plaidoirie lycée francais jean monnet

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Plaidoirie de la classe 1ES2 du Lycée français Jean Monnet Monsieur le Juge, Mesdames et Messieurs les Jurés, La Justice est le caractère de ce qui est juste. Comme vous, je crois en ce qui est juste et je souhaite que justice soit faite. Si l’Homme est coupable, il doit être jugé pour les actes commis et vous êtes appelés aujourd’hui à vous prononcer sur son sort. C’est pourquoi je vous propose de remonter jusqu’à l’origine des faits. Monsieur Raymond Sintès, ici présent, aurait eu recours à la violence envers sa maitresse. Le frère de cette dernière, qui se trouve être la victime, aurait voulu la venger et aurait donc eu maille à partir avec M. Sintès. Vous conviendrez donc qu’il s’agit, à première vue, d’un règlement de comptes entre les deux belligérants cités précédemment. Or M. Meursault ayant été vu en compagnie de son ami se serait attiré les foudres de la victime. D’après M. Sintès : « La présence de l’inculpé sur la plage n’est qu’un pur hasard ». Je pense donc, Mesdames et Messieurs que nous pouvons d’ores et déjà écarter l’hypothèse du crime prémédité. D’après les aveux de l’accusé, son retour vers la source n’est dû qu’au soleil : en effet, le jour du crime, une chaleur insoutenable l’a contraint à s’y rendre afin de s’abreuver. Par malheur la victime se trouvait sur place à ce moment même. Dans le rapport de l’interrogatoire nous pouvons lire les paroles de M. Meursault concernant le meurtre : « j’avais le soleil dans les yeux », « je voulais boire », « il était entre moi et la source », « il a tiré son couteau », « le soleil a giclé dans mes yeux » et « j’ai tiré ». Cet acte, comme l’illustrent si bien les faits, n’est pas un acte délibéré, c’est un acte de légitime défense contrairement à ce que tente vainement de prouver mon collègue. Certes mon client a commis l’irréparable mais son acte malheureux s’inscrit dans un moment d’égarement, d’absence dû à la chaleur et non dans la continuité d’une quelconque préméditation meurtrière. Le procureur, si je puis me permettre, diabolise M. Meursault de par son indifférence à tout, son absence de sentiments et son manque d’ambition mais, sont-ce là des facteurs aggravants de son crime ? Est-il réellement de notre ressort de juger la personnalité de cet homme ? Chacun d’entre nous réagit différemment face à un imprévu et aucun d’entre nous n’a le droit de juger son semblable. M. Meursault n’a pas versé de larmes à l’enterrement de sa mère. L’a-t-il pour autant tuée moralement ; si oui, nous sommes tous les meurtriers des plus pauvres que nous qui nous tendent la main et que nous évitons sciemment. Sinon, vous conviendrez que cette cour a des occupations plus importantes que les problèmes émotionnels de l’inculpé. De plus, M. le Procureur, j’ai remarqué que vous l’accusiez plus de crimes qui ne relèvent pas de sa personne que de l’acte que nous sommes ici pour juger. J’en déduis que votre argumentaire est pauvre et peu fiable quand à ses sources car tous les éléments sont, ici, réunis afin de me permettre d’affirmer que mon client n’a, en aucun cas, le tempérament d’un criminel. Nous nous écartons quelque peu de notre sujet, mais une question persiste : Pour quelles actions ou pensées doit, selon vous, l’accusé être sanctionnés ? Sommes-nous ici afin de juger un déficit émotionnel ? Je crois en ce qui est juste. Ce n’est pas le procès d’un homme mais celui d’un fait. Nous ne connaissons pas réellement l’accusé, et le fait que nous ne comprenions pas ses réactions et

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Page 1: Plaidoirie Lycée Francais Jean Monnet

Plaidoirie de la classe 1ES2 du Lycée français Jean Monnet

Monsieur le Juge, Mesdames et Messieurs les Jurés,

La Justice est le caractère de ce qui est juste.

Comme vous, je crois en ce qui est juste et je souhaite que justice soit faite. Si l’Homme est

coupable, il doit être jugé pour les actes commis et vous êtes appelés aujourd’hui à vous

prononcer sur son sort. C’est pourquoi je vous propose de remonter jusqu’à l’origine des faits.

Monsieur Raymond Sintès, ici présent, aurait eu recours à la violence envers sa maitresse. Le

frère de cette dernière, qui se trouve être la victime, aurait voulu la venger et aurait donc eu

maille à partir avec M. Sintès. Vous conviendrez donc qu’il s’agit, à première vue, d’un

règlement de comptes entre les deux belligérants cités précédemment. Or M. Meursault ayant

été vu en compagnie de son ami se serait attiré les foudres de la victime. D’après M. Sintès :

« La présence de l’inculpé sur la plage n’est qu’un pur hasard ». Je pense donc, Mesdames et

Messieurs que nous pouvons d’ores et déjà écarter l’hypothèse du crime prémédité.

D’après les aveux de l’accusé, son retour vers la source n’est dû qu’au soleil : en effet, le

jour du crime, une chaleur insoutenable l’a contraint à s’y rendre afin de s’abreuver. Par

malheur la victime se trouvait sur place à ce moment même.

Dans le rapport de l’interrogatoire nous pouvons lire les paroles de M. Meursault concernant

le meurtre : « j’avais le soleil dans les yeux », « je voulais boire », « il était entre moi et la

source », « il a tiré son couteau », « le soleil a giclé dans mes yeux » et « j’ai tiré ».

Cet acte, comme l’illustrent si bien les faits, n’est pas un acte délibéré, c’est un acte de

légitime défense contrairement à ce que tente vainement de prouver mon collègue. Certes

mon client a commis l’irréparable mais son acte malheureux s’inscrit dans un moment

d’égarement, d’absence dû à la chaleur et non dans la continuité d’une quelconque

préméditation meurtrière.

Le procureur, si je puis me permettre, diabolise M. Meursault de par son indifférence à tout,

son absence de sentiments et son manque d’ambition mais, sont-ce là des facteurs aggravants

de son crime ? Est-il réellement de notre ressort de juger la personnalité de cet homme ?

Chacun d’entre nous réagit différemment face à un imprévu et aucun d’entre nous n’a le droit

de juger son semblable.

M. Meursault n’a pas versé de larmes à l’enterrement de sa mère. L’a-t-il pour autant tuée

moralement ; si oui, nous sommes tous les meurtriers des plus pauvres que nous qui nous

tendent la main et que nous évitons sciemment. Sinon, vous conviendrez que cette cour a des

occupations plus importantes que les problèmes émotionnels de l’inculpé.

De plus, M. le Procureur, j’ai remarqué que vous l’accusiez plus de crimes qui ne relèvent pas

de sa personne que de l’acte que nous sommes ici pour juger. J’en déduis que votre

argumentaire est pauvre et peu fiable quand à ses sources car tous les éléments sont, ici,

réunis afin de me permettre d’affirmer que mon client n’a, en aucun cas, le tempérament d’un

criminel.

Nous nous écartons quelque peu de notre sujet, mais une question persiste : Pour quelles

actions ou pensées doit, selon vous, l’accusé être sanctionnés ? Sommes-nous ici afin de

juger un déficit émotionnel ?

Je crois en ce qui est juste. Ce n’est pas le procès d’un homme mais celui d’un fait. Nous ne

connaissons pas réellement l’accusé, et le fait que nous ne comprenions pas ses réactions et

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que ses réactions ne répondent pas à nos attentes ne nous octroient pas le droit de tirer des

conclusions, sans doute, fallacieuses.

Il est indéniable que l’homme assis face à vous est différent mais nous devons faire preuve

de tolérance ! Ce faisant, mesdames et messieurs les jurés, nous faisons un pas en avant vers

la justice !

Pour juger quelqu’un, mesdames et messieurs, il faut prendre la peine de le comprendre et

lui laisser le bénéfice du doute. Mon client manque certes de sensibilité morale mais il

manque aussi d’agressivité ainsi que de violence. Cet homme est différent, mais cela en fait-il

un être dangereux ? Trop souvent, la différence est jugée arbitrairement comme une menace

pour la société. L’inculpé s’est, certes, trompé mais ne condamnez pas un innocent : Monsieur

le juge, comme le décrit votre titre : juge ou judex en latin : « celui qui montre ». Je vous

demande donc, aujourd’hui, qu’en votre qualité vous fassiez preuve de tolérance à l’égard de

M. Meursault afin d’honorer une des valeurs fondamentales de notre République : l’Egalité !

Beaucoup de questions méritent une réponse, mais pour y répondre, il faut d’abord se les

poser.

Cette plaidoirie a été réalisée d’après les écritures d’invention de la classe 1ES2 du Lycée

Français Jean Monnet et je souhaite remercie, plus particulièrement : - Charlotte Boutinaud

- Quentin Rollet

- Lili Schreiber

Je vous remercie pour votre attention ainsi que pour votre patience,

(Maître) François d’Andlau.