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175 Résumé L’imagerie cérébrale par résonance magnétique nucléaire (IRM) conventionnelle n’a actuellement pas place dans la surveillance des fœtus présentant un retard de croissance intra-utérin (RCIU) lié à une insuffisance vasculaire placentaire. Plusieurs nouvelles techniques d’IRM ont été développées dans la dernière décennie permettant une étude plus précoce des phénomènes d’agression du parenchyme cérébral telles que l’ischémie. Ces techniques, essentiellement représentées par l’étude de la diffusion et l’IRM spectro- scopique, permettent actuellement de repérer des zones d’ischémie cérébrale chez le nouveau-né dans un contexte de l’asphyxie péri-partum plus précocement qu’en IRM conventionnelle. Ce chapitre introduit le principe de ces nouvelles techniques d’IRM cérébrale et discute de leur application à l’étude du cerveau fœtal dans le cadre du RCIU d’origine vasculaire. Mots clés : imagerie par résonance magnétique nucléaire, prénatal, cerveau, RCIU * Hôpital Armand Trousseau - APHP - Service de gynécologie-obstétrique - Centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal de l’Est Parisien - Paris VI - 26 avenue Arnold Netter - 75012 Paris Correspondance : [email protected] Place de l’IRM fœtale dans la prise en charge des fœtus avec retard de croissance intra-utérin J.M. JOUANNIC * (Paris)

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Page 1: Place de l’IRM fœtale dans la prise en charge des fœtus ... · médecine fœtale et qui n’est pas l’objet de cette mise au point. II.1. Les grandes étapes du développement

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Résumé

L’imagerie cérébrale par résonance magnétique nucléaire (IRM) conventionnelle n’aactuellement pas place dans la surveillance des fœtus présentant un retard de croissanceintra-utérin (RCIU) lié à une insuffisance vasculaire placentaire. Plusieurs nouvellestechniques d’IRM ont été développées dans la dernière décennie permettant une étude plusprécoce des phénomènes d’agression du parenchyme cérébral telles que l’ischémie. Cestechniques, essentiellement représentées par l’étude de la diffusion et l’IRM spectro-scopique, permettent actuellement de repérer des zones d’ischémie cérébrale chez lenouveau-né dans un contexte de l’asphyxie péri-partum plus précocement qu’en IRMconventionnelle. Ce chapitre introduit le principe de ces nouvelles techniques d’IRMcérébrale et discute de leur application à l’étude du cerveau fœtal dans le cadre du RCIUd’origine vasculaire.

Mots clés : imagerie par résonance magnétique nucléaire, prénatal, cerveau, RCIU

* Hôpital Armand Trousseau - APHP - Service de gynécologie-obstétrique - Centrepluridisciplinaire de diagnostic prénatal de l’Est Parisien - Paris VI - 26 avenueArnold Netter - 75012 Paris

Correspondance : [email protected]

Place de l’IRM fœtale dans la priseen charge des fœtus avec retard

de croissance intra-utérin

J.M. JOUANNIC *(Paris)

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Déclaration publique d’intérêtJean-Marie Jouannic déclare ne pas avoir d’intérêt direct au

indirect (financier ou en nature) avec un organisme privé, industriel oucommercial en relation avec le sujet présenté.

INTRODUCTION

Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) représente l’une desprincipales causes de morbimortalité périnatale [1-3]. Cette donnéejustifie à elle seule les efforts des professionnels en charge de lasurveillance de la grossesse pour en réaliser un dépistage et une priseen charge efficaces. Lorsqu’une anomalie de la croissance fœtale seraconfirmée, on s’efforcera ensuite de différencier les petits fœtus pourl’âge gestationnel (fœtus constitutionnellement menus) des fœtus avecauthentique RCIU, c’est-à-dire ceux pour qui l’anomalie de croissanceest pathologique. Ce sont ces derniers qui seront exposés à un risqueaccru de morbimortalité périnatale. L’étiologie sous-jacente du RCIUconditionnera pour une bonne part le pronostic, justifiant ainsi un bilanprénatal complet. Lorsque l’étiologie suspectée sera vasculaire, unestratégie de surveillance prénatale sera mise en place pour s’assurerd’une poursuite acceptable de la croissance, du bien-être fœtal et ledépistage de signes pouvant faire craindre une hypoxie fœtale suscep-tible d’obérer le devenir neuro-développemental de l’enfant à naître.

Le RCIU d’origine vasculaire est lié à une insuffisance placentaireet expose le fœtus aux risques liés à une hypoxie chronique. Onconnaît désormais depuis longtemps les capacités d’adaptation dufœtus à ces conditions défavorables, en particulier par le biais dephénomènes de redistribution vasculaire favorisant les territoires supra-aortiques et dont le but est de maintenir un niveau d’oxygénationsuffisant du cerveau et du cœur fœtaux [4, 5].

Le cerveau fœtal en développement est très sensible à l’hypoxie,que celle-ci soit chronique (comme dans le cadre d’un RCIU parinsuffisance vasculaire placentaire) ou aiguë (comme on peut l’observerpendant le travail). Les outils utilisés actuellement pour la surveillancedes fœtus présentant un RCIU vasculaire, représentés par l’échogra-phie-Doppler et l’enregistrement du rythme cardiaque fœtal (RCF), ontpour but de tenter de déterminer la limite au-delà de laquelle l’hypoxie

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chronique risque d’exposer le fœtus à un risque d’accident aigu ou delésions cérébrales ischémiques irréversibles [4]. Dans cette situation, ladécision d’une naissance doit faire peser les risques liés à une préma-turité induite et les risques liés à une hypoxie dont la tolérance fœtalen’est plus certaine.

Actuellement, l’imagerie cérébrale conventionnelle du cerveaufœtal n’a de place que dans la discussion des cas de RCIU associés àune anomalie malformative du cerveau dans un cadre syndromique oud’une pathologie génétique. Elle repose sur la technique échographiqueet l’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) en séquencesconventionnelles, en particulier pour explorer une anomalie de lagiration.

Les techniques d’imagerie cérébrale du nouveau-né ont connu undéveloppement important dans les dernières années. Qu’il s’agisse del’échographie ou de l’IRM conventionnelle, le but de cette imageriechez le nouveau-né est de tenter de prédire le devenir neurologiqueultérieur de l’enfant. Parallèlement, de nouvelles techniques d’IRM ontvu jour telles que l’IRM avec étude de la diffusion ou l’IRM spectro-scopique. Ces dernières techniques sont annoncées comme promet-teuses pour la mise en évidence précoce d’anomalie focalisée duparenchyme cérébral, avant l’apparition de lésions constituées acces-sible en IRM conventionnelle en période néonatale. Leur contributionpotentielle à l’exploration de la souffrance cérébrale chez le fœtus ensituation d’hypoxie chronique dans le cadre du RCIU vasculaire seradiscutée ici.

I. RCIU VASCULAIRE : DIAGNOSTIC ET MODALITÉSDE SURVEILLANCE CONVENTIONNELLE

Nous nous intéresserons ici au diagnostic de RCIU pour lesquelsl’estimation du poids fœtal est inférieure au 3e percentile. Dans le casdes RCIU sévères, souvent l’échographie et la clinique (mesure de lahauteur utérine) concordent. Dans cette situation le bilan prénatal a undouble objectif : tenter de différencier un RCIU d’un fœtus constitu-tionnellement petit (« small for gestational age » des Anglo-Saxons).

L’interrogatoire recherchera des éléments en faveur d’une étiologievasculaire : antécédents personnels ou familiaux d’hypertension,antécédents obstétricaux de RCIU ou de pathologie vasculaire de lagrossesse. Une échographie fœtale d’expertise devra être organisée. En

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l’absence d’anomalie morphologique, les éléments en faveur d’uneétiologie vasculaire seront représentés par l’existence d’anomaliesvélocimétriques au niveau des artères utérines (index de pulsatilité> 95e percentile, présence d’incisure proto-diastolique), un Dopplerombilical pathologique traduisant une augmentation des résistancesdans le compartiment ombilico-placentaire et souvent un oligoamnios[6]. Pour les cas de RCIU précoces pour lesquels une cause ovulaireest toujours suspectée, une étude du caryotype fœtal par amniocentèsepourra être discutée. Bien que représentant la cause la plus fréquented’anomalies de la croissance fœtale, le RCIU vasculaire ne peut eneffet être envisagé qu’après avoir éliminé une autre cause ovulaire, enparticulier génétique ou infectieuse pour lesquelles le plus souventl’anomalie de croissance s’accompagnera d’anomalies morphologiques.Il ne sera pas toujours aisé, en milieu de gestation, de distinguer unauthentique RCIU vasculaire d’un fœtus constitutionnellement petit.Cette situation est fréquente et c’est souvent l’évolution qui permettrade faire plus tard une distinction entre les 2 (apparition ultérieure designes cliniques vasculaires chez la mère, apparition d’anomalies de lavélocimétrie fœtale). Dans l’avenir, l’analyse personnalisée de lacroissance fœtale prenant en compte l’origine ethnique et les donnéesanthropométriques des parents devrait permettre d’aider à discriminerces deux tableaux [7].

Lorsque le diagnostic de RCIU vasculaire est suspecté, la surveil-lance ultérieure de la grossesse a pour but de dépister une manifes-tation clinique ou biologique chez la mère d’une pathologie vasculaire :apparition d’une hypertension, d’une protéinurie ou dans une formeplus avancée d’un tableau de HELLP syndrome. Sur le plan fœtal, lasurveillance a pour but de s’assurer d’une poursuite de la croissance etde dépister une souffrance fœtale. En dehors d’une décompensationaiguë, la prise en charge est également dominée par l’évaluation de latolérance du fœtus à son état d’hypoxie chronique associée àl’insuffisance placentaire. La problématique est que jusqu’à unecertaine limite, celui-ci sera capable de compenser cette situation grâceà des phénomènes d’épargne et de redistribution du flux sanguin versles territoires supra-aortiques ; la principale préoccupation del’accoucheur et des périnatologistes étant de déterminer le moment oùces mécanismes d’adaptation seront dépassés, conduisant à unedécision de naissance souvent prématurée, afin de prévenir unesouffrance cérébrale susceptible d’entraîner des troubles neurologiquesultérieurs.

Actuellement, plusieurs outils sont utilisés dans l’appréciation de latolérance fœtale à l’hypoxie et la décision de faire naître un fœtus

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présentant un RCIU vasculaire repose sur la prise en compte deplusieurs paramètres : Doppler ombilical, cérébral et du canald’Arantius, score biophysique de bien-être fœtal, analyse du RCFclassique ou couplé à l’étude automatisée de la variabilité (VCT) [4, 6].En dehors de l’apparition d’anomalies du RCF, aucun de ces outils nepermet de définir de valeur seuil au-delà de laquelle une décision denaissance pourrait améliorer le devenir périnatal. Il demeure un assezlarge consensus sur le fait qu’une politique d’extraction sur la seuledonnée, par exemple, d’une valeur de VCT diminuée ou del’apparition d’anomalies de l’Arantius (comme une onde A nulle ounégative), améliore le devenir postnatal de ces fœtus.

A fortiori, aucune donnée d’évolution de l’imagerie cérébrale enprénatal n’est actuellement utilisée pour la détection d’une situationd’oxygénation précaire du cerveau fœtal.

II. IMAGERIE CÉRÉBRALE PÉRINATALE

On exclura d’emblée de la discussion la place de l’IRM pour ladiscussion des cas de RCIU avec suspicion d’anomalie cérébrale pourlesquels cette technique, en séquences conventionnelles, pourra appor-ter des informations complémentaires à une échographie de référence(en particulier à la recherche d’anomalies de la giration). Il s’agit là eneffet d’une discussion pronostique qui appartient au champ de lamédecine fœtale et qui n’est pas l’objet de cette mise au point.

II.1. Les grandes étapes du développement cérébral

Le développement cérébral se déroule schématiquement selondeux grandes étapes [8, 9]. En première partie de gestation, leséléments du système nerveux central (prosencéphale, rhombencéphaleet télencéphale) se mettent en place et anatomiquement les structurescérébrales sont en place à 15 SA. Au cours de cette période se produitun phénomène de neurogenèse qui correspond à la multiplication desprécurseurs neuronaux à partir de la zone germinale périventriculaire.Parallèlement s’opère un processus de migration neuronale avec miseen place des couches corticales, achevée vers 22 SA.

À partir de 20 SA débute le phénomène de myélinisation quiprogresse selon un axe caudorostral à partir de la moelle épinière

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jusque vers le télencéphale. Parallèlement, les connections synaptiquesse mettent en place et le cortex connaît un développement consi-dérable aboutissant à un phénomène de plissements formant lescirconvolutions.

II.2. Principes de bases concernant l’imagerie par résonancemagnétique du fœtus [10, 11]

L’IRM cérébrale fœtale a été proposée en complément de l’étudepar échographie en 1983 [12]. Cette technique a depuis connu undéveloppement rapide et actuellement la majorité des centres périna-taux français dispose de cette technique. Un appareillage classique (0,5 à1,5 Tesla) est utilisé. La patiente est installée en décubitus dorsal etl’examen dure 20 à 30 minutes avec parfois, selon les équipes, uneprémédication par benzodiazépine pour obtenir une sédation fœtale.L’examen débute par des acquisitions permettant un repérage dans les3 axes du fœtus. Théoriquement, l’IRM cérébrale permet une étudeanatomique du cerveau dès 5 mois mais à ce stade de la grossesse cetexamen n’apporte guère plus d’informations qu’une échographieréalisée par un opérateur de référence. À partir de 26-28 SA, l’IRMapporte des informations supplémentaires, en particulier pour l’étudede la giration ou la mise en évidence d’anomalies de la migrationneuronale.

Les acquisitions utilisées pour l’imagerie fœtale sont des séquencesrapides obtenues en environ 1 seconde et correspondant à des coupesde 3 à 5 mm d’épaisseur. L’examen standard permet d’obtenir dans les3 plans de l’espace des séquences pondérées en T2 et en T1. Lesséquences pondérées T2 permettent une étude anatomique et biomé-trique des structures cérébrales et l’étude de la giration. Ces séquencessont cependant insuffisantes pour le diagnostic de certaines anomaliesde petite taille intéressant le parenchyme. Des séquences particulièresen écho de gradient T2 (T2*) permettent de mettre en évidence deslésions hémorragiques anciennes ou calcifiées [10, 11]. Les séquencespondérées T1 requièrent un temps d’acquisition plus long. Elles nepermettent pas une étude anatomique aussi précise des structurescérébrales, mais elles peuvent être utiles pour la mise en évidence decertaines lésions comme un foyer hémorragique récent ou la présencede tubers dans le cadre d’une sclérose tubéreuse de Bourneville. Ellespermettent, par ailleurs, de mieux rendre compte des phénomènes demyélinisation.

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En IRM, le parenchyme cérébral apparaît sous forme de strates,avec la zone germinative profonde qui apparaît en hypersignal T1(blanche) et en hyposignal T2 (noire), une zone intermédiaire et uncortex qui apparaissent, comme la zone germinative, en hypersignal T1et en hyposignal T2. À partir de 30 SA, cette organisation en strates estmoins nette. La myélinisation débute vers 20 SA au niveau du tronccérébral, se traduisant par un hypersignal T1 qui reflète à la fois unegrande richesse cellulaire, la richesse en substance lipidique. Ceprocessus de myélinisation se poursuit pour concerner l’étagesustentoriel vers 34 SA, débutant au niveau des bras postérieurs de lacapsule interne. Les techniques d’IRM de perfusion comprenantl’injection d’un produit de contraste tel que le gadolinium ne sont pasutilisées chez le fœtus humain.

II.3. Nouvelles techniques d’IRM

Plusieurs nouvelles techniques d’IRM ont été développées dans ladernière décennie, permettant une étude à la fois plus précise et plusprécoce de phénomènes d’agression du parenchyme cérébral telle quel’ischémie. Ces techniques connaissent un développement important enmédecine adulte et en médecine néonatale [13-15]. Elles sont depuisquelques années appliquées au fœtus humain et leur contributionpotentielle à l’exploration de la souffrance cérébrale chez le fœtus ensituation d’hypoxie chronique dans le cadre du RCIU vasculaire seradiscutée ici.

II.3.a. Étude de la diffusion et étude du tenseur de diffusionDes séquences particulières dites de diffusion peuvent être

réalisées. Elles explorent les mouvements microscopiques des molé-cules d’eau dans les tissus qui peuvent être mesurés sous la forme decoefficient apparent de diffusion. Les séquences de diffusion corres-pondent à des séquences dites en « single shot echoplanar », utilisantdes gradients de diffusion pulsés. La force du gradient de diffusion estexprimée en unité de valeur « b » en s/mm2. Une première séquenceest réalisée avec un b = 0, puis une ou plusieurs séquences sontréalisées avec un gradient supérieur (de 200 à 800-1 000 s/mm2).

La technique de tenseur de diffusion (diffusion tensor imaging) estdérivée de la technique précédente et donne une information sur lesens de déplacement des molécules d’eau, et donc apporte desrenseignements sur l’architecture fine des structures explorées, commel’organisation de faisceaux de neurones pour le cerveau.

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Au cours du développement cérébral, il existe une diminution descoefficients de diffusion qui traduit à la fois l’appauvrissement ducontenu en eau du tissu cérébral et un enrichissement du contenu enlipides [16-17]. Les modifications de densités cellulaires et del’ultrastructure tissulaire influencent également la diffusion [16, 17].Chez l’adulte, la diffusion est très précocement modifiée dans lesprocessus d’accidents vasculaires cérébraux ischémiques [13, 14]. Demême, comme nous le verrons plus loin, de telles modifications ont puêtre étudiées chez le nouveau-né dans les situations d’asphyxiepérinatale.

II.3.b. IRM spectroscopiqueLe signal étudié en IRM conventionnelle pour réaliser une étude

anatomique est généré par les noyaux d’hydrogène, les protons (1H)des molécules d’eau. L’IRM spectroscopique, à l’inverse de l’IRMtraditionnelle, étudie elle le signal généré par les protons attachés auxautres molécules. Alors qu’en IRM conventionnelle un seul pic deradiofréquence est obtenu (pour le noyau d’hydrogène des moléculesd’eau), en IRM spectroscopique plusieurs pics sont obtenus, chacunpouvant être couplé à une molécule donnée. Cette technique corres-pond donc à une sorte de « cartographie métabolique du cerveau » [16,17]. Quatre groupes de métabolites impliqués dans le développementcérébral sont principalement étudiés : le N-acetyl aspartate (NAA), lacréatine (Cr), la choline (Cho) et l’inositol (Ino). La concentration deces métabolites a été étudiée au niveau du parenchyme cérébral normalet pathologique, en particulier au niveau des zones d’ischémies. Àpartir de séquences particulières, il est enfin possible d’étudier lecontenu en acide lactique du tissu et ainsi de mettre en évidence uneaugmentation du contenu lactates au cours du processus d’ischémie.

II.4. IRM cérébrale néonatale dans l’asphyxie périnatale

Avant d’envisager les données actuelles concernant l’apport del’IRM cérébrale fœtale dans les situations d’hypoxie chronique, il estindispensable de réaliser un bref rappel des données actuellementdisponibles sur les lésions ischémiques du nouveau-né à terme.

Dans un contexte clinique d’asphyxie périnatale, le but premier del’imagerie cérébrale est de tenter d’identifier aussi précocement quepossible des lésions cérébrales qui seront source d’un handicap neuro-développemental de l’enfant. L’intérêt pour le néonatologiste d’uneimagerie cérébrale de prédiction est potentiellement double : disposer

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d’éléments objectifs pour alimenter la discussion de la poursuite d’uneréanimation dans les cas les plus graves, et pouvoir juger de l’efficacitéd’une thérapeutique à visée de neuroprotection, comme par exemplel’hypothermie.

Il existe actuellement une assez bonne connaissance de la corré-lation entre l’étude échographique des différents grades d’hémorragiesintraventriculaires et périventriculaires et le pronostic neurologique desenfants prématurés [19, 20]. Dans le cadre de l’asphyxie périnatale, lavaleur prédictive de l’échographie cérébrale est plus discutée, etdésormais l’IRM occupe une place prépondérante dans l’évaluationpronostique de ces nouveau-nés. L’échographie néonatale, en casd’ischémie cérébrale, peut révéler une lésion hyperéchogène focaliséepouvant correspondre à une zone d’ischémie ou à une zone hémor-ragique, mais dans cette situation il est souvent impossible d’enconnaître l’évolution ultérieure qui pourra se faire soit vers la régres-sion, soit vers la formation d’une cavité porencéphalique [21]. Lesimages peuvent encore être plus difficiles à interpréter en échographiedans les cas de souffrance cérébrale étendue car l’interprétation dudegré d’hyperéchogénicité ne pourra pas être comparative (commec’est le cas pour des lésions échogènes thoraciques ou abdominales quisont comparées aux organes de voisinage, comme le foie par exemple),et parfois on pourra tout au plus observer une diminution de ladifférenciation échographique entre substance blanche et substancegrise [21].

Pour de nombreux auteurs l’IRM est, dans cette situation, pluscontributive. Les techniques d’IRM conventionnelles deviennentpertinentes 1 à 2 semaines après la survenue d’un accident aigu [22,23]. Elles pourront mettre en évidence des anomalies de signal, enparticulier au niveau des noyaux gris de la base et des thalami, et auniveau des bras postérieurs de la capsule interne. Ces lésions sont leplus souvent associées à un handicap moteur et cognitif lourd [22, 23].Dans près de la moitié des cas, ce type de lésion est associé à desanomalies de signal au niveau de la substance blanche et cet élémentpourrait représenter un élément supplémentaire de mauvais pronostic.L’IRM conventionnelle est le plus souvent prise à défaut dans lespremiers jours suivant la souffrance cérébrale anoxo-ischémique. Latechnique de diffusion pour certains auteurs trouve ici une applicationet pourrait s’avérer contributive dans les tous premiers jours suivantl’accident anoxo-ischémique. Il existe en effet une corrélation assezbonne entre l’existence d’une diminution significative des coefficientsde diffusion de la substance blanche et une mauvaise évolutionneurologique. En revanche, l’étude des coefficients de diffusion au

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niveau des noyaux gris centraux et des thalami est moins contributive[22, 23]. Ainsi, l’observation de coefficients de diffusion normaux auniveau de ces structures n’élimine pas l’apparition ultérieure d’uneanomalie de signal en séquences conventionnelles.

Les techniques plus récentes d’IRM spectroscopiques pourraientpermettre de révéler une ischémie encore plus précocement, dès les24 premières heures, avec la mise en évidence d’un pic anormal delactates. Secondairement, une diminution du pic de NAA et surtout unrapport NAA/choline effondré pourraient être mis en évidence [24,25].

Il existe donc actuellement, dans le cadre de la souffrance anoxo-ischémique du nouveau-né à terme, une séquence de révélation dezone d’ischémie cérébrale mise en évidence très précocement par IRMspectroscopique (actuellement toujours dans le domaine de larecherche clinique) dès les premières heures suivant l’épisode anoxo-ischémique, puis s’exprimant après le 2e jour par une anomalie dediffusion au niveau de la substance blanche susceptible de se corrigeren quelques jours. Ces anomalies précèdent ainsi l’apparition de zonesd’hypersignal en IRM conventionnelle habituellement observables àpartir de la 2e semaine d’évolution.

II.5. Contribution de l’IRM cérébrale dans le cadre du RCIUvasculaire

II.5.a. Apport de l’IRM conventionnelleSi l’apport de l’IRM cérébrale conventionnelle est indiscutable

dans la discussion des cas de RCIU s’intégrant dans un cadre syndro-mique ou dans le cadre d’une fœtopathie à CMV, son apport pour ladétection précoce de conséquences d’une hypoxie cérébrale chez lefœtus avec RCIU vasculaire est actuellement très limité. En effet, sil’IRM prénatale est susceptible de mettre en évidence des lésionsfocales hyperdenses ischémiques ou ischémo-hémorragiques desurvenue accidentelle, ou entrant dans un cadre malformatif ou celuid’exceptionnelles thrombophillies à révélation prénatale, cet examenn’est d’aucune utilité pour tenter d’explorer les conséquences d’unehypoxie cérébrale prolongée, dont on suppose qu’elle pourrait donnerdes lésions plus diffuses.

Plusieurs travaux ont concerné l’étude de la mise en place de lagiration chez le fœtus. Il a ainsi été démontré que chez le fœtus normal,un monitorage de l’apparition progressive des sillons et des circon-volutions cérébrales était possible et un schéma d’apparition de ces

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plissements corticaux en fonction de l’âge gestationnel a été proposé[26, 27]. Une série autopsique ancienne ayant porté sur l’examen decerveaux de nouveau-nés décédés dans un contexte de RCIU chez desmères hypertendues a suggéré que les enfants avec RCIU vasculaireprésentaient une avance maturative cérébrale d’environ 2 semaines parrapport à des nouveau-nés témoins [28]. Une étude récente a comparépar IRM la maturation cérébrale de 37 fœtus avec RCIU avec 123 fœtuseutrophes [29]. La maturation cérébrale a été appréciée à partir demarqueurs de la giration répartis en 8 stades. Cette étude n’a pas mis enévidence de différence de la giration entre ces 2 groupes. Il est probablequ’une imprécision, quant à la précision de la détermination de l’âgegestationnel dans les séries autopsiques anciennes, soit une sourced’erreur dans l’interprétation des différences de stade de girationobservées. Ces données récentes obtenues par IRM chez le fœtushumain sont à connaître car elles suggèrent que l’analyse de la girationchez le fœtus avec RCIU vasculaire doit se faire de la même manièreque chez le fœtus normal.

Plusieurs travaux ont utilisé des techniques d’IRM cérébrale 3D enpostnatal pour comparer la mesure des volumes corticaux chez lenouveau-né normal et le nouveau-né prématuré [30-32]. Ces travauxsuggèrent qu’il pourrait exister un volume de cortex plus faible chez lenouveau-né avec RCIU par rapport au nouveau-né dont le poids denaissance était normal. Cette réduction du volume cortical pourrait êtrecorrélée à une diminution des performances neuro-développementaleschez ces enfants. De tels travaux n’ont, à ce jour, pas été réalisés chezle fœtus.

II.5.b.Place de l’étude de la diffusion par IRM (Figures 1 et 2)Les premières études consacrées à l’étude de la diffusion au niveau

du cerveau fœtal ont moins de 10 ans. Dans le principe, cette techniquepourrait être séduisante en prénatal pour mettre en évidence des zonesd’ischémie cérébrale diffuses ou localisées, quelle que soit leur origine :hypoxie fœtal chronique dans le cadre d’un RCIU vasculaire,phénomène de vol vasculaire (comme dans l’anévrysme de la veine deGalien), souffrance cérébrale dans le cadre d’une fœtopathie à CMV,anémie fœtale aiguë, souffrance cérébrale observée chez le co-jumeausuivant une mort fœtale in utero dans une grossesse mono-choriale bi-amniotique. Dans la majorité de ces situations, le risque de souffrancecérébrale est connu mais il faut un délai d’au moins 2 à 3 semainessuivant un accident aigu pour mettre en évidence une lésion constituéepar les techniques d’imagerie classiques. Par ailleurs, l’étude du tenseurde diffusion pourrait elle-même être contributive pour objectiver des

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Figure 1 - Cartographie de diffusion normale chez un fœtus de 33 SA. Coupe axialepassant par le troisième ventricule et les carrefours ventriculaires (Cliché Dr Garel,Hôpital Trousseau)

Figure 2 - Cartographie de diffusion anormale chez un fœtus de 32 SA présentantune anomalie diffuse de la substance blanche postérieure dans le cadre d’uneséroconversion à la toxoplasmose. On note une augmentation nette de la diffusionau niveau de la substance blanche postérieure avec des ADC mesurés à 217 x 10-5

mm2/s (b = 700 s/mm2, IRM Philips Achieva 1,5T) (Cliché Dr Garel, Hôpital Trousseau)

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trajets anormaux des faisceaux, en cas d’anomalies de la migrationneuronale par exemple.

Les études réalisées chez le fœtus normal ont inclus entre 15 à80 fœtus avec des termes allant de 17 à 37 SA [16, 17, 33-37].Globalement, les études concordent pour dire qu’il existe unediminution des coefficients de diffusion au niveau des noyaux griscentraux en 2e partie de gestation. Cette diminution traduit desmodifications dans la constitution et l’architecture de ces structures(myélinisation, organisation cellulaire). En revanche, on observe delarges variations des coefficients de diffusion mesurées au niveau de lasubstance blanche. Pour la majorité des auteurs, les coefficients dediffusion sont plus élevés au sein de la substance blanche frontale parrapport aux valeurs mesurées en occipital [16, 34, 35]. Cette tendancepourrait être le reflet d’une myélinisation plus précoce en régionoccipitale. Par ailleurs, plusieurs études ont mis en évidence unediminution de la diffusion avec l’âge gestationnel [16, 17, 33, 37].

Les différences observées dans ces travaux préliminaires, enparticulier pour la substance blanche, illustrent les limites que cettetechnique connaît chez le fœtus [16]. D’une manière générale, avec leséquipements habituellement utilisés, le rapport signal-bruit et larésolution axiale sont nettement moins bons chez le fœtus que chez lenouveau-né. Les artefacts liés aux mouvements fœtaux sont suscep-tibles d’influencer les valeurs des coefficients de diffusion mesurés. Dela même manière, un décalage du cerveau fœtal par rapport à l’iso-centre magnétique est susceptible d’influencer la mesure. Le choixinitial de la force du gradient pulsé « b » (qui varie de 0 à 1 000 s/mm2)est susceptible d’influencer les valeurs observées. Enfin, la taille et lepositionnement de la région d’intérêt (ROI) étudiée peuvent égalementinfluencer le résultat si celle-ci comprend par exemple une zone decellules migrantes au sein de la substance blanche (aboutissant à unediminution artéfactuelle du coefficient de diffusion pour la zone desubstance blanche considérée).

Plusieurs travaux réalisés chez l’animal suggèrent que l’étude de ladiffusion pourrait permettre de mettre en évidence à un stade précocedes lésions d’ischémie cérébrale. Chez la lapine gestante, une hypoxiefœtale aiguë induite par une occlusion temporaire de l’aorte sous-rénaleconduit au développement chez les nouveau-nés d’un tableau neuro-logique voisin du tableau d’infirmité motrice cérébrale décrit chezl’homme [38]. Une occlusion a été réalisée pendant 40 min à 0,78 dela gestation (dernier tiers) et une étude de la diffusion cérébrale a étéréalisée au moment de l’hypoxie aiguë, puis 4 h, 24 h et 48 h suivantl’occlusion. Les fœtus les plus sévèrement touchés (mort in utero,

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naissance vivante avec séquelles) étaient ceux pour lesquelles la dimi-nution de la diffusion avait été la plus grande au cours de l’épisode aiguet pour lesquels la normalisation avait été la plus lente et souventincomplète à distance de l’ischémie aiguë [39]. À partir d’un modèled’ischémie prénatale chez le rat, il a pu être démontré qu’il existait uneparfaite corrélation entre les anomalies de la diffusion au niveau de lasubstance blanche et les lésions histologiques caractérisant l’ischémiede ces mêmes territoires, associant activation microgliale, activationmacrocytaire et phénomène de gliose cicatricielle [40].

À ce jour, la contribution de l’étude de la diffusion dans unesituation prénatale à risque d’hypoxie-ischémie cérébrale fœtale n’a étérapportée chez l’homme qu’au travers de cas isolés. Dans un cas, deslésions ischémiques multifocales ont été suspectées à 33 SA dans lecadre d’une malformation artério-veineuse de Galien, avec des valeursde coefficients de diffusion diminuées en région pariétale et frontale[41]. Dans un autre cas, il a été mis en évidence une diminutionsignificative des coefficients de diffusions au niveau de la substanceblanche frontale des deux hémisphères, lors d’un examen réalisé dansles 48 h suivant un diagnostic de MFIU compliquant une grossessemonochoriale bi-amniotique à 24 SA [42]. Les séquences conven-tionnelles réalisées lors du même examen chez ce fœtus survivantétaient normales. Un contrôle réalisé 2 semaines plus tard a mis enévidence des lésions étendues de cavitations au niveau de la substanceblanche périventriculaire frontale.

Aucune étude à large échelle n’a été réalisée chez le fœtus humaindans le cadre du RCIU vasculaire. Une étude récente a porté sur uneffectif très réduit de fœtus avec RCIU vasculaire (8 cas) pour lesquelsles coefficients de diffusion ont été mesurés à 37 SA et comparés à5 témoins [43]. Ces auteurs ont rapporté une diminution nonsignificative des coefficients de diffusion dans le groupe RCIU pour lefaisceau pyramidal et la substance blanche du lobe frontal, alorsqu’aucune différence n’a été observée pour les noyaux gris centraux.Ces résultats sont à interpréter avec la plus grande précaution, eu égardaux grandes variations des valeurs observées dans les plus larges sériesde fœtus normaux.

II.5.c. Place de l’IRM spectroscopiqueL’IRM spectroscopique permet de réaliser une sorte de carto-

graphie métabolique du cerveau [18]. Des études longitudinalesréalisées chez le fœtus normal ont mis en évidence des modificationsde l’expression de différents métabolites qui reflètent les phénomènesde maturation cérébrale physiologique. Les métabolites étudiés sont :

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le N-acetyl aspartate (NAA) qui est un marqueur neuronal, la créatine(Cr) qui reflète l’intensité du métabolisme cellulaire, la choline (Cho)qui est un constituant membranaire et un marqueur des processus demyélinisation et le myo-inositol (Myo-Ino) qui est un marqueur astro-cytaire. En conditions physiologiques, on n’observe pas de pic dedétection correspondant à la production de lactates (associée au méta-bolisme anaérobie).

Il existe une modification des profils de détection de ces méta-bolites au cours du développement cérébral. Entre 22 et 28 SA deuxpics dominent, correspondant au Myo-Ino (rendant compte de larelative densité en cellules gliales) et à la Cho [18, 44]. Il existe ensuiteune diminution progressive du pic de Cho qui traduit la progression dela myélinisation. La choline entre dans la composition des phospho-lipides membranaires. Seule la fraction libre de choline est identifiée enIRM spectroscopique. Ainsi, la diminution du pic de choline rendcompte de son intégration pour la biosynthèse de phosphatidylcholineet la production de myéline. Le pic de NAA est faible à 22 SA [40] etcelui-ci augmente en intensité en 2e partie de gestation, rendant comptedu développement dendritique et des synapses [47]. Ces modificationssont en accord avec celles observées chez les nouveau-nés prématurésd’âge gestationnel équivalent. Enfin, à partir de 34 SA, le spectreobservé est comparable à celui obtenu chez le nouveau-né à terme [48,49].

Chez le fœtus de mouton, une étude a permis de mettre enévidence qu’une hypoxie fœtale induisait l’apparition d’un pic delactates corrélée à la diminution du pH mesuré sur le sang fœtal et unediminution du pic de NNA [50]. Chez l’homme, seules quelquesobservations isolées ont rapporté des modifications similaires [43, 51].

CONCLUSION

La mise en évidence de stigmates d’ischémie cérébrale en rapportavec une hypoxie fœtale pourrait dans l’avenir représenter un outilmajeur dans la surveillance des fœtus présentant un RCIU vasculaire.Les nouvelles techniques d’IRM avec étude de la diffusion ou étudemétabolique en spectrométrie pourraient permettre d’identifier detelles lésions avant l’apparition d’anomalies constituées mise enévidence plus tardivement par les techniques de neuro-imagerieprénatale classiques. Ces nouvelles techniques apporteront sans nul

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doute des informations capitales à la compréhension des phénomènesde souffrance cérébrale observés dans ce cadre, qui demeurent respon-sables d’une lourde morbidité postnatale. Elles devraient ainsi enrichirles connaissances actuelles concernant la neuroprotection en périodepérinatale. Parallèlement, ces outils pourraient représenter une aideprécieuse dans la discussion des cas de RCIU situés aux frontières descapacités de prise en charge périnatale actuelles. Enfin, ces techniquespermettront peut-être dans l’avenir d’enrichir la palette des outils dontles périnatologistes disposent pour décider du terme de naissanceadéquat des fœtus présentant un RCIU vasculaire.

RemerciementsJ.M. Jouannic remercie chaleureusement les Professeurs Olivier

Baud (néonatalogie, hôpital Robert Debré, APHP, Paris) et LaurentGuibaud (hôpital Femme-Mère-Enfants, HCL, Lyon) pour leursconseils de relecture, et le Docteur Catherine Garel (radiopédiatrie,hôpital Trousseau, APHP, Paris).

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