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RAPPORT DE STAGE ESEDA Ecole Spécialisée pour les Enfants Déficients Auditifs Stage du 13.12.19 au 11.01.2020 et du 17.02.20 au 29.02.2020 Anne Depetris Licence professionnelle « Intervention sociale, langue des signes française »

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RAPPORT DE STAGE ESEDA Ecole Spécialisée pour les Enfants Déficients Auditifs Stage du 13.12.19 au 11.01.2020 et du 17.02.20 au 29.02.2020

Anne Depetris Licence professionnelle « Intervention sociale, langue des signes française »

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Licence professionnelle intervention sociale, langue des signes française. Aix Marseille Université

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Remerciements….

Je tenais à remercier

Mme Angue Francine Mengue, Directrice de l’Ecole Spécialisée pour les Enfants Déficients

Auditifs (ESEDA), qui a bien voulu m’accueillir à la suite de la précédente Directrice ayant

quitté ses fonctions avant même le début du stage et la signature des conventions de stage.

L’équipe pédagogique de l’école ESEDA, le gardien et la secrétaire qui m’ont accueillie dans

cette école.

Les élèves d’ESEDA qui ont été d’une générosité et d’une gentillesse inouïes durant ces deux

périodes de stages.

Madame Mélanie Hamm, la responsable de cette licence professionnelle qui m’a laissée partir

si loin pour ce stage et a également autorisé que deux autres étudiantes puissent profiter de cette

expérience.

L’équipe enseignante et les intervenants de la licence professionnelle « intervention sociale,

langue des signes » qui nous ont soutenues et encouragées dans ce projet.

M. Marc Bruant, Directeur du Crous d’Aix-Marseille, qui a autorisé et financé en partie ce

projet et m’a autorisée à poursuivre cet objectif de formation engagé depuis plusieurs années.

Mme Marie-Aude Mestre ancienne responsable de formation du Crous qui a toujours cru en

moi. Mme Marianne Schuhler, la responsable du service social du Crous et mes collègues

assistantes sociales qui m’ont apporté leur soutien en assumant la charge de travail que j’aurais

difficilement pu absorber durant les périodes intenses de cette formation.

M. Luc Bikaï qui a bravé durant des semaines la « bureaucratie » afin d’obtenir une réponse

pour ce stage et me faire parvenir dans les meilleurs délais les conventions signées.

Pour leurs dons respectifs : Azura Club Silencieux de Marseille, club Vitrolles, M. Cyril Julien

agent technique à Aix-Marseille-Université, Mme Alexandrine Moreaux et son associée Mme

Sandra Sorgniard, Land’Mains et Des mots pour deux mains.

Ma famille au Cameroun – ma grand-mère Bernadette, ma tante Véro ainsi que mes nièces

Angela, Claudia et Olivia – qui ont logé et accueilli à bras ouverts deux membres de ma

promotion. Mon oncle Paul qui a eu le rôle de médiateur culturel, guide touristique et chauffeur

durant ce séjour. Mais également, la grande famille africaine : Abdou, Seydou, les voisins, les

connaissances, les curieux qui se sont ouverts petit-à-petit à la langue des signes et qui j’espère

auront un nouveau regard sur la surdité et les personnes sourdes

A ma mère Claudine et ma sœur Alexandra qui m’ont encouragée dans ce projet.

A mes jeunes enfants (6 ans et 18 mois au début de cette licence) et mon conjoint qui sont ma

source de motivation et mes éternels soutiens durant cette année chargée et si particulière. Ils

n’ont jamais montré le moindre signe d’essoufflement en l’encontre de mon implication et mon

engament total dans cette formation extraordinaire.

Et à tous ceux que je ne pourrai citer mais qui ont toujours été là bien avant le début de cette

formation, depuis le début de « mon long voyage au pays des sourds » : je leur dis MERCI.

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Licence professionnelle intervention sociale, langue des signes française. Aix Marseille Université

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La recherche de stage

En commençant cette licence, j’avais une idée précise des lieux où je souhaitais effectuer mes

stages. Par ordre de priorité :

- auprès d’un interprète en langue des signes.

- dans une école spécialisée en France, au Cameroun et en Suisse afin d’effectuer des

comparaisons sur les similitudes ou les différences d’enseignements au sein d’une école

spécialisée pour sourds.

- au sein d’un centre de formation en langue des signes françaises car j’avais entamé

depuis peu la sensibilisation par la formation à la langue des signes des personnels

d’accueil de mon entreprise.

C’était sans compter sur le fait que : « Cette licence, elle bouscule tout, chamboule tout, à tout

moment, rien n’est jamais acquis. Il y a tout le temps du va et vient », une citation qui vient

de mon journal intellectuel. Elle résume parfaitement tous les questionnements et les doutes par

lesquels je suis passée durant cette recherche de stages.

Très tôt dans la formation, je n’ai finalement plus eu envie de faire un stage auprès d’interprètes.

D’une part, parce que le métier me semblait éloigné de l’idée que je m’en faisais mais d’autre

part, cela s’avérait également difficile d’en trouver. Car, malgré le fait que je sois soumise au

secret professionnel comme les interprètes de par mon métier d’assistante de service social, les

interprètes contactées dans la région préféraient accompagner des étudiants inscrits en

deuxième année de Master d’interprétariat.

Parallèlement, les interventions en médiation culturelle ont suscité en moi une réelle envie

d’approfondir dans ce domaine. Une nouvelle attirance envers l’art et l’envie de « vulgariser »

ce savoir ne cessait de m’animer

Les stages au sein des écoles spécialisées en France et en Suisse n’ont finalement pas abouti

pour différentes raisons. En France, je ne souhaitais plus le faire en institut mais peut-être sous

forme de projets tutorés ou stages d’observation d’une semaine dans une Unité Localisée pour

l’Inclusion Scolaire (ULIS). En Suisse, il était compliqué pour les écoles de m’accueillir sans

gratification. Au vu de mon âge et de mon expérience professionnelle, la législation en matière

d’accueil de stagiaires y est très stricte. Les instituts accueillant des stagiaires sont obligés de

gratifier leurs stagiaires même sur une courte durée.

Avec du recul, cumuler tous ces stages ne me permettait pas d’approfondir les expériences. Il

valait peut-être mieux freiner mes envies et ma curiosité pour ne pas survoler l’essentiel. Malgré

mon envie de tout voir, j’aurais peut-être survolé l’essentiel.

C’est ainsi que je me suis décidée de faire des choix et de privilégier d’une part le stage au sein

de l’atelier Cézanne d’Aix-en-Provence et ainsi m’éloigner de ma zone de confort (médico-

social et éducatif) pour l’inconnu qu’est la culture. Malheureusement, ce stage qui devait

commencer en mars a été stoppé comme tous les autres du fait du confinement dû au Covid19.

Néanmoins, si le temps le permet par la suite, j’essaierai de réaliser un bout de ce qui avait été

convenu lors des différents entretiens avec l’atelier Cézanne pour ce stage attendu par les deux

parties. D’autre part, j’ai souhaité me consacrer au stage effectué dans une école spécialisée au

Cameroun.

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Pourquoi ESEDA ?

IL ETAIT UNE FOIS ….

Il y a presque 25 ans, j’ai rencontré un jeune garçon : Jessy1 ayant approximativement le même

âge que moi.

A cette époque, il avait une « drôle de façon de parler », il utilisait ses mains et sa voix pour

entrer en communication avec moi. J’ai compris qu’il n’entendait pas et que c’était sa façon de

communiquer.

Mes grands-parents, sa sœur et son frère entendants m’ont appris qu’il était sourd et qu’il allait

vivre chez nous pour pouvoir aller à l’école près de notre domicile.

Je me rappelle avoir été très heureuse, car étant « la benjamine » de la famille, j’avais trouvé

un partenaire de jeux ayant mon âge.

Avec du recul, je me rends compte qu’à l’époque je n’avais pas de préjugés sur la surdité, seule

la personne qui était devant moi comptait. Nous allions pouvoir partager bons nombres de

choses ensemble.

SON HISTOIRE

Jessy venait d’un village loin de Yaoundé, la capitale du Cameroun. Il n’avait pas accès à

l’école. Je ne sais pas par quel biais mes grands-parents ont bien voulu l’accueillir chez nous.

Sa sœur et son frère parlaient le même dialecte que nous : le bassa. Cela serait comparable à

l’appartenance à une même tribu, une même communauté partageant la même langue, la même

culture. Mes grands-parents n’ont pas hésité à les accueillir ensemble afin de ne pas séparer la

fratrie et ne pas dépayser Jessy.

Jessy était ce que l’on peut qualifier de privilégié car il avait la chance de pouvoir accéder à une

école spécialisée pour sourds. Les chiffres officiels n’existent pas, mais aujourd’hui encore, il

est certain que nombreux enfants sourds n’ont pas accès à l’école.

Jessy vivait chez nous et semblait heureux. Il l’était encore plus quand il revenait de son école ;

il me montrait de nombreux signes qu’il apprenait, comme son alphabet avec les mains (la

dactylologie) et d’autres signes de politesse. Il est arrivé un jour avec un drôle d’appareil dans

les oreilles qui soi-disant lui permettait de mieux entendre. On s’en amusait surtout pour épier

les voisins, il me le prêtait souvent pour écouter les discussions lointaines.

En général, les petits voisins se moquaient de lui, car il n’entendait pas, et le surnommait

« moumou2 ». Soit nous jouions tous les deux uniquement, soit j’avais assez d’aisance pour

recadrer les autres enfants et imposer de nouvelles règles de jeux en l’incluant voire l’imposant.

A mon avis, les moments où il était vraiment épanoui étaient quand il se retrouvait dans son

école spécialisée et je pense également dans notre relation duelle. Deux ans plus tard, nous

avons été séparés, j’ai quitté le Cameroun, lui a terminé ses études.

1 Le prénom a été modifié pour des raisons de confidentialité. 2 Surnom encore présent en 2020 pour nommer les « sourds-muets » du Cameroun. Ce surnom est péjoratif, car il peut servir à caractériser une lenteur à la compréhension des choses. La population entendante le justifierait par le fait de devoir répéter à plusieurs reprises oralement une phrase… pour que les sourds comprennent. La barrière de la langue n’est jamais prise en compte, c’est malheureusement toujours la faute de celui qui n’entend pas.

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LA DEMANDE DE STAGE A ESEDA

« Le hasard fait bien les choses »

Ma relation avec le monde Sourd a commencé au Cameroun. Ayant intégré la licence

professionnelle « intervention sociale, langue des signes » en septembre 2019, je savais déjà

que j’allais effectuer un stage où tout avait commencé.

Ce fut un heureux hasard quand j’ai fait ma demande de stage à l’Ecole Spécialisée pour les

Enfants Déficients Auditifs (ESEDA), car j’ai appris que c’était l’école que fréquentait Jessy.

J’ai donc demandé à effectuer un stage d’un mois scindé en 2 semaines en décembre 2019 et 2

autres semaines en février 2020.

J’ai effectué seule la première partie du stage en grande partie en observation et en trinôme pour

la deuxième partie du stage. L’objectif étant ici d’essayer de mettre en place certains éléments

de la pédagogie appliquée en France.

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PRESENTATION DE L’ECOLE

La Fondation Hélène RESSICAUD pour

l’Education et la Promotion des Personnes

Déficientes Auditives », en abrégé FEPPDA3.

Le Dr Hélène RESSICAUD (1909-2004)

religieuse française, était directrice au départ de

l’Ecole Privée Catholique d’Infirmiers de

Yaoundé, aujourd’hui l’Ecole des Sciences de la

Santé (ESS) puis fondatrice de l’école pour

enfants sourds de Yaoundé appelé aujourd’hui

ESEDA.

La FONDATION est créée en 1987 et reconnue d’utilité publique en 1988.

La FONDATION est à but non lucratif, apolitique et refuse toute discrimination sociale et

religieuse. Sa durée est illimitée.

Elle a pour objectif :

• L’éducation et la promotion des personnes déficientes auditives ;

• Une meilleure insertion dans la société afin d’assurer leur plein épanouissement et leur

participation au développement de la vie sociale ;

• La préparation et le maintien de leur entourage dans une atmosphère de compréhension

et de soutien psychologique ;

• La formation aux métiers liés à la surdité ;

• Le soutien de toute initiative tendant aux mêmes objectifs.

Pour atteindre ces buts, la FONDATION crée des structures d’accompagnement y

afférant :

• Une Ecole de Formation des Enseignements Spécialisés pour Déficients Auditifs et en

Langue des Signes (IFESPA-LS) avec l’appui technique du SERAC (Sourds

Entendants Recherche Action Communication) basé à Paris. L’objectif étant de

répondre au besoin du manque d’enseignants spécialisés pour sourds au Cameroun, et

répondre à la politique internationale mais aussi locale pour l’inclusion des personnes

handicapées. Il est donc nécessaire de former de jeunes étudiants aux méthodes

pédagogiques et aux stratégies de communication appropriées. D’une manière générale,

l’IFESDA-LS propose également à tous d’apprendre la Langue des Signes à travers 5

niveaux de formation. Chaque niveau comporte 2 modules de 30 heures chacun, soit un

total de 10 modules pour 300 heures de cours. Les cours sont dispensés dans les locaux

de l’ESEDA.

3 Informations consultées le 03/04/20 sur le site : https://feppda.wordpress.com/objectifs/

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• Un Centre de Préparation Parentale (CCP). Il a vu le jour quelques temps après

l’ESEDA et joue au quotidien le rôle d’éducateur, de conseiller, de guide et

d’accompagnateur psychologique des parents, en vue de l’acceptation et du meilleur

encadrement de leur enfant. Le handicap en général et particulièrement auditif n’est

jamais bien accueilli dans les familles. Ce qui entrave sévèrement l’éducation, voire la

vie de l’enfant qui n’accède pas aux études ou dans les meilleurs cas tardivement aux

études.

• Une Ecole Spécialisée pour Enfants Déficients Auditifs (ESEDA) crée en 1972 est

consolidée d’un Centre artisanal et d’un Centre d’Audiophonologie Appliquée.

Via son conseil d’administration et son comité de gestion composés de personnes bénévoles, la

FEPPDA s’occupe de la gestion pédagogique et administrative de l’ESEDA.

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L’ESEDA

Où se situe l’école ?

Adresse Physique et postale

630 et 517 rue 2003

BP : 370 Yaoundé, Quartier MESSA CAMEROUN

Horaires : du lundi au vendredi de 7h30 à 12h et de 13h à 15h

Comment entre-t-on dans cette école ?

L’accueil se fait auprès du secrétariat avec une rencontre avec la directrice. Il y une orientation

vers le centre d’audiophonologie, obligatoire et payante, pour spécifier le degré de surdité.

L’inscription se fait dans une classe en fonction du niveau d’études, de l’âge de l’enfant et de

type de handicap.

L’ESEDA se définit comme offrant une formation sur les matières enseignées dans le cycle

primaire, en commençant par la démutisation (initiation à la parole) de l’enfant, l’initiation à la

lecture labiale (lecture sur les lèvres), et en intégrant plus tard l’apprentissage de la langue des

signes française.

Grâce à cette formation, à l’issue du cycle primaire, les élèves de l’ESEDA entrent dans les

établissements pour entendants (collèges et lycées) et obtiennent, suivant les capacités de

chacun et grâce au soutien pédagogique assuré par des enseignants spécialisés, les diplômes de

l’enseignement secondaire (BEPC, Probatoire, Baccalauréat).

L’ESEDA offre par ailleurs en son sein une formation socioprofessionnelle en ateliers de

couture, de peinture et de céramique.

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En février 2020, il y a environ 177 élèves regroupés en 8 années d’études. Bien que

majoritairement composée de sourds, l’école accueille aussi des entendants ayant des troubles

associés ou ayant des déficiences intellectuelles. En manque de financement et en l’absence

d’autres structures accueillant ces enfants entendants, ESEDA accueille désormais ce type de

public. Les classes sont donc mélangées avec plusieurs profils d’enfants et d’âges.

L’équipe pédagogique est composée de 11 professeurs dont trois sourds exerçants dans une

classe spécifique pour enfants ayant des troubles mentaux, dans les domaines d’apprentissages.

Il y a également un gardien, une secrétaire, une infirmière et un homme « à tout faire » exerçant

au sein de l’école.

Hormis le personnel enseignant ayant été initiés à la langue des signes françaises, les autres

personnels ne signent pas (infirmière) ou peu grâce aux signes qu’ils apprennent des enfants ou

des bases échangées de manière informelle.

L’école ouvrant ses portes chaque matin à 7 heures s’y voit déposer par les parents eux-mêmes

ou par taxi, par moto taxi, les élèves de différentes classes.

En effet, la directrice de l’école fait une sorte de contrat avec des taxis qui déposent un CV et

une lettre de motivation pour ramener les enfants à l’heure et venir les chercher à midi pour la

maternelle et à 15 heures pour le reste des classes. C’est un engagement qui permet de rassurer

les parents sur l’accompagnement de leurs enfants à l’école mais aussi à l’école de s’assurer

que ces derniers seront toujours présents et à l’heure.

Le rôle du gardien est donc primordial car, il doit très vite reconnaître les chauffeurs dédiés à

un ou plusieurs enfants pour les leur confier sans se tromper.

L’environnement ?

Il y a deux bâtiments principaux. Le premier est dédié à l’audiophonologie, la fondation, la

formation des enseignants extérieur, le bureau de l’infirmière, les classes d’apprentissages et

les classes maternelles. Le deuxième abrite l’accueil et le secrétariat, le bureau de la directrice,

les classes de la 4ème à la 8ème année ainsi que la classe spécialisée.

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Une cour réservée aux maternelles, un espace de sport football et hand-ball. Il n’y a pas de

cantine à proprement dite, mais il y un espace dédié à la vente ambulante (moins onéreuse) et

une restauration « assise » (plus onéreuse) qui accueille en grande majorité les enseignants

d’ESEDA mais surtout les étudiants des différentes écoles voisines.

(Photographies prises par Anne Depetris en février 2020)

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Phase 1 : Observation du 13 décembre 2019 au 11 janvier 2020

ETAT DES LIEUX

La première partie du stage a surtout été érigée par l’observation.

Je suis arrivée à une époque dite « légère » où les examens se terminaient et les élèves

préparaient un spectacle de fin d’années. Une présentation des travaux effectués durant le

premier trimestre aux familles ainsi qu’aux nombreux invités : membres du Ministère,

bienfaiteurs et donateurs de l’école.

D’autres stagiaires éducateurs spécialisés entendants arrivant d’une autre académie étaient déjà

implantés et reconnus par les élèves d’ESEDA.

La directrice m’a présentée dans chacune des 8 classes, en spécifiant que je parlais la langue

des signes française et que je serais dans un premier temps en phase d’observation puis que

j’essaierais dans un second temps d’apporter une « expertise » au niveau de l’enseignement et

proposer des méthodes alternatives à celles déjà utilisées.

J’ai passé une journée entière dans chaque classe afin d’y voir le fonctionnement et d’y annoter

des remarques pour proposer une autre forme d’enseignement plus orientée vers la langue des

signes française.

BILAN ET FIXATION DES OBJECTIFS

En maternelle, il était difficile de mettre quelque chose en place, car il y avait très peu de

supports adaptés aux différents profils.

Comment s’adapter quand on est seule enseignante devant 10 enfants qui sont sourds,

entendants, qui ont d’autres troubles et n’arrivent pas à rester assis ou mangent tout ce qui leur

passe par la main ? comment apporter une attention et un enseignement adapté pour chaque

enfant dans cet âge critique de l’acquisition du langage ?

Dans certaines classes, quelques enfants sont deux fois plus âgés que la moyenne d’âge en CP.

Un tel écart au niveau du développement physique, mental est frappant. Comment arriver à les

intéresser de la même façon, comment les faire se respecter et éviter la violence verbale,

physique, etc. ?

Il y a des classes où l’autonomie est le mot d’ordre. En dernières années, les élèves se montrent

particulièrement curieux, le questionnement y est continu. A la fin de la journée, j’étais

exténuée, mais je qualifierais de bonne fatigue car j’en ressortais avec beaucoup de plaisir et de

fierté d’avoir partagé quelque chose d’unique et d’avoir apporté ma pierre à l’édifice.

L’activité sportive étant mise en avant au sein de cette école, deux équipes représentent les

couleurs d’ESEDA lors des compétitions sportives : l’équipe féminine de Hand-ball et l’équipe

masculine de Football.

A travers leur tournoi de fin d’années, les équipes sportives ont souvent été sollicitées et mises

en avant. J’ai trouvé en ces jeunes une volonté de réussir et une motivation sans faille. Avec

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peu de moyens (tenues sportives, ballons) et stratégies pour s’entraîner et gagner, ces sportifs

ont réussi à gagner différents championnats ou bien se classer au niveau local.

Ces équipes ont été un tremplin et une ressource intarissable pour la plupart de mes

questionnements. Il m’a semblé évident que c’était par ce biais que j’arriverais à entrer en

relation avec une grande partie des élèves et avoir un réel état des lieux de leurs besoins.

Je ne m’y suis pas trompée, en me rapprochant de ces sportifs et en échangeant avec eux, j’ai

très vite fait une liste d’outils pédagogiques comme des livres illustrés, des images, des photos

qui pourraient améliorer leur quotidien. Au niveau sportif, du matériel comme des ballons pour

pouvoir s’entraîner, des tenues de volley et de football, ainsi que les vrais règles et technique

pour s’entraîner avant les matchs. Bien sûr une grande partie de leurs besoins ont été exprimés

autrement par leur enseignants et la directrice.

Il y a un manque criant de supports, de supports visuels pour tout adapter à chaque classe d’âge.

Il est important d’avoir plus de supports visuels pour les aider à apprendre, à retenir ce qu’ils

sont amenés à découvrir.

J’ai très vite été mise à contribution, en préparant une jeune élève à un chansigne, une chanson

de noël, qu’elle devait présenter lors de la fête de fin d’année. Cette mise en situation assez

rapide m’a permis de me rendre compte de certaines difficultés que j’avais pressenties auprès

de certains enfants. Il fallait faire attention que la langue des signes française ne viennent pas

« dénaturer » quelque chose que je n’avais pas encore identifié qui était la langue des signes

camerounaise.

Des bilans réguliers ont été faits avec la directrice afin de lui faire une photographie de son

école, de ses enseignants et de ses élèves. Elle a pu mesurer la qualité de mon implication, mon

franc-parler et la fidélité de mes propos. Je pense qu’au vu de la méfiance palpable envers les

stagiaires (du fait d’un incident marquant avec un ancien stagiaire), elle avait besoin d’avoir

tous ces éléments pour me faire entièrement confiance sur la suite du stage. Les choses étant

mises à plat, elle m’a donné le feu vert pour la deuxième partie du stage à savoir :

- accueil des deux autres stagiaires de la licence professionnelle

- mise en place de nouveaux objectifs pédagogiques et projets adaptés.

J’allais revenir en février avec des supports visuels et essayer de proposer une pédagogie plus

visuelle.

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Phase 2 : Mise en pratique

De gauche à droite : Amelie Vernay, Anne Depetris, Pauline Wierzbicki à l’ESEDA en février 2020.

LA CONFERENCE : UNE SERIE DE CHOCS CULTURELS

Préparatifs de la conférence : une journée pas comme les autres

En décembre 2019, lors de la phase d’observation, j’avais demandé à la directrice de l’école de

pouvoir rencontrer les sourds adultes : « grands sourds » comme ils se nomment eux-mêmes.

Elle m’avait immédiatement répondu par la positive. Il s’agissait d’organiser une conférence

durant laquelle Amélie, Pauline et moi allions échanger sur la culture sourde en France et la

culture sourde du Cameroun. Cette conférence s’intitulait « Echangeons » et devait avoir lieu

dans les locaux de l’école spécialisée ou dans le domicile d’une des femmes lors de leur réunion

mensuelle. L’évènement devait être coorganisé par une enseignante sourde de l’école. Il devait

y avoir principalement des femmes sourdes participant aux « tontines4 ».

Malheureusement pour nous, la rencontre avec ce groupement de femmes n’a pas pu se faire

car l’enseignante sourde de l’école venait de vivre un événement heureux, la naissance de sa

fille. Deux autres enseignants sourds ainsi que le photographe et un jeune sourd impliqué dans

les associations sourdes de Yaoundé se sont chargés d’informer une infime partie de la

communauté sourde de Yaoundé.

4 Regroupement des femmes en réunions.

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Du stress et un premier choc culturel

Ayant d’autres occupations, les personnes invitées souhaitaient savoir les raisons de cette

conférence. Elles souhaitaient être sûres qu’il ne s’agissait pas d’un canular. Et pour cela, il

nous a d’abord fallu nous plier à certaines exigences :

- Nous avons été prises en photo, elles ont été publiées dans certains réseaux sociaux pour

communiquer sur cette conférence et ainsi confirmer que les intervenantes étaient

vraiment présentes sur l’école ESEDA.

- Il est également de coutume de prévoir un en-cas pour remercier les personnes qui ont

fait le déplacement pour la conférence. Des us et coutumes qui ont interpelé Amélie et

Pauline mais qui ont finalement apporté une convivialité à la fin des échanges.

- Des discussions venant du photographe et du jeune responsable associatif se sont portées

sur le fait de payer le transport ou non aux personnes qui viendraient. L’objectif étant

de les dédommager de l’effort effectué. La réponse fut un non catégorique de la part de

la Directrice d’ESEDA car elle estimait qu’il fallait que « les grands sourds » soient

conscients de la chance d’avoir ce type de conférence au sein de l’établissement.

Amélie, Pauline et moi étions d’accord avec son intervention car nous partageons la

même opinion et estimons que la prise en charge des en-cas par nos soins suffisait à

respecter la culture « pi Cameroun » mais aussi partager un moment chaleureux à la fin

de la conférence.

Finalement, il a fallu limiter le nombre de personnes à inviter, car nous ne souhaitions pas être

débordées par une centaine de personnes qui pouvaient potentiellement venir.

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Licence professionnelle intervention sociale, langue des signes française. Aix Marseille Université

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Le Jour J : Deuxième choc culturel où comment penser au QQOQCCP5

Méthode du Quoi, Qui, Où, Quand, Comment, Combien, Pourquoi ?

Avec le recul, l’organisation est de mise dans ce type de rendez-vous.

Nous avions peut-être surestimé nos capacités à gérer cet événement en nous concentrant

uniquement sur la qualité de notre présentation. Nous avions aussi surestimé le matériel et les

locaux qui nous accueillaient et nous nous étions reposées sur les dires et non vérifier en amont.

Il faut être partout : de la communication via les réseaux sociaux, une vidéo, un flyer, la mise

en place d’une salle « correcte » pour accueillir le public, etc. Notre confort universitaire ou

européen nous a poussées à baisser la garde et créer une situation de stress à quelques heures

de l’évènement.

Cette méthode de questionnement (Quoi, Qui, Où, Quand, Comment, Combien, Pourquoi ?)

que j’ai découverte lors d’une de mes formations universitaires en 2003 en conduite de projet

industriel semble être un support utile dans la résolution de problème de manière simple et

efficace. Nous aurions dû commencer en posant chacun de ces questionnements avant de nous

lancer dans la mise en place de ce projet.

C’est aussi une méthode organisationnelle qui nous permet de résumer pas mal de choses, de

déléguer quand on travaille en groupe et de hiérarchiser en essayant de ne rien oublier.

A défaut d’avoir pensé de mettre en place cette méthode, je présente ci-après la mise en place

de cette matinée et ses résultats sur la base de cette méthode.

Quand ? Où ?

Les mercredis après-midi et les samedis matin, les jeunes sourds en inclusion dans les collèges

ou lycées viennent faire des répétitions avec les enseignants d’ESEDA. D’autres élèves ayant

eu vent de notre intervention sont également venus à l’école pour assister à la conférence. Les

« grands sourds » profitent du samedi matin pour se retrouver et jouer au football ensemble. Il

était donc évident que pour toucher une autre population que celles des élèves d’ESEDA, il

fallait organiser cette matinée le samedi matin.

Avec l’accord de la directrice, le rendez-vous avait été pris le samedi 22 février 2020 de 10h à

12h à l’Ecole ESEDA.

Nous devions tout mettre en place dès 8h00, une fois sur place, nous avons eu la chance d’être

aidées par les élèves pour aménager une classe en salle de conférence et la nettoyer. La

générosité et la volonté sont des qualités premières chez ces élèves.

Comment ?

Nous avions préparé un power point en support qui nous aiderait à présenter :

- La licence professionnelle

- La fédération nationale des sourds de France

- Les clubs sportifs

- Les associations culturelles

En voulant installer tout ceci et organiser la salle : le manque de moyens, de supports techniques

s’est très vite ressenti.

5 https://www.certification-qse.com/methode-qqoqccp/

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Licence professionnelle intervention sociale, langue des signes française. Aix Marseille Université

15 08.05.2020

1- Comment organiser une salle de classe pour accueillir une cinquantaine de personnes ?

et la rendre accessible ?

2- Comment la rendre propre en peu de temps ?

3- Comment la rendre agréable au niveau de la température, sachant qu’il n’y a pas de

climatisation dans une salle de 20 élèves habituellement sous presque 35 degrés de

température ?

4- Comment faire une projection sans mur blancs, sans fenêtre et rideau pouvant empêcher

la lumière d’entrer dans la salle ?

5- Et la liste n’en finissait plus…à quelques heures de la conférence.

En réponse à tout ceci, le grand plan B, le rafistolage, l’aide de la directrice, du gardien,

d’Ibrahim, de Claudia, et une bonne dose d’humour nous a permis de beaucoup

relativiser. Nous étions amenées à revoir nos exigences (déjà basiques) … encore plus à la

baisse. En une heure et demie, nous avons atteint notre objectif d’accueillir et d’effectuer cette

conférence dans une salle accessible.

Qui ? Combien ?

« J’ai remarqué souvent que les gens qui sont en retard sont de bien meilleure humeur que

ceux qui ont dû les attendre », André Roussin

Les grands-sourds ont répondu présents : avec une grosse demi-heure de retard certes, mais ils

sont venus. Cette attente a mis à rude épreuve la patience de mes collègues car elles sont

habituées au respect de la ponctualité. C’est un autre choc culturel pour elles. Le premier choc

est de voir la pauvreté des moyens, car il n’y a pas de réseaux de transports en commun aussi

accessibles qu’en France ; il y a des taxis, certes à moindre coût (moins d’1 euro par trajet) mais

cela représente un budget (repas) pour ceux qui se déplacent. De plus, une distance de moins

de 10 km nous sépare de notre hébergement à l’école (pour laquelle on mettrait moins de 5

minutes en France pour s’y rendre en voiture) ; au Cameroun, au vu de la circulation ou du

détour du taxi qui est partagé, le temps de trajet varie entre 25 à 45 minutes. Tout ceci doit être

pris en compte lorsqu’on invite quelqu’un au Cameroun. Pour moi, la demi-heure de retard est

« acceptable ». Tout dépend du point de vue que l’on prend, en fonction de nos cultures diverses

et variées. Arriver à l’heure pourrait vexer l’hôte. Il faut savoir s’adapter.

Chez nous, ne parle-t-on pas du quart d’heure marseillais dans notre région ?

Alors que le thème de cette conférence n’a même pas été publié ni présenté par une affiche ou

un mailing comme nous avions pris l’habitude de le faire en formation : plus de 40 personnes

se sont déplacées pour écouter 3 inconnues un samedi matin.

Pour moi, c’est une vraie chance et une preuve de confiance que nous donne cette communauté.

Nous avons un message, un échange à faire passer, nous avons pu le faire face à un large public.

Un public majoritairement masculin, qui est arrivé après leur habituel match de football du

samedi. Il y avait également les jeunes en inclusion dans des collèges ou lycées qui viennent

revoir leurs cours avec les professeurs volontaires.

Des élèves d’ESEDA à qui nous avions parlé de cette intervention se sont déplacés ainsi que 6

des 12 professeurs de l’école.

Le budget « rafraîchissements et en-cas » défini en fonction d’une cinquantaine de personnes

livré par le service traiteur est venu clôturer cet après-midi de manière festive et agréable.

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Licence professionnelle intervention sociale, langue des signes française. Aix Marseille Université

16 08.05.2020

Pourquoi ?

Il nous semblait important de pouvoir échanger avec la communauté des sourds de Yaoundé

ayant ou non fréquenté cette école sur ce qui se passe dans leur vie de citoyens. Nous

souhaitions leur présenter une partie de notre formation ainsi qu’une partie de la vie culturelle

de la communauté sourde en France. Cette conférence avait pour objectif premier d’échanger

sur leur vie et faire des ponts si possibles avec notre vie en France. Nous avons évoqué nos

ressemblances ainsi que nos différences ; nous avons tenté de nous donner mutuellement des

exemples, de définir des modèles au sein de la communauté Sourde.

Bilan

La matinée a été très positive, nous n’avons pas vu le temps passer. Il y a eu beaucoup

d’interactions et de moments forts avec :

- Les nombreuses questions sur notre licence professionnelle « intervention sociale,

langue des signes française ». Les sourds étaient stupéfaits et intrigués du fait que les

enseignements soient uniquement en langue des signes et que les cours soient donnés

par des enseignants sourds.

- L’intervention du directeur d’une école pour sourds dans une autre ville du Cameroun,

souhaitait avoir un lien et des informations privilégiés pour accéder à la culture sourde

en France. Il souhaite pouvoir participer aux festivals comme ceux de clin d’œil ou

inviter ces Sourds français en Afrique.

- L’intervention émouvante d’un jeune qui a souhaité nous remercier d’être venues au

Cameroun, d’avoir proposé cet échange et montré une autre vision d’une partie de la

communauté sourde en France et de sa culture.

- L’intervention de la directrice de l’école qui ouvrait la porte de l’école à d’autres projets

que sportifs (football). Elle souhaiterait aider à promouvoir la culture sourde et montrer

que les sourds sont « capables ».

Il y a eu beaucoup d’interrogations, beaucoup de rires et d’expressions corporelles qui voulaient

tant dire. Certaines de ces expressions manifestaient la surprise de savoir ce qui se faisait dans

notre université et dans les associations, mais aussi la tristesse dans certains regards qui pour

moi marquaient l’écart existant entre les droits des sourds occidentaux et ceux des sourds

camerounais.

La matinée s’est terminée par de nombreuses photos et le pot traditionnel « fruits, sandwichs et

rafraîchissements ».

Ce fut une matinée où nous sommes passées par toutes les émotions : peur, colère, déception,

joie, fierté mais qui restera gravée dans nos mémoires.

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17 08.05.2020

Photographie du groupe après le séminaire

Photographie durant le séminaire, intervention de la directrice

Photographie du moment de partage après le séminaire

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18 08.05.2020

LES INTERVENTIONS EN CLASSE

Mise en place des activités et jeux par classes

Cela faisait plusieurs semaines que nous échangions par courriel avec la directrice sur des

activités à faire avec les différentes classes d’ESEDA.

Nous échangions également en classe avec Amélie et Pauline sur les activités à mettre en place,

etc. L’expertise d’intervenants comme M. Piquet, les conseils de Mme Mebtouche ou de M.

Julien ainsi que de nos autres collègues de la formation nous ont aidées à définir des objectifs

simples et réalisables.

La directrice nous a fait confiance et autorisé à organiser un roulement dans les classes afin de

d’animer une activité et d’échanger avec les enfants.

Ayant au préalable contacté une association fabriquant des jeux en LSF en France, cette

dernière nous a généreusement offert des stylos pour tous les enfants de l’école ainsi que le

livre d’Olivier Marchal, post-it et autres en LSF.

La directrice d’ESEDA a convoqué l’ensemble des enseignants pour leur remettre des stylos en

fonction de leurs effectifs. Ces petits stylos ayant la forme de chiffre ou lettre en LSF a été

chaleureusement accueilli par les enfants.

Nous avons entamé notre marathon des classes sur les journées de lundi, mercredi et jeudi.

Sachant qu’il n’y avait pas de matériels récents, nous avions prévu nos ordinateurs ainsi qu’un

vidéo-projeteur acheté d’occasion par mes soins.

« Le système D » à savoir :

- mettre des tissus sombres sur les fenêtres pour tenter de créer une salle de cinéma

- se servir d’une banderole blanche en bâche de l’école pour office d’écran blanc

- récupérer les bancs du secrétariat prévus pour accueillir les familles et s’en servir pour

faire un espace en U lors des séances de vidéos

- se servir des grandes tables de couture pour animer les jeux et faire des roulements.

Fortes de notre première expérience lors de la conférence, nous avons encore utilisé ce

« système D » pour tout mettre en place avant l’arrivée des élèves.

(Photographie prise par Anne Depetris en février 2020)

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19 08.05.2020

Afin d’avoir le plus d’espace, nous avons choisi d’effectuer ces ateliers dans la salle

d’apprentissage de la couture. Une salle qui a deux à trois fois la superficie d’une classe

classique. Nous pouvions ainsi séparer les grands groupes en deux voire trois groupes dans la

même salle et proposer différentes activités.

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20 08.05.2020

Exemple de la journée de lundi : 1er jour des interventions.

HORAIRES CLASSES ET ACTIVITES BILAN

7h30 Arrivée à l’école Réunion des professeurs avec la

directrice qui explique l’objectif de la

journée, les ateliers et la présence

obligatoire des enseignants aux ateliers.

Distribution des stylos.

8h-9h50 Mise en place de la salle de

couture car plus grande

pour accueillir les groupes.

Manque de matériels adéquat pour la

projection donc recherche de système D

avec l’aide des professeurs d’ateliers, du

gardien et de certains élèves.

La pause étant de 10h à 10h30, nous

avons décalé le début de nos ateliers.

10h30_11h00 Maternelle 1

2 vidéos de comptines (la

famille tortue et le moulin ?

Vidéo du chien réalisée par

Hii-een

Nous allons chercher en classe les élèves

en classe. Petit groupe de 9 élèves.

Entendants et sourds dont certains avec

d’autres troubles associés.

Ils ont tous participés avec curiosité. Les

enfants sourds ont montré une aisance

accrue avec les supports visuels en

participant activement.

11h15-11h45 Maternelle 2

2 vidéos de comptines (la

famille tortue et le moulin)

Vidéo du chien réalisée par

Hii-een

Idem

11h45 à 12h45 Rangement de la salle, récupérons les ordinateurs et le rétro projeteur

avec nous car la salle reste ouverte. Un repas rapide et un bilan de la

matinée pour réajuster nos interventions. Installation à nouveau de la

salle et du matériel avant l’intervention suivante.

13h00-13h30 2ème année groupe 1 :

(9personnes)

Vidéos comptines de noël

Vidéos ombres chinoises

Vidéo du chien réalisée par

Hii-een

Il y a 18 élèves dans cette classe, nous

décidons d’aller chercher la moitié de la

classe durant la première demi-heure puis

d’inverser.

Nous avons essayé d’adapter les supports

dans cette classe, car ils sont plus âgés

que la précédente. Nous questionnons sur

la compréhension de l’histoire. Nous

imitons les ombres chinoises sur les

animaux en leur faisant le faire eux-

mêmes.

Page 22: RAPPORT DE STAGE ESEDA

Licence professionnelle intervention sociale, langue des signes française. Aix Marseille Université

21 08.05.2020

13h30-14h00 2ème année groupe 2

(9personnes)

Vidéos comptines de noël

Vidéos ombres chinoises

Vidéo du chien réalisée par

Hii-een

Idem

Ce groupe est moins captivé par les

comptines de noël alors nous décidons de

changer de support sur la classe suivante.

14h00-14h30 3ème année groupe 1 (9

personnes)

Vidéo Vice versa chant de

noël

Vidéo lutin de noël

Vidéo du chien réalisée par

Hii-een

Nous avons également divisé la classe en

deux.

La vidéo de vice versa a permis d’éveiller

la curiosité et a vidéo lutin de noël a

suscité des interactions.

Un combiné intéressant, un duo qui a

bien fonctionné.

14h30-15h00 3ème année groupe 2

(9personnes)

Vidéo Vice versa chant de

noël

Vidéo lutin de noël

Vidéo du chien réalisée par

Hii-een

Vidéo émoticônes

Idem.

Le temps d’échange a dû être réduit car il

y avait d’autres informations à donner

aux élèves par l’enseignante. Néanmoins

ils ont vraiment apprécié la vidéo du

chien réalisée par Hii-een qu’ils miment

eux aussi

Les différentes classes ont globalement apprécié les activités proposées car ces dernières ont

été préalablement réfléchies et adaptées à leur âge mais surtout à leur niveau de langue des

signes

La vidéo de Hii-een a eu un succès unanime. Quel que soit l’âge, les élèves ont tous été

intéressés par cette vidéo. Nous n’avons jamais eu besoin d’intervenir sur celle-ci, hormis à la

fin pour vérifier la compréhension. Les élèves en grande majorité imitaient instinctivement les

gestes effectués dans cette vidéo, se prenaient au jeu et étaient hilares.

Entre chaque intervention, Amélie, Pauline et moi avions pris l’habitude de faire un petit bilan

sur ce qui a fonctionné et d’adapter ou remplacer les activités n’ayant pas eu la réaction

attendue. Nous échangions aussi nos rôles en fonction des envies personnelles, de la motivation

mais aussi de l’état physique. C’était vraiment un marathon qui demandait beaucoup

d’investissement et d’énergie, car les enfants étaient très demandeurs et il ne fallait pas les

décevoir sur ce laps de temps.

Page 23: RAPPORT DE STAGE ESEDA

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22 08.05.2020

Le programme proposé aux classes de 6ème, 7ème et 8ème année a évolué. Nous y avons ajouté

certains supports tirés de la journée de la conférence, mais aussi des jeux qui nous ont été

gracieusement offerts.

Pour rappel, lors du festival Mistigri organisé à la Cité du Livre d’Aix-en-Provence (en octobre

2019, voir https://aixls.hypotheses.org/6-actualites/actualites-2019-2020), nous avions eu la

chance d’utiliser les jeux de Land’mains6 pour animer notre stand. Les jeux ont eu beaucoup de

succès auprès du public d’enfants venu lors de ce festival.

Il était évident que ces supports seraient les mieux adaptés pour apprendre la langue des signes

française de manière ludique auprès des élèves d’ESEDA.

J’avais donc contacté cette association qui a eu la gentillesse de nous proposer un partenariat

exceptionnel dans le cadre de ce stage. Nous avons pu faire profiter aux enfants des jeux

suivants : Mes Mots Signes- Je m’exprime, Mon petit panier gourmand et Panique au zoo. A

cela se ont rajoutés des surprises sous formes de cadeaux offerts par des Mots pour deux Mains.

Images des différents jeux venant du site Land’mains

Photographies des enfants découvrant les jeux

6 https://www.landmains.fr

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Licence professionnelle intervention sociale, langue des signes française. Aix Marseille Université

23 08.05.2020

Photographie des enfants portant les maillots offerts

Les professeurs ont participé à ces ateliers. Même réticents au départ, ils ont pour la très grande

majorité finit par trouver cela très instructif et apprécier de voir leurs élèves sous un tout autre

angle. C’est un apprentissage sous une approche ludique et cela semble porter ses fruits au

niveau des acquis, de la mémoire et du plaisir d’apprendre.

A la fin de ces ateliers, les élèves étaient toujours demandeurs, ils ne souhaitaient pas arrêter

ces ateliers : ils avaient soif d’apprendre.

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24 08.05.2020

BILANS ET PERSPECTIVES

La conférence : si seulement …

Si seulement tout ceci pouvait faire émerger leur « réveil sourd ».

Si seulement les adolescents qui étaient présents en gardaient un souvenir qui attiserait une

« révolution », un militantisme pour se battre pour une meilleure prise en compte et prise en

charge de leur éducation, de leurs droits de citoyens.

Si seulement cela leur servait de modèles, le modèle dont tout être a besoin pour se construire

s’identifier et grandir ?

La semaine avec les classes

« Diminuer le nombre des ténébreux, augmenter le nombre des lumineux, voilà le but », Victor Hugo

Un succès complet.

Des enfants avec qui on avait rencontré des difficultés en termes de communication, de

concentration durant la semaine précédente ont finalement tous participé à ces moments.

Ils ont soit imité les vidéos soit posé des questions. Ils n’ont cessé de nous demander de leur

montrer des signes de la langue des signes française et ils nous montraient l’équivalent en

langue des signes camerounaise.

Une enseignante nous a avoué n’avoir jamais eu de réaction d’un enfant considéré comme

autiste. Celui-ci a participé pleinement, à sa façon, en se levant, en allant vers le tableau

projecteur, en signant les signes demandés.

Les plus grands raffolaient des jeux, il a été convenu qu’à chaque fois qu’ils le désireraient et

que leur emploi du temps le permettrait : les enseignants iraient emprunter ces jeux au bureau

de la directrice pour s’en servir.

Les enseignants semblaient être sincères pour poursuivre ce travail.

Le bilan avec la directrice

Lors du dernier jour de stage, Amélie, Pauline, la directrice de l’école et moi avons pris un long

moment pour faire le bilan sur nos observations ainsi que nos actions durant ces semaines.

Nous avons énuméré les difficultés rencontrées par les enseignants dans les salles de classes

parfois surchargées. Des classes où les élèves ont des âges différents et n’ont pas le même

niveau. Certains sont ou non, avec ou non des troubles associés. Dans tous les cas, il est difficile

de donner le meilleur de son enseignement dans ce type de conditions.

Nous avons aussi remarqué la violence qu’engendrait parfois ce type de situation. Une violence

soit verbale ou physique, à l’intérieur mais aussi à l’extérieur des classes. Les châtiments

corporels répréhensibles ou non face à la loi camerounaise (deux discours s’affrontent là-

dessus) restent à bannir car, ils sont ancrés, présents et surtout culturels. L’enseignant se

retrouve seul et démuni face à une vingtaine d’élèves qui n’ont au départ rien à faire ensemble.

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En l’absence de moyens et face à cette impuissance, certains enseignants n’ont peut-être trouvé

que ce biais pour avoir de la discipline et de l’ordre dans leur classe ? Est-ce lié à des mœurs ?

Est-ce une « fatalité » ?

Malheureusement, cette violence engendre aussi la violence entre les élèves dans la cour. à de

nombreuses reprises, nous avons pu le constater en classe, en récréation, dans les jeux, etc. Les

élèves pensent que c’est la seule façon de communiquer, de se faire respecter. Néanmoins, en

notre présence, certains élèves se sont retenus d’avoir des gestes violents envers leurs pairs :

une petite victoire.

Concernant les salles de classe et leurs dispositions : l’appropriation de l’espace en classe est

difficile. Les bancs sont inconfortables, nous n’y sommes restés que quelques heures durant ces

deux semaines et cela a été intenable. Je suis pourtant petite mais je n’ai pas pu y rester

convenablement durant les heures de cours. Nous avons eu un aperçu très brief de ce que les

élèves vivent durant des années. Il leur est difficile pour ne pas dire impossible d’être à l’écoute

ou se concentrer quand on est mal installé. Comment avoir une écoute active ou participer

pleinement aux cours quand on manque d’un minimum de confort physique mais aussi visuel ?

Les classes ne sont pas en U, il est difficile de pouvoir échanger aisément avec l’enseignant et

voir les signes des autres élèves.

Photographies : A gauche, la disposition classique de la classe, à droite notre aménagement

d’une classe.

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Le corps enseignant regorge d’ingéniosité et essaie malgré tout de rendre plus visuel les cours

avec les moyens à leur disposition : les photocopies (certes limitées), les dessins, les craies de

couleurs pour différencier des notions importantes. Cependant certains codes couleurs ne sont

pas forcément adaptés au message à faire passer et peuvent prêter à confusion : toujours se

servir du vert quand c’est la bonne réponse et non du rouge, par exemple.

Les supports visuels via les jeux que nous avons apportés ont permis à la directrice d’essayer

d’imaginer d’autres images spécifiques aux produits typiquement camerounais comme les

fruits, les légumes et les animaux, les moyens de transports propres au pays. Grâce à la réaction

des enfants, il y a eu un engouement pour vouloir fabriquer immédiatement le même type de

support visuel pour l’éducation d’un enfant sourd.

Pauline a proposé de conceptualiser un triangle favorisant l’apprentissage de l’enfant :

Mot : CHIEN

Image Chien Signe Chien

Cette précision est née d’un constat que nous avons remarqué, Amélie, Pauline et moi,

concernant certains signes. Par exemple, la phrase [BONJOUR, CA VA BIEN] est souvent

signée automatiquement sans que les enfants en aient réellement saisi le sens. Le triangle de

Pauline ici résume bien notre envie de donner du sens aux signes utilisés mais aussi de faire du

lien avec le français.

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Licence professionnelle intervention sociale, langue des signes française. Aix Marseille Université

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Notre propre bilan

Le chemin en matière d’accessibilité dans les écoles spécialisées est encore long, malgré les

difficultés énoncées, les efforts sont bien présents

A cela s’ajoute le fait que le pays est bilingue français-anglais. Tous les enfants doivent

s’exprimer dans ces deux langues.

Qu’en est-il de leur langue des signes naturelle ?

Et quand celle-ci est prise en compte, quelle place aura la langue des signes camerounaise ?

N’est-elle pas est délaissée dans les écoles au profit de la langue des signes française et de

l’American sign language qui se mélangent dans les échanges ?

Comment se construire, comment construire une identité sourde dans ces conditions ? Quels

choix faut-il faire pour l’éducation des enfants sourds du Cameroun ?

Photographie de la visite du parc de la Mefou7 : préservation de gorilles et autres singes du

Cameroun. L’arbre est nommé Kossipo Atom Assie ou Sapelli tricentenaire ; il mesure plus de

9 mètres de diamètre avec 85 mètres de hauteur, il aurait plus de 1000 ans.

7 https://www.apeactionafrica.org/

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28 08.05.2020

Recommandations

« Rien n’est permanent sauf le changement », Ghandi.

Il n’est pas aisé de changer un fonctionnement laissé en héritage. Il n’est pas non plus facile de

modifier des mœurs ou changer des pratiques et des méthodes acquises par une équipe éducative

parfois présente sur le site depuis une trentaine d’années.

Néanmoins, la volonté de la directrice et des enseignants à faire évoluer leur pratique est

palpable. Grâce à mon bagage personnel et mon expertise en licence professionnelle

« intervention sociale, langue des signes » je propose les quelques pistes de réflexion suivante

1/ Au niveau du centre de préparation parentale : l’accueil des parents pourrait prendre une

place plus importante. L’objectif serait de parler avec eux de leur situation familiale,

comprendre comment leur foyer vit cette différence, leur entourage et voisinage. C’est

important, car culturellement, les enfants ne reçoivent pas seulement une éducation provenant

de la famille proche. Les grands-parents qui ne vivent généralement pas loin, les tantes, les

oncles, les cousins, les cousines, les voisins ou amis proches participent quotidiennement à

l’éducation des enfants. Un proverbe africain résume bien cet exemple : « pour qu’un enfant

grandisse, il faut tout un village ».

Il est donc important de recueillir leur ressenti et celui de l’enfant (s’il peut déjà s’exprimer)

pour armer les parents à vivre pleinement leur parentalité. Les parents doivent ressentir en

l’école un soutien, un lieu sécurisé où ils peuvent s’exprimer sans jugement. Des outils sur la

parentalité/l’éducation positive8 existent. Il s’agit de mettre en place quelques règles, comme

une sorte de code de déontologie à appliquer à la maison comme à l’école. J’ai retenu un support

de 10 conseils vers lesquels tendre, ils sont détaillés en annexe sur la parentalité positive.

Par ailleurs, peut-être que quelques cours de langue des signes favoriseraient la communication

entre l’enfant sourd et les proches. Voici un lien permettant d’apprendre la langue des signes

française :

https://cursus.edu/ressources/19038/des-sites-gratuits-pour-apprendre-la-langue-des-signes-

francaise

et un témoignage impressionnant d’un jeune sourd, ne connaissant pas la langue des signes

(Patrick speaks, 2014) :

https://www.facebook.com/video.php?v=10152361633422330&set=vb.273250047329&type

=2&theater

8 La définition du Conseil de l'Europe sur la “Parentalité positive” se réfère à un comportement parental fondé sur l'intérêt supérieur de

l'enfant, qui vise à l'élever et à le responsabiliser, qui est non violent et lui fournit reconnaissance et assistance, en établissant un ensemble de repères favorisant son plein développement. L’éducation positive est généralement définie comme une méthode d’éducation alternative. Les formes de violences qualifiées d’abusives ou inutiles sont à bannir : cela, au profit de la bienveillance. L’enfant est un individu à part entière quel que soit son âge, il a le droit d’évoluer et de s’exprimer tel qu’il est. L’adulte ou le parent joue un rôle d’accompagnateur et de guide, l’enfant pourra compter sur ses conseils.

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29 08.05.2020

2/ Les classes multi-âges présentes au sein de l’école peuvent aussi être un atout. La pédagogie

montessorienne9 a montré que le travail côte-à-côte permet aux plus petits d’observer les plus

grands et apprendre d’eux. En les observant uniquement, ils intègrent inconsciemment les

éléments d’apprentissage et l’utilisation des outils comme le stylo, le cahier, la craie, etc. Pour

les plus grands, c’est également bénéfique pour eux, car ils sont des modèles et gagnent ainsi

confiance en eux. De petites tâches et responsabilités toujours sous la direction de l’enseignante

peuvent leur être attribué comme chargé d’écrire la date, d’accompagner un plus jeune aux

toilettes, de faire un résumé de ce qui a été vu la veille ou de distribuer le matériel et superviser

le rangement collectif de celui-ci. Bien évidemment, les enfants les plus âgées doivent montrer

le bon exemple, c’est-à-dire ne pas se moquer, être polis, ne pas taper et rappeler les règles à

chaque fois, car les plus jeunes vont inconsciemment les imiter et assimiler ces règles. Chaque

enfant peut y trouver son compte, des plus grands aux plus petits, des enfants présentant des

troubles d’apprentissages. Le rythme de chacun doit être respecté et pris en compte. Les enfants

apprendront à se respecter entre eux et se respecter eux-mêmes. Ce qui pourrait

remarquablement changer l’ambiance de la classe qui serait plus harmonieuse, avec une vraie

cohésion de groupe. Cela réduirait considérablement les châtiments corporels.

3/ Des supports d’apprentissages10 existent et sont mis en ligne par des professeurs de/en

LSF. Ils ont donc pour ainsi dire fait leurs preuves auprès d’enfants sourds. Ils sont accessibles

et gratuits et peuvent être adaptés à la culture camerounaise. Pour cela, des enseignants

pourraient se filmer en modifiant des termes propres à la LSF en les remplaçant par du

vocabulaire iconographique propre à la langue des signes camerounaise11.

4/ Proposer des modèles. Selon le docteur Maria Montessori, l’enfant a besoin d’un modèle

vers qui se référer, s’identifier, pour se construire. Au sein de l’école – à travers des enseignants

sourds signeurs ayant des rôles importants dans leur éducation ou des places reconnues – au

sein de l’administration de l’école, la présence de modèles permettra aux enfants sourds de se

projeter dans différents métiers. Il s’agit aussi de donner des exemples en dehors de l’école et

à travers des témoignages ou des exposés de certaines personnalités issues de la communauté

sourde au Cameroun ou à l’étranger. Je pense tout particulièrement à Madame Catherine

Zlatkovic, la première femme, noire, sourde, originaire du Cameroun qui remporte le prix

Gisèle Halimi avec un discours poignant en langue des signes française sur les violences faites

aux femmes en 2019. Voici quelques exemples de « modèles » :

https://www.youtube.com/watch?v=i1D1T5LJWEs : la vidéo du discours de Madame

Catherine Zlatkovic.

https://www.youtube.com/watch?v=8KvDJtm6LwI : à la télévision, deux jeunes acteurs sourds

Winona Guyon et Lucas Wild, dans la saison 5 de la série SKAM, en France, qui aborde le

handicap et plus précisément la surdité.

http://www.fondationprincessecharlene.mc/fr/ambassadeurs-conseillers/terence-parkin : un

sportif sud-africain sourd qui est non seulement le plus titré des deaflympics, mais il a aussi eu

d’autres médailles dont une en argent aux jeux olympiques de Sydney en 2000.

9 « La pédagogie montessorienne » est née du travail de la première femme médecin en Italie : le docteur Maria Montessori (1870-1952).

Son expérience et ses observations lui permettent de dénoncer l’erreur pédagogique à ne faire appel chez l’enfant qu’à deux ordres de perceptions auditives et visuelles au lieu de mettre à profit toutes les possibilités de la période sensori-motrice du développement. Pour elle, le développement de l’être humain est lié au sens, il lui faut donc de la stimulation et l’apprentissage par les sens. « L’instrument d’expression de l’intelligence humaine » ou « l’organe de l’esprit » est la Main. 10 https://sites.google.com/view/mestresors/l1/cycle-1 et http://www.inshea.fr/fr/surdite/accueil-surdit%C3%A9. 11 https://aixls.hypotheses.org/5-travaux/creations par Pauline Wierzbicki (à paraître).

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30 08.05.2020

https://www.facebook.com/Surdism : l’artiste Arnaud Ballard qui a créé le Drapeau Sourd

Mais aussi des modèles comédiens, historiens, linguistes, chansigneurs, scientifiques,

infirmiers etc., il suffit de chercher sur Internet pour montrer la diversité des modèles.

Bien entendu, des solutions toutes faites n’existent pas. Comme le dit l’adage « Rome ne s’est

pas faite en un jour ». Il faudra du temps pour que la mécanique se mette en place et que les

résultats soient visibles. C’est avec de la persévérance que l’on réalise les plus grandes œuvres

et celle-ci est à mon avis fondamentale.

***

« Le secret pour réussir dans l’enseignement réside dans le fait de considérer l’intelligence

de l’enfant comme un champ fertile où jeter des graines pour qu’elles germent sous le soleil

de l’imagination », Maria Montessori (1948/2003). Eduquer le potentiel humain, page 28.

« La différence entre le possible et l’impossible se trouve dans la détermination », Ghandi.

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31 08.05.2020

Conclusion

Mon cœur a toujours balancé entre l’excitation de faire ce stage et la crainte d’être déçue par la

réalité sur place. Cela a commencé par la lenteur de l’administration pour la validation de ce

stage ainsi que les démarches de demandes de visas. Je ne regrette absolument pas de l’avoir

effectué pour diverses raisons.

Même si j’ai effectué ce stage durant les vacances universitaires, les événements actuels m’ont

donné raison sur mon obstination. J’ai pu profiter de cette chance inouïe d’effectuer un stage

dans un établissement scolaire auprès des élèves et des enseignants.

J’ai eu la chance de pouvoir proposer et de mettre en place des ateliers avec mes deux collègues

de la promotion.

Les élèves ont pu profiter de ces apports, mais ils ont aussi pu voir différents modèles. Non plus

des modèles qui changent des éducateurs spécialisés entendants qui viennent de France qu’ils

ont l’habitude de côtoyer. Les enseignants stagiaires des écoles avoisinantes qui se forment

dans leurs classes. Mais des modèles d’étudiantes sourdes, appareillés ou non, entendantes-

signeuses autour de la langue des signes française.

Cette expérience n’a pas seulement apporté à mes camarades une expérience africaine hors pair,

mais aussi pour les personnes qu’elles ont pu rencontrer un nouveau regard sur la surdité.

La machine gouvernementale et éducative au Cameroun est difficile à mouvoir, mais j’ai été

très fière de voir les efforts au quotidien de tout un chacun qui me font croire en un avenir

meilleur. Qui sait un réveil des sourds au Cameroun ?

Je sais que je participerai à mon échelle à ce réveil, je ne sais pas encore comment, mais ce

voyage et ce stage ont regonflé les sillons du cordon qui m’ont toujours reliée à la langue des

signes et à la communauté sourde.

***

Des décennies plus tard, je reviens sur les traces de Jessy, son école, sa surdité, son monde. Un

monde qui fait partie du mien. Enfant, je me battais pour qu’un pont existe entre tous les enfants

sans savoir que je me battais. Aujourd’hui, adulte et moi-même mère de famille, je me battrai

pour qu’un pont existe entre le monde des sourds et le monde des entendants.

J’espère un jour pouvoir revoir Jessy et échanger avec lui dans la langue qu’il aura choisie.

Peut-être pourrais-je partager avec lui ce combat d’accessibilité dans l’éducation des enfants

sourds. Comme le disait Victor Hugo « C'est pourquoi nous crions : enseignement ! science !

Apprendre à lire, c'est allumer du feu ; toute syllabe épelée étincelle. »

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Licence professionnelle intervention sociale, langue des signes française. Aix Marseille Université

32 08.05.2020

Références et indications sitographiques

– https://aixls.hypotheses.org/5-travaux/creations

– https://www.apeactionafrica.org/

– https://www.certification-qse.com/methode-qqoqccp/

– https://www.coe.int/t/dc/files/ministerial_conferences/2009_family_affairs/Positive_Parenting_fr.pdf

– https://feppda.wordpress.com/objectifs/

– http://www.inshea.fr/fr/surdite/accueil-surdit%C3%A9

– https://sites.google.com/view/mestresors/l1/cycle-1

– https://www.landmains.fr/

Cours en licence professionnelle intervention sociale, langue des signes française 2019-2020

– Licence Professionnelle « éducation, pédagogie et didactique de la langue des signes /

accompagnement », Mélanie Hamm, 2019-2020

o qu’est-ce qu’écrire?

o l’école et le français chez les sourds

o qu’est-ce qui fait un «bon enseignant»

– Le bilinguisme

Sources des citations

– https://citaction.fr/difference-entre-possible-limpossible-se-trouve-determination/

– https://dicocitations.lemonde.fr/recherche.php

– https://www.ibibliotheque.fr/les-miserables-victor-hugo-hug_miserables/lecture-integrale/page716

– http://www.1001-citations.com/themes/citations-temps/

– https://www.mon-poeme.fr/les-plus-beaux-proverbes-africains/

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Licence professionnelle intervention sociale, langue des signes française. Aix Marseille Université

33 08.05.2020

Annexes

PROSPECTUS ESEDA

POWER POINT CONFERENCE FEVRIER 2020

SUPPORTS VIDEOS POUR LES INTERVENTION EN CLASSE

PARENTALITE POSITIVE

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Licence professionnelle intervention sociale, langue des signes française. Aix Marseille Université

34 08.05.2020

Parentalité positive tiré du site https://decouvrir-montessori.com/conseils-parentalite-positive-

bienveillante/ consulté le 14 avril 2020

1 – L’amour au centre de tout

Quoi que l’enfant fasse, votre amour pour lui reste intact, et même si vous le savez, il est

important que votre enfant s’en rende compte. L’une des choses primordiales qu’a besoin

l’enfant est qu’il se sente aimé.

2 – Être un modèle

Il existe une phrase populaire connue : « Faites ce que je dis mais pas ce que je fais ». L’adulte

doit être un modèle pour l’enfant en lui donnant le bon exemple à suivre. Comment

pouvons-nous attendre quelque chose d’un enfant que nous n’appliquons pas nous-mêmes ?

3 – Avoir un comportement bienveillant

Être respectueux dans ses gestes, sa voix et ses paroles est être bienveillant. Préférez donc

le dialogue à l’énervement et montrez à l’enfant que l’on peut gérer les conflits relationnels

en adoptant une attitude bienveillante. Sinon, l’enfant pourrait reproduire un mode

relationnel dangereux pour ses relations futures ainsi que pour lui-même.

4 – Ne pas critiquer et dévaloriser l’enfant

Certaines de nos phrases peuvent cacher quelques mots bien lourds de sens pour un enfant, qui

se sentira tout de suite critiqué, mis dans une case et donc, dévalorisé. Si nous critiquons sans

cesse l’enfant, il pourra lui-même adopter ce comportement et juger très (trop) vite les autres.

L’estime de soi est très importante !

5 – Encouragez l’enfant et faites-lui confiance

Afin d’adopter un comportant bienveillant, il faut mettre en avant ce qu’il y a de positif chez

l’enfant : valorisez-le, encouragez-le. Chaque enfant a en lui un potentiel infini, et même si

vous en avez déjà conscience, il faut également que l’enfant en prenne conscience, grâce au

comportement que vous aurez envers lui. Petit à petit, l’enfant apprendra à croire en lui, à avoir

confiance en lui afin qu’il puisse toujours aller de l’avant et surmonter les épreuves qui arrivent

sur son chemin.

6 – Ne pas dire de mal de votre enfant

Evitez de parler de votre enfant de manière négative en sa présence. L’enfant comprend et

ressent toutes les choses dévalorisantes, blessantes et donc négatives.

7 – Accueillir et accepter l’opinion de l’enfant

Chaque personne est unique, et votre enfant l’est tout autant. Chaque enfant a également le

droit d’avoir ses propres opinions, et il est important de les accueillir et les accepter, que nous

les partagions, ou non.

8 – L’enfant a le droit à l’erreur et à l’échec

Tout le monde peut faire des erreurs, c’est humain. L’important est de montrer à l’enfant

qu’il pourra réparer son erreur, et cela fera naître en lui un sentiment de grande responsabilité.

Concernant l’échec, il est important que nous adoptions une attitude positive envers l’enfant,

en lui donnant des paroles d’encouragement et en lui disant qu’il a tout son temps pour y

arriver.

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9 – « Aide moi à faire seul »

Il est important d’être disponible pour votre enfant. Si vous lui répondez tout le temps que

vous n’avez pas le temps, il pensera qu’il a peu d’intérêt à vos yeux. S’il vous demande de

l’aide, vous pouvez tout à fait lui apporter, mais sans faire le travail à sa place. Vous le

guiderez, tout simplement.

10 – Savoir se remettre en question

Comme nous le disions ci-dessus, le parent parfait n’existe pas, mais pour avancer sur le chemin

de la parentalité positive, il est important de se remettre en question de temps en temps, afin de

prendre du recul sur notre comportement envers l’enfant et sur la qualité relationnelle de

nos liens.

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Licence professionnelle intervention sociale, langue des signes française. Aix Marseille Université

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Table des matières

Remerciements …. ................................................................................................................................................... 1

La recherche de stage .............................................................................................................................................. 2

Pourquoi ESEDA ? ..................................................................................................................................................... 3

Il était une fois …. ................................................................................................................................................. 3

Son Histoire .......................................................................................................................................................... 3

La demande de stage a ESEDA ............................................................................................................................. 4

Présentation de l’école ........................................................................................................................................ 5

La Fondation Hélène RESSICAUD pour l’Education et la Promotion des Personnes Déficientes

Auditives », en abrégé FEPPDA ...................................................................................................................... 5

L’ESEDA ......................................................................................................................................................... 7

Phase 1 : Observation du 13 décembre 2019 au 11 janvier 2020.......................................................................... 10

ETAT DES LIEUX .................................................................................................................................................. 10

Bilan et fixation des objectifs ............................................................................................................................. 10

Phase 2 : Mise en pratique ..................................................................................................................................... 12

La conférence : une série de chocs culturels ..................................................................................................... 12

Préparatifs de la conférence : une journée pas comme les autres ................................................................... 12

Du stress et un premier choc culturel ............................................................................................................ 13

Le Jour J : Deuxième choc culturel où comment penser au QQOQCCP ....................................................... 14

Les interventions en classe ................................................................................................................................ 18

Mise en place des activités et jeux par classes ............................................................................................... 18

Exemple de la journée de lundi : 1er jour des interventions. .......................................................................... 20

Bilans et perspectives ......................................................................................................................................... 24

Recommandations ................................................................................................................................................. 28

Conclusion .............................................................................................................................................................. 31

Références et indications sitographie .................................................................................................................... 32

Annexes .................................................................................................................................................................. 33

Prospectus ESEDA .............................................................................................................................................. 33

Power point conférence Février 2020 ................................................................................................................ 33

Supports vidéos pour les intervention en classe ................................................................................................ 33

Parentalité positive ............................................................................................................................................ 33