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NOTES DE LA FONDATION ROBERT SCHUMAN VERS UNE BIOÉTHIQUE EUROPÉENNE ? L’EXEMPLE DE L’EMBRYON HUMAIN 19 NOTES DE LA FONDATION ROBERT SCHUMAN NOTES DE LA FONDATION ROBERT SCHUMAN 10 ISBN : EN COURS Novembre 2003 www.robert-schuman.org 19 VERS UNE BIOÉTHIQUE EUROPÉENNE ? L’EXEMPLE DE L’EMBRYON HUMAIN Laurence Lepienne S cience sans conscience n’est que ruine de l’âme” écrivait Rabelais. En réalité, la science en elle-même n’est pas nécessairement mauvaise,ce sont davantage les utilisations qui peuvent en être faites. Le défi est de trouver un juste équilibre entre le respect de la dignité de l’être humain face aux progrès scientifiques et la liberté de la recherche dont les applications sont utiles à la santé humaine. Que penser des récents développements dans le domaine des sciences du vivant – notamment des interventions sur l’embryon humain – et quelles sont les conséquences pour l’être humain et les générations futures ? Recherche sur l’embryon humain, “clonage thérapeutique”, clonage reproductif d’êtres humains… autant de sujets au cœur d’une actualité brûlante. Quels sont les enjeux éthiques, scientifiques, médicaux ? Cette note dresse un état des lieux non exhaustif des questions éthiques soulevées par l’utilisation de l’embryon humain à des fins de recherche ou à des fins diagnostiques, voire à des fins thérapeutiques. On remarque une disparité des pratiques et des législations nationales au sein de l’Union européenne.L’Europe devient pourtant,peu à peu,le cadre du développement d’un droit de la bioéthique. Laurence LEPIENNE est docteur en éthique biomédicale ‘‘ Préface du Professeur Alain Pompidou

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10 €ISBN : EN COURS

Novembre 2003 www.robert-schuman.org

19

VERS UNE BIOÉTHIQUE EUROPÉENNE ?L’EXEMPLE DE L’EMBRYON HUMAINLaurence Lepienne

Science sans conscience n’est que ruine de l’âme”écrivait Rabelais. En réalité, la science en elle-même

n’est pas nécessairement mauvaise,ce sont davantage lesutilisations qui peuvent en être faites. Le défi est detrouver un juste équilibre entre le respect de la dignitéde l’être humain face aux progrès scientifiques et la libertéde la recherche dont les applications sont utiles à la santéhumaine.Que penser des récents développements dans le domainedes sciences du vivant – notamment des interventionssur l’embryon humain – et quelles sont les conséquencespour l’être humain et les générations futures ?Recherche sur l’embryon humain, “clonage thérapeutique”,clonage reproductif d’êtres humains… autant de sujetsau cœur d’une actualité brûlante. Quels sont les enjeuxéthiques, scientifiques, médicaux ?Cette note dresse un état des lieux non exhaustif desquestions éthiques soulevées par l’utilisation de l’embryonhumain à des fins de recherche ou à des fins diagnostiques,voire à des fins thérapeutiques.On remarque une disparité des pratiques et des législationsnationales au sein de l’Union européenne.L’Europe devientpourtant,peu à peu, le cadre du développement d’un droitde la bioéthique.

Laurence LEPIENNE est docteur en éthique biomédicale

‘‘

Préface du Professeur Alain Pompidou

Page 2: LAURENCE LEPIENNE - La Fondation Robert Schuman

LAURENCE LEPIENNE

Page 3: LAURENCE LEPIENNE - La Fondation Robert Schuman

Préface .................................................................. 6Quelles perceptions de la condition embryonnaire ?

Introduction ........................................................ 10

1. Le statut de l’embryon humain :une question insoluble ? ................................ 12

A. Un statut moral pour l’embryon humain ? .................... 121.1 Définitions ............................................................................. 131.2 Quelle “condition“ pour l’embryon humain ? ............... 181.3 L’embryon humain dans les religions monothéistes .... 20

B. La protection de l’embryon humain en droit français ................................. 26

1.1 L’embryon in utero ............................................................... 261.2 L’embryon in vitro et les principes posés

par les lois de bioéthique du 29 juillet 1994................... 28

2. La recherche sur l’embryon humain............ 34

A. Le statut éthique de la recherche sur l’embryon humain ........................................................ 34

B. Vers une autorisation de la recherche sur l’embryon humain ? ......................... 35

2.1 La recherche sur l’embryon humain dans les lois de bioéthique en 1994.................................. 35

2.2 La révision des lois de bioéthique ..................................... 40

C. La diversité des législations nationales des pays de l’Union européenne ................... 43

sommaire

Page 4: LAURENCE LEPIENNE - La Fondation Robert Schuman

4 VERS UNE BIOÉTHIQUE EUROPÉENNE ? L’EXEMPLE DE L’EMBRYON HUMAIN 5VERS UNE BIOÉTHIQUE EUROPÉENNE ? L’EXEMPLE DE L’EMBRYON HUMAIN

3. Le Diagnostic Génétique Préimplantatoire ................................................ 50

A. Les aspects techniques du Diagnostic Génétique Préimplantatoire .................... 52

3.1 L’obtention de l’embryon humain ..................................... 523.2 Le prélèvement des cellules embryonnaires .................. 543.3 L’analyse moléculaire du

matériel cellulaire à des fins génétiques .......................... 56

B. L’encadrement juridique du Diagnostic Génétique Préimplantatoire .................... 59

3.1 En droit français ................................................................... 593.2 Dans les pays de l’Union européenne ............................. 64

C. Les enjeux éthiques du Diagnostic Génétique Préimplantatoire .................... 69

3.1 La sécurité du prélévement ................................................ 703.2 La fiabilité du diagnostic ...................................................... 713.3 La question de l’acceptabilité

des différentes formes de prélèvements ......................... 733.4 Le dilemne éthique relatif au

choix sélectif des embryons humains............................... 743.5 La question de l’extension des indications

du Diagnostic Génétique Préimplantatoire..................... 78 3.6 Les bouleversements engendrés par la

pratique du Diagnostic Génétique Préimplantatoire ....... 86

4. Les cellules souches embryonnaires humaines .................................. 92

A. Généralités ............................................................................. 924.1 Définition et les différents types

de cellules souches................................................................ 924.2 Les méthodes d’obtention des cellules souches ............ 944.3 La particularité des cellules

souches embryonnaires ....................................................... 95

B. Les enjeux et potentialités ouverts par les cellules souches embryonnaires............................ 97

4.1 Les défis et perspectives scientifiques ............................. 974.2 Les enjeux éthiques de l’utilisation

des cellules souches humaines d’origine embryonnaire...................................................... 102

4.3 Les enjeux éthiques particuliers soulevés par l’utilisation des cellules souches embryonnaires humaines à des fins de clonage reproductif .................. 105

C. Quel encadrement juridique de l’utilisation des cellules souches humaines d’origine embryonnaire ? ................................108

4.1 En droit français .................................................................. 1084.2 Dans les pays de l’Union européenne............................ 110

Conclusion......................................................... 120Vers une harmonisation européenne en matière de bioéthique ?

Références bibliographiques ........................... 128

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tères biologiques,mais également socio-culturelset religieux.

Après avoir précisé les modalités de protectionde l'embryon humain en droit français, le travailaborde l'épineux problème des recherchesmenées sur l'embryon humain. Les orientationsd'une telle recherche sont tout d'abord fondéessur l'approche éthique qui a guidé la législationfrançaise. La comparaison avec les législationsnationales européennes est particulièrementclaire.

C'est dans une telle perspective qu'est présentéle cas très particulier duDagnostic Génétique Pré-implantatoire dans ses aspects techniques etjuridiques ainsi que dans ses enjeux éthiques. Laquestion de l'extension d'un tel diagnostic géné-tique est abordée en raison de son caractère pro-metteur pour le traitement d'enfants déjà vivantset porteurs d'une anomalie génétique majeure sus-ceptible d'être corrigée grâce à l'utilisation descellules de l'enfant à naître. Une telle probléma-tique pose à la fois des questions éthiques et déon-tologiques qui, en raison de leur aspect com-passionnel, dépassent les convictions propres àla morale traditionnelle.

Cette Note traite ensuite des études portant surles cellules souches embryonnaires. L'équilibreentre les enjeux et les potentialités de l'utilisa-tion de telles cellules pose le problème desmodalités de l'encadrement juridique du recoursà ces lignées cellulaires.

Tout au long de ce travail bien documenté etdestiné à faire prendre conscience des difficultésqui se posent et des espoirs suscités,le problème

VERS UNE BIOÉTHIQUE EUROPÉENNE ? L’EXEMPLE DE L’EMBRYON HUMAIN6

Quelles perceptions de lacondition embryonnaire ?

Etape transitoire de la procréation, l'embryonhumain est le passage obligé de la concrétisationdu désir d'enfant.

Exposé, en dehors du sein maternel, l'embryonobtenu par fécondation in vitro sort de soncontexte naturel. Il pourrait être considérécomme un “objet” affranchi de ses finalités ini-tiales.

Toute recherche destinée à améliorer l'implan-tation chez la future mère se situe dans le cadred'une démarche de procréation. Elle est auservice du bénéfice direct du développement del'embryon porté par le projet parental.Mais la fina-lité peut être différente dans la mesure où lesrecherches sur les embryons surnumérairescongelés, et dépourvus de toute filiation à venir,peuvent donner lieu à une expérimentation. Ils'agit, soit de mieux comprendre le développe-ment embryonnaire,soit de mettre au point deslignées de cellules souches à des fins de thérapiecellulaire régénérative pour le traitement demaladies neurologiques,hématologiques ou méta-boliques (Alzheimer, Parkinson, leucémies,diabète…)

Le travail réalisé par Laurence Lepienne,Docteuren Ethique Biomédicale, a le mérite de préciserles différents aspects propres au “statut” de l'em-bryon humain en tenant compte à la fois de cri-

VERS UNE BIOÉTHIQUE EUROPÉENNE ? L’EXEMPLE DE L’EMBRYON HUMAIN

Préface

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9VERS UNE BIOÉTHIQUE EUROPÉENNE ? L’EXEMPLE DE L’EMBRYON HUMAIN8

reste posé de l'ouverture vers une harmonisa-tion européenne en matière de bioéthique. Elleest encore loin d'être acquise en raison des dis-parités entre les Etats membres.

Un des objectifs majeurs de la constructioneuropéenne dans les domaines qui touchent à lavie humaine et au respect de la personne est d'ar-river à faire en sorte que l'acquis communautairene remette pas en cause les identités socio-cul-turelles.Celles-ci fondent,en partie, la spécificitéd'une Union européenne attachée au respect desprincipes démocratiques qui sous-tendent, dansce domaine, l'indispensable questionnementéthique.

Professeur Alain POMPIDOUDéputé européen honoraire

Membre de l'Académie des technologiesMembre du Conseil Economique et Social

VERS UNE BIOÉTHIQUE EUROPÉENNE ? L’EXEMPLE DE L’EMBRYON HUMAIN

Préface

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es progrès dans les domaines de la biolo-gie moléculaire et de l’Assistance Médicale

à la Procréation ont permis l’accès à l’embryonhumain in vitro, rendant possible l’étude des cel-lules embryonnaires de l’être humain.En effet, la mise au point des méthodes defécondation in vitro a conduit à obtenir desembryons humains susceptibles d’être mainte-nus en vie en dehors de la cavité utérine mater-nelle,desquels il est possible de prélever les cel-lules, soit à des fins diagnostiques (DiagnosticGénétique Préimplantatoire), soit à des fins derecherche.

Le Diagnostic Génétique Préimplantatoire est unetechnique qui a pour objet de poser un diagnosticprécoce de maladie génétique, sur un embryonhumain in vitro,en vue d’éclairer une décision detransfert in utero.Il concerne ainsi les couples ayantun risque de transmettre à leur descendance unemaladie génétique grave. En France, il est auto-risé à titre exceptionnel et strictement encadrépar les lois de bioéthique du 29 juillet 1994.En outre, les récents développements de lascience ouvrent des perspectives nouvelles quantà une utilisation potentielle des cellules souches,qu’elles soient embryonnaires ou adultes, à desfins thérapeutiques. Ces cellules souches, enraison de leurs caractéristiques,suscitent toutesles convoitises.Lorsqu’elles sont indifférenciées,elles ont la capacité de proliférer à l’infini. Larecherche sur les cellules souches suscite ainsil’espoir de développer de nouvelles méthodespour remplacer ou réparer les tissus ou cellules

endommagés ou malades,mais aussi pour traiterdes maladies telles que le diabète, la maladie deParkinson, les maladies cardio-vasculaires oucertains cancers.

Ces perspectives nouvelles suscitent de grandsespoirs quant aux possibilités de thérapie cellu-laire et l’avènement d’une nouvelle médecinerégénérative. Elles suscitent également beau-coup de craintes dans la mesure où elles néces-sitent l’utilisation de l’embryon humain et de sescellules.

Le Diagnostic Génétique Préimplantatoire poseune série de questions relatives au risque d’eu-génisme, au tri des embryons… L’utilisation del’embryon à des fins de recherche,ou pour pré-lever des cellules à des fins thérapeutiques,soulève des questions relatives à l’instrumenta-lisation de l’embryon humain.Tout ceci pose la question séculaire du statut del’embryon humain et de sa protection. Il estévident que l’embryon humain,parce que d’ori-gine humaine, exige le respect, mais pour beau-coup la question est de savoir quelle forme cerespect doit-il revêtir ?

Un vif débat s’est donc instauré sur les fonde-ments des recherches sur l’embryon et les cel-lules souches embryonnaires,débat qui dépassele cadre spirituel et religieux.Ce débat s’est accen-tué en raison, d’une part, de la révision des loisfrançaises de bioéthique,et notamment des dis-positions relatives à la recherche sur l’embryon,d’autre part,des récents faits divers concernantde possibles naissances d’êtres humains parclonage reproductif.

VERS UNE BIOÉTHIQUE EUROPÉENNE ? L’EXEMPLE DE L’EMBRYON HUMAIN VERS UNE BIOÉTHIQUE EUROPÉENNE ? L’EXEMPLE DE L’EMBRYON HUMAIN

Introduction

L

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13

Les embryologistes considèrent en général quel’on peut étudier l’embryon humain pendant lapériode allant de la fécondation jusqu’au qua-torzième jour (moment où la ligne primitive etles premiers éléments du système nerveux appa-raissent),mais certains acceptent de pousser lesinvestigations jusqu’au trentième jour (qui marquel’apparition des structures cérébrales).

Ainsi, en la matière, diverses pratiques appa-raissent. De la même façon, il n’existe pas unedéfinition précise et unique de l’embryonhumain.

1.1Définitions

1.1.1 L'embryon

Le terme “embryon” désigne, dans son accep-tion générale, le stade du développementhumain qui marque le passage d’une celluleunique fécondée, l’œuf,à un ensemble complexede tissus et de cellules, le fœtus.Cette périodecorrespond aux huit premières semaines quisuivent la fécondation.

Pendant cette période,la pratique scientifique dis-tingue divers stades de développement et plusieursdéfinitions plus précises du terme “embryon” ontpu être proposées.

Ainsi, le terme “zygote” est souvent utilisé pourdésigner la période correspondant aux toutes pre-mières divisions cellulaires avant que n’apparais-sent les lignées de cellules à partir desquelles seforment le “disque” ou “bouton” embryonnaireet le “trophoblaste” (futur placenta).

VERS UNE BIOÉTHIQUE EUROPÉENNE ? L’EXEMPLE DE L’EMBRYON HUMAIN12 VERS UNE BIOÉTHIQUE EUROPÉENNE ? L’EXEMPLE DE L’EMBRYON HUMAIN

A.Un statut moral pour l’embryon humain ?Le statut moral de l’embryon humain constitueprobablement l’une des questions les plus épi-neuses de la bioéthique. Doctrinalement, c’estun lieu de débats de grande importance sur lesdéfinitions et limites de la personne humaine.

La question qui se pose est celle de la nature durespect dû à l’embryon. Les considérationséthiques et juridiques conduisent à des défini-tions différentes.

Les attitudes,tant positives que négatives,enversles recherches sur l’embryon humain dépendentprincipalement de son stade de développementet de ce qui peut être considéré comme le com-mencement d’une vie humaine.

S’agit-il :- du zygote (ovule fécondé par le spermatozoïde) ;- de l’embryon dans la période de clivage (pré-embryon pour la Grande-Bretagne et l’Espagne)avant ou après implantation ;- de l’embryon au stade de formation du systèmenerveux ?

1Le statut del’embryon humain :une questioninsoluble ?

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La fécondation in vitro a en effet permis d’accroîtrela disponibilité de l’embryon. Hors du corpsmaternel, il n’est pas à l’abri d’éventuelles inves-tigations.Certains considèrent que,bien qu’il soitporteur d’un patrimoine génétique propre, issudu père et de la mère géniteurs,cet embryon esten attente de filiation.Il n’est pas nécessairementlié à un projet parental non encore formulé defaçon définitive ou abandonné. S’il a acquis sonidentité, il n’est encore sous la responsabilité depersonne, sinon celle des parents géniteurs quise sont exprimés biologiquement à travers lafécondation. Ceci explique l’existence d’un videjuridique concernant l’embryon obtenu par fécon-dation in vitro.

1.1.3 La notion de “pré-embryon”

C’est en 1985 que l’European Science Foundationa employé l’expression de “pré-embryon” pourdécrire le stade qui va de la fécondation à l’ap-parition de la “ligne primitive” d’où est issu lesystème nerveux à partir du quatorzième jour.

En 1986, le Comité d’Ethique de l’AmericanFertility Society (désormais, American Society forReproduction Medicine) reprenait la notion de“pré-embryon” dans un document relatif auxconsidérations éthiques sur les nouvelles tech-nologies de la reproduction.

Pour ce Comité, jusqu’aux premières différen-ciations cellulaires, il est préférable de parler de“pré-embryon” plutôt que d’embryon. Il consi-dère qu’à ce stade,les fonctions ne sont pas encorecelles de l’embryon,qui n’a pas encore son iden-tité complète (il n’a alors que son identité géné-tique).

VERS UNE BIOÉTHIQUE EUROPÉENNE ? L’EXEMPLE DE L’EMBRYON HUMAIN14

Le terme “embryon” est alors utilisé pour dési-gner un stade de développement postérieur à celuides premières divisions de l’œuf fécondé. Enréalité, sur un plan strictement génétique, leterme d’œuf ou zygote doit être réservé à l’étatde la cellule fécondée avant la première division.Le terme d’embryon est utilisé dès le stade dedeux cellules. Cette définition est liée au faitqu’avant la première division de l’œuf, il y aremaniement chromosomique. Celui-ci estterminé dès la première mitose.C’est à ce stadeque le patrimoine génétique d’un être humainnouveau unique est fixé. D’où sa dénominationd’embryon.

Pour certains,le moment “décisif” serait celui del’implantation utérine (au sixième jour après lafécondation).Pour d’autres,ce serait l’apparitionde la “ligne primitive” (ébauche du systèmenerveux, environ quatorze jours après la fécon-dation).C’est à ce stade que les cellules de l’em-bryon perdent leur propriété de “totipotentia-lité”,c’est-à-dire celle de se diviser pour donnerdeux embryons ou plus et que s’opère une dif-férenciation plus marquée des tissus aboutissantultérieurement au stade fœtal.

1.1.2 L'embryon in vitro

Par embryon in vitro,on entend l’embryon issu d’unefécondation réalisée en dehors de l’organismematernel, puis maintenu en vie dans un environ-nement artificiel.Il se distingue donc de l’embryonin vivo ou in uteroqui résulte d’une fécondation natu-relle ou après insémination artificielle.

Isolé du sein maternel,l’embryon in vitro est doncaccessible,ce qui pose des problèmes particuliers.

VERS UNE BIOÉTHIQUE EUROPÉENNE ? L’EXEMPLE DE L’EMBRYON HUMAIN

1Le statut de l’embryonhumain :une questioninsoluble ?

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Si la recommandation 1100 (1989) emploie leterme “pré-embryon”,elle affirme aussitôt que celui-ci “manifeste aussi une différenciation progressivede son organisme et maintient néanmoins encontinuité son identité biologique et génétique”.

Le Comité Consultatif National d’Ethique fran-çais, quant à lui, a rejeté cette notion de “pré-embryon” dans son avis rendu le 15 décembre1986 relatif aux recherches sur les embryons invitro. Il a en effet considéré que “le recours à lanotion de “pré-embryon” risque d’accréditerl’idée que l’embryon pourrait pendant un tempsêtre traité différemment, avec moins de consi-dération, notamment pour les interventionsliées à la recherche...”. Le Comité ConsultatifNational d’Ethique a donc préféré,dans ses avis,retenir une définition générale de l’embryonhumain, couvrant tous les stades de développe-ment du zygote jusqu’au stade fœtal.

Quant au projet de Convention Bioéthique telque présenté en juillet 1994 par le Conseil del’Europe, il tendait à autoriser la recherche surles embryons de moins de quatorze jours dansles pays où cette recherche est admise par laloi. Or, ayant été jugé contraire au principe denon-discrimination affirmé à l’article 1,l’Assemblée parlementaire a supprimé cet alinéadans sa version définitive. C’est ainsi que laConvention sur les Droits de l’Homme et laBiomédecine, adoptée en 1997, ne fait plusmention de la notion de pré-embryon, l’article18 alinéa 1 relatif à la recherche sur lesembryons in vitro étant rédigé comme suit :“Lorsque la recherche sur les embryons invitro est admise par la loi,celle-ci assure une pro-tection adéquate de l’embryon”.

VERS UNE BIOÉTHIQUE EUROPÉENNE ? L’EXEMPLE DE L’EMBRYON HUMAIN16

Ainsi, le Comité en déduit que le statut du “pré-embryon” est différent de celui de l’embryon, ainsique du statut des gamètes ou de celui des cel-lules,tissus ou organes isolés,parce que ces der-niers n’ont pas la capacité du “pré-embryon” àévoluer vers une personne complète, mêmedans des circonstances favorables.

Dans son rapport intitulé “Fécondation etEmbryologie Humaines”,Lady Warnock,philo-sophe britannique ayant présidé la Commissiondont les travaux ont abouti à la loi de 1990 surl’embryologie et la fécondation,se réfère à cettenotion de “pré-embryon”.Tout en constatantque “du point de vue biologique, il n’existe pasune étape spécialement repérable dans le déve-loppement de l’embryon au-delà de laquellel’embryon in vitro ne devrait pas être conservéen vie”,Lady Warnock fait également remarquerque les autorités médicales hésitent entre lalimite de dix-sept jours, début du développe-ment neural, celle de quatorze jours, début du développement individuel de l’embryon,et, soit le début, soit la fin de la phase d’im-plantation.

Dans sa recommandation 1046 (1986) relative à“l’utilisation d’embryons humains et fœtushumains à des fins diagnostiques,thérapeutiques,scientifiques, industrielles et commerciales”,l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europeprend, quant à elle, le parti de ne pas utiliser lanotion de “pré-embryon”. Elle retient une défi-nition très générale en posant que “dès la fécon-dation de l’ovule, la vie humaine se développe demanière continue si bien que l’on ne peut fairede distinction au cours des premières phasesembryonnaires de son développement”.

VERS UNE BIOÉTHIQUE EUROPÉENNE ? L’EXEMPLE DE L’EMBRYON HUMAIN

1Le statut de l’embryonhumain :une questioninsoluble ?

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Si l’embryon est une personne humaine, ilest alors sujet de droit, et sa protection devraêtre majeure.Toute intervention ne sera liciteque si elle a pour cause et pour objet l’intérêtindividuel de cette personne.Si, en revanche, l’embryon ne constitue qu’un“amas de cellules”, les réflexions sur de pos-sibles interventions sont superflues.Leur intérêtse trouve réduit à l’appréciation du consente-ment demandé à la femme pour une interven-tion sur son propre corps.

Si cet embryon est une personne humainepotentielle, les réponses sont moins catégo-riques.Elles laissent place à l’appréciation de l’in-tention, des intérêts en présence. Elles laissentégalement place à l’élaboration de compromis.

Le Comité Consultatif National d’Ethique, dansson avis du 22 mai 1984, est à l’origine de cettequalification, afin de se prononcer sur la légiti-mité des interventions dont l’embryon peutêtre l’objet.Cette qualification,comprise commel’énoncé d’un concept éthique,constitue le fon-dement du respect qui lui est dû,quels que soientles différents stades de son développementdepuis la fécondation.

La loi française ne donne aucune définition del’embryon, ni n’évoque son “statut”, lequel nesaurait être fondé que sur sa définition.

En effet, en droit français notamment, tout sepasse comme si la question du “statut” de l’em-bryon humain était insoluble. Le ProfesseurJean-François Mattei a même évoqué “l’impos-sible statut de l’embryon” dans son rapport surl’éthique biomédicale de 1993.

VERS UNE BIOÉTHIQUE EUROPÉENNE ? L’EXEMPLE DE L’EMBRYON HUMAIN18

Lors des débats relatifs aux lois françaises de bioé-thique, il a été suggéré au législateur de consa-crer, dans les textes, une distinction entre le“zygote” et “l’embryon” proprement dit.Mais lelégislateur n’a pas souhaité consacrer la notionde “pré-embryon” et les lois de juillet 1994 uti-lisent le terme “embryon” dans son acceptiongénérale.

Ces différentes définitions de l’embryon illustrentla difficulté à qualifier le processus de vie et notam-ment à apporter des précisions sur la “condition”de l'embryon.

1.2Quelle “condition” pour l’embryon humain ?

Une grande partie du débat éthique porte surla question : qu’est-ce que l’embryon humain ?En effet, les enjeux sont différents selon que l’onconsidère l’embryon comme une personnehumaine, une personne humaine potentielle ouun “amas de cellules”.

L’embryon humain possède, en termes biolo-giques, un statut unique : à la différence de toutautre groupe de cellules vivantes, il est capablede se développer en un organisme complexe. Ila donc le potentiel de devenir un être humainpleinement développé.

L’embryon humain exige donc le respect,en tantque vie humaine. Mais la question est de savoirjusqu’où doit aller ce respect.La controverse surce sujet est marquée par l’impossibilité d’abou-tir à un consensus.

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1Le statut de l’embryonhumain :une questioninsoluble ?

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tialité ne peut se réaliser que si elle rencontreun projet, un désir d’accueil”.

L’embryon est une personne potentielle,mais,parexemple, le diagnostic prénatal peut, en cas demaladie grave de l’embryon, conduire à un avor-tement.Le Diagnostic Génétique Préimplantatoireest admis dans certains cas exceptionnels. Desrecherches sont possibles,avec l’accord des parents.

Tout comme le protestantisme, l’islam neconnaît pas de magistère unique. Cette religionsuppose une animation différée de l’embryon :en effet, l’âme est insufflée à l’embryon 40 joursaprès la fécondation.Pour cette religion, la “vie”en tant que telle ne commence qu’au momentoù le bouton embryonnaire devient visible.

L’embryon humain dans l’islam est un être vivantqui est humanisé par l’esprit.Cette humanisationn’intervient que par la volonté créatrice divinequi règle l’évolution du processus vital étape parétape, jusqu’à la conscience totale de ses apti-tudes, de sa foi et de Dieu.

Cette dualité esprit/corps organisé s’accompagnedu concept d’être vivant dès les premiers tempsde l’embryon, considéré comme un continuum.

Dans cette religion le diagnostic prénatal est auto-risé si la mère court un danger du fait de sa gros-sesse ou si l’atteinte génétique s’accompagned’une malformation grave, létale.

Le Diagnostic Génétique Préimplantatoire posela question des choix et des mobiles de ces choix.Il semble cependant admis dans un but théra-peutique et non sélectif.

VERS UNE BIOÉTHIQUE EUROPÉENNE ? L’EXEMPLE DE L’EMBRYON HUMAIN20

1.3 L’embryon humain dansles religions monothéistes

Les opinions exprimées par certaines religionsmonothéistes concernant l’embryon humain et larecherche ont contribué au débat.Il existe de pro-fondes dissensions quant à savoir dans quellemesure les recherches sur l’embryon sont com-patibles avec les croyances religieuses concernantle caractère sacré de la vie humaine.Il y a donc unediversité de points de vue, en particulier sur l’uti-lisation de l’embryon à des fins de recherche, légi-time pour certaines religions,illégitime pour d’autres.

Pour les protestants, le statut d’être humains’acquiert progressivement.Il n’existe pas de posi-tion protestante unique et officielle sur le statutde l’embryon,sur la manière adéquate de le pro-téger et sur la légitimité d’essais ou d’expéri-mentations à son sujet. Ainsi,dans l’éthique pro-testante, les questions morales sont tranchéespar la conscience individuelle, de sorte qu’ilpeut exister différents points de vue.

Pour la Commission d’Ethique de la FédérationProtestante de France,“la référence communeaux Ecritures définit un espace de délibérationoù aucune interprétation ne saurait s’arroger lemonopole de la légitimité”.

L’éthique protestante ne se fonde pas sur unemorale naturelle ou biologique.Elle se réfère “auxvaleurs humaines en jeu dans les diverses situa-tions pour évaluer les actes personnels. La res-ponsabilité parentale, l’équilibre de la famille, l’in-térêt de l’enfant, les conditions d’accueil, lesexistences présentes pèsent dans la balanceface à la vie de l’être embryonnaire dont la poten-

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génétique,d’intervenir chirurgicalement in utero,elle a non seulement le droit moral mais aussile devoir de le faire. Cette notion d’obligationde sauver une vie est importante dans le judaïsme.

De même, la Bible établit une différence entrele statut du fœtus et celui de sa propre mère.Il en résulte que,si une mère se trouve en dangerphysique durant sa grossesse, le médecin a l’obli-gation de la sauver, au prix de la mort du fœtus.

Le Talmud,de son côté,affirme que jusqu’au qua-rantième jour de la grossesse,l’embryon n’est pasconsidéré comme un être humain et donc, danscertaines conditions,que l’avortement peut êtreenvisagé. A partir du quarantième jour de la gros-sesse,l’embryon a déjà forme humaine et les ques-tions éthiques prennent leur pleine dimension.

Enfin,en ce qui concerne la loi judaïque,aucune déci-sion ne peut être tenue pour définitive.Chaque situa-tion fait l’objet d’un examen au cas par cas,en essayantd’être respectueux de la Loi et de la personne.

L’opposition la plus forte à l’utilisation de l’em-bryon humain se rencontre dans la traditioncatholique romaine.

L’Eglise catholique dispose d’un Magistère qui a laresponsabilité d’interpréter la Révélation reçue,etdonc de prendre position sur des questions concer-nant la foi, les mœurs.Cependant,en son sein,cesprises de position ont plus ou moins d’autorité,selondes règles explicitées dans le droit canonique.

Dans le catholicisme, l’embryon est un êtrehumain dès la fécondation, il doit donc êtreprotégé en conséquence.

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Enfin, l’embryon est doté d’une âme au qua-rantième jour après la fécondation. Ainsi, l’uti-lisation de l’embryon in vitro à des fins théra-peutiques ou de recherche peut être acceptabledans la mesure où elle précède ce moment.

Il n’existe pas non plus de magistère unique dansle judaïsme et la jurisprudence rabbiniqueconcernant le statut de l’embryon humain estencore fort limitée.Cette religion suppose néan-moins une animation différée de l’embryon.

L’être humain apparaît,pour le judaïsme,au qua-rantième jour après la fécondation. Auparavant,selon le Talmud,“il n’est que de l’eau” bien qu’ilpossède sa potentialité de personne.

L’embryon hors de l’utérus,n’a pas de statut juri-dique s’il ne reçoit pas,dans le cadre d’un projetparental, son potentiel de vie grâce à l’implan-tation et à la grossesse.

Pour cette religion,il existe un distinguo très netentre l’embryon in vivo,qui a vocation à devenirspontanément une personne,et l’embryon in vitroqui,en l’absence d’implantation,n’a pas de poten-tialité de vie. In vivo, l’embryon fait partie du corpsde la femme et ne peut lui être soustrait que pourde “bonnes raisons”.

Si l’avortement est condamné dans cette religion,c’est parce qu’il supprime une possibilité de vie,mais surtout parce qu’il constitue une “mutila-tion” pour la femme.

Pour le judaïsme, si la médecine est en mesureaujourd’hui d’intervenir sur l’embryon afin desauver cette vie naissante,de guérir une maladie

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Ainsi, l’Eglise catholique déclare que “l’êtrehumain doit être respecté et traité comme unepersonne dès le moment de sa conception”.Elleconsidère que toute manipulation de l’embryonne visant pas à sa guérison, à l’amélioration deson état de santé ou à sa survie individuelle,violele respect dû à la personne humaine.

L’Eglise catholique n’admet le diagnostic prénatalque s’il ne conduit pas à une Interruption Médicalede Grossesse. Cette dernière n’est tolérée quesi la vie de la mère est en danger. Le DiagnosticGénétique Préimplantatoire,quant à lui n’est pasadmis. Il en est de même pour tout type derecherche sur l’embryon humain.

La foi chrétienne orthodoxe a, tout au longde son histoire, exprimé et formulé de diversesmanières son expérience et son enseignementquant à la nature de l’embryon humain.

Il y a peu de documents officiels, mais les prisesde position contemporaines des synodes desEglises orthodoxes font souvent référence à lanature de l’embryon. Il est posé comme postulatque “la personne humaine est sacrée et que l’êtrehumain existe dès le moment de la conception”.

Pour la religion orthodoxe, l’embryon a,à la fois,un commencement humain et une perspectivehumaine. De plus, la potentialité qu’il a de nese développer qu’en un être humain confirmesa nature humaine.

Pour cette religion, le moment de la fécondationa une importance considérable. Il s’ajoute, aumoment de la fécondation,quelque chose de sacréet de secret : l’exclusivité.Dès qu’il y a eu fécon-

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La déclaration romaine “Le Don de la Vie”(Donum vitae) de 1987 tend à reconnaître uneprésence personnelle et donc un statut de per-sonne dès la conception.

Dès la fin du 1er siècle de son histoire, le chris-tianisme s’était opposé radicalement à certainespratiques, notamment à l’avortement. Et ceci aété de nombreuses fois rappelé depuis.

Jusqu’à une date récente,de telles prises de posi-tion portaient essentiellement sur le respect dela vie embryonnaire ou fœtale in utero et sur l’in-terruption de grossesse.

La mise au point des techniques de fécondationin vitro a créé des situations inédites, posant desquestions éthiques différentes de celles quiavaient été prises en considération jusqu’alors.

Les autorités catholiques ont alors étendu leurposition à ces situations nouvelles. Ainsi, le PapeJean-Paul II a-t-il affirmé que : “l’utilisation desembryons ou des fœtus humains,comme objetsd’expérimentation,constitue un crime contre leurdignité d’êtres humains”.

Cela conduit à réprouver toute “réification” del’embryon in vitro,toute expérimentation portantatteinte à l’intégrité de l’embryon, et a fortiori,toute conception in vitro à des fins de recherche.

Selon la tradition morale chrétienne, seule uneintervention strictement thérapeutique peut,enprincipe, être considérée comme acceptable, àcondition qu’elle vise à promouvoir le bien-êtrepersonnel de l’embryon, sans nuire à son inté-grité.

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conçu pourra être réputé né à chaque fois que sonintérêt l’exige.Il s’agit d’une fiction de naissance des-tinée à ne pas exclure l’enfant à naître de la successionpaternelle,lorsque son père est décédé avant la nais-sance.Cette règle a été érigée en principe généraldu droit par la Cour de cassation en 1985.

Cela dit,ni la conception,ni la naissance ne suf-fisent à l’acquisition de la personnalité juridique :l’enfant ne peut en effet acquérir ces droits qu’àla condition d’être né vivant et viable. En effet,un certain nombre de dispositions du Code civilsubordonnent à la viabilité, la capacité de suc-céder,de recevoir des libéralités ou bien encorela recevabilité des actions relatives à la filiation.“L’enfant à naître” peut donc acquérir desdroits dès la conception. Il s’agit ici essentiel-lement de droits patrimoniaux.

La viabilité est généralement définie comme l’ap-titude à la vie. Il faut à l’enfant une maturité suf-fisante pour lui permettre de vivre. Ce critèrerepose sur l’appréciation du degré de forma-tion des organes à la naissance.

Autrefois, la référence était la durée de gesta-tion, la maturité étant atteinte si celle-ci avaitduré au moins 180 jours.

La maturité, aujourd’hui, en raison des progrèsde la médecine (qui permettent de maintenir envie des enfants prématurés de moins de 6 mois),est davantage appréciée sur des critères médi-caux objectifs, tels que la dimension de la tête,l’ossification, la taille et le poids du nouveau-né.

Le second critère de la viabilité est fondé sur laconformation de l’enfant. Est ainsi considéré

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dation, l’œuf devient imperméable à tout autrespermatozoïde. Ainsi, la fécondation de l’ovuleest définitive et irréversible.L’irréversibilité et l’ex-clusivité donnent un sens sacré au caractèrepremier de l’embryon : il est un être humain.

Par ailleurs,pour cette religion, l’embryon est dotéd’une identité spécifique. Tout être humain estunique,et sa différenciation commence dès l’ins-tant de sa conception.C’est là le premier élémentqui fait de l’embryon une personne.L’autonomie,la conscience,la liberté et le nom constituent leséléments qui, après la naissance, complètent etintègrent sa personnalité.

Enfin, pour la religion orthodoxe, l’embryon estune âme vivante. Selon la foi chrétienne ortho-doxe, l’âme est plus importante que le corps, lavie après la mort plus vraie que la vie présente.

L’Eglise orthodoxe connaît cependant des assou-plissements et, par exemple, l’avortement estpossible dans des circonstances exception-nelles. En revanche, le Diagnostic GénétiquePréimplantatoire n’est pas admis.

B.La protection de l’embryon humain en droit français

1.1L'embryon in utero

L’enfant est considéré comme un sujet de droit àcompter du jour de sa naissance. Mais il est pos-sible de déroger à cette règle, par la maxime quiremonte au droit romain : un enfant simplement

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Les lois de bioéthique ont permis de fixer uncadre à la pratique et de poser un certainnombre de limites. D'une part, elles affirmentdes principes généraux de protection de la per-sonne humaine. D'autre part, elles posent lesrègles d'organisation des activités d'AssistanceMédicale à la Procréation, des diagnostics pré-natal et préimplantatoire (DPN,DPI),des greffesd'organes et d'utilisation des éléments et pro-duits du corps humain. Le législateur s’estattaché à trouver un juste équilibre entre lanécessité de garantir le respect de la dignité del’être humain face aux progrès scientifiques etla liberté de la recherche dont les applicationssont utiles à la santé humaine.

La protection de l’embryon humain est assurée,notamment, par l’article 16 du Code civil quidispose que “la loi assure la primauté de la per-sonne, interdit toute atteinte à la dignité decelle-ci et garantit le respect de l’être humain dèsle commencement de sa vie”.L’article 16 du Codecivil reprend,sous une forme qui semble plus pro-tectrice par l’emploi des termes “sa vie” au lieudes termes “la vie” contenus dans la loi du 17janvier 1975, le principe du respect de l’êtrehumain dès le commencement de sa vie.Cependant, il convient de noter que le Conseilconstitutionnel,dans sa décision du 27 juillet 1994,a sensiblement relativisé la portée de cette règle.En effet, répondant au grief concernant les dis-positions de la loi qui autorisent la destructiond'embryons conçus avant sa promulgation, il aindiqué que le législateur avait “estimé que le prin-cipe du respect de tout être humain dès le com-mencement de sa vie n’était pas applicable auxembryons in vitro” et a jugé que ce choix relevaitdu pouvoir d’appréciation du législateur.

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comme viable celui qui dispose à la naissance des“organes essentiels à son existence”.

En ce qui concerne les lois de bioéthique,celles-ci n’ont pas souhaité définir un “statut” de l’em-bryon. Cette position du législateur est constante.L’article 16 du Code civil,dans sa rédaction issuede la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au“respect du corps humain” dispose,en effet,que :“la loi assure la primauté de la personne, inter-dit toute atteinte à la dignité de celle-ci etgarantit le respect de l’être humain dès lecommencement de sa vie”.

Les lois de bioéthique ont cependant entendusoustraire l’embryon humain in vitro à un certainnombre de pratiques et posent des limites à sonutilisation. Elles le font au cas par cas, en fonc-tion de l’état des techniques et des intérêts enprésence.

1.2L'embryon in vitro et lesprincipes posés par les lois debioéthique du 29 juillet 1994

1.2.1 L’absence de statut explicite

Le législateur de 1994 ne s’est pas prononcésur la nature de l’embryon.Il a,néanmoins,refusétoute “réification” de l’embryon en l’entourantd’un certain nombre de règles protectrices.

Outre le fait qu’un consensus semblait difficile, ils’est également agi d’éviter qu’une reconnaissancejuridique explicite de l’embryon ne remette encause la loi du 17 janvier 1975 relative à l’inter-ruption volontaire de grossesse.

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de sa demande parentale pendant les cinq annéesdurant lesquelles les embryons peuvent êtreconservés.

Lorsque disparaît le projet parental du couple géni-teur,les embryons peuvent faire l’objet d’un don.Cette possibilité ne peut s’exercer qu’à titreexceptionnel, et le don est subordonné à ladouble condition d’anonymat et de gratuité.

Enfin,les embryons in vitro qui ne font l’objet d’au-cune demande parentale peuvent être détruits,si leur accueil est impossible et si la durée de leurconservation est au moins égale à cinq ans.

Le législateur a également posé des limites quantaux expérimentations sur les embryons in vitroet a organisé strictement les conditions duDiagnostic Génétique Préimplantatoire.

Effectué à partir de cellules prélevées sur l’embryonin vitro, le Diagnostic Génétique Préim-plantatoire a pour objet de déceler les risquesde transmission, à un enfant, d’une maladie géné-tique grave,incurable au moment du diagnostic etpréalablement identifiée chez l’un des parents.

Cette pratique peut ainsi présenter un dangerpotentiel de sélection des embryons au regardde leurs caractéristiques génétiques.

C’est pourquoi la loi n°94-653 du 29 juillet 1994,relative au respect du corps humain, interdit for-mellement “toute pratique eugénique tendant àla sélection des personnes” (article 16-4 alinéa2 du Code civil). Et le Diagnostic GénétiquePréimplantatoire n’est autorisé qu’à titre excep-tionnel et selon des conditions strictes.

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Si le législateur ne s’est pas prononcé sur le statutde l’embryon humain,il l’a néanmoins entouré d’uncertain nombre de règles protectrices.

1.2.2 Les limites posées à l'utilisationde l’embryon in vitro

La technique de la fécondation in vitro imposantla stimulation ovarienne, il n’est pas rare d’obte-nir plusieurs embryons,qui peuvent être conge-lés afin de permettre une grossesse future. Lesparents porteurs du “projet parental” décidentde la création et de la conservation de leursembryons.

La loi n°94-654 du 29 juillet 1994 prévoit que lacréation in vitro d’un embryon ne peut avoir d’autrefinalité que l’Assistance Médicale à la Procréation.Est donc interdite la conception d’embryonsdans un but commercial ou d’expérimentation.

En ce qui concerne la création des embryonsin vitro,un embryon ne peut être conçu qu’avecdes gamètes provenant d’au moins un desmembres du couple demandeur. Aucune fécon-dation in vitro ne peut donc être réalisée à partird’un double don de gamète.Lorsque cette obli-gation ne peut être remplie, le couple deman-deur doit recourir à la procédure d’accueil d’unembryon surnuméraire issu d’un autre couple quiexerce un don.

Le législateur laisse aux parents le choix dedécider du sort des embryons.Le couple décidelibrement de la date de la mise en œuvre de son“projet parental”. Un délai de cinq ans est tou-tefois imposé par la loi. Le couple est tenu d’in-former annuellement l’établissement du maintien

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La congélation de l’embryon in vitro a renouveléle débat sur l’expérimentation.

La loi interdit la création d’embryons à des finsd’expérimentation.Elle interdit également “touteexpérimentation sur l’embryon”.

Cette interdiction connaît cependant une excep-tion puisque la loi précise actuellement, avant sarévision, qu’“à titre exceptionnel l’homme et lafemme formant le couple peuvent accepter quesoient menées des études sur leurs embryons”.Ces études doivent avoir une finalité médicale etne doivent par porter atteinte à l’embryon.

Ainsi,lorsque l’on évoque l’embryon,se pose inévi-tablement la question de la recherche sur l’em-bryon humain. Cette question est au cœur dudébat concernant la révision des lois de bioé-thique.

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Dans ce cas,certains types de recherches à fina-lité non thérapeutique sur l’embryon seraientéthiquement acceptables,dans un cadre strict,à l’exclusion de toute implantation in utero etdonc interdisant tout développement ulté-rieur.

Ce courant considère que les droits de la per-sonne humaine s’acquièrent progressivementtout au long du développement de l’embryon.

C’est dans ce cadre qu'un certain nombre depays a choisi un délai de 14 jours après la fécon-dation comme limite à l’expérimentation. Ils’agit, en effet, de la fin de l’étape qualifiée parcertains de “pré-embryonnaire”. C’est l’étapeoù l’embryon,après implantation,se développepour donner le fœtus.C’est le stade qui préludeà l’apparition des “crêtes” neurales, premièresébauches des tissus nerveux.

B.Vers une autorisationde la recherche surl’embryon humain?

2.1La recherche surl’embryon humain dans les loisde bioéthique en 1994

Les études sur l’embryon in vitro relèvent del’article L 2151-3 du Code de la santé publique,alors que les études et expérimentations surl’embryon in utero relèvent de la loi du 20décembre 1988 relative à la protection des per-sonnes qui se prêtent à des recherches bio-médicales.

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Les lois de bioéthique, telles qu’actuellementrédigées, interdisent toute recherche sur lesembryons. Seules des études sont autoriséesexceptionnellement et dans des conditions trèsstrictes.

A.Le statut éthique de la recherche surl'embryon humainIl existe deux principaux courants éthiques dif-férents.L’un considère l’ovule humain fécondé commedoit l’être une personne humaine dont l’intégritéet la vie doivent faire l’objet d’une protectiontotale. Dans ce cas, la seule recherche éthique-ment acceptable est la recherche thérapeutique,représentant un bénéfice direct pour l’embryonconsidéré.L’autre courant considère l’ovule fécondé,bien qu’incontestablement humain et bénéfi-ciant donc du droit au respect, comme n’étantpas encore une personne humaine ; aussi n’yseraient pas attachés les mêmes droits et la mêmeprotection qu’un nouveau-né.

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ment pour le développement des connaissancessur la physiologie et la pathologie de la repro-duction humaine.

Ce décret précise également qu’aucune étude nepeut être entreprise si elle a pour objet,ou risqued’avoir pour effet, la modification du patrimoinegénétique de l’embryon ou est susceptible d’al-térer ses capacités de développement.

Les nouveaux développements de la science, denouvelles perspectives thérapeutiques,relancentaujourd'hui le débat sur l'interdiction de larecherche sur l’embryon humain. En effet, parexemple,les recherches actuelles sur l'utilisationde cellules souches embryonnaires ouvrent desespoirs thérapeutiques importants pour de nom-breuses maladies, mais également pour unemeilleure compréhension des mécanismes dedéveloppement de certains cancers.

Ainsi,la question de l'autorisation de la recherchesur l'embryon humain in vitro fait l’objet d’un longtravail de réflexion :

- Le Comité Consultatif Nationald'Ethique, dans son avis du 11 mars 1997, aindiqué que “compte tenu des importantesperspectives dans les recherches thérapeu-tiques ouvertes par l'établissement de lignéesde cellules souches à partir de blastocysteshumains obtenus par fécondation in vitro et cul-tivés in vitro, des dispositions nouvelles prisesdans le cadre de la révision de la loi devraientpermettre de modifier l'interdiction résultantde l'article L 152-8 du Code de la santé publique(ndlr désormais article L 2151-3 csp). Dans cebut, seuls pourraient être utilisés à des fins de

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L’article L 2151-3 du Code de la santé publiqueinterdit toute expérimentation.Seules des étudespeuvent être menées à titre exceptionnel, aprèsconsentement écrit du couple.Elles doivent avoirune finalité médicale et ne peuvent porter atteinteà l’embryon. Elles ne peuvent être entreprisesqu’après avis conforme de la CommissionNationale de Médecine et de Biologie de laReproduction et du Diagnostic Prénatal(CNMBRDP).La conception in vitro d'embryonshumains à des fins de recherche est égalementinterdite.

Le législateur a donc établi une distinction entrel’expérimentation, qui est interdite parcequ’elle peut porter atteinte à l’intégrité de l’em-bryon, et l’étude, qui est une notion dont lecontenu peut paraître vague.

En effet,s’agit-il d’une simple observation et,dansce cas, on peut se poser la question de son effi-cacité pour les progrès scientifiques, ou s’agit-ild’une investigation ? Se pose alors la question del’innocuité du prélèvement de cellules pour l’in-tégrité de l’embryon.

Le décret n° 97-613 du 27 mai 1997,pris en appli-cation de l’article L 2151-3 du Code de la santépublique,précise la finalité médicale d’une étudesur des embryons in vitro.Elle ne peut être entre-prise que si elle poursuit l’une des finalités sui-vantes :

- présenter un avantage direct pour l’embryonconcerné, notamment en vue d’accroître leschances de réussite de son implantation ;- contribuer à l’amélioration des techniquesd’Assistance Médicale à la Procréation, notam-

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mettre au point les thérapeutiques embryon-naires (et fœtales) requiert des expérimenta-tions”. Elle considère ainsi “que les étudesdevraient être autorisées dans le cas où larecherche se justifierait par une finalité médi-cale et éthiquement défendable…” Elle “estimeque de telles études devraient être conduitessur des embryons surnuméraires qui ne répon-dent plus à un projet parental et n'ont pas faitl'objet d'un don à un couple stérile, soit sur desembryons excédentaires congelés, non récla-més au terme du délai légal de cryoconserva-tion…” Elle “estime toutefois que des disposi-tions devraient être prises pour encadrer lesétudes et recherches afin d'éviter toutedérive…”.

- A son tour le Conseil d'Etat s'est prononcédans une étude du 25 novembre 1999,“Les loisde bioéthique : cinq ans après”, en proposantd'autoriser, sous condition d'un strict enca-drement, les recherches sur l'embryon in vitro.

- Enfin, en juin 2001, la Mission d'informa-tion commune préparatoire au projetde loi de révision des “lois de bioéthique”de juillet 1994 de l'Assemblée nationale aégalement examiné la question dans un rapportintitulé :“Réviser les lois bioéthiques :quel enca-drement pour une recherche et des pratiquesmédicales maîtrisées ?”. Ce rapport s'est pro-noncé en faveur d'une recherche sur l'em-bryon humain strictement encadrée.

En raison de l'importance et de la rapidité desprogrès médicaux et scientifiques, la loi n°94-654 du 29 juillet 1994 a prévu sa révision auterme de cinq années d'application.

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recherches les embryons congelés provenantde dons des couples qui,par consentement écrit,ont abandonné leur projet parental et décidéde l'arrêt de la conservation”.

- L'Académie de Médecine s'est égalementprononcée par un avis du 23 juin 1998 en indi-quant que “il apparaît nécessaire de reconnaîtreque pour l'embryon, comme tout autre âge dela vie, la recherche sur le processus de fécon-dation,de cryoconservation et d'implantationde l'embryon est un devoir médical.C'est unecondition nécessaire à l'amélioration des thé-rapeutiques. La recherche sur l'animal estcertes utile mais,du fait des spécificités de l'em-bryon humain, elle ne peut dispenser d'unerecherche sur des embryons humains.Commepour le sujet adulte, cette recherche doit neplus être limitée au seul bénéfice direct, maisêtre possible dans une finalité de bénéfice indi-rect…”.

- La Commission Nationale de Médecineet de Biologie de la Reproduction et duDiagnostic Prénatal s'est également pronon-cée en faveur de l'autorisation des recherches surl'embryon “sans transfert de l'embryon et àpartir des embryons ne faisant pas l'objet d'unprojet parental ou d'accueil. Ces recherches,autorisées après avis de la Commission, ne pré-sentent pas de bénéfice direct pour l'embryonet ne peuvent modifier son patrimoine géné-tique… Il faudra encadrer au maximum la pos-siblité de recherche sur l'embryon…”.

- La Commission Nationale Consultativedes Droits de l'Homme précisait, dans unavis du 2 juillet 1999, que “la nécessité de

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possibilités d'accueil des embryons par un autrecouple ou d'arrêt de leur conservation. Lesembryons sur lesquels une recherche a étéconduite ne peuvent être transférés.

Cette recherche ne peut être entreprise quesi son protocole a fait l'objet d'une autorisationpar les ministres chargés de la Santé et de laRecherche après avis de l'Agence de laProcréation,de l'Embryologie et de la GénétiqueHumaines. La décision d'autorisation est priseen fonction de la pertinence scientifique duprojet de recherche,de ses conditions de miseen œuvre au regard des principes éthiques etde son intérêt pour la santé publique…”.

- La recherche sur l’embryon à l’issue desvotes en première lecture

Le Sénat a adopté le 30 janvier 2003, en pre-mière lecture, le projet de loi de bioéthique par196 voix contre 107 et 12 abstentions. Letexte adopté par l’Assemblée nationale, enjanvier 2002, lors de la précédente législature,a été remanié. Il sera soumis prochainement endeuxième lecture à l’Assemblée nationale.

Le texte adopté par le Sénat interdit explicitementle clonage reproductif humain (ce point est examinéplus loin).L’actualité récente a,en effet,démontrél’urgence et la nécessité de telles dispositions.

Le Sénat, contrairement à ce qui avait été voté àl’Assemblée nationale, a réaffirmé le principe del’interdiction de la recherche sur l’embryonhumain. A titre exceptionnel, des études neportant pas atteinte à l’embryon peuvent êtreautorisées par le couple.C’est seulement à titre

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2.2La révision des lois debioéthique et la recherche surl’embryon humain

A l’occasion de la révision des lois de bioéthique,la question de la recherche sur l’embryon humainest de nouveau soulevée.Le sort des embryons sur-numéraires issus d’une fécondation in vitro non réim-plantés in utero,notamment,n’avait pas été précisé.

- La recherche sur l’embryon dans le projetde loi (initial) relatif à la révision des loisde bioéthique

Les recherches sur l'embryon humain y sont auto-risées dans des conditions strictement définies.Des recherches peuvent être menées sur lestissus ou cellules,embryonnaires ou fœtales,issusd'une interruption de grossesse.Ce projet de loiréaffirme que “la conception in vitro d'embryonshumains à des fins de recherche est interdite”.La recherche sur l'embryon humain est orga-nisée comme suit :“aucune recherche ne peutêtre menée sur l'embryon humain si elle n'a pasune fin médicale ou si, ayant cette fin, elle peutêtre poursuivie par une méthode alternatived'efficacité comparable en l'état des connais-sances scientifiques.

Une recherche ne peut être conduite que surles embryons conçus in vitro dans le cadred'une assistance médicale à la procréation quine font plus l'objet d'un projet parental. Elle nepeut être effectuée,après un délai de réflexion,qu'avec le consentement écrit préalable desdeux membres du couple dont ils sont issus oudu membre survivant de ce couple, informés des

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ciales ou industrielles.

Il supprime la possibilité,ouverte par l’Assembléenationale, d’évaluation des nouvelles techniquesd’Assistance Médicale à la Procréation préalable-ment à leur mise en œuvre.Il a,en effet,été consi-déré que cette disposition autorisait indirectementla création d’embryons aux fins de recherche,parailleurs interdite. Le Sénat a également suppriméla possibilité ouverte par l’Assemblée nationale dutransfert d’embryon post mortem.

C.La diversité deslégislations nationalesdes pays de l’Unioneuropéenne

La diversité des lois existantes se reflète dans ladéfinition même de l’embryon.Dans la plupart des pays de l’Union européenne,il n’existe aucune définition de l’embryon humain(Belgique, Danemark, Finlande, France, Grèce,Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal,Suède).

La législation autrichienne ne définit pas l’em-bryon, mais évoque la notion de “cellules aptesau développement”, pour désigner les ovulesfécondés et les cellules qui en sont issues.

En Allemagne,la loi définit l’embryon comme “unovule humain fécondé pouvant se développer, àpartir de la fusion des pronucleï”.

En Espagne,la loi distingue le pré-embryon,l’em-bryon issu du processus de formation d’organes

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dérogatoire, et pour une période limitée à cinqans,que le texte autorise les recherches sur l’em-bryon et les cellules embryonnaires.

Ces recherches doivent être “susceptibles depermettre des progrès thérapeutiques majeurs”et doivent “ne pas pouvoir être poursuivies parune méthode alternative d’efficacité comparable,en l’état des connaissances scientifiques”. Ellesne “peuvent être conduites que sur lesembryons conçus in vitro dans le cadre d’uneassistance médicale à la procréation qui ne fontplus l’objet d’un projet parental”. Elles nepeuvent être entreprises qu’après un délai deréflexion de trois mois et être consenties parécrit. Tout embryon ayant fait l’objet d’unerecherche ne peut en aucun cas être transféréà des fins de gestation.

Tout protocole de recherche sur l’embryonhumain doit faire l’objet d’une autorisation parl’Agence de la Biomédecine,nouvellement créée.Cette Agence regroupera l’Agence de laProcréation,de l’Embryologie et de la GénétiqueHumaines qu’avait créé le projet de loi initial etl’Etablissement Français des Greffes (EFG).

Ainsi, la finalité de la recherche est précisémentencadrée.D'autre part,des garanties sont appor-tées aux couples qui consentent au don d'em-bryons :le ou les embryon(s) ne doivent plus fairel'objet d'un projet parental et les deux membresdu couple, dûment informés, doivent donnerleur consentement par écrit.

Le texte interdit,en outre,la création in vitro d’em-bryons ou la constitution par clonage à des finsde recherche de même qu’à des fins commer-

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2La recherchesur l’embryonhumain

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qui se poursuit pendant environ deux mois etdemi, et le fœtus (à partir de deux mois etdemi).

La législation britannique,quant à elle,entend parembryon, “un embryon vivant résultant d’unefécondation complète (un zygote bi-cellulaire estformé), ce qui inclut l’ovule en cours de fécon-dation”.

Dix des Etats de l’Union européenne disposentd’une législation sur la recherche sur l’em-bryon humain. Il s’agit de lois spécifiquesconcernant l’embryon pour l’Allemagne (loifédérale relative à la protection de l’embryon du13 décembre 1990), l’Espagne (loi n°42 du 28décembre 1988, relative aux dons et à l’utilisa-tion d’embryons et de fœtus humains, ainsi quede leurs cellules, tissus et organes et loi n° 35du 22 novembre 1988 , relative aux techniquesde reproduction assistée) et la Belgique (loi surla recherche sur les embryons adoptée le 3 avril2003).La Finlande s’est dotée d’une loi spécifiquesur la recherche médicale (loi de 1999).

Quant aux six autres Etats, il s’agit de lois plusgénérales relatives à l’Assistance Médicale à laProcréation et couvrant la recherche sur l’em-bryon. C’est le cas du Royaume-Uni (loi de1990 sur la fécondation humaine et l’embryo-logie), de l’Autriche (loi de 1992 relative à lamédecine reproductive), du Danemark (loi de1997 relative à la procréation artificielle liée àdes traitements et diagnostics médicaux et à larecherche médicale), de la France (lois de bioé-thique du 29 juillet 1994),de la Suède (loi de 1988sur la fécondation in vitro et loi de 1991 sur lesmesures à adopter en matière de recherche ou

de traitement à l’aide d’ovules humains fécon-dés),des Pays-Bas (loi du 1er septembre 2002 rela-tive à l’utilisation des gamètes et embryonshumains).

Quatre Etats sont sur le point de se doter d’unelégislation pour réglementer l’AssistanceMédicale à la Procréation (Italie, Luxembourg,Portugal) ou les expérimentations médicales(Finlande).

La Grèce et l’Irlande ne disposent d’aucune loi.Toutefois, l’Irlande interdit implicitement larecherche sur l’embryon humain en vertu dedispositions constitutionnelles.En effet, l’article40 paragraphe 3 de la Constitution consacre ledroit à la vie de l’enfant à naître, considérécomme égal à celui de la mère.Quant à la Grèce,le domaine est couvert par une déclaration duConseil général pour la Santé de 1988. Larecherche sur l’embryon humain y est autori-sée sous certaines conditions :dans un délai de14 jours à partir de la conception et après accep-tation d’un comité d’éthique. Par ailleurs, unprojet de loi relatif à la reproduction assistéea été présenté au Parlement en 2002, quiprévoit d’autoriser la recherche sur lesembryons in vitro surnuméraires.

Les recherches sur l’embryon humain sontinterdites en Allemagne et en Autriche. EnAllemagne, la loi du 13 décembre 1990 consi-dère comme un délit la fécondation d’un ovuleà d’autres fins que sa réimplantation in utero,demême que le fait de féconder plus d’ovules qu’iln’est possible d’en réimplanter. En Autriche, laloi de 1992, relative à la médecine de la repro-duction,n’autorise la création d’embryons qu’à

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2La recherchesur l’embryonhumain

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En Espagne, les finalités de la recherche diffèrentselon qu’elle est réalisée sur l’embryon (dans undélai de 14 jours) viable, non viable ou mort. Larecherche sur l’embryon viable doit avoir une fina-lité diagnostique,thérapeutique ou préventive etne doit pas altérer le patrimoine génétique. Larecherche à des fins purement scientifiques n’estautorisée que sur des embryons non viables,uni-quement dans des domaines strictement définis(ex. : amélioration des techniques de procréa-tion médicalement assistée et de conservationdes embryons,fertilité,contraception) et à condi-tion de ne pouvoir être réalisée sur des animaux.Par ailleurs,le “pré-embryon” non viable peut êtreutilisé à des fins diagnostiques ou thérapeu-tiques. L’embryon mort peut être utilisé à desfins scientifiques, diagnostiques ou thérapeu-tiques, sous réserve qu’il ne provienne pas d’unavortement volontaire.

En Grande-Bretagne, la recherche doit êtreautorisée par la Human Fertilisation andEmbryology Authority (HFEA).Les seuls objec-tifs que la recherche peut avoir sont strictementdéfinis par la loi. Celle-ci doit promouvoirl’amélioration des techniques de traitement destérilité, améliorer les connaissances sur lescauses des maladies congénitales et des avor-tements, améliorer les techniques de contra-ception, développer des méthodes pour iden-tifier les gènes ou chromosomes anormauxavant l’implantation in utero. La loi prévoit tou-tefois qu’une réglementation ultérieure puisseélargir éventuellement l’éventail des objectifslégalement admis. Enfin, la Grande-Bretagneest le seul pays qui autorise la création d’em-bryons in vitro aux seules fins de recherche,aprèsautorisation de la HFEA.

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des fins de procréation.

En France, les lois de bioéthique du 29 juillet1994, en cours de révision, interdisent larecherche sur l’embryon.Le projet de révisiondes lois de bioéthique prévoit toujours uneinterdiction de principe, mais les autorise pardérogation pour une durée de cinq ans sous destrictes conditions.

Au Danemark,Espagne,Royaume-Uni,Suède etFinlande, la loi autorise la recherche sur l’em-bryon sous certaines conditions très strictes,dans un délai de 14 jours après la fécondation.Dans tous les cas, les géniteurs doivent avoirconsenti à la recherche sur leurs embryons.LesPays-Bas autorisent également la recherchesur l’embryon humain. Enfin, la Belgique vientd’adopter une loi qui autorise, sous certainesconditions, la recherche sur l’embryon in vitrode moins de 14 jours. La constitution d’em-bryons in vitro à des fins de recherche est inter-dite, sauf si les objectifs de la recherche nepeuvent être atteints par la recherche sur lesembryons surnuméraires.

La loi danoise pose le principe général de l’in-terdiction de la recherche sur l’embryonhumain.Cependant, elle l’autorise sur les seulsembryons in vitro surnuméraires (le don d’em-bryon est interdit) ou sur des embryons pré-levés, après accord d’une commission régio-nale d’éthique et uniquement dans le butd’améliorer, d’une part, les techniques de pro-création médicalement assistée et, d’autrepart, le Diagnostic Génétique Préimplantatoire.La constitution d’embryons aux fins derecherche est interdite.

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- la création d’hybrides mi-humains,mi-animauxest interdite ;- l’implantation in utero d’embryons préalablementutilisés pour la recherche est interdite ;- le consentement des couples dont les gamètesont servi à créer un embryon est exigé avanttoute utilisation possible de celui-ci pour larecherche.

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La Suède autorise la recherche sur l’embryonhumain in vitro qui doit être détruit au-delà d’undélai de 14 jours après la fécondation.Elle doitavoir pour but d’améliorer les connaissances surles facteurs du développement embryonnaireet d’améliorer les techniques de fécondation invitro.

La Finlande autorise la recherche sur l’embryonqui ne peut être menée que par des agencesautorisées par l’autorité nationale des affairesmédicales et juridiques.Elle interdit la créationd’embryons dans le seul but d’effectuer unerecherche.

Les Pays-Bas autorisent l’utilisation d’embryonssurnuméraires pour la recherche sous réserveque les protocoles soient approuvés par une com-mission centrale de recherche sur les sujetshumains. La recherche doit conduire à de nou-veaux développements dans le domaine de lascience et ne doit pas pouvoir être menée parune autre méthode. La création d’embryonsaux seules fins de recherche est interdite.

Malgré ces différentes approches juridiques, ilest possible d’observer que les législations envigueur au sein de l’Union européenne com-portent un certain nombre de principescommuns :- la durée pendant laquelle des embryonshumains peuvent être utilisés - y compris pourles activités de recherches - ne peut dépasserle quatorzième jour à compter de la féconda-tion ;- la modification génétique d’embryons est inter-dite ;- il est interdit de modifier les cellules germinales ;

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2La recherchesur l’embryonhumain

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comme étant le “diagnostic biologique effectuéà partir de cellules prélevées sur l’embryon invitro”.

La première application réussie, sur l’embryonhumain,de cette technique date de 1989,effec-tuée par le Docteur Alan Handyside et sonéquipe à l’hôpital Hammersmith de Londres,pour détermination du sexe d’embryons enraison de maladies liées à l’X.

Le Diagnostic Génétique Préimplantatoire est,encore aujourd’hui,considéré n’en être qu’à unstade expérimental, en particulier pour laFrance, où il a été mis en application tardive-ment.En effet, le décret précisant les conditionsde réalisation de ce diagnostic n’est paru quele 24 mars 1998, et les arrêtés portant autori-sation des centres ne sont parus que le 20 juillet1999 et le 7 janvier 2000.

Seuls trois centres (à Paris, Strasbourg etMontpellier) ont obtenu un agrément à cejour. Dans ces trois centres, entre novembre1999 et décembre 2000, 260 dossiers ont étéouverts. D’après la communication faite par leProfesseur René Frydman devant l’Académie deMédecine le 14 mai 2002,entre janvier 2000 etjuillet 2001, sur les 230 couples reçus parl’équipe parisienne de l’Hôpital Antoine Béclère(Clamart), 136 couples ont été acceptés.

Au cours de cette période,59 femmes ont béné-ficié de cette technique et 127 embryons ontété transférés.Au total, 16 enfants sont nés, 4de grossesses gémellaires et 8 de grossessessimples. Dans 13 cas, tous les embryons crééspar fécondation in vitro étant atteints de la

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La technique du Diagnostic GénétiquePréimplantatoire a été rendue possible grâce auxméthodes de fécondation in vitro, de microma-nipulation et de génétique moléculaire.

Le Diagnostic Génétique Préimplantatoire apour objet de poser un diagnostic précoce demaladie génétique,sur un embryon humain isolédu sein maternel, en vue d’éclairer une décisionde transfert in utero.

Il concerne ainsi les couples ayant un risque detransmettre à leur descendance une maladiegénétique grave. En effet, certaines mutationsgénétiques ou anomalies chromosomiquespeuvent,grâce à cette méthode,être détectées.

La loi 94-654 du 29 juillet 1994 distingue très net-tement le diagnostic prénatal du DiagnosticGénétique Préimplantatoire. Le diagnostic pré-natal s’entend des pratiques médicales ayant pourbut de détecter une affection particulièrementgrave chez l’embryon ou le fœtus in utero. LeDiagnostic Génétique Préimplantatoire concerne,en revanche, l’embryon in vitro. La loi le définit

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3Le DiagnosticGénétiquePréimplantatoire

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ainsi qu’il est possible d’obtenir des embryonssurnuméraires qui seront congelés.

La fécondation in vitro, lorsque les embryons nefont pas l’objet d’un Diagnostic GénétiquePréimplantatoire,est aussitôt suivie d’un trans-fert in utero de l’embryon ou des embryons ainsiobtenus (en principe trois embryons, mais la tendance est à 2 embryons aujourd’hui).Ce ne sera pas le cas ici puisqu’il doit êtreprocédé,sur ces embryons,au prélèvement dumatériel cellulaire en vue de son analyse.

Initialement prévue pour répondre à l’inferti-lité féminine ou masculine, la fécondation invitro, dans le cadre du Diagnostic GénétiquePréimplantatoire, a donc pour objet d’éviterà un couple à risque la transmission à l’enfantd’une maladie génétique grave. Selon la loi,“unembryon ne peut être conçu in vitro que dansle cadre et selon les finalités d’une AssistanceMédicale à la Procréation”. Et “l’AssistanceMédicale à la Procréation a pour objet deremédier à l’infertilité… Elle peut aussi avoirpour objet d’éviter la transmission à l’enfantd’une maladie d’une particulière gravité”.

Le Diagnostic Génétique Préimplantatoire adonc conduit à un élargissement de l’indicationde la fécondation in vitro à des couples fertilesqui ont un risque de transmettre une maladiegrave.

L’Injection Intra Cytoplasmique d’un Sperma-tozoïde est une variante de la fécondation invitro qui consiste à injecter un spermatozoïdedans l’ovocyte.L’avantage de cette technique estde pallier une stérilité masculine.

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maladie recherchée, ils ont été supprimés et iln’y a donc pas eu de grossesse.

Les 3 centres français se sont associés pour créerun groupe de travail et d’étude, le GET-DPI. Ils’agit, par ce biais, de partager la mise au pointde nouveaux diagnostics, d’organiser un suivicommun de la pratique, de créer un registrefaisant état des indications du DPI et d’organi-ser des rencontres régulières.

A. Les aspectstechniques duDiagnostic GénétiquePréimplantatoire

Le Diagnostic Génétique Préimplantatoireimplique, tout d’abord, l’obtention du matérielembryonnaire,puis, la réalisation du diagnostic.

3.1L’obtention de l’embryon humain

Les embryons peuvent être obtenus, soit parla technique de la fécondation in vitro clas-sique,soit plus récemment,par micro-injectiond’un spermatozoïde dans l’ovocyte (ICSI :Intracytoplasmic Sperm Injection).

Après le recueil des gamètes de l’homme et dela femme, ceux-ci sont mis en contact dans unmilieu de culture approprié pendant environquarante-huit heures. Pour augmenter leschances de fusion, plusieurs ovocytes sont uti-lisés,grâce à des stimulations ovariennes.C’est

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3Le DiagnosticGénétiquePréimplantatoire

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Les ovocytes comprenant deux pronuclei sontmis en culture in vitro jusqu’à ce qu’ils atteignentle stade de six à dix cellules (au troisième jouraprès fécondation). Un ou deux blastomèressont alors prélevés sur chaque embryon et ana-lysés (par Polymerase Chain Reaction ouFluorescent in situ Hybridization).

Les embryons sont remis en culture et ceux quine sont pas affectés peuvent être transférés à lafin du troisième jour, ainsi, il n’est pas nécessairede les congeler,ce qui représente un avantage pourles chances de grossesse.

En outre, l’avantage tient également au fait quela plupart des embryons atteignent le stade desix à dix cellules et les blastomères sont encoretotipotents. Le prélèvement d’un ou deux blas-tomères n’affecte donc pas le futur développe-ment des embryons et,contrairement à un stadeplus précoce, la masse cellulaire des embryonsconcernés n’est pas trop réduite par la biopsie.

En revanche, à ce stade, seuls un ou deux blas-tomères sont disponibles pour l’analyse, et il sepeut que,dans certains cas,le blastomère analyséne soit pas représentatif de l’embryon. La litté-rature scientifique indique que l’analyse de deuxblastomères réduit ce risque.

La biopsie du blastomère était, à l’origine, pro-posée pour la détection des anomalies liées ausexe. Elle a été, depuis, également étendue auxanomalies monogéniques non liées au sexe.

3.2.2 La biopsie du blastocyste

Cette méthode de prélèvement semble tou-

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3.2 Le prélèvement des cellules embryonnaires

En pratique, le diagnostic pour détecter des ano-malies monogéniques ou chromosomiques estréalisé sur des cellules prélevées sur l’embryon invitro.Les principales techniques de prélèvement uti-lisées à l’heure actuelle sont : la biopsie du blas-tomère et la biopsie du blastocyste.

Ces deux formes de biopsie se différencient parle stade auquel le matériel cellulaire est prélevé.

Pour la biopsie du blastomère, le diagnostic estréalisé sur une ou deux cellules de l’embryon austade de six à dix cellules, ce qui correspond auplus tôt au troisième jour après la fécondation.

Pour la biopsie du blastocyste, sont prélevéesenviron dix cellules d’un embryon au stade de cinqà six jours après la fécondation.

Est également tentée,dans un certain nombre depays (à l’exclusion de la France), la biopsie duglobule polaire de l’ovocyte, appelé diagnosticgénétique préconceptionnel,celui-ci est pratiquésur l’ovocyte au moment où il vient d’êtrefécondé, avant que les génomes paternel etmaternel ne fusionnent. Il concerne ainsi desrisques génétiques d’origine maternelle.

3.2.1 La biopsie du blastomère

C’est la méthode privilégiée par la plupart deséquipes pratiquant le Diagnostic GénétiquePréimplantatoire pour les maladies monogéniques.

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3Le DiagnosticGénétiquePréimplantatoire

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dernier est également utilisée la Polymerase ChainReaction).

3.3.1 La Polymerase Chain Reaction (PCR)

La Polymerase Chain Reaction permet l’amplifi-cation de l’information génétique d’une cellule ;elle est également appelée amplification de l’ADN.Ainsi, l’ADN contenant la mutation responsablede la maladie peut être amplifié in vitro.

La première application de la Polymerase ChainReaction pour le Diagnostic GénétiquePréimplantatoire a eu lieu dans le cadre de ladétermination du sexe d’embryons issus decouples à risque de transmettre une maladie liéeà l’X (Docteur Alan Handyside,1989). Ainsi,seulsles embryons de sexe féminin avaient été trans-férés.Cependant,le diagnostic prénatal classiqueréalisé ultérieurement a révélé que l’un desfœtus, sur les sept transférés, était de sexe mas-culin et a ainsi dû être réduit. Il est apparu quecette erreur de diagnostic était probablement dueà une erreur d’amplification.

Il en résulte que la détermination du sexe parPCR est désormais largement abandonnée auprofit de la méthode d’hybridation in situ (FISH).La PCR demeure néanmoins utilisée dans lecadre du diagnostic de maladies monogéniquesafin de détecter les mutations, la méthodeFISH étant inopérante pour le diagnostic de cetype de maladies.

Par l’amplification d’ADN (PCR), il est possibled’identifier trois types d’embryons :les embryonsnon porteurs de la mutation, les porteurs hété-

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jours, à l’heure actuelle, être limitée au stade dela recherche préclinique, sur des embryonshumains surnuméraires cultivés in vitro au stadede cinq à six jours après la fécondation.

Environ dix cellules peuvent être prélevées,ce quiprésente l’avantage d’offrir une plus grande quan-tité de matériel cellulaire en vue de l’analyse.

Cependant, moins de 50 % des ovocytes nor-malement fécondés atteignent ce stade in vitro.L’embryon, à ce stade, s’est déjà différencié et lamasse cellulaire “interne” dont le fœtus est issupourrait être génétiquement différente des cel-lules externes.

D’après les quelques données disponibles, cettemise en culture n’est efficace que pour un petitnombre d’embryons. Il en résulte que très peud’embryons sont disponibles pour le diagnosticet encore moins pour le transfert.

Une fois le matériel cellulaire obtenu,celui-ci estanalysé.

3.3 L'analyse moléculaire du matériel cellulaire à des finsgénétiques

Deux techniques de diagnostic sont principalementutilisées : la technique de l’amplification de l’ADN(PCR), principalement utilisée pour le diagnosticde maladies ou anomalies monogéniques (muta-tion des gènes) et la technique d’hybridation in situ(FISH), utilisée pour le diagnostic d’anomalieschromosomiques (de nombre ou structurelles) etpour la détermination du sexe (mais pour ce

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3Le DiagnosticGénétiquePréimplantatoire

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B. L’encadrementjuridique du DiagnosticGénétiquePréimplantatoire

3.1 En droit français

Avant la loi n°94-654 du 29 juillet 1994 relativeau don et à l’utilisation des éléments et produitsdu corps humain, à l’Assistance Médicale à laProcréation et au diagnostic prénatal, leDiagnostic Génétique Préimplantatoire ne faisaitl’objet d’aucune réglementation spécifique : iln’était ni autorisé, ni interdit explicitement.

Au plan international, une recommandation duConseil de l’Europe du 24 septembre 1986 inter-disait, notamment, le choix du sexe par manipu-lation génétique à des fins non thérapeutiques.Cette recommandation précisait, en outre, que“toute intervention sur l’embryon vivant in uteroou in vitro ou sur le fœtus in utero ou à l’extérieurde l’utérus à des fins diagnostiques,autre que celledéjà prévue par la législation nationale,n’est légi-time que si elle a pour but le bien-être de l’en-fant à naître et de favoriser son développement”.

Au plan national,deux avis du Comité ConsultatifNational d’Ethique, respectivement de 1986,relatif aux recherches sur les embryons humainset leur utilisation à des fins médicales et scien-tifiques et de 1990, relatif aux recherches surl’embryon soumises à moratoire depuis 1986 etqui visent à permettre la réalisation d’un dia-gnostic génétique avant transplantation,recom-mandaient un moratoire en raison du caractère

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rozygotes et les homozygotes atteints. Seuls lesdeux premiers types d’embryons seront alorstransférés in utero.

3.3.2 La méthode d’hybridation in situ (FISH)

La méthode d’hybridation in situ,de plus en plusutilisée aujourd’hui,repose sur des sondes recon-naissant des fragments d’ADN dans la cellule,quipeuvent être étudiés au microscope. Appliquéeau DPI depuis 1994, cette technique a apportéune contribution majeure à son développement.

Cette méthode consiste en l’utilisation desondes génétiques fluorescentes permettant dereconnaître les chromosomes. Celles-ci pro-duisent des signaux de couleurs différentes enfonction du chromosome testé.

Son avantage, par rapport à la méthode d’am-plification d’ADN pour la détermination du sexe,est qu’elle permet la détection simultanée deschromosomes X et Y.Ainsi, non seulement lesexe de l’embryon peut être déterminé, maisil est également possible de détecter une aneu-ploïdie des chromosomes sexuels ainsi que deschromosomes 13, 16, 18 et 21.

Elle doit aussi permettre de détecter les trans-locations déséquilibrées sur des embryonsdont les parents sont porteurs d’une translo-cation équilibrée.

Le Diagnostic Génétique Préimplantatoire,quelque soit la méthode de diagnostic utilisée,est généralement confirmé par un diagnosticprénatal classique au cours de la grossesse.

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3Le DiagnosticGénétiquePréimplantatoire

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1998,qui précise les conditions dans lesquelles untel diagnostic peut désormais être réalisé.

3.1.1 La loi n° 94-654 du 29 juillet 1994

La loi n° 94-654 du 29 juillet 1994,relative au donet à l’utilisation des éléments et produits du corpshumain, à l’Assistance Médicale à la Procréationet au diagnostic prénatal, autorise le DiagnosticGénétique Préimplantatoire,à titre exceptionnelet selon des conditions strictes.

La loi définit le Diagnostic Génétique Préim-plantatoire comme étant “le diagnostic biologiqueeffectué à partir de cellules prélevées sur l’em-bryon in vitro”.

Il est réservé à des couples présentant une forteprobabilité de donner naissance à un enfantatteint d’une maladie génétique d’une particulièregravité reconnue comme incurable au momentdu diagnostic.

Le Diagnostic Génétique Préimplantatoire ne peutêtre réalisé que lorsque a été préalablement etprécisément identifiée, chez l’un des parents,l’anomalie ou les anomalies responsables de lamaladie transmissible.

Il convient de noter que le projet de loi relatif à larévision des lois de bioéthique qui a été adopté enpremière lecture par le Sénat en janvier 2003 élargitl’indication du Diagnostic Génétique Préim-plantatoire à la possibilité d’effectuer ce diagnos-tic lorsque a été préalablement et précisément iden-tifiée l’anomalie responsable,chez l’un des parents(seule possibilité prévue jusqu’alors),“ou l’un de sesascendants immédiats dans le cas d’une maladie gra-

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expérimental des méthodes et des risques dedérive eugénique liés à l’utilisation du DiagnosticGénétique Préimplantatoire.

Le Comité Consultatif National d’Ethique crai-gnait que ces recherches ne conduisent à de nou-velles indications de la fécondation in vitro pourd’autres motifs que la lutte contre l’infécondité.Il craignait également que ne se développent despratiques à caractère eugénique.

Cependant, le second avis du 18 juillet 1990 avaitréservé une possible “porte de sortie” en pré-cisant que “le développement des connaissances,l’ouverture de nouvelles voies pourraient,pendantles prochaines années,modifier l’état actuel.Denouvelles études seraient alors nécessaires quifixeraient les règles éthiques qui devraient êtrerespectées”.

C’est ainsi que les projets de lois de bioéthiquene comportaient aucune disposition relative à latechnique de Diagnostic Génétique Préim-plantatoire. Le Sénat a introduit en premièrelecture une disposition interdisant purement et sim-plement le Diagnostic Génétique Préimplantatoire.

Par la suite, il a été jugé opportun de s’interrogersur certaines situations particulières,tout en consi-dérant qu’il convenait de maintenir le principe d’in-terdiction.Il s’agissait alors d’ouvrir le débat en vuede permettre l’approfondissement de la réflexion.

Au fil des débats parlementaires,la loi l’a finalementautorisé de façon exceptionnelle et selon des condi-tions très strictes. Le caractère exceptionnel duDiagnostic Génétique Préimplantatoire a étéconfirmé par le décret d’application du 24 mars

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3Le DiagnosticGénétiquePréimplantatoire

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doit être établie avant la mise en œuvre de la fécon-dation in vitro, après concertation au sein d’uncentre de diagnostic prénatal pluridisciplinaire.

Le couple est informé,dès ce stade,que seule lapathologie liée à l’anomalie génétique parentalesusceptible d’être transmise peut être recherchéesur l’embryon.

Si l’indication du diagnostic sur l’embryon n’estpas retenue, les motifs en sont précisés par écritau couple demandeur.

Outre l’indication médicale, le décret impose aucouple de remplir les conditions nécessaires à laréalisation d’une Assistance Médicale à laProcréation, c’est-à-dire être composé d’unhomme et d’une femme vivants, en âge de pro-créer,mariés ou en mesure d’apporter la preuved’une vie commune d’au moins deux ans.

Le couple est informé, avant la mise en œuvrede la fécondation in vitro, des contraintes médi-cales et techniques du Diagnostic GénétiquePréimplantatoire, ainsi que de ses différentesphases et du degré de fiabilité des analyses.

C’est également avant la mise en œuvre del’Assistance Médicale à la Procréation, que leconsentement du couple demandeur devra êtreexprimé par écrit.

Une fois la conception de l’embryon in vitro, lepraticien responsable du prélèvement n’est admisà procéder à ce prélèvement qu’au vu de l’at-testation de l’indication du diagnostic et duconsentement du couple. La ou les cellulesembryonnaires prélevées sont ensuite trans-

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vement invalidante,à révélation tardive et mettanten jeu le pronostic vital”. Il s’agit ici, par exemple,de la maladie de Huntington. Cette extensiondevra être confirmée en deuxième lecture.

Sa réalisation nécessite le consentement écrit desdeux membres du couple. Il ne peut être réaliséque dans un établissement autorisé à cet effetaprès avis de la Commission Nationale deMédecine et de Biologie de la Reproduction etdu Diagnostic Prénatal (ou future Agence de laBiomédecine dans l’actuel projet de révision deslois de bioéthique).

Enfin, il ne peut avoir pour objet que de recher-cher l’affection en cause,ainsi que les moyens dela prévenir et de la traiter.

Le législateur français s’est appuyé sur une for-mulation générale plutôt que sur une liste exhaus-tive de maladies ouvrant droit au DiagnosticGénétique Préimplantatoire pour diverses raisons.D’une part,cette solution tient compte de l’évo-lution scientifique et de la diversité des patholo-gies.D’autre part,l’approche au “cas par cas” évitela référence à un “modèle de normalité” sus-ceptible de conduire à une stigmatisation des per-sonnes atteintes des anomalies ou maladies géné-tiques contenues dans la liste.

3.1.2 Le décret n° 98-216 du 24 mars1998 relatif au diagnostic biologiqueeffectué à partir de cellules prélevéessur l’embryon in vitro

Ce décret d’application précise les conditions danslesquelles un tel diagnostic peut être réalisé.L’attestation du risque chez le couple demandeur

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3Le DiagnosticGénétiquePréimplantatoire

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Dans un cadre européen élargi,il convient de citerla “Convention sur les Droits de l’Homme et laBiomédecine”, établie par le Comité Directeurpour la Bioéthique (C.D.B.I.) du Conseil del’Europe.

L’article 18 de cette Convention, relatif à larecherche sur l’embryon in vitro, interdit la consti-tution d’embryons humains aux seules fins derecherche, mais il n’interdit pas le DiagnosticGénétique Préimplantatoire.

La recommandation 1100 du Conseil del’Europe sur “l’utilisation des embryons et desfœtus humains dans la recherche scientifique”énonce, dans son article 9, B, IV, c, que pour-raient être autorisées et même encouragées desrecherches visant des fins de diagnostic,notam-ment prénatal.

L’annexe B à la recommandation 1100 précise,en ce qui concerne les “embryons préimplanta-toires vivants”, et conformément aux recom-mandations 934 et 1046, que les recherches invitro sur des embryons viables ne doivent êtreautorisées que s’il “s’agit de recherches appliquéesde caractère diagnostic ou effectuées à des finspréventives ou thérapeutiques” et “si elles n’in-terviennent pas sur le patrimoine génétiquenon pathologique de ces embryons”.

Enfin, en 1997, un consortium européen duDiagnostic Génétique Préimplantatoire (ESHREPGD consortium) a été créé au sein del’European Society for Human Reproductionand Embryology (ESHRE).Parmi les objectifs fixés,le premier est de rendre aussi transparente quepossible la pratique de cette technique en

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mises à un praticien responsable de l’analyse géné-tique. Le médecin responsable du transfert doitremettre au couple les résultats du diagnostic enlui apportant les commentaires nécessaires.

Le décret fixe le régime d’autorisation desactivités de diagnostic biologique sur l’em-bryon in vitro, en distinguant, d’une part, l’acti-vité de prélèvement cellulaire, d’autre part,l’activité d’analyse génétique sur la ou les cel-lules embryonnaires.

3.2 Dans les pays de l'Union européenne

Comme pour la recherche sur l’embryonhumain, aucune réglementation européenneglobale n’existe pour la pratique du DiagnosticGénétique Préimplantatoire.Ainsi,certains Etatsl’interdisent ou l’autorisent par une loi spéci-fique ou sont en cours de l’encadrer. Dansd’autres pays, la pratique est autorisée indi-rectement par une autorité de régulation de laprocréation médicalement assistée ou de larecherche sur l’embryon ou encore par une loisur la recherche médicale.

En novembre 2001, un point de vue négatif surcette technique a été exprimé,au plan européen,par la Commission temporaire sur la génétiquehumaine et les autres technologies nouvelles dela médecine moderne dans le rapport Fiori (dunom du député européen, rapporteur) sur lesincidences éthiques, juridiques, économiques etsociales de la génétique humaine.Ce rapport n’apas été adopté par le Parlement européen endécembre 2001.

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3Le DiagnosticGénétiquePréimplantatoire

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turée et pour lesquelles il n’y a ni traitement nipossibilité de guérir” (loi n°115 du 14 mars 1991,directives du ministère de la Santé et des Affairessociales sur le Diagnostic Préimplantatoire de1995).

- L’Allemagne,l’Autriche et l’Irlande inter-disent le D.P.I. par une loi spécifique

En Allemagne,la législation est beaucoup plus res-trictive et bien que la loi ne traite pas spécifique-ment du Diagnostic Génétique Préimplantatoire,certains de ses articles l’interdisent de fait (loi du13 décembre 1990 relative à la protection desembryons).Seule une sélection des spermatozoïdes(donc avant conception) en vue de protéger l’en-fant à naître contre une maladie héréditaire graveest admise.Dans la section traitant de “l’utilisationabusive d’embryons humains”, le paragraphe 2.1sanctionne notamment “quiconque utilise unembryon humain issu d’une procréation extra-cor-porelle à une autre fin que sa conservation”.

Un débat est cependant en cours pour une éven-tuelle acceptation du Diagnostic GénétiquePréimplantatoire réalisé sur des cellules non toti-potentes. Certaines organisations profession-nelles et des associations sont favorables à unemodification de la loi qui permettrait de pratiquerle D.P.I.dans des conditions extrêmement sévères.Les oppositions demeurent toutefois très fortes.Il convient de noter que le comité d’éthique alle-mand a voté,le 23 janvier 2003,un texte en faveurdu Diagnostic Génétique Préimplantatoire. Cetexte prévoit de l’autoriser pour les parents dontles enfants pourraient hériter de leurs maladiesgénétiques, mais aussi aux couples souffrant deproblèmes de fécondité dans le but de réduire le

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Europe. Les données collectées sont publiéesannuellement dans le Journal of AssistanceReproduction and Genetics.

- La Suède, le Danemark et l’Espagneautorisent le D.P.I. par une loi spécifique

La première loi nationale à prévoir le DiagnosticGénétique Préimplantatoire a été la loi espa-gnole n°35 du 22 novembre 1988 relative auxtechniques de procréation médicalement assis-tée.Celle-ci dispose que “toute intervention invitro sur le pré-embryon visant à des fins dia-gnostiques ne peut avoir d’autre visée quel’évaluation de sa viabilité ou la détection demaladies héréditaires, dans le but de les traitersi possible, ou de déconseiller le transfert desembryons concernés dans l’utérus en vue d’uneprocréation”.La loi n°42 de 1988 relative à l’uti-lisation d’embryons et de fœtus humains, inter-dit toute modification du patrimoine géné-tique humain non pathologique.

Au Danemark, l’examen génétique d’un œuffécondé ne peut avoir lieu que dans le cas où ily a un risque connu et considérablement accruque l’enfant soit atteint d’une maladie héréditairegrave (loi n°460 du 10 juin 1997 relative à la pro-création artificielle liée à des traitements et dia-gnostics médicaux et à la recherche médicale,arrêté n°758 du 30 septembre 1997 relatif aurapport sur les traitements en matière de FIVainsi que sur le DPI).

En Suède, le Diagnostic Génétique Préim-plantatoire ne peut être pratiqué que pour dia-gnostiquer de “graves maladies héréditaires etprogressives qui conduisent à une mort préma-

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3Le DiagnosticGénétiquePréimplantatoire

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La technique du D.P.I. n’est pas mentionnée entant que telle dans la loi finlandaise n°488 de 1999relative à la recherche médicale, mais il estconsidéré que, n’étant pas interdite, elle estautorisée à condition,notamment,d’être approu-vée par un comité d’éthique et agréée par l’au-torité nationale des affaires médicolégales. Uneloi sur l’Assistance Médicale à la Procréation enpréparation depuis début 2002 devrait autori-ser le D.P.I. dans le cadre clinique.

En Italie, un projet de loi voté par les députésen juin 2002 est examiné par le Sénat. Le D.P.I.semble y être interdit.

Aux Pays-Bas, le D.P.I.est considéré comme uneprocédure de recherche et doit se conformerà la loi sur les recherches médicales sur dessujets humains de 1999.Les projets doivent êtreapprouvés par le comité central de la recherche.

Au Royaume-Uni, la pratique du D.P.I.est admiseimplicitement par la loi relative à la fécondationet à l’embryologie humaines de 1990. Le déve-loppement de méthodes de détection d’ano-malies génétiques ou chromosomiques de l’em-bryon avant son implantation fait partie desobjectifs justifiant la recherche sur l’embryon.

C. Les enjeux éthiquesdu Diagnostic GénétiquePréimplantatoireLe Diagnostic Génétique Préimplantatoireimplique la mise en œuvre de techniques demicromanipulations minutieuses. Il existe ainsiune part d’incertitude concernant les diffé-

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nombre d’ovocytes utilisés pour la fécondation etd’éviter des grossesses multiples.

En Autriche,les interventions thérapeutiques surl’embryon humain ne peuvent être effectuées quepour le traitement de l’embryon en question.L’article 9(1) de la loi n°275 sur la médecinereproductive de 1992 dispose que “les cellulessusceptibles de développement ne peuvent êtreutilisées à d’autres fins qu’une Assistance Médicaleà la Procréation.Elles ne peuvent faire l’objet d’unexamen et d’un traitement que dans la mesureoù cela est nécessaire, compte tenu de l’état dela science et de la pratique médicales,pour pro-voquer une grossesse.”

En Irlande, le 8e amendement (introduit en1983) à la loi constitutionnelle dispose que “l’Etatreconnaît le droit à la vie de l’enfant à naîtreet, tout en tenant compte du même droit à lavie de la mère, garantit dans ses lois le respect,et dans la mesure du possible,défend ce droit”.Un comité du département de la Santé étudienéanmoins la possibilité d’établir des directivespour la pratique d’Assistance Médicale à laProcréation,qui pourraient inclure le DiagnosticGénétique Préimplantatoire.

- Le Diagnostic Génétique Préimplan-tatoire dans les pays où il n’existe pas deloi spécifique : Belgique, Finlande, Grèce,Italie, Pays-Bas et Royaume-Uni

En Belgique,un projet de loi relatif à la protectionde l’embryon in vitro envisage l’autorisation duDiagnostic Génétique Préimplantatoire. Mais,en attendant, cette technique est régie par laréglementation relative à la génétique humaine.

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3Le DiagnosticGénétiquePréimplantatoire

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révélé que le prélèvement au stade de huit cel-lules ne provoquait pas de conséquencesnéfastes pour leur développement futur.

La recherche utilisant des embryons humainssurnuméraires a,quant à elle, indiqué que le pré-lèvement entraîne un retard dans le clivage descellules embryonnaires.Néanmoins, l’embryon,après le prélèvement, est généralement apte àse développer en un fœtus mature après l’im-plantation.

Il semble également que la biopsie du tropho-blaste n’aurait pas d’effet néfaste sur l’embryoncar les cellules formant l’embryon demeurent“intouchées” dans ce cas.

Le Diagnostic Génétique Préimplantatoirenécessitant l’utilisation de la fécondation invitro, ou de l’ICSI, il convient de ne pas exclureles possibles effets de ces techniques sur l’en-fant à naître et sur son développement.

A l’heure actuelle, les éventuelles consé-quences néfastes qu’ajouterait le DiagnosticGénétique Préimplantatoire ne sont pas encoreconnues dans la mesure où, d’une part, lenombre d’enfants nés après DiagnosticGénétique Préimplantatoire est trop peu élevépour en tirer des conclusions définitives,et où,d’autre part, ces enfants sont encore jeunes.

3.2 La fiabilité du diagnostic

La possibilité d’un diagnostic erroné ne doit pasêtre exclue. Il peut s’agir, soit d’un faux positifet dans ce cas l’embryon n’est, à tort, pas

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rents aspects de la technique particulièrementl’innocuité du prélèvement, mais également lafiabilité du diagnostic. En outre, il soulève uncertain nombre d’interrogations éthiques dansla mesure où il peut entraîner le non-transfertin utero des embryons.

3.1 La sécurité du prélèvement

Les méthodes de prélèvement du matérielembryonnaire ou cellulaire en vue du diagnos-tic présentent,encore aujourd’hui,un risque éven-tuel pour l’embryon et son développement.

Le prélèvement de cellules requiert,en effet,unemanipulation très délicate et la cellule prélevéepourrait éventuellement être endommagéedurant cette procédure.

L’application du Diagnostic Génétique Préimplan-tatoire a été précédée d’une phase d’expéri-mentation animale, ainsi que, pour ce quiconcerne les autres pays que la France où larecherche sur l’embryon n’est pas autorisée,d’une phase de recherche sur des embryonshumains surnuméraires. Cependant, cesrecherches ont surtout été relatives au prélè-vement sur le blastomère.

Les recherches ont eu pour objectif de déter-miner si le fait de prélever une ou plusieurs cel-lules sur l’embryon au stade blastomère avaitdes conséquences néfastes pour l’embryon invitro.

La recherche sur des embryons de souris a

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3Le DiagnosticGénétiquePréimplantatoire

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rescents très proches les uns des autres.

En outre, un certain nombre de facteurs biolo-giques peut conduire à une erreur de diagnos-tic.

Il s’agit, par exemple, du problème posé par lesmosaïques, c’est-à-dire dans les cas où les cel-lules de l’embryon ont une composition chro-mosomique différente. Alors,les cellules utiliséespour le diagnostic pourraient ne pas être repré-sentatives de l’embryon.

La “biologie” particulière de l’embryon humainfait que les risques d’erreurs ne sont pas inexis-tants. C’est la raison pour laquelle une confir-mation par diagnostic prénatal en cours de gros-sesse est toujours pratiquée.

Ces aspects propres à la sécurité du prélèvementet à la fiabilité du diagnostic ont leur corollaire :l’information des patients. Dans la mesureoù ces derniers peuvent être amenés à penserque cette technique offre un réel bénéfice, ilconvient que soient réunies les conditions pourun consentement éclairé.

3.3 La question del’acceptabilité des différentesformes de prélèvement

La question de l’acceptabilité des différentsprélèvements découle directement de l’accep-tabilité de la procédure invasive à laquelle estsoumis l’embryon, manipulation nécessaire aurecueil du matériel cellulaire en vue de sonanalyse.

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transféré in utero, soit d’un faux négatif quiconduit à transférer un embryon atteint.

Le Diagnostic Génétique Préimplantatoire est uneméthode de diagnostic complexe car il doit êtreconduit sur une petite quantité de matériel cel-lulaire (une ou deux cellules) et il doit être fait dansun laps de temps relativement court (un à deuxjours) car le ou les embryons sont remis en culture,dans l’attente d’un transfert in utero éventuel.

Les deux principales techniques d’analyses uti-lisées, on l’a dit, sont :- la Polymerase Chain Reaction (PCR) pour lediagnostic des anomalies monogéniques ;- Fluorescent in situ Hybridization (FISH) pourle diagnostic d’anomalies chromosomiques(numériques ou structurelles) et pour la déter-mination du sexe du futur bébé.

Or, ces deux méthodes ne sont pas fiables à100 %.

En ce qui concerne la PCR, les erreurs peuventprovenir d’un échec dans la procédure d’ampli-fication génique et plus particulièrement dans lanon-amplification de l’un, voire des deux allèlesd’une cellule (hétérozygote dans ce dernier cas).

Mais l’erreur peut également provenir d’unecontamination du matériel cellulaire prélevé,par une cellule de spermatozoïde par exemple.L’ICSI,comme méthode de fécondation,semble,dans ce cas, être un moyen d’éviter ce type decontamination.

En ce qui concerne la méthode FISH,une erreurde diagnostic peut provenir du fait de signaux fluo-

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3Le DiagnosticGénétiquePréimplantatoire

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En théorie, les embryons sont sélectionnés surla base de l’existence ou l’absence d’une maladiegénétique grave ou d’une anomalie chromoso-mique,ou par détermination du sexe en vue deprévenir une maladie liée au sexe.Mais en pra-tique, tout n’est pas aussi simple et plusieursquestions éthiques se posent.

Ainsi, se pose la question du choix sélectif desembryons qui sont seulement porteurs d’unemaladie monogénique récessive autoso-male (par exemple la mucoviscidose).L’embryonn’est pas atteint par la maladie, mais il en estporteur et peut la transmettre à sa descendance.Il faut,dans ce cas,que l’autre parent soit porteurdu même gène pour que la maladie s’exprime.Sinon la probabilité que la descendance d’unporteur d’une telle maladie ne la développe estinfime puisqu’elle est inférieure à 1 %.

Le Diagnostic Génétique Préimplantatoire com-porte ici un danger de discrimination. Faut-ilsélectionner, lorsque cela est possible, unique-ment les embryons homozygotes (c’est-à-direnon porteurs) ou convient-il de ne pas faire dedistinction entre les homozygotes et les hété-rozygotes (porteurs sains) ?

Cette question se posait déjà avec la pratiquedu diagnostic prénatal.Elle prend néanmoins iciune autre dimension. Il est, en effet, plutôt peuprobable qu’un couple interrompe une grossessedéjà engagée uniquement en raison du fait quele fœtus est porteur d’une telle maladie.Alorsque dans le cadre du Diagnostic GénétiquePréimplantatoire,écarter un tel embryon peutsembler plus aisé, ceci d’autant plus si desembryons sains ont été obtenus.

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En ce qui concerne le prélèvement du blasto-cyste, les cellules proviennent d’une partie dublastocyste (le trophoblaste) qui constituera,pour partie, le placenta. Les cellules qui contri-buent à la formation de l’embryon demeurentindemnes.

En revanche, le prélèvement du blastomèresoulève davantage de questions éthiques. Eneffet, les cellules de l’embryon à ce stade (le stadedu clivage) sont déjà totipotentes.Cela signifieque chacune de ces cellules peut se dévelop-per séparément en un nouvel organisme. Il estdonc souvent objecté que chaque cellule pré-levée pourrait, à elle seule, donner lieu à unnouvel embryon.

3.4 Le dilemme éthiquerelatif au choix sélectif desembryons humains

La plus grande critique à l’égard du DiagnosticGénétique Préimplantatoire est la crainte d’unedérive vers une sélection eugénique des embryons.

L’inquiétude se révèle ici plus forte que pour lediagnostic prénatal car le diagnostic est effectuéà un stade plus précoce. Il est pratiqué avant letransfert in utero de l’embryon, la grossessen’étant pas encore engagée. Il est donc trèssouvent reproché au Diagnostic Génétique Préim-plantatoire de faciliter la sélection d’embryons.

La question qui se pose est celle des critèresdu choix sélectif des embryons. Il convientd’examiner les critères et d’identifier ceux quiposent problème.

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3Le DiagnosticGénétiquePréimplantatoire

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nombreux enfants du même sexe ou encore decouples qui ne désireraient avoir que desgarçons ou que des filles. Il est en réalité fortprobable que ce type de demande sera très mar-ginal et ce principalement en raison de la lour-deur de la procédure requise par le DiagnosticGénétique Préimplantatoire. De plus, la loilimite strictement et très clairement l’accès auDiagnostic Génétique Préimplantatoire pour descouples ayant un risque de transmettre unemaladie génétique d’une particulière gravité àleur descendance.

Le problème de la possibilité offerte par leDiagnostic Génétique Préimplantatoire desélectionner les embryons en raison de leur sexepour convenance personnelle se pose de façonplus accrue pour un certain nombre de pays telsque la Chine ou l’Inde. Dans ces pays, le sexemasculin prime sur le sexe féminin pour desraisons économiques,religieuses ou culturelles.Cela conduit à l’abandon des bébés de sexeféminin ou à l’utilisation abusive de l’avortementou encore à des infanticides en faveur desgarçons.

Mais qu’en serait-il d’une demande de choix dusexe à l’occasion d’un Diagnostic GénétiquePréimplantatoire réalisé pour risque de trans-mission d’une maladie génétique non liée ausexe ?

Le Diagnostic Génétique Préimplantatoiresoulève donc le problème de la sélection desembryons avant leur implantation et, par-làmême, des risques de dérives eugéniques.Le “fantasme de l’enfant parfait ” est de plus enplus ancré dans la société actuelle.

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Il convient également de prendre en compte unfacteur d’incertitude qui est celui du taux depénétrance des allèles.Par exemple,celui quicause la maladie de Huntington a une pénétrancede 100 %.L’individu qui est porteur de cet allèledéveloppera la maladie.Mais d’autres affectionsgénétiques ont un taux de pénétrance plus bas.Ainsi un œuf fécondé, génétiquement défec-tueux,ne générera pas nécessairement de maladieou d’anomalie dans l’individu.

En ce qui concerne la sélection des embryonspour les maladies liées au sexe, le DiagnosticGénétique Préimplantatoire pose un problèmed’un autre ordre.On connaît aujourd’hui à peuprès 300 maladies récessives liées à l’X.

Les femmes porteuses saines d’un gène défec-tueux sur le chromosome X transmettent lamaladie à leur descendance : les enfants de sexeféminin sont généralement en bonne santé(50 % demeurent porteuses saines),mais 50 %des bébés de sexe masculin seront atteints.

L’objet de l’analyse de la cellule prélevée estdonc de déterminer le sexe du futur embryonafin de ne transférer in utero que les embryonsde sexe féminin. Le Diagnostic GénétiquePréimplantatoire, dans ce cas, peut donc avoirpour conséquence de ne pas transférer desembryons mâles qui pourraient être sains.

La possibilité de sélectionner des embryons enraison de leur sexe pour des raisons de pureconvenance personnelle pose également un pro-blème.

Il peut s’agir, par exemple, de familles ayant de

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3Le DiagnosticGénétiquePréimplantatoire

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est dû, en majeur partie, au déclin de la qualitéde l’ovocyte. Il en résulte des anomalies chro-mosomiques et en particulier l’aneuploïdie,c’est-à-dire un chromosome en plus ou en moins. Laplupart du temps l’embryon se développerapendant quelques jours, mais, soit ne s’implan-tera pas, soit son développement s’interrompraspontanément aussitôt après l’implantation.Maissi l’anomalie consiste en un chromosome sup-plémentaire sur les chromosomes 13, 18, 21, Xou Y, il en résultera une grossesse qui ira à sonterme, même si le fœtus est mal formé. La pluscommune de ces maladies est le syndrome deDown ou trisomie 21.

Le Diagnostic Génétique Préimplantatoire estproposé par certains centres pour les couplesinscrits en fécondation in vitro dont la femme estâgée de plus de 38 ans comportant un risqueélevé d’anomalies chromosomiques en relationavec son âge.Cette indication n’est toutefois pasautorisée par la loi française.

Cette forme de Diagnostic GénétiquePréimplantatoire est également appelée “examengénétique préimplantatoire”.Deux objectifs plai-dent en sa faveur :

- D’une part, il permet le diagnostic d’éven-tuelles anomalies chromosomiques sur lesembryons avant transfert in utero. Il a donc unbut préventif.

Il soulève néanmoins un problème éthique. Ledésir de contrôler la qualité de la descendancea toujours existé, mais les possibilités grandis-sent avec les progrès de la médecine.Le diagnosticprénatal était,à l’origine,proposé en fonction de

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Les possibilités offertes par le DiagnosticGénétique Préimplantatoire semblent illimi-tées et les craintes concernent également sonextension à des maladies mineures ou curables,voire à des caractéristiques physiques.

L’objectif premier du Diagnostic GénétiquePréimplantatoire est la prévention d’un certainnombre de maladies graves.Cependant, la limiteentre prévention et eugénisme est parfoisténue, surtout dans la mesure où, à l’heureactuelle, en l’absence de possibilités thérapeu-tiques, le diagnostic d’une maladie génétique oud’une anomalie chromosomique sur l’embryonconduit à sa destruction.

Il convient donc d’encadrer strictement leDiagnostic Génétique Préimplantatoire.

En ce qui concerne le risque d’atteinte à la diver-sité génétique, il existe en réalité une multitudede maladies génétiques. Le fait d’éliminer l’uned’entre elles, si cela est possible un jour, auraitun effet extrêmement limité sur l’ensemble dupool génétique.

3.5 La question del’extension des indications duDiagnostic GénétiquePréimplantatoire

On voit se développer, dans un certain nombrede pays, depuis quelques années, un nouveauchamp d’application du Diagnostic Génétique Pré-implantatoire.En effet, les chances de grossessediminuent avec l’âge et il a été démontré que cela

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3Le DiagnosticGénétiquePréimplantatoire

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tatoire dans la mesure où les arrêtés autorisantles centres en France n’ont été pris qu’enjuillet 1999.

Outre ce nouveau champ d’application,il convientde s’interroger sur l’indication du DiagnosticGénétique Préimplantatoire pour certaines mala-dies, et notamment pour le risque de trisomie21.Celui-ci est,en effet,à l’origine de l’extensiondu Diagnostic prénatal et risquerait de généra-liser l’utilisation du Diagnostic GénétiquePréimplantatoire.

La tentation pourrait être grande,par la suite,del’élargir à des femmes plus jeunes qui sont en fécon-dation in vitro pour infertilité et pour lesquellescette forme de Diagnostic Génétique Préim-plantatoire augmenterait les chances de succès dela fécondation in vitro. L’argument serait alorsfondé sur le principe de non-discrimination et defaisabilité.Or,tout ce qui est techniquement pos-sible est-il éthiquement acceptable ?

Cette question se pose pour d’autres typesd’indications.

En effet, il convient de rappeler que le DiagnosticGénétique Préimplantatoire est strictementlimité au cas où un enfant à venir présente “uneforte probabilité d'être atteint d'une maladie géné-tique”.

Or, le débat relatif à un nouveau type d'exten-sion des indications du Diagnostic GénétiquePréimplantatoire a été lancé aux Etats-Unis en2000 au sujet d'une enfant atteinte d'une affec-tion du sang et qui avait pu être sauvée après unegreffe de cellules provenant du cordon ombili-

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facteurs de risques précis.Il a désormais tendanceà s’intégrer dans le cadre d’un dépistage de latrisomie 21 qui a été largement étendu, enraison de l’âge de la femme.

Le dilemme éthique qui se pose est donc de savoirs'il est acceptable que le Diagnostic GénétiquePréimplantatoire soit proposé aux femmes ayantun risque de transmettre une anomalie chro-mosomique en raison de leur âge. Il pourrait,enconséquence, devenir un diagnostic de routinepour les femmes d’une tranche d’âge élevée.Desquestions se posent alors sur le point de savoirà partir de quel âge il pourrait être proposé pourcette indication,combien et quels chromosomespourraient être analysés ?

- D’autre part, la tentation est grande del’élargir à cette indication d’autant plus que lesecond argument qui plaide en sa faveur tientau fait qu’il augmenterait les chances de succèsde la fécondation in vitro.En effet, les embryonsayant peu de chance de s’implanter ou dontle développement s’interromprait spontané-ment après l’implantation,ou encore ceux ayantle risque de donner naissance à un enfantatteint d’une anomalie, ne seraient pas trans-férés in utero.

Cette indication existe déjà dans certains pays,les praticiens français résisteront-ils à la tendanceactuelle ?

Ce type de demande a tendance à se dévelop-per et leur refus risque de développer une formede “tourisme médical”, comme ce fût le cas,jusqu’à une date relativement récente, pour lapratique du Diagnostic Génétique Préimplan-

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Le 4 juillet 2002 le CCNE a rendu une décisionhésitante qui a notamment soulevé la questionde l’instrumentalisation de l’enfant.

Le CCNE n’a pas pu, sur la question de la créa-tion d’embryons en vue de leur sélection pourcompatibilité HLA,dégager de position consen-suelle.Ainsi, pour la majorité de ses membres,“en dépit de la compassion et de la solidarité…une telle instrumentalisation d’un enfant nesemble pas acceptable… Le caractère seconddu dépistage ne doit jamais, et sous aucun pré-texte que ce soit, venir au premier plan. Unenfant ne vient pas au monde pour sa seule com-patibilité.

Cependant certains membres du CCNE, parsouci de solidarité,estiment impossible de s’op-poser au désir des parents de réitérer une pro-cédure de D.P.I. dans le but d’obtenir desembryons à la fois sains et compatibles”.

A l’occasion de cet avis le CCNE a indiqué que“si l’extension des indications génétiques duD.P.I.pour l’enfant lui-même ne pose pas de pro-blème juridique ou éthique en soi, elle soulèvedes questions juridiques et éthiques majeureslorsqu’elle concerne l’intérêt d’un tiers. N’y a-t-il pas alors contradiction avec le principe selonlequel l’enfant doit venir au monde d’abordpour lui-même ?”

Il a précisé que “l'examen attentif des deux casévoqués conduit le CCNE à souhaiter que nesoit pas remis en cause le principe fondamen-tal sous-jacent à la loi : tout acte ou tout pro-cessus médical affectant un embryon, destinéà être implanté doit avoir pour fin première son

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cal de son petit frère,né après D.P.I et sélectionnépour sa compatibilité immunologique avec sasœur.En février 2002, c’est en Angleterre qu’unenfant est né après avoir été conçu et sélectionnépour être donneur compatible avec son frère aînéatteint d’une leucémie très grave.C'est alors qu'enFrance,des parents d'enfants atteints de ce typede maladie ont fait une demande identique.L’Hôpital Antoine Béclère (Clamart) a ainsi étésollicité à cinq reprises et pour le moment cesdemandes ne sont pas recevables du point devue légal.

Dans ce contexte,le Comité Consultatif Nationald'Ethique a été saisi le 5 février et le 18 juillet2001 de la question relative à l'élargissement del'indication afin d'effectuer dans le cadre de cediagnostic, pour des familles atteintes de lamaladie de Fanconi, un typage HLA permettantle transfert d'un embryon indemne de la maladieet donneur potentiel à l'intention d'un autreenfant malade.

Le CCNE a également été saisi le 27 avril 2001de la question de la légitimité du recours auDiagnostic Génétique Préimplantatoire lors-qu'un couple dont un membre appartient à unefamille atteinte de la maladie de Huntington,sou-haite avoir un enfant indemne tout en ne sou-haitant pas connaître son propre statut géné-tique. Il convient de rappeler ici que le DPI nepeut être légalement pratiqué que si la maladieest identifiée chez l’un au moins des membresdu couple.

Ces deux saisines posent le problème de l'exten-sion de ce diagnostic dans l'intérêt d'un tiers, etnon plus seulement dans l'intérêt de l'enfant à naître.

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3Le DiagnosticGénétiquePréimplantatoire

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éthiques se posent cependant.”

L’indication du DPI est en voie d’être enten-due puisque le projet de loi de bioéthiqueprévoit de l’ouvrir lorsqu’a été préalablementidentifiée l’anomalie chez “l’un des parents oul’un des ascendants immédiats dans le casd’une maladie gravement invalidante à révéla-tion tardive et mettant en jeu le pronosticvital”. En revanche, il n’est pas prévu de l’élar-gir en vue de la sélection d’un embryon poursa compatibilité HLA avec un enfant déjàatteint d’une maladie. Tout ceci devra êtreconfirmé en deuxième lecture.

Le diagnostic de maladies d’apparition tardive,telles que la maladie d’Alzheimer, pose un pro-blème éthique. En effet, ces maladies n’appa-raissant qu'à l'âge adulte,elles permettent doncà l’individu atteint, une vie normale jusque là.

Enfin, l’extension de la connaissance du génomehumain comporte également en elle-même lerisque de voir les possibilités techniques devenirillimitées.

Le plus grand défi éthique de l’application duDiagnostic Génétique Préimplantatoire dans lefutur est sa possible utilisation pour le diagnosticde maladies polygéniques (exemple : les mala-dies cardiovasculaires, le diabète sucré, lecancer).Le diagnostic s’apparenterait alors à un“diagnostic de susceptibilité” dans lamesure où les facteurs génétiques ne sont passeuls en cause.Des facteurs environnementaux,tels que l’alimentation ou le mode de vie sontégalement susceptibles d’influer sur le déve-loppement de ces maladies.

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propre bien et constituer un bénéfice directpour l'enfant à naître. La loi actuelle n'offred'ailleurs pas de solution aux deux questionsétudiées.”

“Le Comité constate que si les deux questionsqui lui sont posées sont liées, car toutes deuxsupposent que soit pris en compte,lors d'un DPI,l'intérêt d'un tiers,elles diffèrent néanmoins trèssensiblement dans la mesure où cet intérêt n'estpas du même degré.”

“Dans l'hypothèse du test de compatibilité HLAdans le cadre familial de maladie de Fanconi leproblème essentiel est celui de la réalité du projetparental et donc du risque d'instrumentalisationde l'enfant.”

“Le désir légitime d'enfant n'est pas le droit àl'enfant-objet… La sélection d'un embryon etla mise en route d'un enfant conçu seulementcomme un donneur potentiel, et non d'abordpour lui-même,n'est pas pensable au regard desvaleurs qu'a toujours défendues le CCNE. Enrevanche,permettre qu'un enfant désiré repré-sente, de plus, un espoir de guérison pour sonaîné,est un objectif acceptable, s'il est second.”Cependant, la question qui se pose concerneles modalités du contrôle d’un réel projetparental.

“Dans le cas de la maladie de Huntington, lesembryons sont choisis parce qu'ils ne sont pashéritiers d'un chromosome risquant d'êtreporteur de la mutation.Aucun doute ne pèsesur la réalité du projet parental et la primautédu désir d'enfant. Si l'intérêt même de l'enfantà naître est préservé, plusieurs questions

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3Le DiagnosticGénétiquePréimplantatoire

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La distinction risque de ne plus se limiter auxcritères de bonne santé ou de maladie,mais deporter sur d’autres caractéristiques.

La banalisation de la pratique du DiagnosticGénétique Préimplantatoire risque de conduire àconforter un désir de normalisation de la pro-création pour des raisons de pure convenance per-sonnelle.

Le Diagnostic Génétique Préimplantatoire induitun véritable jugement génétique.Or,la mission desmédecins est de soigner. Ayant le choix d’unembryon parmi d’autres,pourquoi ne pas offrir lapossibilité de choisir celui qui correspond le mieuxau désir des parents ? Et inversement,dans quellemesure les parents ne pourraient-ils pas arguer dece droit ?

De plus, les méthodes de diagnostic se perfec-tionnent alors que les moyens curatifs corres-pondant n’existent pas toujours. A fortiori dansle cadre du D.P.I.puisqu’il doit s’agir de “maladieincurable au moment du diagnostic”. LeDiagnostic Génétique Préimplantatoire placedonc les couples dans des situations ambiguës,contraints de faire des choix,parfois même à l’in-térieur d’une marge d’incertitude en raison desrisques d’erreurs de diagnostic.Parallèlement, leD.P.I. représente un immense espoir pour denombreux couples qui,parfois,ont même aban-donné tout projet de grossesse, soit en raisond’avortements thérapeutiques successifs, soiten raison d’enfants atteints.

Le conseil génétique prend ici toute sonimportance. Il doit être adapté à chaque cas etdétaillé quant à la procédure qui se révèle être

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3.6 Les bouleversementsengendrés par la pratique duDiagnostic GénétiquePréimplantatoireLes progrès réalisés en matière d’AssistanceMédicale à la Procréation ont conduit àremettre, pour une large part, la procréationentre les mains des médecins. Le début de lavie fait l’objet d’une mainmise technique gran-dissante.Cette “ technicisation ” de la vie n’estpas sans effets.D’une part, elle investit les pra-ticiens de pouvoirs.D’autre part, le chemin estcourt entre vouloir un enfant et vouloir telenfant.

Cet idéal de l’enfant en termes du “droit à…”est passé par différentes phases en fonction del’évolution des techniques : ce fut d’abord le“droit à ne pas avoir d’enfant” ou, le “droit àavoir un enfant au moment choisi”, puis le“droit à l’enfant” (un enfant à tout prix) etdevient désormais le “droit à tel enfant”.

La question est donc celle du pouvoir desmédecins et de ses limites,particulièrement parrapport à l’autonomie des couples.Mais, paral-lèlement, jusqu’où peut aller l’autonomie descouples ?

La médicalisation croissante de la procréationfait se multiplier nombre “d’étiquettes” tellesque “grossesse à risque”,“femme à risque”.

Il y a un risque de voir ce qui est considérécomme “normal” se réduire, alors que ce quiest considéré comme “anormal” se développer.

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3Le DiagnosticGénétiquePréimplantatoire

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effet,dans un avenir probablement très proche, larecherche sur les embryons pourrait être autori-sée,sous de strictes conditions à titre dérogatoirepour une durée limitée.Comment alors aborderce choix possible ? A considérer le problème posépar le don d’organes, on devine déjà la difficultédu don de l’embryon en vue de la recherche.

En ce qui concerne le sort des embryons atteints,les dispositions législatives sont silencieuses surce point, mais il paraît inévitable qu’en pratiqueceux-ci seront détruits.

La recherche de la “qualité procréative” expliquela place croissante faite à la prévention (diagnosticprénatal - Diagnostic Génétique Préimplan-tatoire). Survient alors l’interrogation fonda-mentale : celle de la délimitation entre préven-tion et eugénisme. Le problème crucial quesoulève la pratique du Diagnostic GénétiquePréimplantatoire comme moyen de préventionest que,à l’heure actuelle,la prévention passe parl’élimination des embryons atteints.

L’indication thérapeutique et l’absence de trai-tement sont deux critères fondamentaux défi-nissant l’accès au Diagnostic GénétiquePréimplantatoire. L’ambiguïté de la loi tientpourtant à l’objet préventif et curatif qui lui estassigné. On peut en effet se demander dansquelle mesure le Diagnostic GénétiquePréimplantatoire peut avoir pour objet detraiter une maladie dès lors que sa prescriptionest soumise à la condition de transmissiond’une maladie incurable.

La contradiction tient également au fait que leDiagnostic Génétique Préimplantatoire a pour

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extrêmement contraignante. Il doit faire preuvede la plus grande transparence possible quant auxrisques éventuels, pour la femme en raison de lastimulation ovarienne ;pour les embryons sur les-quels est pratiqué un acte invasif :le prélèvement.Le couple doit aussi être informé de la maladieprécise pour laquelle les embryons sont testés.Enfin,il doit être informé de la fiabilité du diagnostic.

En outre,contrairement au colloque singulier quimet face à face le médecin et le patient, le géné-ticien se trouve face à un couple qui s’interrogesur sa descendance. Il s’adresse au couple, maisles familles peuvent se trouver concernées parle diagnostic. Le secret médical cesse doncd’être strictement individuel. Cependant, oùdoit s’arrêter la nécessaire information ? Il fautconcilier le droit de savoir et le droit de ne passavoir. Il convient de tenir compte des consé-quences d’ordre psychologique qui peuvent endécouler pour l’équilibre familial.

Le couple doit également être informé du sortdes embryons non transférés et des choix pos-sibles. Les embryons sains non transférés sontgénéralement congelés et le couple est interrogéannuellement,pendant cinq ans,sur un éventuelnouveau projet parental. Si le couple ne désireplus d’enfant, il peut choisir de les détruire, deles donner à un autre couple infertile ou excep-tionnellement d’accepter que soient pratiquéessur eux des études (en l’état actuel de la loi) etpeut-être prochainement les donner pour larecherche.Toutes ces décisions sont difficiles àprendre et la question difficile à aborder.

Les généticiens risquent très rapidement d’êtreconfrontés à un problème supplémentaire. En

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3Le DiagnosticGénétiquePréimplantatoire

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critère de l’incurabilité de la maladie,qui doit,enoutre, être préalablement et précisément iden-tifiée chez l’un des parents.

En raison de l’accroissement des connaissancesscientifiques,il est probable que sera trouvée dansl’avenir une origine génétique à un nombre deplus en plus important de maladies,qu’il soit pos-sible de pratiquer un diagnostic de susceptibi-lité à certaines maladies ou de diagnostiquer desmaladies d’apparition tardive.

Or,le texte reste silencieux sur les critères tenantà la certitude de l’apparition de la maladie ou àla longévité des individus atteints.

La question peut se poser,par exemple,pour cer-taines formes de cancers qui demeurent incu-rables mais qui,par ailleurs,sont susceptibles dene pas se développer et qui peuvent être d’ap-parition tardive.

Ici encore, le conseil génétique revêt une impor-tance particulière.Celui-ci n’aide pas seulementles couples à prendre leur décision,mais consti-tue le meilleur moyen de déterminer au cas parcas la notion de gravité, ainsi qu’un certainnombre de critères sur lesquels les textes rela-tifs au Diagnostic Génétique Préimplantatoiredemeurent silencieux.

Enfin, il convient de ne pas oublier que leDiagnostic Génétique Préimplantatoire repré-sente un nouvel espoir de procréation pour ungrand nombre de couples. Il leur permet d’en-visager un projet parental qui, parfois, avait étéabandonné face au risque de transmettre uneanomalie ou une maladie génétique.

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objet la prévention de la maladie recherchée.Or,à l’heure actuelle et dans l’attente d’une éventuellemise au point de la thérapie génique, la préven-tion ne peut que passer par la sélection desembryons et l’exclusion du transfert in utero desembryons atteints. Ceci n’est pas le but assignéà la prévention.

Quoiqu’il en soit, l’acceptabilité de la pratique duDiagnostic Génétique Préimplantatoire est fon-damentalement liée à une détermination clairedes conditions définissant le concept d’indicationthérapeutique.

Or,sur ce point, la loi peut ne pas paraître abso-lument claire. En effet, le législateur français achoisi de ne pas opter pour l’établissementd’une liste de maladies donnant accès auDiagnostic Génétique Préimplantatoire.Pourtant,les raisons invoquées sont tout à fait justifiées.Une telle liste risquerait de conduire à une stig-matisation des individus atteints de ces maladies.Elle risquerait de créer implicitement un “modèlede normalité”. Cela permet également de tenircompte des avancées scientifiques. Enfin, l’exa-men au cas par cas évite que ne soit systémati-sée l’utilisation de cette pratique.

Cependant, la question qui se pose est celle desavoir ce qu’est “une maladie génétique d’une par-ticulière gravité”. La notion de gravité paraîtvague et subjective. Le Diagnostic GénétiquePréimplantatoire pose ainsi le problème de l’ap-préciation du seuil de gravité de l’affectationauquel se trouve exposé l’enfant à naître.

La loi répond,en partie,à cette question dans lamesure où est ajoutée comme condition le

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- les cellules souches totipotentes ont la capa-cité de conduire à la formation de tous lestissus du corps humain, y compris ceux de lalignée germinale. C'est le cas des cellulesembryonnaires résultant des premières divi-sions embryonnaires, jusqu'à deux ou trois joursaprès la fécondation (au stade de huit cellules).Une seule cellule de l'embryon a alors la possi-bilité de donner à elle seule un embryon viable.

- au stade suivant, les cellules souches pluripo-tentes ont la possibilité de se différencier danstous les tissus,à l'exclusion des cellules de la lignéegerminale.Elles ne peuvent jamais donner un indi-vidu complet.C'est le cas des cellules embryon-naires de la masse cellulaire interne au stade blas-tocyste (six jours après fécondation).Les cellulessouches pluripotentes,isolées à partir de cellulesgerminales primitives chez le fœtus, sont appe-lées cellules germinales embryonnaires (cellulesEG).Celles qui sont isolées à partir de la massecellulaire interne d'un embryon au stade blas-tocyste sont appelées cellules souches embryon-naires (cellules ES). Ce sont ces dernières quipourraient être utilisées dans le cadre du trans-fert de cellule somatique dans un ovocyte énucléé(“clonage thérapeutique”).C'est sur elles que seporte l'intérêt des scientifiques ;

- les cellules souches multipotentes, présentesdans l'organisme adulte, n'ont qu'une capacitélimitée de se différencier en plusieurs types decellules déterminées. Il s'agit, par exemple, descellules souches hématopoïétiques, présentesdans la moelle osseuse,qui produisent toutes lescellules sanguines ;

- les cellules souches unipotentes ne peuvent pro-

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A. Généralités

4.1Définitions et différentstypes de cellules souches

Le terme de “cellule souche” désigne une cellulequi, placée dans un environnement tissulaireapproprié, a la capacité de se multiplier pourdonner lieu,soit à des cellules identiques à elles-mêmes, soit à un ou plusieurs types spécifiquesde cellules différenciées.

Les cellules souches ont deux propriétés :d'unepart, elles ont la capacité de proliférer à l'infini,d'autre part, du fait de leur plasticité, ellespeuvent constituer plusieurs lignées cellulairesspécialisées.

Une cellule souche peut donc être à l'origined'une multitude de cellules qui peuvent être denature très différente : cellules nerveuses, san-guines,osseuses,musculaires,pancréatiques,épi-dermiques…

Il existe quatre types de cellules souches en fonc-tion de leur capacité de prolifération :

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4 Les cellulessouchesembryonnaireshumaines

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de greffe autologue, est d'être issues descellules mêmes du malade, ce qui élimi-nerait le risque de rejet de la greffe ;

- les cellules de la lignée germinale de fœtus issusd'avortement :il s'agit des cellules embryonnairesgerminales (ou cellules EG).Ces cellules peuventêtre mises en culture, elles se divisent alors etpeuvent se différencier en plusieurs tissus.Cependant, leur potentiel de différenciation invitro est plus limité que celui des cellules ES ;

- enfin, une dernière catégorie de cellulessouches est constituée par les cellules souchesadultes, provenant de tissus somatiques oud'organes adultes. Elles sont présentes dans lamoelle, les muscles squelettiques, la peau… Ellesont également été récemment mises en évi-dence dans le système nerveux.Toutefois, lescellules souches adultes ont souvent un rôlelimité à la réparation ou à la reconstitution dutissu lésé dont elles proviennent.

4.3 La particularité des cellules souchesembryonnaires

Depuis quelques années, les avancées de larecherche sur les cellules souches humaines,nonuniquement embryonnaires,ne cessent de croîtreet, par là-même, d’ouvrir des perspectives.

Les cellules souches présentes dans la moelleosseuse sont à l’origine de différentes cellules san-guines,ce qui leur assure un constant renouvelle-ment.Il en est de même pour les cellules souches

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duire qu'un seul type de cellule différenciée. Parexemple, la cellule de l'épiderme ne produit quedes kératinocytes.

Les sources possibles de cellules souches sontl'adulte (cellules multipotentes et unipotentes),le fœtus (cellules pluripotentes,multipotentes etunipotentes) et l'embryon (cellules totipotenteset pluripotentes) qui peuvent elles-mêmes pro-venir,soit d'embryons in vitro surnuméraires,soitd'embryons in vitro créés par le clonage decellule somatique.

4.2 Les méthodesd'obtention des cellulessouches

Il existe plusieurs méthodes d'obtention des cel-lules souches :

- les cellules souches provenant d'embryons sur-numéraires créés à des fins de fécondation in vitromais pour lesquels les parents,qui ont par ailleursconsenti au don, ont abandonné tout projetparental : il s'agit des cellules souches embryon-naires (ou cellules ES).Les cellules de la masse cel-lulaire interne de l'embryon sont prélevées afind'être mises en culture in vitro,elles pourront alorsse multiplier indéfiniment ;

- les cellules souches embryonnaires provenantd'embryons créés par transfert nucléaire. Latechnique consiste à créer un embryon partransfert d'un noyau cellulaire dans un ovocyteénucléé.L'embryon ainsi créé peut lui aussi êtreutilisé pour produire des lignées de cellules ES,cultivées en grand nombre.Leur intérêt,en cas

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tique, le tissu pulmonaire. Les cellules pluripo-tentes du mésoderme peuvent former le tissuosseux, le tissu musculaire, conjonctif, la moelleosseuse. Les cellules de l’ectoderme peuventformer du tissu nerveux, de l’épiderme...L’utilisation des cellules souches embryonnairespermet des progrès considérables dans la connais-sance des gènes clés contrôlant le développementet le fonctionnement des différents tissus.

La capacité de prolifération quasi-illimitée des cel-lules souches embryonnaires permet l’accumu-lation d’un nombre élevé de cellules et l’isole-ment de lignées permanentes ayant les mêmescaractéristiques que les cellules primaires. Destravaux de recherche très importants qui concer-nent la biologie précoce des tissus ne peuventêtre réalisés qu’à partir de ces lignées.

La possibilité d’effectuer des recherches sur lescellules souches d’origine embryonnaire humainelaisse entrevoir, du point de vue d’un grandnombre de scientifiques, de nouvelles perspec-tives pour la recherche fondamentale et les appli-cations médicales qui pourraient en découler.

B. Les enjeux etpotentialités ouverts parles cellules souches em-bryonnaires humaines

4.1 Les défis et perspectivesscientifiques

La recherche sur les cellules souches humainesd’origine embryonnaire ouvre de nouvelles pers-

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qui permettent de reconstituer le tissu épithélialde la peau.L’existence même de ces cellules est àl’origine de diverses formes de thérapie cellulaire,fondées,respectivement,sur les greffes de celluleshématopoïétiques ou de cellules de peau.

Les muscles du squelette renferment des typesde cellules souches,dites “cellules satellites”,quisont capables de reconstituer un muscle endom-magé par un traumatisme.

Le foie et la muqueuse intestinale renferment éga-lement des cellules souches.

Des greffes de cellules fœtales et adultes, notam-ment pour le traitement des maladies neurodégé-nératives,sont pratiquées depuis plusieurs années.

Le traitement de nombreuses maladies par lagreffe, autologue ou allogénique, de cellulessouches hématopoïétiques qui se trouvent dansla moelle osseuse ou qui circulent dans le sang,existe déjà aujourd’hui.

Les cellules souches embryonnaires se distinguentdes cellules souches adultes par une propriétéessentielle : elles ont la possibilité de conduireà la différenciation précoce des tissus de l’orga-nisme alors que les cellules souches adultessont engagées dans un programme de différen-tiation tissulaire plus tardif.

Les cellules souches embryonnaires, au stadeprécoce du développement, ont des potentiali-tés différentes selon les feuillets embryonnairesdont elles sont issues.Les cellules pluripotentesde l’endoderme embryonnaire formeront l’épi-thilium digestif, les tissus hépatique et pancréa-

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Les cellules souches embryonnaires humaines ontété isolées,cultivées et différenciées pour la pre-mière fois en 1998 (Thomson J. et al., 1998).

Très récemment,avec le mouton Dolly (I.Wilmut,1997), il a été découvert que des noyaux de cel-lules somatiques différenciées prélevés sur unanimal adulte pouvaient aussi retrouver toutesleurs potentialités de développement une foisreplacés dans le cytoplasme d’un ovocyte. Cerésultat a été,par la suite,confirmé avec l’espècebovine (Vignon,1998 ;Cibelli, 1998), puis avec lasouris (Wakayama, 1998) et enfin avec le porc(Polejaeva, 2000).

Ces succès,encore très peu nombreux et limitésaux mammifères,ont considérablement renouvelél’intérêt des scientifiques pour la technique du trans-fert de noyau.

Des perspectives sont fréquemment évoquées derecourir à la technique du transfert nucléaire denoyau somatique pour obtenir des lignées de cel-lules souches embryonnaires susceptibles,aprèsdifférenciation in vitro, d’être utilisées à des finsthérapeutiques.

L’utilisation des cellules souches d’origineembryonnaire suscite ainsi, pour l’avenir, desespoirs pour le traitement des maladies neuro-dégénératives telles que les maladies d’Alzheimeret Parkinson,la chorée de Huntington,la scléroseen plaques.Des tissus cultivés en laboratoire,pro-venant de lignées de cellules souches embryon-naires,pourront très probablement remplacer lescellules nerveuses disparues ou endommagées.

Des potentialités existent également pour le

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pectives pour le traitement de maladies incu-rables, mais suscite également de nombreuxdébats à la mesure des enjeux moraux et éthiquesqu’elle soulève.

4.1.1 Les perspectives scientifiques

Les cellules souches embryonnaires sont un outilprécieux pour la recherche fondamentale :elles permettent d’appréhender des méca-nismes de prolifération cellulaire importantspour le cancer ou de tester de nouveaux médi-caments sur une multitude de variétés cellu-laires.

Leur étude permet d’aborder,au plan de la bio-logie fondamentale du développement, lesétapes très précoces du développementembryonnaire humain.La recherche sur les cel-lules souches aidera à comprendre les causesde malformation congénitales, de certainesinfertilités, du développement normal et desanomalies de développement chez l’être humain.

Les cellules souches embryonnaires laissententrevoir de fortes potentialités thérapeutiques.Représentant une source illimitée de tissus,ellessont une source majeure d’approvisionnementpour la thérapie cellulaire.En effet,les chercheursvoient dans l’obtention de cellules souchesembryonnaires,soit provenant d’embryons sur-numéraires, soit par la technique du transfertnucléaire (plus couramment appelée “clonage thé-rapeutique”), les outils de la médecine régéné-ratrice.La question qui se pose donc aujourd’huiest celle de savoir si l’on peut utiliser l’embryonafin d’obtenir, par la technique du clonage, deslignées de cellules souches embryonnaires.

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de le régénérer.

Il convient néanmoins de souligner le caractèreaujourd’hui encore incertain des perspectives thé-rapeutiques ouvertes par les cellules souchesd’origine embryonnaire.D’une part,des obstaclestechniques demeurent, d’autre part, l’utilisationdes cellules souches embryonnaires soulève denombreuses questions éthiques et morales.

4.1.2 Des obstacles techniques demeurent

Un certain nombre d’obstacles techniques demeu-rent. Il convient de les résoudre avant toute uti-lisation des cellules souches embryonnaires enmédecine humaine.

Il s’agit, par exemple, de risques liés à la prolifé-ration incontrôlée des cellules transplantées oude la transmission d’agents infectieux au coursdu processus.

Il convient de maîtriser la différenciation des cel-lules souches embryonnaires.En effet,une mauvaisedifférenciation pourrait avoir pour conséquence queles cellules obtenues soient cancérigènes. Destests réalisés chez la souris ont montré qu’ellespeuvent se transformer en tératome, tumeurbénigne ou maligne,ou en tératocarcinome,tumeurmaligne de l’épithélium.En outre,il semble qu’il soit,pour l’heure, beaucoup plus difficile d’orienter invitro la différenciation des cellules souches humainesque celle des cellules souches murines vers la pro-duction de tissus définis.

Par ailleurs, de nombreux doutes subsistentquant à l’innocuité d’une telle pratique pour le

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traitement du diabète.La culture de cellules bêtaprovenant de cellules souches embryonnaires per-mettrait d’éviter le phénomène de rejet de la greffeet de palier le manque de greffons.

Enfin,les cellules souches embryonnaires sont éga-lement porteuses d’espoir pour le traitement decertains cancers ou de certaines maladies immu-nodéficitaires.

L’obtention de cellules souches du patient àtraiter, par la technique du transfert de noyau per-mettrait d’éviter le rejet de la greffe en raison deleur histocompatibilité avec le malade.Elle consisteen effet à prélever le noyau d’une cellule soma-tique sur le patient à traiter et l’insérer dans unovocyte énucléé.Ce transfert de noyau crée unecellule souche totipotente dont les caractéristiquesgénétiques et donc immunologiques sont cellesdu donneur du noyau,le patient à traiter.Les tissusobtenus à partir de ces cellules souches seraientalors autologues et,ainsi,non susceptibles de rejetimmunitaire.

Il convient cependant de noter que cet avantagene semble plus être démontré de façon aussi cer-taine.En effet,il a été évoqué,au cours d’un sémi-naire à l’Academy of Medical Sciences de Londres,qui s’est tenu le 5 novembre 2001, la possibilitéde rejets dus à la présence de l’ADN mito-chondrial provenant de l’ovocyte utilisé.

La thérapie cellulaire,qui n’en est encore qu’à unstade expérimental,consiste à remplacer des cel-lules malades ou âgées par des cellules saines géné-tiquement identiques,fonctionnelles et jeunes.Elleouvre la voie à la possibilité de greffer sur unorgane défectueux des cellules qui permettent

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Il existe de nombreuses dissensions quant aupoint de savoir s’il faut autoriser l’utilisation descellules souches à des fins de recherche ou à desfins thérapeutiques provenant d’embryons n’ayantplus de projet parental.La question est égalementde savoir s’il est éthiquement acceptable d’uti-liser la technique du transfert de noyau soma-tique afin d’obtenir des lignées de cellules souchesembryonnaires à des fins thérapeutiques.Cettedernière n’est pas autorisée par le législateur fran-çais qui considère que cela revient à créer desembryons aux fins de recherche.

L’objet principal de ces débats concerne donc lestatut de l’embryon et la question de savoir s’ilest éthique de prélever des cellules d’un embryonhumain. Les cellules provenant de l’embryon neconstituent pas en elles-mêmes un embryon.Cependant, le processus de prélèvement sur unembryon interdit tout développement ultérieur,toute implantation utérine de celui-ci et le vouedonc nécessairement à destruction.

L’embryon humain est capable de se développeren un organisme complexe, il a le potentiel dedevenir un être humain.Les valeurs éthiques étantsubordonnées à la valeur accordée à la viehumaine,l’embryon humain exige le respect.Maisjusqu’où doit aller ce respect ?

En premier lieu, l’utilisation des cellules soucheshumaines d’origine embryonnaire à des fins derecherche ou à des fins thérapeutiques fait craindrel’instrumentalisation de l’embryon humain, celui-ci devenant un moyen et non une fin. Le respectde la dignité humaine doit demeurer au centre desvaleurs éthiques même s’il faut,pour cela,aména-ger le principe de respect de la dignité humaine.

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patient. En effet, rien n’indique que la cellulesomatique prélevée possède un patrimoine géné-tique exempt de défauts.

Le problème du rejet des greffes demeure entieren dehors des greffes autologues,c’est-à-dire desgreffes de cellules souches obtenues suite au trans-fert nucléaire d’une cellule somatique du patientà traiter dans un ovocyte énuclée.

Afin de rendre utiles les cellules souches humainesd’origine embryonnaire, de nombreusesrecherches sont indispensables concernant,notamment,tous les aspects de la différenciationet les conditions de mise en culture.

Outre ces obstacles techniques, l’utilisation descellules souches humaines d’origine embryonnairesoulève de nombreuses questions éthiques.

4.2 Les enjeux éthiques del’utilisation des cellules soucheshumaines d’origineembryonnaire à des fins derecherche ou à des finsthérapeutiques

Ceux-ci sont l’objet de nombreux débats qui sesont accentués récemment en raison de la révi-sion, en France, des lois de bioéthique de 1994,mais aussi en raison des derniers développementsde la science.Le débat relatif aux enjeux éthiquesse déroule dans un contexte philosophique,moral, religieux sur la nature de la vie humaineet sur le respect qui lui est dû, du commence-ment à la fin de la vie.

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tions médicales que l’on peut attendre de larecherche sur les cellules souches embryon-naires et leur utilisation dans un but thérapeu-tique ne doit en aucun cas faire oublier que denombreuses années de recherches serontnécessaires avant toute application. Aujourd’hui,il est également mis l’accent sur la recherchesur les cellules souches adultes.

C’est dans un contexte scientifique internationalcontroversé, sur fond de possible clonage repro-ductif,qu’a lieu actuellement la révision des lois debioéthique en France et notamment des disposi-tions relatives à la recherche sur l’embryon et lescellules souches humaines d’origine embryonnaire.

4.3 Les enjeux éthiquesparticuliers soulevés parl’utilisation des cellules souchesembryonnaires à des fins declonage reproductif

Le clonage reproductif consiste à prélever lenoyau (qui contient les chromosomes sur les-quels se trouve l’ADN) d’une cellule somatiqueadulte (par exemple une cellule de la peau,de laglande mammaire,du foie) et à l’injecter dans unovocyte préalablement énucléé,c’est-à-dire vidéde son noyau. Est ensuite réalisée la fusion desdeux cellules (la cellule somatique et l’ovocyte)en appliquant un champ électrique.En cas de réus-site, il y a formation d’un embryon. Ce dernierest alors cultivé en laboratoire.

Jusqu’à ce stade,la technique est identique à celledu transfert de noyau afin d’obtenir des cellules

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Le progrès scientifique doit être au service del’homme et non l’homme un instrument duprogrès.L’enjeu est donc de trouver un équilibre.En outre, ce n’est pas tant le progrès scientifiquelui-même qui est néfaste,mais certaines utilisationsqui pourraient en être faites.

La question est également posée de la réificationet de la commercialisation des cellules issues ducorps humain. En effet, par exemple, la nécessitéd’un grand nombre d’ovocytes pour obtenir descellules souches embryonnaires fait craindre uncommerce. Surgit alors la question du risqued’instrumentalisation du corps de la femme.

Enfin,pour beaucoup, la maîtrise de la techniquedu transfert de noyau (ou “clonage thérapeu-tique”) d’une cellule souche somatique dansl’ovocyte, pourrait ouvrir la voie à cette tech-nique, mais cette fois dans un but reproductif.En effet, les premières étapes sont identiques,la seule distinction étant le transfert in utero pourle clonage reproductif. Les développements etfaits divers récents ont accentué cette crainteet le débat s’est donc cristallisé autour decette question.

Il convient également de souligner un aspectéthique essentiel qui est d’éviter de donner desespoirs prématurés à l’opinion publique. Il estnécessaire d’être prudent en ce qui concerneles effets d’annonce des avancées thérapeutiquesrésultant de l’utilisation des cellules souchesembryonnaires.Ces avancées demeurent incer-taines et les espoirs placés dans une médecinerégénératrice utilisant les cellules souchesembryonnaires doivent être confirmés,vérifiés.La large médiatisation des potentielles applica-

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téristiques génétiques particulières comme, parexemple,une vache produisant une grande quan-tité de lait.Des animaux modifiés génétiquementou également appelés animaux transgéniques,pourraient avoir des applications biomédicales.Parexemple,en insérant le gène adéquat dans les chro-mosomes,on pourrait récupérer dans le lait desprotéines permettant de soigner des maladiescomme l’hémophilie A.On parle aussi de clonerdes espèces en voie de disparition.

Cependant, la technique n’est pas au point, lestaux de réussite demeurent très faibles. Lesmeilleurs taux de réussite concernent les bovinsmais n’excèdent jamais les 6 %.Chez les moutons,souris, lapins, porcs et chats, le taux n’est jamaissupérieur à 2 %. Le singe, quant à lui, n’a jamaispu être obtenu par clonage.De plus,on observechez les animaux obtenus par la technique duclonage utilisant le noyau somatique adulte unedégénérescence prématurée, voire même desdécès prématurés, mais également des anoma-lies génétiques. Il a été observé que les animauxclonés souffrent,pour la plupart,d’obésité chro-nique, de difficultés respiratoires ou que leursystème immunitaire est plus faible.

Aujourd’hui,malgré une condamnation unanime,lamenace plane de l’application de cette technique àl’être humain. Pour justifier son application àl’homme, certains partisans du clonage reproduc-tif font valoir que cette technique pourrait être uti-lisée pour remédier à la stérilité de certains couples.

Or, il s’agit de reproduire la copie d’un êtrehumain. Le clonage reproductif va donc à l’en-contre du hasard génétique inhérent à la pro-création, de la part d’imprévisible, de la variété

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souches embryonnaires dans un but thérapeu-tique ou “clonage thérapeutique”. C’est la suitedu processus qui rend les deux techniques dif-férentes : après être cultivé quelque temps enlaboratoire, l’embryon ainsi obtenu est réim-planté, au stade blastocyste, dans l’utérus de lamère porteuse. Le futur bébé ainsi obtenu aurale même patrimoine génétique que celui dudonneur de la cellule somatique adulte.

Cette technique est utilisée chez l’animal depuisde nombreuses années.Par exemple,il est possibled’obtenir des clones de grenouilles à partir de cel-lules embryonnaires depuis 1952. Néanmoins, letaux d’échec était très important puisqu’il n’y euque deux têtards sur 197 transferts de noyau.En1962,c’est à partir de cellules adultes que l’on par-vient à obtenir des clones de grenouilles : les têtardsse sont développés mais ils n’ont pas atteint le stadede grenouille. La technique du clonage est égale-ment utilisée chez la souris.

En 1986, des chercheurs américains parviennentà cloner des veaux à partir de cellules embryon-naires. En 1997, Ian Wilmut et son équipe parve-nait à cloner,pour la première fois,un mammifèreà partir de cellules somatiques adultes : il s’agit dela brebis Dolly. Cependant, là encore, il convientde noter que cela a nécessité la mise en culturede 277 embryons pour obtenir un seul cloneparvenu à terme.Par ailleurs,Dolly a dû être eutha-nasiée (en février 2003) car elle souffrait d’unemaladie pulmonaire incurable.En 1998,des cher-cheurs français de l’INRA obtenaient le premierveau cloné à partir d’une cellule de muscle.

L’intérêt attendu chez l’animal concerne la pos-sibilité de cloner des animaux présentant des carac-

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Le Sénat a adopté,le 30 janvier 2003 en premièrelecture, le projet de loi de bioéthique. Le textequi avait été adopté par l’Assemblée nationaleen janvier 2002 a été remanié,et les dispositionsconcernant la recherche sur l’embryon humain,et particulièrement les cellules souches humainesd’origine embryonnaire, ont été durcies.

Le texte sera prochainement soumis en deuxièmelecture à l’Assemblée nationale.

Le texte adopté par le Sénat confirme l’interdic-tion explicite du clonage reproductif humain :“estinterdite toute intervention ayant pour but de fairenaître un enfant génétiquement identique à uneautre personne humaine vivante ou décédée”.Cette interdiction est fondée sur une définition quifait appel à l’identité génétique.

Cette interdiction est assortie d’une incrimi-nation pénale de “crime contre l’espècehumaine”,punie de trente ans de réclusion cri-minelle et de 7 500 000 euros d’amende et pourlaquelle le délai de prescription est de trenteans à compter de la majorité de l’enfant né parcette technique. Est également punie la provo-cation au clonage reproductif ainsi que sa pro-pagande ou sa publicité. L’actualité récente a,en effet, démontré l’urgence et la nécessité detelles dispositions.

Le Sénat a,contrairement à ce qui avait été votéà l’Assemblée nationale,réaffirmé le principe del’interdiction de la recherche sur l’embryonhumain. A titre exceptionnel, des études neportant pas atteinte à l’embryon peuvent êtreautorisées par le couple.C’est seulement à titredérogatoire et pour une période limitée à cinq

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et de la diversité génétique.Il nie,en outre,la suc-cession des générations.

Que les récents développements (l’annonce faitede trois naissances par cette technique) soient réelsou non,que les preuves scientifiques soient appor-tées ou non, il n’en reste pas moins que l’applica-tion du clonage reproductif à l’être humain soulèvede graves problèmes éthiques. Il est urgent de lebannir et le condamner au plan mondial.

Bien au-delà des arguments qui font valoir,notamment,que la technique n’est pas fiable,ouencore que son application est inévitable dès lorsqu’elle existe,c’est pour des raisons morales qu’ilconvient de condamner le clonage des êtreshumains dans un but reproductif.C’est l’idée,l’in-tention même de cloner un être humain qui doitêtre condamnée, comme contraire à la “dignitéde la personne humaine”.

C’est au plan international qu’il convient,d’urgence,de légiférer afin qu’il ne soit pas possible de pour-suivre cet objectif dans des pays ne l’interdisant pas.

C. Quel encadrementjuridique de l’utilisationdes cellules soucheshumaines d’origineembryonnaire ?

4.1 En droit français

A l’occasion de la révision des lois de bioéthique,la question de l’utilisation des cellules souchesembryonnaires humaines est de nouveau soulevée.

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médicales et sous de strictes conditions ;

- la position qui considère que,compte tenu desrisques actuels liés à ces recherches et à leurséventuelles dérives éthiques, les recherches surles cellules souches embryonnaires ne devraientpas être autorisées.

Au plan national, la recherche sur les cellulessouches embryonnaires humaines n’est pasréglementée en tant que telle et il convient plutôtde se référer à la législation plus générale sur larecherche sur l’embryon.L’encadrement juridiquerelatif à la recherche sur les cellules souchesembryonnaires est,dans certains pays de l’Unioneuropéenne, en cours d’élaboration.

De nombreux Etats membres de l’Union euro-péenne ont déjà néanmoins affirmé des positionstrès diverses concernant l’encadrement de larecherche sur les cellules souches embryonnaireshumaines.

Actuellement, un certain nombre de paysautorise, par une loi, l’utilisation des cel-lules souches embryonnaires humainesprovenant d’embryons surnuméraires etselon certaines conditions. Il s’agit de la Finlande(lois sur la recherche médicale de 1999), laGrèce (loi sur la reproduction humaine médi-calement assistée de 2002), les Pays-Bas (loi surl’embryon de 2002), l’Espagne (les lois de 1988l’autorisent uniquement sur les embryons invitro non viables,sans définir la notion de non via-bilité), la Suède (loi de 1991) et le Royaume-Uni(loi sur la fécondation et l’embryologie humainesde 1991). La Belgique vient d’adopter, le 3 avril2003, une loi qui permet, sous certaines condi-

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ans que le texte autorise les recherches sur l’em-bryon et les cellules embryonnaires.

Le Sénat a, par ailleurs, interdit explicitement letransfert de noyau somatique ou “clonage thé-rapeutique”, en ces termes :“est égalementinterdite toute constitution par clonage d’unembryon humain à des fins thérapeutiques”.

Le texte interdit,en outre,la création in vitro d’em-bryon ou la constitution par clonage à des finsde recherche de même qu’à des fins commer-ciales ou industrielles.

Les questions éthiques prennent aujourd’hui uneimportance croissante que ce soit au plan natio-nal,mais également sur la scène internationale.Eneffet,l’actualité et les développements récents,qu’ilssoient réels ou non,en matière de clonage repro-ductif humain montrent la nécessité d’une concer-tation au plan mondial. Il devient donc urgent dedéfinir des positions communes.

4.2 Dans les pays de l’Union européenne

Trois grandes positions se dégagent dans ledébat national et international concernant larecherche sur les cellules souches embryon-naires :

- la position qui estime que l’utilisation desembryons humains pour obtenir des cellulessouches embryonnaires est non éthique ;

- la position selon laquelle une telle utilisationest éthiquement acceptable à certaines fins

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Le Royaume-Uni est le seul pays de l’Union euro-péenne à autoriser la création d’embryonshumains in vitro à des fins de recherche,y comprispar la technique du transfert nucléaire de cellulesomatique (“clonage thérapeutique”).

L’étude,dans les pays de l’Union européenne quil’autorisent,des conditions relatives à l’utilisationdes cellules souches provenant d’embryons sur-numéraires montre néanmoins des principescommuns. Il s’agit, par exemple : du consente-ment libre et éclairé du couple ou de la femmeà l’origine du don d’embryon, du délai à ne pasdépasser de 14 jours après la fécondation pourpratiquer la recherche,de l’obligation de recueillirl’approbation d’un comité d’éthique.

Sur le plan de la réglementation euro-péenne, il convient de rappeler que ni larecherche ni l’éthique ne relèvent des compé-tences de l’Union européenne. Cependant, laquestion de la recherche sur les cellules soucheshumaines d’origine embryonnaire a été soule-vée à l’occasion de l’adoption du VIe ProgrammeCadre de Recherche et Développement (PCRD)concernant l’opportunité de financer cesrecherches. En effet, à cette occasion,l’Allemagne, l’Irlande, l’Italie, l’Autriche et leLuxembourg ont réclamé des gardes fouséthiques dans le VIe PCRD “notamment en cequi concerne la protection de la dignité humaineet de la vie humaine dans la recherche.” Ces payssouhaitaient que soit explicitement interdit lefinancement de toute recherche impliquant, àun stade ou à un autre, la destruction d’em-bryons humains. La présidence danoise del’Union européenne avait alors proposé, enjuillet 2002, de geler tout financement de la

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tions, la recherche sur les embryons in vitro demoins de 14 jours.Celle-ci autorise implicitementle clonage thérapeutique et interdit le clonagereproductif.

Le Danemark (loi sur la procréation médicale-ment assistée de 1997), la France (lois de bioé-thique de 1994 en cours de révision,notammentsur ce point) et l’Allemagne (loi sur la protec-tion de l’embryon de 1990) interdisent l’uti-lisation des cellules souches embryon-naires humaines, mais le Danemark etl’Allemagne autorisent l’importation delignées cellulaires. L’Allemagne a, dans cecadre,accordé une autorisation d’importation endécembre 2002. Quant à la France, le projet derévision des lois de bioéthique en cours de dis-cussion prévoit l’utilisation de cellules souchesembryonnaires provenant d’embryons in vitro sur-numéraires dans des conditions précises. Parailleurs,en avril 2002,le ministre de la Recherched’alors avait autorisé l’importation en France,d’une lignée de cellules souches embryonnaires.Cette décision a été attaquée en justice et sonexécution a donc été suspendue.

L’Autriche (loi sur la médecine reproductive de1992) et l’Irlande (Constitution, amendée en1983) interdisent toute utilisation des cel-lules souches embryonnaires humaines,ycompris l’importation de lignées cellu-laires.

Il n’existe pas de législation spécifique rela-tive à l’embryon ou aux cellules souchesembryonnaires en Italie, Luxembourg etPortugal.Une loi est cependant en cours d’exa-men en Italie.

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méraires. Les projets concernant l’obtention denouvelles lignées de cellules souches ne pourraientbénéficier d’un tel financement qu’à l’issue d’uneévaluation scientifique rigoureuse et d’un examenéthique selon des critères stricts :les recherches concernées ne pourraient porterque sur des recherches impliquant l’isolementde cellules à partir d’embryons surnumérairesobtenus par FIV dans le cadre d’une AssistanceMédicale à la Procréation et ne faisant plusl’objet d’un projet parental. La création d’em-bryons à des fins de recherche est expressémentexclue des possibilités de financement au titredu VI° PCRD.En outre,afin d’éviter que ne soientproduits plus d’embryons qu’il n’est nécessairepour la FIV, seuls pourraient être utilisés lesembryons surnuméraires conçus avant le 27 juin2002 (date d’adoption du VI° PCRD).

Enfin,ne peuvent pas être financées dans le cadredu VI° PCRD des recherches sur les cellulessouches embryonnaires humaines dans les Etatsmembres où ce type de recherche est interdit.

Les lignes directrices présentées sont les sui-vantes :- les projets de recherche doivent obtenir l’aviséthique d’une instance locale ou nationale dans lesEtats membres où la recherche doit être réalisée,même s’il s’agit d’Etats membres dans lesquels l’ob-tention d’un tel avis n’est pas obligatoire ;

- la recherche doit répondre à des objectifs derecherche particulièrement importants ;

- il ne doit pas exister d’autre méthode appro-priée,en particulier, il faut démontrer qu’il n’estpas possible d’utiliser des lignées de cellules

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recherche sur les embryons humains.

Dans ce contexte, le Conseil des ministres euro-péens de la Recherche a adopté, le 30 septembre2002, la disposition suivante : “Le Conseil et laCommission sont convenus que les dispositionsd’application précises concernant les activitésde recherche comportant l’utilisation d’em-bryons humains et de cellules souches embryon-naires humaines qui peuvent être financées autitre du VIe PCRD seront définies d’ici le 31décembre 2003. La Commission déclare que,dans l’intervalle,elle ne proposera pas de finan-cer ces activités de recherche,à l’exception del’étude de cellules souches embryonnairesmises en réserve dans des banques ou isoléesen culture”. Dans ce cadre, un rapport de laCommission européenne est paru le 7 avril2003,document de référence pour un séminaireinterinstitutionnel (Bruxelles, le 24 avril 2003)sur “la recherche sur les embryons et les cel-lules souches dans le cadre du VIe PCRD” etdevant permettre à la Commission de présen-ter une proposition de lignes directrices. Ceséminaire a confirmé les divisions entre les Étatsmembres sur cette question ainsi que la diffi-culté à trouver un consensus.

La Commission a adopté, le 9 juillet 2003, uneproposition d’orientations éthiques concer-nant le financement communautaire de cesrecherches.

La proposition présente les conditions dans les-quelles un financement communautaire, au titredu VI° PCRD, pourrait être accordé aux projetsde recherche impliquant le prélèvement de cel-lules souches sur des embryons humains surnu-

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et au Parlement européen. Le Parlement est sim-plement consulté sur cette proposition (Art.166,paragraphe 4 du Traité CE), les programmes spé-cifiques n’étant pas soumis à la codécision.

Les ministres européens se sont entretenus le22 septembre 2003 sur les propositions de laCommission mais le blocage n’a pu être levé. LesQuinze se sont donc une nouvelle fois donné jus-qu’au 31 décembre 2003 pour se mettre d’ac-cord.

En outre, et selon des principes antérieurs àcette proposition,est interdit le financement detoute activité de recherche ayant pour but leclonage reproductif humain, ou visant à modi-fier de façon permanente le patrimoine géné-tique humain, ou encore ayant pour but lacréation d’embryons humains aux seules fins derecherche ou comme source de cellulessouches.

Le Parlement européen, quant à lui, s’est pro-noncé, dans une résolution, le 7 septembre2000,contre tout clonage,y compris le “clonagethérapeutique”.Cette position a été réaffirméepar les députés européens, le 20 novembre2002,à l’occasion du vote du “Rapport sur la com-munication de la Commission concernant lessciences du vivant et la biotechnologie – une stra-tégie pour l’Europe”. Un amendement interdi-sant toute forme de clonage a été adopté par271 voix contre 154.Le Parlement européen “rap-pelle solennellement qu’il faut respecter la vieet la dignité de tout être humain, quel que soitson stade de développement et son état de santéet rejette toute forme de recherche ou d’utili-sation des sciences du vivant et de la biotech-

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souches embryonnaires existantes ou adultes ;

- le consentement éclairé du ou des donneursdoit être obtenu ;

- le don doit être gratuit ;

- le protection des données et de la vie privéedoit être garantie ;

- la traçabilité des cellules souches doit êtreassurée ;

- les consortiums de recherche doivent s’enga-ger à mettre les nouvelles lignées de cellulessouches embryonnaires à la disposition desautres chercheurs.

En parallèle,afin d’optimiser l’accès à ces celluleset leur utilisation,la Commission publie un appelde propositions concernant l’élaboration d’unregistre européen des cellules souches et la par-ticipation à l’établissement de banques de cel-lules souches publiques.

Il convient de préciser que cette proposition nevise pas à définir des principes éthiques européensni à proposer des orientations aux Etats membrespuisque ceux-ci demeurent souverains dans cedomaine. La proposition définit simplement lesconditions dans lesquelles un financement com-munautaire pourrait être accordé aux projets derecherche sur les cellules souches embryon-naires humaines. Ces lignes directrices n’empê-chent donc pas les Etats membres d’arrêter desdispositions différentes au plan national.

Cette proposition doit être transmise au Conseil

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En ce qui concerne le clonage reproductif, laFrance et l’Allemagne, à l’origine d’une initia-tive commune, ont déposé un texte, en août2001,devant l’Organisation des Nations Unies,tendant à interdire le clonage reproductifhumain par une convention internationalecontraignante. En novembre 2001, la sixièmeCommission de l’ONU recommandait la créa-tion d’un comité spécial pour étudier l’élabo-ration éventuelle de cette convention interna-tionale.

Lors de la première réunion de ce comité, laproposition franco-allemande a reçu un soutienmassif.Néanmoins, les délégations sont restéesdivisées sur la question du clonage “à visée thé-rapeutique”. Un certain nombre de pays sou-haitant,en effet,pour leur part,une conventioninternationale interdisant toute forme declonage (reproductif, mais également “théra-peutique ”), une proposition concurrente àl’initiative franco-allemande, initiée par les Etats-Unis, a donc été déposée devant l’ONU. Lesdeux projets de résolution ont été débattus enoctobre 2002 sans pour autant permettre d’ar-river à une position commune. Face à ceprofond désaccord, la décision d’une conven-tion commune a été reportée à une date ulté-rieure.Cette initiative n’a ainsi,pour le moment,pas pu aboutir.

Dans un souci d’aboutir, la France et l’Allemagnes’orientent aujourd’hui vers un projet deConvention qui, d’une part, interdit le clonagereproductif et, d’autre part, en ce qui concernele “clonage thérapeutique”,prévoit de laisser unchoix aux Etats entre l’interdiction, le moratoireou son encadrement

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nologie contraire à ce principe fondamental ;insiste à nouveau pour qu’il y ait une interdic-tion universelle et spécifique, au niveau desNations Unies, du clonage des être humains àtous les stades de formation et de développe-ment et invite instamment la Commission et lesEtats membres à œuvrer à cette fin”.Par ailleurs,le Parlement européen a approuvé un texte, le10 avril 2003, visant à interdire toute forme declonage. Ce texte, adopté en 1re lecture, doitdésormais revenir devant les ministres desQuinze, qui pourront l’amender.

En outre, la Charte des Droits Fondamentauxde l’Union européenne, adoptée à Nice endécembre 2000, interdit explicitement toutepratique eugénique ainsi que le clonage repro-ductif.En revanche,elle ne se prononce pas expli-citement sur la recherche sur l’embryon.

Dans un cadre européen élargi, la Conventionpour la protection des Droits de l’Homme et ladignité de l’être humain du Conseil de l’Europede 1997 ne résout pas la question de la per-missibilité de la recherche sur l’embryon. Ellelaisse aux Etats la responsabilité de légiférer enla matière, tout en précisant deux conditions :tout d’abord,l’interdiction de créer des embryonsaux seules fins de recherche,ensuite, l’adoptionde règles ayant pour but d’assurer la protectionadéquate de l’embryon. En outre, un protocoleadditionnel à la Convention relatif au clonage desêtres humains a été approuvé en 1998 et a priseffet le 3 janvier 2001 dans 13 Etats membresdu Conseil de l’Europe (Chypre, Républiquetchèque, Estonie, Géorgie, Grèce, Hongrie,Lituanie,Moldavie,Portugal,Roumanie,Slovaquie,Slovénie, Espagne).

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questions éthiques posées par l’expérimentationsur l’être humain. Puis en 1978, à l’initiative desmédecins,sont mis en place les premiers comitéslocaux hospitalo-universitaires.

Ce mouvement aboutit à la création,en 1983,duComité Consultatif National d’Ethique pour lessciences de la vie et de la santé,dont l’existenceet les missions seront consacrées par les lois debioéthique du 29 juillet 1994.Le Comité Nationald’Ethique n’a, depuis lors, cessé d’alimenter ledébat éthique.Sa mission est de se prononcer sur“les problèmes éthiques soulevés par les progrèsde la connaissance dans les domaines de la bio-logie,de la médecine et de la santé”.Ses avis ontservi de point d’appui aux lois de bioéthique etconstituent un modèle pour d’autres comitésd’éthique nationaux.

Il convient de noter que les quinze pays de l’Unioneuropéenne se sont dotés de comités d’éthiquenationaux.Ces différents comités tendent aujour-d’hui vers une coopération afin d’obtenir une cer-taine convergence des recommandations.On peutainsi citer l’exemple de la collaboration entre lescomités d’éthique français et allemand. Ce typed’exemple est à encourager et développer.

La bioéthique a d’abord été constituée par desdéclarations d’organisations non gouvernemen-tales,relayées par des recommandations d’orga-nisations gouvernementales non contraignantes.Puis, les comités d’éthique ont été créés afin detracer des lignes de conduite et de venir en aideaux autorités normatives qui restaient prudentessur les questions d’éthique.Enfin,les autorités nor-matives sont intervenues pour poser des règlesjuridiques contraignantes.

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Vers une harmonisationeuropéenne en matière debioéthique ?

Les principes posés à Nuremberg en décembre1946 par le tribunal militaire représentent l’élé-ment fondateur de la réflexion éthique dans larecherche biomédicale qui, depuis, n’a cessé dese développer.

Les années soixante sont le témoin, aux Etats-Unis, d’une série de scandales liés à l’expéri-mentation sur l’être humain qui entraînent uneprise de conscience et une réflexion éthique.Cecia contribué à la création des premiers comitésd’éthique ainsi qu’à l’avènement du terme “bioé-thique”, apparu pour la première fois au débutdes années soixante-dix. Les progrès médicauxet scientifiques ont ensuite conduit au dévelop-pement de ces principes éthiques et à l’émergenced’un droit de la bioéthique.

La France a joué un rôle moteur dans le déve-loppement du droit de la bioéthique. En effet, ledispositif législatif dont elle s’est dotée en fait unpays de référence, non seulement au sein del’Europe mais aussi pour la communauté inter-nationale.

La réflexion éthique s’est peu à peu mise en place,en France,à partir des années soixante-dix. Ainsi,l’INSERM crée, en 1974, le premier comitéd’éthique chargé de donner des avis sur les

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nologies en Europe. En outre, un Office d’évalua-tion des choix scientifiques et technologiques(STOA) a été créé en 1987 afin de fournir des avisd’experts dans le but d’aider à évaluer les choix poli-tiques.Le STOA coopère également avec d’autresorganes parlementaires nationaux du même typedans le cadre de l’European ParliamentaryTechnology Assessment (EPTA) ainsi qu’avec desorganes internationaux (par exemple l’OMS).

L’Europe devient ainsi le cadre du développementd’un droit de la bioéthique car,outre les perspec-tives économiques, l’Union européenne s’estconstruite autour de la protection des droits fon-damentaux.Il existe ainsi deux niveaux européensde protection : le niveau européen élargi dans lecadre du Conseil de l’Europe dont les principes sontparfois repris par l’Union européenne qui consti-tue un autre niveau.Le renforcement des compé-tences de l’Union européenne en matière de pro-tection de la santé et de recherche scientifique enfait, en effet, un acteur de plus en plus important,même si la recherche et l’éthique restent duressort des Etats membres.

Cela ne doit cependant pas faire oublier quel’Europe est une communauté de cultures,de tra-ditions diverses et la construction d’un droit euro-péen de la bioéthique est le cadre de fortes ten-sions.Les questions relatives à l’embryon humain,telles que la recherche sur l’embryon, le statutde l’embryon ou encore la recherche sur les cel-lules souches,évoquées précédemment en sontune illustration. Les législations nationales dansce domaine demeurent donc très présentes etune harmonisation de celles-ci est,encore aujour-d’hui, difficile malgré un ensemble de règlescommunes sur certains points.

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Au plan européen, il s’agit essentiellement dedeux organes :d’une part,le Comité Directeur deBioéthique du Conseil de l’Europe pour ce qui estde l’Europe élargie (le Conseil de l’Europe com-prend 43 pays),d’autre part, le Groupe Européend’Ethique des sciences et des nouvelles techno-logies placé auprès de la Commission européenne.

Le Comité Directeur pour la Bioéthique duConseil de l’Europe est responsable des activi-tés intergouvernementales pour la biomédecine.Il convient toutefois de noter que les experts quile composent sont les représentants de leurs Etatsd’origine et ne sont donc pas indépendants vis-à-vis de ces Etats, contrairement aux membresdu Groupe Européen d’Ethique.

Le Groupe Européen d’Ethique a contribué à laconstruction d’une véritable doctrine commu-nautaire en matière de bioéthique. Il s’agit d’uneinstance consultative chargée de rendre des avisnon contraignants à propos de directives ou règle-ments communautaires en projet ou en cours dediscussion. Ces avis exercent sur le droit positifune réelle influence.

Un Groupe européen pour les sciences de la viea également été créé en avril 2000. Celui-ci estchargé d’un rôle d’information auprès duCommissaire européen chargé de la recherche surles développements actuels et prévisibles dessciences de la vie. Il est également chargé d’ins-taurer des débats d’information dans ces domaines.

Au sein du Parlement européen,la Commission dela recherche,du développement technologique etde l’énergie a également créé un groupe de travailsur l’éthique dans le domaine des sciences et tech-

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protection des droits fondamentaux de la per-sonne. Il reconnaît,en outre, le consentement, laliberté de la recherche, la protection des per-sonnes vulnérables… Cette Convention a étécomplétée,en mars 2001,par un protocole addi-tionnel relatif à l’interdiction du clonage repro-ductif humain. Un autre protocole a été ouvertà la signature des Etats membres en janvier2002, relatif à la transplantation d’organes et detissus d’origine humaine. Enfin, trois autres pro-tocoles additionnels sont en cours d’élaborationconcernant, respectivement, l’embryon, larecherche sur les personnes et le génome humain.

En ce qui concerne le droit communautaire, lesnormes relatives à la bioéthique interviennentessentiellement à travers la réglementation dansles domaines de l’alimentation,des médicaments,de la propriété industrielle (ex : la directive98/44/CE relative à la protection des inventionsbiotechnologiques qui n’a pas encore été trans-posée en droit français).

En pratique, si le législateur européen renvoiesouvent aux positions affirmées par le Conseil del’Europe, ce dernier prend également acte destravaux communautaires.En outre, les instancescommunautaires participent à l’expression nor-mative du Conseil de l’Europe puisque l’Unioneuropéenne est partie à la Convention sur lesDroits de l’Homme et la Biomédecine.

La législation en matière de bioéthique et uneéventuelle harmonisation sont au nombre desnouveaux enjeux européens.Il est difficile d’y par-venir en raison de la diversité des cultures,de ladisparité des législations nationales des pays del’Union européenne, mais également parce que

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En ce qui concerne le cadre législatif européen,il existe des textes généraux relatifs à la bioéthiqueainsi que des textes qui s’appliquent spécifique-ment au domaine biomédical, tant au niveau duConseil de l’Europe que dans le cadre de l’Unioneuropéenne.

Il s’agit de la Convention européenne des Droitsde l’Homme pour le Conseil de l’Europe et dela Charte des droits fondamentaux de l’Unioneuropéenne. La Convention européenne desDroits de l’Homme est le texte fondateur enmatière de droits fondamentaux qui fixe des règlesde portée générale, contraignantes et dont cer-taines sont transposables à la bioéthique. LaCharte des droits fondamentaux contient des dis-positions spécifiques à la bioéthique regroupéesau sein d’un chapitre consacré à la dignité, maisest,pour le moment,dépourvue de véritable forcejuridique. Ce texte reconnaît le droit à la vie dela personne humaine et contient des dispositionsrelatives aux activités médicales et biologiquestelles que le principe du consentement, l’inter-diction de pratiques eugéniques…

En ce qui concerne les textes s’attachant spéci-fiquement aux questions biomédicales,il s’agit dela Convention sur la biomédecine de 1997 (diteConvention d’Oviedo qui n’a pas encore été rati-fiée par la France) pour le Conseil de l’Europeet du droit dit dérivé, les directives par exemple,pour le droit communautaire.

La Convention sur la biomédecine n’a pas d’effetdirect en droit national, mais elle prévoit l’obli-gation pour les Etats de prendre en droit interneles mesures nécessaires pour lui donner effet.Cetexte distingue la dignité de l’être humain et la

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les domaines des sciences de la vie, des techno-logies biomédicales et des pratiques médicalessont en perpétuelle évolution. Il s’agit davantagede créer un socle de bases communes entre despays à traditions, culturelles, morales, juridiquesdifférentes.

Enfin, certaines questions éthiques prennentaujourd’hui une dimension mondiale. L’actualitéet les développements récents,qu’ils soient réelsou non,en matière de clonage reproductif humain,par exemple,montrent la nécessité d’une concer-tation au plan mondial.Il devient urgent de définirdes positions communes.

A ce titre, il convient de rappeler l’initiativefranco-allemande (précédemment abordée)tendant à interdire le clonage reproductif humainpar une convention internationale au sein del’Organisation des Nations Unies. Malgré unecondamnation consensuelle du clonage repro-ductif, cette initiative, n’a, jusqu’à présent, pasabouti,un certain nombre de pays souhaitant uneconvention interdisant tout type de clonage(clonage reproductif et “clonage thérapeutique”).L’interdiction du clonage reproductif d’êtreshumains constitue un exemple emblématique dece qu’il convient de mettre en œuvre au planmondial, même s’il n’est pas le seul.

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Référencesbibliographiques

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