sommeil reve mort

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Sommeil Reve Mort

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  • Sommeil Rve Mort.doc Andr Riehl - RASA 1

    Nidra Yoga paru dans Pranam France Printemps 2001

    Parmi les grandes dmarches traditionnelles issues de lInde, il en est une peu connue en occident, appartenant au grand courant shivate quest le Shaivasiddhnta. Il se rattache une immense dynamique dvotionnelle qui sest dveloppe dans le sud de lInde aux environs du Xe sicle, se rpandant par la suite travers tout le pays jusquau Cachemire et mme au-del de la barrire himalayenne. Sa forte priode dinfluence a dur jusquau XIVme sicle. Doctrine fonde sur les gama, mais aussi sur les vda, le Shaivasiddhnta est parfois traduit par les sanskritistes comme la voie mitige , o limperceptible principe crateur originel (Shiva) et la dynamique volutive de la cration (Shakti) demeurent dans une union indissoluble mais cependant diffrencie (en sanskrit bhedbheda, diffrent et non diffrent) ; do lappellation voie mitige . Toute dmarche tend ncessairement vers un but ou un objet dsir, et parfois mme prdfini. Il a t constat de nombreuses fois que lorsque celui-ci est atteint ou quil semble proche de ltre, apparat en mme temps quil nest pas le terme de la qute. Se laisser surprendre par cette vidence invite gnralement le chercheur une soudaine incursion dans lAllant-de-soi , cette saveur vaste et silencieuse qui semble sans origine et sans fin. Rpondre cette invitation revient donner toute la place ce Liant indicible qui marie en les rconciliant, dualit et non dualit. Pour celui qui est en marche (chrya), lEnseignement est porteur dun double message : le cheminement est sans avenir et son pass est sans existence. Ainsi donc, le chemin nest rien dautre quune prsence au centre mme de chacun de ses pas. Mais aussi longtemps que demeure la croyance dun cheminement, il apparat indispensable davancer. Cest pourquoi la voie mitige insiste sur ce mariage intime de lImmobile et du Mouvant. Ainsi, cest au cur de cela-qui-se-meut (la pense) que se tient ltat de tranquillit mditative issu du sommeil profond : Nidra. Le Nidra Yoga cependant nest quune des multiples propositions du Shaivasiddhnta.

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    Nidra possde plusieurs sens et son tymologie a servi de nombreuses fois imager la mythologie de lInde. Ainsi, il est ltat ultime de mditation o Shiva, le yogi archtypal, sabme et dans lequel la manifestation (la cration) se dissout. Il est aussi le sommeil lger qui, la fin dun cycle cosmique, prcde le rveil de Vishnu, grand crateur des mondes. Il est enfin le sommeil de Brahm qui maintient lunivers dans chacune de ses quatre phases : apparition, maintien, dissolution et vide. Dun point de vue plus littral, nidra signifie sommeil mditatif. Il a galement le sens de bourgeonnement, floraison et closion. Enfin, nidra yoga (compos gnitif sanskrit gnralement traduit par yoga du sommeil ) porte galement limage traditionnelle affirmant que nous ne sommes que le rve de limperceptible activit cratrice. Il en ressort que lorsque nous sommes conscient au cur mme du rve ou du sommeil profond, surgit ce Liant, mariant toutes les diffrences de la manifestation et laissant place une intime perception de non-sparation. Ainsi lon peut dire que ltat de nidra yoga nest rien dautre quune pure ouverture sans objet. On le dcrit parfois laide de la mtaphore de liceberg. Cette masse de glace peut tre considre comme constitue de trois tages : la partie visible, correspondant ltat de veille, ou conscient, la ligne de flottaison, ltat de sommeil avec rve, ou subconscient, la partie invisible, sous marine, ltat de sommeil sans rve ou inconscient. Ces trois parties ou ces trois tats nont pas, malgr les apparences, de frontires ou sparations stables. Il suffit que liceberg se modifie en fonction dun rchauffement ou dun refroidissement du climat ce qui est permanent pour que ces sparations ne soient plus mesurables. Dautre part, la ligne de flottaison est elle aussi trs instable, voire inexistante, compte tenu du mouvement des vagues alentour. En ralit, et ultimement, il nexiste pas de sparation vritable car toutes les parties de liceberg sont de la mme nature. Seul le regard diffrencie. Il va sagir alors trs simplement de voir que liceberg est lensemble de ces parties. Au-del de la mtaphore, la conscience, (liceberg) nest pas diffrente de ce qui la constitue (conscient, subconscient et inconscient). Mais plus intimement encore, cet iceberg est de la mme nature que locan dans lequel il baigne. Dans leur nature profonde, tous ces lments sont simultanment diffrents et non diffrents. La perception simultane de ces trois activits de la pense donne alors naissance turya (le quatrime tat), dans lequel diffrent et non diffrent sont indissociables, ce terme sanskrit ayant pour sens pur esprit impersonnel .

    __________________ Dans sa forme pratique, nidra yoga peut tre considr selon trois degrs ou niveaux, dynamiques et relis les uns aux autres : sommeil, rve, mort.

  • Sommeil Rve Mort.doc Andr Riehl - RASA 2

    - Le sommeil : Le travail consiste amener par la pense consciente un tat de relaxation trs profonde dans chaque partie du corps physique (musculaire, organique et osseux) et dvelopper simultanment une perception trs aigu de tous ses constituants. Cette reconnaissance systmatique et dtaille du corps induit la fois une dtente et une conscience trs intense, gnralement bien au-del de ce quil est convenu dappeler relaxation. Il est galement question, ce niveau de pratique, dapaiser lensemble des processus sensoriels tout en dynamisant leur fonction. - Le rve : Cette deuxime partie aborde essentiellement le processus de la pense et de limagerie mentale. Elle consiste dissocier lnergie accumule dans les images mentales et les mmoires subconscientes, afin de lui rendre sa fluidit retenue, emprisonne dans des schmas mentaux et psychiques. Ce travail est plus connu sous le terme de libration des samskra (latences et mmoires engrammes pouvant avoir des rpercussions importantes, notamment des blocages sur le corps et le psychisme). Dans cette partie du travail, on aborde galement le processus mme de lorganisation de la pense, son rle, sa limite, ses activits et ses rpercussions sur le comportement. - La mort : Dans sa troisime phase, le nidra yoga aborde le seuil du possible, lorigine mme de la pense, la mort devant tre ici comprise en tant que cessation de la pense. Lattention va ainsi tre invite se faufiler jusquau cur du sommeil profond (le sommeil sans rves). Ayant parcouru le labyrinthe mandreux de la pense dans ltat de veille, dans la rverie diurne et dans les diffrents degrs du rve nocturne (personnel, collectif et archtypal), cette dernire tape consiste identifier, en sy fondant, la conscience-tmoin, celle-l mme qui nous permet de savoir que lon a dormi alors quil ne reste dans notre mmoire aucun souvenir particulier de cette phase du sommeil. Cela apparat sous la forme dun saisissement dont la saveur est silence et espace. On est ravi, tous les sens du terme. Lenseignement formel de cette dmarche du nidra yoga trouve l son terme. Il ouvre cependant sur une ultime phase de transmission, celle-ci se droulant de faon naturelle et spontane. Lentement se dvoile, par touches fulgurantes et imprvisibles, la nature mme du Vivant dans son inappropriable virginit : lUn et le Multiple sont la fois identiques et diffrents. On rejoint ici la mtaphore de liceberg et de locan qui tout en tant de la mme nature (leau) ont des apparences et des proprits diffrentes. On rajoute parfois cette image celle des nuages constitus eux aussi deau, mais vapore, pour signifier les trois tages de la pense : solide, fluide et vanescente. Ces incursions dans le Rel nont ni sens, ni non-sens. Elles sont accompagnes dune intime sensation de joie, sans objet ni raison. Si cette dmarche a t maintenue la fois intacte et ouverte, cest principalement parce quil na jamais fait mention dautre chose que de cet Allant-de-soi , de cette innocence premire. Traverser, les yeux grands ouverts, les multiples champs qui constituent la conscience comporte toujours le risque de sattarder un de ses lments, et ainsi de perptrer la fragmentation au sein-mme de la personnalit. Cest pour cette raison que la voie mitige, tout en donnant la priorit fondamentale lessentiel, ne fait pas lconomie des singularits propres lindividu, quand bien mme il ne sagit l que de fausses certitudes. Cela a permis dlaborer au fil des sicles un enseignement la fois souple, rigoureux et ouvert. Il ne s agit ni de manipuler, ni dadapter la recherche, mais de prendre en compte toutes nos croyances, aspirations et espoirs afin den approfondir le sens, den dnoncer leur falsification et de finalement sen librer au cur mme du silence. Ce processus de dpouillement est lui-mme porteur de nombreux effets (ou expriences) secondaires quil conviendra de situer leur juste place afin quils ne deviennent pas des objets dintrt. Cest pour cela que lenseignement met toujours en avant lobservation et lcoute qui sont une forme dattention dpourvue dune quelconque objectivation. Etre dans le silence sans objet nimplique aucune rfrence. Ce qui surgit au terme de lexploration de soi est le lcher-prise, labandon. Cela ne relve pas du savoir. Le point ultime rside dans la reconnaissance que savoir que lon ne sait rien est encore trop. Andr Riehl