

Le nombre 7 apparaissant encore comme irréductiblement insociable.

Ainsi , en se plaçant successivement à tous les points de vue poss ibles, l 'on donnera aux enfants une not ion complète et précise des nombres de la première dizaine.

On pourra dès lors leur apprendre à poser correctement de peti tes addit ions et de pet i tes soustract ions, en observant , par exemple, la progression suivante :4 + 3 = 7 — 3 = 4 74 + . = 7 7 . =-• 4 +3 —3

Quant à la divis ion (par tages) e t à la mult ipl icat ion, l 'é tude des « famil les » naturel les indiquées ci -dessus a pu en donner l ' idée (par l ' in termédiaire , peut-êt re , des not ions de double et de moit ié) mais le moment n 'est pas encore venu de poser ces opérat ions, notamment pour ne pas int roduire de confusion entre les s ignes plus (+) e t mult ipl ié par ( ) .

i

Au point où nous en sommes venus, le nombre 10 a été étudié à son rang après les 9 nombres précédents et selon la même méthode posé par 9 + 1, associé au schéma 5 + 5, puis étudiédans ses décompositions : 6 4; 7 H- 3; 8

Mais 10 n'est pas seulement un nombre parmi les autres, c 'est aussi la base de notre système de numération. Il convient donc, à présent, de faire apparaître la notion de dizaine, « unité secondaire ».

Or, i l n 'est pas diff ic i le de fai re comprendre à de jeunes enfants qu 'une col lect ion de 10 boutons ou de 10 bûchet tes es t d 'un maniement lourd et incommode s i on la isse les unités éparpi l lées et qu ' i l y a donc avantage à les grouper sur une car te de 10 boutons ou en un paquet de 10 bûchet tes . A part i r de là , i l convient , sans plus at tendre , de fai re opérer l 'enfant sur des paquets de 10 bûchet tes comme i l sai t fa i re sur des objets quelconques. Un enfant qui connaît les 10 premiers

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24 L'ENFANT ET LE NOMBRE

nombres comprendra sans d i f f i cu l t é que 3 paque t s (ou d i za ines de bûche t t e s ) e t 2 paque t s (ou d i za ines ) fon t 5 paque t s (ou d i za ines ) de bûche t t e s ; pu i s que 3 d i za ines e t 2 d iza ines fon t 5 d i za ines , que l s que so ien t l es ob je t s a ssemblés en d iza ine ; enf in , on l u i app rendra a i s ément que l e ch i f f r e 0 p l acé à l a d ro i t e d ' un au t re ch i f f r e ind ique que ce de rn i e r exp r ime des d i za ines . On peu t donc condu i re a in s i l ' en fan t à e f fec tue r e t même à éc r i r e des opéra t ions comme :

3 0 + 4 0 = 7 0qu ' i l énoncera : 3 d izaines e t 4 d izaines font 7 d izaines, a lors qu ' i l ne connaî t pas encore les noms des dizaines success ives ( t rente , quarante , . . . ) n i aucun nombre supér ieur à 10. I l appren -dra a insi , avant d 'aborder les nombres de 2 chi f f res , à t ra i terla d iza ine comme une uni té indivi se .

C 'es t pourquoi , pour l e d i re en passan t , on devra p ré fé rer une f igura t ion de la d izaine qu i l a p résente en b loc à ce l les qu i en of f rent les uni tés é ta lées en col lec t ion apparen te e t inv i t ant à l ' ana lyse v isue l le : de ce po in t de vue , le paque t de bûche t t es vau t mieux que la ca r te de bou tons . Le paque t de bûche t tes es t , au res te , un exce l l ent matér ie l à tous égards , économique , robus te e t maniable , t rès v i te confec t ionné e t non moins v i t e défa i t . Encore fau t - i l que les 10 bûchet tes so ient so l idement assemblées pour que l es paque ts demeuren t comple t s . I l faut donc l es prendre t rès régu l iè res e t l es l ie r par un anneau de caou tchouc rep l i é sur lu i -même e t non par un s imple f i l .

Le moment es t venu aussi où i l faut apprendre à l ' enfant la valeur propre du s igne Zéro, symbole de la quant i té nul le . Cet te not ion es t p lus di f f ic i le à sa is i r qu ' i l ne para î t e t , dans l 'h is to ire des mathémat iques , le chif f re 0 apparaî t assez tard . Le moyen le plus s imple de l 'aborder avec de jeunes enfants , c ' es t de le présenter comme la di f férence de 2 quant i tés égales , comme ce qui reste lorsqu 'on enlève toutes les uni tés d 'une col lec t ion donnée.

De là , l ' enfant pourra comprendre que l ' écr i ture 10 corres -pond à un nombre formé par une dizaine e t zéro uni té ; e t que le nombre : une d izaine e t quatre uni tés , par exemple doi t s 'écr i re 14 . On le met t ra a insi en éta t de passer de l 'écr i ture d 'un nombre quelconque de 2 chif f res à sa valeur en d izaines e t uni tés (passer de l 'écr i ture 97, par exemple , à l ' idée d 'un nombre de 9 dizaines e t 7 uni tés) ; e t v ice-versa . I i y a in térê t , c royons-nous, à mult ip l ier ces exerc ices af in de b ien asseoi r dans l 'espr i t de l 'enfant la f igure génér ique des nombres de 2 chi f f res (c 'es t -à-dire , sur un exemple s imple , la convent ion décimale) , avant que cet te not ion ne soi t obscurcie par les i r ré -gular i tés de la nomencla ture .

C e s i r r é g u l a r i t é s s o n t s u r t o u t r e d o u t a b l e s e n t r e 1 1 e t 1 9 , e t c ' e s t l ' u n e d e s r a i s o n s l o p o u r l e s q u e l l e s l e s n o m b r e s d e l a

10. Voir ci-dessous, p. 33, la note VI.

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L'INITIATION AU CALCUL ENTRE 5 ET 7 ANS 25

deuxième diza ine do ivent ê t re é tudiés avec beaucoup de soin . Le programme of f ic ie l (1945) prescr i t l ' é tude « concrè te » de ces nombres comme i l a f a i t pour les nombres de la première d iza ine . I l n ' e s t pas sans in té rê t , en ef fe t , d ' a t t i rer l ' a t t en t ion des enfan ts sur les décomposi t ions les p lus in téressantes de ce r ta ins de ces nombres : 12 , l a douzaine , l e double de 6 ; 16 , ca r ré de 4 ; 15 , t r ip le de 5 . Mais i l se ra i t b ien encombran t de pousser t rès lo in la décomposi t ion de nombres beaucoup moins maniab les que les 10 premiers e t de s 'a t ta rder , pa r exemple , aux décomposi t ions assez bana les de nombres comme 11 , 13 , 17 ou 19 .

Certaines de ces décomposit ions offrent toutefois un intérêt pratique assez considérable: ce sont celles qui apparaîtront ensuite dans les tables d 'addit ion. Les addit ions correspondantes (au nombre de 20 exactement) doivent être réalisées d 'abord avec les bûchettes (8 -1- 7 : je prends 2 bûchettes dans le tas de 7; je les ajoute au tas de 8 pour faire un paquet de 10; j 'obtiens une dizaine et 5 unités , que j 'écris : 15), puis ces mêmes opérations concrètes sont effectuées « de tête » (de mémoire): et , enfin, on passe dès qu'on le peut au calcul abstrai t . On mène de pair les soustractions correspondantes. Ainsi se trouve dépassé un cap assez diff ici le : le « franchisse -ment de la dizaine ».

Pa r con t r e , l e s opéra t ions du type : 11 + 4 ou 11 = 15 —ou 4 = 15 — ne présentent aucune difficulté s i l 'on opère d 'abord sur les unités puis sur les dizaines. Il n 'y a donc pas l ieu de faire un sort spécial aux décompositions correspon -dantes : pour un nombre de 2 chiffres, la décomposition essen -tielle est la décomposition en dizaines et unités.

•Lorsque les 20 premiers nombres sont bien connus et les

tables d 'addition assimilées le moment vient d'aller décidément de l 'avant. La formation des nombres de 20 à 29 est des plus simples, la seule irrégularité (vingt et un) est de l 'ordre du lan -gage usuel et n 'est pas même sentie par les enfants. Les nom -bres des 4 dizaines suivantes peuvent de même être acquis au pas de charge puisqu'il ne reste qu'à faire apprendre les noms des dizaines (trente, quarante.. .) .

On peut donc très rapidement se donner du champ jusqu'à 69, ce qui ne peut qu'agréer aux enfants, récompensés par ce progrès rapide de la patiente étude des 20 premiers nombres. Sur ce vaste parcours, on peut alors multiplier les exercices : additions et soustractions orales (compter de 2 en 2, de 3 en 3.. . en partant de 0, en partant de 1; mêmes opérations conduites à rebours); additions écrites, sans retenue, puis avec retenue; soustractions sans retenue.. .

•Reste enfin une dernière étape : les nombres de 70 à 100, qui

présentent quelques difficultés de nomenclature où s 'empêtrent assez souvent les élèves et dont l 'étude demande donc du temps

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2,e L'ENFANT ET LE Noirnartz

et du soin. Vers le même temps (fin de l 'année préparatoire), on pourra faire effectuer et poser de petites multiplications et depetites divisions par 2 et par 5, en parlant de manipulations concrètes pour passer peu à peu à la règle opératoire dans sa nudité; et enfin on initiera les enfants au secret de la soustrac -tion avec retenue.

La pratique de cette dernière opération ne va pas sans quel que difficulté et l 'explication en est délicate avec de jeunes enfants. Il nous est arrivé d'entendre de jeunes maîtres ne rien dire qui vaille là-dessus ou se borner à énoncer le mécanisme opératoire sans aucune justification.

Ce mécanisme peut toutefois se just i f ier s implement , même devant des enfants assez jeunes.

Soit, par exemple, la soustraction : 42 27. Que signifie cette écriture? Que j'ai 42 bûchettes et que je veux, de cette collection, en retirer 27. Réalisons d'abord, devant nous, le grand nombre : 42, par 4 dizaines de bûchettes plus 2 bûchettes, Comme pour les opérations déjà connues, considérons d'abord les unités. Je dois enlever 7 unités. Mais, contrairement au cas de la soustraction sans retenue, je ne trouve pas ces 7 unités parmi les unités « hors dizaines » du grand nombre. Je prends donc l 'un des 4 paquets de 10 bûchettes, je l 'éventre et je mets ces 10 bûchettes, avec les 2 bûchettes isolées. De ce tas de 12 bûchettes, j 'en retire 7 et il m'en reste 5. Mais, avant d'aller plus loin, je note bien que j'ai enlevé une dizaine au grand nombre; j 'en garde la mémoire, je retiens cette dizaine. Passant à présent aux dizaines, l 'enlève 2 paquets de bûchettes et je constate qu'il ne m'en reste qu'une. L'opération faite, il me reste donc 1 dizaine et 5 unités, ou 15. C'est que, des 4 dizaines primitives, j 'ai enlevé en tout 3 dizaines les 2 du petit nom bre plus la dizaine de retenue; de là le mode opératoire...

Cette explication une fois donnée, avec toute la simplicité et la patience convenables, i l n 'est point sûr que les enfants soient capables de la reproduire et, par exemple, de l 'exposer à leur tour. Du moins garderont-i ls le souvenir de l 'avoir une fois comprise et la recette de l 'opération ne leur apparaîtra plus comme un mystérieux tour de passe-passe.

Les réflexions qui précèdent sont inspirées, croyons-nous, par l 'espri t , et (le plus souvent) par la lettre des Programmes et des Instructions officielles. A aucun point de vue, elles ne pré -tendent à l 'originalité. Mais, au niveau de l 'enseignement pri -maire, la pire faute serait d 'avoir trop peur du banal .

Si l 'on voulait éprouver la science mathématique d'un jeune écolier de 6 ans, i l suff irait , croyons-nous, de lui faire écrire sous la dictée des nombres de 0 à 10, puis de 10 à 20; et de lui

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L'INITIATION AU CALCUL ENTRE à ET 7 ANS 27

proposer ensuite de petites additions et soustractions orales surces nombres.

Un an p lus tard, le même enfant devrait pouvoir écr ire sousla dictée des nombres entre 70 et 100. compter, par exemple, de4 en 4, de 99 et s'il se tirait ensuite avec honneur d'uneopération comme 93 48 (écrite sous la dictée, convenable-

m e n t d i s p o s é e , p u i s r é s o l u e s a n s c o m p t e r d e s d o i g t s o u d e sbûchet tes ) , i l ne sera i t pas une mauvaise recrue pour l e coursélémentaire.

De te ls résultats ne sont pas inaccess ibles s i l 'on t ient fermea u x d e u x p r i n c i p e s f o n d a m e n t a u x q u i r é s u m e n t l a p r é s e n t eétude :

a t u d i e r t r è s s o i g n e u s e m e n t e t t r è s e n d é t a i l l e s 1 0 p r e -miers nombres en prenant appui sur des schémas géométriquesconstellants;

Et pour les nombres de 10 à 100, mettre dans la plus v ivelumière la not ion ( le d izaine , fondement de tout notre systèmede numération.

Henri CANAC.

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N O T E S E T É C L A I R C I S S E M E N T S

NOTE N° Ou trouvera sur ce point de curieuses préci- sions dans l 'excellent ouvrage de 11.-1. Marron, Histoire de l 'Éducation dans l 'antiquité; 2e partie , Chapitre 6, pp. 218-19 (Édition du Seuil , 1948).

Même à la période hellénist ique, âge « adulte » de l 'éducation dans l 'antiquité, le « programme mathématique » demeurai t singulièrement « modeste ».

· On apprenai t la l is te des nombres entiers, cardinaux et ordinaux, tant par leurs noms que par leurs symboles. . .

« On apprenait à compter sur les doigts », selon « un art rigoureusement codifié, permettant de symboliser, au moyen des deux mains, tous les nombres entiers de 1 à 1000000. Avec les trois derniers doigts de la main gauche, suivant qu'ils étaient plus ou moins abaissés et repliés sur la paume, on signifiait les unités, de 1 à 9; les dizaines, par la position relative du pouce et de l ' index de la même main; les centaines et les milliers de la même manière, avec le pouce et l ' index d'une part, les trois derniers doigts de l 'autre, de la main droite; les dizaines et les centaines de mille, par la position relative de la main, soit gauche, soit droite, par rapport à la poitrine, au nombril, au fémur; le million enfin, par les deux mains entrelacées. Cette technique est bien oubliée aujourd'hui parmi nous, mais elle a connu une immense faveur, en Occident, jusque dans les écoles médiévales; elle persiste encore aujourd'hui dans l 'Orient musulman. »

« C'est seulement à l 'époque copte, aux ive et ve siècles de notre ère, qu'on trouve, sur des tablettes ayant appartenu cer -tainement à des enfants , de très élémentaires tables d 'addit ion8 et 1, 9 . . . Si étrange que la chose puisse paraî t re d 'abord, i l faut bien constater que les « quatre opérat ions », cet humble bagage mathématique dont tout enfant est t rès tôt lesté chez nous, restent dans l 'Antiqui té bien au-delà de l 'horizon de l 'école primaire.

L'usage général des jetons et de l 'abaque suppose que la connaissance de l 'addition n'était pas très répandue dans le »

« Pédagogie sommaire », et dont l 'humilité déconcerte d'abord, mais qui nous apprend une fois encore que les possi -bil ités de l 'enfant d'un âge donné, si el les sont circonscrites par 111n degré de maturité psycho-biologique avec lequel il faut

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L'usiner'« AU CALCUL ENTRE à ET 7 ANS 29

compter d'abord, sont aussi, et très largement, fonction de l'efficacité plus ou moins grande du milieu socio-culturel où il baigne,

•NOTE N ° II. — c Pas de conception sans imagination », selon

Kant. Il faut donc partir du concret, manié et perçu. Mais « en partir } signifie, très exactement, ne pas y stagner. Défense, donc, de stationner. Il faut passer aussitôt de « l'acte à la pensée », de « l'opération manuelle » à « l 'opération arithmétique », le calcul étant, selon le mot de Vinci (relatif à la peinture), « chose mentale ».

•NOTE N ° III . - A un moment donné, sans doute, l'enfant

devra être capable de « reconnaître sans énumérer » des objets quelconques disposés irrégulièrement et même des objets ali-gnés. Mais nous pensons qu'il ne faut l 'y exercer qu'après une longue familiarisation avec des schémas réguliers.

Ainsi formé, l 'enfant placé devant un amas plus ou moins informe d'objets tendra spontanément à les grouper en constel -lat ions, à retrouver dans leur apparence irrégulière, les schémas dont i l a l 'habitude; de même, lorsqu'i l l i ra des longueurs sur un double décimètre (et plus tard sur un mètre à ruban), ce qui revient pour lui à compter des divisions centimétriques, c 'est-à-dire des trai ts, i l les l i ra d 'emblée par groupes de 5, ou de 10, sans retomber à l 'ornière du dénombrement unité par unité.

Pour des raisons analogues, nous ne ferions opérer sur des pièces de monnaies qu'avec des enfants longuement entraînés avec des pastil les et des bûchettes. Le rapport numérique entre une collection de 5 objets et une collection de 2 objets est un rapport naturel et parfaitement clair (même remarque au sujet du rapport de deux grandeurs continues, comme des longueurs); le rapport de valeur entre une pièce de 5 francs et une pièce de 2 francs est un rapport conventionnel très grossièrement figuré par les tailles différentes des pièces.

Tout cela doit venir en son temps. Mais avec des débutants , tout présenter à la fois serai t sans doute le moyen de tout broui l ler ; et c 'est le cas ou jamais de procéder par degrés et d'al ler prudemment du simple au complexe.

Mais pour en revenir à cette comptabil ité , sans énumération, e d 'objets sans ordre », que préconisent les Instructions off i -ciel les , et pour y regarder de plus près, on peut se demander si cette « opération » est vraiment courante dans la prat ique ou si , au contraire, toute comptabil i té, par énumération ou autrement, ne doit pas porter sur des objets préalablement mis en ordre.

Un caissier devant un tiroir plein de billets ne peut que les évaluer globalement, grossièrement, qualitativement, à la vue, au poids. Mais il les disposera en liasses, et en piles de liasses; et, après cette mise en ordre, il. pourra les compter;

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30 L'ENFANT ET LE NOMBRE

Idem pour un panier d'oeufs. On les ordonne d'abord par doubles poignées de 3 et on compte ces demi-douzaines.

Idem encore pour ies moutons ou les visiteurs du Salon des Arts Ménagers. Pour les compter, on les fait passer au tour -niquet, ce qui revient a les disposer en ligne. •

Idem enfin pour mesurer un champ de forme polygonale complexe. On sort de la confusion et de l'évaluation qualitative, en le décomposant en triangles, rectangles, carrés, etc... Proje -tant ainsi sur l 'informe réel l'ordre de schémas réguliers (négli -geant du reste quelques bosses ou bavures), on parvient à calculer sa surface (à lfx près).

Ainsi , « la géométrie est la clef de la nature » (Alain).« Au commencement, tout étai t ensemble; mais vint l ' intel -

l igence qui mit tout en ordre. » La parole du viei l Anaxagore n 'est-el le pas de mise ici , pour éclairer notre sujet?

Et si l 'on veut une caution plus moderne, disons avec Piaget (Epistêmologie génétique, 1, p. 68) : « les collections cardi -nales ne peuvent être évaluées qu'à la condit ion d'être ordon -nées, si l 'on veut être certain de n'avoir pas compté deux fois le même terme ».

iC'est la vue qui voit le grand et le petit.

PLATON. La République, VII, 524 d.

NOTE N ° IV. - Dans son magistral ouvrage introduction à l 'épistémologie génétique, tome I, l 'éminent professeur J. Piaget explique fort bien que le progrès de l 'enfant de 5 à 7 ans dans la « construction du nombre » consiste à partir du « vécu > pour passer au « représenté » et enfin à « l 'opératoire ». (Ep., p. 70).

« C'est de l 'action que procède la pensée.., en son mécanisme essentiel, qui est le système des opérations logiques et mathé -matiques, et c 'est donc à l 'analyse des actions élémentaires et de leur intériorisation ou mentalisation progressives à nous révéler la genèse (des) notions. » (Ep., p. 21.)

Le progrès de l 'enfant « construisant » le nombre, consis terait donc d'abord en « actions réelles » « de réunions et de distinctions, d'arrangements et de correspondances », « toute expérience matérielle exécutée devenant susceptible de s'inté -rioriser ensuite en une expérience imaginée », puis e n'enta-lisée »; étant bien entendu, au reste, que cet effort d'intério -risation n'est pas à la portée d'enfants trop jeunes (Ibidem, p. 70, et du même auteur, La Genèse du nombre chez l 'enfant). Telle « opération » non dominée par un enfant de à à 6 ans, même avec le support de collections concrètes, sera au contraire maîtrisée aisément par le même enfant à 7 ans, « sans avoir besoin d'aucune expérience réelle ». Selon cet auteur, il y aurait lieu de distinguer dans cet apprentissage quatre phases successives :

1° l 'ac t ion rée l le , la manipulat ion, ouvrant la voie à une « répét i t ion e ffect ive » , puis

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L'INITIATION AU CALCUL ENTRE 5 ET 7 ANS 31

2 e à une « reproduction en pensée » de la même action, qui se « prolonge » en jugements;

3° « l 'opération concrète », encore liée à des « manipulations effectives ou mentales », mais où apparaît la notion — pénible -ment conquise — de « réversibilité » (par exemple 3 et 1 don -nant 4 évoque aussitôt que 4 moins 1 donne 3);

4° enfin viennent les opérations a abstraites ou formelles ».

Cet te desc r ip t ion , s i for t ement é tayée sur de remarquables recherches , se ca rac tér i se donc par l ' impor tance donnée à« l 'opératoire », au détr iment du « contemplatif », le nombre« dérivant » d'opérations simples, peu à peu « mentalisées » selon une progression d'une « continuité complète » (Ep., p. 67).

On a pu se demander toutefois si cette conception « active » de l'appréhension du nombre ne sacrifie pas à l'excès la part de la contemplation détachée de l'action.

« L 'act ion ne commence à jouer un rôle e ff icace que lors -qu 'e l le es t devenue pensée », a écr i t l e phi losophe français E. Bréhier , tout justement à propos de ces thèses de Piaget ; e t i l contes te qu ' i l y a i t « cont inui té » entre l 'expérience tâ tonnante de l 'enfant de 5, 6 ans , toute engluée encore dans le concret sensori -moteur e t la cer t i tude p leinement assurée de l 'enfant de 7 ans , maî t re du ca lcul abst ra i t , Ent re les deux, écr i t - i l : « i l y a plus qu 'un progrès , mais passage à un autre genre »,

A. la suite d'E. Bréhier nous avancerions, quant à nous, que, s ' i l est hors de conteste que le calcul doit trouver son point de départ dans la « manipulation » de collections concrètes, il est beaucoup moins évident que de cette manipulation seule doivent sortir les notions abstraites de nombre et d'opération. Ce n'est pas, nous semble-t-i l, en remuant l 'un après l 'autre les 4 jetons d'une collection que l 'enfant forme la notion de 4 et de ses décompositions. Ce serait plutôt, croyons-nous, en contem -plant, à bonne distance, et d'une vue d'ensemble, simultanée, la constellation de 4 objets. que l 'enfant sera i lluminé par lanotion de 4, qui est 2 + 2 et 3 1.

La main place rout inièrement un jeton après l 'autre; el le maintient l 'enfant au niveau du dénombrement unité par uni té, qui masque la notion; seul l 'oei l contemplant saisi t la forme d'ensemble de la collect ion constel lante, par-delà les unités e t permet à l 'espri t de l 'enfant de concevoir en lui la notion numérale en dehors de toute « act ion réel le ) .

I I y aura i t donc p lace , à côté de e l ' opéra to i re » , pour le c contempla t i f » ; e t l a « menta l i sa t ion » , lo in d ' ê t re le s implee prolongement » par « cont inui té » des « act ions réel les marquerai t plutôt le a passage à un autre genre » qu 'évoque E. Bréhier .

Transmutation assez mystérieuse, liée sans doute à l 'appa rition chez l 'enfant, à partir d'un certain degré de maturité cérébrale, d'un pouvoir de former et de soutenir les :schémas numériques et opérationnels — facilitée aussi par la formulation

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32 L'ENFANT ET LE NOMBRE

verbale ( la formule proférée, puis retenue, que 2 e t 2 font 4, aidant a évoquer la not ion correspondante) .

Quoiqu'i l en soit du reste, le fa it demeure incontestable que l 'enfant de 5 à 7 ans, a l 'occasion de la conquête du nombre, par manipulat ion mentalisée ou par contemplation de schémas, développe une activité mentale fort implexe et mystérieuse qui le fa i t accéder pour la première fois dans son histoire à des modes de pensée décidément rat ionnels.

NOTE N ° V . - Que la conquête du nombre procède à la fois de la main opérante et de l 'oei l contemplant, du corps agissant et de l 'Une concevant, ou, si l 'on veut, du ciel et de la terre , Alain, méditant à la suite de Platon, nous aidera peut-être à le comprendre

e Nous voilà ramenés aux cinq osselets , humble exemple. Mais Socrate dit dans le Phédon quelque chose qui est encore plus simple et plus désespérant , par cette évidence qu' i l fai t paraî tre et qu'aussi tôt i l cache. Car, di t- i l , i l ne savait plus comment deux et deux pouvaient faire quatre; bien pis, i l ne savait plus comment un et un pouvaient faire deux. Est-ce le premier un qui devient deux, ou le second, ou quoi? Mais est- i l possible que un devienne deux? Et enfin, ces cinq osselets , comment sont-i ls cinq? Le cinquième fai t cinq, mais ce n 'est pas lui qui est cinq; ni lui , ni aucun des autres. Le cinq est en tous et comme posé sur eux, indivisible . Le cinq est sans parties; le cinq n 'est pas une chose; le cinq ne péri t point , i l ne devient point; i l ne viei l l i t point . Le cinq, c 'est une pensée. Mais ce n 'est pas assez dire; car ce n 'est pas parce qu'on y pense que le c inq est cinq. Il étai t cinq avant; i l est cinq encore après. Dans les nombres i l a sa place éternelle, et sa nature que rien ne corrompt. C'est une idée.

« Ici, sans doute je me trompe, par aller trop vite, par ne point suivre cette loi de patience et de précaution que les Dialogues nous enseignent. Je veux faire monnaie et chos€ de ce qui n'est ni monnaie ni chose. J 'ai trop vite conclu que le cinq est fi ls du ciel; car i l est fi ls de la terre aussi, par ces osselets. Je les fais sauter, je les disperse, je les rassemble, i ls sont toujours cinq. Mais sans ces différences qu'ils jettent à mes sens, sans cette autre loi qui les repousse et les déplace les uns par les autres, de façon qu'ils soient toujours séparés et chacun en son lieu, penserais-je cinq? Et dans ce cinq qui les fait cinq, n'est-ce pas le même un que je retrouve aussi en quatre, en trois et deux, par qui deux est nombre, trois, un nombre, quatre, un nombre? Et comment cet un peut-il être deux et trois, et quatre? Par sa nature? Par la rencontre? Tou jours est-il que cet un du plusieurs n'est pas un par le plusieurs. Bien plutôt c 'est le plusieurs qui est plusieurs par l 'un. Car

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L'INITIATION AU CALCUL ENTRE 5 ET 7 ANS 33

Fest l 'un qui rassemble, Mais tous les uns ainsi rassemblés sont un.

En ces é t ranges e t inv incib les pensées , j ' en t revoi s seu lement que l ' un n ' es t pensé dans l e nombre que par son rappor t à lu i -même, par ce t t e oppos i t ion e t d i s t inc t ion qui fa i t qu ' i l e s t l e même en tous e t pour tan t aut re . Non D as en même temps le même e t en même temps au t re ; mais p lu tô t i l semble que l 'un se meut e t se t r anspor te , se lon un ordre qui fa i t na î t re les nombres . E t pui squ ' i l y a ic i que lque lo i de p roduc t ion qu i fa i t na î t re tou jours les mêmes nombres se lon le même ordre , en ce t t e lo i sera i t l a vér i té é te rnel le des nombres , e t peu t -ê t re l ' idée , Ains i i l se pourra i t b ien que l ' idée de c inq ne so i t pas e l le -même c inq, e t que c inq ne soi t nombre que par tout l ' o rdre des nombres / . »

NOTE N ° VI. - C'en est une, mais non la seule, ni la prin -cipale.

A la vé r i t é , nous sommes fe rmement conva incu que l ' é tude de l a deuxième d i za ine fo rme l e p ivo t même e t t e s t ade e ssen -t i e l de ce t t e i n i t i a t i on au ca l cu l , qu i nous occupe i c i .

Les d i f f icul tés de nomenclature ne sont pas insurmontables , e t ga rdons-nous de les sur fa i re : mais l ' enfant rencont re ic i pour la première fo is les nombres de 2 chi f f res ou , s i l 'on pré -fè re , la convent ion déc imale : c 'es t l 'occasion de lu i rendre fami l ière la d is t inc t ion fondamenta le : d iza ine — uni tés , qu ' i l re t rouvera dans toute la su i te du programme.

L'étude des nombres de 11 à 19 offre encore occasion à réviser longuement les nombres de la première dizaine, d 'en assurer la connaissance et le maniement; e lle est la base des tables d'addition, instrument essentiel à acquérir au Cours Préparatoire; enfin, e t peut-être surtout , on entre décidément dans le domaine des nombres trop grands pour que les collec -t ions d 'objets correspondantes puissent être vraiment imaginées, ni même dist inctement perçues.

Alors q - ue l ' opéra t i on 5 3 es t a i sémen t « v i sua l i sée » (en imag inan t l e s do ig t s d 'une ma in , pa r exemple) i l n ' en e s t p lus de même de 17 — C. A l ' imag ina t ion conc rè t e , don t l e f a ib le pouvoi r es t i c i ou t repassé , fo rce e s t donc de subs t i tue r une règ le opéra to i re : en leve r G à 7 e t ga rde r l a d i za ine .

Pour une opé ra t ion du type 17— 9 , l ' imag ina t ion e s t encore p lus complè t ement mise en défau t . Par con t re , l e rô le de l a formula t ion verba le , appr i se par cœur e t r e tenue , p rend une impor tance v i t e p répondéran te .

En bref , avec la deuxième dizaine. on entre dans le calcul proprement abstrai t . C'est pourquoi , du res te , i l convient d 'y insis ter longuement e t d 'y revenir à lois i r au Cours Prépara -toire , même avec des enfants bien ini t iés entre 5 et 6 ans.

Lorsque les tables d 'addi t ion (e t de soustract ion) seront bien

1. Alain., Idées, P. Hartmann, éditeur, pp. 25-26.

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Exemple :

m0 0 0 0

34 L'ENFANT ET LE NOMBRE

sues le calcul de 20 à 100 pourra être abordé faci lement, declaires analogies permettant a !'enfant de passe] sans grandedifficulté d'une opération comme 8 3 = 11à 18 3 = 21

13 + 14 = 2718 + 13 31

•Voici à t i t re d 'exemple, un schéma possible pour une étude

très détail lée de la deuxième dizaine.

I. ADDITIONS ET SOUSTRACTIONS SANS FR 1LNCIIISSEMENT

DE LA DIZAINE.

Idée générale Prendre appui sur la dizaine qui, dans cesopérations, reste intacte et indivise.

m . Schéma d'où l'on tire

0 • 2+4= 6 6-4= 2

(

C-)o 12 + 4 -= 16 16 4 12

m0

Tableau ordonné des résultats à obtenir (additions seulement).

11 12 13 14 15 16 17 18 191.1IiMil• 21MC.CMI

10 +1 10+2 10+3 10+4 10+5 10+6 10+7 10+8 10+9111-1 11+2 11+3 11-t-4 11+5 11+6 11+7 11+8

12+1 12+2 12+3 13+3 12+5 12+6 12+13+1 13+2 12+4 13+4 13+5 13+6

14+1 14+2 14+3 14+4 14+515+1 15+2 15+3 15+4

16+1 16+2 16+-317+1 17+2

18+1

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Soit en tout 45 additions, et les soustractions correspondantes (13-2 = 11) .

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m 00m 00

fm 0 0 • •o o o 000

L'INITIATION AU CALCUL ENTRE 5 ET 7 ANS 35

II. LE FRANCHISSEMENT DE LA DIZAINE.

Idée générale : Prendre appui, non pas sur la dizaine qui sera entamée et disloquée, mais, par exemple, sur les schémas de Laye, qui ont l'avantage de l'extrême clarté.

Exemple

6 + 5 = 10 + 1 ou 11

Tableau ordonné des résultats à obtenir (additions seulement).

11 12 13 14 15 16 17 18.•M•mr•a_

•••••Iii•

9+2 9+3 9+4 9+5 9+6 9+7 9+8 9--98+3 8+4 8+5 8+ 6 8+7 8+87+4 7+5 7 + 6 7i16+5 6+6

Soi t 20 addi t ions e t 16 addi t ions « re tournées » (9 + 22 + 9) et les soustractions correspondantes (11 — 2; 11 _________ 9;...).

III. Ri vrsioN (avec regroupement) DE I A 20,

a)Doubles, moitiés, pairs el impairs.2 4 6 8 10 12

14 16— — — 18 20—1— 2— 3— 4 5— 6 7— 8— 9— 10

1 -- 3 -- 5 -- 7 -- 9 -- 11 13 15 17 19--

2 -- 4 -- 6 -- 8 _____ 10 -- 12 -- 14 -- 16 -- 18 Compter

de 2 en 2, de 0 à 18, de 1 à 19, de 18 à 0, de 19 à I.

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2. Voir ci-dessous, p. 39.

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0 0 0

0 0

0 000000000000

000 000000

C o m p t e r d e 3 e n 3 , d e 0 à 1 8 , d e 1 8 à 0de 1 à 19 , de 19 à 1de 2 à 17 , de 17 à 2

c) La famille de 4.

0 0000000

0 0 0 00

0 000

0 0 000 0 0000 0 000 00

00

36 L'ENFANT ET LE NOMBRE

h) La famille de 3.

000 000 000 000000 000 000000 000

C o m p t e r p a r 4 : d e 0 à 1 6 , d e 1 6 à 0de 1 à 17 , de 17 à 1de 2 à 18 , de 18 à 2de 3 à 19 , de 19 à 3

d) La famille de 5.

1 domino de 5; 2 dominos de 5; 3 dominos de 5.

C o m p t e r p a r 5 : d e 0 à 1 5 , d e 1 5 à 0d e 1 à 1 6 , d e 1 6 à 1de 2 à 17 , de 17 à 2de 3 à 18 , de 18 à 3de 4 à 18 , de 19 à 4

e)Nombres carrés.

000 00 0 0 0 0 0 0

0 0 0 0 0 0 0 0 00 0 0 0 0 0 0 0 0 0

1 seul 2 r. 3 r. 4 T.

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L'INITIATION AU CALCUL ENTRE à ET 7 /LM 37

t) Nombres triangulaires.

0 0 0 000 000

0 0 0 0 0 0 0 0 0 00 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

1 3 6 10 15

Remarque importante

Les additions ou soustractions par 2, par 3, etc... qui partent de 0 ou y aboutissent :

0 2 — 4 — 6 8 — 1 00 — 3 — 6 — 9

présentent un intérêt particulier, puisqu'elles donnent les mul- tiples de 2, de 3, etc...et préparent donc l'apprentissage de la table de multiplication.

IV, LE NOMBRE 20 — RÉVISION SUR LES PIÈCES DE MONNAIE ET LE DOUBLE DÉCIMÈTRE.

2 0 p a r 1 9 e t 1 , ( 1 9 + 1 = 1 0 + ( 9 + 1 ) = 2 0 ) .

Présentées ici, les pièces de monnaie (1 f., 2 f., 5 f., 10 f., 20 f.) se prêtent admirablement à des exercices de révision (faire l'appoint, rendre la monnaie) sur les deux premières dizaines.

De même le double décimètre, sur lequel (littéralement) peu-vent se faire de nombreuses opérations.

On trouvera un autre exemple d'une progression analogue dans l'excellent manuel : Brachet-Bréant, « Mes premiers comp-tes » (Marcel Didier) dans lequel, sur 80 pages, 32 pages (soit les 2/5 sont consacrées à l'étude des nombres de la deuxième dizaine.

Se reporter notamment au peti t e Livret pour les maîtres ».

H. C.