thomas jefferson courrier du c.v.p.r. · 2019. 1. 7. · « le prix de la liberté, c’est la...

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« Le prix de la liberté, c’est la vigilance éternelle » Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. Bulletin du Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient OCTOBRE • NOVEMBRE • DÉCEMBRE • 2018 • N° 71 SOMMAIRE • Discours au Conseil de Sécurité d’Hagai El-Ad p. 3/4 • J’ai demandé à Amira Hass… Par Robert Fisk p. 5 • La nouvelle loi sur l’Etat Nation Par Dominique vidal p. 6 • Israël a désormais une loi raciale Par Gidéon Lévy p. 6/7 • Les Eglises demandent l’abandon de la loi Par Christophe Lafontaine p. 8 • A Gaza, le Qatar œuvre pour asseoir son rôle dans le dossier palestinien p. 9 • La Marche du retour à Gaza Par Ziad Medoukh p. 10 Dossier : Les réfugiés p.11/18 • BDS la campagne en France et dans le monde p.19/22 • En reconnaissant l’État de Palestine, la France… Par Leïla Shahid p. 23 • Gaza : l’OMS dénonce les entraves imposées dans l’accès aux soins… p. 24 • Paris demande la levée du blocus imposé à Gaza p. 25 • Le courrier des lecteurs p.25/26 • Livres p.27/28 dès maintenant notez sur vos agendas, la date du samEdi 29 mars 2019 nous tiendrons ce jour-là, l’aG annuelle de notre association. a tous nos adhérents et sympathisants le CVPr PO présente ses mEillEurs Vœux à l’occasion de la nOuVEllE annéE Editorial Etat dE PalEstinE : l’an trEntE L e 29 novembre 1947, l’ONU vote un Plan de partage inique divisant la Palestine, encore sous mandat britannique, entre un Etat juif et un Etat arabe, avec un statut spécial pour Jérusalem. Elle n’a pas envisagé le moindre référendum d’au- todétermination des populations, contrairement à sa Charte ! Le 14 mai 1948, deux mois avant la date prévue au Plan de partage, David Ben Gourion annonce la création de l’Etat juif, qu’il nomme Israël. La première guerre israélo-arabe (1948/1949) permet à cet Etat victorieux de porter sa superficie de 55 % à 78 % du mandat britannique. Et, pour bien justifier le vieux slogan sioniste « Une terre sans peuple, pour un peuple sans terre », Ben Gourion n’hésite pas, à appliquer le plan Daleth, préétabli, et expulse plus de 750 000 Palestiniens et détruit plus de 530 de leurs villages pour faire table rase... L’Etat d’Israël est admis à l’ONU, en mars 1949, à la double condi- tion de reconnaître le plan de partage (La résolution 181) et le retour des « réfugiés » (disons plutôt des expulsés) (La résolution 194 du 11 décembre 1948)... Le 15 novembre 1988, quarante ans après, le leader palestinien Yasser Arafat annonce au monde cette décision historique : le Conseil National palestinien de l’OLP, réuni à Alger, vient à son tour de proclamer l’Etat de Palestine, envahi et occupé depuis juin 1967 par l’armée israélienne - avec l’acceptation des deux résolutions précitées, donc la reconnaissance de facto de l’Etat israélien, dans ses « frontières » de 1967. La première Intifada ou « Guerre des pierres », déclenchée spontanément par les • Suite page 2 DR Inspiré par ce qu’ils avaient vu à Bilin, en 2005, un collectif de photographes a créé Activestills, dont le travail est devenu vital pour documenter la lutte contre l’occupation israélienne et la vie quotidienne des Palestiniens.

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Page 1: Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. · 2019. 1. 7. · « Le prix de la liberté, c’est la vigilance éternelle » Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. Bulletin du Comité de

« Le prix de la liberté, c’est la vigilance éternelle » Thomas Jefferson

Courrier du C.V.P.R.Bulletin du Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient

OCTOBRE • NOVEMBRE • DÉCEMBRE • 2018 • N° 71

SOMMAIRE

• Discours au Conseil de Sécurité d’Hagai El-Ad p. 3/4

• J’ai demandé à Amira Hass…Par Robert Fisk p. 5

• La nouvelle loi sur l’Etat NationPar Dominique vidal p. 6

• Israël a désormais une loi racialePar Gidéon Lévy p. 6/7

• Les Eglises demandent l’abandon de la loiPar Christophe Lafontaine p. 8

• A Gaza, le Qatar œuvre pour asseoir son rôle dans le dossier palestinien p. 9

• La Marche du retour à GazaPar Ziad Medoukh p. 10

Dossier : Les réfugiés p.11/18

• BDS la campagne en France et dans le monde p.19/22

• En reconnaissant l’État dePalestine, la France…Par Leïla Shahid p. 23

• Gaza : l’OMS dénonce les entraves imposées dans l’accès aux soins… p. 24

• Paris demande la levée du blocus imposé à Gaza p. 25

• Le courrier des lecteurs p.25/26

• Livres p.27/28

dès maintenant notez sur vos agendas, la date du samEdi 29 mars 2019nous tiendrons ce jour-là,

l’aG annuelle de notre association.

a tous nos adhérents et sympathisantsle CVPr PO présente ses

mEillEurs Vœuxà l’occasion de la

nOuVEllE annéE

Editorial

Etat dE PalEstinE :l’an trEntE

Le 29 novembre 1947, l’ONU vote un Plan de partage iniquedivisant la Palestine, encore sous mandat britannique, entre unEtat juif et un Etat arabe, avec un statut spécial pourJérusalem. Elle n’a pas envisagé le moindre référendum d’au-todétermination des populations, contrairement à sa Charte !

Le 14 mai 1948, deux mois avant la date prévue au Plan de partage,David Ben Gourion annonce la création de l’Etat juif, qu’il nomme Israël.La première guerre israélo-arabe (1948/1949) permet à cet Etat victorieuxde porter sa superficie de 55 % à 78 % du mandat britannique. Et, pourbien justifier le vieux slogan sioniste « Une terre sans peuple, pour unpeuple sans terre », Ben Gourion n’hésite pas, à appliquer le plan Daleth,préétabli, et expulse plus de 750 000 Palestiniens et détruit plus de 530 deleurs villages pour faire table rase...

L’Etat d’Israël est admis à l’ONU, en mars 1949, à la double condi-tion de reconnaître le plan de partage (La résolution 181) et le retourdes «  réfugiés  » (disons plutôt des expulsés) (La résolution 194 du 11 décembre 1948)...

Le 15 novembre 1988, quarante ans après, le leader palestinien YasserArafat annonce au monde cette décision historique : le Conseil Nationalpalestinien de l’OLP, réuni à Alger, vient à son tour de proclamer l’Etat dePalestine, envahi et occupé depuis juin 1967 par l’armée israélienne - avecl’acceptation des deux résolutions précitées, donc la reconnaissance defacto de l’Etat israélien, dans ses «  frontières  » de 1967. La premièreIntifada ou «  Guerre des pierres  », déclenchée spontanément par les

• Suite page 2

DR

Inspiré par cequ’ils avaientvu à Bilin, en2005, un collectif dephotographesa crééActivestills,

dont le travailest devenuvital pour documenter lalutte contrel’occupation israélienne etla vie quotidiennedesPalestiniens.

Page 2: Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. · 2019. 1. 7. · « Le prix de la liberté, c’est la vigilance éternelle » Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. Bulletin du Comité de

Palestiniens en décembre 1987, a joué un rôle décisif dans cette victoire.L’OLP tendait ainsi la main à Israël, avec une terrible concession, il acceptaitde voir le nouvel Etat réduit à 22 % de la surface du mandat britannique !

Qu’est donc devenu l’Etat de Palestine, trente ans après ?

Sur le plan intérieur, deux faits sont incontestables.

Le premier, israël, n’a pas, n’a jamais eu, l’intention de le reconnaître. En attendant, il occupe le pays, le colonise, y installe 600 000 des siens,

dont 200 000 à Jérusalem, ville annexée, à la surface multipliée par plus de 10,proclamée en 1980, « Capitale unifiée et éternelle de l’Etat d’Israël » ; enfer-me la population palestinienne dans des murs créant de véritables bantous-tants ; construit des routes de contournement réservées aux seuls juifs, doncd’apartheid  ; réprime, arrête, emprisonne y compris sans jugement, humiliequotidiennement hommes, femmes, enfants aux innombrables checkpoints.

A cela, les Palestiniens ont opposé une résistance non violente, en particu-lier par la Marche du Retour, de tout âge à Gaza, depuis le mois de mars.

Le deuxième, les dirigeants de cet Etat occupé, n’arrivent pas, hélas, às’entendre.

A Ramallah règnent le Président de l’Etat, de l’Autorité palestinienne et del’OLP, Mahmoud Abbas, et un parti, le Fatah.

A Gaza, soi disant « libéré » par les Israéliens en 2005 - devenu depuis 2007une prison à ciel ouvert - le Hamas. En 2006, celui-ci a gagné les élections danstoute la Palestine occupée. Mais ni les dirigeants israéliens, ni ceux des Etats-Unis, ni ceux de l’U.E., n’ont admis cette victoire, démontrant combien ceshérauts de la « Démocratie » et des « Droits de l’homme » en font peu de cas.

De nombreuse tentatives de rapprochement ont eu lieu, voire des accords,mais, hélas, sans suite. Et c’est en vain que le peuple palestinien attend depuisplus de douze ans de nouvelles élections...

Sur le plan extérieur : l’Etat de Palestine a bien davantage progressé.Les « accords d’Oslo », en septembre 1993, ne lui ont rien rapporté, bien au

contraire, Israël ayant exigé le report à plus tard des questions essentielles : leretour aux frontières de 1967 ; le partage de Jérusalem ; le retour des « réfugiés ».

Mais, depuis le 15 novembre 1988, 138 Etats ont déjà reconnu l’Etat dePalestine, dont les derniers en date, le Vatican et la Suède. Mais pas encore laFrance, notre pays, chantre de la « liberté et des droits de l’Homme !

Après son entrée triomphale à l’UNESCO en 2011, comme membre à partentière, la Palestine est devenue le 29 novembre 2012 - 65 années, jour pourjour, après le Plan de partage - le 194ème Etat des Nations Unies. Pour l’ins-tant Etat non membre, mais « observateur », comme le Vatican. Il ne s’agit paslà d’un simple geste symbolique, même si l’occupation perdure.

L’année 2018 a été marquée par une accélération de la violation du droitinternational par Israël et les Etats-Unis, le président Donald Trump reconnais-sant Jérusalem « capitale d’Israël ». Par le vote à la Knesset d’une loi fonda-mentale le 18 juillet proclamant « Israël, Etat nation du peuple juif », établis-sant ainsi, en droit, un régime d’apartheid imposé au peuple palestinien, defacto depuis 1948, tant en Palestine occupée qu’en Israël même.

Mais, depuis 2012, le rapport de force moral à l’égard de la « questionpalestinienne  » est désormais, au sein de la communauté internationale enfaveur de la Palestine. L’appel, à la veille du vote en 2012, et le vote, des grandspays émergents, le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud a été significatif à ce sujet.

Depuis la Palestine a rejoint plus de 50 organisations internationales. Parmielles : la CNUCED à Genève ; l’ONUDI à Vienne ; l’OIAC (Convention surl’interdiction des armes chimiques) et la CPI à La Haye. Les Palestiniens sontaussi membres à part entière d’Interpol, dont le siège est à Lyon.

Et, désormais, il ne peut plus être question du « conflit israélo-pales-tinien », mais de l’occupation par un Etat, israël, de son voisin, l’Etatde Palestine, que certains dirigeants israéliens, un comble, envisagentd’annexer !

Maurice Buttin, président du cVPr Po

EDITORIAL

• Suite de la première page

DiXit

Marwan Baghouti,

membre du Fatah,

condamné à perpétuité dans les pri-

sons israéliennes, dans une lettre en

date du 1er mai 2013 :

« En Israël, il n’y a ni la volonté, ni

le leaderships, ni une communauté

qui soit prête à prendre ses respon-

sabilités pour mettre fin à l’occupa-

tion et parvenir à la paix.

Il n’y a pas en Israël un De Gaulle

qui a mis fin à la colonisation en

Algérie, ni un De Klerk qui a mis

fin au régime d’apartheid en

Afrique du Sud.

Le gouvernement israélien est

hostile à la paix. Il bénéficie du

soutien illimité des Etats-Unis,

ce qui l’encourage à poursuivre

l’occupation, et la persécution

des Palestiniens ».

Mahmoud Darwich,

le grand poète palestinien. 

"Mais nous souffrons d'un mal

incurable qui s'appelle l'espoir.

Espoir de libération et d'indépen-

dance.

Espoir d'une vie normale où nous

ne serons ni héros, ni victimes … 

Espoir que nos poètes verront la

beauté de la couleur rouge dans

les roses plutôt que dans le sang.

Espoir que cette terre retrouvera

son nom original : terre d'amour

et de paix.

Merci de porter avec nous le

fardeau de cet espoir."

Uri AvnEry,

grand journaliste israélien, décédé

en août dernier. 

«  S'il existait un terrorisme politique, l'AIPAC emporterait lacouronne. (...) Celui-ci soutientl'existence d'un "Etat juif", mais lepousse vigoureusement sur le chemin d'un nouveau désastremajeur dans l'histoire juive ». 

Sur le site de Gush Shalom, le 6 mars 2016

Courrier du CVPR, n°71 - p. 2

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La souffrance des palestiniens

I l est très difficile, voire impos-sible, de décrire l’indignité,l’outrage et la souffrance d’un

peuple privé de droits pendant plusde cinquante ans. Ici, dans ceslocaux, il est difficile de donnercorps aux vies que les Palestiniensendurent sous occupation. Maisbien plus grande que cette difficulté,est celle de faire face à une existenceintolérable au quotidien, d’essayerde vivre, de fonder une famille, dedévelopper une communauté dansces conditions.

Cela fait bientôt deux ans que j’ai eul’honneur d’être convié à témoignerdevant ce Conseil. Deux ans de plusd’occupation, deux ans durant lesquelsla routine des 49 années d’occupations’est prolongée. Depuis ma dernière pré-sentation ici, 317 Palestiniens ont ététués par les forces de sécurité israé-liennes, et treize Israéliens ont été tuéspar des Palestiniens. Israël a démoli 294maisons palestiniennes, et a continuéd’effectuer des arrestations quoti-diennes, notamment de mineurs. Descolons israéliens ont vandalisé et déraci-né des milliers d’oliviers et de vignes.Les forces de sécurité israéliennes ontcontinué, sur une base régulière, d’entrerdans des maisons palestiniennes, parfoisau milieu de la nuit pour réveiller desenfants, noter leurs noms et les prendreen photo. Les Palestiniens ont perdud’innombrables heures à attendre auxcheck-points, sans explications. Et ainsise poursuit la routine de l’occupation.

Tout ceci est souvent présentécomme “le statu quo’’. Pourtant, cetteréalité n’a rien de statique. C’est unprocessus calculé et délibéré de

mettre main à la poche pour financer lesite de réinstallation.

Israël considère que son action estlégitime  : la Haute Cour de Justice(Cour suprême) n’y a-t-elle pas apposéson sceau d’approbation  ? Mais cesaffirmations ne sont rien de moins quedes falsifications, minutieusementconfectionnées par des juristes s’ap-puyant sur les formalismes légaux ban-cals et injustes. En premier lieu, l’argu-ment selon lequel les habitations ontété construites sans permis des autori-tés israéliennes est fallacieux. LesPalestiniens ne sont pas intrinsèque-ment des hors-la-loi, contrairement àce que certains suggèrent en Israël.

Ils construisent illégalement car ilsn’ont pas d’alternative

Pour les Palestiniens, il est toutsimplement impossible d’obtenir despermis de construire de la part desautorités israéliennes car le planurbain établit par Israël en Cisjordanieest conçu pour servir les colons etdéposséder les Palestiniens. Ensecond lieu, le gouvernement omet dementionner que les deux sites de réins-tallation qu’il a si magnanimementoffert laissent à désirer : l’un est situéà côté d’une décharge et l’autre à côtéd’une station de traitement des eauxusées. De plus, un tel transfert mettraiten péril la capacité de la communautéà gagner sa vie. Enfin, dans son ver-dict, la Haute Cour a complètementignoré la réalité du régime de planifi-cation urbaine en Cisjordanie. Ainsi,le fait que la Haute Cour aitapprouvé la décision du gouverne-ment ne rend pas la démolition justeou même légale. Elle ne fait querendre l’autorité judiciaire compli-ce de ce qui ne constitue rien de

Discours De

Hagai el-aD

au Conseil de sécurité

des Nations Unies,

le 18 octobre 2018

fractionnement d’un peuple entier, defragmentation de leur territoire, et deperturbation des vies des Palestiniens.C’est un processus de séparation deGaza et de la Cisjordanie, et laCisjordanie de Jérusalem-Est, diviserle reste de la Cisjordanie en petitesenclaves. Au bout du compte, il n’enreste que des morceaux isolés, bienplus faciles à opprimer  : une famillesur le point d’être “expulsée’’ dans lequartier de Silwan à Jérusalem-Est  ;une communauté comme celle de‘Urif, au sud de Naplouse, essayanttant bien que mal de défendre sesterres agricoles face aux actions vio-lentes et non réprimées des colonsisraéliens ; ou encore la “zone A’’ de laCisjordanie, commodément présen-tée comme “sous contrôle palestinientotal’’, mais constituant en réalité degrands Bantoustans, rognés lente-ment mais sûrement par des coloniesisraéliennes qui continuent des’étendre. (NDLR : souligné par nous)

Khan al-Ahmar 

Rien de tout ceci n’est dû au hasard.Tout, au contraire, répond à une poli-tique. Deux exemples récents et mani-festes sont le comportement d’Israëllors des récentes manifestations à Gaza,et les plans israéliens pour C. Une com-munauté de bergers palestiniens, d’en-viron 200 personnes vivent à Khan al-Ahmar, à quelques kilomètres à peinede Jérusalem, dans une zone où Israëlcherche depuis longtemps à minimiserla présence palestinienne pour l’exten-sion de ses colonies. Israël prévoit deraser cette communauté dans son inté-gralité, affirmant à cette fin que sesstructures ont été construites “illégale-ment’’. Le gouvernement affirme parailleurs qu’il a généreusement offertaux membres de la communauté uneréinstallation, allant jusqu’à garantir de

DR

Courrier du CVPR, n°71 - p. 3

Hagai El-Ad, Directeur exécutif de B’Tselem, a pris la parole devant leConseil de sécurité des Nations Unies, le 18 octobre 2018, à la sessiontrimestrielle prévue par la résolution 2334

ISRAËL

Page 4: Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. · 2019. 1. 7. · « Le prix de la liberté, c’est la vigilance éternelle » Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. Bulletin du Comité de

moins qu’un crime de guerre, celuidu transfert forcé d’une populationprotégée sur un territoire occupé.(NDLR : souligné par nous)

La bande de Gaza :

Avec une population de presque 2 millions de personnes, la bande deGaza est essentiellement devenue uneprison à ciel ouvert. Ses détenus ontorganisé des manifestations ces six der-niers mois, après avoir souffert plusd’une décennie du blocus israélienayant mené à un effondrement écono-mique, des taux de chômage crevant leplafond, la pollution de l’eau destinée àla consommation, un accès à l’énergieen chute libre, et au bout du compte, àun profond désespoir. Depuis le 30 mars, plus de cinq mille Palestiniensont été blessés par des balles réellesisraéliennes, et plus de 170 ont été tués– dont au moins 31 mineurs. Les plusjeunes n’étaient que des petits garçons.Majdi a-Satari, Yasser Abu a-Naja etNaser Musbeh n’avait qu’onze anslorsqu’ils ont été tués.

Tout comme pour Khan al-Ahmar,la Haute Cour israélienne a considéréles politiques israéliennes concernant labande de Gaza “légales’’ sur un certainnombres de points – notamment diversaspects du blocus – et a récemmentapprouvé les règles d’engagementautorisant les snipers israéliens à conti-nuer de tirer, à distance, sur des mani-festations à l’intérieur de Gaza.

Eh bien, le seul problème avec toutceci est que ce n’est aucunement légal,moral, ni même vaguement acceptable.Cependant, tant que ce processusméthodique et implacable ne déclenchepas un outrage international et uneaction internationale subséquente, Israëlpeut entretenir avec succès cette contra-diction dans les termes : opprimer desmillions de personnes tout en restantconsidéré comme une “démocratie’’.

Le schéma de l’occupation

Voilà comment, en résumé, fonction-ne le schéma de l’occupation : les insti-tutions israéliennes, dans lesquelles lesPalestiniens n’ont aucune représenta-tion, déplacent des morceaux de papiersle long d’une ligne de désassemblagebien huilée. Comment légalisons-nousla destruction de cette communauté  ?Comment dissimulons-nous un nou-veau meurtre  ? Comment nous empa-rons-nous de cette portion de terre pales-

tinienne ? Avec plus de 50 ans d’expé-rience, nous avons eu tout le temps deparfaire cette mascarade parfaitementrodée. Nous sommes désormais de véri-tables experts en construction de cettefaçade de légalité, qui s’est montrée fortutile et nous protégeant de toute consé-quence internationale tangible.

Aucune de ces actions n’a de rap-port avec la sécurité, contrairement à cequ’affirme Israël. En revanche, ellesaffectent le concept amorphe que l’onappelle le Processus de Paix au Proche-Orient. Si l’on regarde au-delà de cetteexpression, il apparaît clairement quecette solution, qui reste supposément ànégocier, est en fait dictée, jour aprèsjour, par des actions israéliennes unila-térales. Membres du Conseil, dans lescoulisses de ce “processus’’, c’est laPalestine qui s’étiole.

Considérez ces analogies historiques

L’empêchement du vote des per-sonnes non blanches était une pierreangulaire des États du sud américainsous les lois Jim Crow, mais noussommes allés encore plus loin, avecrien de moins que l’oblitération duvote. Les Palestiniens sous occupa-tion demeurant non citoyens, ils nepeuvent pas voter, et n’ont surtoutabsolument aucune représentation ausein des institutions israéliennes quigouvernent leurs vies. Ou jetez unœil aux systèmes de planification dis-criminatoires et au système légalséparé dans les territoires occupés.Ceux-ci nous renvoient à la poli-tique du Grand Apartheid enAfrique du Sud. S’il est entenduqu’aucune des deux analogies n’estparfaite, l’Histoire n’offre pas laprécision ; elle propose une bousso-le morale. Et cette boussole inviteau rejet de l’oppression israéliennedes Palestiniens, avec la mêmeconviction inébranlable au nom delaquelle l’humanité a par le passérejeté ces immenses injustices.(NDLR : souligné par nous)

Israël semble suivre une boussoledifférente, et s’affaire à supprimer toutobstacle compromettant son objectif.Les efforts en cours pour légiférer contreles organisations israéliennes pour lesdroits humains sont désormais accom-pagnés par une nouvelle norme danslaquelle l’opposition à l’occupation estconsidérée comme une trahison. (...)

Notre combat 

Je suis un membre d’une équiped’environ 40 Israéliens et Palestiniensengagés. Nous ne nous intéressons pasaux nombres d’Etats nécessaires pourarriver à une “solution’’. Nous nousconcentrons plutôt sur la réalisation desdroits humains. C’est pourquoi nousrejetons l’occupation. Nous la rejetonsparce que la réalité actuelle est entière-ment incompatible avec le droit et lajustice. C’est une réalité entièrementincompatible avec une vie de libertéet de dignité pour l’ensemble des 13 millions de personnes – Israélienscomme Palestiniens – vivant entre leJourdain et la Méditerranée. Voilà lefutur pour lequel nous nous enga-geons. (NDLR : souligné par nous)

Certes, il parait lointain, et sembles’éloigner toujours plus. Mais nous pou-vons faire de ce futur une réalité. Uneaction internationale robuste peut lerendre possible. C’est là l’unique optionnon-violente viable. Le monde doitsignifier à Israël qu’il ne restera plus lesbras croisés, qu’il interviendra contre ledémantèlement du peuple palestinien.

L’ordre international basé sur desrègles ne se défendra pas de lui-même.La fragmentation de la Palestine estnéfaste tant pour les Palestiniens quepour les Israéliens, ainsi que pour ledroit international et les valeurs qu’ilporte. Il est du devoir du Conseil deSécurité – vos délégations, réunies danscette pièce – de surveiller cela. Lesenjeux sont énormes. Le Conseil deSécurité doit agir. En fait, il a déjà déci-dé de le faire, certes de façon très limi-tée. Néanmoins, et ce n’est pas unsecret, le Secrétaire Général n’a jusqu’àce jour pas eu grand-chose à rapporterau Conseil concernant la mise en œuvrede l’article 5 de la résolution 2334.

Avant de terminer, je voudrais reve-nir sur Khan al-Ahmar. La nécessitéd’agir est critique et urgente. (...)

Membres du Conseil de Sécurité :vous avez parlé, et c’est ainsi qu’Israëlvous a répondus. Il faut passer à l’ac-tion. (NDLR : souligné par nous)

Merci beaucoup.

Hagai EL-Ad,Directeur exécutif de B’Tselem

Voir l’article et l’entendre (en anglais, sous-titréen français) sur: https://www.aurdip.org/discours-de-hagai-el-ad-au-conseil.html

Courrier du CVPR, n°71 - p. 4

ISRAËL

Page 5: Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. · 2019. 1. 7. · « Le prix de la liberté, c’est la vigilance éternelle » Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. Bulletin du Comité de

et de maisons autrefois aimées, ettout cela finit, bien sûr, dans le Mur."Si ça, ce n’est pas choquant, je nesais pas ce qui l’est, dit Amira. C’estla destruction de la vie des gens -c’est la fin du monde. Tu vois ça ?”(...) Mais presque toutes les maisonset les magasins sont fermés, il y a desmauvaises herbes et des arbustes secssur la bordure en ruine du trottoir.Les graffitis sont hideux, le soleil estimpitoyable, l’air est si brulant que legris du mur se confond avec la pierregrise du ciel. "Quelle tristesse", ditAmira Hass, sans émotion. "Cetendroit, je le montre toujours auxgens, tu sais, je l’ai montré probable-ment une centaine de fois déjà, et çane cesse de me choquer." La puanteurdes eaux d’égout, une fois qu’on s’yest habitué, ne paraît plus incongrue.C’est un endroit où l’imaginations’assèche, ne laissant subsisterqu’une petite mare sinistre dont lacouleur verte est d’autant plusbrillante que le Mur s’est patiné avecl’âge.(...)

"Tu sais, on ne peut pas nier que,pendant un certain temps, [le Mur] aeu un impact sécuritaire," dit-elle.C’est vrai. Il a stoppé la campagnepalestinienne d’attentats suicide. Mais leMur a aussi un objectif expansionniste.Il a confisqué des terres arabes qui nefont pas plus partie de l’État d’Israël queles vastes colonies qui abritent aujour-d’hui environ 400 000 Juifs à travers laCisjordanie. (...) "La réalité des ban-toustans, réserves ou enclaves palesti-niens, écrit-elle à l’occasion dusombre 25ème anniversaire des accordsd’Oslo, se voit sur le terrain... il n’a étéprécisé nulle part que l’objectif était lacréation d’un État palestinien dans leterritoire occupé en 1967, contraire-

ment à ce que les Palestiniens et beau-coup de gens du camp israélien àl’époque et dans les pays européensavaient imaginé." (...)

Résignation apparente despalestiniens ?

Son analyse est sans concessionmais elle garde une certaine distancehistorique. "Les Palestiniens saventque ce n’est pas l’indépendance.Mais à l’heure actuelle, ils se disentque ça ne vaut plus la peine de sebattre. Les gens ne sont pas restésindifférents, loin de là, lorsque, cesdeux ou trois dernières années, desjeunes hommes ont fait des attaquesau couteau ou que des étudiants sesont rendus aux postes de contrôlepour s’opposer à l’armée israélienne.Mais on n’a pas vu les masses sortirdans la rue pour affronter l’armée.Aujourd’hui, ce n’est pas la peur, cen’est pas la police palestinienne quiles arrête. Avec les Palestiniens divi-sés entre le Hamas et le Fatah, et avecl’Amérique - Trump –, avec tout cela,les Palestiniens, que l’expérience arendu sagaces en matière de poli-tique, se disent que cela ne servirait àrien de se sacrifier."(...)

En retournant à Jérusalem, sur la"lune", je remercie Amira Hass poursa visite guidée, aussi bien culturelleque journalistique, ainsi que pour sesanalyses qui justifient aux yeux desIsraéliens qui la haïssent sans la lire,le courrier haineux qu’ils luienvoient. "J’ai tendance à dire auxgens ce qu’ils ne veulent pasentendre ", me dit-elle. Pour moi,Amira est une vraie journaliste. Ets’il y a une chose dont je suis sûr,c’est qu’elle ne regardera jamais pas-ser l’injustice sans rien faire.

22 septembre 2018Traduction : dominique MuSELET

Voir: https://www.legrandsoir.info/j-ai-deman-de-a-la-seule-journaliste-israelienne-basee-en-palestine-de-me-montrer-quelque-chose-de-choquant-et-voici-ce-que-j-ai.html

Courrier du CVPR, n°71 - p. 5

DR

PALESTINE

J’ai demandé à la seule journaliste israélienne basée en Palestine,

Amira Hass, de me montrer quelque chose de choquant...

... et voici ce que j’ai vu (The Independent) par Robert FISK

L a seule journaliste israélienne qui vit enCisjordanie - ou en Palestine, si vouscroyez encore en ce mot si peu orthodoxe

- m’a donc emmené sur une route à l’extérieur deRamallah, qui dans mon souvenir était une auto-route qui menait à Jérusalem. Mais maintenant,sur la colline, elle se transforme en une route àl’abandon, à moitié goudronnée, bordée de maga-sins fermés par des volets rouillés et des ordures.

La même odeur putride d’égouts àl’air libre plane sur la route. L’eaupuante stagne, verte et flasque, enflaques au pied du mur. (...)

Bantoustan palestinien

On peut faire confiance à Amirapour ouvrir le feu. Elle crache aveccolère les mots "bantoustan palesti-nien", encore et encore, en me faisantfaire, en voiture, le tour des enclavespalestiniennes de Cisjordanie pourarriver, au bout d’une heure ou deux, auMur. Il nous domine de ses 8 mètres,austère, monstrueux de détermination,il serpente entre les immeubles, seglisse dans les oueds et revient sur lui-même de sorte qu’il y a parfois deuxmurs, un double mur mais le mêmemur, comme si cette créature imitaitles méandres d’une route sinueuse desAlpes. On secoue la tête, incrédule,pendant un moment et tout à coup,bizarrement, il n’y a plus de Mur, rienqu’une rue commerçante ou une colli-ne aride, couverte de broussailles et derochers. Puis on voit grossir uneénorme colonie de peuplementd’Israël, avec de beaux arbres verts,des maisons aux toits rouges et debelles routes et, oui, encore desmurs et des clôtures de barbelés etd’autres murs plus grands. Et puisle monstre en personne  : le Mur.(NDLR : souligné par nous)

C’est la destruction de lavie des gens - c’est la fin dumonde. Tu vois ça ?

Mais la section du Mur où AmiraHass m’emmène, (…) c’est l’ancienneroute de Ramallah à Jérusalem, bordéede richesses perdues, de vains espoirs

Page 6: Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. · 2019. 1. 7. · « Le prix de la liberté, c’est la vigilance éternelle » Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. Bulletin du Comité de

Courrier du CVPR, n°71 - p. 6

LA NOUVELLE LOI ISRAÉLIENNEsur « l’État-nation »a-t-elle légalisé l’apartheid ?Par dominique VIdAL (1)

ISRAËL

«U ne loi mauvaise pour Israël etmauvaise pour le peuple

juif. » Qui juge aussi sévèrement lenouveau texte constitutionnel adop-té cet été par la Knesset, leParlement israélien ? un intellectuelcritique, comme l’écrivain davidGrossmann, l’historien ZeevSternhell ou le cinéaste Amos Gitai ?Tous, et bien d’autres, ont effective-ment condamné le texte. Mais cejugement émane… du président del’état d’Israël, Reuven Rivlin  ! Etpour cause : la loi officialise l’apar-theid. (NDLR : souligné par nous)

un état sans Constitution

Israël n’a pas de Constitution  :son père fondateur, David BenGourion, ne voulait pas s’opposeraux partis religieux, pour qui seule laloi religieuse juive, la Halakha, pou-vait en tenir lieu. À la place, il s’estdoté, au fil des décennies, de lois fon-damentales régissant ses différentesinstitutions. Celle de 1992 l’a définiainsi comme un « État juif et démo-cratique  ». Cette définition s’appa-rentait à un oxymore (ou une contra-diction)  : si la majorité des citoyensétait un jour Arabe, l’État, pour resterjuif, devrait fouler aux pieds soncaractère démocratique.

« État nation du peuple juif »

Ce flou artistique ne suffisait plus àla droite et l’extrême droite au pouvoir,qui ont donc imposé le vote d’une nou-velle loi fondamentale, intitulée « Israëlen tant qu’État-nation du peuple juif ».

Pour dissiper toute ambiguïté sur cetteexpression, l’article 1 précise notam-ment : « L’exercice du droit à l’autodé-termination nationale dans l’Étatd’Israël est spécifique au peuple juif. »Donc refusé aux autres, Palestiniens entête. Symboliquement, abolissant le sta-tut officiel que l’arabe partageait avecl’hébreu depuis 1948, l’article  4 écritque «  le langage de l’État est l’hé-breu », tout en prévoyant pour l’arabeun «  statut spécial  ». Enfin l’article  7stipule que «  l’État considère le déve-loppement de l’implantation juivecomme un objectif national et agira envue d’encourager et de promouvoir sesinitiatives et son renforcement ».

de vives réactions

Si les Arabes et les Druzes israéliensont manifesté massivement contre cetteloi, nombre de Juifs l’ont égalementcontestée. Car elle foule aux pieds lesprincipes que, malgré tout, laDéclaration d’indépendance procla-mait : le texte lu par David Ben Gourionle 14  mai  1948 promet que le nouvelÉtat « développera le pays au bénéficede tous ses habitants ; il sera fondé surles principes de liberté, de justice et depaix enseignés par les prophètesd’Israël ; il assurera une complète éga-lité de droits sociaux et politiques à tousses citoyens, sans distinction de croyan-ce, de race ou de sexe ; il garantira lapleine liberté de conscience, de culte,d’éducation et de culture ; il assurera lasauvegarde et l’inviolabilité des Lieuxsaints et des sanctuaires de toutes lesreligions et respectera les principes dela Charte des Nations unies. »

un état de fait transforméen loi

Pour Shlomo Sand, «  cette nou-velle loi a été adoptée pour institu-tionnaliser la différence de fait quiexiste entre Palestiniens et Israéliens ».L’historien a raison : ce texte ne faitapparemment qu’officialiser l’apar-theid découlant de l’attribution dedroits différents aux Juifs et auxArabes, dans les territoires occupésmais aussi, du fait d’une multitude delois et de règlements, en Israël mêmedont les Palestiniens sont pourtantdes citoyens. Alors, rien de nouveau ?Pas du tout : quand un état de fait setransforme en loi, il acquiert une légitimité qui le renforce considéra-blement.

un prélude à l’annexion detoute la Palestine ?

L’adoption de cette loi ne doit évi-demment rien au hasard. Elle est votéeau moment même où la coalition dedroite et d’extrême droite fait prendreau conflit israélo-palestinien un tour-nant historique : le passage de la colo-nisation à l’annexion, comme NaftaliBennett l’a affirmé en toutes lettresdans un discours aux responsables decolonies. Adieu, les deux états  : lecap est mis sur un état unique, àmajorité arabe mais à directionjuive. C’est exactement cette pers-pective que prépare la loi sur « l’É-tat-nation du peuple juif ». Si la com-munauté internationale l’accepte…(NDLR : souligné par nous)

(1)  Journaliste et historien, auteur deAntisionisme = antisémitisme  ? (Libertalia,février 2018).

Voir: https://orientxxi.info/va-comprendre/la-nouvelle-loi-israelienne-sur-l-etat-nation-a-t-elle-legalise-l-apartheid,2678

ISRAËL A DÉSORMAIS SA LOI RACIALEPar Gideon LéVy

Désormais, par décisionde justice, il y a deuxtypes sanguins enIsraël : le sang juif et lesang non juif.

M ême s’ils avaient l’éternitédevant eux, Israël et la nation

juive ne pourront jamais réparertout le mal qu’ils ont fait à lanation palestinienne. Rien ne pourracompenser le préjudice matériel. Nile préjudice intellectuel. Ni le préju-

dice physique. Ni lepréjudice spirituel. Ni le pillage deleurs terres et de leurs biens. Ni leurliberté. Ni leur dignité foulée auxpieds. Ni les meurtres et les deuils. Niles personnes blessées et estropiées,et dont la vie a été irrémédiablement

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Mais même cela ne lui suffitpas

De temps en temps, un autrerecord est battu : l’État israélien, desorganisations israéliennes ou des indi-vidus, en Israël et dans le monde juif,poursuivent en justice les Palestinienspour des dommages entraînés par desactions terroristes. Par exemple, leShurat HaDin Israel Law Center, unorganisme sans but lucratif  ; qui sequalifie d’«organisation juive dedéfense des droits de l’homme », faitdes pieds et des mains, en Israël et àl’étranger, pour poursuivre en justicedes personnes et organisations pales-tiniennes au nom de victimes juives.

Cette activité méprisable etindigne, selon laquelle la victime estle criminel et seul le sang des Juifsest rouge et mérite donc réparation,remporte parfois des succès, surtoutdans le domaine des relationspubliques. Alors qu’Israël évite de

payer toute compensation pour lesdestructions et les meurtres systéma-tiques qu’il commet dans les terri-toires palestiniens depuis 1948, il y aencore des gens qui ont l’incroyableculot d’exiger des compensations dela part des Palestiniens.

La bande de Gaza a été détruitepar Israël à maintes reprises, et ce dela façon la plus atroce, mais Israël n’ajamais offert de participer à sa recon-struction. Au fil des ans, Israël a tuédes dizaines de milliers de personnes,y compris d’innombrables, innocentsdont des femmes, des enfants et des

personnes âgées, et on demande auxPalestiniens de payer des compensa-tions !

Dans le cadre de cette absurdité,des maisons appartenant à des Juifsavant  1948 sont rendues à leurs pro-priétaires d’origine par le systèmejuridique israélien, dépouillant ainsides gens qui y ont vécu pendant desdécennies. Dans le même temps, lesbiens palestiniens volés ou abandon-nés depuis 1948 n’ont jamais été resti-tués à leurs légitimes propriétaires. ÀSilwan et à Cheikh  Jarrah, deuxquartiers de Jérusalem-Est, et ailleurs,les drapeaux israéliens se multiplient,tandis que des centaines de Palestiniensse retrouvent sans abri après avoir étéhonteusement expulsés de leurs foyerssur ordre des tribunaux « équitables etimpartiaux  » de l’État d’Israël. Siquelqu’un a à cœur de comprendrequel point de pourriture morale le sys-tème juridique israélien a atteint, etcombien il s’est éloigné des principes

fondamentaux d’équité et de justice,en voilà une preuve.

Mais tout cela ne suffit pasencore. Cette semaine, un nouveaurecord a été établi. Le juge au tribu-nal de district de Jérusalem, MosheDrori, a statué qu’un Juif blessé lorsd’un attentat terroriste a droit à uneindemnisation supplémentaire, parcequ’il est juif, sans avoir à prouverqu’il a subi un préjudice, sur la basede la loi sur « l’État-nation juif », quistipule que le gouvernement fera toutson possible pour protéger le bien-être des Juifs

Cette fois, tout est dit, la boucle est bouclée

Nous sommes maintenant enprésence d’une véritable loi raciale, àen juger par l’interprétation inévitablequ’a faite le tribunal de la loi sur l’É-tat-nation. Désormais, deux types desang existent en Israël : le sang juif etle sang non juif, jusque dans les textesjuridiques. La valeur de ces deux typesde sang est également différente. Lesang juif n’a pas de prix, il doit êtreprotégé par tous les moyens possibles.Le sang non juif est terriblement bonmarché, on peut le verser comme del’eau. Une telle situation n’existaitjusqu’à présent que  de facto, et biensûr des normes et des sanctions dif-férentes s’appliquaient aux Juifs et auxautres. Mais elle est désormais sanc-tionnée par une décision de justice.

Soixante-dix ans de nationalismeet de racisme envers les victimes ontmaintenant la justification juridiquenécessaire. La loi sur l’État-nation,dont on nous disait que sa nature n’é-tait que déclarative et symbolique, aacquis son sens véritable, que le jugeDrori a très bien su interpréter : celuid’une loi fondamentale établissant lasupériorité du sang juif. Désormais,Israël a sa loi sur la race.

Publié le 6 octobre 2018 Traduit par    Jacques Boutard -Source: https://www.haaretz.com/opinion/.premium-now-israe l -has-a-race- law-1.649206http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=24157

Courrier du CVPR, n°71 - p. 7

ISRAËLD

R

gâchée. Pas plus que les centaines demilliers d’innocents qui ont été tortu-rés et emprisonnés, ou les généra-tions qu’on a privées de leur droitlégitime à une vie normale.

Rien ne vaut  Yom Kippour pourdire ces choses-là. Bien entendu,Israël n’a jamais même envisagé des’engager dans un processus d’indemnisation et de réparation,ni d’assumer ses responsabilités.(NDLR : souligné par nous). On ne peutrien attendre d’un occupant qui prétendêtre la victime, qui rend responsabletout le monde, sauf lui-même, dechaque injustice qu’il commet.

Page 8: Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. · 2019. 1. 7. · « Le prix de la liberté, c’est la vigilance éternelle » Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. Bulletin du Comité de

Courrier du CVPR, n°71 - p. 8

«L a loi ignore totalement le faitqu’il existe un autre peuple,

les Arabes palestiniens (NDLR : lesdescendants des Palestiniens restéssur leurs terres à la création d'Israël en1948)  et d’autres grandes commu-nautés religieuses, chrétiens etmusulmans, ainsi que les druzes etles baha'is, profondément enracinésdans ce pays. » Autrement dit Israël.C’est en ces termes que l’Assembléedes Ordinaires catholiques de TerreSainte (AOCTS) a vivement critiquéà son tour, par le biais d’un communi-qué publié le 31 octobre - aprèsnotamment le Patriarcat latin le 30 juillet dernier - la loi controverséedéfinissant Israël comme l'Etat-nationdu seul peuple juif, adoptée à laKnesset (le parlement israélien) le 19 juillet dernier. La loi est ainsi accu-sée de marginaliser les non juifs bienque 1,8 des 9 millions d'habitants enIsraël, soit 20 %, sont des Arabes.

Le texte, entrant dans la catégoriedes lois fondamentales du pays, aune valeur constitutionnelle dansl’Etat hébreu qui n’a jamais eu deConstitution rédigée ou approuvéedepuis sa création. Si le texte ne chan-ge pas beaucoup de choses en pra-tique, s’accordent à dire les membresde l’AOCTS, il fournit en tant que loifondamentale « une base constitution-nelle et légale à la discriminationentre citoyens israéliens », alertent leschefs des Eglises catholiques.

Ces derniers reprochent concrète-ment au texte de loi de poser des privi-lèges pour les citoyens juifs et d’encou-rager ainsi « une vision discriminatoi-re » dans la société israélienne. La loi ne

reconnaissant le droit à l’autodétermina-tion (ou droit des peuples à disposerd'eux-mêmes) qu’aux juifs. Et promul-guant « le développement de la coloni-sation juive en tant que valeur nationa-le », pointent-ils du doigt. A noter que letexte stipule aussi que l’hébreu est érigéen seule langue officielle (reléguantl’arabe à un statut spécial). De mêmeJérusalem est définie exclusivementcomme la capitale d'Israël «  capitalecomplète et unie  », incluant la partieorientale de la ville sainte annexée.

Atteinte à l’égalité descitoyens

«  Nos fidèles, les chrétiens, nosconcitoyens musulmans, druzes etbaha'is, nous tous qui sommes arabes,ne sommes pas moins citoyens de cepays que nos frères et sœurs juifs  »,s’émeuvent dans leur communiquépas moins de 25 évêques et vicairesépiscopaux catholiques de rites latin etorientaux en Terre Sainte, parmi les-quels l’archevêque melkite de Saint-Jean-d'Acre, Mgr Georges Bacouni,l’archevêque Maronite de Haïfa, MgrMoussa al-Hage, l’administrateurapostolique du Patriarcat latin deJérusalem, Mgr PierbattistaPizzaballa, le Custode de Terre Sainte,le père Francesco Patton, les deuxpatriarches latins émérites, MgrMichel Sabbah et Mgr Fouad Twal.Tous les signataires appellent les auto-rités israéliennes « à abroger » la loi.

Il convient de rappeler que lademande des Eglises catholiques sielle était entendue nécessiterait unprocessus très complexe car la nouvel-le loi, qui officie – on l’a vu - comme

loi fondamentale est un type de loiplus difficile à modifier ou à abroger àla Knesset qu’une loi classique.

En tout état de cause, les membresde l’AOCTS rappellent vivement dansleur communiqué que « les chrétiens,les musulmans, les druzes, les baha'iset les juifs exigent d'être traités commedes citoyens égaux  » en Israël.Réclamant une égalité qui doit « inclu-re la reconnaissance respectueuse denos identités civique (israélienne), eth-nique (arabe palestinienne) et religieu-se (chrétienne), en tant qu'individus eten tant que communautés », explicitentfermement les représentants desEglises catholiques en Terre Sainte.

Pour les membres de l’AOCTS, laloi sur l’Etat-nation juif porte aucontraire clairement atteinte auxvaleurs d'égalité, de justice et de démo-cratie contenues dans la « Loi fonda-mentale sur la dignité humaine et laliberté » de 1992 qui a été selon eux,«  une étape importante dans la luttepour la protection et la promotion deces valeurs. » Dans leur communiquéles chefs des Eglises catholiques enTerre Sainte affirment que le textecontrevient également aux conven-tions internationales, dont Israël estsignataire, concernant les droits del'homme, le respect de la diversité et lerenforcement de la justice, de l'égalitéet de la paix. On peut citer laRésolution 181 de l'Assemblée généra-le des Nations Unies garantissant lacréation d'un Etat juif tout en assurantle plein droit civil aux Arabes.

Cherchant à maintenir « un espritde dialogue », les évêques et vicairesépiscopaux catholiques de rites latin

ÉTAT-NATION JUIF : les Eglises catholiques demandent

l'abandon de la loi par Christophe LAFoNTAINE

ISRAËL

Les Ordinaires

catholiques de

Terre Sainte

(AOCTS) ont

demandé le

31 octobre aux

autorités

israéliennes

d’abroger la loi

sur l’Etat-Nation

juif adoptée en

juillet et la

reconnaissance

de l'égalité de

tous les

citoyens.

Page 9: Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. · 2019. 1. 7. · « Le prix de la liberté, c’est la vigilance éternelle » Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. Bulletin du Comité de

Courrier du CVPR, n°71 - p. 9

PALESTINE

et orientaux en Terre Sainte légitimentleurs demandes à deux titres. «  Entant qu'Israéliens et en tant qu'arabespalestiniens, nous cherchons,  disent-ils, à faire partie d'un Etat qui pro-meut la justice et la paix, la sécuritéet la prospérité pour tous ses

citoyens. » Et « en tant que chrétiens,nous sommes fiers que l’Eglise uni-verselle ait été fondée à Jérusalem etque ses premiers fidèles aient été desenfants de ce pays et de son peuple ».

1er novembre 2018.

Terre Sainte magazine a publié un décryptagecomplet pour comprendre les tenants et aboutis-sants de la loi dans son numéro de septembre-octobre 2018 : « Le vote d’une loi interroge surle devenir démocratique de l’Etat juif ».

http://www.terrasanta.net/tsx/showPage.jsp?wi_number=11179&wcat=0

A GAzA, LE QATAR œuvre pour asseoir son rôle dans le

dossier palestinien

L e tribunal est le dernier projeten date financé par le petit émi-rat du Golfe à Gaza, où son

influence grandissante a été mise encause par l'ex ministre israélien de laDéfense Avigdor Lieberman, qui adémissionné le  14  novembre, fragili-sant la coalition gouvernementale. Cettedémission fait notamment suite à l'au-torisation donnée par le gouvernementisraélien au Qatar de délivrer 15 mil-lions de dollars (13 millions d'euros)en liquide pour payer les salaires desfonctionnaires du mouvement islamis-te Hamas. Trois guerres ont opposéIsraël au Hamas depuis 2008. M. Lieberman a surtout pris ombragedu cessez-le-feu conclu indirectemententre Israël et les groupes gazaouispour mettre fin à la plus grave confron-tation dans la zone depuis la guerre de2014. Le Qatar passe pour être égale-ment intervenu dans ces tractations.Mais le coup d'éclat de M. Liebermanne devrait guère affecter l'engagementde l'émirat dans l'enclave.

"Le rôle du Qatar à Gaza estimportant stratégiquement pourIsraël", estime Sigurd Neubauer, spé-cialiste du Moyen-Orient basé àWashington. Cela lui permet de ren-forcer "des liens avec un Etat du Golfeavec lequel il n'entretient pas de rela-tions diplomatiques formelles". Jouerles intercesseurs entre Gaza et Israël

permet aussi à Doha, soumis à un blo-cus de la part de ses voisins arabes duGolfe depuis 2017, de se faireentendre sur la scène régionale.

"Le dossier palestinien resteimportant pour tous les pays cher-chant à jouer un rôle dans la région",explique Jamal al-Fadi, professeur desciences politiques à Gaza.

"MERCI Au QATAR"

Ces dernières semaines, le Qatar apermis d'alléger le strict blocus imposépar Israël à Gaza depuis plus de dixans. En plus de contribuer à payer l'ad-ministration du Hamas, il a financé deslivraisons de fioul ayant spectaculaire-ment augmenté l'approvisionnementen électricité du territoire éprouvé oùles coupures sont très fréquentes. Maisles centaines de millions de dollarsqataris façonnent depuis plus long-temps une partie du paysage gazaoui :la promenade le long de la mer dans laville de Gaza, la route à quatre voiestraversant l'enclave du nord au sud oule tribunal inauguré en septembre onttous été financés par l'émirat.

A l'entrée de l'hôpital al-Thanidans la ville de Gaza, les portraits del'émir du Qatar et de son père rappel-lent aux visiteurs qui a mis la main àla poche. Plus au sud, à Khan Younès,le Qatar a construit un ensemble de3.000 logements, baptisé "la ville

Hamad", du nom de l'ancien émir. Aumilieu d'immeubles flambant neufsse trouvent des jardins, des écoles etune mosquée. "Avant, la maison demon fils faisait  70  mètres carrés",explique Aitaf Aouda, dans son salonlumineux. Désormais, les septmembres de la famille vivent dans130m2. "Il y a un jardin, les rues sontbelles", se réjouit-elle. "Les enfantsne sont plus bloqués à la maison".Près de chez eux, le vendeur d'uneéchoppe située à côté de la mosquéel'a baptisée "Merci au Qatar".

SuBTIL éQuILIBRE

L'alliance entre le Qatar et le Hamass'appuie sur une proximité idéologique,l'émirat et le mouvement islamistes'inspirant tous deux des Frères musul-mans, mais surtout sur des intérêtscommuns. Plusieurs figures du Hamasont trouvé refuge au Qatar, dont sonancien dirigeant Khaled Mechaal. Etenviron 100.000 Palestiniens y vivent."Le Qatar a toujours vu la questionpalestinienne, et plus spécifiquementson rôle de lien avec le Hamas, commeun moyen d'être utile aux Américains",explique Tobias Borck, chercheur asso-cié au Royal United Services Institute,un centre de réflexion britannique.

Même si son lien privilégié avec lemouvement lui a été un temps préjudi-

au bout d'une piste de

sable, l'imposant palais

de justice de gaza tout

juste sorti de terre

matérialise l'emprise du

Qatar sur l'enclave

palestinienne.

© AFP / MAHMUD HAMS

Page 10: Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. · 2019. 1. 7. · « Le prix de la liberté, c’est la vigilance éternelle » Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. Bulletin du Comité de

ciable : en juin 2017, lorsque ses voisinsont rompu leurs relations diplomatiquesavec lui, ses liens avec le groupe palesti-nien - considéré comme une organisa-tion terroriste par les Etats-Unis, l'Unioneuropéenne ou le Canada - a été utilisépour le discréditer. Le message desEmirats arabes unis et de l'Arabie saou-dite auprès de l'administration Trump"était que le Qatar soutenait le Hamas,soit en d'autres termes le terrorisme",selon M. Neubauer. Doha semble avoirréussi à convaincre Washington qu'il

pouvait au contraire être un acteur clépour contenir le Hamas.

Ces dernières semaines, en négo-ciant avec lui tout en contournantl'Autorité palestinienne internationa-lement reconnue, les Nations unies,Israël et l'Egypte ont renforcé l'émiratdans son rôle d'intercesseur. Officiel-lement, le Qatar et Israël n'ont pas derelations diplomatiques même si desliens existent depuis plus de vingtans, l'Etat hébreu ayant eu une repré-sentation commerciale dans l'émirat.

Il est peu probable que descontacts officiels soient établis, mais"la relation va continuer", assure M. Neubauer.

21 novembre 2018 -  Gaza (Territoires palestiniens) (AFP)

Voir:https://www.lepoint.fr/monde/a-gaza-le-qatar-oeuvre-pour-asseoir-son-role-dans-l e - d o s s i e r - p a l e s t i n i e n - 2 1 - 11 - 2 0 1 8 -2273270_24.php

Courrier du CVPR, n°71 - p. 10

PALESTINE

LA MARCHE DU RETOUR À GAZA9 mois de résistance non-violente exemplaire dans la bande de Gaza

Par Ziad MEdouKH

une marche initiée par lasociété civile

M ars 2018-décembre 2018,neuf mois depuis le débutde la grande marche du

retour dans la bande de Gaza, unemarche populaire et non-violente ini-tiée par la société civile dans la bandede Gaza, et se poursuit jusqu'à nosjours, et cela malgré un bilan très lourdcôté palestinien : presque 240 mortsdont 40 enfants moins de 16 ans, et plusde 22.000 blessés, dont des amputés.

Les Palestiniens de Gaza vont pour-suivre cette initiative populaire et non-violente jusqu'à la levée de ce blocusisraélien inhumain, qui dur depuis plusde 11 ans avec des conséquences dra-matiques sur plus de deux millions dePalestiniens de Gaza.

C'est vrai que le Hamas qui dirige labande de Gaza, et quelques partis poli-tiques et factions de Gaza ont essayé derécupérer et manipuler cette marche,mais le fait que plus de 15. 000 à 20.000personnes de toutes catégories sociales etde toutes tendances politiques se dirigentsur les frontières tous les vendredis afind'affronter les soldats israéliens avecleurs poitrines nues et seulement les dra-

peaux palestiniens dans la main, mon-trent que la société civile refuse touterécupération, et veut garder l'aspectpacifique de cette initiative populaire.

L’objectif de la marche aévolué avec le temps

Au début, l'objectif de cette initia-tive était d'exiger le retour des mil-

liers de réfugiés palestiniens de Gaza àleur villes et villages d'origine occupésen 1948, mais cet objectif était seule-ment un slogan afin de mobiliser lesréfugiés de la bande de Gaza qui repré-sentent plus de 70% de la populationcivile de Gaza.

Mais actuellement, et selon les nomsdonnés par les organisateurs de cettemarche à chaque manifestation hebdo-madaire de vendredi comme (la levéedu blocus, la lutte continue, la marchese poursuivra, Gaza et la Cisjordanieunies, l'aspect populaire restera danscette marche, la marche est pacifique)on peut comprendre bien que le vraiobjectif de cette marche est d'exiger lalevée de ce blocus israélien sur lapopulation civile de la bande de Gaza,et d'essayer de mettre la pression sur legouvernement israélien en premier lieu,et la communauté internationale après,afin d'améliorer les conditions tragiquesde la vie de ces Palestiniens enfermésde Gaza, et privés de leurs droits lesplus fondamentaux.

Les leçons à tirer de cette marchesont toutes en faveur du développementde la résistance par la non-violence danscette région enfermée, en plus, cettemarche a changé l'image de la bande deGaza comme une région dominée parles factions militaires et la résistancearmée uniquement. En plus cette

marche a renforcé la solidarité interna-tionale et la mobilisation mondialeavec cette population de Gaza en souf-france permanente.

C’est cette non violence qui afait la force de cette marche 

Un autre aspect important à souli-gner ici: ces actions pacifiques mon-trent que la non violence pourrait êtreefficace y compris dans la bande deGaza pour lutter et résister contre lesmesures atroces de l'occupation israé-lienne, et que les dirigeants israéliensne supportent pas ces manifestationspacifiques qui se développent dans labande de Gaza semaine après semaine.

La résistance populaire pacifique etnon-violente qui se développe dans labande de Gaza va-il montrer son effica-cité ? Après neuf mois de cette marche,et après le bilan tiré de ces actions, lesdonnes sont en faveur d'alléger le blocusisraélien et d'améliorer la vie quotidiennede plus de deux millions de Palestiniensde Gaza, mais surtout de proposer unesolution régionale et internationale pources Palestiniens enfermés et isolés.

Un élément évident, la lutte conti-nue, et les Palestiniens de Gaza vontdévelopper davantage des actionspacifiques afin d'entendre leur voix, lavoix des opprimés, mais la voix de larésistance populaire.

(1): Ziad Medoukh est directeur du départe-ment de français à l'Université Al Aqsa deGaza et coordinateur du Centre de la Paix deGaza.  Il est l’auteur de nombreuses publica-tions concernant l’enseignement du françaisen Palestine et aussi la non-violence. Il estl'auteur de « Gaza, Terre Des Oubliés, TerreDes Vivants », 70 poèmes de la paix palesti-nienne.

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l’oRigine de la question des Réfugiés

Dès la première moitiédu 20ème siècle, tout lemonde avait comprisles risques/la poten-tialité qui allaient de

pair avec les conditions de la créationde l’Etat d’Israël : dés 1930, l’agencejuive avait indiqué la nécessité dutransfert de la population (palesti-nienne), nécessité confirmée parDavid Ben Gourion en 1937. Il meten forme cette stratégie, quelquesannées plus tard (1948) sous laforme du plan Daleth (voir infra).L’ONU est parfaitement au fait deces volontés d’expulsions des popu-lations arabes (voir infra).

Analysant les effets de cettevolonté des autorités israéliennessuccessives, Shlomo Sand rappelait(revue de presse  : Mediapart –28/9/18)  « En 1956, Moshé Dayan aprononcé un célèbre discours d’élogefunèbre sur la tombe de Roy Rotberg,membre du kibboutz Nahal Oz,implanté juste en face de Gaza : « S’ilvous plaît, n’injurions pas aujour-d’hui les meurtriers. Qui sommes-nous pour nous étonner de leur haineviolente à notre égard ? Cela fait huitans qu’ils sont regroupés dans lescamps de réfugiés à Gaza, avec sousleurs yeux, le fait que nous avonsrécupéré la terre et les villages oùeux-mêmes et leurs aïeux ont vécu…Nous sommes une génération decolons, et sans casques ni canonsnous ne pourrions pas planter unarbre ni construire une maison. »

la nakba

Dans son livre (L’histoire occultéedes Palestiniens, 1947-1953, Paris,Éditions Privat, 2013, SandrineMansour situe une troisième vagued’exode entre octobre 1948 et lemilieu des années 50  : «  Ce mouve-ment de population entraîne le départd’environ 150  000 à 200  000 per-sonnes. C’est le début de l’exil et lesPalestiniens deviennent «  une nationde réfugiés  » (p.175). Pourtant, larésolution 194 des Nations unies votéele 11 décembre 1948 indique « Qu’il ya lieu de permettre aux réfugiés qui ledésirent de rentrer dans leurs foyers le

plus tôt possible et de vivre en paixavec leurs voisins, et que des indemni-tés doivent être payées à titre de com-pensation pour les biens de ceux quidécident de ne pas rentrer dans leursfoyers et pour tout bien perdu ouendommagé lorsque, en vertu desprincipes du droit international ou enéquité, cette perte ou ce dommage doitêtre réparé par les gouvernements ouautorités responsables ». Le droit auretour des Palestiniens est proclamémais est rejeté par l’État hébreu. »

la montée constante de lacolonisation et de l’expulsion des palestiniens

Pendant 70 ans, la communau-té internationale regrette, puisdénonce, puis condamne la coloni-sation israélienne, les expulsions,sans jamais prendre aucune

mesure coercitive. Au fur et àmesure que les déclarations decelle-ci, exprimées en particulierpar l’ONU, et l’Europe, la colonisa-tion ne cesse de progresser, jusqu’àce qu’Israël inscrive dans une loifondamentale que le développementdes colonies doit être protégé etencouragé par l’État (voir le dossierdu numéro 70). Cela peu après quele président Donald Trump, nereconnaisse Jérusalem comme capi-tale d’Israël. Il ne restait plus qu’àattaquer l’UNRWA en tentant del’asphyxier financièrement (voirinfra)  : cet organisme des NationsUnies s’efforçait depuis sa créationen 1949 de « répondre aux besoinsessentiels des réfugiés palestiniensen matière des santé, d'éducation,d'aide humanitaire et de servicessociaux ».

Les apports positifs de l’UNRWAaux réfugiés palestiniens et leurscraintes sur l’avenir sont détaillés parzones géographiques (infra).

LES RÉFUGIÉS

Courrier du CVPR, n°71 - p. 11

Réfugiés palestiniens, les chiffRes-clés 2018

DoSSiEr

PoPUlAtioNS

On compte 5 340 443 réfugiés palesti-niens enregistrés auprès des agencesdes Nations unies :

2 286 643 en Jordanie 1 435 616 dans la bande de Gaza

997 173 en Cisjordanie 618 128 en Syrie532 173 au Liban

Hors la comptabilisation del’UNRWA, on compte également :

• 1,05 million de réfugiés de 1948 quin’ont jamais été enregistrés àl’UNRWA.

• 1,1 million de réfugiés de 1967 etleurs descendants.

• Des centaines de milliers de réfugiésqui vivaient dans les Territoires occu-pés et qui ont subi des déplacementsforcés après 1967, du fait des poli-tiques d’occupation d’Israël.

CAMPS

29 % des réfugiés vivent dans descamps de l’UNRWA.

58 camps de réfugiés existent au Moyen-Orient dont

19 en Cisjordanie, 8 dans la bandede Gaza

10 en Jordanie12 au Liban

9 en Syrie

Il y a 70 ans, le 10 mars 1948, le Plan Daleth finalisaitla planification du nettoyage ethnique de la Palestine

F in 1947, quand les Nationsunis recommandent la parti-tion de la Palestine en un État

juif et un État arabe, le pays est habi-té par un tiers de Juifs et deux tiersd’Arabes palestiniens. Un an plustard, 80  % de la population arabepalestinienne du territoire, devenuisraélien, vit en exil dans des campsde réfugiés, plus de 500 villages et

11 quartiers de villes palestiniennesont été détruits ou rasés. Ce nettoyage ethnique a été méticuleu-sement préparé tout particulière-ment dans le Plan Daleth. Enquelques mois, les dirigeants dumouvement sioniste ont organisé le«  transfert  » par la violence et l’intimidation de la populationarabe palestinienne.

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Très tôt, David Ben Gourion avaitcompris que l’achat de terres ne suffiraitpas pour mettre la main sur le territoire.À noter que certaines ventes s’accompa-gnaient de l’obligation pour les ancienspropriétaires de quitter le pays. Le prési-dent du Fonds National Juif déclarait en1930 : « S’il y a là d’autres habitants, ilsdoivent être transférés ailleurs. Nousdevons prendre le contrôle des terres. »Selon l’historien israélien Tom Segev« faire disparaître les Arabes se situaitau cœur du rêve sioniste, et était aussiune condition nécessaire de saréalisation.  » En 1937 davidBen Gourion affirme que : « LesArabes devront s’en aller ». En1940, Yossef Weitz écrit  :« C’est notre droit de transférerles Arabes  ». Par ailleurs,l’Agence juive, l’organisationdirigeante du sionisme enPalestine, avait élaboré un dos-sier sur les villages palestiniensavec toutes les informations per-mettant d’étudier « la meilleure façon deles attaquer ».

Quand Ben Gourion comprend en1946 que les Britanniques vont quitterla Palestine, il élabore une stratégiegénérale contre la population palesti-nienne une fois les Britanniques par-tis (plan A, B et C).

Quelques mois plus tard fut élaboréle plan D, (Plan Daleth). Ilan Pappe,historien israélien, précise dans sonouvrage, paru en 2008 chez Fayard  :«  Le nettoyage ethnique de laPalestine » que « C’est lui qui a scelléle destin des Palestiniens sur les terri-toires que les dirigeants sionistesavaient en vue pour leur futur État juif.[…] le Plan Daleth prévoyait leurexpulsion totale et systématique de leurpatrie.  ». Il démontre dans ce mêmeouvrage que « Le Plan D israélien de1948 contient un répertoire desméthodes de nettoyage ethnique qui

correspond point par point aux moyensdécrits par les Nations unies dans leurdéfinition du nettoyage ethnique, etconstitue l’arrière plan des massacresqui ont accompagné l’expulsion massi-ve  ». Les descriptions sont claires  :« Ces opérations peuvent être menéesde la manière suivante : soit en détrui-sant les villages (en y mettant le feu, enles dynamitant et en posant des minesdans les décombres). Notamment ceuxqui sont difficiles à maîtriser en perma-nence. Ou en montant des opérations

de ratissage et de contrôle conformesaux directives suivantes : encerclementdes villages, recherches à l’intérieur.En cas de résistance, les élémentsarmés seront éliminés et la populationexpulsée hors des frontières de l’État. »

On est très loin du mythe officielisraélien, répété à l’envi, selon lequel lesArabes palestiniens auraient quitté leurterre de leur plein gré, ou encouragés parles États arabes voisins, lors de la pre-mière guerre Israélo-arabe déclenchée le15 mai, au lendemain de la déclarationunilatérale dite «  d’Indépendance  »d’Israël. Avant le 15 mai 1948, lesforces juives avaient déjà expulsé par laviolence plus de 250 000 Palestiniens, leplus souvent par la terreur, parfois avecdes massacres. La Nakba - la catas-trophe qui marque la dépossession, lesmassacres et l’expulsion des Palesti-niens de leur terre - est déjà en cours.l’exode de 800 000 Palestiniens n’estpas la conséquence malheureuse

DoSSiEr

Courrier du CVPR, n°71 - p. 12

d’une guerre mais l’aboutissementd’un plan systématique. (NDLR : sou-ligné par nous)

La Nakba s’est accompagnée - et celase poursuit aujourd’hui - d’un véritable« mémoricide ». Il fallait en effet confor-ter un autre mythe israélien selon lequella Palestine était « Une terre sans peuplepour un peuple sans terre ». Ilan Papperelate que « La dépossession s’est alorsaccompagnée de changement de nomdes endroits pris, détruits et maintenant

recréés. Cette mission a étéaccomplie avec l’aide d’archéo-logues et d’experts de la Bible,afin d’ « hébraïser la géographiede la Palestine ». Ce « mémori-cide  » est aussi à l’œuvre danstoute la Cisjordanie - y comprisJérusalem-Est - où les Lieuxsaints sont accaparés par Israël(un cas par exemple : le tombeaude Rachel à Bethléem), où rueset quartiers sont rebaptisés

comme à Hébron, dans le secteur dutombeau des patriarches, vidé de seshabitants et confisqué par des colons. ÀJérusalem l’entreprise de transformationdu quartier palestinien le Silwan en unvaste parc dénommé Cité de David par-ticipe de cette réécriture de l’histoire decette terre.

Quand en 2000, Ariel Sharon deve-nu premier ministre d’israël, déclare«  nous allons maintenant achever cequi n’a pas été achevé en 1948  » leschoses sont claires : ce qui n’a pas étéachevé, c’est le processus dont laNakba a été l’apogée, le processusd’expulsion et de dépossession dupeuple palestinien de son territoireainsi que du droit à son histoire et à saculture. (...) (NDLR : souligné par nous)

Paris, le 9 mars 2018.le Bureau national de l’AFPS

Voir :http://www.france-palestine.org/Il-y-a-70-ans-le-10-mars-1948-le-Plan-Daleth-finalisait-la-planification-du

Le gouvernement Trump dit aux réfugiés palestiniensde se soumettre ou de mourir de faim Par Noura ErAkAt (1)

L’ONU s’est inquiétée de laposition d’Israël sur la ques-tion des réfugiés dés 1948

L a décision du gouvernementTrump de mettre fin au finan-cement de l’agence onusienne

responsable des réfugiés palestiniens,l’UNRWA (Office de secours et detravaux des Nations unies pour lesréfugiés de Palestine dans le Proche-Orient), a rempli un objectif delongue date d’Israël et de ses suppor-ters américains. Pendant des années,Israël a cherché à résoudre la crisedes réfugiés par des politiques desti-

nées à normaliser l’exil palestinien età dénier les droits palestiniens.

Ces tactiques allaient de l’esquiveface à sa responsabilité dans le pro-blème de la question du statut desréfugiés palestiniens selon le droitinternational. Cibler l’UNRWA a étédepuis longtemps une partie centrale

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de l’arsenal d’Israël, mais maintenantil dispose du gouvernement Trump,qui a aussi annoncé cette semainequ’il fermera de fait l’ambassadepalestinienne à Washington.

Quand Israël a fait sa première ten-tative pour devenir un membre desNations Unies en 1948, le Conseil desécurité a refusé sa candidature, citant,entre autres choses, sa responsabilitédans la résolution de la crise nouvelledes réfugiés. Environ 750 000Palestiniens ont fui la Palestine ou ontété expulsés par les milices sionistes etl’armée israélienne pendant les hostili-tés entre décembre 1947 et mars 1949.Leur élimination réalisait l’objectifd’établir un état doté d’une majoritéjuive décisive dans la Palestine sousmandat, où les Juifs constituait environ30% de la population. (...)

Malgré ce bilan, en 1949, lesNations Unis ont accepté la deuxièmecandidature d’israël comme membre,dans l’espoir que cet état se radoucirait,et elles ont établi l’UNRWA pour rem-plir les besoins humanitaires de basedes réfugiés palestiniens. En 1951,quand la communauté internationale aétabli une agence de réfugiés, le HautCommissariat des Nations Unies pourles réfugiés (UNHCR), elle a refusé d’yinclure l’UNRWA par souci de mainte-nir une obligation politique renforcée àrésoudre la question des réfugiés pales-tiniens.

Les réfugiés palestiniens, maintenantprès de 6 millions, entrent dans leur sep-tième décennie d’apatridie et d’exil, etleur situation en tant que réfugiés est la

plus longue du monde. Le Départementd’Etat a pris note jadis de la discrimina-tion «  institutionnelle  » vis-à-vis de laminorité palestinienne. En juillet, legouvernement du Premier MinistreBenjamin Netanyahu a promulgué uneloi de l’Etat-nation déclarant qu’Israëlétait un Etat de personnes juives - passimplement de ses citoyens - établissantde jure  le statut de seconde classe desPalestiniens musulmans ou chrétiens.Le néo-nazi Richard Spencer a salué laloi comme un modèle de souverainetépour l’avenir des Européens. Comme en1948, Israël continue à construire leretour des réfugiés palestiniens commeune menace existentielle. (...)

le rôle essentiel de l’unRWa etcelui de trump

L’UNRWA a néanmoins continué àremplir son mandat. Il sert  plus de 170écoles, près de 150 établissements desoin et des dizaines de centres defemmes pour les 5, 4 millions de réfu-giés dans toute la Cisjordanie, à Gaza,en Jordanie, au Liban et en Syrie. LaBanque mondiale le considère  commeun bien public global, citant son systè-me exemplaire d’éducation, avec desétudiants qui ont de meilleurs résultatsque leurs pairs dans la région. (...)

Le désir du gouvernement Trump deviser l’UNRWA cible les réfugiés pales-tiniens et les prend en otage pour leurimposer une solution. Cela fait partied’une série de décisions similaires,comme le déménagement de l’ambas-sade à Jérusalem cette année, l’abandon

du mot « occupés » pour les Territoirespalestiniens dans ses rapports et la fer-meture de la mission diplomatique del’OLP. Elles sont toutes des étapes pourle « Deal du siècle » de Trump, en traind’être rédigé par Jared Kushner etd’autres responsables du gouvernementqui ont des liens étroits avec la droiteisraélienne. Avec un coût aussi violentet déshumanisant, ce n’est certainementle « Deal » d’aucun siècle. C’est de lacoercition sur une communauté endétresse humanitaire avec un messageclair : soumettez-vous ou mourez defaim. (...)

Les Nations Unies ont donné àIsraël le bénéfice du doute en 1949.Les sept décennies qui ont suivi ontdonné à ses membres le bénéfice durecul. Aujourd’hui, les signes sontincontestablement clairs, et il n’y aaucune excuse pour l’inaction.Pour le Washington post le 23 septembre2018traduction: Catherine G. pourl’Agence Média PalestineSource: Washington Post

(1) Noura Erakat, américano-palestinienne,est une avocate des droits humains, assistanteà l’université George Mason. Elle est l’auteu-re de « Justice for Some : Law as Politics in theQuestion of Palestine », qui paraîtra l’an pro-chain à Stanford University Press. Israël argueque la définition des réfugiés par l’UNRWA,qui inclut leurs descendants, grossit le nombrede réfugiés réels, mais l’UNHCR applique lamême  définition d’un réfugié. Israël suggèreaussi que, sans les dispositions humanitairesde l’UNRWA, les Palestiniens seraient forcésd’abandonner leurs revendications au retour.Essentiellement, si les réfugiés palestiniensétaient encore plus misérables qu’ils ne le sontdéjà, ils accepteraient n’importe quelle offre.

Cruauté et cynisme : les raisons de la guerre des États-Unis et d’Israël contre l’UNRWA Par ramzy BAroUD (1)

L a décision du gouvernementaméricain de supprimerbrutalement les fonds accor-

dés à l’UNrWA, l’agence desNations Unies qui s’occupe desréfugiés palestiniens, fait partied’une nouvelle stratégie américa-no-israélienne visant à imposer denouvelles règles du jeu. (...)

Washington et Israël cherchentsimplement à supprimer le droit auretour des réfugiés palestiniens, ins-crit dans le droit international, de tout

programme politique. Conjugué à ladécision de Washington de «  retirerJérusalem de la table [des négocia-tions] », la stratégie américaine n’estni irréfléchie ni impulsive.

« Il est important de déployer desefforts honnêtes et sincères pour cas-ser l’UNRWA », a écrit Kushner à l’en-voyé américain pour le Moyen-Orient,Jason Greenblatt, dans un courrierélectronique publié en janvier. Cecourriel, parmi d’autres, a par la suiteété divulgué au magazine Foreign

Policy. «  Cette (agence) perpétue lestatu quo », a-t-il également écrit, qua-lifiant l’UNRWA de « corrompu, inef-ficace et ne favorisant pas la paix ».

Cette idée que l’UNRWA maintientle statu quo – c’est-à-dire les droitspolitiques des réfugiés palestiniens –est la raison principale de la guerreaméricaine contre l’organisation. Unfait qui est confirmé par les déclara-tions des plus hauts responsables israé-liens. L’ambassadeur d’Israël à l’ONU,Danny Danon, a fait écho au sentiment

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Courrier du CVPR, n°71 - p. 14

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ONU : l’UNRWA surmonte la « pire crise financière » de son histoire

Des enfants passent devant uncentre d’urgences de l’UNRWA àGaza, le 2 octobre 2018 (illustration). SAID KHATIB / AFP

américain. L’UNRWA « s’est révélé unobstacle au règlement du conflit enmaintenant le statut de réfugié perpé-tuel des Palestiniens », a-t-il déclaré.

Certes, la suppression des fondsalloués à l’UNRWA par les États-Uniscoïncide avec la suppression de tousles programmes qui fournissent uneaide quelconque au peuple palestinien.Mais le ciblage de l’UNRWA concerneprincipalement le statut des réfugiéspalestiniens – un statut qui contrariefortement Tel-Aviv depuis 70 ans.

Pourquoi Israël veut-il pousser lesréfugiés palestiniens dans une situationdépourvue de statut ? Le statut de réfu-gié est déjà précaire. Être réfugié pales-tinien, c’est vivre perpétuellement dansun monde totalement instable – êtreincapable de récupérer ce qui a été perduet incapable de façonner un avenir alter-natif et une vie de liberté et de dignité.

Comment les Palestiniens peu-vent-ils reconstruire leur identité qui aété brisée par des décennies d’exil,alors qu’Israël a constamment affirméque son existence même était celled’un « État juif » s’opposant au retouret au rapatriement des réfugiés pales-tiniens ? Dans la logique israélienne,la simple demande palestinienne pourla mise en œuvre du droit au retour -

reconnu comme un droit par la com-munauté internationale - équivaut àun appel à la « destruction » d’Israël.Selon cette même logique tordue, lefait que le peuple palestinien surviveet grandisse est une « menace démo-graphique » pour Israël. (...)

Par conséquent, la guerre américa-no-israélienne actuelle ne vise pasl’UNRWA en tant qu’organisme del’ONU, mais en tant qu’organisme per-mettant à des millions de Palestiniensde conserver leur identité de réfugiés,disposant du droit non négociable à leurretour dans leur patrie ancestrale. Prèsde 70 ans après sa création, l’UNRWAdemeure essentielle et irremplaçable.

Les fondateurs d’Israël avaient fan-tasmé un avenir où les réfugiés palesti-niens se dissoudraient dans la popula-tion plus vaste du Moyen-Orient.Soixante-dix ans plus tard, les Israéliensentretiennent toujours cette même illu-sion. Aujourd’hui, avec le soutien del’administration Trump, ils orchestrentdes campagnes encore plus sinistrespour faire disparaître les réfugiés pales-tiniens, voulant pour cela détruirel’UNRWA et bouleverser le statut deréfugiés de millions de Palestiniens.

Le sort des réfugiés palestiniensne semble avoir aucune importancepour Trump, Kushner et les autres

responsables américains. Ceux-ciespèrent simplement que leur straté-gie finira par mettre les Palestiniens àgenoux pour qu’ils se soumettent auxdiktats du gouvernement israélien.

Mais la dernière folie américano-israélienne échouera. Les administra-tions américaines successives ont faittout ce qui était en leur pouvoir poursoutenir Israël et faire souffrir lesPalestiniens prétendument intransi-geants. le droit au retour resteenvers et contre tout le moteur dela résistance palestinienne, commele prouve la Grande Marche duretour à Gaza, lancée depuis mars.la vérité est que tout l’argententassé dans les coffres deWashington ne renversera pas laconviction profondément ancréeaujourd’hui dans le cœur et l’espritde millions de réfugiés à travers laPalestine, le Moyen-orient et lemonde. (NDLR : souligné par nous)

Le 7 octobre 2018

(1) : Ramzy Baroud est journaliste, auteur etrédacteur en chef de Palestine Chronicle. Sonprochain livre est «The Last Earth: APalestine Story» (Pluto Press). Baroud a undoctorat en études de la Palestine del’Université d’Exeter et est chercheur associéau Centre Orfalea d’études mondiales etinternationales, Université de Californie.Visitez son site web: www.ramzybaroud.net.

Voir  : http://www.chroniquepalestine.com/cruaute-cynisme-raisons-guerre-etats-unis-israel-contre-unrwa/

l’annonce avait entraîné la«  pire crise financière  » del’histoire de l’UNrWA. lesÉtats-Unis avaient décidéen septembre 2018 de ces-ser quasi toute participa-tion au budget de l’agencedes Nations Unies pour lesréfugiés palestiniens. lepays était le premier contri-buteur et l’avenir del’agence semblait alorsincertain. Mais finalement,l’UNrWA a réussi à rame-ner son déficit pour l’année2018 à 21 millions de dol-lars, a annoncé lundi 19 sonchef Pierre krähenbühl.

DR

D epuis plus de dix ans désormais,l’UNRWA est déficitaire. Le

nombre de réfugiés palestiniens aug-mente au gré des naissances, leur vul-nérabilité a été accrue par la guerreen Syrie et la crise humanitaire à

Gaza, forçant l’agence onusienne àfournir de nouveaux services. Audébut de l’année, la direction del’UNRWA prévoyait donc déjà undéficit de 140 millions de dollars surun budget de 1,2 milliard de dollars.

Page 15: Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. · 2019. 1. 7. · « Le prix de la liberté, c’est la vigilance éternelle » Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. Bulletin du Comité de

Courrier du CVPR, n°71 - p. 15

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Mais les difficultés ont été accruespar la décision de Donald Trump deréduire drastiquement l’aide deWashington à cette agence. LesÉtats-Unis ont versé 60 millions dedollars en 2018, contre 365 lesannées précédentes. Le pays était lepremier contributeur au budget del’UNRWA, mais la nouvelle adminis-tration, critique du fonctionnementde cette agence, a annoncé son désen-gagement.

Le déficit prévisionnel del’UNRWA est alors passé à 446 mil-lions de dollars, mettant en péril bonnombre de ses services et avait avan-cé notamment le doute sur l’ouvertu-re des écoles après la pause estivale,fin août. Mais d’autres pays et insti-tutions se sont ,mobilisés. L’Arabiesaoudite, les Émirats Arabes unis, leKoweït et le Qatar ont versé 50 mil-lions de dollars de plus chacun.L’Union européenne et ses États

membres ont également augmentéleur aide.

Désormais, le déficit a été ramenéà 21 millions de dollars. « C’est fan-tastique  », se réjouit le porte-parolede l’UNRWA. Mais les défis finan-ciers demeurent pour l’an prochain :ces dons exceptionnels étaient pour2018 uniquement.

Voir : http://www.france-palestine.org/ONU-l-UNRWA-surmonte-la-pire-crise-financiere-de-son-histoire

Interview de Pierre Krähenbühl, le commissaire général de l'UNRWA Par Armin ArEFi (lE PoiNt)

le Point  : Comment accueillez-vous la décision américaine de cou-per les fonds de l'UNrWA ? (DonaldTrump  a annulé 200 millions de dol-lars d'aide directe à l'Autorité palesti-nienne, puis la totalité des finance-ments versés à l'UNRWA.)

P krähenbühl : Ma réaction estcelle d'un profond regret car il s'agis-sait d'un partenariat de longue date...

où en est l'état de vos financesaujourd'hui ?

Nous avons commencé l'annéeavec un déficit projeté de 146 millionsde dollars, lorsque les Américains ontréduit leur aide, cela a donné un défi-cit cumulé de 446 millions de dollars.Toutefois, 25 à 30 pays donateurs ontavancé le transfert de leur contribu-tion annuelle, nous avons obtenu desfonds additionnels (…). Nous avonsréussi à ouvrir les écoles pour queplus d'un demi-million d'élèves puis-sent effectuer leur rentrée (...). Mais ilmanque un peu plus de 200 millionsde dollars cette année (…).

Quels pays ont été les plus géné-reux ?

Les plus grosses contributionssont venues des pays du Golfe. LeJapon, l'Inde, la Turquie ont beau-coup augmenté leur aide. Le Canada,

l’Allemagne, le Royaume-Uni, laSuède, la Norvège ont annoncé descontributions additionnelles. Le dia-logue avec la France a entraîné uneaugmentation de sa contribution.

Comment la baisse de l'aideaméricaine s'est-elle traduitesur le terrain ?

Vers la fin du mois de juillet,  nousavons dû émettre des priorités. Certainschoix ont été difficiles : à Gaza, initia-tives pour la création d'emplois ou sou-tien psychologique (…). Des gens sesont retrouvés dans une situation d'an-goisse extrême (…), des manifestationsont eu lieu, nous avons perdu le contrô-le de nos bureaux à Gaza (…).

Quelles sont, d'après vous, lesmotivations qui ont amené lesÉtats-Unis à couper leur finan-cement à l'UNrWA ?

Dans le message du Départementd'État  : de prétendues faiblesses degestion, des problématiques de corrup-tion, de manque d'efficience et de dis-cipline financière (…). Je ne l'acceptepas, nous produisons chaque année unrapport extrêmement détaillé sur notregestion financière à l'Assemblée géné-rale de l'ONU, chacun de nos dona-teurs exige une série de rapports surl'utilisation des fonds et ceux quidemandent les documents les plus

détaillés sont les États-Unis (…). Endécembre 2017, nous avions signé unnouvel accord-cadre de coopération, etles Américains s'étaient engagés àpoursuivre leurs financements.

les États-Unis critiquent lemode de fonctionnement del'UNrWA qui «  créerait  » desréfugiés en transmettant le sta-tut des parents aux enfants.

C’est exactement de cette manièreque procède le Haut-Commissariatpour les réfugiés (…). La décisionaméricaine a été prise pour des motifspolitiques or l'aide humanitaire doitêtre protégée des risques de politisa-tion. La seule explication que l'on peutdonner est que, à la suite de l'annoncedu transfert de l'ambassade des États-Unis à Jérusalem, il y a eu des tensionstrès fortes avec l'Autorité palestinien-ne, sur laquelle Washington a décidéde faire pression en coupant les fondsde manière générale et en y incluantl'aide humanitaire (…).

Washington accuse votre orga-nisation d'être une partie duproblème, pas de la solution duconflit.

Je ne l'accepte pas, venant dumonde politique. S'il y a une raisonqui explique qu'on en est toujours là,c'est l'échec patent, de la communau-té internationale et des parties pre-nantes, dans la résolution de ceconflit (…). Notre action est un actehumanitaire qui a été mandaté poursoutenir une communauté en confor-mité avec un consensus internationalexprimé par l'Assemblée générale del’ONU (…).

Pierre Krähenbühl, le commissai-re général de l'UNRWA, l'Officede secours et de travaux desNations unies pour les réfugiés dePalestine dans le Proche-Orient.  ©  Mohammed Elshamy /ANADOLU AGENCY

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Courrier du CVPR, n°71 - p. 16

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LIBAN : La mort lente des réfugiés palestiniens Par Emmanuel HADDAD

l'ambassadrice américaine àl'oNU, Nikki Haley, remet encause la définition même duréfugié palestinien et critique lefait qu'il existe une distinctionavec un réfugié vénézuélien ousyrien par exemple. Pourquoicette différence ?

Mais il n'y en a pas  ! (…). Quel'on puisse constamment répéter deschoses qui ne correspondent pas auxdéfinitions du droit international ! Siquelqu'un veut modifier la définitiondu réfugié, il faut qu'il s'adresse àl'Assemblée générale de l'ONU quinous a délivré notre mandat. Cela nerelève pas de l'UNRWA (…).

l'ambassadrice américaine àl'oNU a également évoqué uneremise en cause du «  droit auretour  » des réfugiés palestiniensen israël. Pensez-vous qu'à traversl'affaiblissement de l'UNrWA, lesAméricains souhaiteraient annihi-ler ce droit et le retirer de la tabledes négociations ?

Il s'agit de questions politiques, jen'ai pas à me prononcer.  Mais, il estévident qu'avec l'annonce du transfertde l'ambassade américaine àJérusalem, puis la fin du soutien àl'UNRWA, le sentiment du côté desréfugiés palestiniens est que beau-coup de choses sont remises encause. Voilà pourquoi nous essayonsde maintenir nos activités.

D'après la presse israélienne, ceserait Netanyahu lui-même quiaurait demandé à la Maison-Blanche de couper l'aide améri-caine à l'UNrWA, contre l'avisdes responsables sécuritairesisraéliens ?

Je ne dispose pas des informationsqui pourraient le confirmer ou l'infirmer.Mais, dans le dialogue régulier que j'aiavec les représentants israéliens desquestions nous proviennent de l'intérieurdu système et de l'appareil sécuritaireisraélien pour savoir si l'UNRWA va êtreen mesure d'ouvrir ses écoles à temps.Cela traduit leur préoccupation (…).

Le Point.fr - 5 septembre 2018

Extraits - Article complet sur: http://www.lepoint.fr/monde/israel-palesti-ne-on-ne-peut-resoudre-un-conflit-en-excluant-5-millions-de-personnes-05-09-2018-2248781_24.phpK

A u premier abord, rien dans larentrée de l’école gérée parl’Office de secours et de tra-

vaux des Nations unies pour les réfu-giés de Palestine dans le Proche-Orient(UNRWA) ne laisse filtrer «  la plusgrande et la plus sévère crise financiè-re de l’histoire » de l’UNRWA, décri-te par son commissaire général PierreKrähenbühl comme un «  navire enplein naufrage ». (...)

Chez les réfugiés du Liban, les attaques contre l’UNRWAsont omniprésentes. Lésés de leurs droits depuis plusieursannées face aux coupes budgétaires progressives del’UNRWA, ils voient la fin de la contribution américaine àl’agence onusienne comme une menace pour leur survie etune atteinte à leurs droits fondamentaux

Les écoles gérées par l'UNRWA au Proche-Orientrisquent de devoir fermer au cours de l'année sco-laire par manque de fonds (AFP) 

Le retrait américain a créé ungouffre financier dont le porte-parolede l’organisation Chris Gunness arésumé l’impact abyssal : « Fin sep-tembre, l’UNRWA n’aura plus unsou, y compris pour les écoles et lescentres médicaux ».

Assise dans le bureau qu’elle occu-pe depuis quatorze ans, la directrice del’école Ramallah, Sahar Dab-doub,parle d’une voix faible, comme si elleéconomisait déjà son énergie pour sur-vivre au naufrage annoncé. « Tu sais,l’UNRWA est notre seul abri, notreseule chance de travailler. Sesemployés sont responsables non pasd’une famille, mais de plusieurs. Noussommes nombreux à être responsablesd’une famille : je soutiens mes parents,certains financent l’éducation desenfants, d’autres paient les frais desanté d’une tante. Si notre salaire dis-paraît, la vie de plusieurs foyerss’éteint. C’est ce qu’on appelle unemort lente », déplore-t-elle.

Difficile de trouver les mots pourrésumer toutes les conséquences pos-sibles de la décision américaine sur lavie des réfugiés palestiniens du Liban.Lors d’un séminaire organisé parl’Institut d’études palestinien-nes àBeyrouth le 20 septembre, le directeurde l’UNRWA au Liban, ClaudioCordone, passe donc par les chiffres  :« Au Liban, notre agence offre une édu-cation à 37 000 réfugiés palestiniens duLiban et 5 500 de Syrie. 27  000 per-sonnes bénéficient de nos soins de santéet 61 000 de notre assistance sociale. »

Dans un pays où les Palestinienssont interdits de travailler èdans la plu-part des  métiers  ainsi que d’être pro-priétaires, l’aide procurée par l’agenceonusienne est la seule source de survie.

Chercheur à l’Université américai-ne de Beyrouth ayant grandi en Syrie,le sociologue palestinien Sari Hanafisouligne  : «  Il a fallu attendre notrearrivée au Liban en 2011 pour que mafamille demande de l’aide à l’UNRWA.L’exercice d’un emploi en Syrie nouspermettait d’être autonomes, et lasituation au Liban serait bien meilleuresi les réfugiés palestiniens se voyaientenfin autoriser d’en faire autant. » (...)

Vendredi 14 septembre, un busd’écoliers des camps palestiniens enva-hit le jardin Khalil Gibran, face ausiège des Nations unies à Beyrouth.« La fin du financement de l’UNRWAest un complot pour mettre un terme audroit au retour », a écrit une jeune fillesur une pancarte en référence au droitgaranti par la résolution 194, votée unan avant la création de l’UNRWA. (...)

Sur le plan sanitaire

Les réfugiés palestiniens n’en sontpas à leur première manifestation pourdénoncer les coupes budgétaires del’UNRWA. Début 2016, quandl’UNRWA a demandé aux réfugiéspalestiniens de couvrir de 5 à 20 % desfrais d’hospitalisation  auparavant prisen charge à 100 %, un jeune de 23 ans,

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Courrier du CVPR, n°71 - p. 17

DoSSiEr

génaire dit être prêt à tout si l’agencesupprime davantage de services. « Cequ’ils nous donnent est une goutte dansun océan de besoins. Mais cette goutteest un soulagement, notamment l’écoleprimaire pour les enfants. S’ils stop-pent, c’est la catastrophe. Moi, avecmon fils malade, peut-être que je vaism’immoler par le feu. Je ne veux pas

vivre dans l’injustice, voir mon filsmourir et ma fille arrêter ses études à17 ans, un an avant le baccalauréat »,confie-t-il. (...)

27 septembre 2018

Voir : https://www.middleeasteye.net/fr/repor-

tages/la-mort-lente-des-r-fugi-s-palesti-niens-au-liban-1547058309

atteint de thalassémie, s’est immolé parle feu dans le camp de Bourj Chemali,au Sud Liban.

Ahmad Sahnine, responsable duFPLP dans le camp, éclaire : « Ici, il ya un docteur pour 5 000 personnes. Or,les critères internationaux parlent d’unmédecin pour 300 malades. » (...) Déjàau bord de la crise de nerf, le quinqua-

SYRIE : après le "cauchemar", les Palestiniens deYarmouk gardent l'espoir d'une reconstruction

A près des années de combatset de bombardementsdévastateurs, le principal

centre urbain de la diaspora palesti-nienne, dans le sud de Damas, n'estplus qu'un océan de ruines. Pourreconstruire Yarmouk, les habitantsespèrent des aides internationales

qui, pour l'heure, n'arrivent pas. " Nous avons vécu un cauchemar terrifiant",lâche Amina, une des rares résidentes qui n'a pas fui le camp palestinien ravagépar la guerre. "Nous avons maintenant besoin de quelqu'un pour reconstruire nosmaisons", ajoute la quadragénaire.

En mai, le gouvernement syrien etses alliés ont reconquis cet ex-bastiondes jihadistes du groupe Etat isla-mique (EI). Cinq mois plus tard, lesimmeubles aplanis s'alignent toujoursprès de bâtisses en béton éventrées etde façades noircies.

Les pays étrangers "doivent nousaider parce que nous sommes commeun estropié qui a besoin d'une béquille",confie Amina, vêtue d'une longue abayanoire et arborant un foulard blanc.

Établi dans les années 1950,Yarmouk était initialement un campde réfugiés créé pour les Palestinienschassés de leurs terres après la créationd'Israël en 1948. Devenu au fil des ansun véritable quartier résidentiel etcommercial, il abritait environ160.000 réfugiés palestiniens ainsi quedes Syriens avant le début du confliten 2011. Fin 2012, seuls quelques mil-liers vivaient encore dans le camp,tombé aux mains des rebelles. Et, troisans plus tard, les jihadistes de l'EI s'éri-geaient en maîtres des lieux.

Jeux pour enfants

En dépit d'un siège asphyxiant et desdestructions massives, des dizaines d'ir-réductibles, dont la famille d'Amina,

n'ont pas déserté. D'autres ont réussi à yrevenir, au compte-gouttes.

Dans la rue d'Amina, l'une des raresencore habitée, un voisin revenu il y aquelques mois a aménagé une aire dejeu pour enfants. Abou Bilal a rassemblébalançoires, tourniquets et toboggans,récupérés à travers le camp. Au mur, desportraits du président syrien Bachar al-Assad ou de l'ancien leader palestinienYasser Arafat, décédé en 2004. "J'aicréé cet espace pour que les enfants duquartier soient heureux", explique lequinquagénaire, devenu balayeur.

Il espère surtout leur faire oublierles monticules de décombres et les car-casses carbonisées de bus et de voi-tures, dispersées le long du cheminqu'ils empruntent chaque jour pourrejoindre leur école, à l'extérieur ducamp. " Ce que je fais n'est pas suffi-sant pour que les gens reviennent",reconnaît-il, en espérant que "les paysdonateurs" et les agences onusiennesapporteront leur "soutien".

En septembre, les pelleteuses sesont mises en branle pour évacuer lesgravats. L'opération, financée parl'Organisation de libération de laPalestine (OLP) en coordination avecle gouvernement syrien, devrait durerencore deux mois.

Mais ce déblayage risque de restersans suite. "La reconstruction nécessi-te (l'implication) des pays (étrangers)et un énorme capital", affirmeMahmoud Khaled, un ingénieur pales-tinien membre du comité supervisantles opérations.

Damas n'a toujours pas donné sonfeu vert à un éventuel chantier enbonne et due forme, déplorent l'ONUet des responsables palestiniens.

"Ville fantôme"L'agence des Nations unies pour les

réfugiés palestiniens (Unrwa) estimeque rien ne sera réhabilité avant que legouvernement n'autorise les habitantsà rentrer.

"Quel est le futur du camp ? Le gou-vernement va-t-il autoriser les gens àrevenir  ?", s'interroge MohammedAbdi Adar, directeur de l'Unrwa enSyrie."Avant de faire quoi que ce soit,nous devons obtenir une réponse clairedes autorités", ajoute-t-il.

Quelque  23  bâtiments de l'agence,dont  16  écoles, ont été endommagéspar le conflit. Et assurer un financementaux travaux nécessaires risque d'êtreardu, ajoute le responsable. L'agence,déjà empêtrée dans une grave crisefinancière, est confrontée localement àdes difficultés supplémentaires, en rai-son des antagonismes diplomatiquesqui marquent le conflit. "De nombreuxdonateurs ne veulent pas soutenir lareconstruction", déplore-t-il.

Dans un pays où le conflit a faitplus de 360.000 morts depuis 2011 etjeté des millions sur la route de l'exil,quelque 120.000 Palestiniens ont trou-vé refuge à l'étranger.

En juillet, les autorités ont chargé leministère des Travaux publics d'élabo-rer un nouveau plan d'urbanisme pourYarmouk, faisant craindre que le sec-

© AFP / LOUAI BESHARA

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Courrier du CVPR, n°71 - p. 18

DoSSiEr

teur ne tombe sous la coupe d'une nou-velle loi controversée. Adopté en avril,ce "décret numéro 10" autorise le gou-vernement à saisir des propriétés pri-vées pour les besoins de projets immo-biliers, en contrepartie d'actions dansces projets. Interrogés par l'AFP, desresponsables locaux palestiniens se

veulent confiants. Ils citent un pland'urbanisme spécifique adopté en2004, qui devrait, selon eux, servir debase à toute reconstruction.

Cela fait six ans que Wassel Hmeidaa quitté Yarmouk. Pour cet étudiantde 29 ans, tout retour est "difficile". "Il n'ya rien qui t'encourage, poursuit le jeune

homme. Je ne sais pas comment un demes voisins peut vivre tout seul dans samaison au milieu d'une ville fantôme."

5 novembre 2018

Voir  : https://www.lepoint.fr/monde/syrie-apres-le-cauchemar-les-palestiniens-de-yar-mouk-gardent-l-espoir-d-une-reconstruc-tion-05-11-2018-2268655_24.php

GAZA : « Nous vivons tous grâce aux aides del’UNRWA » Par Matthias SoMM, le Point

regarder le reportage

D evant un entrepôt del’UNRWA, l’agence desNations unies pour les réfugiés

palestiniens, au nord de Gaza, les filesd’attente se multiplient. Il n’est que 9heures, mais, déjà, de nombreuxGazaouis se sont regroupés pour la dis-tribution de nourriture. Parmi eux,Mahmoud Hissi se présente devant unguichet, un coupon à la main. «  Il y adeux catégories, raconte-t-il. Lescoupons jaunes pour les familles les pluspauvres, les blancs pour les autres. Moi,je n’ai droit qu’à un blanc, on me donnemoins de nourriture. » Au terme d’unelongue attente, un homme lui remet uncarton. À l’intérieur, trois litres d’huile,des haricots, du sucre, du houmous. Del’entrepôt, il ressortira aussi avec un sacet demi de farine. « C’est ma ration pourles trois prochains mois, pour toute mafamille. Cela couvre à peine nos besoins,alors vous imaginez si ça s’arrête ? Jen’ai pas d’emploi. On n’a que Dieu etces coupons pour nous aider. »

Comme Mahmoud Hissi, desfamilles entières dépendent de cesaides. Pour rencontrer celle d’EnsheranAbu Obaid, il faut parcourir de longscouloirs étroits, au cœur du camp deréfugiés d’Al-Shati. Un petit labyrinthequi borde la mer au nord-est de Gaza. Ilconcentre 84 000 personnes sur undemi-kilomètre carré. Cette femme de70 ans vit avec sa famille dans unappartement vétuste et étroit, au rez-de-chaussée. Autour d’elle, des bambinss’agitent. « J’ai sept enfants et vingt-sixpetits-enfants  !  » annonce-t-elle fière-ment. Une de ses petites-filles préparedu pain à même le sol. «  Cinquantepersonnes habitent dans le bâtiment,explique Ensheran Abu Obaid. Nousvivons tous grâce aux aides. Sans elles,on ne pourrait pas manger. Certains demes petits-enfants peuvent même allerà l’école de l’UNRWA. »

Fermeture des écoles endécembre

L’organisation a ouvert près de 300 établissements scolaires à Gaza.Dans l’école primaire de Jabalia, 1 094 élèves sont répartis dans vingt-sept classes. Ils sont souvent plus dequarante en-fants dans des salles sur-chargées. En début d’après-midi, despetites-filles apprennent l’alphabetarabe, avec les mots commençant par lalettre D. «  Dima, Daan, Daftar…  »chantent-elles en chœur. Toutes par-ticipent, mais au moment de la retran-scription, beaucoup n’ont même pas unstylo pour écrire. «  C’est très difficilepour nous de continuer à enseigner »,soupire Aida Atiya Suliyman qui dirigel’établissement. « Avant, on distribuaitdes fournitures scolaires en début d’an-née, des cahiers, des dictionnaires.Aujourd’hui, c’est terminé. Si les par-ents n’ont pas les moyens de leuracheter les livres, les enfants ne peuventpas venir en classe. » Ici, l’année sco-laire pourrait même devenir la pluscourte du monde. Avec son budgetactuel, l’UNRWA ne peut assurer sesservices que jusqu’en décembre.

taux de chômage de 53 %

Dans la bande de Gaza, qui compte1,8 million d’habitants, près d’un mil-lion de personnes bénéficie des ser-vices de l’UNRWA et 70 % de la pop-ulation a le statut de réfugié. Ici, le chô-mage est massif  : plus d’un actif surdeux (53 %, selon les derniers chiffres).Chez les jeunes, il culmine à 72 %.

Des profondeurs du camp deréfugiés d’Al-Shati aux appartementsaisés du centre de la ville de Gaza, iln’y a que quelques kilomètres à par-courir. Au sommet de son immeuble,Maï Youssef vit avec son mari et sesdeux enfants dans un appartementcossu. Pendant dix ans, elle a travaillépour une organisation internationale

basée à Gaza. Elle aidait les jeunes àtrouver un stage ou un travail. Unemploi qu’elle évoque désormais aupassé. Depuis la décision de DonaldTrump de stopper tout financement del’UNRWA, c’est elle qui doit faire faceau chômage. «  J’ai dix ans d’expéri-ence et je n’arrive pas à retrouver detravail ! » s’insurge-t-elle. « Même lesjeunes diplômés, docteurs, ingénieurs,ne trouvent pas d’emploi. Les gensn’arrivent pas à sortir du chômage. »

La situation a poussé beaucoup dejeunes à participer à la marche du retources derniers mois  : depuis le 30 mars,les Gazaouis manifestent chaque ven-dredi le long de la frontière avec Israël.Ils affrontent son armée pour affirmerleur droit de retourner sur leurs terres,conquises par l’État hébreux en 1948.Pierres et cerfs-volants enflamméss’échangent contre les balles des snipersisraéliens. Une action perçue comme undernier recours par de nombreuxjeunes, pour attirer l’attention de lacommunauté internationale. OmarShaban, politologue au sein de Palthink,un think tank palestinien, craint que, àcause du manque de perspective, la vio-lence ne s’intensifie : « La crise va s’ag-graver entre Israël et les milicesprésentes à Gaza. Si les jeunes ne vontplus à l’école, ils se retrouveront dansla rue. Ils rejoindront des formationsmilitaires, des groupes radicaux. »

Déjà, les heurts se sont intensifiés àla frontière ces derniers jours. Dansles rues de Gaza, des milliers d’habi-tants organisent des marches pourprotester contre les coupes budgé-taires et les suppressions d’emploi.Des membres des syndicats, menottés,rythment l’avancée du cortège, sousles discours des leaders, qui appellentà continuer les protestations.

Voir  :https://www.lepoint.fr/monde/gaza-

nous-vivons-tous-grace-aux-aides-de-l-

unrwa-01-10-2018-2259127_24.php

Page 19: Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. · 2019. 1. 7. · « Le prix de la liberté, c’est la vigilance éternelle » Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. Bulletin du Comité de

Maan News – Près de 140 artistes,dont des musiciens, des écrivains,des acteurs, des réalisateurs, desromanciers et des poètes, ont signéune lettre appelant au boycott duconcours Eurovision de la chanson2019, qui doit se tenir en Israël.

La lettre, qui a été publiée par TheGuardian, a été signée par environ 140 artistes du monde entier, dont sixartistes israéliens, exigeant que leconcours de chanson soit boycotté s’ilest «  hébergé par Israël, qui viole

depuis des décennies les droitshumains palestiniens. »

Parmi les signataires se retrouventles musiciens Roger Waters, Brian Eno,Nosizwe, Bugge Wesseltoft, LarsKlevstrand, Trond Ingebretsen, JoseMàrio Branco, Chullage, Dror Feiler,Christy Moore, Charlie McGettigan,Kimmo Pohjonen, Paleface, et lesacteurs Candy Bowers, Daan Hugaert,Marijke Pinoy, Chokri Ben Chikha,Tove Bornhoeft, Anne Marie Helger,Tommi Korpela, Krista Kosonen, ainsique les romanciers Manuela Bosco,

Gérard Mordillat, José Luis Peixoto,Michel Bühler, et beaucoup d’autres.Les six Israéliens qui ont égalementsigné la lettre sont Aviad Albert, MichalSapir, Ohal Grietzer, Yonatan Shapira,Danielle Ravitzki et David Opp.

La lettre soutien un appel desartistes palestiniens à boycotterl’Eurovision, déclarant que « Nous, lesartistes soussignés d’Europe etd’ailleurs, soutenons l’appel sincèredes artistes palestiniens pour boycotterle Concours Eurovision de la chanson2019 organisé par Israël. »

Courrier du CVPR, n°71 - p. 19

La campagne "Boycott, Désinvestissement, Sanctions" trouve son origine dansl'appel lancé, le 9 juillet 2005, aux sociétés civiles internationales et aux gens deconscience du monde entier, par 172 partis, organisations et syndicats, représen-tant la société civile palestinienne, en vue d'imposer de larges boycotts à Israël, etdes retraits d'investissement.Elle a essentiellement pour but de faire respecter par Israël le droit international,superbement ignoré par l’Etat hébreu depuis sa proclamation par David BenGourion, le 14 mai 1948.

Cet appel énonce les trois exigences indissociables du peuple palestinien :1/ Fin de l'occupation de la Palestine (Cisjordanie, Jérusalem-Est, Bande de

Gaza) et de la colonisation de toutes les terres.2/ Egalité absolue des droits accordés aux Juifs et aux Palestiniens d’Israël, dont

la nationalité.3/ Droit des réfugiés au retour et à l'indemnisation, comme stipulé par la résolu-

tion 194 de l'ONU, du 11 décembre 1948.

La campagne BDS en France

et dans le monde

LA FRANCE VA DÉCERNER LE PRIXdes droits de l’Homme à Al Haq et B’Tselem

• Le 10 décembre le Prix des droits

de l’homme de la République fran-

çaise 2018 va distinguer 5 person-

nalités ou associations non-fran-

çaises. B’Tselem et al Haq, deux

ONG israélienne et palestinienne,

vont recevoir le Prix des droits de

l’homme de la République françai-

se pour son édition de 2018.

• En octobre, Hagai El-Ad, le directeur

de l’association de défense des droits

de l’Homme, B’Tselem, répliquait aux

critiques après sa décision de s’expri-

mer contre la politique d’implantations

La première israélienne est accusée de collaborer avecl'ennemi, tandis que l'autre palestinienne est accusée decollaborer avec le FPLP

israélienne aux Nations unies unesemaine plus tôt. Il avait alors déclaréqu’il avait simplement condamné « l’occupation » devant l’institutioninternationale, et non pas Israël auxpersonnes - dont le Premier ministreisraélien  - qui l’avaient accusé de« collaborer avec l’ennemi ».

• Son discours, intitulé « Coloniesisraéliennes illégales : obstacles àla paix et à la solution à deux Etats», avait été prononcé apparem-ment sur invitation de la missionpalestinienne à l’ONU.

• De son côté le directeur d’Al Haq,Shawan Jabarin, avait été décrit parla  Cour suprême israélienne  en2016 comme «  Dr. Jekyll et Mr.Hyde, un défendeur des droits del’Homme le jour et un terroriste lanuit, » en raison de son appartenan-ce dans sa jeunesse à l’organisa-tion terroriste du Front Populaire deLibération de la Palestine (FPLP).

• Une initiative qui a fait réagirMichael Oren, député Koulanou,sur Twitter :

• «  La France attribue la plus hauterécompense aux organisationsB’Tselem et al-Haq qui accusentIsraël d’apartheid, nous délégitimentau niveau international, défendent leterrorisme et soutiennent le BDS. Lamême France ne peut pas prétendrelutter contre l’antisémitisme. Honte àla France ». Sans commentaire !

140 artistes exigent : « Pas d’Eurovision au pays de l’Apartheid »

Page 20: Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. · 2019. 1. 7. · « Le prix de la liberté, c’est la vigilance éternelle » Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. Bulletin du Comité de

La lettre souligne que « tant que lesPalestiniens ne pourront pas jouir dela liberté, de la justice et de l’égalitédes droits, il ne devrait y avoir aucunenormalisation avec l’État qui leur refu-se leurs droits fondamentaux ». (...)

La lettre conclue que « [le concoursde] l’Eurovision 2019 devrait être boy-cotté s’il est hébergé par Israël alorsque celui-ci multiplie depuis desdécennies ses graves violations desdroits de l’homme à l’encontre desPalestiniens.

Nous avons appris que l’Unioneuropéenne de radiodiffusion demandeà Israël de trouver un lieu de «  quine divise pas [Jérusalem] pourl’Eurovision 2019, alors qu’il faut sim-

plement annuler la tenue de la compé-tition en Israël et la transférer dans unautre pays ayant un meilleur bilan enmatière de droits de l’homme.L’injustice divise, tandis que la pour-suite de la dignité et des droits del’homme unit. »

Cette initiative survint dans la fouléedes efforts du mouvement de Boycott,Désinvestissement et Sanctions (BDS),qui ont conduit un certain nombre d’ar-tistes à annuler leur participation auMeteor Music Festival d’Israël, qui a eulieu dans le nord d’Israël et qui devaitproduire Lana Del Rey, Shlohmo ,Little Simz et plusieurs autres.

La campagne BDS a souvent appe-lé de nombreux artistes à annuler des

événements en Israël, en raison desagressions militaires d’Israël contre lesPalestiniens. En réponse, certains desmeilleurs artistes du monde, tels queRoger Waters, Stevie Wonder, Beyonceet Shakira, ont annulé leurs concerts.

Il est à noter que l’organisation duconcours Eurovision de la chanson enIsraël n’est en rien une obligation etqu’elle n’est pas la seule option à envi-sager. En 1980, l’Autorité israéliennede radiodiffusion (IBA) avait refuséd’accueillir le concours en Israël pourde soit-disant raisons financières. Parconséquent, le concours avait eu lieu àLa Haye, aux Pays-Bas.

9 septembre 2018 – Ma’an News –Traduction : Chronique de Palestine

Courrier du CVPR, n°71 - p. 20

BDS

LE DROIT À L’APPEL au boycott reconnu par la Cour d’appel de

l’Angleterre et du pays de Galles Par Ghislain PoISSoNNIER(1)

D ans une récente décision,  la courd’appel de Grande-Bretagne a

refusé d’assimiler l’appel au boycott àde l’antisémitisme. Ce texte est bien sûrde grande importance pour les associa-tions de solidarité avec les Palestiniensen Grande Bretagne, mais aussi enFrance.

Le CRIF et le BVA se sont fait unespécialité chez nous d’attaquer toutedécision individuelle, associative oumunicipale qui se place du côté du droitdes Palestiniens. Ils répètent  à l’envi quele BDS est illégal et qu’une municipalitén’a pas le droit de prendre position enfaveur de tel ou tel prisonnier politiquepalestinien. Ghislain Poissonnier, nouslivre ci-dessous l’analyse de cet arrêt. 

Un arrêt essentiel pour BDS en Angleterre

La Cour d’appel de l’Angleterre et dupays de Galles (Division civile) a rendule 3 juillet 2018 un arrêt dans une affaireopposant l’association «  Jewish HumanRights Watch » à la mairie de Leicester.La Cour estime que l’appel au boycottdes produits des colonies israéliennes,même lancé par un Conseil municipal,relève de la liberté d’expression poli-tique et n’y voit aucune incitation à ladiscrimination raciale (texte de l’arrêt).(NDLR : souligné par nous).

L’affaire portait sur la légalité de larésolution adoptée par le Conseil munici-pal de Leicester le 13 novembre 2014. Larésolution appellait « au boycott de toutproduit originaire des colonies israé-liennes illégales de Cisjordanie jusqu’àce qu’Israël respecte le droit internatio-

nal et se retire des territoires palestiniensoccupés ». L’association « Jewish HumanRights Watch  » demandait à la justiceanglaise d’annuler la résolution, en fai-sant valoir son caractère discriminatoireet les risques qu’elle comporterait vis-à-vis de la communauté juive de la ville,notamment en ce qu’elle conforteraitl’idéologie du mouvement BDS.

Dans un jugement du 28 juin 2016, laHaute cour de justice (division adminis-trative) considérait que la résolutionn’avait pas violé la réglementationanglaise, notamment les lois relatives àl’égalité de 2010 et aux collectivitéslocales de 1988 (texte du jugement).L’arrêt du 3 juillet 2018 de la Cour d’ap-pel confirme ce jugement. (...)

Cet arrêt sera probablement lu avecintérêt par les juges de la Cour européen-ne des droits de l’homme. Ces derniersstatueront dans les prochains mois surle  recours  porté par des membres del’Association France Palestine Solidarité(AFPS) contre deux arrêts de la chambrecriminelle de la Cour de cassation fran-çaise du 20 octobre 2015 qui pénalisentl’appel au boycott des produits israéliens.

Et en France ?

Rapportée à la situation en France, unelecture attentive de l’arrêt du 3 juillet2018 peut donner lieu à trois observations

L’arrêt mentionne spécifiquement queles citoyens peuvent, dans le cadre de laliberté d’expression, appeler au boycott deproduits. Il ajoute que l’appel au boycottde produits constitue un geste de solidari-té politique bien connu vis-à-vis degroupes opprimés à l’étranger, commecela a été le cas lors des appels au boycottdes produits sud-africains durant la pério-de de l’apartheid. Il considère que l’appelau boycott des produits formulé par lesélus de Leicester ne constitue pas un appelà la discrimination raciale ou nationale,prohibé par la loi de 2010 sur l’égalité.

La généralité de la formule retenuepar la Cour ne laisse guère de place audoute. Si la résolution du Conseil muni-cipal ne porte que sur le boycott des pro-duits des colonies israéliennes (illégalesau regard du droit international), l’appelau boycott de tous les produits israéliens(y compris ceux qui ne sont pas issus descolonies) semble aussi devoir être proté-gé par la liberté d’expression.

L’arrêt mentionne spécifiquementqu’un Conseil municipal, constitué deconseillers municipaux élus par lescitoyens, est en droit d’appeler au boycottde produits dans le cadre d’un geste desolidarité politique. En l’espèce, la réso-lution adoptée était de nature politique etrelevait bien de la liberté d’expression.Selon la Cour, il est en outre constant,dans cette affaire, que la résolution adop-tée est sans effet sur la politique d’achatet d’appel d’offres de la municipalité.

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L’arrêt ne se prononce pas sur le pou-voir des Conseils municipaux ou desMaires d’ordonner des mesures administra-tives de boycott, mais il semble bien que laréponse serait alors assez différente. Eneffet, l’arrêt souligne que le Maire, en tantque chef de l’administration municipale,est soumis au respect d’une réglementation(celle de 1988 sur les collectivités locales etcelle de 2010 sur l’égalité) qui pourrait luiinterdire une pratique de boycott des pro-duits israéliens pour les achats et les appelsd’offres de la municipalité. En ce sens, l’ar-rêt ne se place pas en contradiction avecl’arrêt rendu le 16 juillet 2009 par la Coureuropéenne des droits de l’homme(n°10883/05 Willem c/ France}]), quisemble opérer une distinction entre l’appel

au boycott relevant d’un choix du consom-mateur et du citoyen, et celui lancé par leresponsable d’une administration publiquequi est soumis à des obligations légales pré-cises (Voir § 37 et 38 de l’arrêt ; et aussi Latentative de pénalisation des appels au boy-cott des produits israéliens par les circu-laires Alliot-Marie et Mercier). (...)

Ainsi, après la Cour suprême américai-ne le 2 juillet 1982, voici donc que la plushaute Cour de justice d’Angleterre s’estprononcée en faveur d’un droit à l’appel auboycott des produits. Ces décisions ne sontfinalement guère surprenantes, en cequ’elles proviennent de juridictions d’Etatsanglo-saxons où la tradition de l’appel auboycott est solidement ancrée dans les

mœurs de la vie politique et militante. EnFrance, où cette tradition est moins établie,la Cour de cassation a pour l’instant retenuune analyse différente, au détriment de laliberté d’expression. L’émergence durabledu mouvement BDS en France et de nou-velles pratiques citoyennes de boycott pour-raient l’amener à reconsidérer sa position.

(Voir par exemple  https://www.i-boy-cott.org/) Le 5 novembre 2018 - https://www.aur-dip.org/le-droit-a-l-appel-au-boycott.html

(1)  : Ghislain Poissonnier, magistrat, estsignataire  de la tribune : « L’appel pacifiqueau boycott, un droit en danger  »,  publiéedans Libération en avril 2016.

Courrier du CVPR, n°71 - p. 21

BDS

GRANDE VICTOIRE JURIDIQUE de BDS en AllemagnePar Riri HyLToN (1)

BDS aux Etats-Unis Par Jean-Guy GREILSAMER (1)

D es politiciens allemands ont essayéde légiférer pour interdire le mou-

vement BDS en faveur des droits desPalestiniens. (Anne Paq / ActiveStills)

Des militants qui soutiennent le mou-vement BDS en Allemagne ont gagné unebataille juridique de deux ans contre uneadministration locale, ce qui pourrait éta-blir un précédent juridique pour BDSdans ce pays. Le 27 septembre, la Couradministrative de la ville d’Oldenburg, aunord-ouest de l’Allemagne, a décidé quela décision de la municipalité d’annulerun événement organisé par BDS en 2016

était illégale. Elle a considéré que leconseil municipal de la ville avait « portéatteinte au droit fondamental de libertéde rassemblement du plaignant  », ainsiqu’à la liberté d’expression qui,  « a été(et est) gravement attaquée ». « Le droitfondamental à la liberté d’expressionest, en tant qu’expression la plus directede l’être humain dans la société, l’un desdroits les plus éminents de tous. »

Cette décision, la première du genreen Allemagne, pourrait avoir des consé-quences plus larges pour le militantismede BDS. Ahmed Abed, l’avocat qui repré-

sentait les organisateurs de l’événementau tribunal a déclaré. «  Cette décisionpourrait avoir un grand impact parce quec’est la première fois qu’une cour admi-nistrative a déclaré illégale l’interdictiond’un événement organisé par BDS. » (...)

Le 17 octobre 2018 - Traduction : MVpour l’Agence Média Palestine

Voir  :https://oumma.com/grande-victoi-re-juridique-de-bds-en-allemagne/

(1) : Riri Hylton est un journaliste et éditeurindépendant qui travaille à la fois pour lapresse écrite et électronique. Il est basé entreLondres et Berlin.

U n voyage aux Etats-Unis au coursde l’été dernier m’a permis de ren-

contrer des militants de BDS et de JVP(Jewish Voice for Peace) dans plusieursvilles et de mieux comprendre le contex-te du BDS dans ce pays. Les USA secaractérisent à la fois par un fort lobbysioniste et par un mouvement BDSimportant, qui est le sujet de cet article. Ilest nécessaire toutefois de signaler qu’ilexiste dans ce vaste pays de fortes dispa-rités régionales, municipales ou autres.

Voici un aperçu des victoires du BDS

Participations importantes à des cam-pagnes internationales ayant abouti à ce quedes sociétés se retirent des territoires pales-tiniens occupés, voire aussi d’Israël (Veolia,G4S, Sodastream, Ahava). En milieu uni-versitaire de nombreux universités, associa-tions nationales, personnalités, associationsétudiantes, campus, se sont prononcés pourle BDS, à un point tel qu’Israël envoie desconférenciers pour essayer de s’y opposer.

D’importantes Eglises et un fond de pen-sion géant se sont désinvestis de sociétéscomplices de violations du droit internatio-nal (telle Hewlett Packard). Ralliement deJVP et du mouvement Black Lives Matter(« La vie des Noirs compte ») au BDS. Voted’une résolution BDS par le conseil munici-pal de la Nouvelle Orléans (ville d’environ400 000 habitants)  ; celui de Durham(200 000 habitants) a rompu tout partenariatavec la police israélienne. Nombreuses par-ticipations aux boycotts culturel, universi-taire, aux dénonciations du «  pinkwa-shing »*, etc.

Les particularités

Cependant des mesures anti-BDSsont promulguées par plus d’une vingtai-ne d’Etats (la Floride, la Pennsylvanie, leTexas, le New Jersey, etc). Ces mesuressont essentiellement économiques, inter-disant à des entreprises qui prônent leBDS, ou ont des relations avec des enti-tés pro BDS, de concourir à des marchéspublics. Mais ces mesures sont contes-

tées, y compris devant des tribunaux,parce qu’elles sont inconstitutionnelles,un arrêt de 1982 de la Cour suprêmeayant confirmé le droit de se livrer à unboycott politique. Elles violent le pilierde la liberté d’expression aux Etats-Unis,qui est le premier amendement de laConstitution, ratifié en 1791 et qui stipule : Il interdit au Congrès des États-Unis d'adopter des lois limitant la liber-té de religion et d'expression, la libertéde la presse ou le droit à « s'assemblerpacifiquement ».

Cette liberté d’expression est large-ment pratiquée (aussi bien pour les mau-vaises causes que pour les bonnes…) etprofite au mouvement BDS, qui peut serassembler librement. Ainsi les militantsd’  «  Adalah New-York  » (Campagne àNew-York pour le boycott d’Israël) ontpu, à force de rassemblements (autorisés)devant le magasin d'un magnat diaman-taire, impliqué dans les violations israé-liennes du droit international, gagner lafermeture de ce magasin !

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Une autre particularité aux USA estl’impact de l’engagement important dejeunes Juifs dans le mouvement BDS,dans les milieux universitaires, dans lescampus, ce qui contribue aussi à décrédi-biliser l’establishment sioniste.

Il faut signaler que les sionistes chré-tiens évangélistes des Etats-Unis sontplus nombreux que les Juifs dans lemonde entier. Les ralliements d’autresEglises à BDS sont alors des victoiresnon négligeables, d’autant plus que dansla société étasunienne la vie communau-taire basée sur les religions ou surd’autres ressorts est importante.

Mais les communautés ne sont pasforcément communautaristes. Un bonexemple est le mouvement «  BlackLives Matter  », qui fait un travailimportant au sein de la population noirepour la rallier à l’engagement universa-liste qu’est le BDS.

Quel avenir ?

Je pense qu’avec des politicienscomme Trump, Netanyahou et d’autres, etavec le développement international descourants xénophobes, l’avenir est impré-visible. De plus Trump réussit à renforcerl’aile conservatrice des juges de la Coursuprême. Mais la résistance anti-Trumpest importante dans de nombreuses villes,en particulier des grandes villes, et lemouvement BDS en fait partie.

Les mobilisations du mouvement BDSaux USA sont appelées à progresser, mal-gré les obstacles politiques, parce qu’ellesrallient des forces vives ou permanentes :de nombreux jeunes, de nombreux oppri-més (parmi le mouvement LGBT, lapopulation noire, les musulman-e-s), lesgens de plus en nombreux qui contestentl’« establishment » et les gens tous âgesconfondus qui se mobilisent pour lesgrandes causes de leur époque.

Ces mobilisations s’inscrivent dansune situation de complémentarité desluttes anti-Trump et dans un contexteinternational tendu  : face aux politiquesracistes, ségrégationnistes, nationalistes,dominatrices et xénophobes incarnées parTrump et Netanyahou, elles participentvigoureusement aux batailles pour l’éga-lité, la liberté, la justice et l’émancipationdes peuples.

(1) Adhérent au CVPR PO et membre del’UJFP 

*Pinkwashing  : Le pinkwashing, mot forméde « pink » (= rose) et de « washing », inspi-ré de «  whitewashing  » (= blanchiment),caractérise l’utilisation des droits des LGBT(communautés Lesbiennes, Gays, Bisexuelleset Transgenres) par diverses entités pourmodifier leur mauvaise image et avoir l’aird’être progressistes, tolérantes, ouvertes.D'importantes mobilisations s’insurgentcontre le pinkwashing israélien.

Courrier du CVPR, n°71 - p. 22

BDS

LA LOI ANTIBOYCOTT DE l’EtAt D’ArIzonA jugée anticonstitutionnelle

UN MINISTRE D’ETAT et 50 législateurs irlandais appellent à un

embargo des armes avec Israël

E ncore un signe encourageant venudes USA : une 2ème plainte contre

les lois antiboycott vient d’aboutirdans l’Etat de l' Arizona. 

Plusieurs dizaines d’Etats ont voté,ces dernières années, des lois qui exi-geaient des entreprises US obtenant uncontrat public, un engagement écrit de« non-boycott d’Israël, des entreprises yfaisant des affaires et des territoires qu’ilcontrôle ». C’est la 2ème victoire sur cesujet après le Kansas en janvier. Plus

d’une dizaine de plaintes sont encore àl’instruction dans d’autres Etats.

La juge s’est appuyée sur le 1er amendement qui garantit la libertéd’expression. La loi en cause est doncanticonstitutionnelle et les lois iden-tiques prises par d’autres Etats leseraient donc aussi. 

Elle a aussi jugé que cette loi menace« les droits de rassemblement et d’asso-ciation que les Américains et les

Arizoniens  utilisent pour “amener deschangements politiques, sociaux, ou éco-nomiques”  » en citant une décision de1982 de la Cour suprême qui confirmaitle droit de participer à des boycotts poli-tiques (NDLR : il ne s’agissait pasd’Israël évidemment).

Voir:https://www.washingtonpost.com/news/morning-mix/wp/2018/10/01/in-first-amend-ment-case-arizona-is-blocked-from-penali-zing-state-contractors thatboycottisrael/?nore-direct=on&utm_term=.043472a5bd0c

D ans une lettre publiée le 30 octobre2018  dans le journal  Irish Times,  le

ministre d’Etat Finian McGrath et cinquan-te autres Teachtaí Dála [députés] et séna-teurs ont appelé à poser un embargo desarmes avec Israël et à mettre «  fin à uncommerce d’armes bilatéral entrel’Irlande et l’Etat d’apartheid ». En plus duministre indépendant McGrath, les signa-taires incluent des membres de Sinn Féin,de Solidarity-People Before Profit [Solida-rité-Les Gens avant le profit], du Parti travailliste, des Verts, des Independents 4Change [Indépendants pour le changement]et d’autres membres indépendents del’Oireachtas [Parlement irlandais], quicondamnent « le fait de tuer quelques 205manifestants palestiniens, dont 40 enfants,

et de blesser plus de 5 000 personnes àballes réelles pendant la Grande Marche duretour à Gaza depuis avril ».

La lettre se termine en appelant «  lacommunauté internationale, et le gouver-nement irlandais en particulier, à prendreposition pour contribuer à mettre fin àdes décennies d’occupation coloniale,d’apartheid et de crimes de guerre parIsraël contre le peuple palestinien ». (...)

Mrs Al Tamimi (1) a remarqué que« l’IPSC fait fortement écho à cet appelpour un embargo des armes avec Israël,une mesure que nous, Palestiniens, avonslongtemps demandé. Les armes envoyéesà Israël sont utilisées pour tuer, mutileret opprimer mon peuple, et les armes

exportées d’Israël sont commercialiséescomme étant «  testées en combat  » surles Palestiniens. Il est temps de mettre finà ce commerce horrible de mort et dedestruction, qui est un souillure sanglan-te sur l’état irlandais ».

Le 30 octobre 2018

(1) :  Ms. Fatin Al Tamimi, citoyenne palesti-no-irlandaise est présidente de la Campagnede solidarité Irlande-Palestine (IPSC) .Catherine G. pour l’Agence Média Palestine- Source: PNN English

Voir :http://www.agencemediapalestine.fr/blog/2018/10/30/un-ministre-detat-et-50-legislateurs-irlandais-appellent-a-un-embargo-des-armes-avec-israel/

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Interview de Pierre BARBANCEy

Entretien avec Leïla Shahid, déléguéegénérale de l’Autorité palestinienne enFrance de 1994 à 2005, puis ambassa-drice de la Palestine auprès de l’Unioneuropéenne, de la Belgique et duLuxembourg jusqu’en 2015. Elle ana-lyse la situation internationale auProche-Orient et dénonce certainespostures internationales.

A u niveau européen, la questionde la reconnaissance de l’Étatde Palestine est soutenue par

l’Espagne, tandis que la Francesemble encore attentiste. À l’ONU, leprésident de l’Organisation de libéra-tion de la Palestine (OLP) et del’Autorité palestinienne, MahmoudAbbas, demande qu’on reconnaisse lestatut d’un État sous occupation. Surle terrain, la colonisation et la répres-sion du gouvernement Netanyahou sepoursuivent, contre toute résistancepalestinienne, mais également contreles associations israéliennes de défen-se des droits de l’Homme.

Q/ Vingt-cinq ans après lesaccords d’oslo qui étaient cen-sés finaliser la création d’unÉtat, quelle est la situation dupeuple palestinien ?

Je dirais que nous sommes dans lasituation d’une deuxième Nakba (lacatastrophe). C’est-à-dire une situationaussi grave qu’il y a soixante-dix anslorsque la Palestine a été retirée aupeuple palestinien et que nous sommesdevenus des réfugiés. Nous avonsnéanmoins fait un chemin assez impor-tant. L’OLP a ressuscité une identiténationale palestinienne, a défini un but,à savoir la création d’un État palesti-nien aux côtés de celui d’Israël…

Mais aujourd’hui, ce gouverne-ment israélien, le plus raciste et le pluscriminel que nous ayons vu depuis1948, a voté une loi en juillet dernierdéfinissant clairement Israël commeun État d’apartheid, puisqu’elle établitdeux sortes de citoyens : les juifs quiont un statut, le reste de la populationun autre, avec moins de droits. Il y aégalement un Premier ministre qui ditouvertement qu’il ne veut pas d’un

État palestinien et qui, sur le terrain, atout fait pour détruire la possibilité decréation d’un État palestinien avecl’expansion de la colonisation, l’an-nexion officielle de Jérusalem-est, laséparation totale de la Cisjordanied’avec Jérusalem, la déclaration deguerre aux réfugiés avec la complicitédes États-Unis afin de couper les vivresà l’organisme de l’Onu en charge desréfugiés, l’UNRWA.

Parallèlement, la situationmondiale relève du chaos

Vous avez des États arabes qui sou-dain deviennent les alliés d’Israël contreles Iraniens. Et l’Irak et la Syrie, quiétaient des piliers du monde arabe et sontmaintenant décomposés. L’Union euro-péenne se noie dans un verre d’eau - si jepeux me permettre l’expression - pourquelques milliers de migrants, la guerrecommerciale fait rage… Et la situationpalestinienne intérieure est très graveavec une population qui ne se retrouvepas dans sa direction politique, qu’ellesoit Hamas ou qu’elle soit Fatah. Toutcela fait que personne ne se préoccupe denotre problème et qu’il s’agit d’un feuvert pour Benjamin Netanya-hou. Celane signifie pas que les Palestiniens n’ontpas d’avenir. Mais ils se trouvent à unmoment charnière où ils doivent redéfi-nir tous les critères de leur combat.

Q/ Historiquement, les Pales-tiniens ont tenté la lutte arméepuis la voie diplomatique. Lesdeux ont échoué. Que reste-t-il ?

Je ne suis pas d’accord avec lestermes. La lutte armée n’a pas échouédans la mesure où elle n’était pasconçue comme seul instrument delibération de la Palestine. Les fedayins[les combattants palestiniens, ndlr]étaient trop intelligents et trop lucidespour penser qu’ils allaient battre laquatrième puissance militaire dumonde. La lutte armée avait pour but– comme toutes les luttes de libérationnationale qui en sont passées par là –de montrer la volonté d’un peuple àrevendiquer son droit à l’autodétermi-nation. Cette lutte armée a permis àl’OLP d’exister et de recomposer lesmorceaux du corps palestinien dissé-minés un peu partout depuis 1948.

L’OLP n’a donc pas échoué dansson projet de représentation nationalepalestinienne. Je dirais même que lesaccords d’Oslo, c’est-à-dire la tentati-ve de négociations liée aux change-ments du système bipolaire du mondedans le contexte suivant la chute dumur de Berlin, devaient représenterd’une certaine manière ce nouvel ordremondial. L’échec d’Oslo n’est pasnotre échec, mais celui de cet ordrecensé remplacer l’ancien. En fait, c’estun désordre mondial, qui sert la guerreet pas la paix, qui n’a plus de logique.Il y a une totale perte de repères. Il n’ya plus d’instruments de rapports poli-tique et économique pour déciderd’une vision. L’échec d’Oslo, c’estcelui des Palestiniens, des Israéliens,des Occidentaux, des Arabes et desNations unies. Tous ont échoué.

Q/ Comment jugez-vous l’attitu-de de l’Union européenne et sin-gulièrement celle de la Francequi fait beaucoup de déclara-tions mais passe peu à l’acte ?

L’Union européenne n’a jamaisété très courageuse, ni à l’égard de laPalestine, ni à l’égard d’autres pays.Parce qu’elle a, avant tout, posé,comme base de ses relations stratégi-ques, le commerce international. Cequi la cimente, c’est l’euro. Ce qui l’in-téresse, c’est d’augmenter les richesses.Mais elle n’a pas vraiment de visionpolitique. Le repli sur l’extrême droiteauquel on assiste marque d’ailleursl’échec de l’Europe des citoyens.

Q/ Les citoyens peuvent-ils agirpour qu’enfin un État palestinienvoie le jour aux côtés d’Israël ?

Il faut d’une part se mobiliser etgarder un contact direct avec les forcesvives palestiniennes. Il faut aller surplace, inviter les gens là-bas à venir ici.D’autre part, il faut intervenir sansexcès, avec un discours serein, sur ledroit universel de tous, y compris desIsraéliens. Et sur le fait que la France ades devoirs à l’égard de la Palestine etavant tout le devoir de reconnaître l’État palestinien. Même si aujour-d’hui nous voyons la difficulté de samise en œuvre réelle, cela ne doit pasempêcher celle du droit. La Suède, quine s’est jamais impliquée au Moyen-

Courrier du CVPR, n°71 - p. 23

LEïLA SHAHID : « En reconnaissant l’État de Palestine,la France serait à la hauteur de ce qu’elle veut être »

PALESTINE

Page 24: Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. · 2019. 1. 7. · « Le prix de la liberté, c’est la vigilance éternelle » Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. Bulletin du Comité de

Orient, a reconnu l’État de Palestinel’année dernière. Ce n’est pas le cas dela France qui, elle, a pourtant coloniséle Liban, la Syrie, le Maroc, l’Algérie,la Tunisie, la Mauritanie…

or qu’est-ce qui empêcheaujourd’hui Emmanuel Macron dereconnaître l’État de Palestine dansles frontières de 1967 ? D’ailleurs

seule la création d’un État palesti-nien pourrait garantir à Israël unavenir dans la région. La Franceserait alors à la hauteur de ce qu’elleveut être. C’est cette reconnaissanceque doivent exiger tous ceux qui sontattachés aux droits du peuple palesti-nien. Je serais vraiment heureuse si laFrance pilotait cette demande dereconnaissance. Si elle le fait, beau-

coup d’États européens la suivront,j’en suis convaincue.

Dimanche 7 Octobre 2018

Source : Le Journal des Activités Sociales del'énergie

Voir sur  : http://www.alterinfo.net/Leila-Shahid-En-reconnaissant- l -Etat-de-Palestine-la-France-serait-a-la-hauteur-de-ce-qu-elle-veut-etre_a141933.html?print=1

PALESTINE

GAzA : l’OMS dénonce les entraves imposées dans l’accèsaux soins par l’occupant israélien

M a’an News – L’Organisationmondiale de la santé (OMS) a

confirmé dans son rapport annuel inti-tulé : « Le droit à la santé: franchir lesobstacles pour accéder à la santé dansles territoires palestiniens occupés en2017  », que les restrictions imposéespar Israël étaient le principal obstacle àl’accès des patients de Gaza à la santé.

Le rapport a recensé les obstacles àl’application du niveau de santé leplus élevé possible pour les Palestiniensvivant sous occupation, notamment lesobstacles à l’accès à la santé et lesatteintes aux soins de santé.

Gerald Rockenschaub, responsablede l’OMS dans les territoires palesti-niens occupés, a déclaré que « jouir dumeilleur état de santé possible est undroit fondamental de tout être humain.Le rapport d’aujourd’hui décrit lesprincipaux obstacles à la réalisation dece droit pour les Palestiniens vivantsous occupation permanente enCisjordanie et dans la bande deGaza ». Il a déclaré qu’en 2017, « nousavons enregistré le taux d’autorisa-tion le plus bas jamais enregistré pourles patients de Gaza ayant besoin d’unaccès aux hôpitaux en Cisjordanie, àJérusalem-Est et en Israël. Cette annéeégalement, un grand nombre d’at-taques se sont produites contre le per-sonnel de santé, les ambulances, avecla triste perte de trois collègues de lasanté tués alors qu’ils s’activaient àsoigner les personnes blessées lors desmanifestations dans le contexte de la‘Grande Marche du Retour à Gaza ».

« Nous sommes confrontés à desdéfis majeurs dans le secteur de lasanté dans les territoires palestiniensoccupés, avec des réductions de finan-cement et un espace d’interventionhumanitaire réduit. Cet événement estune occasion pour nous de nous réunir,de réfléchir à ces défis et d’envisager

des actions stratégiques dans les moisà venir, afin d’apporter des améliora-tions significatives pour la santé desPalestiniens ».

Le rapport de l’OMS décrit les prin-cipaux indicateurs permettant d’éva-luer le droit à la santé dans les terri-toires palestiniens occupés, et fournitune analyse détaillée des obstacles àl’accès pour certains des patients pales-tiniens les plus vulnérables qui ontbesoin d’un permis pour accéder à dessoins de santé spécialisés.

Recueil de photos

L’OMS a également lancé un recueilde photos sur le droit à la santé, qui pré-sente des patients, des agents de santé etles difficultés qu’ils rencontrent. Ontrouve parmi les nombreux reportagesphotographiques, l’un de Mahomet, âgéde 7 ans, qui vit dans la bande de Gazaassiégée, et est atteint d’un cancer de lahanche droite, ainsi qu’un reportage sursa grand-mère Amal. Amal y parle dufardeau financier que représente le faitde se rendre à Jérusalem-Est pour dessoins de santé. « Je n’ose rien acheter,mais parfois, Mahomet demande d’al-ler à la cafétéria pour acheter unefriandise. Je ne peux lui acheter que leschoses les moins chères, car tout l’ar-gent va au transport  », notantque  «  Gaza n’a pas de travail, pasd’électricité, pas d’eau, rien ».

Restrictions imposées à lalibre circulation

Selon une déclaration de JamieMcGoldrick, coordonnateur humani-taire et coordonnateur résident desNations Unies pour les territoirespalestiniens occupés, « les restrictionsimposées par Israël à la libre circula-tion des Palestiniens et son régime depermis ont de graves conséquences

pou3,r l’accès aux soins de santé d’ungroupe de patients extrêmement vul-nérables qui ont besoin de traitementsspécialisés et d’analyses non dispo-nibles à Gaza ou en Cisjordanie, endehors de Jérusalem-Est. »

Il a encore souligné : « Un tiers deces patients sont sujets à un traitementcontre le cancer. Un tiers de cespatients sont des enfants et des adoles-cents âgés de 19 ans ou moins. Lestrois cinquièmes de ces patients ont faitl’objet d’au moins un refus ou d’unretard d’une demande de permis en2017. Nous avons collectivement laresponsabilité d’insister pour que lesPalestiniens jouissent de droits pleinset égaux et aient un accès sans entravesaux services nécessaires à la jouissan-ce de la santé et du bien-être. »

7 octobre 2018 – Ma’an News –Traduction : Chronique de Palestine

Voir  : http://www.chroniquepalestine.com/gaza-oms-denonce-entraves-imposees-acces-aux-soins-par-occupant-israelien/

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Courrier du CVPR, n°71 - p. 24

Page 25: Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. · 2019. 1. 7. · « Le prix de la liberté, c’est la vigilance éternelle » Thomas Jefferson Courrier du C.V.P.R. Bulletin du Comité de

Courrier du CVPR, n°71 - p. 25

A la suite de l’article de notre présidentdans le N° 70 sur l’assassinat il y a 70 ans du comte Folke Bernadotte et ducolonel André Pierre Sérot, nous avonsreçu la lettre ci-après de Mme SérotChaïbi, fille du colonel :

Tout d'abord je vous prie de m'excuserd'avoir attendu si longtemps à vousrépondre mais j'ai été très occupée et sou-vent absente de chez moi ces dernièressemaines (...).

Pas besoin que je vous envoie le texteque j'ai écrit le 17 Septembre dernier enmémoire de mon père... Puisque c'est laraison pour laquelle vous avez joint notreami commun Georges Morin. Je voulaisrappeler qu'il était mort pour la paix ethélas que son sacrifice avait été oubliépar son pays. J'ai été très émue de voirque ce texte avait été partagé plus de 420fois. Et il a été publié par les éditionsChèvre Feuille Etoilée ce mois-ci.

Depuis une dizaine d'années, je milite ausein de l'Association France PalestineSolidarité et, en 2013 je suis partie enmission avec un groupe d'adhérents del'Hérault en Palestine. Je suis allée à l'en-droit précis où mon père est tombé sousles balles du groupe Stern. L'AASSDN a,de son côté, organisé une cérémonie àXertigny, la ville où sont enterrés mesparents, le 6 Octobre (...).

J'écris l'histoire de mon enfance impactéepar celle de mes parents, ma mère déportéeà Ravensbrück et sauvée par la CroixRouge suédoise dirigée par le ComteBernadotte et mon père dont vous connais-sez le destin. Devoir de mémoire oblige.Grâce au soutien de Georges qui en aécrit la préface, j'ai réalisé un recueil detextes pour les réfugiés dont les bénéficesvont à l'Aquarius puisque je suis égale-ment bénévole à SOS Méditerranée. (...)

C'est une manière de prendre à ma char-ge la belle devise de mon père (que biendes humains devraient faire leur s'ils veu-lent sauver notre planète!) : SERVIRSANS SE SERVIR

Monique Sérot Chaïbi - Montpellier

Je ne vous cache pas que le travail que vousfaites est pour nous une source d’énergie.J’aimerais aussi vous dire que nous avonsorganisé à Nasijona des ateliers de forma-tion pour documenter l'histoire orale et lesmémoires. C’est une nécessité pour sauvernotre histoire que les autorités israéliennesveulent effacer et écrire leur narrativecomme histoire. Ce fût une grande réussiteet nous allons continuer.

Violette KHoURy - Nazareth

Votre bulletin est toujours aussi intéres-sant, je dirais même indispensable auxhonnêtes hommes. Je l’ai diffusé.  J’aiparticulièrement apprécié le rappel his-torique sur Israël dont j’ai retiré cettecitation révélatrice qu’il faut sans cesserappeler :

N’est-ce pas David Ben Gourion lui-même qui déclarait en 1948 :

«  L’acceptation de la partition ne nousengage pas à renoncer à la Cisjordanie.On ne demande pas à quelqu’un derenoncer à sa vision. Nous acceptons unEtat dans les frontières fixées aujour-d’hui - mais les frontières des aspirationssionistes sont les affaires des Juifs etaucun facteur externe ne pourra les limi-ter  ». Dans une intervention lors d’uneconférence internationale de l’InstitutSchiller à Francfort j’ai indiqué que vuson comportement depuis sa création cetÉtat apparaissait de plus en plus comme«   une incongruité géopolitique ». J’aivérifié auprès des interprètes  qu’ils tra-duisaient correctement; ils m’ont dit quec’était le même mot en anglais. 

Alain CoRVEz - Conseiller en stratégie internationale - Paris

Meci beaucoup Maurice pour ce grandtravail, un recueil vraiment intéressant.

Irène STEINERT - Paris

Excellente revue. Bien nécessaire en cesmoments. 

Brahim oUCHELH, Apadm 

Bravo pour ce dernier Courrier.Passionnant et éclairant dans tous sesarticles.

Marc et Anne de MoNTPELLIERParis

Merci pour le N° 70 du bulletin duCVPR. Comme les précédents, il estexcellent, et l'éditorial de notre Présidentest pertinent. Bravo !

Dominique BALLEREAUMeudon-la-Forêt

Je me permets de vous écrir après avoirreçu le « Courrier du CVPR » que m’aenvoyé mon ami M. Alain Corvez. Nousvous connaissions déjà grâce au pèreMichel Jondot et à la revue « La Maisonislamo-chrétienne  » Laissez-moi saluer,bien que tardivement, votre courageexceptionnel, en cette France, devenue,hélas, si pauvre de courage.

Père Elias zAHLAoUIDamas (Syrie)

L E C o U R R I E R D E S L E C T E U R SParis demande lalevée du blocusimposé à Gaza

L e Premier ministre français EdouardPhilippe a appelé le 7 décembre à la

levée du blocus israélien imposé à labande de Gaza ainsi qu'à la réconcilia-tion des deux mouvements palestiniensrivaux. « Il n'y aura pas de paix sans unesolution durable pour Gaza, qui passepar la réconciliation inter palestinienneet par la levée du blocus israélien » a-t-il déclaré à l'issue d'un entretien avec lePremier ministre palestinien RamiHamdallah.

Les relations sont très tendues entreles deux grands mouvements palesti-niens, le Fatah du président de l'Autoritépalestinienne Mahmoud Abbas et lemouvement islamiste Hamas quicontrôle la bande de Gaza. L'Egypte atenté à plusieurs reprises de rapprocherle Hamas et l'Autorité. Le pays mèneaussi des efforts de médiation pour unetrêve entre Israël et le Hamas.

Edouard Philippe a rappelé le sou-tien de la France à « la solution à deuxEtats  », palestinien et israélien, avecJérusalem comme capitale commune. Ils'est inquiété de la « situation alarman-te » dans la région du fait de « l'accélé-ration de la colonisation israélienne »et des confrontations entre Palestinienset Israéliens près de la barrière de sécu-rité séparant la bande de Gaza d'Israël.Depuis le 30 mars et le début de lamobilisation appelée "Marche duretour", au moins 235 Palestiniens ontété tués par les militaires israéliens.

Outre la fin du blocus israélienimposé à Gaza depuis plus de 10 ans, cemouvement réclame le retour des réfu-giés palestiniens sur les terres qu'ils ontfuies, ou dont ils ont été chassés, à lacréation de l'Etat d'Israël en 1948.

Rami Hamdallah a réitéré l'appel àl'organisation d'une conférence interna-tionale, avec « une participation large ycompris des parties concernées », afinde "remettre en route le processus depaix". Un quart de siècle après Oslo, lesperspectives d'un règlement ont rare-ment paru plus éloignées. La dernièreinitiative (américaine) a échoué en2014. Directions israélienne et palesti-nienne ne se parlent plus de paix.

L’Orient le Jour

https://www.lorientlejour.com/article/1147300/paris-demande-la...

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Courrier du CVPR, n°71 - p. 26

COURRIER DES LECTEURS

Le Premier ministre israélien a récemment eu des occasions répétées d’exprimer son opinion sur B’Tselem.

La semaine dernière, j'ai été invité à m’exprimer au Conseil de sécurité des Nations Unies au nom de B'Tselem. Plusieursjours avant la réunion, Netanyahu a déclaré que B’Tselem était «une honte». Il a répété ce point de vue sur les médias sociauxen hébreu et à nouveau après le discours. Pourtant, la honte n’est pas B’Tselem ni son activité, mais le contrôle d’Israëlsur un autre peuple. Il est honteux de perpétuer cette réalité et d’ignorer les principes fondamentaux de justice, demoralité et de droits de l’homme. (NDLR  : souligné par nous). À l'ONU, j'ai dit à Netanyahu : "Vous ne nous ferezjamais  taire - ni les centaines de milliers d'Israéliens qui rejettent un présent fondé sur la suprématie et l'oppression, et quidéfendent un avenir fondé sur l'égalité, la liberté et les droits de l'homme." Rejoignez-nous et soutenez B'Tselem aujourd'hui.

Après que j’aie pris la parole à l'ONU, Netanyahu a déclaré que B'Tselem serait « un épisode éphémère de l'histoire de notrepeuple ». Mais après cinquante ans, l'occupation est devenue un fait fondamental dans l'histoire des peuples qui partagentcette terre - et malheureusement, pas du tout fugace. Notre mission est de mettre fin à l'occupation, afin qu'un jour - nousl’espérons bientôt - nous puissions tous regarder en arrière cet "épisode", afin que nous puissions enfin mettre unterme à cette honte. (NDLR : souligné par nous). Pour atteindre cet objectif, nous recherchons non seulement les faits, maiscontestons cette réalité, comme nous l'avons fait au Conseil de sécurité des Nations Unies. Avec votre aide, nous ne laisse-rons pas l'occupation être marginalisée, en Israël ou à l'étranger. Pour que le public reste concentré sur cette honte jusqu’à cequ’elle s’achève et pas avant, nous avons besoin de votre aide. Faites un don à B’Tselem maintenant.

(1) B’Tselem est une ONG israélienne et se présente comme le centre israélien d’information pour les droits de l’homme dans les territoiresoccupés. Le groupe a été fondé le 3 février 1989 par plusieurs personnalités publiques israéliennes, dont des avocats, journalistes, univer-sitaires et membres de la Knesset. Sa tâche principale consiste à "documenter et informer le public et les décideurs israéliens sur les vio-lations des droits de l'Homme dans les territoires occupés, combattre la situation de déni dominant le public israélien, et aider à créer uneculture des droits de l'Homme en Israël". L'association a reçu le prix des droits de l'Homme de la fondation Carter-Menil en décembre 1989

Message reçu du directeur exécutif de B’Tselem, Hagai El-Ad(1)

Reçu de Mme la sénatrice Christine Prunaud - qui avait patronné notre colloque en 2017,la Question d’actualité qu’elle a posée le 13 novembre 2018 et la réponse de la Ministre.

La France doit de toute urgence reconnaître l’Etat palestinien

Depuis nos dernières interventions sur la situation dans la bande de Gaza, le conflit s’est aggravé. Nous assistons à un engrenage deviolences, à la suite de l’infiltration, ce dimanche, des forces spéciales israéliennes dans la bande de Gaza. L’armée israélienne amobilisé des avions de combat, des hélicoptères d’attaque, et déployé des batteries antimissiles supplémentaires. Des chars seraienten route pour la bande de Gaza. À ce niveau, chers collègues, il s’agit non plus de représailles, mais de guerre, et, comme dans toutesles guerres, les civils sont les premières victimes...

La situation serait tout autre si l’État palestinien était reconnu. Cette reconnaissance a été portée avec succès par mon groupe - communisterépublicain citoyen et écologiste -, puisque le Sénat a adopté en 2014 sur son initiative une proposition de résolution en ce sens.

Dans le cas présent, il ne s’agirait plus alors d’une simple intrusion dans un territoire, mais d’un conflit entre deux États, et la répon-se diplomatique de notre pays serait complètement différente.

Madame la ministre, nous sommes face à un conflit intolérable. Israël poursuit son unique objectif : une terre sans Palestiniens. C’estbien de cela qu’il s’agit  ! Que compte faire le Gouvernement pour imposer une trêve, placer les Palestiniens sous protection del’ONU, abroger le blocus de Gaza et reconnaître enfin l’État palestinien ?

R/ Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Madame la sénatrice, vous avez raison, la situation qui prévaut entre Israël et le Hamas est très préoccupante : la violencea atteint son niveau le plus élevé depuis le conflit de l’été 2014.

La France a fermement condamné hier les tirs de roquette revendiqués par le Hamas : plus de 400 – encore 70 ce matin – ont visé,depuis la bande de Gaza, des cibles civiles en territoire israélien. Les habitants du sud d’Israël vivent dans la peur ; cette peur doitcesser. Mais ce qui doit également cesser, c’est la violence disproportionnée à l’encontre des Palestiniens. N’oublions pas que, depuisle mois de mars, la réaction des forces israéliennes aux manifestations de Gaza a fait plus de 170 morts et des milliers de blessés.Ce niveau de violence est injustifiable, quel que soit notre attachement à la sécurité d’Israël.

Au-delà de la violence, ce dont souffre Gaza, c’est d’une accumulation de crises. Une crise humanitaire tout d’abord : subie par 2millions de Gazaouis, elle ne cesse de s’aggraver. Pour y mettre fin, il faut effectivement lever le blocus et faire en sorte qu’Israëlobtienne des garanties de sécurité crédibles. Cette crise est aggravée par le retrait américain de l’UNRWA, l’agence des Nationsunies qui vient en aide à une grande partie de la population de Gaza. La France a d’ailleurs annoncé une aide d’urgence de 2 millions d’euros et doublera l’année prochaine son soutien, pour le porter à 20 millions d’euros.

La crise dont souffre Gaza est aussi politique. Elle prend sa source dans la désespérance que suscite le blocage du processus de paix. C’estparticulièrement vrai à Gaza, territoire peuplé de 70 % de réfugiés et de descendants de réfugiés. La situation est connue, son règlementpasse par des négociations sérieuses pour mettre en œuvre la solution à deux États vivant dans la paix et la sécurité au sein de frontièresreconnues, avec Jérusalem pour capitale. C’est l’objectif que nous poursuivons, en amis d’Israël et des Palestiniens.

Mme Christine Prunaud réplique

Nous sommes en partie d’accord avec vos propos, madame la ministre, mais M. Macron avait dit qu’il fallait attendre un momentpropice pour reconnaître l’État palestinien : je pense que ce moment est arrivé !

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La société israélienne est rongée par la peur entretenue, la guerre permanente, la négation de l’autre, lepoids de la religion, le racisme décomplexé, le lavage de cerveau, le piétinement des droits de l’Homme...Quel rapport avec le projet sioniste imaginé par Herzl ? Quelles possibilités pour un avenir meilleur ? OfraYeshua-Lyth nous livre sa vision d’un Israël-Palestine tournant le dos au nationalisme ethnique, épousantle vivre-ensemble dans l’égalité des droits de tous ses habitants.

Chérif Abdedaïm nous fait vivre presque dans le détail l’histoire de la création du Fatah et des premièresorganisations palestiniennes. Toutes plaçaient comme priorité la libération de la Palestine «  de  laMéditerranée au Jourdain ». La guerre de libération algérienne était pour elles un exemple à suivre. On enest loin aujourd’hui, depuis qu’elles ont déposé les armes.

L’auteur nous rappelle les démêlés des nationalistes palestiniens avec les régimes arabes qui cherchaient àles instrumentaliser et qui les percevaient comme des empêcheurs de tourner en rond, ce qu’ils faisaient –eux – admirablement bien…

La barbarie des fondamentalismes détruit et extermine. À la fois dégénérescentes sur le plan culturel, per-verses sur le plan théologique, terrifiantes sur le plan politique, les nouvelles idéologies religieuses recrutenttoujours plus de membres.

C’est en historien et enquêteur qu’Antoine Fleyfel cherche à comprendre la logique de ces systèmes doctri-naux, dans quels contextes ils ont vu le jour, et leur développement jusqu’en ce début de XXIe siècle. Il nousmène tout droit au cœur de la grande machinerie infernale du Great Awakening de la Bible Belt, aux États-Unis ; du Goush Émounim et ses rejetons sionistes en Israël ; du mouvement salafiste et wahhabite des ori-gines jusqu’aux organisations terroristes Al-Qaïda et État islamique.

Dans cette nouvelle approche, après La Porte du soleil, de la Nakba palestinienne de 1948, Elias Khouryaborde des thèmes majeurs comme l’identité, la mémoire, le rapport du roman à l’histoire, mais il se posesurtout, en les croisant, cette question : comment restituer en littérature des crimes dont les victimes se sontmurées dans le silence ? Il emprunte pour y répondre plusieurs masques, le dernier étant celui d’un témoinoculaire auquel Adam Dannoun, incapable de raconter lui-même l’épisode le plus monstrueux, demande dele relayer.

LIVRES

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pourquoi un etat Juif n’est pas une Bonne idéeofra yEShuA-lyth, 2018

Yasser arafat. un homme, un comBat, préfacé par Le poète paLestinien Ziad mEdouKh

chérif aBdedaïm, 2018

Les dieux crimineLsAntoine FlEyFEl, 2017

Les enfants du ghetto. Je m'appeLLe adam

Elias Khoury, 2018

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Ce livre explore le malentendu sur lequel s’appuya le mouvement sioniste, très minoritaire à ses débuts ausein des communautés juives européennes, pour obtenir le soutien britannique à un foyer national juif enPalestine : quelques lignes dans la déclaration de lord Arthur Balfour, ministre des affaires étrangères, dontles conséquences furent, et demeurent, incalculables. Les autorités britanniques, écrit l’auteur, poursui-vaient en effet des objectifs sans grand rapport avec le sort des Juifs d’Europe : sécuriser la route des Indes(canal de Suez) ; renforcer leur présence au Proche-Orient, en y contrant la France ; assurer l’approvision-nement de leur pays en pétrole grâce au gisement de Mossoul ; et, enfin, satisfaire les protestants sionistes,pour qui l’établissement des Juifs en Palestine répondait à un commandement divin.

Le siècLe BaLfour 1917-2017Philippe Simmonot, 2018

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Courrier du CVPR, n°71 - p. 27

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LIVRES

Victimes, terroristes, résistants, paysans, engagés ou complètement découragés : au sujet desPalestiniens, les fantasmes sont nombreux et les clichés coriaces ! Il faut dire que cette région est parti-culièrement exposée au regard du monde, puisque s’y joue l’un des conflits les plus interminables de l’his-toire contemporaine. Qui sont les Palestiniens d’aujourd’hui ? Que rassemble cette nation éclatée entrela Cisjordanie, Gaza, Jérusalem-Est, Israël, les camps de réfugiés du monde arabe et la diaspora au sensplus large ? Les Palestiniens savent ce qu’ils ne sont pas, contre qui ils doivent résister, mais savent-ilsau juste qui ils sont ? Ce livre propose à travers une galerie de portraits, des pistes de lecture de ce peuplesans État. On y découvre Leila, icône de la résistance palestinienne ; Munther, militant dans un camp deréfugiés ; Kamel, bisexuel ; Annemarie, cinéaste, etc.

palestiNieNs. liGNes de vie d’uN peupleMélinée Le PrioL et chloé rouveyroLLeS

Ziad Medoukh, directeur du département de français de l’université Al-Aqsa de Gaza en Palestine, poèteet écrivain d’expression française, vient de sortir en France son nouveau recueil de poésie sur la bandede Gaza. C’est le sixième recueil de poésie publié par l’auteur palestinien, qui continue à dénoncer dansses articles et poèmes l’injustice imposée à toute une population civile dans une région enfermée et aban-donnée. Ce recueil intitulé « Gaza, la vie est belle » est publié aux éditions du Mont Popey en France, ilregroupe 30 poèmes écrits par le poète palestinien de Gaza en 2018.

Gaza, la vie est belle. recueil de poésieZiad Medoukh, 2018

J’ai écrit Naplouse, Palestine entre septembre 2015 et juillet 2017, pendant mes deux premières annéesen poste de directeur délégué de ce qui venait d’être renommé « l’Institut Français de Jérusalem – anten-

ne de Naplouse ». Je quittais un pays dont la devise devrait être « pourquoi faire simple quand on peut

faire compliqué » pour un territoire qui aura subi, depuis des millénaires, toutes les complications, et oùles gens ont malgré tout réussi, en surface, à rester « simples » – au sens de ces herbes embaumantes,entêtantes parfois, qu’on trouvait dans les jardins au Moyen-Âge.

Vingt et une personnes croisées au XXIe siècle dans leur propre jardin – Dieu que la Palestine peut êtrebelle, au printemps en particulier – m’ont inspiré vingt et un portraits pour comprendre. Essayer de com-prendre. Car à Naplouse, j’ai souvent croisé l’incompréhensible; expatrié au coeur d’une culture que jene connaissais pas, réellement étranger à tout, j’ai perdu beaucoup de mes certitudes… Mais au moins,

vingt et un visages comme autant de repères, de points d’ancrage dans une ville, un territoire, un monde bouillonnant, bruyant,sinueux, insaisissable : le monde arabo–musulman. M’aidant à ne pas perdre ces ports d’attache universels que sont la curiosité,l’empathie, l’émotion à fleur de peau – fleur fuchsia bien sûr, la couleur des bougainvilliers qui ont embaumé ma vie à Naplouse –ces visages m’ont fait voyager au coeur d’histoires intimes, tristes ou gaies, et approcher, je crois, les rivages tourmentés de « La

Grande Histoire »… Celle où, entre autres, depuis soixante-dix ans maintenant, un peuple en « occupe » un autre… Mais qui enco-re s’en « préoccupe » ?… À Naplouse, les Palestiniens eux-mêmes ont eu souvent cette force incroyable de me faire oublier cequ’ils subissaient… Ce livre leur est aussi dédié.

Naplouse, palestiNe : portrait d’uNe occupatioNStéphane AucAnte, 2018

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