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en ballon A propos du Géant Un drame dans les airs 24 minutes en ballon Edition illustrée

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En 2001, le Centre international Jules Verne publie ce petit recueil illustré contenant trois courts textes de Jules Verne. Après l'introduction de Volker Dehs, "les Ballons de Jules Verne", le recueil propose : ⇒ A propos du Géant ; ⇒ Un drame dans les airs ; ⇒ Vingt-quatre minutes en ballon. Ces trois textes sont très poétiquement illustrés par Sarah Debove. Cet ouvrage est toujours disponible mais le CIJV le place à la portée de tous par cette version numérique. www.jules-verne.net - 70 rue des Jacobins - 80000 Amiens - 03 60 24 78 50

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enballonA propos du Géant

Un drame dans les airs 24 minutes en ballon

Edition illustrée

Plan de vol au verso.

Sommaire Préface 6

A propos du Géant 11 Un drame dans les airs 19

24 minutes en ballon 49

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À propos du Géant Un Drame dans les airs

Vingt-quatre minutes en ballon

Jules Verne

12 illustrations originales et 5 vignettes de Sarah Debove

Préface de Yolker Dehs

Edition CIJV - La Maison de Jules Verne sous la direction de Jean-Paul Dekiss

Amiens 2001

MUSEE DES FAMILLES

LA SCIENCE EN FAMILLE.U.N V O Y A G E EN B A L L O N (1).

(RÉPONSE A L'ÉNIGME DE JUILLET.)

Introduction

LES BALLONS DE JULES VERNE« Un ballon ! s’écria le capitaine Servadac. Mais c’est bien usé,

votre ballon ! Même dans les romans, on n’ose plus s’en servir ! »Hector Servadac (1877), l ère partie, chap. XVII

Celui qui se moque là de sa propre production littéraire, aurait peut-être dû montrer plus de respect envers ces aérostats gonflés qui, dès 1863, ont beau­coup contribué à répandre le nom de Jules Verne dans le monde. Ils marquent même ses débuts dans les lettres, comme l’atteste ce Voyage en ballon qui fut publié en août 1851 dans la revue Musée clés Familles, en réponse à une énigme publiée dans le numéro précédent : « Quels sont les navires qui ont peur de l’eau, qui gagnent des victoires sans armes de guerre, qui voyagent sans rames ni voiles, avec un seul homme pour équi­page, et qui font cependant près de cent lieues à l’heure ? V - Après avoir débuté dans la même revue avec Les premiers navires de la marine mexicaine,, une nouvelle de voyage dans la manière de Cooper, l’histoire des ballons signale le commencement du romancier scientifique en annon­çant d’ores et déjà plusieurs traits

constitutifs des Voyages Extraordi­naires. Bien que l’intrigue parais­se assez mince, elle est mieux qu’un simple prétexte pour vulga­riser quelques étapes de l’histoire de la navigation aérienne. Le nar­rateur qui s’enthousiasme pour le progrès de la science est confron­té à sa propre caricature qui met une sourdine à sa passion en lui démontrant où pourra mener la folie du « plus haut, plus loin ». Cette expérience décevante sera également subie quelques années plus tard par le capitaine Hatteras et l’ingénieur Robur. En 1874, cette petite nouvelle parut, rema­niée, dans le recueil Le Docteur Ox pour faire désormais partie inté­grante de l’œuvre officielle de Jules Verne. La présente publica­tion propose la première version qui manifeste les charmes d’un ballon d’essai du jeune au-teur, en maintenant toutefois le titre définitivement choisi, plus expressif et plus approprié à ce qui va suivre... Un Drame dans les airs.

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Lorsque Jules Verne ren­contre en 1862 celui qui va devenir son éditeur exclusif, Pierre-Jules Hetzel, il lui offre un manuscrit intitulé Voyage en l'air. Avec l’instinct et l’autorité qui le distinguent, Hetzel demande quelques modifica­tions et publie l’ouvrage sous le titre Cinq Semaines en ballon. Certains prétendent que le roman serait inspiré par les expériences de l’habile à tout Nadar (1820-1910) avec son ballon Le Géant, mais Nadar déclare plus tard qu’ « il serait exagéré de dire que j’ai été l’ini­tiateur de Jules Verne, je ne l’ai même pas initié à la navigation aérienne »2. La chronologie des faits lui donne raison, bien que Jules Verne ait certainement pro­fité de l’ambiance miroitante de son illustre ami. La première ascension de Nadar dans un bal­lon des frères Louis et Jules Godard, « aéronautes officiels de l’empereur Napoléon III et auxi­liaires indispensables de toutes les fêtes publiques »3, remonte en 1857, et c’est l’année suivante qu’il commence à réaliser son idée de la photographie aérien­ne. En juillet 1863 - Cinq Semaines en ballon est paru cinq mois auparavant ! - la rencontre de Nadar avec les ingénieurs amateurs Gabriel de Landelle et le vicomte Ponton d’Amécourt donne lieu à une réunion de

500 personnes, qui a pour but la « démonstration pratique et défi­nitive de l’autolocomotion aérien­ne par la suppression de l’aéro­stat et l’emploi de l’hélice et des plans inclinés », comme le définit la lettre d’invitation4. Jules Verne fait sans doute partie des audi­teurs, car il s’empresse d’adhérer à la Société d'Encouragement pour la Locomotion Aérienne au moyen d'appareils plus lourds que l'air; fondée par la suite. Les membres se réunissent tous les vendredis à partir du 15 janvier 1864, et lors de la 18e séance du 20 mai, Jules Verne est élu censeur de l’association.

A cette date, les aventures douloureuses du Géant sont déjà entrées dans les annales de la navigation aérienne. Par un de ces paradoxes qui le caractéri­sent, Nadar a l’idée de propulser son idée de l’hélice par les ascensions d'un ballon gigan­tesque qui est construit dans un minimum de temps par les frères Godard et baptisé Le Géant. A remarquer que la réalité devait dépasser la fiction, car si le dia­mètre horizontal du Victoria de Jules Verne compte 15 mètres, celui du Géant mesure 25. La première ascension a lieu le 4 octobre 1863 sur le Champ- de-Mars, entouré de 200 000 spectateurs. D’après le Figaro de ce jour-là, Jules Verne figure sur la liste des passagers, ce qui

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confirme le témoignage du jour­naliste Robert Mitchell an des voyageurs, que le romancier s’est fait excuser juste avant le départ. Ce premier vol est malheureux : surchargé de ses 13 passagers (dont Nadar et les frères Godard), le ballon s’épuise vite et atterrit seulement cinq heures plus tard près de Meaux. Le second vol, entrepris deux semaines après, s’avère même catastrophique et finit par une fameuse chute aux alentours d’Hanovre. Les blessures des neufs passagers - dont un descen­dant des Montgolfier - heureuse­ment ne sont pas mortelles.

C’est précisément dans cette situation qu’intervient Jules Verne en consacrant à son ami éprouvé un article élogieux sous le titre A propos du Géant, qui est publié en décembre 1863 dans le Musée des Familles. On re­marque la ruse du romancier qui sait détourner la défaite de Nadar en une preuve péremptoi­re de la victoire de ses idées : puisque le Géant a échoué, l’échec même démontrerait que l’avenir de la navigation aérienne est aux appareils plus lourds que l’air ! Quoi qu’il en soit, après seu­lement cinq vols, Nadar renonce définitivement à d’autres ascen­sions qui, en septembre 1865, au lieu de lui avoir rapporté la for­tune espérée, l’ont endetté de 82 000 francs (environ 245 000

euros) et dissocié à jamais des frères Godard.

La question de l’hélice est provisoirement abandonnée et revient dans le débat public seu­lement au milieu des années 80. Jules Verne y réagit par la publi­cation - polémique à l’époque - de Robur-le-Conquérant où il se moque amplement des avocats du ballon, surtout de ces « Godards enragés », comme il s’exprime dans une lettre à Hetzel.

C’est pourtant à l’initiative d’Eugène Godard que fauteur de Cinq Semaines en balloîi doit son seul voyage aérien. Les Codard, c’est toute une dynastie d’aérostatiers tombés en proie à la ballomanie. Cela commence par Fanfan et son frère Pierre- Edme, puis continue avec les trois fils de ce dernier, Eugène, Jules et Louis, qui seront suivis par une nouvelle génération for­mée par Eugène fils : Louis et Fanny. Eugène Godard père (1827-1890) est l’aîné des trois frères. Jusqu’à sa mort il entre­prendra plus de 2 500 ascensions et celle qu’il tente à Amiens, le 28 septembre 1873, place Lon­gueville (devenu par la suite place du Cirque), en constitue exactement le n° 1055. L’ascen- sion se fait au milieu d’un spec­tacle débridé, et on annonce : « Il y aura des courses en sac, un car­rousel comique, la cruche aérien­ne, les douches polonaises, etc.,

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etc. Une flottille aérostatique de ballons, la descente en parachute du singe Jacques, et un concert d’harmonie compléteront l’en­semble de cette fête »5. Jules Verne qui a consacré toute l’an­née à élaborer son roman L'Ile mystérieuse, dont le premier volu­me, Les Naufragés de Pair.; débute par une chute en ballon, a promis à son ami Théodore Jeunet, le directeur du Journal d'Amiens, de lui communiquer ses impres­sions. II s’en acquitte par une lettre qui est publiée le lende­main dans ledit quotidien, faisant partie d’un article intitulé Ascen­sion du Météore. Ensuite, cette lettre paraît, sans variantes notables, dans une petite brochu­re intitulée Vingt-quatre minutes en ballon. En contraste flagrant avec les aventures des Fergusson, Nadar et Cyrus Smith, l’envol de Jules Verne fut des plus idyl­liques.

La publication de Robur-le- Conquérant se fit en 1886, et avec elle le rejet définitif des montgolfières. Mais les idées que l’on chasse reviennent... en ballon : le 10 mai 1888,quelques jours après avoir été élu conseiller municipal, Jules Verne assiste dans la cour de l’usine à gaz de Saint-Maurice au lancement d’un ballon qu’il bap­tise lui-même de son nom : le Jules-Verne, un petit aérostat de 800 mètres cube (à comparer

aux 2045 du Météore et aux 6000 du Géant), qui, à cette occasion, est monté par l’aviateur Camille Gravis. Une autre ascension a lieu en juin, à Paris, avec un pas­sager du nom de Paul Nadar (1849-1937) qui n’est autre que le fils du « vrai » Nadar, photo­graphe lui aussi : « M. Nadar a fait une trentaine de clichés : nous avons sous les yeux quelques- unes des épreuves de photogra­phies instantanées. [...] En outre, grâce à un nouvel appareil, M. Nadar s’est amusé de saisir à l’arrivée des groupes de campa­gnards accourus pour assister à Y agonie du Jules Verne, au moment de l’atterrissage. »6. Rappelons en passant qu’Albert Badoureau, le conseiller de Jules Verne pour Robur-le-Conquérant et Sans dessus dessous, fera une ascension en juillet 1890 dans la Ville-dAmiens - en compagnie du même Gravis - et en dédica­cera la relation au romancier sous le pseudonyme transparent de Pierdeux.7

Ce circuit rapide serait incom­plet s’il ne renvoyait à la bouta­de d’Armand Hoog, Victor Hugo chez Victoria (1993) dans laquel­le Verne et Hugo voyagent dans le ballon de Samuel Fergusson.8 Quel dommage que l’on n’ait pas invité Michel Ardan...9

Volker DehsNotes en page 10.

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Notes de l ’introduction1 Musée des Familles, tome 8e (1850-51), p. 320. Une « Histoire de l’aérostat » par J.-B. Gaspard, Maître d’école, à laquelle renvoie la nouvelle en note et qui est une des sources de Jules Verne, avait paru dans le tome 7e, septembre 1850, pp. 357-360.

s2 « Les Souvenirs de Nadar », L’Eclair; 24 mars 1905, repris in Bulletin de la Société Jules Verne x\ 131 (1999), p. 48.3 La Grande Encyclopédie, tome 18, 1904.4 Roger Greaves : Nadar ou le paradoxe vital. Flammarion, 1980, p. 243.5 Journal d’Amiens. Moniteur de la Somme, 21 septembre 1873.6 Le Progrès de la Somme, 17 juin 1888.7 « Une Ascension. Un Voyage en ballon » paru le 8 août 1890 dans le Journal d’Amiens, L ’Echo de la Somme, et repris dans Sans dessus dessous, UGE, 1978, coll. 10/18, pp. 246-255. Alside Pierdeux est un personnage de Sans dessus dessous.8 Note de l’édition : Samuel Fergusson est le héros du premier roman de Jules Verne : Cinq Semaines en ballon9 Une documentation réunissant les faits divers parus dans les quotidiens amiénois au sujet des ascensions du Météore et du Jules-Verne peut être consultée au Centre International Jules Verne.

V

du Géant

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À PROPOS DU GÉANT

Il semble que la question des ballons ait fait de nouveaux progrès depuis les audacieuses tentatives de Nadar. La science aérostatique paraissait abandonnée depuis long­temps ; et, pour tout dire, elle ne fit pas de grands progrès depuis la fin du dix-huitième siècle ; les physiciens du jour avaient tout inventé : le gaz hydrogène pour gonfler le bal­lon, le filet pour contenir le taffetas et soutenir la nacelle, et enfin la soupape pour donner issue au gaz ; les moyens d’ascension et de descente par l’abandon du gaz ou du lest étaient également trouvés. Donc, en quatre-vingts ans, l’art des aéronautes demeura stationnaire.

Est-ce à dire que les tentatives de Nadar aient amené de nouveaux progrès ? Peut-être ; je suis tenté de dire : évidemment. Et voici pourquoi :

D’abord, ce courageux et intrépide artiste a ravivé la question oubliée ; il a profité de sa situation sympathique dans la presse et vis-à-vis des journalistes pour rappeler l’at­tention publique sur ce sujet. Au commencement des grandes découvertes, il y a toujours un homme de cette trempe, chercheur de difficultés, amoureux de l’impossible, qui tente, essaye, réussit plus ou moins, mais enfin donne le branle ; les savants s’en mêlent alors ; ils parlent, ils écrivent, ils calculent, et, un beau jour, le succès éclate à tous les yeux.

C’est ce qu’amèneront les hardies ascensions de Nadar ; que l’art de s’élever et de se diriger dans l’air devienne

T3

UN VOYAGE EN BALLON

jamais un moyen pratique de locomotion, et la postérité, si elle est juste, lui devra une belle part de sa reconnaissance.

Je ne viens point ici narrer les voyages du Géant ; d’autres Font fait, qui, l’ayant accompagné dans son vol, furent mieux placés pour voir, partant pour raconter. Je veux seulement, en quelques lignes, indiquer la direction que tend à prendre la science aéronautique.

D’abord, suivant Nadar, le Géant doit être le dernier bal­lon : les difficultés de ses descentes démontrent surabon­damment combien un aussi vaste appareil est dangereux à guider, impossible à conduire.

On veut donc en arriver à supprimer le ballon tout sim­plement ; la chose est-elle possible ? M. Babinet le croit, comme si l’idée venait de lui ; MM. de Ponton d’Amécourt et de La Landelle affirment avoir vaincu la difficulté et résolu le problème.

Mais avant d’entrer dans les détails de leur invention, finissons-en avec les ballons, et laissez-moi vous parler de l’appareil de M. de Luze. Je l’ai vu fonctionner en petit, et c’est à coup sûr ce qui a été fait de plus ingénieux pour diri­ger un aérostat, si un aérostat est chose dirigeable ; d’ailleurs l’inventeur a été logique : au lieu de chercher à pousser la nacelle, il a cherché à pousser le ballon.

Pour cela, il lui a donné la forme d’un cylindre allongé ; sur ce cylindre il a disposé les branches d’une hélice ; il a relié les deux extrémités du cylindre à la nacelle par des fils enroulés sur des poulies ; ces fils sont destinés à donner, au moyen d’un moteur quelconque, un mouvement de rotation au cylindre, et le ballon se visse littéralement dans l’air.H

1

À PROPOS DU GÉANT

Il est certain que l’appareil marche, et marche très bien ; il ne pourra certainement pas remonter des courants extrê­mement forts, mais, par des vents moyens, je crois qu’il devra se diriger ; d’ailleurs l’aéronaute aura encore à sa dis­position des plans inclinés qui, développés dans un sens ou dans l’autre, lui permettront de courir de véritables bordées verticales.

Son ballon doit être construit en cuivre, de manière à éviter la déperdition du gaz hydrogène pur, qui est très subtil, et M. de Luze espère produire des mouvements d’ascension et de descente au moyen d’une poche placée à l’intérieur du ballon, et dans laquelle il refoulera de l’air au moyen d’une pompe.

Voici très-sommairement son invention ; on le voit, ce qu’il y a de plus ingénieux, c’est le ballon faisant hélice lui- même. M. de Luze réussira-t-il ? Nous le verrons, puisqu’il se propose de se promener pendant deux jours au-dessus de Paris.

Mais je reviens au projet de MM. de Ponton d’Amécourt et de La Landelle ; il y a là quelque chose de très sérieux ; il reste à savoir si leur idée est praticable avec les moyens que la mécanique actuelle met à leur disposition.

Vous connaissez ces jouets d’enfants faits de palettes aux­quelles on communique une vive rotation au moyen d’une corde rapidement déroulée ; l’objet s’envole et plane dans l’air tant que l’hélice conserve son mouvement giratoire ; si ce mouvement continuait, l’appareil ne retomberait pas ; imaginez un ressort qui agisse incessamment, et le jouet se maintiendra.

!5

UN VOYAGE EN BALLON

C’est sur ce principe qu’est fondé l’hélicoptère de M. de Ponton d’Amécourt ; l’air offre un point d’appui suffisant à l’hélice, qui le frappe obliquement ; tout cela est physique­ment vrai, et j’ai vu de mes yeux fonctionner de petits appa­reils fabriqués par ces messieurs ; un ressort bandé, lâché tout à coup, s’enlevait avec l’hélice.

Mais évidemment la colonne d’air chassée par l’hélice donnerait à l’appareil un mouvement de rotation inverse ; il fallait donc obvier à cet inconvénient, car l’aéronaute eût été promptement étourdi par cette valse aérienne. Aussi, au moyen de deux hélices superposées et tournant dans des directions opposées, M. de Ponton d’Amécourt a pu rendre l’immobilité complète.

Avec une troisième hélice, verticale, il dirige son appareil comme il l’entend. Ainsi donc, au moyen des deux pre­mières, il se soutient dans l’air ; au moyen de la troisième, il se pousse comme s’il était dans l’eau.

Voilà donc théoriquement le moyen trouvé, l’hélicoptère ; mais, pratiquement, cela réussira-t-il ? tout dépendra du moteur employé à mouvoir l’hélice ; il faut qu’il soit à la fois puissant et léger. Malheureusement, jusqu’ici les machines à air comprimé ou à vapeur, en aluminium ou en fer, n’ont pas donné de résultats complets.

Je sais bien que les expérimentateurs travaillaient en petit, et que, pour réussir, il faut opérer en grand, car, à mesure que le volume de l’appareil s’accroît, son poids relatif diminue ; en effet, une machine de la force de vingt chevaux pèse beaucoup moins que vingt machines de la force d’un cheval. Attendons donc patiemment des expé-16

i 7

UN VOYAGE EN BALLON

riences plus décisives. Les inventeurs sont gens instruits et résolus ; ils iront jusqu’au bout de leur découverte.

Mais il leur faut de l’argent, et peut-être beaucoup ; c’est à le gagner, cet argent, que Nadar s’est dévoué tout entier ; c’est pour cela qu’il a convoqué la foule à venir voir ses audacieuses ascensions. Les spectateurs ne sont pas accou­rus en assez grand nombre, parce qu’ils ne songeaient peut-être qu’à un plaisir présent ; si Nadar recommence, qu’ils pensent à l’utilité future, et le champ de Mars sera trop petit pour les contenir.

Il ne s’agit plus, on le voit, de planer ou de voler dans les airs, mais d’y naviguer.

Un savant a dit fort humoristiquement : « L’homme aura beau faire, en se transformant en volatile, il ne sera jamais qu’un dindon, et le dindon de la farce. »

Préconisons donc l’hélicoptère, et prenons pour devise la devise de Nadar :

Tout ce qui est possible se fera.

ame

UN DRAME DANS LES AIRS

I.Mon ascension à Francfort. Le ballon, le gaz, les appareils, le

lest. Un compagnon de voyage imprévu. Conversation en l'air. Anecdotes. A 800 mètres. Le cahier du jeune homme pâle. Images et caricatures. Des Rosiers et M. dArlandes. A 1.200 mètres. Effets atmosphériques. Le physicien Charles. Les systèmes. Blanchard. Guyton-Morveaux. M. Julien. M. Pétin. A 1.500 mètres. Dorage. Les grands personnages en ballon. La soupape. Les animaux curieux. Le navire aérien. Le jeu des ballons.

Au mois de septembre 1850 j’arrivais à Francfort-sur-le- Main. Mon passage dans les principales villes d’Allemagne avait été brillamment marqué par des ascensions aérosta­tiques ; mais, jusqu’à ce jour, aucun habitant de la Confédé­ration ne m’avait accompagné dans mes promenades, et les belles expériences réussies à Paris par MM. Green, Godard et Poitevin n’avaient pu décider les graves Allemands à tenter les routes aériennes.

Cependant, à peine se fut répandue à Francfort la nou­velle de mon ascension prochaine, que trois notables demandèrent la faveur de m’accompagner. Deux jour après, nous devions nous enlever de la place de la Comédie. Je m’occupai immédiatement des préparatifs. Mon ballon, construit sur des proportions gigantesques, était en soie pré­parée avec la gutta-percha, substance inattaquable aux acides et aux gaz, et d’une imperméabilité absolue. Quelques accrocs sans importance furent reprisés : résultats inévitables de périlleuses descentes.

21

UN VOYAGE EN BALLON

Le jour de notre enlèvement était celui de la grande foire de septembre, qui attire tant de monde à Francfort. Les appareils de remplissage se composaient de seize tonneaux rangés autour d’une large cuve hermétiquement fermée. Le gaz hydrogène, mis en liberté par le contact de l’eau, du fer et de l’acide sulfurique, passait des premiers réservoirs dans le second, et de là se répandait dans le globe immen­se qu’il gonflait peu à peu. Ces appareils fonctionnèrent toute la matinée, et, vers onze heures, le ballon fut rempli, mais seulement aux trois quarts ; Précaution indispensable, car, à mesure qu’on s’élève, les couches atmosphériques diminuent de densité, et le gaz, enfermé sous les bandes de l’aérostat, acquérant plus d’élasticité, en pourrait faire écla­ter les parois. Mes calculs m’avaient exactement fourni le cube de gaz nécessaire pour emporter mes compagnons et moi à des hauteurs considérables.

Nous devions partir à midi. C’était un coup d’œil magni­fique que le spectacle de cette foule impatiente qui se pres­sait autour de l’enceinte réservée, inondait la place entière, se dégorgeait dans les rues environnantes, et tapissait les maisons de la place du rez-de-chaussée aux pignons d’ardoises ! Les grands vents des jours passés avaient fait silence ; une chaleur accablante tombait du ciel sans nuages ; pas un souffle n’animait l’atmosphère. Par un temps pareil, on pouvait redescendre à l’endroit même qu’on avait quitté.

J’emportais trois cents livres de lest réparties dans des sacs ; la nacelle, entièrement ronde, de quatre pieds de dia­mètre sur trois de profondeur, était commodément instal­lée ; le filet de chanvre qui la soutenait s’étendait symétri­quement sur l’hémisphère supérieur de l’aérostat ; la

UN DRAME DANS LES AIRS

boussole était en place, le baromètre suspendu au cercle de fer qui réunissait à huit pieds de l’esquif les cordages de support, l’ancre soigneusement parée... ; nous pouvions partir.

Parmi les personnes qui se pressaient autour de l’encein­te, je remarquai un jeune homme à la figure pâle, aux traits agités. Sa vue me frappa !... C’était un spectateur assidu de mes ascensions dans plusieurs villes d’Allemagne. Son air inquiet et sa préoccupation extraordinaire ne le quittaient pas ; il contemplait avidement la curieuse machine qui demeurait immobile à quelques pieds du sol, et restait silen­cieux entre tous ses voisins.

Midi sonna ! c’était l’instant... Mes compagnons de voya­ge ne paraissaient pas. J’envoyai au domicile de chacun d’eux, et j’appris que l’un était parti pour Hambourg, l’autre pour Vienne, et le troisième, encore plus peureux, pour Londres. Le cœur leur avait failli au moment d’entreprendre une de ces excursions qui, depuis les ingénieuses expé­riences des aéronautes actuels, sont dépourvues de tout danger. Comme ils faisaient en quelque sorte partie du pro­gramme de la fête, la crainte les avait pris qu’on ne les obli­geât à l’exécuter fidèlement, et ils avaient fui loin du théâtre, à l’instant où la toile se levait... Leur courage était en raison inverse du carré de leur vitesse à déguerpir.

La foule, à demi déçue, hurla de colère et d’impatience. Je n’hésitai pas à partir seul. Pour rétablir l’équilibre entre la pesanteur spécifique du ballon et le poids des fardeaux à enlever, je remplaçai mes compagnons par de nouveaux sacs de terre et de sable, et je montai dans la nacelle. Les douze hommes qui retenaient l’aérostat par douze cordes fixées au cercle équatorial les laissèrent un peu filer entre leurs

23

UN DRAME DANS LES AIRS

doigts ; l’esquif fut soulevé à quelques pieds du sol... Il n’y avait pas un souffle de vent, et l’atmosphère, d’une pesan­teur de plomb, semblait infranchissable.

- Tout est paré ! criai-je ; attention !Les hommes se disposèrent ; un dernier coup d’œil m’ap­

prit que nous étions convenablement arrimés.- Attention !Il se fit quelque remuement dans la foule, qui me parut

envahir l’enceinte réservée.- Lâchez tout !Le ballon s’éleva lentement ; mais j’éprouvai une com­

motion qui me renversa au fond de la nacelle. Quand je me relevai, je me trouvai face à face avec un voyageur imprévu, le jeune homme pâle.

- Monsieur, je vous salue bien ! me dit-il.- De quel droit ?...- Suis-je ici ?... Du droit que me donne l’impossibilité où

vous êtes de me mettre à la porte.J’étais abasourdi ! son aplomb me décontenançait ! et je

n’avais rien à répondre !... Je le regardais, mais il ne prenait aucune garde à mon étonnement. Il continua :

- Un poids comme le mien dérange votre équilibre, mon­sieur ? vous permettez...

Et, sans attendre mon assentiment, il délesta le ballon de deux sacs de terre qu’il vida dans l’espace.

- Monsieur, fis-je en prenant le seul parti possible, vous êtes venu..., bien ! vous resterez..., bien !... mais à moi seul appartient la conduite de l’aérostat.

- Monsieur, répondit-il, votre urbanité est toute françai­se ; elle est du même pays que moi ! Je vous serre morale­ment la main que vous me refusez... Prenez vos mesures,

25

UN VOYAGE EN BALLON

agissez comme bon vous semble ; j’attendrai que vous ayez terminé...

- Pour...- Pour causer avec vous.Le baromètre était tombé à vingt-six pouces ; nous res­

tions à peu près à six cents mètres de hauteurs, et sur la ville : ce qui me servit à constater notre immobilité complè­te, car je ne pouvais en juger par nos drapeaux sans mouve­ment. Rien ne trahit le voyage horizontal d’un ballon ; c’est la masse d’air dans laquelle il est enclavé qui marche. Une sorte de chaleur trouble baignait les objets étalés sous nos pieds, et prêtait à leurs contours une indécision regrettable. L’aiguille de la boussole indiquait une légère tendance à marcher vers le sud.

J’examinai de nouveau mon compagnon... C’était un homme d’une trentaine d’années, simplement vêtu ; la rude arête de ses traits dévoilait une énergie indomptable ; il paraissait fort musculeux. Tout entier à l’étonnement que lui procurait cette suspension silencieuse, il demeurait immobile, cherchant à distinguer les objets qui s’arrondis­saient à sa vue.

- Fâcheuse brume ! fit-il, au bout de quelques instants.Je ne répondis pas.- Vous m’en voulez ?... je ne pouvais payer mon voyage,

il fallait bien monter par surprise.- Personne ne vous prie de descendre !- Vous me bourrez, reprit-il ; bah ! pareille chose est arri­

vée aux comtes de Laurencin et de Dampierre, lorsqu’ils s’éle­vèrent à Lyon, le 15 janvier 1784. Un jeune négociant, nommé Fontaine, escalada la galerie, au risque de faire chavirer l’équi­page !... il accomplit le voyage, et personne n’en mourut !

UN DRAME DANS LES AIRS

- Une fois à terre nous nous expliquerons ! dis-je, piqué du ton léger avec lequel il me parlait.

- Bah ! ne songeons pas au retour !- Croyez-vous donc que je tarderai à descendre ?- Descendre ! fît-il avec surprise. Montons, alors !Et avant que je pusse l’en empêcher, deux sacs de terre

avaient été jetés par-dessus la nacelle, sans même être vidés !- Monsieur ! dis-je avec colère.- Je connais votre habileté, répondit-il posément ; vos

belles ascensions ont fait du bruit. L’expérience est sœur de la pratique, mais elle est quelque peu cousine de la théorie, et j’ai fait de longues études sur l’art aérostatique. Ça m’a porté au cerveau, ajouta-t-il tristement en tombant dans une muette torpeur.

Le ballon, après s’être élevé, était demeuré stationnaire ; l’inconnu consulta le baromètre, et dit :

- Nous voici à 800 mètres ! Les hommes ressemblent à des insectes ! Voyez, je crois que c’est de cette hauteur qu’il faut toujours les considérer, pour juger sainement de leurs proportions morales ! La place de la Comédie est transfor­mée en une immense fourmilière ; regardez la foule qui s’entasse sur les quais ; le Zeil diminue. Nous sommes au- dessus de l’église du Dom. Le Main n’est déjà plus qu’une- ligne blanchâtre qui coupe la ville, et ce pont, le Main-Brücke, semble un fil jeté sur les deux rives du fleuve.

L’atmosphère s’était un peu refroidie.- Il n’est rien que je ne fasse pour vous, mon hôte, dit

mon compagnon. Si vous avez froid, j’ôterai mes habits, et je vous les prêterai.

- Merci !- Nécessité fait loi. Donnez-moi la main, je suis votre

compatriote. Vous vous instruirez dans ma compagnie, et ma27

UN VOYAGE EN BALLON

conversation vous dédommagera de l’ennui que je vous ai causé.

Je m’assis, sans répondre, à l’extrémité opposée de la nacelle. Le jeune homme avait tiré de sa houppelande un volumineux cahier ; c’était un travail sur l’aérostation.

- Je possède, dit-il, la plus curieuse collection de gra­vures et caricatures faites à propos de nos manies aériennes. A-t-on admiré et bafoué à la fois cette précieuse découver­te ! Nous n’en sommes heureusement plus à l’époque où les Mongolfier cherchaient à faire des nuages factices avec de la vapeur d’eau ; ni à ce gaz affectant des propriétés élec­triques ; qu’ils produisaient par la combustion de la paille mouillée et de la laine hachée.

- Voulez-vous donc diminuer le mérite des inventeurs ? répondis-je. N’était-ce pas beau d’avoir prouvé par l’expé­rience de la possibilité de s’élever dans les airs ?

- Qui nie la gloire des premiers navigateurs aériens ? Il fallait un courage immense pour s’enlever au moyen de ces enveloppes si frêles, qui ne contenaient que de l’air échauffé ! D’ailleurs la science aérostatique a-t-elle donc fait un grand pas depuis les ascensions de Blanchard ? Voyez, monsieur.

Il tira une gravure de son recueil.- Voici le premier voyage aérien entrepris par Pilâtre des

Rosiers et le marquis d’Arlandes, quatre mois après la découverte des ballons. Louis XVI refusait son consente­ment à ce voyage ; deux condamnés à mort devaient tenter les premiers les routes aériennes. Pilâtre des Rosiers s’in­digne de cette injustice, et, à force d’intrigues, obtient de partir ! On n’avait pas encore inventé cette nacelle qui rend les manœuvres faciles ; une galerie circulaire régnait autour

UN DRAME DANS LES AIRS

de la partie inférieure et rétrécie de la mongolfîère. Les deux aéronautes se tenaient sans remuer chacun à l’extré­mité de cette galerie ; la paille mouillée qui l’encombrait leur interdisait tout mouvement, un réchaud avec du feu était suspendu au-dessous de l’orifice du ballon ; lorsque les voyageurs voulaient s’élever, avec une longue fourche ils jetaient de la paille sur ce brasier, au risque d’incendier la machine, et l’air plus échauffé donnait au ballon une nou­velle force ascensionnelle. Les deux hardis navigateurs par­tirent le 21 novembre 1783, des jardins de la Muette, que le Dauphin avait mis à leur disposition. L’aérostat s’éleva majestueusement, longea lfile des Cygnes, passa la Seine à la barrière de la Conférence, et, se dirigeant entre le dôme des Invalides et l’Ecole militaire, s’approcha de Saint-Sulpice ; alors les aéronautes forcèrent le feu, s’élevèrent, franchirent le boulevard, et descendirent au delà de la barrière d’Enfer. En touchant le sol, le ballon s’affaissa et ensevelit quelques instants sous ses plis Pilâtre des Rosiers !

- Fâcheux présage, dis-je, tout intéressé à ces détails qui me touchaient de près.

- Présage de sa catastrophe, répondit l’inconnu avec tristesse. Vous n’avez rien éprouvé de semblable ?

- Rien.- Bah ! les malheurs arrivent bien sans présage. Et il

demeura silencieux.Nous avancions dans le sud ; l’aiguille aimantée nous

montrait Francfort qui fuyait sous nos pieds.- Peut-être aurons-nous de l’orage, dit le jeune homme.- Nous descendrons avant.- Par exemple ! il vaut mieux monter, nous lui échappe­

rons plus sûrement ; et deux sacs de terre s’en furent dans l’espace.

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UN VOYAGE EN BALLON

Le ballon s’enleva avec une certaine rapidité, et s’arrêta à 1.200 mètres. Un froid assez vif se fit sentir, et un léger bourdonnement me prit aux oreilles. Cependant les rayons du soleil tombaient ardemment sur le globe, et dilatant le gaz intérieur, lui donnaient une plus grande force ascen­sionnelle. J’étais stupéfait.

- Ne craignez rien, me dit le jeune homme. Nous avons 3.500 toises d’air respirable. Au surplus, ne vous préoccupez pas de ce que je fais.

Je voulus me lever, mais une main vigoureuse me cloua sur mon banc.

- Votre nom ? demandai-je.- Mon nom ? que vous importe !- J’ai l’honneur de vous demander votre nom !- Je me nomme Erostrate ou Empédocle, à votre choix.

Vous êtes-vous occupé de faire marcher la science aérosta­tique ?

Il parlait avec un sang-froid glacial, et je me demandais un peu à qui j’avais affaire.

- Monsieur, continua-t-il, on n’a rien inventé de nouveau depuis le physicien Charles. Quatre mois après la découver­te des aérostats, il avait créé la soupape, qui permet de lâcher le gaz quand le ballon est trop plein, ou que l’on veut descendre ; la nacelle, qui permet de diriger utilement la machine ; le filet, qui contient le tissu du ballon et obvie à ce qu’il ne soit chargé d’un poids trop considérable ; le lest, qui sert à monter et à choisir le lieu d’atterrage ; l’enduit de caoutchouc, qui rend le tissu imperméable ; le baromètre, qui apprend la hauteur atteinte ; et enfin l’hydrogène qui, quatorze fois moins lourd que l’air, laisse parvenir aux couches atmosphériques les plus éloignées, et n’expose pas3 °

UN DRAME DANS LES AIRS

aux dangers d’une combustion aérienne. Le 1er décembre 1783, 300.000 spectateurs s’écrasaient autour des Tuileries. Charles s’enleva, et les soldats lui présentèrent les armes. Il fit neuf lieues en l’air, manœuvrant sa machine avec une habileté que n’ont pas dépassée les aéronautes actuels. Le roi le dota d’une pension de 2.000 livres, car alors on encourageait les inventions nouvelles ! En quelques jours, les souscriptions étaient couvertes, car chacun s’intéressait aux progrès de l’industrie !

L’inconnu était en proie à une violente agitation.- Moi, monsieur, j’ai étudié ; je me suis convaincu que les

premiers aéronautes dirigeaient leurs ballons. Sans parler de Blanchard, dont les assertions peuvent être douteuses, à Dijon, Guyton-Morveaux, à l’aide de rames et de gouvernail, imprima à sa machine des mouvements sensibles, une direc­tion marquée. Dernièrement, à Paris, un horloger, M. Julien, a fait à l’Hippodrome de convaincantes expériences, car à l’aide d’un mécanisme particulier, un appareil aérien, de forme oblongue, s’est manifestement dirigé contre le vent. M. Petin a juxtaposé quatre ballons à hydrogène, et au moyen de voiles disposées horizontalement et repliées en partie, espère obtenir une rupture d’équilibre qui, inclinant l’appareil, lui imprimera une marche oblique. Mais le moteur destiné à surmonter la résistance des courants, l’hélice, se mouvant dans un milieu mobile, demeurera sans succès. Moi, j’ai découvert le seul moyen de diriger les ballons, et pas une académie n’est venue à mon secours ! pas une ville n’a rempli les listes de souscription ! pas un gouvernement n’a voulu m’entendre ! C’est infâme !

Il se débattait en gesticulant, et la nacelle éprouvait de violentes oscillations ; j’eus beaucoup de peine à le contenir.

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UN VOYAGE EN BALLON

Cependant le ballon avait rencontré un courant plus rapide. Nous avancions dans le sud, à 1.200 mètres de hauteur, à peu près accoutumés à cette nouvelle température.

- Voici Darmstadt, me dit mon compagnon ; apercevez- vous son magnifique château ? Cette chaleur d’orage fait osciller la forme des objets, et il faut un œil habile pour reconnaître les localités.

- Vous êtes certain que c’est Darmstadt ?- Sans doute, nous sommes à six lieues de Francfort.- Alors il faut descendre !- Descendre ! Vous ne prétendez pas descendre sur les

clochers, fit l’inconnu en ricanant.- Non ; mais aux environs de la ville.- Eh bien ! il fait trop chaud ; remontons un peu.En parlant ainsi, il saisit des sacs de lest. Je me précipitai

sur lui ; mais d’une main il me terrassa, et le ballon délesté atteignit 1.500 mètres.

- Asseyez-vous, fit-il, et n’oubliez pas que Brioschi, Biot et Gay-Lussac sont allés à 7.000 mètres établir de nouvelles lois scientifiques.

- Il faut descendre, repris-je en tentant la douceur ; l’orage se forme sous nos pieds et autour de nous ; il ne serait pas prudent...

- Nous monterons plus haut que lui, et nous n’en avons pas peur. Quoi de plus beau que de régner au ciel, et de dominer ces nuages qui écrasent la terre ! N’est-ce point un honneur de naviguer sur les flots aériens ! Les plus grands personnages ont voyagé comme nous. La marquise et la comtesse de Montalembert, la comtesse de Podenas, MelIe La Garde, le marquis de Montalembert sont partis du faubourg Saint-Antoine pour ces rivages inconnus. Le duc3 2

UN DRAME DANS LES AIRS

de Chartres a déployé beaucoup d’adresse et de présence d’esprit dans son ascension du 15 juillet 1784 ; à Lyon, les comtes de Laurencin et de Dampierre ; à Nantes, M. de Luynes ; à Bordeaux, d’Arbelet des Granges ; en Ita­lie, le chevalier Andréani ; de nos jours, le duc de Brunswick ont laissé dans les airs la trace de leur gloire. Pour égaler ces grands personnages, il faut aller plus haut qu’eux dans les profondeurs célestes ! Se rapprocher de l’infini, c’est le comprendre !

La raréfaction de l’air dilatait considérablement l’hydro­gène, et je voyais la partie inférieure de l’aérostat, laissée vide à dessein, se gonfler peu à peu et rendre indispensable l’ouverture de la soupape ; mais mon terrible compagnon ne semblait pas décidé à me laisser manœuvrer à ma guise. Je résolus de tirer en secret la corde de la soupape, pendant qu’il parlait avec animation ; je craignais de deviner à qui j’avais affaire ! c’eût été trop horrible ! Il était environ une heure moins le quart, nous avions quitté Francfort depuis quarante minutes, et du côté du sud arrivaient contre le vent d’épais nuages prêts à se heurter contre nous.

- Avez-vous perdu tout espoir de faire triompher vos combinaisons ? dis-je avec un intérêt fort intéressé.

- Tout espoir ! répondit sourdement l’inconnu. Blessé par les refus, les caricatures, ces coups de pied d’âne, m’ont achevé. C’est l’éternel supplice réservé aux novateurs ! Voyez ces caricatures de toutes les époques, dont mon portefeuille est rempli.

J’avais saisi la corde de la soupape, et m’inclinant sur ses œuvres, je lui dérobai mes mouvements. Il était à craindre cependant qu’il ne remarquât ce sifflement semblable à une chute d’eau que produit le gaz en fuyant.

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UN VOYAGE EN BALLON

- Que de plaisanteries faites sur l’abbé Miolan ! Il devait s’enlever avec Janninet et Bredin. Pendant l’opération le feu prit à leur mongolfière, et une populace ignorante la mit en pièces ! Puis la caricature des animaux curieux les appela Miaulant; Jean Minet et Gredin.

Le baromètre commençait à remonter, il était temps !Quelques grondements lointains roulaient dans le sud.- Voyez cette autre gravure, continua-t-il, sans soupçon­

ner mes manœuvres. C’est un immense ballon enlevant un navire, des châteaux forts, des maisons, etc. Les caricatu­ristes ne pensaient pas que leurs niaiseries deviendraient un jour des vérités ! C’est un grand vaisseau ; à gauche son gouvernail avec le logement des pilotes ; à la proue, maisons de plaisance, orgue gigantesque et canon pour appeler l’attention des habitants de la terre ou de la lune ; au-dessus de la poupe, l’observatoire et le ballon-chaloupe ; au cercle équatorial, le logement de l’armée ; à gauche le fanal, puis les galeries supérieures pour les promenades, les voiles, les ailerons ; au-dessous, les cafés et le magasin général des vivres. Admirez cette magnifique annonce : « Inventé pour le bonheur du genre humain, ce globe partira incessamment pour les échelles du Levant, et à son retour il annoncera ses voyages tant pour les deux pôles que pour les extrémités de l’occident. Il ne faut se mettre en peine de rien ; tout est prévu, tout ira bien ; il y aura un tarif exact pour tous les lieux de passage ; mais les prix seront les mêmes pour les contrées les plus éloignées de notre hémisphère ; savoir :1.000 louis pour un desdits voyages quelconques. Et l’on peut dire que cette somme est bien modique eu égard à la célérité, à la commodité, et aux agréments dont on jouira dans ledit aérostat, agréments que l’on ne rencontre pas ici-34

UN DRAME DANS LES AIRS

bas ; attendu que dans ce ballon chacun y trouvera les choses de son imagination ; cela est si vrai, que, dans le même lieu, les uns seront au bal, les autres en station ; les uns feront chère exquise et les autres jeûneront ; quiconque voudra s’entretenir avec des gens d’esprit trouvera à qui par­ler ; quiconque sera bête ne manquera pas d’égal. Ainsi le plaisir sera l’âme de la société aérienne ! » Toutes ces inven­tions ont fait rire... Mais avant peu, si mes jours n’étaient comptés, on verrait que ces projets en l’air sont des réalités !

Nous descendions visiblement, il ne s’en apercevait pas !- Voyez encore cette espèce de jeu de ballons ; il contient

toute l’histoire de l’art aérostatique. Ce jeu, à l’usage des esprits élevés, se joue comme celui du juif ; il s’exécute avec des dés et des jetons du prix desquels on convient et que l’on paye ou l’on reçoit, selon la case où l’on arrive.

- Mais, repris-je, vous paraissez avoir des documents précieux sur l’aérostation ?

- Je suis moins savant que Dieu ! voilà tout ! Je possède toute la science possible dans ce monde. Depuis Phaéton, depuis Icare, depuis Architas, j’ai tout recherché, tout com­pulsé, tout compris ! Par moi, l’art aérostatique rendrait d’immenses services au monde, si Dieu me prêtait vie ! Mais cela ne sera pas.

- Pourquoi ?- Parce que je me nomme Empédocle ou Erostrate !

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UN VOYAGE EN BALLON

ILLa compagnie des aérostiers. La bataille de Fleurus. Les bal­

lons sur la mer. Blanchard et Jefferies. Un drame comme on en voit peu. A 3.000 mètres. Le tonnerre sous nos pieds. Gamerin à Rome. Plus de boussole ! Les victimes de Vaérostation : Pilâtre. A4.000 mètres. Plus de baromètre ! Chutes d’O/ivari, de Mosment, de Bittorf de Harris, de Sadler, de Mme Blanchard. Plus de sou­pape ! Ce quêtait mon compagnon. A 7.000 mètres. Zambecarri. Le ballon naufragé. Hauteurs incalculables. La nacelle renversée. Désespoir. Vertige. Chute. Dénouement.

- Je frissonnai ! Le ballon heureusement se rapprochait de terre ! Mais le danger est le même à 50 pieds comme à5.000 mètres ! Les nuages avançaient !

- Rappelez-vous la bataille de Fleurus, et vous compren­drez Futilité des aérostats ! Coutelle, par l’ordre du gouver­nement, organisa une compagnie d’aérostiers ! Au siège de Maubeuge, le général Jourdan retira de tels services de ce nouveau mode d’observation, que deux fois par jour, et avec le général lui-même, Coutelle s’élevait dans les airs ; la correspondance entre l’aéronaute et les aérostiers qui rete­naient le ballon, s’opérait au moyen de petits drapeaux blancs, rouges et jaunes ! Souvent des coups de carabine et de canon furent tirés sur le ballon, à l’instant qu’il s’élevait, mais sans résultat. Lorsque Jourdan se prépara à investir Charleroi, Coutelle se rendit près de cette place, l’enleva de la plaine de Jumet, et resta 7 ou 8 heures en observation avec le général Morelot. Les Autrichiens vinrent pour délivrer la ville, et une bataille eut lieu sur les hauteurs de36

UN DRAME DANS LES AIRS

Fleurus. Le général Jourdan proclama hautement les secours qu’il avait retirés des observations aéronautiques ! Eh bien ! malgré les services rendus à cette occasion, et pendant la campagne de Belgique, l’année qui avait vu commencer la carrière militaire des ballons, la vit aussi terminer ! Et l’école de Meudon, fondée par le gouverne­ment, fut fermée par Bonaparte, à son retour d’Egypte ! Qu’attendre de l’enfant qui vient de naître ? avait dit Frank­lin. Mais l’enfant était né viable ! Il ne fallait pas l’étouffer.

L’inconnu courba son front sur ses mains, se prit à réflé­chir quelques instants, puis, sans relever la tête, me dit :

- Malgré mes ordres, vous avez ouvert la soupape supé­rieure !

Je lâchai la corde.- Heureusement, continua-t-il, nous avons encore deux

cents livres de lest !- Quels sont vos projets ? dis-je avec effort.- Vous n’avez jamais traversé les mers !Je pâlis affreusement, la terreur me courait dans les

veines !- Il est fâcheux, dit-il, que nous soyons poussés vers la

mer Adriatique ! Ce n’est qu’un ruisseau ! Plus haut, nous trouverons peut-être d’autres courants ?

Et, sans me regarder, il délesta le ballon de quelques sacs de terre !

- Je vous ai laissé ouvrir la soupape, parce que la dilatation du gaz menaçait de crever le ballon ! Mais n’y revenez pas !

J’étais anéanti.- Vous connaissez la traversée de Douvres à Calais faite

par Blanchard et Jefferies ! C’est magnifique de détails ! Le 7 janvier 1785, par un vent de N.-O., leur ballon fut rempli de gaz sur la côte de Douvres ; une erreur d’équilibre, à peine furent-ils enlevés, les força à jeter leur lest pour ne pas

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UN VOYAGE EN BALLON

retomber, et ils n’en gardèrent que 30 livres ! Le vent ne fraîchissait pas, et ils avançaient lentement vers les côtes de France. La perméabilité du tissu fît peu à peu dégonfler l’aé­rostat, et au bout d’une heure et demie les voyageurs s’aper­çurent qu’ils descendaient. - Que faire ? dit Jefferies. - Nous ne sommes qu’aux trois quarts du chemin, répondit Blan­chard, et peu élevés ! En montant nous nous exposons à des vents contraires ! - Jetons le reste du sable ! - Le ballon reprit de sa force ascensionnelle, mais ne tarda pas à redes­cendre. Vers la moitié du voyage, les aéronautes se dimi­nuèrent de livres et d’outils. Un quart d’heure après, Blan­chard dit à Jefferies : Le baromètre ? - Il monte ! Nous sommes perdus ; et cependant voilà les côtes de France ! - Un grand bruit se fit entendre. - Le ballon est déchiré ? dit Jefferies. - Non ! la perte du gaz a dégonflé la partie infé­rieure du ballon ! Mais nous descendons toujours ! Nous sommes perdus ! En bas toutes les choses inutiles ! - Les provisions de bouche, les rames et le gouvernail furent jetés à la mer. Ils n’étaient plus qu’à 100 mètres de hauteur. - Nous remontons, dit le docteur. - Non, c’est l’élan causé par la diminution du poids ! Pas un navire en vue. Pas une barque à l’horizon ! A la mer nos vêtements ! - Les malheu­reux se dépouillèrent, mais le ballon descendait toujours. - Blanchard, dit Jefferies, vous deviez faire seul ce voyage ; vous avez consenti à me prendre ; je me dévouerai ! Je vais me jeter à l’eau, et le ballon soulagé remontera ! - Non, non ! c’est affreux ! - Le ballon se dégonflait de plus en plus, et sa concavité faisant parachute, resserrait le gaz contre les parois et en augmentait la fuite ! - Adieu, mon ami, dit le docteur ! Dieu vous conserve ! - Il allait s’élancer, quand Blanchard le retint. - Il nous reste une ressource ! Nous pouvons couper les cordages qui retiennent la nacelle, et nous accrocher au filet ! peut-être le ballon se relèvera-t-il.3 8

UN DRAME DANS LES AIRS

Tenons-nous prêts ! Mais... le baromètre descend ! Nous remontons ! Le vent fraîchit ! Nous sommes sauvés ! - Les voyageurs aperçoivent Calais ! Leur joie devient du délire ; quelques instants plus tard, ils s’abattaient dans la forêt de Guines. Je ne doute pas, ajouta l’inconnu, qu’en pareille cir­constance, vous ne prissiez exemple sur le docteur Jefferies !

Les nuages se déroulaient sous nos pieds en cascades éblouissantes ; le ballon jetait de grandes ombres sur cet entassement de nuées, et s’enveloppait comme d’une auréo­le ! Le tonnerre mugissait sous nos pieds ! Tout cela était effrayant !

- Descendons ! m’écriai-je.- Descendre, quand le soleil est là, qui nous attend !

A bas les sacs ! Et il délesta le ballon de plus de 50 livres ! A 3.000 mètres, nous demeurâmes stationnaires. L’inconnu parlait sans cesse, mais je l’entendais à peine ; j’étais dans une prostration complète, tandis qu’il semblait dans son élément.

- Avec un bon vent, nous irions loin, mais il m’importe surtout d’aller haut !

- Nous sommes perdus !- Dans les Antilles, il y a des courants d’air qui font

cent lieues à l’heure ! Lors du couronnement de Napoléon, Garnerin lança un ballon illuminé de verres de couleurs, à onze heures du soir ! Le vent soufflait du N.-N.-O ; le len­demain au point du jour, les habitants de Rome saluaient son passage au-dessus du dôme de Saint-Pierre ! Nous irons plus loin !

J’entendais à peine, tout bourdonnait autour de moi ! Une trouée se fît dans les nuages !

-Voyez cette ville, mon hôte, dit l’inconnu ! C’est Spire ! Pas autre chose !

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Je n’osai guère me pencher en dehors de la nacelle. Cependant j’aperçus un petit entassement noirâtre. C’était Spire. Le Rhin, si large, ressemblait à un ruban déroulé ; les grandes routes, à des cordons. Au-dessus de notre tête, le ciel était d’un azur foncé ; j’étais engourdi par le froid ; les oiseaux nous avaient abandonnés depuis longtemps ; dans cet air raréfié leur vol eût été impossible. Nous étions seuls dans l’espace, et moi en présence d’un homme étrange !

- Il est inutile que vous sachiez où je vous mène, dit-il, et il lança la boussole dans les nuages. C’est une belle chose qu’une chute. Vous savez que l’on compte peu de victimes depuis Pilatre des Rosiers, jusqu’au lieutenant Gale, et c’est toujours l’imprudence qui causa les malheurs. Pilatre des Rosiers partit avec Romain, de Boulogne, le 13 juin 1785. A son ballon à gaz il avait suspendu une mongolfïère à air échauffé, afin de s’affranchir sans doute de perdre du gaz, ou de jeter du lest. C’était mettre un réchaud sous un tonneau de poudre. Les imprudents arrivèrent à 400 mètres, et furent pris par les vents opposés qui les rejetaient en plei­ne mer. Pour descendre, Pilatre voulut ouvrir la soupape de l’aérostat ; mais la corde de cette soupape se trouva engagée dans le ballon et le déchira tellement qu’il se vida en un instant ; il tomba sur la mongolfïère, la fit tournoyer et entraîna les imprudents qui se brisèrent en quelques secondes. C’est effroyable, n’est-ce pas ? me dit l’inconnu en me secouant de ma torpeur.

Je ne pus répondre que ces mots :- Par pitié, descendons ! Les nuages nous pressaient de

toutes parts, et d’effroyables détonations, qui se répercutaient dans la cavité de l’aérostat, se croisaient autour de nous.

- Vous m’impatientez ! dit-il. Vous ne saurez plus si nous montons ou si nous descendons.40

UN DRAME DANS LES AIRS

Et le baromètre alla rejoindre la boussole avec quelques sacs de terre. Nous devions être à 4.000 mètres de hauteur ! Quelques glaçons s’attachaient aux parois de la nacelle, et une sorte de neige fine me pénétrait jusqu’aux os ! Cepen­dant un effroyable orage éclatait sous nos pieds ! Nous étions plus haut que lui.

- N’ayez pas peur, disait mon étrange compagnon ; il n’y a que les imprudences qui fassent des victimes. Olivari, qui périt à Orléans, s’enlevait dans une mongolfière en papier ; sa nacelle, suspendue au-dessous du réchaud, et lestée de matières combustibles devint la proie des flammes ! Olivari tomba et se tua. Mosment s’enlevait à Lille, sur un plateau léger ; une oscillation lui fit perdre l’équilibre. Mosment tomba et se tua. Bittorf, à Mannheim, vit son ballon de papier s’enflammer dans les airs ! Bittorf tomba et se tua. Harris s’éleva dans un ballon mal construit, dont la soupape trop grande ne put se refermer. Harris tomba et se tua. Sadler, privé de lest par son long séjour dans l’air, fut entraîné sur la ville de Boston, et heurté contre les che­minées ; Sadler tomba et se tua. Coking descendit avec un parachute convexe qu’il prétendait perfectionné ! Coking tomba et se tua. Eh bien, je les aime, ces nobles victimes de leur courage ! et je mourrai comme elles ! Plus haut ! plus haut !

Tous les fantômes de cette nécrologie me passaient devant les yeux ! La raréfaction de l’air et les rayons du soleil augmentaient la dilatation du gaz ; le ballon montait toujours ! Je voulus ouvrir machinalement la soupape ; mais l’inconnu en coupa la corde à quelques pieds au-dessus de ma tête. J’étais perdu !

- Avez-vous vu tomber Mme Blanchard ? me dit-il. Je l’ai vue, moi ! oui, moi ! J’étais au Tivoli le 6 juillet 1819. Mme Blanchard s’élevait dans un ballon de petite taille, pour

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UN VOYAGE EN BALLON

épargner les frais de remplissage ; elle était obligée alors de le gonfler entièrement, et le gaz fusait par l’appendice infé­rieur, laissant sur sa route une véritable traînée d’hydrogè­ne. Elle emportait, suspendue au-dessous de sa nacelle par un fil de fer, une sorte d’auréole d’artifice qu’elle devait enflammer. Maintes fois elle avait répété cette expérience. Ce jour-là, elle enlevait, de plus, un petit parachute lesté par un artifice terminé en boule à pluie d’argent. Elle devait lan­cer cet appareil après l’avoir enflammé avec une lance à feu toute préparée à cet effet. Elle partit. La nuit était sombre. Au moment d’allumer son artifice, elle eut l’imprudence de faire passer la lance à feu sous la colonne d’hydrogène qui fuyait du ballon. J’avais les yeux fixés sur elle. Tout à coup, une lueur inattendue éclaire les ténèbres. Je crus à une surprise de l’habile aéronaute. La lueur grandit, disparut soudain et reparut au sommet de l’aérostat sous la forme d’un immense jet de gaz enflammé. Cette clarté sinistre se projetait sur le boulevard et sur tout le quartier Montmartre. Alors je vis la malheureuse se lever, essayer deux fois de comprimer l’appendice du ballon pour éteindre le feu, puis s’asseoir dans sa nacelle et chercher à diriger sa descente ; car elle ne tombait pas. La combustion du gaz dura plu­sieurs minutes. Le ballon, s’amoindrissant de plus en plus, descendait toujours, mais ce n’était pas une chute ! Le vent soufflait du N.-O., et le rejeta sur Paris. Alors, aux environs de la maison n° 16, rue de Provence, il y avait d’immenses jardins. L’aéronaute pouvait y tomber sans danger. Mais, fatalité ! le ballon et la nacelle portent sur le toit de la maison ! Le choc fut léger. A moi ! crie l’infortunée ! j’arrivais dans la rue à ce moment. La nacelle glissa sur le toit, rencontra un crampon de fer. A cette secousse, Mme Blanchard fut lancée hors de sa nacelle et précipitée sur le pavé ! Elle se tua !4 2

UN DRAME DANS LES AIRS

Ces histoires de funeste augure me glaçaient d’horreur ! L’inconnu était debout, tête nue, cheveux hérissés, yeux hagards !

Plus d’illusion possible. Je voyais enfin l’horrible vérité. J’avais affaire à un fou !

Il jeta la moitié du lest, et nous dûmes être emportés à 7.000 mètres de hauteur ! Le sang me sortait par le nez et par la bouche !

- Qu’y-t-il de plus beau que les martyrs de la science ? ils sont canonisés par la postérité !!

Je n’entendais plus. L’inconnu regarda autour de lui avec horreur et s’agenouilla à mon oreille :

- Le 7 octobre 1804, le temps parut se lever un peu ; les jours précédents, le vent et la pluie n’avaient pas cessé ! Mais l’ascension annoncée par Zambecarri ne pouvait se remettre ! Ses ennemis idiots le bafouaient déjà ! Il fallait partir pour sauver de la risée publique la science et lui. C’était à Bologne ! Personne ne l’aidait au remplissage de son ballon ; ce fut à minuit qu’il s’enleva, accompagné d’Andréoli et de Grossetti ! Le ballon monta lentement ; il avait été troué par la pluie, et le gaz fusait. Les trois intré­pides voyageurs ne pouvaient observer l’état du baromètre qu’à l’aide d’une lanterne sourde. Zambecarri n’avait pas mangé depuis vingt-quatre heures ; Grossetti était aussi à jeun.- Mes amis, dit Zambecarri, le froid me saisit, je suis épuisé ! je vais mourir ; - et il tomba inanimé dans la galerie. Il en fut de même pour Grossetti. Andréoli seul res­tait éveillé. Après de long efforts, il parvint à secouer Zam­becarri de son engourdissement. - Qu’y a-t-il de nouveau ? Où allons-nous ? D’où vient le vent ? Quelle heure est-il ? - Il est deux heures ! - Où est la boussole ? - Renversée ! Grand Dieu ! la bougie s’éteint ! - Elle ne peut plus brûler dans cet air raréfié, dit Zambecarri ! - La lune n’était pas

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UN VOYAGE EN BALLON

levée ; l’atmosphère était plongée dans une ténébreuse horreur. - J’ai froid, j’ai froid ! Andréoli. Que faire ? - Les malheureux descendirent lentement à travers une couche de nuages blanchâtres. - Chut ! dit Andréoli ; entends-tu ?- Quoi ? répondit Zambecarri. - Un bruit singulier ! - Tu te trompes ! - Non ! - Voyez-vous ces voyageurs au milieu de la nuit, écoutant ce bruit incompréhensible ! Vont-ils se heurter contre une tour ? Vont-ils être précipités sur des toits ? - Entends-tu ? On dirait le bruit de la mer !- Impossible ! - C’est le mugissement des vagues ! - C’est vrai ! - De la lumière ! de la lumière ! - Après cinq tentatives infructueuses, Andréoli en obtint. Il était trois heures ! Le bruit des vagues se fît entendre avec violence ; ils touchaient presque à la surface de la mer ! - Nous sommes perdus ! cria Zambecarri, et il se saisit d’un gros sac de lest.- A nous ! cria Andréoli. - La nacelle touchait l’eau, et les flots leur couvraient la poitrine ! - A la mer les instruments, les vêtements, l’argent ! - Les aéronautes se dépouillèrent entièrement. Le ballon délesté s’enleva avec une rapidité effroyable ! Zambecarri fut pris d’un vomissement considé­rable. Grossetti saigna abondamment. Les malheureux ne pouvaient parler, leur respiration était courte ! Le froid les saisit, et en un moment ils furent couverts d’une couche de glace. La lune leur parut rouge comme du sang ! Après avoir parcouru ces hautes régions pendant une demi-heure, la machine retomba dans la mer ! Il était quatre heures du matin : les aéronautes naufragés avaient la moitié du corps dans l’eau, et le ballon, faisant voile, les traîna pendant plusieurs heures. Au point du jour, ils se trouvèrent vis-à-vis de Pesaro, à quatre milles de la côte ; ils y allaient aborder, quand un coup de vent les rejeta en pleine mer ! Ils étaient perdus ! Les barques épouvantées fuyaient à leur approche !44

UN DRAME DANS LES AIRS

Heureusement, un navigateur plus instruit les accosta, les hissa à bord, et ils débarquèrent à Ferrada ! C’était affreux ! Mais Zambecarri était un brave ! A peine remis de ses souf­frances, il recommença ses ascensions ! A l’une d’elles, il se heurta contre un arbre, sa lampe à esprit-de-vin se répandit sur ses vêtements et les enflamma ; il fut couvert de feu ; sa machine commençait à s’embraser, quand il put redescendre à demi brûlé ! Le 21 septembre 1812, il fit une autre ascen­sion à Bologne ; son ballon s’accrocha à un arbre ; sa lampe y mit le feu ! Zambecarri tomba et se tua ! Et en présence de ces hauts faits, nous hésiterions encore ! Non ! Plus nous irons haut, plus la mort sera glorieuse !

Le ballon entièrement délesté, nous fûmes emportés à des hauteurs inabordables ! L’aérostat vibrait dans l’atmo­sphère ; le moindre bruit faisait éclater les voûtes célestes ; le globe, le seul objet qui frappât ma vue dans l’immensité, semblait prêt à s’anéantir, et au-dessus de nous les hauteurs du ciel se perdaient dans les ténèbres profondes !

Je vis l’individu se dresser devant moi !- Voici l’heure ! me dit-il. Il faut mourir ! Nous sommes

rejetés par les hommes ! Ils nous méprisent ! écrasons-les !- Grâce ! fi s-je.- Coupons ces cordes ! que cette nacelle soit abandon­

née dans l’espace ! La force attractive changera de direction, et nous aborderons au soleil !

Le désespoir me galvanisa ! je me précipitai sur le fou, nous nous prîmes corps à corps, et une lutte effroyable se passa ! Mais j’étais terrassé ! et tandis qu’il me maintenait sous son genou, il coupait les cordes de l’esquif !

- Une ! fit-il.- Grâce ! mon Dieu.- Deux ! trois !

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UN VOYAGE EN BALLON

Une corde de plus, et la nacelle n’était soutenue que d’un côté ! Je fis un effort surhumain, je me redressai et repous­sai vivement cet insensé.

- Quatre ! dit-il. La nacelle culbuta ! je m’accrochai ins­tinctivement aux cordages qui tenaient l’esquif, et montai avec rage sur le côté supérieur.

L’inconnu avait disparu dans l’espace !Le ballon fut enlevé en un clin d’œil à une hauteur

incommensurable ! Un horrible craquement se fit entendre. Le gaz trop dilaté avait crevé l’enveloppe ! Je fermai les yeux. Quelques instants après, une chaleur humide me rani­ma ; j’étais au milieu de nuages en feu ! Le ballon tournoyait avec un vertige effrayant ! je me sentais défaillir ! Pris par le vent, je faisais cent lieues à l’heure dans ma course horizontale ; les éclairs se croisaient autour de moi !

Cependant ma chute n’était pas rapide. Quand je rouvris les yeux, j’aperçus la campagne ! j’étais à deux milles de la mer, l’ouragan m’y poussait avec force. J’étais perdu, quand une secousse brusque me fit lâcher prise ; mes mains s’ou­vrirent, une corde glissa rapidement entre mes doigts, et je me trouvai à terre ! C’était la corde de l’ancre qui, balayant la surface du sol, s’était prise dans une crevasse ! Je m’éva­nouis, et mon ballon délesté, reprenant son essor, alla se perdre au-delà des mers !

Quand je revins à moi, j’étais couché chez un paysan, à Harderwick, petite ville de la Gueldre, à quinze lieues d’Amsterdam, sur les bords du Zuyderzée !

Un miracle m’avait sauvé ! Mais mon voyage n’avait été qu’une série d’imprudences auxquelles je n’avais pu parer !

Que ce terrible récit, en instruisant ceux qui me lisent, ne décourage donc pas les explorateurs des routes de l’air.

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Le ce Lâcher tout » traditionnel allait être prononcé et nous étions au moment de quitter le sol...

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Vingt-quatreminutes

en ballon

Ascension de 1873.« CHRONIQUE LOCALE »

Journal d'Amiens - Moniteur de la Somme n° 5102, 21 septembre 1873, p. 2

Nous recevons de M. Godard (Eugène) l’avis qu’une grande fête aérostatique aura lieu le dimanche 28 septembre,

si le temps le permet sur la place Longueville d’Amiens.Outre l’ascension de l’aéronaute et de ses passagers, il y aura des courses en sac, un carrousel comique, la cruche aérienne,

les douches polonaises, etc., etc. Une flottille aérostatique de ballon, la descente en parachute du singe Jacques, et un concert d’harmonie compléteront l’ensemble de cette fête.

- Les prix d’entrée seront modérés.49

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VINGT-QUATRE MINUTES EN BALLON

Mon cher Monsieur Jeunet,Voici les quelques notes que vous m’avez demandées sur

le voyage du Météore.Vous savez dans quelles conditions l’ascension allait se

faire : le ballon relativement petit, d’une contenance de 900 mètres cubes, pesant 270 kilos avec sa nacelle et ses agrès, gonflé d’un gaz, excellent pour l’éclairage, mais par cela même d’une puissance ascensionnelle médiocre, devait prendre quatre personnes, l’aéronaute Eugène Godard, plus trois voyageurs : M. Deberly, avocat, M. Merson, lieutenant au 14e de ligne, et moi.

Au moment de partir, impossible d’enlever tout ce monde. M. Merson ayant déjà fait des ascensions aérosta­tiques à Nantes avec Eugène Godard, consentit, quoiqu’il lui en coûtât, à céder sa place à M. Deberly, qui faisait, comme moi, sa première excursion aérienne. Le « Lâchez tout » tra­ditionnel allait être prononcé et nous étions au moment de quitter le sol...

Mais on comptait sans le fils d’Eugène Godard, un intré­pide petit bonhomme de neuf ans, qui a escaladé la nacelle, et pour lequel il a fallu sacrifier deux sacs de lest sur quatre. Deux sacs seulement ! Jamais Eugène Godard ne s’était enlevé dans ces conditions. L’ascension ne pouvait donc être de longue durée.

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UN VOYAGE EN BALLON

Nous sommes partis à 5 heures 24, lentement et obli­quement. Le vent nous portait vers le sud-est, et le ciel était d’une incomparable pureté. Quelques nuages orageux à l’horizon seulement. Le singe Jack, précipité avec son parachute, nous a permis de monter plus rapidement, et, à 5 heures 28, nous planions à une hauteur de 800 mètres, hauteur relevée au baromètre anéroïde.

La vue de la ville était magnifique. La place Longueville ressemblait à une fourmilière de fourmis rouges et noires, celles-ci civiles, celles-là militaires ; la flèche de la cathédra­le s’abaissait peu à peu, et marquait comme une aiguille les progrès de l’ascension.

En ballon, aucun mouvement, ni horizontal, ni vertical, n’est perceptible. L’horizon paraît toujours se maintenir à la même hauteur. Il gagne en rayon, voilà tout, tandis que la terre, au-dessous de la nacelle, se creuse comme un enton­noir. En même temps, silence absolu, calme complet de l’at­

mosphère, que troublent seuls les gémissements de l’osier qui nous porte.

A 5 heures 32, un rayon de soleil sort des nuages qui chargent l’hori­zon de l’ouest, et pique le ballon ; le gaz se dilate, et sans qu’aucun lest ait été jeté, nous sommes portés à une hauteur de 1.200 mètres, maximum d’altitude que nous ayons atteint pendant le voyage.

Voici ce que perçoit le regard. Sous nos pieds, Saint-Acheul et ses jardins noirâtres, rétrécis comme si on

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VINGT-QUATRE MINUTES EN BALLON

les regardait par le gros bout d’une lorgnette ; la Cathédrale écrasée, dont la flèche se confond alors avec les dernières maisons de la ville ; la Somme, un mince ruban clair ; les chemins de fer, quelques traits tracés au tire-ligne ; les rues, des lacets sinueux ; les hortillonnages, un simple étalage de marchand maraîcher ; les champs, une de ces cartes d’échan­tillons multicolores que les tailleurs du vieux temps suspen­daient à leur porte ; Amiens, un amoncellement de petits cubes grisâtres ; on dirait qu’on a vidé sur la plaine une boîte de joujoux de Nuremberg. Puis, les villages environnants, Saint-Fuscien, Villers-Bretonneux, La Neuville, Boves, Camon, Longueau, autant de gros tas de pierres qu’on aurait disposés ça et là pour un macadamisage gigantesque.

En ce moment, l’intérieur de l’aérostat est illuminé. Je regarde à travers l’appendice inférieur qu’Eugène Godard tient toujours ouvert. Au dedans, clarté limpide, sur laquel­le se détachent les côtes alternative­ment jaunes et brunes du Météore.Rien ne trahit la présence du gaz, ni sa couleur, ni son odeur.

Cependant, nous descendons, car nous sommes lourds. Il faut jeter du lest pour se maintenir. Les milliers de prospectus, lancés au dehors, indi­quent un courant plus vif dans une zone plus basse. Devant nous Lon­gueau, mais avant Longueau, une suite d’entrailles marécageuses.

- Descendrons-nous dans ce marais ? ai-je demandé à Eugène Godard.

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VINGT-QUATRE MINUTES EN BALLON

- Non, me répondit-il, et, si nous n’avons plus de lest, je jetterai mon sac de voyage. Il faut absolument franchir ce marais.

Nous retombons toujours. A 5 heures 43, et à 500 mètres du sol, un vent vif nous saisit. Nous passons au-dessus d’une cheminée d’usine, au fond de laquelle plongent nos regards ; le ballon se réfléchit, par une sorte de mirage, dans l’eau des entailles ; les fourmis humaines ont grossi et courent sur les chemins. Un petit pré est là, entre les deux lignes de chemin de fer, en avant de la bifurcation.

- Eh bien ? dis-je.- Eh bien ? nous passerons le chemin de fer, nous pas­

serons le village qui est au-delà ! me répond Eugène Godard.

Le vent est vif. Nous nous en apercevons à l’agitation des arbres. La Neuville est traversée. Devant nous, c’est la plai­ne. Eugène Godard lance son guide-rope, corde longue de 150 mètres, puis son ancre. A 5 heures 47, l’ancre frappe le sol ; quelques coups de soupape sont donnés ; des curieux très obligeants accourent, saisissent le guide-rope, et nous venons doucement toucher le sol, sans la moindre secousse. Le bal­lon s’est posé là comme un gros oiseau bien portant, et non comme un gibier qui a du plomb dans l’aile.

Vingt minutes après, le ballon était dégonflé, roulé, empaqueté, placé dans une charrette, et une voiture nous ramenait à Amiens.

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UN VOYAGE EN BALLON

Voilà, mon cher monsieur Jeunet, quelques impressions courtes, mais exactes. Laissez-moi ajouter qu’une simple promenade aérienne, et même un long voyage aérostatique, n’offrent jamais de danger, sous la direction d’Eugène Godard. Hardi, intelligent, expérimenté, homme de grand sang-froid, qui compte déjà plus de mille ascensions dans l’ancien et le nouveau monde, Eugène Godard ne donne jamais rien au hasard. Tout est prévu par lui. Aucun incident ne peut le surprendre. Il sait où il va, il sait où il descendra. Il choisit avec une perspicacité merveilleuse son lieu de halte. Il procède mathématiquement, le baromètre d’une main, le sac à lest de l’autre. Ses appareils sont admirable­ment conditionnés. Jamais une hésitation de la soupape, jamais une duplicature de l’enveloppe. Une « corde de fracture » lui permet au besoin de fendre son aérostat au cas où le ballon, rasant la terre, demanderait à être instanta­nément vidé pour les nécessités de l’atterrissement. Eugène Godard, par son expérience, son sang-froid, son coup d’œil, est véritablement maître de l’air qui le soutient et qui le véhicule, et aucun autre aéronaute, on le sait, ne peut lui être comparé. Dans ces conditions, un voyage aérien offre toute sécurité. Ce n’est même plus un voyage, c’est quelque chose comme un rêve, mais un rêve toujours trop court !

Agréez, mon cher monsieur Jeunet, etc.Jules Verne

Les illustrations et vignettes sont de Sarah Debove(celles de 24 minutes en ballon ont été conçues en gravure taille douce).CouvertureDessins de Sarah Debove et photographies aériennes de Bernard Maison pour Amiens Métropole.Carte du rabat avant : ArtimediA.Gravure du rabat arrière : Le ballon Le Géant au Champ-de-Mars, dessin de Fellmann, collection de la Maison de Jules Verne.Frontispice page 5 : Musée des Familles, collection Volker Dehs.Il a été tiré de cette première édition 3000 exemplaires sur papier vergé blanc nacré, dont 128 exemplaires dédicacés par l'artiste Sarah Debove, et numérotés de 1873 à 2001.

Les mécènes de cet ouvrage sont : le Conseil Régional de Picardie, le Conseil Général de la Somme,Amiens Métropole,le Centre d’Etudes du Roman et du Romanesque (UPJV), le Crédit Agricole de la Somme,Aérophile SA

Édition préparée par Cécile Hautière La Maison de Jules Verne,2 rue Charles Dubois, 80000 AmiensEdition spéciale de la Revue Jules VerneDépôt légal : juin 2001ISSN 1280-9136 - ISBN 2-901811-23-X© 2001, CIJV - La Maison de Jules VerneRéalisation ArtimediA, impression De Chabrol, Cap 18, Paris

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Trois textes oubliés de Jules Verne illustrés par Sarah Debove.Trois textes pour regarder la ville et la vie d’en haut, d’un autre œil, plus vif et plus fantaisiste.