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L’AMOPALIEN DU QUÉBEC • 1 ÉDITORIAL Il faut sauver la culture québécoise D eux sujets ont marqué l’actualité ces dernières semaines en regard de la culture québécoise et de la langue : l’entente de la ministre du Patrimoine avec Netflix, et la mauvaise qualité du français écrit des futurs ensei- gnants. Madame Joly a beau dérouler sa cassette de 500 millions de dollars, sa nouvelle politique culturelle, présentée avec grand bruit, ne passe pas car, aux dires de la majorité, elle ne fera que nuire encore davantage à l’épanouissement de notre culture, non pas la canadienne – y en a-t-il une ou est-elle plutôt améri- caine ? – mais la québécoise. Car la ministre, mise en boîte par les médias et divers interve- nants du milieu culturel, voire par la population en général, au lendemain de l’annonce de sa politique, a oublié de protéger la culture québécoise, unique au pays. Rien non plus dans cette déclaration pour la protection de la langue française, obligatoire, en garantissant un contenu francophone dans cette entente avec Netflix qui jubile, on le comprendra, d’être exempté, contrairement aux autres distributeurs, de la taxe de vente. Injustice flagrante aux yeux de ceux qui payent ces taxes, car Netflix pourra se vanter d’avoir les tarifs d’abonnement les plus bas. Il est vrai que la langue française, l’une des valeurs fondamentales qui caracté- rise la grande majorité des Québécois et Québécoises, n’a pas bonne audience non seulement auprès de ce gouvernement mais aussi auprès de celui du Québec, qui ose à peine parler de cette valeur au moment de la rentrée des classes, pour rappeler Les insolences du Frère Untel. Les élèves sont décriés, car ils écrivent mal et la faute doit être surtout attribuée aux profes- seurs incompétents, comme l’ont affirmé certains commentateurs et commentatrices. Selon leurs dires, plusieurs d’entre eux auraient eu accès à l’université, après avoir été refusés dans d’autres facultés, en raison de la faiblesse de leurs notes. Allons donc ! Comme s’il ne fallait pas la vocation pour se lancer dans cette profession à statut précaire. J’ai enseigné pendant plusieurs années dans le programme de formation des maîtres et j’ai connu une foule d’étudiants et d’étudiantes de qualité, avec une belle maîtrise de la langue française, tant écrite que parlée. Cette profession a surtout besoin d’un plus grand support de la part de nos gouvernements et souvent aussi des parents, dont bon nombre ont démissionné. Ces jeunes qui choisissent cette profession sont invités à devenir ce que nous avons appelé des « passeurs de culture », la nôtre d’abord puis celle des autres. Le ministre de l’Éducation juge insatisfaisante, – c’est le qualificatif qu’il a employé –, la performance et la formation des futurs enseignants, qui échouent à près de 50 % le test de français, sans rien proposer de concret. Certes il y a des lacunes qu’il faut corriger avant l’entrée de l’uni- versité. Quelles solutions proposent nos élus, tant pour la défense de notre culture que pour la qualité de la langue, écrite et parlée ? Il faut un réel coup de barre pour sauver ces valeurs auxquelles tiennent les Québécois et Québécoises. AURÉLIEN BOIVIN Président de l’AMOPA Québec du du du du du L’AMOPALIEN DU QUÉBEC VOLUME 21 AUtOMNE 2017 SOMMAIRE 2 Concours AMOPA 2016-2017 4 1968-2018 :50 e anniversaire de création de l’Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ) Madeleine Bourgeois 6 De Fleury Mesplet à la typographie expérimentale Jacques G. Ruelland 8 De la société distincte à la nation québécoise Réflexions sur le livre bleu du gouvernement québécois Simon Langlois 10 Notes de lecture Aurélien Boivin et Michel Leduc ALAIN RIPAUX Charles de Gaulle. Une certaine idée du Québec LIONEL MENEY Le français québécois entre réalité et idéologie JACQUES G. RUELLAND [dir.] Les maires de Montréal NATHALIE LECLERC La voix de mon père SOCIÉTÉ D’HISTOIRE DES FILLES DU ROY Les Filles du Roy, pionnières de Montréal 15 Le saviez-vous ? Un autre anniversaire étonnant Jacques Mathieu 16 Vie de nos membres  Rédacteur en chef : Aurélien Boivin Graphisme : Chantal Gaudreault, 2017

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L’AMOPALIEN DU QUÉBEC • 1

Éditorial

Il faut sauver la culture québécoise

Deux sujets ont marqué l’actualité ces dernières semaines en regard de la culture québécoise et de la langue : l’entente de la ministre du Patrimoine avec

Netflix, et la mauvaise qualité du français écrit des futurs ensei-gnants. Madame Joly a beau dérouler sa cassette de 500 millions de dollars, sa nouvelle politique culturelle, présentée avec grand bruit, ne passe pas car, aux dires de la majorité, elle ne fera que nuire encore davantage à l’épanouissement de notre culture, non pas la canadienne – y en a-t-il une ou est-elle plutôt améri-caine ? – mais la québécoise. Car la ministre, mise en boîte par les médias et divers interve-nants du milieu culturel, voire par la population en général, au lendemain de l’annonce de sa politique, a oublié de protéger la culture québécoise, unique au pays. Rien non plus dans cette déclaration pour la protection de la langue française, obligatoire, en garantissant un contenu francophone dans cette entente avec Netflix qui jubile, on le comprendra, d’être exempté, contrairement aux autres distributeurs, de la taxe de vente. Injustice flagrante aux yeux de ceux qui payent ces taxes, car Netflix pourra se vanter d’avoir les tarifs d’abonnement les plus bas. Il est vrai que la langue française, l’une des valeurs fondamentales qui caracté-rise la grande majorité des Québécois et Québécoises, n’a pas bonne audience non seulement auprès de ce gouvernement mais aussi auprès de celui du Québec, qui ose à peine parler de cette valeur au moment de la rentrée des classes, pour rappeler Les insolences du Frère Untel. Les élèves sont décriés, car ils écrivent mal et la faute doit être surtout attribuée aux profes-seurs incompétents, comme l’ont affirmé certains commentateurs et commentatrices. Selon leurs dires, plusieurs d’entre eux auraient eu accès à l’université, après avoir été refusés dans d’autres facultés, en raison de la faiblesse de leurs notes.

Allons donc ! Comme s’il ne fallait pas la vocation pour se lancer dans cette profession à statut précaire. J’ai enseigné pendant plusieurs années dans le programme de formation des maîtres et j’ai connu une foule d’étudiants et d’étudiantes de qualité, avec une belle maîtrise de la langue française, tant écrite que parlée. Cette profession a surtout besoin d’un plus grand support de la part de nos gouvernements et souvent aussi des parents, dont bon nombre ont démissionné. Ces jeunes qui choisissent cette profession sont invités à devenir ce que nous avons appelé des « passeurs de culture », la nôtre d’abord puis celle des autres. Le ministre de l’Éducation juge insatisfaisante, – c’est le qualificatif qu’il a employé –, la performance et la formation des futurs enseignants, qui échouent à près de 50 % le test de français, sans rien proposer de concret. Certes il y a des lacunes qu’il faut corriger avant l’entrée de l’uni-versité. Quelles solutions proposent nos élus, tant pour la défense de notre culture que pour la qualité de la langue, écrite et parlée ? Il faut un réel coup de barre pour sauver ces valeurs auxquelles tiennent les Québécois et Québécoises.

aUrÉliEN BoiViN

Président de l’AMOPA Québec

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L’AMOPALIEN DU QUÉBEC

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L’AMOPALIEN DU QUÉBEC

VOLUME 21 AUtOMNE 2017

sommairE

2 Concours amoPa 2016-2017

4 1968-2018 :50e anniversaire de création de l’office franco-québécois pour la jeunesse (oFQJ)

Madeleine Bourgeois

6 de Fleury mesplet à la typographie expérimentale

Jacques G. Ruelland

8 de la société distincte à la nation québécoise

Réflexions sur le livre bleu du gouvernement québécois

Simon Langlois

10 Notes de lecture Aurélien Boivin et Michel Leduc

• ALAin RiPAUX Charles de Gaulle. Une certaine idée du Québec

• LioneL Meney Le français québécois entre réalité et idéologie

• JAcqUeS G. RUeLLAnd [dir.]Les maires de Montréal

• nAthALie LecLeRc La voix de mon père

• Société d’hiStoiRe deS FiLLeS dU Roy Les Filles du Roy, pionnières de Montréal

15 le saviez-vous ? Un autre anniversaire étonnant Jacques Mathieu

16 Vie de nos membres  

Rédacteur en chef : Aurélien BoivinGraphisme : Chantal Gaudreault, 2017

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2 • L’AMOPALIEN DU QUÉBEC

Concours défense et illustration de la langue française amoPa (2016-2017)

PRIx AndRé-GAUlIn de l’AMOPA QUéBec

i. Expression écrite de langue française (secondaire)

Premier prix : « le courant d’une vie », d’Élise michaud, 5e sec., école secondaire Armand-Saint-Onge, Amqui (c. S. des Monts et Marées).

deuxième prix (ex-æquo) : « le jeu est terminé » de Juliane Gagnon, 3e sec., école secondaire Paul-Hubert, Rimouski (c. S des Phares), et « la maison » d’ariel rondeau, 1re sec., école secondaire Jean-François-Perreault, (c. S. de la capitale).

ii. Jeune Nouvelle Guy-de-maupassant

Premier prix : « carnaval » de doroteea Capitanu, 4e sec., école secondaire de la Haute-Ville, Granby (c. S. Val-des-cerfs).

deuxième prix : « le soir de l’Halloween » de swane monpou, 4e sec., école secondaire Massey-Vanier, cownsville (c. S. Val-des-cerfs).

iii. Jeune Poésie (secondaire)

Premier prix : « Seule, isolée, esseulée et délaissée » de Clémentine troncy, 4e sec., école secondaire Jean-Jacques-Bertrand, Farnham (c. S. Val-des-cerfs).

Le responsable des Concours pour le Québec, notre collègue Roger Delisle, et le président, qui lui a apporté sa collaboration, n’étaient pas peu fiers du succès remporté par nos élèves participants aux divers Concours de l’AMOPA. Le Québec

a obtenu le grand prix (pour les étrangers) du Concours Maupassant de la Jeune Nouvelle, deux 2e prix (ex aequo), dans la catégorie Concours d’Expression écrite de langue française, et cinq accessits, dans cette même catégorie, comme en témoigne le tableau suivant. Le deuxième tableau fournit la liste des lauréats et lauréates du prix André-Gaulin–AMOPA Québec pour ces mêmes concours. Je tiens à remercier bien sincèrement Roger Delisle pour sa formidable et généreuse implication dans ces concours. aurélien Boivin

CONCOUrs DE L’AMOPA 2016-2017 (ÉtrANGEr)

Lauréats et lauréates du Québec

Prix d’ExPrEssioN ÉCritE dE laNGUE FraNçaisE

Classe de première : 1er accessit : Élise michaud, école secondaire Armand-Saint-Onge, Amqui, pour son texte « le courant d’une vie ».

Classe de seconde :1er accessit : romane Chamberland-trudel, école Paul-Hubert, Rimouski, pour son texte « Seul ».

Classe de troisième :1er accessit : Juliane Gagnon, école Paul-Hubert, Rimouski, pour son texte « le jeu est terminé ».

Classe de quatrième : 2e prix (ex aequo) : myriam Caron, école notre-dame-des-champs, Pohénégamook, pour son texte « Mon pire ennemi : l’homme » et Florence Francis, école Jean-Jacques-Bertrand, Farnham, pour son texte « divin, rien de moins ». Fabrice Gauthier, école Mistral, Mont-Joli, et Kaleb Cyr-dubé, école notre-dame-des-champs, Pohénégamook, ont mérité les 1er et 2e accessits pour leur texte intitulé « édouard et ses mésaventures humaines » et « Waterobot ».

Classe de cinquième : 1er prix : Carolie morin, école notre-dame-des-champs, Pohénégamook, pour son texte « Mer de déchets ».

Prix maupassant de la jeune nouvelle : 1er prix, maria Garz, classe de seconde, école secondaire Massey-Vanier, cowansville, avec sa nouvelle intitulée « Mystère et queue de poisson ».

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L’AMOPALIEN DU QUÉBEC • 3

Mer de déchets Coralie morin

Bonjour, je m’appelle Ethan et j’ai 62 ans. Si je vous disais que j’ai

contribué au sauvetage du Saint-Laurent, me croiriez-vous ? Probablement pas. Pourtant, je l’ai fait, et vous ne devinerez jamais comment… À cette époque, j’avais 13 ans. Nous étions en 2016, et l’état du fleuve commençait à se détériorer, mais personne ne semblait réellement s’en soucier. Enfin, pas les habitants de Trois-Rivières.

Bref, ce jour-là, je marchais sur le bord du fleuve, une bouteille d’eau à la main. Il faisait terriblement chaud, je la vidai rapidement. Je tendis la main pour la jeter à la mer, mais une voix me fit sursauter : « Tu sais combien de temps elle prendra pour se désintégrer ? »

Je me retournai et vis une femme qui n’était pas là quelques secondes auparavant. Elle me dit qu’elle venait du futur et qu’elle était là pour sauver le Saint-Laurent. J’écarquillai les yeux, sceptique. Sans plus d’explications, elle m’empoigna par le bras. Une forte lumière m’aveugla, puis elle s’estompa aussi vite qu’elle était arrivée. Rien n’avait changé. « Regarde derrière toi », me dit la dame. J’obéis à ses ordres et ce que je vis me figea sur place.

Un fleuve entier, submergé par des tonnes de déchets ! Plus une goutte d’eau potable là-dedans, j’en étais sûr ! Voilà d’où venait cette odeur infecte ! « Tu vois comment ce sera dans plusieurs années si vous continuez ainsi. Le fleuve est peut-être immense, il est tout de même vulnérable », me dit la jeune femme, la mine basse. Je restai de longues minutes à observer la mer de déchets avec elle. Puis, elle me tendit la main, dans laquelle je posai la mienne.

De retour chez moi, je racontai tout à mon père. Étant politicien, il n’aurait aucun mal à faire passer le message : « Le fleuve est notre ressource la plus importante, protégeons-le ! » À peine un mois plus tard, des groupes pour la protection des eaux ramassaient les déchets et tout le monde faisait plus attention où ils les jetaient.

Aujourd’hui, le fleuve Saint-Laurent est en santé et je gère la plus grande entreprise de protection des eaux au monde. L’importance du fleuve Saint-Laurent dans nos vies est capitale, il faut savoir le respecter.

Mystère et queue de poisson maria Garz

Marie, une jeune femme d’environ trente ans, s’était réveillée comme tous les autres jours le sourire aux lèvres avec une envie folle d’aller travailler puisqu’elle

aimait beaucoup son travail. C’était un beau matin de printemps et, comme d’habitude, elle était joyeuse comme tout. En se rendant à son bureau, elle avait pris un café pour bien commencer sa journée.

En arrivant à sa table de travail, elle remarqua un bouquet de fleurs mortes et, posé sur celui-ci, un message épinglé à une fleur qui n’était pas encore complètement fanée. Le message disait ceci : « Profite de tes derniers moments, car demain, c’est fini... » Il était signé P. A. D’un air paniqué, elle laissa tomber sa tasse de café.

Marie avait vraiment peur, aussi elle se précipita vers le bureau de son patron et lui expliqua tout. Celui-ci la réconforta en lui disant qu’on pourrait vérifier les enregistrements des caméras de surveillance. Mais on ne vit trace de personne qui se serait infiltrée dans le bureau, ce soir-là. Marie était très troublée : elle commençait à être vraiment stressée.

Elle décida alors de faire des recherches sur les initiales P.A., mais malheureusement Internet ne lui fut d’aucun secours. L’angoisse commençait à naître en elle. Marie avait cherché parmi ses connaissances pour savoir si le nom de quelqu’un correspondait à ces lettres, mais n’avait rien trouvé.

Quand le soir vint, elle se dépêcha de rentrer chez elle et, une fois arrivée, verrouilla toutes les portes et fenêtres de son appartement à double tour. Cette nuit-là fut très difficile. Morte de peur, Marie ne dormit presque pas et, quand elle réussissait à fermer l’œil, ça ne durait que quelques minutes puisqu’elle se réveillait brusquement, trempée de sueur. Le lendemain, elle avait les yeux rouges de fatigue et la mine basse.

Voulant régler cette histoire d’horreur, elle décida de se rendre de nouveau au travail pour pouvoir revérifier les enregistrements de caméras. En passant par son bureau, elle avait vu qu’un autre petit mot avait été laissé sur sa table. D’une main tremblante, elle saisit le papier et lut l’inscription. Furieuse, elle jeta le message par terre. Face vers le plafond, on pouvait y lire : « Poisson d’Avril ».

Seule, isolée, esseulée et délaissée Clémentine troncy

Seule, sans personneEn silence, je pleureVivant des jours monotones,Voyageant, isolée, dans ce monde rempli de douleur.

Esseulée, perdue dans cet univers infâmeTel un malaimé scorpionRecherchant à tâtons l’attentionDont est privée son âme.

Mais, quand le temps passe trop lentement,Avec fatalité, j’attends le jour suivantEn pensant qu’à ce moment, ce ne sera pas différent.

Le noir me chuchote à l’oreilleDes horreurs à nul autre pareil :« Tu es condamnéeÀ être délaissée pour l’éternité. »

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4 • L’AMOPALIEN DU QUÉBEC

1968-2018 : 50e anniversaire de création de l’OFQJ madeleine Bourgeois*     

Le 9 février 2018, l’Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ), organisme bi-gouvernemental créé

par le gouvernement de la République fran-çaise et le gouvernement du Québec, fêtera le 50e anniversaire de sa création. Ce sont 50 ans voués au rapprochement des jeunes adultes de la France et du Québec par des programmes axés sur la découverte intercul-turelle et le perfectionnement professionnel dans les secteurs économique, culturel, académique et social. La création de l’OFQJ est une des retombées les plus importantes découlant de la visite du Général de Gaule au Québec en 1967 et est le fruit de décisions politiques prises au plus haut niveau gouver-nemental tant en France qu’au Québec. Depuis ce temps, plus de 150 000 partici-pants, tant français que québécois, ont pu bénéficier de ses programmes.

La première décennie l’aCCEssiBilitÉDès sa création et dans la décennie qui a

suivi, l’OFQJ s’est inscrit comme un instru-ment de découverte mutuelle et de forma-tion dans un contexte d’éducation populaire auprès de ceux qui avaient peu ou pas accès à la coopération franco-québécoise : ouvriers, enseignants, agriculteurs, jeunes travail-leurs, représentants d’associations, syndi-cats et groupes communautaires ont pu bénéficier de son aide. Une seule forme de projets est proposée soit le voyage-échange en grand groupe (20 personnes), soutenu par une pédagogie très interventionniste de la part de l’organisme : sélection des projets, recrutement des participants, préparation avant départ, organisation et financement des séjours à l’étranger, évaluation. L’ob-jectif d’accessibilité demeurait la priorité de cette première décennie d’échanges.

La décennie des années 1980 la diVErsiFiCatioNLes programmes de l’OFQJ, durant

la décennie des années 1980, évolueront de l’éducation populaire vers le perfec-tionnement professionnel. D’un aspect

50 ans d’échanges et de mobilité des jeunes entre la France et le Québec

plus collectif au départ, on introduit des programmes plus près des besoins indivi-duels des participants. C’est à ce moment que seront développés les premiers stages d’étudiants en milieu de travail dans le cadre de leur cursus académique. L’OFQJ se fait moins interventionniste car on invite les participants à définir eux-mêmes leurs objectifs et programmes de séjour. On poursuivra le modèle du grand groupe qui perdra petit à petit de son importance. Durant cette décennie, l’OFQJ sera aussi sollicité pour la réalisation de grands projets dont un, en 1984, lié au 450e anniversaire de la venue de Jacques Cartier (1534-1984). Le principal projet sera « Cap sur l’avenir », grande traversée Québec-Saint-Malo sur le paquebot Mermoz avec 600 jeunes Québé-cois et Français de 18 à 35 ans sur la route du grand explorateur malouin. Ce projet intégrera pour une première fois des jeunes issus des Premières Nations, ce qui se pour-suivra dans les décennies suivantes. En 1985, l’Année internationale de la jeunesse verra la création d’une radio franco-québé-coise, 85FQ, alors que l’année 1989 sera l’occasion d’un grand rallye historique à Paris pour souligner le Bicentenaire de la Révolution française (1789-1989). Cette décennie instaure donc la diversification des programmes, des projets et des parti-cipants visés.

La décennie des années 1990 la ProFEssioNNalisatioN Et l’iNsErtioNDurant les années 1990, les programmes

de l’OFQJ se rapprocheront davantage de la formation académique, du perfec-tionnement professionnel et de l’inser-tion sociale et professionnelle des jeunes. On assiste donc à une plus grande inter-nationalisation des formations par l’aug-mentation des stages en milieu de travail pour les étudiants des études supérieures et de la formation professionnelle et la poursuite d’études universitaires grâce à l’appui du ministère de l’Éducation. Dans la foulée, l’OFQJ initiera deux universités signature de la création de l’OFJQ en 1967.

Un bain de foule du Général de Gaulle lors de sa visite au Québec en 1967.

d’été franco-québécoises soit une sur le développement durable et une autre sur le patrimoine ; l’OFQJ participera également à une troisième université d’été, soit l’uni-versité sur les communications. L’univer-sité sur le développement durable donnera naissance à la formation en éco-conseil de l’Université du Québec à Chicoutimi qui a préparé toute une cohorte d’éco-conseillers œuvrant actuellement dans nos entreprises. L’OFQJ développe aussi une véritable expertise en insertion sociale et professionnelle pour des jeunes éloignés du marché de l’emploi grâce à l’appui d’Em-ploi-Québec. Par ailleurs, l’OFQJ mettra sur pied une première banque de stages franco-québécoise pour jeunes profession-nels et jeunes éloignés du marché de l’em-ploi. Sont développées aussi les premières interventions dans le domaine de la sensi-bilisation à l’entrepreneuriat et du soutien aux jeunes entrepreneurs en raison d’ap-

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L’AMOPALIEN DU QUÉBEC • 5

1968-2018 : 50e anniversaire de création de l’OFQJ madeleine Bourgeois*     

ports financiers du Secrétariat à la jeunesse et d’entreprises privées. Bien que toujours présent, l’OFQJ se concentre plus intensé-ment sur le perfectionnement professionnel et le développement de carrière pour les artistes du milieu culturel en favorisant la participation à des évènements, séminaires, colloques, manifestations, classe de maîtres pour nos artistes.

L’organisation de grands projets se pour-suivra, dans le cadre du 350e anniversaire de la fondation de Montréal ; à cet effet, l’OFQJ organisera « Rabaskas, les voyageurs engagés d’Hochelaga », projet qui réunira 80 jeunes Québécois et Français dans un tour historique, géographique et sportif de l’île de Montréal en grands canots rabaskas. Cette même année, on y créera un orchestre franco-québécois dans le cadre de ce 350e où deux œuvres symphoniques inédites seront créées. De plus, à la demande du gouvernement du Québec, l’OFQJ mettra sur pied à partir de 1990, une programmation estivale culturelle et touris-tique à la Maison du Québec à Saint-Malo qui perdure depuis ce temps.

L’OFQJ a su évoluer en tenant compte des différents enjeux sociétaux qui sont apparus au fil des décennies tant en France qu’au Québec et s’est adapté aux diffé-rents courants sociaux, culturels, éduca-tifs et économiques qui ont traversé nos deux sociétés depuis 50 ans. L’OFQJ a réussi à perdurer grâce à une volonté poli-tique affirmée, à la complicité, l’amitié, la compréhension mutuelle et la collabora-tion de milliers de Français et de Québé-cois qui ont toujours assuré son immense succès et sa pérennité. Les nombreux réseaux franco-québécois créés au fil de ces décennies relient à la fois notre passé commun, notre présent et de plus engagent notre avenir.

« cap sur l’avenir », grande traversée Québec–Saint-Malo sur le Mermoz en 1984. rabaskas, les voyageurs engagés d’Hochelaga, en 1992, lors du 350e anniversaire de Montréal.

* ex-directrice des programmes OFQJ (1986-2008), ex-directrice à la coordination et à la planification LOJIQ (2008-2012) et secrétaire de l’AMOPA Québec.

Les années 2000 l’harmoNisatioNLes années 2000 verront le regroupe-

ment des organismes de mobilité des jeunes au sein de LOJIQ (Les Offices jeunesse inter-nationaux du Québec). Ces organismes créés au fil des ans grâce à l’expertise de l’OFQJ, soit l’Office Québec Wallonie Bruxelles pour la jeunesse (OQWBJ), l’Office Québec-Amériques pour la jeunesse (OQAJ). L’Of-fice Québec-Monde pour la jeunesse (OQMJ) se joindra au regroupement en 2008 et visera les territoires non couverts par les organismes déjà existants. Ce regroupe-ment permettra de créer un guichet unique plus accessible pour les jeunes visés par ces programmes. Ce regroupement induira une harmonisation des programmes et des conditions offertes aux participants et accen-tuera la lisibilité des programmes de mobi-lité offerts par le gouvernement du Québec. L’OFQJ poursuivra ses grands projets en étant associé au 400e anniversaire de la ville de Québec. Par ailleurs, l’OFQJ conservera son autonomie dans le cadre de son entente bilatérale avec le gouvernement français.

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6 • L’AMOPALIEN DU QUÉBEC

Depuis 1776, la tradition des maîtres-imprimeurs s’inscrit dans l’histoire des progrès de l’intel-

ligence dans la province de Québec. Mais cette tradition ne serait rien si elle ne nous avait donné, en même temps que nos lettres, le plus beau cadeau qui soit : la liberté d’ex-pression.

Au début de cette tradition se trouve le premier imprimeur-libraire francophone au Canada, Fleury Mesplet (1734-1794). Mesplet est né à Marseille le 10  janvier 1734, d’Antoinette Capeau et de Jean-Baptiste Mesplet, maître-imprimeur origi-naire d’Agen, lui-même fils d’imprimeur. Il est mort à Montréal le 24 janvier 1794. Il avait épousé Marie-Marguerite Piérard, à Avignon, le 17 août 1756 ; Marie Mirabeau, à Lyon, vers 1765, et Marie-Anne Tison, à Montréal, le 13 avril 1790. Ayant reçu sa formation dans l’atelier familial à Lyon, il partit pour Londres en 1772. Le premier livre connu, imprimé sous son nom, le fut à Londres en 1773. C’était un ouvrage d’histoire, La Louisiane ensanglantée, dans lequel le chevalier Jean de Champigny appe-lait l’Angleterre au secours des Louisianais abandonnés aux Espagnols par Louis XV.

Benjamin Franklin, savant et diplo-mate américain, désirait convaincre les Montréalais que le Québec devait devenir la 14ecolonie des États-Unis d’Amérique. Pour cela, il fallait une presse. Il fit la connais-sance de Mesplet à Londres, où ce dernier

de Fleury mesplet à la typographie expérimentale Jacques G. ruelland*

Si vous voulez passer à la postérité, laissez des écrits qu’on lira ou faites en sorte qu’on veuille lire vos accomplissements.

Benjamin Franklin

s’était installé à Covent Garden. Après un an en Grande-Bretagne, Mesplet décidait de gagner Philadelphie où il devint, en 1774, l’imprimeur de langue française du Congrès américain.

Au début de la Révolution américaine, le Québec ne s’était pas rallié aux treize autres colonies et n’avait pas répudié son allégeance à la Couronne. Montréal fut investie par l’armée américaine qui s’en fut par la suite conquérir Québec. L’occupation militaire ne suffisait pas à convaincre les Montréalais de se joindre à la Révolution. Au printemps de 1776, le Congrès envoya Benjamin Franklin à Montréal, qui s’installa au Château Ramezay. Imprimeur, Franklin connaissait le pouvoir de la presse écrite. En tant qu’imprimeur du Congrès, Mesplet avait déjà imprimé trois lettres destinées aux habitants du Québec pour les inciter à se joindre au mouvement de libération du joug de l’Angleterre. Il suivit Franklin à Montréal, se déplaçant plus lentement en raison de son matériel. Il arriva au moment même où Franklin s’apprêtait à quitter la ville, les Américains battant en retraite. Mesplet décida d’y rester. En 1776, il avait installé son imprimerie rue Capitale, sur le côté nord de la rue, au coin sud-ouest de la ruelle Chagouamigon. Entre 1776 et 1794, il imprima 96 livres et brochures – un record : à Québec, William Brown ne fit paraître que 47 travaux de 1764 à 1789. Mesplet publia le premier almanach de langue française en Amérique, et sortit le premier livre illustré au Canada. Il imprima des ouvrages en français, en anglais, en latin et en iroquois, ainsi que le premier journal littéraire (1778-1779) et le premier périodique d’informa-tion (1785-1794).

Le 3 juin 1778, Mesplet lançait la Gazette du commerce et littéraire, qui devint peu après la Gazette littéraire, le premier journal uniquement de langue française au Canada. À la requête du supérieur des Sulpiciens,

seigneur de Montréal, Étienne Montgolfier, et du juge René-Ovide Hertel de Rouville, le gouverneur ferma le journal le 2 juin 1779 – un jour seulement avant son premier anni-versaire – et emprisonna l’imprimeur ainsi que 500 autres personnes soupçonnées, mais jamais officiellement accusées, d’entretenir des pensées révolutionnaires, durant plus de trois ans, sans tenir aucun procès. Libéré, Mesplet revint à Montréal en septembre 1782. Le 25 août 1785, il fit revivre la Gazette littéraire : ce fut The Montreal Gazette – La Gazette de Montréal, périodique franco-anglais d’information qu’il dirigea jusqu’à son décès, et qui existe encore aujourd’hui.

À sa mort, le 22 janvier 1794, sa femme tenta de continuer son œuvre. Marie-Anne Tison devint ainsi la première éditrice d’un journal au Canada. Après le décès de Fleury, elle publia six numéros de la Gazette de Montréal, dont le dernier parut le 13 février 1794. Le journal ne reparut que le 3 août 1795, racheté par le maître de poste Edward Edwards et l’imprimeur Louis Roy. Quant à Marie Mirabeau-Mesplet, elle fut la première femme à diriger une imprimerie au Canada  : ce qu’elle fit pendant l’em-prisonnement de Fleury entre 1779-1782. Mesplet fut l’un des premiers éditeurs au Canada. Son journal ne fut pas le premier ; The Halifax Gazette datait de 1752 et The Quebec Gazette, 1764. Par contre, ce fut le premier journal de Montréal et, de plus, Mesplet avait introduit l’imprimerie dans la ville. En plus d’être le premier périodique littéraire au Canada, la Gazette littéraire diffusa le premier les idées des Lumières, en particulier la liberté de pensée et d’ex-pression. La Gazette de Montréal prit la relève tout en élargissant son contenu infor-matif. Le second journal de Mesplet entre-prit des campagnes en faveur de réformes du système seigneurial et de l’enseigne-ment. Il donna d’amples informations sur la Révolution française, la Déclaration des

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de Fleury mesplet à la typographie expérimentale Jacques G. ruelland*

droits de l’homme et la naissance de la répu-blique, jusqu’au dernier numéro imprimé par Mesplet, le 16 janvier 1794.

Depuis la mise au point de carac-tères amovibles en plomb par Gutenberg au XVe siècle, la typographie a sans cesse transmis les valeurs philosophiques dans les limites des procédés d’impression. Ceux-ci ont toutefois évolué. Au XXe siècle, tous les grands journaux disposaient de presses offset modernes capables de soutenir quoti-diennement de grands tirages. En 1980, l’in-formatique enterrait la typographie, en voie de disparition depuis 1970. Aujourd’hui, le numérique a remplacé les anciens procédés.

Mais parallèlement à cette évolution, un secteur de l’imprimerie n’a jamais cessé de favoriser l’épanouissement de la culture par le design – celui des caractères d’imprimerie et celui de l’expression intellectuelle des idées : c’est la typographie expérimentale.

Après les Calligrammes (1918) de Guil-laume Apollinaire, la recherche graphique s’est mondialisée. Chaque métropole a son école de graphisme. Mais Montréal appa-raît ici avant-gardiste. L’École de design de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), créée en 1974, tente de dépasser les limites des procédés graphiques actuels afin de mieux transmettre des messages de

plus en plus complexes et subtils. En parte-nariat avec le Musée de l’Imprimerie du Québec depuis 2010, elle recule les limites de la typographie expérimentale. À Québec, depuis 2007, le Laboratoire de muséologie et d’ingénierie de la culture de l’Univer-sité Laval œuvre dans le même sens tout en plaçant ses recherches dans le cadre de la muséographie– tout comme le fait le Dépar-tement de muséologie de l’UQAM. Actuel-lement, le Montreal Book History Group de l’Université McGill étudie les caractères graphiques et la transmission des pensées par le graphisme.

La liberté de pensée est née à Montréal en 1776 grâce aux presses typographiques de Mesplet et elle s’y épanouit toujours par le biais de la typographie expérimentale. Ainsi, Montréal ne brille pas seulement par son expertise en aéronautique, en jeux vidéo et en intelligence artificielle, mais aussi en typographie expérimentale. La liberté d’ex-pression s’y sent bien.

* Histoire, Université de Montréal.

Bibliographie sommaire

lagrave, Jean-Paul de, Fleury Mesplet, diffuseur des Lumières au Québec, Montréal, Patenaude, 1985, 503 p.

lagrave, Jean-Paul de, et Jacques G. Ruelland, L’appel à la Justice de l’État (1784) de Pierre du Calvet (1735-1786), Québec, le griffon d’argile, 1986, 64 p.

__, Valentin Jautard (1736-1787), premier journaliste de langue française au Canada. Biographie scientifique, Québec, Le griffon d’argile, 1989, 390 p.

__, L’imprimeur des Libertés : Fleury Mesplet (1734-1794). Roman historique, Montréal, Point de fuite, 2001, 389 p.

Ruelland, Jacques G., Figures de la philosophie québécoise à l’époque de la Révolution française, Québec, les Presses de l’Université du Québec, 1989.

__, La Révolution Gutenberg : l’œuvre d’un grand humaniste, Johannes Gutenberg (1398-1468), Montréal, Musée de l’Imprimerie du Québec, 2015, 107 p.

Ruelland, Jacques G. [dir.], 1776. Naissance de l’imprimerie et de la liberté d’expression à Montréal, Montréal, Petit Musée de l’impression / centre d’histoire de Montréal, 2008, 136 p.

triggs, teal, La typographie expérimentale, Paris, thames & Hudson, 2004, 224 p.

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de la société distincte à la nation québécoise simon langlois*

Réflexions sur le livre bleu du gouvernement québécois

Dans le livre bleu, Québécois. Notre façon d’être Canadiens, le Gouvernement Couillard propose

à l’attention du Canada anglais une réflexion bien articulée sur la place du Québec dans le Canada contemporain. L’émergence de la nation québécoise comme référence natio-nale refondée à la suite de l’éclatement du Canada français sert de fil rouge au docu-ment

La définition de la nation québécoise reflète bien le consensus qui existe sur la question au Québec. La diversité des popu-lations qui la constituent, l’interculturalisme et la multiplicité des appartenances sont soulignés, sans oublier l’apport des « Québé-cois d’expression anglaise ». Les liens avec les nations autochtones sont reconnus sans passer sous silence le travail encore à faire.

En phase avec les mutations sociales et culturelles contemporaines, la définition de la nation québécoise reflète le processus sociologique de refondation nationale, un

terme qui n’apparaît pas dans le document mais qui résume fort bien le sens donné à la question nationale dans le nouveau millé-naire ici et dans d’autres pays comparables.

Le concept de nation québécoise est maintenant connu au Canada anglais, notamment à la suite de la motion adoptée par la Chambre des Communes le 27 novembre 2006 à l’initiative du Gouver-nement Harper. Cependant, on peut se questionner sur le sens qui lui est donné dans la version anglaise : « That this House recognizes that the Québécois form a nation within a united Canada ». Le vocable « Québécois » fait-il référence aux seuls francophones d’ascendance canadienne-française  ? Plusieurs anglophones se réfèrent manifestement à une interprétation assez restrictive et traditionnelle du mot Québécois. Le document fait œuvre de pédagogie en dépassant la vision qualifiée d’ethnique de la nation québécoise qui a cours en certains milieux.

Le document rappelle les aspects de l’identité québécoise qui avaient été proposés dans l’entente de Meech, soit son carac-tère unique, le français comme langue de la majorité et comme langue officielle, une tradition juridique civiliste et des institu-tions propres en matières politique, cultu-relle, économique, éducative et sociale. Un autre aspect typique de l’identité québécoise mériterait d’être ajouté à la liste, sans vouloir en faire un catalogue hétéroclite. Il s’agit du caractère continental du Québec, afin de souligner son appartenance nordique – « mon pays, c’est l’hiver »  ! – et améri-caine (au sens géographique). La nordicité mise de l’avant par notre collègue amopa-lien Louis-Edmond Hamelin est en effet au cœur de l’identité québécoise, même si la saison hivernale prend des allures « d’hiver de force » (Réjean Ducharme) pour plusieurs Québécois. L’identité québécoise est aussi faite d’américanité (Yvan Lamonde, Gérard Bouchard). Ce trait souligne notre apparte-nance à un continent qui a façonné notre imaginaire et nos façons de vivre, nous distinguant de la mère patrie : la France. Aux quatre traits identitaires mentionnés plus haut, ne faudrait-il donc pas ajouter « l’ap-partenance continentale nord-américaine » ?

de la société distincte à la nation québécoiseLe document reprend les cinq propo-

sitions de l’accord du lac Meech comme bases de prochaines discussions constitu-tionnelles, mais il abandonne le concept de société distincte et le remplace par la nation québécoise. Ce changement est justifié. La notion de société distincte est porteuse d’une connotation péjorative en anglais et elle avait alimenté l’opposition à cet accord. La reconnaissance constitutionnelle de la nation québécoise est en phase avec la représentation contemporaine de la situa-tion québécoise et elle sera bien plus accep-table au Canada anglais.

Le document avance que les tribunaux « interprètent déjà la Charte des droits et la Constitution d’une façon qui tient compte du rôle distinctif du Québec dans la protec-tion et la promotion de son caractère fran-

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cophone ». Cette interprétation de la Cour se fonde sur la situation de vulnérabilité des francophones, un argument cependant fragile qui n’est pas équivalent à une clause constitutionnelle. Ce point est important, car les jugements actuels se fondent sur un diagnostic sociologique (la vulnérabilité) et sur une reconnaissance politique, bref sur des éléments de contexte pour paraphraser Alexis de Tocqueville. Or, si le contexte vient à changer, qu’en sera-t-il des jugements à venir et des contestations ? D’où l’impor-tance d’avoir dans la constitution une clause interprétative comme celle qui est proposée dans la première condition de l’accord du lac Meech et qui est reformulée dans le livre bleu affirmant « la reconnaissance constitu-tionnelle de la nation québécoise ».

Donnons un exemple. L’arrêt Gosselin de la Cour suprême avait confirmé l’inter-diction à des parents francophones d’en-voyer leurs enfants à l’école anglaise, ce droit étant reconnu aux seuls enfants de parents anglophones, au nom de l’argument socio-logique de la vulnérabilité. Les appelants avaient alors plaidé que l’article 73 de la charte de la langue française était discrimi-natoire à leur endroit. La Cour a statué que l’encadrement de l’accès à l’école anglaise visait à protéger la minorité anglophone en lui garantissant des droits, mais elle a aussi précisé qu’il fallait protéger la majorité fran-cophone parce qu’elle était minoritaire au sein du Canada.

Or, le document du gouvernement précise que le Québec est maintenant une société sûre d’elle-même, prospère, etc. Maints observateurs se plaisent à vanter les progrès considérables de la société québé-

coise sur tous les plans. Mais qu’adviendra-t-il le jour où, s’appuyant sur ces lectures optimistes, un juge statuera que la vulnéra-bilité n’est plus démontrée ou que l’accord politique est fissuré ? Sans clause interpréta-tive dans la Constitution, il sera éventuelle-ment possible de donner priorité à la Charte des droits et d’autoriser ainsi la fréquenta-tion des écoles de langue anglaise par les enfants issus de l’immigration ou même par les francophones.

des questions en suspensSi le document reprend les cinq condi-

tions de l’accord du lac Meech – en ayant soin de remplacer la référence à la société distincte – n’y aurait-il pas lieu d’ajouter une sixième condition portant sur le statut du Québec sur la scène internationale ? Le gouvernement fédéral exerce en effet les pouvoirs régaliens en la matière et il paraît nécessaire de préciser la place du Québec sur ce plan. La doctrine Gérin-Lajoie méri-terait d’être modernisée et revue à la lumière des changements survenus depuis les années 1960.

Ensuite, le livre bleu reconnaît claire-ment la nécessité de prendre en considé-ration la participation des autochtones au processus de révision constitutionnelle. L’ouverture est explicitement affichée mais les propositions précises à venir sont encore attendues.

Enfin, le Québec a été appelé par le passé à prendre des positions sur les minorités nationales qui ont heurté les francophones canadiens. On sait que le Québec s’était opposé à certaines de leurs revendications par crainte de provoquer un précédent qui

aurait profité aux anglophones québécois. Le problème est bien posé dans le document mais la référence à l’asymétrie nécessaire en matière de droits des minorités nationales de langues française et anglaise gagnerait à être mieux argumentée. L’individu qui est sujet à des droits n’est pas un être isolé dans un espace abstrait. Il vit en contexte et dans un environnement qui doit être pris en considé-ration. Or, le contexte des Anglo-québécois et celui des Franco-canadiens est fort diffé-rent, ce qui appelle des politiques différentes.

Quelle sera la réception du Canada anglais ?On se souviendra que le premier ministre

canadien Justin Trudeau a rejeté cava-lièrement dans un escalier du parlement d’Ottawa, sans l’avoir lu, l’appel à la réflexion lancé par la publication de ce livre bleu. Il a un peu nuancé par la suite sa position, mais sans montrer une bien grande ouver-ture. Il ne semble pas que les célébrations du 150e anniversaire de la Confédération soient l’occasion d’une réouverture des négociations constitutionnelles. La question québécoise n’est pas à l’agenda. L’accueil du document a été tout au plus poli dans les milieux politiques officiels canadiens et les réflexions que contient le livre bleu n’ont pas trouvé d’écho dans les milieux intellectuels. Dommage, car cet ouvrage propose une vision renouvelée de la place du Québec au sein de la fédération canadienne. Seul l’avenir dira si les propositions qu’il formule déboucheront sur des gestes concrets et des initiatives porteuses d’avenir.

* Professeur émérite, Université laval

Cet ouvrage propose une vision renouvelée de la place du Québec au sein de la fédération canadienne. Seul l’avenir dira si les propositions qu’il formule déboucheront sur des gestes concrets et des initiatives porteuses d’avenir.

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10 • L’AMOPALIEN DU QUÉBEC

Notes de lecture

AlAIn RIPAUx Charles de Gaulle. Une certaine idée du QuébecAppilly (France), chez l’auteur, 2017, 155 p.

Publié à l’occasion du cinquantième anniversaire de la venue du général

de Gaulle au Québec, en juillet 1967, et préfacé par Albert Salon, l’ouvrage d’Alain Ripaux, un ardent défenseur des couleurs du Québec en France et dans la franco-phonie, Charles de Gaulle. Une certaine idée du Québec, relate en détail l’histoire, heure par heure, du voyage de ce grand homme qui a marqué par quatre petits mots lourds de sens les relations entre le Québec et la France. Son « Vive le Québec libre ! » prononcé du haut du balcon de l’Hôtel de ville de Montréal, après avoir été acclamé triomphalement par une foule de Québécois enthousiastes massés le long du Chemin du Roy lors de son déplacement de Québec à Montréal, le 23 juillet 1967, n’a pas fait que des heureux, on s’en souviendra, dans le camp des fédéralistes québécois et aussi des Canadiens anglais, à commencer par le premier ministre Lester B. Pearson, qui l’a accusé d’ingérence politique dans les affaires canadiennes, ce qui a forcé avec raison le

Général à annuler son passage dans la Capi-tale canadienne. Je me souviens en parti-culier de cette visite mémorable. Nous étions partis très tôt de notre logement à Sainte-Foy, ce dimanche-là, ma toute jeune épouse depuis trois semaines pour assister avec mes parents, en la Basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré, messe à laquelle le couple De Gaulle devait participer. Le Général, fier et droit, a remonté l’allée centrale sous les applaudissements des milliers de fidèles venus l’acclamer. Il s’est soudainement arrêté, devant le banc que nous occupions, et a donné une poignée de main à mon père, droit et fier, comme lui. À son retour dans son village du Lac-Saint-Jean, il a fait revivre à ses nombreux clients – il était cordon-nier – ce qu’il qualifiait de moment histo-rique et combien émouvant.

L’ouvrage d’Alain Ripaux est plus qu’un retour sur la visite controversée du Général en 1967. L’auteur, et il faut s’en réjouir, a opté pour la publication de tous les discours et toutes les allocutions que le célèbre visi-teur a prononcés tout au long du parcours qui l’a amené jusqu’à Montréal où l’atten-dait une foule de plus de 15 000 personnes témoins, comme il le dit, du secret qu’il avait mûrement réfléchi de leur dévoiler. La preuve  ? Dans chacun des messages qu’il a livrés depuis Québec, à Donnacona, Neuville, Sainte-Anne-de-la-Parade, Trois-Rivières et ailleurs, il a répété – et il était le seul homme d’État à pouvoir le faire – que le Québec, ce « morceau du peuple fran-çais », devait être maître de son destin et prendre en main ses destinées, de posséder «  le droit  incontestable de disposer de lui-même en déterminant librement son statut politique et en assurant librement son développement économique, social et culturel » (p. 106). Dans sa conférence du 29 novembre suivant, il en remet. Il inter-pelle les Québécois : « Vous êtes de Fran-çais […] En cette qualité, il vous faut être maîtres de vous-mêmes » (p. 68). Il n’a pas manqué non plus d’insister sur l’importance capitale des relations qu’il venait de rétablir, après plus de 200 ans, avec le Québec, une terre française en Amérique. Ses prises de position sans équivoque en faveur de l’in-

dépendance du Québec ont alimenté, à n’en pas douter, le discours des ardents nationa-listes qui y ont vu un appui inconditionnel à leur option.

L’ouvrage relève aussi les réactions des divers journaux, favorables aux propos du Général au Québec, au Canada et à l’étranger, qui n’ont pas compris le fond du message et qui ont pourfendu celui que la France a pourtant appelé le Libérateur. Il a voulu l’être aussi pour les Québécois, en préparant sous son règne les relations avec le Québec, qu’il considérait comme un pays. On y trouve encore les réactions de nombreux hommes politiques. Ripaux nous donne aussi à lire une courte histoire des relations France-Québec avec une chro-nologie détaillée (toutefois pas exempte de quelques erreurs) de même qu’une chrono-logie de la Nouvelle-France et du Québec.

Voilà une synthèse intéressante pour quiconque veut connaître rapidement les événements qui ont poussé le Général à prendre position en faveur du Québec. Il faut toutefois déplorer, çà et là, quelques problèmes de ponctuation, l’abus de la majuscule, des erreurs de dates (la Chartre de la langue française date de 1977 et non 1974, p. 30), de mots : « Le peuple canadien français [sic] a l’intention d’être relégué (au lieu de l’impression), mot sauté (« dans cette de la Nouvelle-France », p. 71), etc. Mais ces petites lacunes n’entachent en rien la belle qualité de l’ouvrage, abondamment et riche-ment illustré. Aurélien Boivin

lIOnel Meney Le français québécois entre réalité et idéologie. Un autre regard sur la langue. Étude sociolinguistiqueQuébec, Les Presses de l’Université Laval, 2017, 635 p.

Deux camps s’opposent quant au choix en matière de bon usage de la langue

et du modèle devant guider les locuteurs au Québec : d’un côté se trouvent les partisans en faveur de l’adoption d’une norme natio-nale ou endogène, qu’ils désignent sous le nom de « français québécois standard », et de l’autre, les partisans défenseurs d’une langue française commune à tous les fran-

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Notes de lecture

cophones, « le français standard interna-tional ». Les premiers sont d’accord pour soutenir qu’il existe une norme propre au Québec, distincte de la norme inter-nationale, qu’ils défendent avec passion. L’auteur de cet ouvrage déconstruit cette théorie, car, selon lui, en s’intéressant à la langue des journaux québécois, il montre que les deux normes coexistent au Québec et se font concurrence, le français québé-cois standard et le français standard inter-national. Il est d’avis que privilégier le premier au détriment du second est un choix purement idéologique et qu’imposer le second est d’aller contre la tendance de fond du marché linguistique. Voilà certes un ouvrage propre à susciter la réflexion. Aurélien Boivin

tenir à l’essentiel pour nous faire découvrir l’œuvre de chaque maire, leur origine et leur personnalité. C’est à travers les diffé-rentes étapes de chacun des maires que l’on découvre l’histoire de Montréal dans une perspective autre que celle de l’histoire traditionnelle. C’est à partir des décisions prises sous l’égide des différents maires que l’on arrive graduellement au Montréal d’aujourd’hui. Chacun d’entre eux avait sa propre vision d’un Montréal appelé à un brillant avenir.

Voyons cela à travers quelques exemples significatifs en commençant par son premier maire Jacques Viger, qui exerça sa fonc-tion de 1833 à 1836. C’était un érudit et un nationaliste, ancien inspecteur des grands chemins, rues, ruelles et ponts de Montréal, et ancien officier de milice, bref quelqu’un qui avait une connaissance intime de la ville. Il fondera l’Association Saint-Jean-Baptiste, ancêtre de la société du même nom, vouée à la bienfaisance à l’époque pour contrer la misère. Il sera écarté de toute charge publique en 1836 en raison de ses opinions politiques. Peter McGill, président de la Banque de Montréal, lui succédera en 1840, nommé par le gouverneur Gosford, qui avait mis la ville en tutelle à la suite des Rébellions des Patriotes. Montréal connaîtra ainsi quatre tutelles dans le courant de son histoire : deux ont précédé la Confédération et deux autres de 1918 à 1921 et de 1940 à 1944.

En plus de faire la connaissance de tous les maires de Montréal les uns à la suite des autres, on découvre de nombreuses infor-mations intéressantes sur la vie à Montréal. Quelques exemples ont retenu mon atten-tion : en 1852, les maires sont choisis par les conseillers et ceux-ci sont ont élus par les propriétaires fonciers dont les noms apparaissent sur une liste électorale. Le suffrage universel ne sera accordé qu’en 1968. Vers 1870, la population atteint 100 000 habitants. Montréal est aussi une ville d’émigration. En 1847, elle compte déjà 28 000 Irlandais, arrivés pauvres, misérables, entassés dans le port de Montréal. En 1852, Charles Wilson, un Écossais, devient maire. Un incendie majeur détruit plus de mille

JAcQUeS G. RUellAnd [dIR.]Les maires de MontréalMontréal, Maison Nouvelle Fédération, 2017, 150 p

La fondation de Montréal, nommé Ville- Marie en 1642, fut l’œuvre de

Maisonneuve. Celui-ci répondait à une vocation missionnaire et fit appel à Jeanne Mance et à Marguerite Bourgeois pour le seconder dans sa mission qui était de créer une communauté catholique en Nouvelle-

France. Montréal devint rapidement un centre de traite de fourrures à cause de son emplacement géographique qui, au moment de la Conquête en 1760, avait des allures de petite ville provinciale fran-çaise. C’est en 1830 que Montréal supplante Québec comme métropole de la colonie et devient même la capitale du Canada en 1843 avant d’être remplacé par Ottawa en 1857.La ville de Montréal tient son nom de Montréal, nommé ainsi en raison du mont Royal, nom qui fut donné à la montagne au centre de l’île par Jacques Cartier en 1535. C’est au début du XVIIIe siècle que le nom de l’île (Montréal) s’étend à la ville remplaçant ainsi Ville-Marie, devenue le nom d’un arrondissement. C’est en mars 1831 que la ville comptant 27 297 habitants s’incorpore.

C’est grâce au travail de l’Amopalien, Jacques G. Ruellland, et de nombreux colla-borateurs, que la Maison Nouvelle Fédéra-tion nous offre sous le titre Les maires de Montréal, un ouvrage racontant en 135 pages et publié à l’occasion du 375e anni-versaire de Montréal l’aventure de Montréal par la brève histoire de ses 44 maires, depuis Jacques Viger (1833) jusqu’à Denis Coderre (2013). Il faut souligner le travail de tous les collaborateurs de cet ouvrage qui ont su s’en

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12 • L’AMOPALIEN DU QUÉBEC

Notes de lecture

maisons dans le faubourg Saint-Laurent. L’hôtel de ville est inauguré le 11 mars 1878, les femmes majeures peuvent voter à compter de 1889, il faudra toutefois attendre 1940 pour qu’une première femme accède au Conseil de ville. Elle se nomme Jessie Kathleen Fisher et ce ne sera pas avant 1978 qu’une femme du nom de Justine Sentenne, sera élue conseillère et deviendra membre au Comité exécutif. La première grève des services publics de Montréal est déclenchée le 6 février 1903. On revendique de meil-leurs salaires et la reconnaissance syndicale. C’est un maire aussi d’origine écossaise, James Cochrane (1902-1904), qui hérite de ces problèmes. Cette grève est suivie par celle des débardeurs du port de Montréal. L’industrialisation s’accélère entraînant son lot de conflits sociaux. Ainsi, en 1904, le maire Hormidas Laporte (1904-1906) est élu sur l’enjeu que représente l’abolition des trusts qui contrôlent l’électricité, le gaz et les tramways de Montréal. La municipali-sation des services publics est au cœur de la bataille électorale.

Cette ville évolue pendant longtemps sous la gouverne d’une bourgeoisie anglo-phone, maîtresse du commerce, de la finance et des affaires, car Montréal, à partir de 1830, est majoritairement anglo-phone avant que les villes environnantes à majorité francophone se fusionnent à Montréal. Pendant longtemps la tradition voudra qu’un maire francophone succède à un maire anglophone. Mais graduellement, les francophones prennent de l’assurance et imposent davantage leurs vues sur le déve-loppement de Montréal.

En ce début du 20e siècle, il y a foison-nement de partis politiques. Les revendica-tions ouvrières sont nombreuses. Le maire Henry Archer Ekers (1906-1908) interdit les défilés à caractère politique et réprime les manifestations. Le népotisme est à l’œuvre parmi les conseillers au point où le maire Louis Payette (1908-1910) appuie la revendication d’un comité de citoyens, qui réclame une enquête sur l’administration municipale de la part de Québec. À la suite d’un référendum sur la question, est créé un bureau de contrôle pour ramener l’ordre

à l’hôtel de ville. Comme on voit, rien de vraiment nouveau sous le soleil. Là où il y a de l’homme... car sous la gouverne du maire Gérald Tremblay (2002-2012) et du maire Michael Applebaum (2012-12013), Montréal connaît des problèmes de patro-nage et de népotisme à grande échelle et réclame de Québec des interventions pour y mettre bon ordre. Ainsi naîtra la Commis-sion Charbonneau avec ses moyens de contrôle sévères.

Au XXe siècle, Montréal connaîtra des maires de l’envergure de Camillien Houde (1928-1932, 1934-1936, 1938-1940, 1944-1954), maire populiste et populaire qui affrontera la Crise économique et ses conséquences, emprisonné dans un camp de concentration jusqu’en 1944 pour ses prises de position contre la conscription obligatoire mais qui fut accueilli en héros à sa sortie de prison. On ne peut passer sous silence Jean Drapeau (1954-1957, 1960-1986) qui fit connaître Montréal à travers le monde par ses réalisations flamboyantes que furent l’Expo 67, les Jeux olympiques de 1976, le métro de Montréal et autres ouvrages d’envergure dans la foulée de la Révolution tranquille. Le Québec bouge et Montréal est à l’avant-garde même si elle perd son statut de métropole du Canada au profit de Toronto. Drapeau aura alors cette réplique toute gaullienne : « Laissez Toronto devenir Milan, Montréal restera toujours Rome ». Il faut souligner aussi l’apport important des maires Jean Doré (1986-1994) et Pierre Bourque (1994-2001) dans le développement de Montréal. Le premier pour son grand souci du dévelop-pement démocratique de Montréal, la revi-talisation des anciennes usines Angus, les abords du canal de Lachine et la mise en valeur de nombreux sites pour le mieux-être de la population. Quant à Pierre Bourque, Montréal lui doit l’idée d’en faire « une île une ville » qui conduira à une loi sur les fusions en 2000. Ce souci sera relayé par les questions de moralité publique et l’élec-tion de Denis Coderre (2013) qui a, lui aussi, de grandes ambitions pour sa ville et à qui revient l’honneur de présider au 375e anni-versaire de Montréal. Michel leduc

SIMOn lAnGlOIS Le Québec change. Chroniques sociologiquesMontréal, Del Busso éditeur, 2016, 298[5] p.

Simon Langlois enseigne la socio-logie depuis près de quarante ans. Sa

vaste expérience et sa grande générosité lui permettent ainsi, non sans succès, de livrer le résultat des recherches sur la société québécoise qu’il a menées depuis le début de sa carrière. C’est la raison de son dernier essai, Le Québec change, une cinquantaine de chroniques déjà parues dans le maga-zine Contact de l’Université Laval, entre 2011 et 2016. Disciple reconnu d’Alexis de Tocqueville, son mentor, et de quelques autres grands penseurs de ce monde, dont Max Weber, Émile Durkheim et Raymond Boudon, Langlois jette un regard éclairé, Langlois jette un regard éclairé, dans une langue accessible et combien élégante, sur les transformations qu’a connues la société québécoise dans les cinquante ou soixante dernières années, depuis en fait la Révolution tranquille. Pour montrer, sous tous ses angles, la nouvelle stratifi-cation sociale, il s’inspire des données des recensements depuis 1971, jusqu’en 2011 (le dernier disponible) et s’interroge sur les nombreux changements survenus en regard surtout des classes sociales (en particulier

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Notes de lecture

la classe moyenne, qui a moins souffert au Québec qu’ailleurs dans le monde). Il s’at-tarde beaucoup à la présence des femmes sur le marché du travail, ce qui a contribué à accroître leur position dans la hiérarchie sociale et à largement féminiser la structure sociale au Québec. Il s’interroge encore sur l’égalité des sexes, le paradoxe des inéga-lités de revenus, la justice sociale, la fisca-lité, le bonheur, les rentes et la retraite, le mouvement étudiant, la mission des univer-sités, ces puissants agents de changement, le déclin de l’appui à l’indépendance et l’aug-mentation du nombre d’indécis, la polari-sation gauche-droite, la langue française et l’intégration des immigrants…Il s’attarde même, en dernière analyse, à la fermeture de la paroisse Saint-Jean-Baptiste (de Québec) et à la ville de Québec, sa ville, une ville dynamique, dont il apporte une explication à ce que d’aucuns ont appelé « le mystère de Québec », qui n’en n’est plus un pour lui, car une ville capitale dynamique d’un État, en pleine mutation et en pleine croissance, ne peut voter à gauche.

Voilà, à n’en pas douter, un ouvrage majeur que tout Québécois devrait lire et méditer, comme le fait le sociologue, qui jette un regard éclairé sur notre société, celui d’un fin observateur, en s’appuyant sur ses propres travaux de recherche qu’il rend ainsi accessibles à la population sans verser dans le jargon. Aurélien Boivin

NAtHALIE LECLErC La voix de mon pèreMontréal, Leméac, 2016, 153[1] p.

Quatre-vingt-dix courts textes souvent de moins d’une page, sans doute écrits

à divers moments de l’existence de l’au-teure, Nathalie Leclerc, la fille de…, depuis son enfance et son adolescence jusqu’à l’âge adulte, constituent la trame de La voix de mon père. Cet ouvrage se veut une véritable lettre d’amour adressée à celui qu’elle appelle plus d’une vingtaine de fois son héros, cet homme plus grand que nature qu’elle élève, tout au long de sa narration, au rang de géant, de demi-dieu. Il peut aussi être perçu comme un hommage que la directrice de

l’Espace Félix-Leclerc a voulu rendre, dans son premier récit, à celui qu’elle a toujours aimé et dont elle a eu beaucoup de difficulté à se séparer.

Divisés en sept parties, les récits de La voix de mon père sont ordonnés selon quelques thèmes. La première, « Il était une fois », en compte six et se rapporte à une époque qu’elle n’a pas connue, celle de l’en-fance de son paternel, qui dérange par sa gaucherie son père et les autres ouvriers de la ferme familiale.

La deuxième partie, «  Ensemble », regroupe vingt-quatre textes portant sur l’enfance de l’auteure, depuis sa nais-sance à Boulogne-Billancourt, en banlieue de Paris, saluée par de grandes personna-lités, tels Raymond Devos, Charles Azna-vour, Georges Brassens, qui rendent visite à « la petite fée » (p. 21) à la clinique, et l’ar-rivée de Bobino, un chien recueilli à la four-rière, devenu rapidement un « grand frère et […] protecteur » (p. 23), jusqu’à l’instal-lation dans l’île d’Orléans, dans une nouvelle maison sur la terre de Joe Pichette, un presque frère du père, qui deviendra rapide-ment le plus grand ambassadeur de ce coin de pays du « bout du monde » (p. 24), baigné par le majestueux fleuve. Sont évoqués la maison de poupée, la grange à spectacles, l’initiation à la musique, l’apprentissage du piano, l’absence du père en tournée, homme « lumineux, passionné et inspirant » (p. 32), qui dérange la fillette en classe, refusant tout travail pour se concentrer à regarder par la fenêtre et de rêver le retour ce celui qui l’a en quelques sorte ensorcelée. L’ajout d’un paon à la ferme, le premier voyage en train, un nouveau séjour en Suisse pour marquer la fin de la tournée du chanson-nier qu’est son héros de père, l’évocation de son premier amoureux Lionel, un petit Suisse, qui lui rendra visite un jour dans son île et qui l’aimera toute sa vie, la création des trophées Félix remis aux artistes lors du Gala de l’ADISQ, sont autant de souvenirs et quelques autres encore souvent fort heureux, qu’elle évoque avec une économie de mots et non sans émotion et sentiment. Certains sont pour le moins traumatisants, tel celui qu’elle consacre, sans doute pour se libérer

une fois pour toutes, à sœur Gabrielle, qui l’accuse en classe d’avoir plagié un texte de son père, alors qu’elle avait pourtant travaillé seule cette composition d’une page. Cette accusation lui vaut non seulement la note ZÉRO mais fait naître un réel senti-ment de honte devant ses petits camarades. Cette religieuse a ainsi « tué le crocus qui commen[çait] à pousser en [elle] », l’obli-geant à « continue[r] à écrire, mais seule, dans l’obscurité, à la lueur de la chandelle » (p. 45).

« Devenir grande », la troisième partie, constituée de treize textes, s’ouvre sur l’évo-cation du Référendum de 1980 et du rôle qu’aurait joué son héros qu’avait choisi le Premier ministre du Québec, René Lévesque, pour proclamer la naissance d’un nouveau pays. « Ce soir-là, il y a le désespoir dans les yeux de mon père. Une société écrasée et bafouée. Un peuple manipulé et évanoui » (p. 50), note celle qu’elle aime. Elle rappelle encore la visite de Paul Rose (« La boîte aux lettres ») et la tragédie qui a frappé Julos Beaucarne, un ami de son père, dont l’épouse a été assassinée (« L’horreur »). C’est dans « Le chêne » qu’elle fait la promesse à son père, « [p]our le remercier de l’enfance »

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Notes de lecture

qu’elle a eue, de « [c]réer un endroit pour le souvenir de l’homme qu’il est et de l’œuvre qu’il écrit. Inventer un lieu de rencontre entre l’artiste et le public. Un lieu qui touche à l’in-temporalité du poète » (p. 57). Elle tiendra sa promesse en créant, en haut de la côte qui assure l’entrée dans son île, l’Espace Félix-Leclerc, au début de ce siècle.

Les quatorze textes de la section « Devenir vieux », la quatrième partie, sont consacrés exclusivement au père vieillissant, forcé d’arrêter de chanter, en raison d’un souffle trop court causé par l’asthme et par l’appa-rition d’une note grave « venue s’ajouter au registre de sa parole » (p. 66) jusqu’à la mort implacable de celui qu’elle croyait indéracinable. L’arbre qu’elle croyait éternel (p. 38), a fleuri (p.49), puis a grandi (p.62), puis a mûri (p.67), maintenant il a vieilli (p. 81), avant de tomber (p. 86), le 8 août 1988, ce qui marque, pour la mémorialiste, désormais « Seule » (cinq textes), dans le cinquième volet, sa propre « fin du monde ». Mais comment désormais « Vivre ? » (dix-huit textes) quand le guide n’est plus là. Comment « apprivoiser le vide » ? (p. 90). Comment survivre à ce « grand coup de poing en plein visage » ? (p. 91). Comment vivre « [s]on quotidien vide du père » (p. 99). Se tourner intensément vers la musique, puis la lecture, celle d’À la recherche du temps perdu, pour brouiller son désespoir (p. 96), voyager en Europe avec une amie, avec arrêt en Suisse pour visiter le village qu’elle a habité et l’école qu’elle a fréquentée…

Elle doit apprendre à vivre sans lui et s’accroche, comme le démontrent les trente textes de la dernière section, « Vie », puisqu’il faut pourtant continuer à vivre malgré l’ab-sence de celui qu’elle a toujours admiré, en rappelant des souvenirs, des anecdotes, des gestes, qui montrent que la fille de Félix a apprivoisé les mots et a su maîtriser sa colère et donner libre cours à ses sentiments pour rappeler à ses lecteurs et lectrices un père vivant, un véritable géant.

Il faut souligner la qualité de l’écriture de Nathalie Leclerc et l’encourager à pour-suivre dans cette voie pour notre plus grand bonheur, malgré, parfois, quelques images poétiques un peu forcées. Aurélien Boivin

sOCIÉtÉ D’HIstOIrE DEs FILLEs DU rOy Les Filles du Roy, pionnières de MontréalQuébec, Septentrion, 2017, 679[3] p.

Publié dans le cadre du 375e anniversaire de la ville de Montréal, Les Filles du Roy,

pionnières de Montréal présente 71 de ces femmes aussi courageuses que déterminées qui, entre 1663 et 1673, ont choisi de venir conquérir ce que l’on a appelé la Nouvelle-France, ce nouveau pays qu’elles ont contribué à développer, sans toutefois recevoir la recon-naissance des historiens, tant ceux de la petite que de la grande Histoire. Publié sous la direc-tion de la Société d’histoire des Filles du Roy, dont notre collègue Irène Belleau est la prin-cipale animatrice, comme on le sait au sein de l’AMPOA Québec, cet ouvrage veut avec raison rendre hommage aux fondatrices de Montréal et reconnaître une fois pour toute l’héritage qu’elles ont laissé. Car sans ces femmes uniques qui ont rendu possible l’im-possible, serais-je tenté d’ajouter, la société québécoise que nous connaissons avec les valeurs qu’elle présente ne se serait jamais développée telle qu’on la connaît aujourd’hui.

C’est à un véritable travail de généalogie que se sont consacrées les quelque seize colla-boratrices et collaborateurs, quatorze femmes et deux hommes seulement. Certaines d’entre

elles signent plus d’une dizaine de biogra-phies : Irène Belleau (12), Marie Royal (12) et Lise Hébert (10). Yves Chevrier (11) est aussi très prolifique. À eux quatre, ils signent 45 biographies, soit un peu plus de 63 % de l’ensemble.

Ces textes dépassent la simple biographie ou le travail du généalogiste. Ils se présentent à peu près tous de la même façon, selon sans doute un canevas bien arrêté. D’abord chaque biographe présente rapidement les origines de la fille du Roy avec, quand il est possible, la date et le lieu de naissance, les noms des parents, parfois même du parrain et marraine, la date de son départ en identifiant quand il est connu le nom du bateau qui l’a amenée en Nouvelle-France, et la date de son arrivée à Québec d’abord puis son arrivée à Ville-Marie ou Montréal. Toujours sont précisés aussi la date du ou des mariages (plusieurs en ont contracté au moins deux, parfois jusqu’à quatre) de même que le nom de l’heureux élu avec, souvent, les noms de ses parents, la date de son arrivée le métier qu’il a exercé ici. Comme ces femmes ont travaillé sans relâche à remplir la mission que leur avait confiée le roi Louis XIV de peupler la Nouvelle-France, les historiennes et historiens en herbe ont poussé leurs recherches pour livrer pour chacune les noms des enfants qu’elles ont mis au monde, avec les dates et lieu naissance, la date des décès dans plusieurs cas, car le pays n’était pas de tout repos. Ces chercheur-e-s ont encore dépouillé les actes de notaires pour documenter les diverses activités que ces pionnières et pionniers ont menées : achats de terres ou de concessions, de matériel, d’ani-maux, etc. On y trouve même, à l’occasion, quelques malversations qui en ont conduit quelques-uns en justice, voire en prison pour vols ou viols.

Voilà certes un ouvrage qui se lit tout de même bien, malgré les redondances ou les répétitions d’une notice à l’autre. Les histo-riens, les amateurs d’histoire, comme moi, sauront y trouver de belles heures de loisirs et garderont ce livre à portée de la main, heureux qu’ils seront d’y retourner pour y trouver une foule de renseignements précieux et souvent inédits. Quelle utilité que la Société des Filles du Roy ! Aurélien Boivin

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Un autre anniversaire étonnant

Canadensium Plantarum Historia, Jacques Philippe Cornut, Paris, 1635. Source : www.museum-requien.org/

Canadensium Plantarum Historia, le premier livre de plantes du Canada, a été publié en latin à Paris en 1635. Samuel de Champlain vivait encore. Il

contient 45 plantes du Canada, décrites, magnifiquement illustrées et inconnues jusque-là en Europe. Or, en 1967, soit il y a précisément 50 ans, comme thèse de maîtrise, le latiniste André Daviault, Amopalien, a traduit cet ouvrage en français. Monsieur Daviault est devenu professeur à l’Université Laval et a même agi comme doyen de la Faculté des lettres vers la fin de sa carrière.

Cette traduction cinquantenaire a connu un destin remarquable. Elle a été intégrée à une recherche publiée par Jacques Mathieu en 1998. Par la suite, elle a en quelque sorte constituée l’amorce des trois tomes d’un ouvrage à son tour de qualité remarquable : Curieuses histoires de plantes du Canada, par les auteurs Alain Asselin, Jacques Cayouette et Jacques Mathieu. Récemment, elle a permis

la publication de La vie méconnue de Louis Hébert et Marie Rollet, où le rôle joué par l’apothicaire dans le transfert de ces plantes canadiennes d’abord au jardin de l’École de médecine à Paris, puis au Jardin du Roi dès sa création en 1635 et enfin par toute l’Europe au cours des décennies suivantes est mis en évidence.

Enfin, cette traduction a favorisé l’introduction d’éléments nouveaux dans la célébration du 400e anniversaire de l’installation de la famille Hébert-Rollet à Québec. Elle a donné lieu à de nombreuses activités et réalisations. Une exposition sur l’histoire de la pharmacie se tient de juin au 22 décembre dans deux locaux de la bibliothèque de l’Université Laval. Début juin, des centaines de pharmaciens venus du Canada et de partout dans le monde se sont réunis à Québec. Une exposition itinérante a été conçue et réalisée. Un carré de l’apothicairesse, en guise de legs de Louis Hébert a été aménagé au Monastère

des Augustines de Québec. Comme quoi une démarche scientifique fondamentale peut avoir des retombées extraordinaires dans le temps !

le saviez-vous ? Jacques mathieu

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irèNE BEllEaU. A collaboré, avec douze biographies, à l’ouvrage Les Filles du Roy, pionnières de Montréal publié chez Septentrion.

rOBErt BOILy. A été nommé à la so-ciété royale du Canada (septembre 2017).

aUrÉliEN BoiViN. A été nommé membre honoraire du centre de re-cherche interdisciplinaire sur la littérature et la culture québécoises (cRIlcQ). Il a de plus été nommé membre du conseil d’administration du Salon internatio-nal du livre de Québec. Il a publié deux comptes rendus dans no 15 de la revue Rabaska.

cécIle dUBé. Publiera au printemps 2018 un nouveau roman intitulé Aux brumes de la mémoire, aux éditions GId.

SIMOn lAnGlOIS. A été nommé (septembre 2017) professeur émérite de l’Université laval. Il a publié Le Qué-bec change. Chroniques sociologiques, chez Del Busso éditeur à Montréal. Il en a fait paraître un résumé dans La Presse du dimanche 10 septembre sous le titre «  la nouvelle polarisation gauche-droite ».

JACQUEs MAtHIEU. A publié chez Septentrion, avec la collaboration d’Alain Asselin, La vie méconnue de Louis Hébert et Marie Rollet. Il a donné plusieurs confé-rences sur le même sujet un peu partout au Québec.

lIOnel Meney. A publié aux Presses de l’Université laval Le français québécois entre réalité et idéologie : Un autre regard sur la langue. Étude sociolinguistique.

denIS MOnIèRe. A prononcé une conférence intitulée « le sens gaullien de la nation exprimé dans les discours prononcés lors de la visite au Québec du Général de Gaulle », au colloque com-mémoratif « Vive le Québec libre  ! les retombées de la visite du Général de Gaule au Québec en juillet 1967 », les 26 et 27 mai 2017. Il a publié un article inti-tulé « Québec solidaire et l’indépendance du Québec », dans l’aut’journal, le 15 août 2017.

RéMI QUIRIOn. A été élu président du comité Art et Santé au Musée des Beaux-Arts de Montréal.

Vie de nos membres

réception chez madame la Consule générale de France à montréal

le 28 mars dernier, plusieurs membres de l’amoPa Québec, comme en témoignent les photos, ont répondu à l’invitation de la Consule générale de France à montréal, madame Catherine Feuillet, qui désirait rencontrer nos membres. la réception a été de grande et de belle qualité. Elle a été l’occasion d’intensifier nos liens avec les autorités françaises à montréal et de préparer d’éventuelles collaborations. soyez remerciée, madame la Consule, pour votre invitation.

décèS de MAdAMe nAdIA ASSIMOPOUlOS

c’est avec regret que nous avons appris la triste nouvelle de la disparition, le 11 octobre, de Madame Nadia Assimopoulos (née constantine Bredimas), membre de l’AMOPA Québec depuis sa fondation. Elle était âgée de 73 ans. Pour ceux et celles qui la connaissaient peu, Madame Assimopoulons, diplômée de la Sorbonne et de l’Université de Montréal, a été présidente du conseil national du Parti Québécois, vice-présidente et présidente par intérim de ce parti. Elle a été nommée, en 1996, présidente du Conseil supérieur de la langue

française, poste qu’elle a occupé jusqu’en 2005. Outre le grade de Chevalière dans l’Ordre Palmes académiques, elle a reçu le même grande dans l’Ordre du Mérite décerné aussi par la République française.

À sa famille, parents et amis, les membres de l’AMOPA Québec présentent leurs plus sincères condoléances avec l’assurance de leurs meilleures pensées.

Les membres de l’AMOPA Québec souhaitent un prompt rétablissement à Madame FRAnçOISe BAyle, responsable du protocole signé avec le Guatemala auquel participe la section. Ils l’assurent que toutes leurs bonnes pensées l’accompagnent.

Prompt rétablissement aussi à notre collègue et ami yVAn GRéGOIRe avec également nos meilleures pensées.

aUrÉliEN BoiViN