rougeole néonatale : à propos d’un cas

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Page 1: Rougeole néonatale : à propos d’un cas

Journal de pédiatrie et de puériculture (2012) 25, 155—157

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

Rougeole néonatale : à propos d’un cas

Measles in newborn: A case study

N.R. Diagne-Guèyea,∗, P.M. Fayea, A.L. Fall a,I. Diagneb, B. Camarac, M. Draméd,e, F. Toni-Sanoua,A. Diack-Mbayea, H. Sy-Signatéa

a Centre hospitalier national d’enfants Albert-Royer, 11080 Dakar, Sénégalb Université Gaston-Berger, Saint-Louis, Sénégalc Centre hospitalier universitaire de Pikine, Dakar, Sénégald Faculté de médecine, EA 3797, université de Reims Champagne-Ardenne, 51095 Reimscedex, Francee Centre hospitalier universitaire de Reims, 51092 Reims cedex, France

Recu le 18 aout 2011 ; accepté le 27 mars 2012

MOTS CLÉSRougeole ;Mère ;Nouveau-né

KEYWORDSMeasles;Mother;Newborn

Introduction

La rougeole est une infection virale éruptive aiguë due à un morbillivirus à ARN de lafamille des paramyxoviridae. Elle atteint essentiellement les enfants à partir de l’âge decinq à six mois et constitue une maladie définitivement immunisante. Le réservoir de virusest l’homme infecté. Les nourrissons issus de mamans, ayant déjà développé la maladieou ayant été vaccinées contre la rougeole, bénéficient du transfert transplacentaire desanticorps de type IgG antirougeoleux et sont protégés en principe contre l’infection dansles premiers mois de vie. La survenue d’une rougeole en période néonatale n’est doncpossible que dans certaines situations rares dans les pays endémiques, de femmes n’ayantpas développé une immunité naturelle ou vaccinale. Nous rapportons ici un cas de rougeolechez un nouveau-né de 17 jours, contaminé par sa mère.

Observation clinique

Il s’agit d’un nouveau-né de sexe féminin, né d’une mère de 17 ans, primigeste, primipare,femme au foyer et qui a vécu jusqu’à l’âge de 16 ans dans un village de Guinée, avant son

arrivée à Dakar (Sénégal). Elle n’a jamais recu aucun vaccin avant sa grossesse.

La grossesse s’était déroulée sans particularités, aucune sérologie n’était réalisée.L’accouchement s’était fait par voie basse sans particularités, le poids de naissance del’enfant était de 2400 g. Cette jeune maman était hospitalisée deux jours après son

∗ Auteur correspondant.Adresses e-mail : rama [email protected], [email protected] (N.R. Diagne-Guèye).

0987-7983/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.jpp.2012.03.008

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ccouchement pour une éruption morbilliforme. L’enfanttait sous allaitement maternel exclusif. Elle était hos-italisée à j17 de vie pour une hyperthermie, une touxuinteuse rauque et une conjonctivite. Elle présentait, à’examen, une fièvre à 38,7 ◦C associée à une tachycardie à92 battements/min et une polypnée à 86 cycles/min. Ellerésentait également une conjonctivite purulente bilaté-ale, une dysphonie et un muguet buccal. L’auscultationardiopulmonaire était normale.

L’enfant était eutrophique à l’admission avec un poids à700 g, une taille à 51,5 cm, un périmètre crânien à 34,0 cmt un périmètre thoracique à 31,5 cm. L’éruption constatéeu niveau du visage au moment de l’hospitalisation étaitaculopapuleuse généralisée, très érythémateuse (sur peau

laire), hyperchromique par endroit, avec des intervallese peau saine, sans anomalies des phanères. Cette érup-ion avait débuté au niveau céphalique avec une progressionescendante jusqu’aux membres sur quatre jours.

Sur le plan biologique, il existait une anémie normo-hrome, normocytaire à 12,3 g/dL, avec taux de blanc à4 500/mm3 dont 35 % de lymphocytes ; la C-réactive pro-éine (CRP) était négative.

La sérologie de la rougeole était positive avec présence’IgM et IgG chez la mère et chez l’enfant ; la sérologie dea rubéole (IgM et IgG) était négative chez les deux. Uneéthode immunoenzymatique était utilisée pour la réalisa-

ion de ces sérologies.Le nouveau-né recevait comme traitement sympto-

atique du paracétamol, un collyre antibiotique, de laycostatine et de la vitamine A. L’évolution était favorable

vec une apyrexie stable 48 heures après l’hospitalisationquatrième jour de l’éruption), suivie d’une desquamationutanée suivant la topographie de l’éruption ; on notaitonjointement une guérison de la conjonctivite et une amé-ioration du muguet buccal.

L’enfant sortait d’hospitalisation au bout de cinq jours.lle était revue en consultation externe dix jours après saortie avec un examen clinique normal et un état nutri-ionnel satisfaisant. De même, on ne notait pas de lésionsculaires.

iscussion

ous décrivons ici un cas rare de rougeole survenant deacon très précoce chez le nouveau-né. Sur le plan cli-ique, l’expression de cette forme néonatale a présentéeu de différences par rapport à la forme du nourrisson plusgé. L’éruption était morbilliforme classique, précédé d’unatarrhe oculonasobronchique. La chronologie et la topo-raphie de l’éruption étaient identiques à celles observéeshez l’enfant plus grand.

La survenue de cette maladie en période néonatale restexceptionnelle, surtout dans une zone endémique comme’Afrique de l’Ouest. En effet, la plupart des femmes enge de procréer ont déjà développé une immunité vaccinaleu naturelle, transmise à leur fœtus. Cette maman n’ayantécu qu’en zone rurale en Guinée a pu éviter l’infectionême lors des poussées épidémiques plutôt concentrées en

ilieu urbain.La rougeole néonatale est peu décrite dans la littéra-

ure ; Ohsaki et al. [1] au Japon rapportent sur une sériee 96 nourrissons atteints de rougeole, trois cas de rougeole

N.R. Diagne-Guèye et al.

éonatale, sans donner de précisions sur le contexte de sur-enue et l’immunité maternelle.

En revanche, des cas de rougeole pendant la grossesseont plus largement décrits avec les conséquences sur leœtus. Dao et al. [2] rapportent dans sa série sur 16 cas deougeole, deux cas d’avortement, trois cas de mort fœtalen utero et un cas d’accouchement prématuré. La morbiditéérinatale est significativement plus élevée lorsque la rou-eole survient pendant la grossesse comme le démontrentli et Albar [3] avec une incidence plus élevée de la préma-urité, de l’hospitalisation en période néonatale avec uneugmentation de la durée de ces hospitalisations.

L’importance du transfert d’anticorps antirougeoleux eta durée de leur persistance à des taux protecteurs estariable. Au Sénégal et en Guinée-Bissau [4,5], des étudesvaient montré que ce taux de transfert était seulemente 50 % du taux maternel avec une protection de courteurée. Une étude franco-anglo-canadienne [6] avait montréue la proportion de nourrissons ayant des taux protecteurs’anticorps (≥ 120mUI/mL) chute de 100 % chez les zéro à unois à 10 % chez les six à sept mois. Les auteurs arrivaient à

a conclusion que l’âge de la primovaccination pourrait êtrevancé à six mois.

Les nourrissons de mamans dont l’immunité était vacci-ale ont des concentrations d’anticorps à la naissance etlus tard significativement plus basse que ceux dont lesères possèdent une immunité naturelle [7].La stratégie vaccinale antirougeoleuse, mise en place

ar l’Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis 1980,rend en compte cette notion de transfert d’anticorps.insi, une vaccination précoce serait inefficace du fait de

’inactivation par les anticorps maternels. C’est ainsi quea vaccination est préconisée à l’âge de neuf mois aprèsisparition des anticorps maternels, mais l’âge de la primo-accination peut être avancé chez les sujets à risque versix à sept mois [8] ; cette primovaccination précoce seraitgalement bénéfique pour tous les enfants du même groupe’âge [9].

Pour prévenir la survenue de la rougeole chez le nouveau-é, tous les enfants nés de mères ayant présenté uneougeole à terme ou en postnatal devraient bénéficier d’unerotection rapide par des immunoglobulines spécifiquesntirougeoleuse [10]. Notre enfant n’avait pas pu bénéficiere ce traitement.

onclusiona survenue d’une rougeole en période néonatale est excep-ionnelle. En effet, les nouveau-nés sont protégés par lesnticorps maternels dans les premiers mois de la vie. Cepen-ant, du fait de la décroissance de ces anticorps avec risquee survenue d’une maladie potentiellement grave chez leouveau-né, le rappel du vaccin antirougeoleux chez lesdolescentes et les femmes en âge de procréer semble indi-ué.

éférences

[1] Ohsaki M, Tsutsumi H, Takeuchi R, Seki K, Shiba S. Recent

increase in the frequency of infant measles in Japan. PediatrInt 2000;42(3):233—5.

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Rougeole néonatale : à propos d’un cas

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