quel lien peut exister entre la morphologie des bassins...

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1 LA HOUILLE BLANCHE/N° 2-2010 Utilisation de l’imagerie satellite pour l’étude de l’eau dans le sol DOI 10.1051/lhb:2010025 Quel lien peut exister entre la morphologie des bassins versants tropicaux (de Guyane) et leur hydrologie ? Morphologic description of french Guiana watersheds by SAR data for hydrologic modeling MARC LOINTIER Secrétaire CNFSH, Obrechtstraat, 58, 2517VV Den Haag Pays-Bas. [email protected] JOHAN LESCOT, GUILLAUME PIN, Master IRD, US140, Maison de la Télédétection CÉDRIC GAUCHEREL INRA, UMR AMAP TA A.51/PS2 34390 Montpellier cedex 5. [email protected] L a caractérisation morphologique du bassin versant demeure un élément indispensable à la compréhension des mécanismes d’écoulement, d’autant plus importante en milieu Amazonien où ceux-ci sont difficiles à étudier du fait de l’inaccessibilité au terrain et des coûts logistiques. Depuis 1991, les couvertures radar (ERS1, JERS1 ) ont permis de réaliser des mosaïques « tout temps », couvant l’ensemble de ces grands bassins recouverts de forêt primaire. Depuis 1955, la Guyane dispose, par ailleurs, d’un réseau d’observations hydrologi- ques qui a été utilisépour connaître les écoulements, et de faire les premiers bilans et des hypothèses sur le fonc- tionnement de ces grands bassins. L’objectif de ce travail était de savoir d’une part, si une information radar (type ERS1) qui, « a priori », rend compte, dans ces milieux à couverture homogène, d’une certaine information sur le relief (principe de la radarcli- nométrie), peut-être utilisée pour classer les bassins Guyanais en fonction de leurs caractéristiques morphologi- ques, et d’autre part, de confronter ces résultats aux séries de débits et leurs indicateurs dérivés afin d’en observer d’éventuelles corrélations précisant le rôle de chaque entité morphologique cartographiée sur le bassin. Les résultats montrent des corrélations fortes (positives ou négatives) ou absentes entre les indicateurs hydrolo- giques et ces entités morphologiques : par exemple, le fameux relief en « peau d’orange » semble jouer un rôle important dans certains comportements hydrologiques du bassin. Par ailleurs, l’augmentation des surfaces en plai- nes inondables contribueraient à diminuer l’hydraulicité. T he morphological characterization of the watershed remains an essential element to understand the mecha- nisms of flow, specialy in Amazonien rain forest where ground truth is difficult with the inaccessibility and high logistic costs. Since 1991, the radar (ERS1, JERS1) allowed to process mosaics, brooding the whole of these large watersheds. Since 1955, French Guiana, have an hydrological network which made it possible to know the flows, and to make assessments on theses large watersheds. The aim of this work was in first, to know if the radar data could returns an information, and if these information is linked to the relief (ie. radarclinometry), and can be used to classify the basins according to their morphological characteristics. And then to confront these results with the series of flows and their derivates in order to observe possible correlations with the relief. The results show strong correlations (positive or negative) or none, between the hydrological indicators and these mor- phological class : for example, the famous relief in “orange skin” seems to be involved in certain aspects of hydraulics of the watershed. On the other hand, the increase in surfaces in flooded plains would decrease hydraulicity. I n INTRODUCTION La plupart des études sur la rétrodiffusion du couvert fores- tier ont été menées sur des forêts de conifères, peu de tra- vaux ont concerné les forêts tropicales, dont la complexité architecturale et la biomasse sont très différentes des forêts de tempérées. Notre travail repose sur l’hypothèse que le couvert forestier est dense et très homogène (Varekamp & Hoekman 2002) avec des conditions d’humidité peu variables pendant l’acquisition des données (quelques secondes sur une

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1 LA HOUILLE BLANCHE/N° 2-2010

Utilisation de l’imagerie satellite pour l’étude de l’eau dans le solDOI 10.1051/lhb:2010025

Quel lien peut exister entre la morphologie des bassins versants tropicaux (de Guyane) et leur hydrologie ?

Morphologic description of french Guiana watersheds by SAR data for hydrologic modeling

Marc LointierSecrétaire CNFSH, Obrechtstraat, 58, 2517VV Den Haag Pays-Bas. [email protected]

Johan Lescot, GuiLLauMe Pin,Master IRD, US140, Maison de la Télédétection

cédric GauchereLINRA, UMR AMAP TA A.51/PS2 34390 Montpellier cedex 5. [email protected]

L a caractérisation morphologique du bassin versant demeure un élément indispensable à la compréhension des mécanismes d’écoulement, d’autant plus importante en milieu Amazonien où ceux-ci sont difficiles à étudier du fait de l’inaccessibilité au terrain et des coûts logistiques. Depuis 1991, les couvertures radar

(ERS1, JERS1 ) ont permis de réaliser des mosaïques « tout temps », couvant l’ensemble de ces grands bassins recouverts de forêt primaire. Depuis 1955, la Guyane dispose, par ailleurs, d’un réseau d’observations hydrologi-ques qui a été utilisépour connaître les écoulements, et de faire les premiers bilans et des hypothèses sur le fonc-tionnement de ces grands bassins.L’objectif de ce travail était de savoir d’une part, si une information radar (type ERS1) qui, « a priori », rend compte, dans ces milieux à couverture homogène, d’une certaine information sur le relief (principe de la radarcli-nométrie), peut-être utilisée pour classer les bassins Guyanais en fonction de leurs caractéristiques morphologi-ques, et d’autre part, de confronter ces résultats aux séries de débits et leurs indicateurs dérivés afin d’en observer d’éventuelles corrélations précisant le rôle de chaque entité morphologique cartographiée sur le bassin.Les résultats montrent des corrélations fortes (positives ou négatives) ou absentes entre les indicateurs hydrolo-giques et ces entités morphologiques : par exemple, le fameux relief en « peau d’orange » semble jouer un rôle important dans certains comportements hydrologiques du bassin. Par ailleurs, l’augmentation des surfaces en plai-nes inondables contribueraient à diminuer l’hydraulicité.

T he morphological characterization of the watershed remains an essential element to understand the mecha-nisms of flow, specialy in Amazonien rain forest where ground truth is difficult with the inaccessibility and high logistic costs. Since 1991, the radar (ERS1, JERS1) allowed to process mosaics, brooding the whole of

these large watersheds. Since 1955, French Guiana, have an hydrological network which made it possible to know the flows, and to make assessments on theses large watersheds.The aim of this work was in first, to know if the radar data could returns an information, and if these information is linked to the relief (ie. radarclinometry), and can be used to classify the basins according to their morphological characteristics. And then to confront these results with the series of flows and their derivates in order to observe possible correlations with the relief.The results show strong correlations (positive or negative) or none, between the hydrological indicators and these mor-phological class : for example, the famous relief in “orange skin” seems to be involved in certain aspects of hydraulics of the watershed. On the other hand, the increase in surfaces in flooded plains would decrease hydraulicity.

i n introduction

La plupart des études sur la rétrodiffusion du couvert fores-tier ont été menées sur des forêts de conifères, peu de tra-vaux ont concerné les forêts tropicales, dont la complexité

architecturale et la biomasse sont très différentes des forêts de tempérées. Notre travail repose sur l’hypothèse que le couvert forestier est dense et très homogène (Varekamp & Hoekman 2002) avec des conditions d’humidité peu variables pendant l’acquisition des données (quelques secondes sur une

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Utilisation de l’imagerie satellite pour l’étude de l’eau dans le sol

trace) et donc que la rétrodiffusion rend compte d’un couple rugosité/humidité assez homogène. Par ailleurs, le couvert respecte une condition de continuité des surfaces : le relief du bouclier Guyanais est peu marqué (altitudes moyennes entre 100 et 300 m) et la distorsion géométrique de l’image radar est faible ou nulle (par rapport aux problèmes classi-ques résultant d’un fort relief : compression des fortes pentes orientées vers le faisceau radar, recouvrement ou « layover », et enfin absence de données par ombrage ou « shadowing »). Ces hypothèses et ce constat permettent d’attribuer, dans ces conditions, à la rétrodiffusion une information reflétant pour une bonne part la pente du terrain : ces hypothèses sont également utilisées dans le domaine de la radarclinométrie qui consiste à restituer le relief et de construire des modèles numériques d’élévation (MNE) à partir d’une seule donnée radar (Paquerault 1998, Polidori 1997).

La caractérisation morphologique, en vue d’un classement interbassins sera réalisée en utilisant trois méthodes d’ana-lyse du signal : calcul des cooccurrences, calcul des « fast Fourrier transform » (FFT) et transformée en ondelettes du signal à deux dimensions.

La cartographie des entités morphologiques sera réalisée par des analyses de « texture » du signal.

l i.1 MatérieL et Méthodes

I.1.1 Données spatiales

Nous avons exploité une mosaïque de données ERS1 (figure 1), obtenue à partir de l’assemblage de quatre traces de fauchée égale à 100 km, en bande C, polarisation VV (émission et réception en polarisation verticale), codée sur 8 bits et un pixel de 50 m de côté. La résolution initiale était de 12.5 m, la dégradation à 50 m a permis d’atténuer le speckle (Akono et al.,2003 et al., Nyoungui et al., 2002). Toutes les données, acquises en 1992, ont été géolocali-sées dans le système UTM (Universal Transverse Mercator) fuseau 22, WGS 84.

Les traitements ont été réalisés avec les logiciels ENVI®, STATISTICA® et MATLAB®

Figure 1 : Mosaïque ers1 indiquant la position des limnigraphes et les limites des bassins versants étudiés

(environ un tiers de la surface du territoire Guyanais) : 1 Mana, 2 sinnamary, 3 comté, 4 approuague,

5 tampock.

Tableau 1 : codification des indicateurs hydrologiques et signification.

Q_moy débit moyen interannuelQ_CV Coef. de variationannuel_max débit max interannuelannuel_min débit min interannuelmens_max débit max intermensuelmens_min débit min intermensuelQSEC10 Décennale sèche et humideQHUM10

der1-1 dérivée première du débit moyen (~ vitesse de variation)

der2-1 dérivée seconde du débit moyen (~ accélération de la variation)

SMS indicateur quantifiant l’intensité du « petit été de mars »

I.1.2 Données temporelles : les débits

Conçu dès les années 1950, le réseau hydrologique de base en Guyane a comporté jusqu’à 22 stations limnigraphiques dans les années 1970. A ce jour, il en demeure une dizaine. L’absence d’aménagements importants sur les bassins (hormis le Barrage de Petit-Saut) permet d’utiliser ces données sans lacunes temporelles majeures, comme références dans les études hydrologiques et climatiques en milieu tropical, avec 45 années de mesures (hauteurs, traduites en débits) pour les bassins du Maroni et de l’Oyapock et plus de 30 ans de mesures sur les autres (Lointier M. & Gaucherel C. 2001).

Toutes ces valeurs sont archivées au pas de temps journa-lier. Les bassins du Maroni et de l’Oyapock étant à la fois répartis sur la Guyane et respectivement sur le Surinam et le Brésil, nous ne possédons pas les données spatiales ERS nécessaires pour effectuer notre étude sur l’ensemble de ces bassins.

Nous avons donc sélectionné les cinq bassins versants suivants : la Mana, la Sinnamary (données traitées jusqu’à l’ouverture du chantier du barrage de Petit-Saut), l’Approua-gue, le Tampock et la Comté. L’étude du régime hydrologi-que (Gaucherel, 2002) a permis de les caractériser par des indicateurs temporels calculés à partir du débit journalier.

Les indicateurs temporels peuvent se regrouper en quatre classes différentes. Les indicateurs dits classiques, les indi-cateurs dits « dérivés », les indicateurs issus des calculs en ondelettes (Grossman et al., 1990) et les indicateurs liés aux variations climatiques (notés SMS). Ces derniers caractéri-sent le « petit été de mars » (Gaucherel, 2002) qui est un phénomène météorologique1, démontrant un ralentissement d’environ 56 jours de la pluviométrie pendant la saison des

1. Situé entre la remontée de la Zone Intertropicale de Convergence vers décembre et sa redescente sur la Guyane vers le mois de mai.

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Quel lien peut exister entre la morphologie des bassins versants tropicaux (de Guyane) et leur hydrologie ?

pluies et centré début mars, d’autant plus marqué sur les bassins proches des côtes.

Le nombre d’indicateurs étant relativement élevé, nous avons fait le choix d’une méthode statistique de simplifica-tion : la classification ascendante hiérarchique (CAH) afin d’obtenir un regroupement des plus pertinents pour notre étude.

I.1.3 Méthodes

Caractérisation de la morphologie globale des bassins :Trois méthodes statistiques différentes ont été exploitées

pour rechercher les caractéristiques des structures du relief des cinq bassins versants (étudiés suivant quatre échelles spatiales différentes), afin d’en dégager leurs caractéristiques morphologiques.

Calcul de variogrammes : cette méthode d’analyse de structure nous vient de l’étude géostatistique de cartes et d’images (Aubry P., 2000). Elle permet de mesurer la dépen-dance spatiale d’un phénomène continu qui varie dans l’es-pace (Delorme T., 1996). En d’autres termes, cette étude permet de quantifier l’information contenue dans une image à différentes échelles. L’autocorrélation et la continuité spa-tiale (ie la variance « piégée » à différentes échelles) des structures spatiales étudiées sont synthétisées sur une même courbe. Cette information, en particulier aux grandes dis-tances (le plateau du variogramme) est directement liée à la variance portée par l’image dans cette direction. On peut ensuite répéter le calcul dans d’autres directions pour avoir une vue plus exhaustive des variances et corrélations dans l’image. Cette méthode quantifie la structure du signal rétro-diffusé et d’en déduire ses variations (sous notre hypothèse, des variations de pente).

La seconde analyse regroupe les transformées de Fourier rapides (FFT) des images à deux dimensions des données radar. La FFT est la représentation, dans le domaine des fréquences, d’une image spatiale. Cet indicateur étudie les fréquences (les échelles avec une propriété de périodicité) contenues dans l’image réelle et détecte les effets de telles ou telles composantes fréquentielles.

La troisième analyse traite de la transformée en ondelettes à deux dimensions des images des bassins versants guyanais. Cette méthode offre une analyse spatiale-fréquence ou spa-tiale-échelle des rétrodiffusions. Les valeurs des pixels des images résultantes quantifient les corrélations trouvées entre l’ondelette-mère 2D (dont, le « chapeau mexicain ») et le signal radar analysé. Cette ondelette-mère étant globalement convexe, les corrélations positives correspondent globale-

ment à un signal 2D successivement croissant puis décrois-sant (et réciproquement pour les corrélations négatives).

Caractérisation d’entités morphologiques par analyse de texture :

Les données radiométriques contenues dans les images RSO2 sont peu utiles pour la réalisation d’une classification, parce qu’elles présentent souvent une altération causée par le chatoiement ou « speckle » (Polidori, 1997) et qu’elles offrent peu d’informations thématiques. Depuis une trentaine d’années, la communauté scientifique a exploré le potentiel de la texture pour la classification d’images optiques. Des résultats probants ont été obtenus avec des images satellita-les optique ou radar, dans divers domaines de cartographie du territoire (Haralick 1979, Rajesh K.2001, Akono, 2003).

Haralick et al. (1973) ont proposé d’estimer des paramè-tres texturaux, à partir de la matrice de cooccurrence (MCO) dans laquelle chaque élément représente la fréquence relative d’occurrences conjointes des valeurs de paires de pixels séparés d’un vecteur de translation donné (distance et direc-tion d’échantillonnage spécifiques), dans le voisinage d’un pixel de l’image. En d’autres termes, la MCO est une esti-mation de la distribution de probabilité conjointe des valeurs de pixels selon différentes directions. Pour une image quan-tifiée en L niveaux de gris, la MCO est une matrice de L x L éléments. Une zone de texture à larges mailles aura une MCO où la majorité des ses éléments non-nuls se trouveront concentrés autour de sa diagonale principale. À l’opposée, une zone de texture à petites mailles aura une MCO où la majorité des éléments seront non-nuls.

Le vecteur de translation, qui conditionne le déplacement de la fenêtre mobile, est défini par la distance d (à choisir selon le type de structure recherchée) et les quatre directions qui sont 0o, 45o, 90o et 135o. De manière similaire aux filtres spatiaux, les indices de textures sont calculés à l’intérieur de la fenêtre mobile centrée sur chaque pixel de l’image. Trois dimensions de fenêtres mobiles ont été testées : 3 x 3, 13 x 13, 31 x 31 pixels.

Afin d’avoir une classification uniforme sur tous les bas-sins, nous avons utilisé six fenêtres d’apprentissage corres-pondant à six classes de texture, qui ont été réduites à quatre classes, aprs analyse des résultats par une CAH. Celles-ci sont nommées Podo1, Mont, Litmaj et Podo2 (fig 2).

La classe « Litmaj » représente les plaines d’inondations et le lit majeur des rivières lorsqu’il est marqué ;

2. Radar à Synthèse d’Ouverture

Figure 2 : entités morphologiques retenues pour leur cartographie sur les cinq bassins versants

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Utilisation de l’imagerie satellite pour l’étude de l’eau dans le sol

La classe « Podo1 » représente le relief en « peau d’orange » dont la maille d’altération est de l’ordre de 400 m de diamètre ;

La classe « Podo2 » représente le relief en « peau d’orange » dont la maille d’altération est de l’ordre de 700 m de diamètre ;

La classe « Mont » regroupe les reliefs de diamètre supé-rieurs au km ainsi que les inselbergs.

La taille des fenêtres d’apprentissage a été fixée à 90 x 90 pixels pour décrire la texture autant que son envi-ronnement proche (Bellehumeur C. et al. 1997). Ce choix a été motivé également par la taille des fenêtres mobiles pour le calcul des indices de textures. En toute rigueur, ces dernières ne devaient pas être supérieures à la taille des par-celles d’entraînement afin de ne pas négliger d’éventuelles structures de plus grandes tailles.

Nous avons retenu huit indices de textures (Haralick 73 et 79 en propose 28) dérivant du calcul de la matrice de cooc-currence. La moyenne donne une idée globale de la lumi-nance, la variance effectue la somme de la différence entre l’intensité du pixel central et celles de ses voisins, l’homo-généité renseigne sur le degré d’uniformisation de l’image, le contraste mesure les variations locales, la dissimilitude

mesure le degré de différence, l’entropie calcule la distri-bution aléatoire des intensités, le second moment mesure l’homogénéité de la zone, et enfin la corrélation mesure la linéarité de la zone étudiée.

ii n résuLtats

l ii.1 anaLyses statistiQues

En isolant les « artéfacts » instrumentaux nous avons aboutit à une classification en indiçant les bassins en fonc-tion des « réponses » obtenues pour chaque méthode d’ana-lyse. Pour les variogrammes, plus la présence de structures diverses est élevée, plus l’indice est fort. De même pour les anomalies le bassin, le plus anisotrope est indicé 5 et le plus isotrope 1.

La FFT permet de classer les bassins les plus périodiques en indice 5 et les moins en 1.

Les ondelettes révèlent les caractères multi-échelles des bassins : le plus marqué est indicé 5, le moins marqué 1.(tab. 2)

Tableau 2 : Classification des bassins à l’aide d’un indice compris entre 1 et 5, caractérisant l’intensité de la propriété décrite dans chaque colonne. Ainsi, l’Approuague présente de nombreuses structures différentes (indice 5)

alors que le Tampock en à très peu (indice 1).

Variogramme minimum intensité

présence de structures

Variogramme anomalie

anisotropie

FFt periodicité

selon directions

caractéristation du critère

multi- échelles

totaL indice

classement

BASSIN

COMTE 3 5 4 5 17SINNAMARY 4 3 2 4 13APPROUAGUE 5 2 1 3 11MANA 2 4 3 1 10TAMPOCK 1 1 5 2 9

l ii.2 texture

La recherche d’une information la plus pertinente sur les 12 néo-canaux a été réalisée par une CAH. Cette Analyse nous permet d’écarter une partie de ces néo-canaux et de conserver les plus caractéristiques de l’échantillon : les tex-tures « peaux d’orange » « Podo1 » et « Podo2 », « Mont » et « Limaj » à la taille 13 x 13 uniquement.

La matrices de confusion de la classification en entités mor-phologiques (tableau 3) indique la dispersion des différentes textures dans les autres, à la taille de fenêtre 13 x 13 retenue.

On observe que l’entité « Podo 1 » est bien classée. L’en-tité « Mont », l’est moins, 42 % de son information se distri-buant dans les autres classes. L’entité « Limaj » présente une légère confusion avec « Podo1 ». Enfin, « Podo2 » présente une confusion marquée avec « Podo1 ». (tab. 3)

iii n concLusions

La distribution des séries statistiques ne suit pas une loi normale, nous utilisons des tests non paramétriques (Distri-

Tableau 3 : Matrice de confusion pour la taille de fenêtre 13 x 13

entité Morpho. podo1 mont litmaj podo2

podo1 87.20 18.72 17.43 31.95

mont 0.69 58.07 6.04 14.12

litmaj 8.32 11.94 75.37 0.00

podo2 3.79 11.27 1.16 53.93

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5 LA HOUILLE BLANCHE/N° 2-2010

Quel lien peut exister entre la morphologie des bassins versants tropicaux (de Guyane) et leur hydrologie ?

bution-free statistics) de comparaison d’échantillons. Comme leur nom l’indique, ces tests ne reposent pas sur les para-mètres des distributions et par conséquent sur la distribu-tion d’échantillonnage. Nous présentons dans le tableau 4 la matrice de Pearson après réduction du nombre d’indica-teurs temporels et des entités morphologiques. Le niveau de confiance des corrélations à 90 % été estimé par tests de Monte-Carlo et les corrélations significatives sont signalées en gras.

Confrontation des entités morphologiques avec les indica-teurs hydrologiques :

Les différentes entités morphologiques constituant le bas-sin versant ressortent de façon systématique. La prise en compte de plusieurs tailles de fenêtre glissante a permis d’appréhender les variations liées aux échelles d’analyse et d’avoir une description plus rigoureuse des classes cartogra-phiées. Le variogramme permet de justifier le choix d’une ou de plusieurs tailles de fenêtre glissante et d’éviter de nombreux essais-erreurs.

Nous avons retenu quatre entités morphologiques qu’il était intéressant d’interpréter en regard des indicateurs hydrologiques déduits de la première analyse statistique (37 variables, 11 retenues pour leur contenu informationnel). Leur interprétation se porte selon trois classes principales : les indicateurs hydrologiques de fonctionnement des bas-sins, leurs « dérivés », sorte d’indicateurs du fonctionnement « hydraulique », et un indicateur spécifique déduit de l’ana-lyse en ondelettes des débits qui renseigne sur la correspon-dance avec des évènements temporels et donc climatiques (pluviométriques). L’expérience de terrain nous incite dans notre analyse à séparer ces trois aspects tout en essayant ensuite de les synthétiser dans un schéma de fonctionne-ment. L’indicateur climatique, noté SMS (petit été de mars) ainsi que d’autres que nous ne présentons pas ici) n’ont

aucunes corrélations significatives avec les entités morpho-logiques, On observe ainsi que la morphologie des bassins, façonnés par une géologie de plusieurs millions d’années n’est en effet pas corrélée avec les contraintes climatiques ce qui va du bon sens.

En revanche, les indicateurs hydrologiques et hydrauliques semblent corrélés avec les entités morphologiques de ces bassins tropicaux :

L’entité « Podo2 » semble jouer un rôle important dans – l’hydraulicité des bassins : plus sa surface augmente, plus cette classe est impliquée dans les indicateurs hydrologiques comme le débit moyen (0,83), le maximum annuel (0,80), mensuel (0,78), et le minimum annuel (0,90). En revanche, la corrélation avec le minimum mensuel n’est pas signifi-cative. Par ailleurs, la relation avec les décennales sèches (0,90) et humides (0,78) sont fortes. En revanche, il n’y a pas de corrélation avec l’hydraulique, vitesse et accélération des variations de débits n’y sont pas liés. Ces constats pour-rait expliquer la valeur négative du coefficient de variation (- 0,80).

L’entité « Podo 1 » semble complémentaire au fonction-– nement de « Podo2 » : aucunes corrélations avec les indica-teurs hydrologiques précédents, sauf pour le minimum men-suel (0,80). De même, le coefficient de variation des débits est corrélé négativement (- 0,84). Cette classe pourrait donc jouer un rôle dans le mécanisme de soutien des étiages.

L’entité « Mont » a une très forte corrélation avec le – minimum mensuel (+ 1,00) et dans le ralentissement des variations de débits (- 0,76). Le coefficient de variation des débits est négatif (- 0,89). Elle semble avoir le même com-portement vis-à-vis du soutien des étiages que « podo1 », mais avec un mécanisme hydraulique différent à cause de la corrélation avec le ralentissement de la variation des débits.

Tableau 4 : Matrice de corrélation des indicateurs hydrologiques les plus significatifs avec les entités morphologiques (à 90 % de confiance).

LiMaJ_13 Podo1_13 Podo2_13 Mont_13Q_MOY - 0,61 0,05 0,83 0,59

Q_CV 1,00 - 0,84 - 0,80 - 0,89

Annuel max - 0,51 - 0,07 0,80 0,48

Annuel min - 0,68 0,13 0,90 0,55

Mens max - 0,39 - 0,23 0,78 0,28

Mens min - 0,85 0,80 0,54 1,00

QSEC10 - 0,70 0,15 0,90 0,62

QHUM10 - 0,50 - 0,07 0,78 0,49

DER1_1 - 0,13 - 0,33 0,36 0,36DER2_1 0,45 - 0,18 - 0,40 - 0,76

SMS - 0,63 0,57 0,55 0,34

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Utilisation de l’imagerie satellite pour l’étude de l’eau dans le sol

L’entité « Limaj » présente des corrélations négatives – avec deux indicateurs : le minimum mensuel (- 0,85) et la décennale sèche (- 0,70). En revanche il existe une forte cor-rélation positive (+ 1,00) avec le coefficient de variation des débits. Ce système semble donc ne pas soutenir les étiages et réagir rapidement aux variations des débits (donc de niveau d’eau). Plus sa surface augmente, plus la dispersion aug-mente avec les mesures de niveaux d’eau effectués à l’exu-toire du bassin. Cette entité diminue ainsi l’hydraulicité.

Avant de proposer une interprétation hydrologique de fonctionnement, nous devons évoquer les schémas fonc-tionnels déjà proposés par les pédologues (Boulet, 1993, Grimaldi M. 1996) à l’échelle du petit bassin tropical : il y est proposé une évolution des toposéquences en fonc-tion des récentes transformations géodynamiques. Le stade final où l’on constate des stockages d’eau en amont des toposéquences et des circulations plus exprimées en aval. Néanmoins, notre échelle de travail est complètement dif-férente et nous utiliserons les termes traditionnels en hydro-logie pour décrire ce fonctionnement : géométriquement, la classe « Mont » est souvent éloignée du lit majeur, même si parfois, elle est présente vers l’exutoire du bassin et que la rivière doit la franchir comme un obstacle : elle pour-rait présenter les caractères d’un réservoir de fracturation. Les classes « Podo1 » et « Podo2 » sont distribuées sur le bassin sans relations géométriques particulières vis-à-vis de leurs distances à la rivière. En revanche ces deux classes montrent des comportements nettement différents, probablement liés à leur nature pédologique et géologique. « Podo1 » pourrait se comporter comme une nappe phréa-tique saturée, n’intervenant que lors des étiages, alors que « Podo2 » se comporterait comme une nappe phréatique non saturée, répondant plus directement aux entrées pluvio-métriques, avec une faible capacité de stockage de l’eau. Enfin la classe « Limaj » pourrait se comporter comme une nappe alluviale (Fig 3-4).

Figure 3 : extrait du modèle pédologique en toposéquences correspondant à différents stades

de transformation de la couverture pédologique sur le socle guyanais (d’après Grimaldi c.).

Cet exercice dans l’exploitation des données SAR en milieu tropical a montré que l’on peut utiliser ces informa-tions quand le MNT n’existe pas, que certains traitements lourds n’apportent pas de résultats très originaux (variogram-mes, FFT, ondelettes), mais par contre l’analyse de texture nous a permis de construire un schéma de fonctionnement des bassins avec des corrélations à 90 % d’intervalle de confiance qui nous ont surpris. Enfin, ceci montre que la

donnée satellite reste de la donnée de base qui peut être uti-lisée en hydrologie comme un complément original pour la connaissance de ces milieux.

iV n réFérences

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7 LA HOUILLE BLANCHE/N° 2-2010

Quel lien peut exister entre la morphologie des bassins versants tropicaux (de Guyane) et leur hydrologie ?

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