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2 Patrice VILLE – Département des Sciences de l’Education – Université de Paris VIII La recherche en analyse institutionnelle par les méthodes de l’entretien non directif et de l’analyse de contenu dialectique et structurale Les méthodes d’entretien non directif et d’analyse de contenu dans une perspective socianalytique « Etre étudiant en Sciences de l’Education à Paris VIII en l’an 2000 » Une recherche appliquée réalisée par des étudiants entre novembre 1999 et mars 2000. 1. LES METHODES J’ai développé ces méthodes de recherche avec Christiane GILON depuis les années 80,

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Patrice VILLE –Département des Sciences de l’Education –Université de Paris VIII

La recherche en analyseinstitutionnelle par les méthodes del’entretien non directif et de l’analysede contenu dialectique et structurale

Les méthodes d’entretien non directifet d’analyse de contenu dans uneperspective socianalytique

« Etre étudiant en Sciences del’Education à Paris VIII en l’an2000 » Une rechercheappliquée réalisée par des étudiantsentre novembre 1999 et mars 2000.

1. LES METHODESJ’ai développé ces méthodes de recherche avec Christiane GILON depuis les années 80,

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entre novembre 1999 et mars 2000.

1. LES METHODESJ’ai développé ces méthodes de recherche avec Christiane GILON depuis les années 80,parallèlement à nos travaux sur les dispositifs et la conduite des interventionssocianalytiques institutionnelles.

Ce chapitre des méthodes reprend mes notes de formation à l’entretien non directif, àl’analyse de la commande et des demandes (qu’il s’agisse d’une recherche ou d’une étude),à l’analyse de contenu dialectique et structurale, et à la restitution de la recherche ou del’étude aux interviewés et au(x) commanditaire(s).

A. Non-directivitéA. Non-directivité

1. Que cherche-t-on dans les Entretiens Non Directifs1. Que cherche-t-on dans les Entretiens Non Directifs(END) ?(END) ?

L’éventail des méthodes d’enquête sociologique va de :• La non-directiviténon-directivité qui permet de trouver• à la directivitédirectivité souvent utilisée pour prouver, pour démontrer

une hypothèse élaborée a priori. Cette hypothèse peut trèsbien avoir été construite à l’issue d’un travail préliminairebasé sur la démarche non directive.

De même, les questionnaires (directivité – approchequantitative) sont souvent élaborés à partir d’un travailpréliminaire qualitatif par entretiens non directifs.

La « semi directivité » n’existe pas. C’est de la directivité. Dès quevotre entretien bascule dans le « ping-pong » desquestions/réponses, la non directivité est perdue. Nous inscrivons cette pratique de la non directivité dans notreapproche dialectique des situations sociales. Ce référentiel estexposé par ailleurs dans notre document : « Les opérateurs del’analyse institutionnelle » in « Petit précis d’analyseinstitutionnelle ». Les entretiens non directifsentretiens non directifs, parce qu’ils sont centrés sur lespersonnes, et non sur les opinions ou les informations, permettentde connaître une situation sociale et les forces en action danscette situation à partir de particularités subjectives.particularités subjectives.Les commanditaires d’une recherche ou d’une étude travaillent auniveau de l’universalité.l’universalité. Ils veulent vérifier la pertinence de leursorientations ou de leurs explications théoriques. Ces orientations,ces explications, constituent une norme universelle instituée : lescommanditaires s’attendent à la voir partout mise en application ouvérifiée. En interviewant une personne sur la question de manière nondirective, nous accéderons à la particularité de sa position parrapport à cette norme. En l’écoutant, nous pourrons apprendre :

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niveau de l’universalité.l’universalité. Ils veulent vérifier la pertinence de leursorientations ou de leurs explications théoriques. Ces orientations,ces explications, constituent une norme universelle instituée : lescommanditaires s’attendent à la voir partout mise en application ouvérifiée. En interviewant une personne sur la question de manière nondirective, nous accéderons à la particularité de sa position parrapport à cette norme. En l’écoutant, nous pourrons apprendre :- Quelle est la norme- L’interprétation, voire la « négation » de cette norme, par lapersonne que nous interviewons (notre interlocuteur va nous direen quoi il n’est pas convaincu que ces normes soient justes oujudicieuses pour telle raison, tout en nous indiquant qu’il voit despossibilités autres, vu son propre parcours, mais qu’il pense que cesera différent ici ou là etc., etc.). Dans les particularités, qui « nient » toujours d’une façon ou d’uneautre l’universalitéuniversalité d’une norme, d’une valeur, d’une règle, oud’une hypothèse, on trouve contenu ce qui est « nié ». Ce qui est« nié », ce sont des normes, des valeurs universelles qui, tout enétant malmenées, sont cependant présentes et nommées. Donc enaccédant à la particularité, on accède aussi toujours à l’universalité.On trouve les contradictions à l’œuvre chez quelqu’un : par lespersonnes, on accède à la dialectique à l’œuvredialectique à l’œuvre dans leproblème étudié, on découvre le champ des forces qui travaillent laquestion posée. Chaque personne nous offre un accès à sa subjectivitésubjectivitéparticulière particulière : les personnes interviewées nous donnent leurlecture subjective de la réalité, donc leur place d’acteur social etleur regard de sujet. On est en plein cœur d’une représentationmotrice de l’action, donc en communication directe avec la réalitésociale. Les entretiens représentent pour l’intervieweur un travail de lasubjectivité qui n’est pas sans difficultés. Entrer ainsi dans laEntrer ainsi dans lalecture qu’un autre fait de la réalitélecture qu’un autre fait de la réalité, est une contrainte quenous nous imposons, car nous devons renoncer à notre vision deschoses, nous devons abandonner notre lecture (et noshypothèses) pour aider une autre personne à développer la sienne.Suivant la belle formule de Marcel Detienne, Helléniste, chercheur àl’EHESS, Directeur du Groupe de Recherche CNRS « Histoire etAnthropologie » de 75 à 96, « i l n’est pas nécessaire de se« il n’est pas nécessaire de sepromener avec un concept en tête ».promener avec un concept en tête ». Plus on accède à des postes de décision et plus on s’habitue àl’idée selon laquelle ce que l’on construit soi-même subjectivementest la réalité. Et plus l’exercice de la non-directivité est pénible. La pénibilité de la non-directivité est aussi liée à la personnalité :certaines personnalités utilisent la technique non directive plusaisément que d’autres. L’END peut être une technique adéquate d’étude, d’analysestratégique et de recherche à condition de démarrer l’entretien en

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Plus on accède à des postes de décision et plus on s’habitue àl’idée selon laquelle ce que l’on construit soi-même subjectivementest la réalité. Et plus l’exercice de la non-directivité est pénible. La pénibilité de la non-directivité est aussi liée à la personnalité :certaines personnalités utilisent la technique non directive plusaisément que d’autres. L’END peut être une technique adéquate d’étude, d’analysestratégique et de recherche à condition de démarrer l’entretien enénonçant très précisément ce que l’on cherche et pourquoi on lecherche, pour le compte de qui ? L’énoncé clair et net de ce quel’on attend de l’interviewé constitue ce que nous appelons laquestion de lancementquestion de lancement. Cette question doit être présentée clairement (« et maintenant,voici ma question ») à l’issue d’un long discours d’installation dansla situation d’entretien, au cours duquel on explicite tout : qui estcommanditaire, pourquoi, qui est l’intervieweur, comment iltravaille, quelles garanties il donne de confidentialité, pourquoi ilenregistre l’entretien, les conditions de restitution, l’échantillonretenu et pourquoi etc. Le magnétophone doit être mis en marche avant ce discours. Laquestion de lancement doit toujours être rigoureusement la même.C’est la seule induction autoriséela seule induction autorisée en non directivité. Non directif signifie que la personne que vous interviewez estla personne que vous interviewez estlibre de construire le parcours et les modalités de lalibre de construire le parcours et les modalités de laréponseréponse à votre question de lancement. En plaçant l’entretien surce plan, l’intervieweur se déclare et s’accepte comme ignorant : ilprend une position de non savoir qui renvoie à la célèbreconception maïeutiquemaïeutique de Socrate. L’intervieweur est unaccoucheur des idées de la personne interviewée, il ne les engendrepas. Ceci renvoie à nos principes d’intervention (voir « PetitPrécis ») et aux principes de certains psychosociologues (JeanDUBOST et Eugène ENRIQUEZ, par exemple, in « Ethique dans lapratique des sciences Humaines : dilemmes » de Ruth Canter Kohnet Jacqueline Feldman, L’Harmattan, Paris, janvier 2000). La construction de la réponse à la question de lancement estlaissée libre, la conduite de l’entretien est du ressort deconduite de l’entretien est du ressort del’interviewél’interviewé. L’interviewer aide l’interviewé à développer sapensée. L’entretien est une promenade dans la pensée de l’autre.L’interviewé est le guide. Vous ne savez pas ce qu’il pense : laissez- vous emmener dans des pensées que vous n’avez pas prévues.Vous ne devez jamais passer devant le guide. Vous êtesVous ne devez jamais passer devant le guide. Vous êtesresponsable de la qualité dynamique de l’entretien. I lresponsable de la qualité dynamique de l’entretien. I lvous appartient de motiver la personne dans l’explorationvous appartient de motiver la personne dans l’explorationde sa propre pensée. I l vous appartient de couver ou dede sa propre pensée. I l vous appartient de couver ou de« coacher » l’ interviewé en recherche de ses idées.« coacher » l’ interviewé en recherche de ses idées. Cette technique est dite « centrée sur le client », sur son cadrecadrede référence interne.de référence interne.La notion de cadre de référence interne est l’une des clefs de lanon-directivité.

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Vous ne devez jamais passer devant le guide. Vous êtesVous ne devez jamais passer devant le guide. Vous êtesresponsable de la qualité dynamique de l’entretien. I lresponsable de la qualité dynamique de l’entretien. I lvous appartient de motiver la personne dans l’explorationvous appartient de motiver la personne dans l’explorationde sa propre pensée. I l vous appartient de couver ou dede sa propre pensée. I l vous appartient de couver ou de« coacher » l’ interviewé en recherche de ses idées.« coacher » l’ interviewé en recherche de ses idées. Cette technique est dite « centrée sur le client », sur son cadrecadrede référence interne.de référence interne.La notion de cadre de référence interne est l’une des clefs de lanon-directivité.L’exercice de Porter (et le repérage des attitudes directives et nondirectives auquel nous procédons au début de la session deformation), est un des pointeurs d’attitude qui peut vous aider àtravailler en pratique votre attitude à partir d’un exercice artificiel.

Pendant tout l’entretien, l’intervieweur doit montrer son attention, manifesterson intérêt pour la personne, démontrer sa compréhension, par divers moyens :par sa posture physique, son regard, en opinant de la tête, en disant « oui » à cequ’il lui est dit, ou en demandant des développements pour mieux comprendre.

Il est parfois difficile pendant l’entretien de supporter lessupporter lessilencessilences de l’interviewé. Prendre conscience de sa tolérance ausilence est important. Il faut acquérir la patience d’attendre quel’interviewé se tourne mentalement vers l’intervieweur.Tout l’art est de détecter si le silence est vide ou pleinsi le silence est vide ou plein. Latendance que l’on a parfois, c’est de remplir ce silence avec duplein qui vient de nous. Mais si le silence était plein car l’interviewéétait en train de penser, le remplir est une rupture de la non-directivité. Il faut savoir attendre un peu et sentir si le silence est vide.

Quand le silence est vide, l’interviewé espère qu’on va l’aider et le sécuriseravant de poursuivre. Dans ce cas, l’intervieweur fait une relance (à partir desderniers mots prononcés) ou « clique » sur les mots à forte connotation, oureformule l’ensemble des propos lorsque le silence survient alors que l’entretiendure déjà depuis longtemps.

La relanceLa relance consiste en une simple reprise de ce que la personnedit. C’est une répétition.Vous pouvez relancer en reprenant la fin de la dernière phrase eten la transformant en interrogation. Exemple : interviewé : « jetrouve inacceptable cette façon de faire »…/silence/-intervieweur : « inacceptable ? ». Interviewé « oui parce que…etc. » Vous pouvez relancer en reprenant un mot ou une formule parmiune liste de mots prononcés antérieurement et qui sontlourdement lestés de sens, lourdement connotés. Ce sont des« mots valises » qui, correctement détectés et relancés, ouvrentsur des développements très longs d’idées, de sentiments,d’analyses personnelles de l’interviewé. En principe, l’intervieweurne prend pas de notes et ne dispose que d’une petite fiche surlaquelle il se contente de noter ces « mots valises », qu’il remettraen jeu lorsque l’interviewé sera arrivé au bout des premierséléments qu’il a à donner.

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une liste de mots prononcés antérieurement et qui sontlourdement lestés de sens, lourdement connotés. Ce sont des« mots valises » qui, correctement détectés et relancés, ouvrentsur des développements très longs d’idées, de sentiments,d’analyses personnelles de l’interviewé. En principe, l’intervieweurne prend pas de notes et ne dispose que d’une petite fiche surlaquelle il se contente de noter ces « mots valises », qu’il remettraen jeu lorsque l’interviewé sera arrivé au bout des premierséléments qu’il a à donner. Mais attention aux mots valises qui seraient situés non pas surl’axe principal du discours mais sur sa périphérie, et qui, par là,attireraient petit à petit l’interviewé hors de son propre cadre deréférence. Une telle « auto-greffe » aboutira progressivement àsortir l’interviewé du centre de sa pensée vers celui del’intervieweur, soucieux de voir ses propres questions traitées. La relance par reformulation La relance par reformulation est d’un niveau plus difficile. Ils’agit d’une reformulation de l’entretien ou d’un fragment de celui-ci. La difficulté réside surtout dans le fait que l’intervieweur utilisecette fois-ci ses termes à lui, et non ceux de l’interviewé, etrenvoie ce qu’il a entendu de façon concise. Il peut faire une reformulation reflet : « ainsi selon vous,… si j’aibien compris,… vous voulez dire que…, en d’autres termes,… àvotre avis donc…, au fond vous estimez que…. »L’intervieweur manifeste ainsi son empathieempathie et soutient lediscours de l’interviewé.Il peut faire une reformulation « comme rapport inverse »consistant à mettre en évidence ce qui est latent dans le discours,à inverser le rapport entre les figures et le fond. Par exemple, unepersonne vous parle au premier degré de divers événements(figures mises en avant), mais de façon implicite elle envoie unmessage sur son sentiment dans les situations relatées (fond). Aulieu de creuser les situations, si vous reformulez ce sentiment,vous faites une reformulation « comme rapport inverse ». La reformulation clarification consiste à renvoyer à la personne lesens même de ce qu’elle a dit, sans faire d’interprétation nid’évaluation.L’intervieweur peut, lorsque l’interviewé semble avoir déjà ditbeaucoup de choses, faire une reformulation « clarification desynthèse » et dire : « si je te comprends bien, pour toi, dans laquestion dont nous parlons, interviennent tels et tels éléments.Ces éléments, tu les présentes d’ailleurs comme contradictoires(illustrer) ou se nuançant (exemples) etc. ». Après unereformulation « synthèse », l’entretien redémarre presque toujours,et la personne approfondit, corrige votre vision, développe desaspects, en ajoute etc. Par toutes ces reformulations, on montre qu’on suit, qu’ons’intéresse et on aide la personne à découvrir la richesse de sapensée, à la pousser plus loin. L’intervieweur ne doit jamaisne doit jamais, tout au long de l’entretien :

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reformulation « synthèse », l’entretien redémarre presque toujours,et la personne approfondit, corrige votre vision, développe desaspects, en ajoute etc. Par toutes ces reformulations, on montre qu’on suit, qu’ons’intéresse et on aide la personne à découvrir la richesse de sapensée, à la pousser plus loin. L’intervieweur ne doit jamaisne doit jamais, tout au long de l’entretien :

1. conseiller2. informer3. évaluer4. interpréter5. poser des questions6. répondre à des questions7. réconforter8. parler de façon concluante

car chacune de ces attitudes s’oppose à l’attitude d’acceptation dece qui est dit sans conditions.

Cadre de référenceCadre de référenceinterne=interne=Non-directivitéNon-directivité

Cadre de référenceCadre de référenceexterne = directivitéexterne = directivité

Entrée dans la logique de lapersonne

Interprétations

Attitude empathiqueempathiqueSentir la situation comme lui

Manifestations de sympathie(avec lui) ou d'antipathie(pas avec lui)

Attitudecompréhensivecompréhensive compréhension dont onvérifie lajustesse :- Il vous semble- selon vous- vous pensez que- pour vous- vous vous dites que...Ce que je comprends de ceque vous me dites, c’estXXX, est-ce bien cela ?

Recherche du « tableauclinique » qui nie leséléments exprimés n'entrantpas dans le tableauSélection ou tri

Façon de clore :- On a fait le tour selonvous ?

Façon de clore :- Attitude conclusive

Attitude de l’intervieweurquand il ne voit pas le lienentre ce qui est dit et laquestion :- Quel est le rapport entrececi et cela ?

Attitude de l’intervieweurquand il ne voit pas le lienentre ce qui est dit et laquestion :- Évaluation (vrai ou faux ?Je me demande ?)

Attitude générale :Implication

Attitude générale :Explicative

En résumé, la non directivité suppose le respect des principesle respect des principes

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quand il ne voit pas le lienentre ce qui est dit et laquestion :- Quel est le rapport entrececi et cela ?

quand il ne voit pas le lienentre ce qui est dit et laquestion :- Évaluation (vrai ou faux ?Je me demande ?)

Attitude générale :Implication

Attitude générale :Explicative

En résumé, la non directivité suppose le respect des principesle respect des principessuivants :

• l’attitude d’intérêt ouvert, la disponibilité sans préjugés,l’encouragement à l’expression spontanée d’autrui• l’attitude de non jugement sans critique ni culpabilisationni conseil

l’intention authentique de comprendre autrui, dans sa proprelangue, de penser dans ses termes

• l’effort continu pour rester objectif et contrôler ce quise passe dans l’entretien• l’attitude de non défense et de lucidité par rapport à sespropres sentiments.

Comment terminer l’entretien Comment terminer l’entretien :

• attendre le moment où l’entretien n’évolue plusrefléter l’idée que l’entretien se termine, ce qui va peut êtredéclencher une retraversée de son discours par l’interviewé (quitrouvera parfois des ajouts à faire à cette occasion). Vouspouvez dire : « avons nous fait le tour de la question selonvous ? »• refléter l’ensemble de l’entretien (voir reformulation synthèse).

Ultime recommandation Ultime recommandation :Assurez-vous que le l ieule l ieu où se déroule l’entretien soit sanssymbolique gênante.Il faut : ne pas faire venir les gens chez vous (symboliserait unesubordination de l’interviewé) – ne pas les interviewer dans un localconnoté (bureau du directeur, salle de négociation syndicale, sallede formation…) – Tentez de les voir sur leur lieu de travail, ou dansleur espace personnel, mais en garantissant la confidentialité et lecalme (téléphone coupé, oreilles indiscrètes éloignées). Prévoir deux heuresPrévoir deux heures. Demander 1h30 de rendez-vous (pour nepas effrayer). Ne pas se laisser impressionner par les personnes quidisent ne pas avoir de temps. L’important, c’est de décrocherl’entrevue. Accepter les annonces menaçantes (du type : « je n’aiqu’un quart d’heure à vous accorder »), de toute façon, sil’entretien se déroule bien, il va durer beaucoup plus longtemps oualors, un autre rendez-vous sera pris. Ne vous chargez jamais del’accélérer !

B. L’analyse de la commande et des demandes

On applique la technique non directive pendant l’entretien avec leou les commanditaires.

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l’entretien se déroule bien, il va durer beaucoup plus longtemps oualors, un autre rendez-vous sera pris. Ne vous chargez jamais del’accélérer !

B. L’analyse de la commande et des demandes

On applique la technique non directive pendant l’entretien avec leou les commanditaires.

Le commanditaire est celui qui passe commande d’une étude oud’une recherche

Dans commande, il y a le mot « commander » : le commanditaire aun pouvoir sur l’étude ou la recherche. Il dit ce qu’il veut, ce qu’ilattend de vous. Mais en même temps qu’il exprime son pouvoir survous en vous chargeant de faire un travail pour lui, il a desdemandes sous-jacentes à sa commande.

Derrière toute commande, il y a de la demande : une demande, ouplusieurs demandes.

Tout ce qui est de l’ordre de la demande est une dépendanceenvers vous. Le commanditaire vous commande un travail, certes,mais il dépend de vous pour résoudre les questions qu’il se pose etvous pose. S’il vous appelle, c’est qu’il n’est pas capable de lesrésoudre. En fait, dans la relation entre vous et lui, il y a de lacommande et de la demande, donc du pouvoir et de la dépendancemêlés.

Interviewer un commanditaire à l’aide de la technique non directivevous donnera accès aux demandes sous jacentes à la commande :au pourquoi de la commande.

Connaître le pourquoi augmentera vos chances de donner laréponse qui correspond à la question, et donc de donnersatisfaction au commanditaire.

Ces demandes sont implicites, multiples. Le commanditaire peuttrès bien ne pas se les formuler clairement. Il peut aussi être leporteur d’une commande collective qu’il est seul à formuler parcequ’il est le chef d’une entité co-animée par diverses personnes. Enfait, un commanditaire est souvent porte - parole d’un groupe deplusieurs personnes. Ces personnes ont chacune des demandes quiont finalement conduit à ce que la commande vous soit passée.

C’est pourquoi vous avez intérêt à vous faire expliquer lacommande par l’ensemble du collectif concerné, et non par unepersonne seule. En présence du collectif commanditaire, il estjudicieux de faire parler chaque personne au moins une fois(« vous, comment posez-vous le problème personnellement ? »). Sile commanditaire réel est caché derrière le commanditaire qui vousa contacté, il est important de remonter à la source etd’interviewer le commanditaire réel.

C’est en fait souvent par lui que vous aurez accès à la vision lavision la

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C’est pourquoi vous avez intérêt à vous faire expliquer lacommande par l’ensemble du collectif concerné, et non par unepersonne seule. En présence du collectif commanditaire, il estjudicieux de faire parler chaque personne au moins une fois(« vous, comment posez-vous le problème personnellement ? »). Sile commanditaire réel est caché derrière le commanditaire qui vousa contacté, il est important de remonter à la source etd’interviewer le commanditaire réel.

C’est en fait souvent par lui que vous aurez accès à la vision lavision laplus largeplus large du champ d’analyse et du champ d’intervention. Ainsi,vous aurez la possibilité d’entrevoir le faisceau de l’ensemblefaisceau de l’ensembledes demandesdes demandes des protagonistes impliqués dans une situation.

Autrement dit, il importe de se montrer stratège face à lase montrer stratège face à lacommandecommande. La commande a un porteur de commande, mais ilexiste souvent d’autres commanditaires derrière lui. La règle d’or n°1 est de remonter à la source. La règle n°2 est d’obtenir toutesles versions de la commande, d’accéder à toutes les demandessous-jacentes à une commande.

Ce qui est vrai pour une étude est-il vrai pour un mémoire, pourCe qui est vrai pour une étude est-il vrai pour un mémoire, pourune thèse ?une thèse ?

Dans notre université actuellement, une thèse est souvent lerésultat d’une auto-commande de l’étudiant, mais d’autreséléments de commande interviennent, dans les exigences de votreencadrement de maîtrise, de DEA et de thèse et il est souvent fortintéressant de mettre les personnes rencontrées (étude d’unesituation de violence scolaire par exemple) en situation de co-commanditaire : qu’aimeraient il savoir grâce à notre travail, quelleexploration leur serait utile. Vous en faites alors un allié et un guidequi enrichira vos pistes de recherche, plutôt qu’un inquiet résistantqui aurait peur de votre regard.

De votre Implication dépend son implication et vice versa.

POUR ANALYSER L’INSTITUTION DE LA RECHERCHE QUE L’ONPOUR ANALYSER L’INSTITUTION DE LA RECHERCHE QUE L’ONMENE :MENE :UNE STRATÉGIE DE DIFFERENCIATION COMMANDES/DEMANDESUNE STRATÉGIE DE DIFFERENCIATION COMMANDES/DEMANDES

Parmi les principes et méthodes socianalytiques d’intervention,plusieurs pourraient apporter un sérieux appui aux chercheurs, enparticulier aux chercheurs débutants : nous pensons aux principesde triangulation, de dérangement et de non savoir, et auxméthodes de condensation, de distanciation, de dégagement desforces et des formes sociales, d’analyse de la base matérielle, ainsiqu’à la maïeutique, le dernier mais non le moindre de nos moyensde faire de l’analyse institutionnelle. Par rapport à ce document consacré à la non directivité, nousavons choisi de développer entre tous ces principes et méthodes,la méthode d’analyse différenciant commandes etméthode d’analyse différenciant commandes etdemandes demandes parce que dans une socianalyse, pour décrypterl’institution de la socianalyse que l’on mène dans l’établissement,pour identifier en quoi la socianalyse est le miroir de l’institution àl’œuvre dans l’établissement, c’est cette méthode que l’on utilise

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de faire de l’analyse institutionnelle. Par rapport à ce document consacré à la non directivité, nousavons choisi de développer entre tous ces principes et méthodes,la méthode d’analyse différenciant commandes etméthode d’analyse différenciant commandes etdemandes demandes parce que dans une socianalyse, pour décrypterl’institution de la socianalyse que l’on mène dans l’établissement,pour identifier en quoi la socianalyse est le miroir de l’institution àl’œuvre dans l’établissement, c’est cette méthode que l’on utiliseen premier. C’est par la différenciation des commandes et des demandes quel’on ouvre, on conduit et on clôt l’intervention, c’est notre filAriane. Or, dans le labyrinthe des implications, de quel fil les étudiantschercheurs disposent-ils ? En DEA, il faut trouver une voie de passage à l’analyse desimplications, analyse qui nous paraît fréquemment bien bloquée…précisément par les implications des apprentis chercheurs. En effet, les objets de DEA sont presque toujours centrés surl’étudiant lui même, sur son histoire, son métier, son milieu, sesexpériences les plus marquantes.Mais dans les recherches menées, entre le corps même de larecherche et l’analyse des implications il est difficile de trouver unlien éclairant ; peu le trouvent, sans doute par manque d’appuisméthodologiques, techniques et conceptuels. Le plus souvent recherche et analyse des implications sontjuxtaposées et se tournent le dos sans se voir C’était donc bien le couple commandes/demandes qui s’impose ànous en premier choix stratégique pour déverrouiller la porte desimplications des étudiants dans leurs recherches de DEA, et leurfaciliter l’accès au mouvement vivant de l’institution de leurrecherche.Sachant qu’il faut casser quelques briques pour parvenir à ladialectique, l’expérience d’une recherche personnelle est idéalepour s’y essayer. Il y a quelques années, Tani Dupeyron et Elisabeth Marx, reprenantla distinction due à René Lourau entre commande et demande,faisaient porter leur mémoire sur ces deux notions. Dépassant l’approche que nous avions, René Lourau, P. Ville et leGAI, elles faisaient remarquer que la commande renvoyait à unenotion de pouvoir, d’autorité, d’imposition, et la demande à unenotion de dépendance, une position de faiblesse. Jusque-là nous les institutionnalistes abordions la commande et dela demande en termes de décomposition chronologique del’exercice du pouvoir dans la socianalyse, par le commanditaired’abord, puis par les parties requérantes successives ensuite. Avec

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Dépassant l’approche que nous avions, René Lourau, P. Ville et leGAI, elles faisaient remarquer que la commande renvoyait à unenotion de pouvoir, d’autorité, d’imposition, et la demande à unenotion de dépendance, une position de faiblesse. Jusque-là nous les institutionnalistes abordions la commande et dela demande en termes de décomposition chronologique del’exercice du pouvoir dans la socianalyse, par le commanditaired’abord, puis par les parties requérantes successives ensuite. Avecl’idée que derrière la commande il y a toujours une demande qui secache. Dupeyron et Marx ont simplifié la lecture de ces deux notions. Ellesnous ont aidés à voir et à mettre en valeur le côté inversion de lacommande et de la demande, la dialectique du pouvoir. En effet,dans une intervention, le pouvoir est toujours exercé par faiblesse,la commande est une force mais qui résulte de faiblesses, cellesqui motivent l’appel à des tiers extérieurs pour résoudre lesproblèmes de l’établissement. La force supposée du commanditairesur l’intervention renvoie précisément à sa fragilité, visionintéressante parce qu’elle explique pourquoi un commanditaire nepeut contrôler une intervention ni ficeler l’intervenant. Uncommanditaire est toujours dépendant de la commande passée.Une idée que nous avons creusée dans notre petite équipe Ville etGilon, et qui nous a beaucoup aidés à progresser dans la conduitedes socianalyses.En effet, pouvoir et dépendance ne sont ils pas au cœur de laquestion des institutions et aussi peut être en plein dans le mille dupoint aveugle des institutionnalistes… et de leurs étudiants ? Il y a quelques années, j’avais noté au sein du séminaire de DEA que la notion decommande interroge beaucoup les étudiants chercheurs, comme si aucun des étudiantsprésents n’avait le sentiment de s’imposer le travail de rédaction du mémoire de DEA nid’exercer une force sur lui même, comme si les forces dominantes qui traversent lesmémoires de DEA étaient toujours externes.Mais un étudiant qui ne peut se reconnaître commanditaire de son propre travail, qui sevit tout au plus dans une dépendance interne par rapport au sujet choisi, et quiméconnaît son pouvoir dans la situation, aura bien des difficultés à analyser desinstitutions. Donc à analyser ses implications. On se trouvait souvent dans le séminaire de DEA, René Lourau et moi, confrontés àl’approche dualiste spontanée qui oppose l’individu (soit disant bon, dépendant maisforcément instituant) à l’institution (vécue comme extérieure, séparée de l’individu,réduite à l’institué et mauvaise).Cette vision n’est pas heuristique car elle n’est riche d’aucune découverte à venir,d’aucun étonnement, d’aucun questionnement nouveau introduisant un décalage et unedistance entre l’étudiant praticien de l’éducation et l’étudiant chercheur sur cette mêmepratique éducative. La recherche est une institution, et à travers le rapport à la recherche, les étudiantsrejouent leur rapport à l'"institution" dans laquelle ils travaillent et sur laquelle ils font unerecherche.

Nous reformulons donc le mot d’ordre de René Lourau : « analysezvos implications » en paraphrasant la règle fondamentale de lasocianalyse : analysez l’ institution de la recherche que vousanalysez l’ institution de la recherche que vousmenez.menez.Et nous indiquons une voie : paramétrez toutes les forces enœuvre à l’origine de la recherche menée pour le DEA : demandespersonnelles, autres demandes, commande personnelle, autrescommandes externes à la Fac, commande du département enSciences de L’Education.

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Nous reformulons donc le mot d’ordre de René Lourau : « analysezvos implications » en paraphrasant la règle fondamentale de lasocianalyse : analysez l’ institution de la recherche que vousanalysez l’ institution de la recherche que vousmenez.menez.Et nous indiquons une voie : paramétrez toutes les forces enœuvre à l’origine de la recherche menée pour le DEA : demandespersonnelles, autres demandes, commande personnelle, autrescommandes externes à la Fac, commande du département enSciences de L’Education. La notion de différenciation commandes/demandes, est unpossible point fixepoint fixe par rapport auquel les chercheurs peuvent sesituer, un pivotpivot autour de duquel ils peuvent tourner, unattracteurattracteur autour duquel condenser les éléments d’implicationextraits un à un et reconfigurésreconfigurés différemment pour dynamiserleur recherche et dialectiser leur objet, avoir une approche moinsbinaire. Ces notions de commande/demande sont simplement unepasserelle pour passer « De l’angoisse à la méthode ».Les différencier est une technique qui aide à apprivoiser ces forces,à apaiser et à canaliser le tumulte des implications.

Pour ceux qui n’ont pas emprunté ce petit pont, il y a d’autres voies biensûr. Le tout est de les trouver afin d’d’identifier et mener le mouvementidentifier et mener le mouvementintérieur de la recherche que l’on mèneintérieur de la recherche que l’on mène au moins autant que celle cinous mène.

L’analyse différenciant les commandes et demandes pourpermettre de trouver les forces en jeu dans un travail de recherchen’est qu’un élément de ce qui constituerait une cliniquesocianalytique de la recherche en sciences de l’éducation.

C. Construire une question de lancement efficace

La question de lancement est une induction, la seule inductionautorisée dans l’entretien.La question de lancement fonctionne comme un attracteur : elledoit symboliser votre désir d’apprendre et donner envie de vousparler.

La question de lancement comporte deux étages.

Premier étage de la question de lancementDans le premier étage, on fixe le contrat d’interview entrel’interviewé, l’intervieweur et le commanditaire. On installe unerelation triangulaire : intervieweur, interviewé, commanditaire.

Le premier étage de la question de lancement fait peser le contrôlesur l’intervieweur : contrôle par le commanditaire (contenu de laquestion, finalités) et contrôle par l’interviewé (pourquoi il estéchantillonné, modalités de restitution, déontologie).

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Premier étage de la question de lancementDans le premier étage, on fixe le contrat d’interview entrel’interviewé, l’intervieweur et le commanditaire. On installe unerelation triangulaire : intervieweur, interviewé, commanditaire.

Le premier étage de la question de lancement fait peser le contrôlesur l’intervieweur : contrôle par le commanditaire (contenu de laquestion, finalités) et contrôle par l’interviewé (pourquoi il estéchantillonné, modalités de restitution, déontologie).

On dit qui demande quoi à qui et pourquoi. On indique clairement àqui (quel commanditaire) l’interviewé parle à travers l’intervieweur.L’interviewé décide ainsi quoi dire, quoi montrer, sur quoi insister.On explique ce qui est attendu par le commanditaire et commentl’équipe chargée du travail compte répondre. Qui mène larecherche, qui fait l’étude, dans quels délais, avec quelle méthode.

On précise pourquoi ce travail de recherche ou d’étude se faitmaintenant, pourquoi la question est posée à l’interviewé, pourquoiil a été choisi. On explique en quoi le point de vue de l’interviewéest hyper important pour l’intervieweur, au titre de quel savoirl’intervieweur l’a choisi lui. On montre l’échantillon dont fait partiela personne.

On expose les principes déontologiques, les modalités derestitution prévues (côté donnant/donnant des entretiens).

Tout cela prend du temps et permet à l’interviewé de s’installerdans le sujet.

Pendant qu’il expose ces éléments, l’intervieweur branche sesmicros, enclenche une cassette. On se prépare de part et d’autredes micros. Il faut démarrer l’enregistrement dès que le matérielest en place, même si la question du pourquoi de l’enregistrementaudio n’a pas encore été abordée.

Deuxième étage de la question de lancementOn termine sur une question directement ciblée sur la personne :une consigne de réflexion. La consigne doit être claire, concise,compacte, capable de déclencher une série d’associations d’idées.Cette consigne doit être inamovible : cela veut dire que vous devezl’apprendre par cœur pour utiliser toujours la même consigne, demanière à ne pas biaiser les entretiens. La consigne doit êtrerespectée par les intervieweurs sinon l’induction n’est plus la mêmepour tous les interviewés et le soin apporté à échantillonner n’auraservi à rien. En effet, nous faisons varier la composition del’échantillon, mais pas le questionnement, sinon le biaisinévitablement créé par nos observations et nos entretiens devientincontrôlable. Si nécessaire, prévoir un starter :Avec certains interviewés, pour éviter un lancement trop abrupt qui pourrait lesdécontenancer, on peut faire suivre la question brève d’un starter qui aidel’interviewé à entrer dans le sujet plus progressivement, à partir de son quotidien.Par exemple, on demande à la personne de parler de son travail, de son parcours,de ce qu’elle vit en rapport avec le sujet sur lequel elle est interviewée : « mais

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inévitablement créé par nos observations et nos entretiens devientincontrôlable. Si nécessaire, prévoir un starter :Avec certains interviewés, pour éviter un lancement trop abrupt qui pourrait lesdécontenancer, on peut faire suivre la question brève d’un starter qui aidel’interviewé à entrer dans le sujet plus progressivement, à partir de son quotidien.Par exemple, on demande à la personne de parler de son travail, de son parcours,de ce qu’elle vit en rapport avec le sujet sur lequel elle est interviewée : « maisd’abord, pour commencer, parlez- moi de votre travail… Racontez- moi ceci oucela… ».

D. Quelques notions d’échantillonnage

On commence par définir la population mère. Cette populationregroupe toutes les personnes concernées par la question, tous lesprotagonistes de la situation analysée. On construit ensuite unéchantillon stratifié reproduisant cette population en miniature.Les critères pour construire ce monde miniaturisé sont les facteursdont on pense a priori qu’ils ont un impact sur les positions prises.On regarde comment la population concernée est composéesocialement, quelles sont les appartenances sociales fortes etdéterminantes : jeunes et vieux, hommes et femmes, anciens etnouveaux, célibataires et mariés, diplômés plus ou moins titrés,corps de métier, niveaux de management, appartenancessyndicales…Tous ces éléments doivent être connus avant d’échantillonner, carce sont des variables potentiellement explicatives des positionsprises.Dans les études qualitatives, on travaille sur de petits échantillons entre 15 et 30entretiens. Le minimum se situe entre 12 et 18. Le bon nombre est souvent lavingtaine d’entretiens. On choisit soigneusement les personnes parmi les plusaptes à faire valoir des points de vue contrastés sur le sujet étudié. On valorise lesmarges, les écarts, pas les individus dans la moyenne. On recherche l’aigu,l’affûté ; pas le raboté. Les points de vue recherchés doivent être typés, permettrede voir la question d’en haut, d’en bas, de côté, de loin, de près, de l’intérieur, del’extérieur.

Dans les enquêtes quantitatives, on travaille de façon

- Soit aléatoire (sur une liste, on tire au sort)- Soit systématique (sur une liste, on prend une personne toutesles x fois).- Soit ciblée : on choisit des personnes selon x critères.Jamais, que l’échantillon soit « quali » ou « quanti », onn’interviewe simplement celui qui est là et qui n’a rien d’autre àfaire. Il ne faut pas que la composition de l’échantillon soit un non-choix, une non-construction, le seul fruit des rythmes de travail (legars qui passait par là et n’avait rien d’autre à faire que derépondre à l’enquêteur).On peut tout à fait accepter d’interviewer dans une démarchequalitative d’interviewer des personnes choisies par un acteursocial situé à un poste de pouvoir à partir du moment où l’on abien expliqué nos critères de compositionnos critères de composition de l’échantillon. Il nefaut pas hésiter à se faire aider, de manière à être certains de

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n’interviewe simplement celui qui est là et qui n’a rien d’autre àfaire. Il ne faut pas que la composition de l’échantillon soit un non-choix, une non-construction, le seul fruit des rythmes de travail (legars qui passait par là et n’avait rien d’autre à faire que derépondre à l’enquêteur).On peut tout à fait accepter d’interviewer dans une démarchequalitative d’interviewer des personnes choisies par un acteursocial situé à un poste de pouvoir à partir du moment où l’on abien expliqué nos critères de compositionnos critères de composition de l’échantillon. Il nefaut pas hésiter à se faire aider, de manière à être certains derencontrer les personnes les mieux placées pour traiter la questionposée.On peut avoir intérêt à sur représenter un peu dans l’échantilloncertains sous ensembles minoritaires mais actifs.Il est toujours possible de compléter un échantillon en coursd’enquête, si les interviewés indiquent des personnes « à voirabsolument » : cela s’appelle l’échantillon par boule-de-neigepar boule-de-neige,c’est une méthode admise.

E. Enregistrement des entretiens

Si vous enregistrez, vous restez centré sur la personne pendanttout l’entretien. Vous maintenez le contact physique, les yeuxdans les yeux- et vous conservez le contact mental. Vous n’avezpas peur de perdre des idées, vous ne perdez pas non plus deséléments que vous auriez filtrés avec la méthode « papier-crayon ». Vous installez une situation de parole « sérieuse », pondérée,responsable. Il n’est pas possible de vous accuser a posteriori d’avoir trahi lecontenu des entretiens, car ce contenu, vous l’avez et lesinterviewés le savent. Cela nécessite une déontologie et une prudence : les K7 sontnumérotées, les retranscriptions sont codées, tout est fait pourqu’aucun nom d’interviewé n’apparaisse. La K7 est la propriétécommune de l’interviewé et de l’intervieweur. Il est impératif deprendre les mesures nécessaires pour éviter qu’une personneinterviewée sous couvert d’anonymat soit ensuite lue et reconnuepar quelqu’un d’autre que les membres de l’équipe qui mène larecherche.On n’est jamais trop prudent, surtout quand on travaille au seind’une organisation, en particulier si elle est régie par des relationshiérarchiques ou des relations dominants/dominés quelles qu’ellessoient. Enfin, il faut éviter de donner à un interviewé la transcription deson interview car il sera déçu à la lecture par son langage parlé etvous en voudra de lui renvoyer cette image de lui-même.

F L’analyse de contenu

De même que l’entretien aura été mené pour aider l’interviewé à

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Enfin, il faut éviter de donner à un interviewé la transcription deson interview car il sera déçu à la lecture par son langage parlé etvous en voudra de lui renvoyer cette image de lui-même.

F L’analyse de contenu

De même que l’entretien aura été mené pour aider l’interviewé àdéployer sa logique, à l’exprimer dans toutes ses facettes, encréant un lien positif pour explorer la négativité, de même l’analysede contenu devra être attentive à la particularité, aux forces quitraversent l’interviewé.

Une situation sociale, c’est l’état d’un champ de forces à l’instant« t ». Comme un champ magnétique. On cherche les forces quiles forces quitraversent les genstraversent les gens. On essaie de découvrir les forces socialesen faisant l’hypothèse qu’on va en trouver la trace, l’impact chezles personnes. Ce qu’on voit chez les interviewés c’est ce qui sepasse dans la société. Ce qui nous intéresse, c’est la société, pasles personnes. L’hypothèse stratégique des END est bien là : cequ’on voit chez les interviewés et par eux, est à l’œuvre dans lasociété (ou dans la population auditée). La théorie des fractales adéveloppé cette approche qui s’applique dans la nature à diverssystèmes : chaînes montagneuses, identité de la structure de lacôte vue d’avion et de la structure d’un fragment de côte,ramification des bronches et des bronchioles, réseauhydrographique, mouvement brownien etc…

Un individu dans sa vie quotidienne est amené à trancher, àéquilibrer les forces qui agissent sur lui et qu’il agit : dans l’analysede contenu, on cherche à trouver ses débats intérieurs,, on cherche à trouver ses débats intérieurs,avant qu’ils ne soient tranchés avant qu’ils ne soient tranchés (ce qui suppose quel’entretien ait été conduit également dans cette optique). Ce n’estpas tant la façon dont il tranche ses débats intérieurs en faveur dececi ou de cela, mais c’est aussi et surtout ce qu’il tranche, ceentre quoi il tranche qui nous intéresse, même si ce sont desvérités antagoniques.

Lorsqu’on analyse un END, on ne traite pas le matériau d’unsondage d’opinion : donc on ne cherche pas à repérer des thèmesdont l’importance serait évaluée à travers une quantification(hasardeuse quand elle s’appuie sur une technique qualitative car lenombre d’entretiens est insuffisant ; dans la démarche qualitative,peu d’entretiens bien échantillonnés et bien menés suffisent).On ne s’occupe pas d’établir une moyenne : on cherche les reliefsdu terrain, on cherche la logique d’une personne pouron cherche la logique d’une personne pourtrouver les logiques en œuvre dans une situationtrouver les logiques en œuvre dans une situation. Le thématique appartient au registre des opinions (opinions= sont-ils pour, contre ou indifférents ?) . L’entretien permetd’accéder à autre chose que des opinions : il ouvre la porte dusystème de représentations. Le problème n’est pas ce que les genspensent de tel sujet, mais comment ils pensent tel sujet. La façon dont ils construisent le sujet nous révèle leur logique. La

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On ne s’occupe pas d’établir une moyenne : on cherche les reliefsdu terrain, on cherche la logique d’une personne pouron cherche la logique d’une personne pourtrouver les logiques en œuvre dans une situationtrouver les logiques en œuvre dans une situation. Le thématique appartient au registre des opinions (opinions= sont-ils pour, contre ou indifférents ?) . L’entretien permetd’accéder à autre chose que des opinions : il ouvre la porte dusystème de représentations. Le problème n’est pas ce que les genspensent de tel sujet, mais comment ils pensent tel sujet. La façon dont ils construisent le sujet nous révèle leur logique. Lalogique développée dans un END grâce à la centration del’interviewer sur la personne et sur son cadre de référence interneappartient au registre des représentations. On ne se demande pas,par exemple : « que pensent LES étudiants de la transformation dusecond cycle ? ». Mais plutôt : « où en sont-ils par rapport à cesujet ? », « Comment situent - ils la question ? », « Par quoi cettequestion est - elle traversée ? ».La qualité d’une Analyse de Contenu, c’est de réussir à extraired’un ou plusieurs END l’exhaustivité d’une logique d’action. Et decroiser ensuite les différentes logiques ainsi repérées pour enreconstituer le système général.

G. Les étapes de l’analyse de contenu d’END

Analyser le contenu d’entretiens non directifs pour en tirer unevision synthétique d’une situation, c’est prendre de l’altitude,monter progressivement d’une ligne qui représente le discours desinterviewés (ligne a) vers une ligne qui représente le discours quenous tiendrons sur le problème posé (ligne b).

La ligne b sera la vue d’avion de la ligne a.(b)-----------------------------------------------------------(a)-----------------------------------------------------------Les étapes exposées ci - dessous indiquent concrètementcomment on monte progressivement de la ligne (a) jusqu’à la ligne(b), comment on va produire un accroissement continu de notretaux de mémorisation et de notre capacité à produire une vision(une théorisation : théoriser = voir, regarder) sans rupture avec lesdiscours produits.

0) Point zéro : Etablir les catégories de lectureIl faut, pour mener l’opération de balisage (étape 1), déterminercollectivement des catégories de lecture qui ne serventgénéralement qu’à cette phase-là.Les catégories de lecture proviennent du commanditaire et/ou desidées a priori des intervieweurs. Elles sont ce qu’on imagine trouverdans les entretiens. Leur détermination nous fait prendreconscience clairement de nos théories spontanées. Il nous en fautsuffisamment pour faciliter notre tri, notre différenciation desidées. Elles doivent nous aider à séparer les idées les unes desautres, elles doivent être nettement discriminantes. Plusieurscouleurs différentes sont utilisées : une par idée.

En principe, on ne va pas au-delà de huit couleurs, c’est-à-dire huitcatégories de lecture.

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dans les entretiens. Leur détermination nous fait prendreconscience clairement de nos théories spontanées. Il nous en fautsuffisamment pour faciliter notre tri, notre différenciation desidées. Elles doivent nous aider à séparer les idées les unes desautres, elles doivent être nettement discriminantes. Plusieurscouleurs différentes sont utilisées : une par idée.

En principe, on ne va pas au-delà de huit couleurs, c’est-à-dire huitcatégories de lecture.Le premier travail consiste à lire l’entretien, mais en le lisant avecles catégories de lecture, on va littéralement ratisser l’entretien..Les catégories de lecture sont les dents du râteauLes catégories de lecture sont les dents du râteau. Ellesvont nous aider à segmenter le discours, à le découper en unitésde sens ou de logique.

1) Surligner/baliser le texteLe coloriage du texte va former des unités visualisables decheminement dans la logique de la personne. On peut très biensurligner un extrait important du texte en plusieurs couleurs (2,voire 3). Par contre, si on en vient à tout colorier de toutes lescouleurs, c’est qu’on s’est trompé de catégories. Les catégoriessont mauvaises, il faut les redéfinir. Les catégories de sur l ignage sont presque toujoursLes catégories de sur l ignage sont presque toujoursjetées après usagejetées après usage. Mais elles aident à lire précisément,soigneusement, en s’interrogeant. Il est bon de surligner à deuxpour confronter les interprétations : en cas de doute, de sens nonlisible immédiatement, discuter avec un autre aide à établir quelest le sens vrai pour la personne interviewée. Surligner c’estexaminer soigneusement tout le discours, ralentir sa lecture,freiner le travail de prise de connaissance du contenu ens’obligeant à se questionner sur le sens, à travailler le sens. En surlignant, en pestant contre les catégories retenues, on fait unlaborieux mais précieux repérage. En confrontant MES catégories (analyste) à SON cadre deréférence interne (la pensée de l’interviewé) je crée chez moilecteur de l’interview une attention très soutenue qui produit uneffet de mémorisation du texte et des idées. En même temps, attention : on tamise, on filtre. En même temps, attention : on tamise, on filtre. Car les couleurs vont servir d’accélérateur de circulation dans letexte : un texte surligné se lit à grande vitesse. On pourra, avec lescouleurs, trouver rapidement ce qu’on cherche dans le texte. Cequi veut dire que le non colorié sera désormais ignoré. Tout ce quiest non surligné est perdu. Marquez bien le début et la fin de l’idée,veiller à en conserver l’exhaustivitéAttention au défaut souvent constaté dans les analyses réaliséesavec des débutants : vous ne surlignez pas assezvous ne surlignez pas assez. Il y a tropde perte de contenu dans cette première phase. Nous avons notéune tendance à perdre les mots « chargés », les lapsus,ambivalences, les éléments critiques et négatifs.

2. Synthétiser/condenser le contenu du discoursOn réalise pour chaque entretien, une fois surligné, une synthèsede quelques pages qui représente le logigramme du raisonnementtenu par l’interviewé. On produit une compression des unitésOn produit une compression des unités

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avec des débutants : vous ne surlignez pas assezvous ne surlignez pas assez. Il y a tropde perte de contenu dans cette première phase. Nous avons notéune tendance à perdre les mots « chargés », les lapsus,ambivalences, les éléments critiques et négatifs.

2. Synthétiser/condenser le contenu du discoursOn réalise pour chaque entretien, une fois surligné, une synthèsede quelques pages qui représente le logigramme du raisonnementtenu par l’interviewé. On produit une compression des unitésOn produit une compression des unitésde sens. On reconstitue un système de pensée.de sens. On reconstitue un système de pensée.La synthèse - un travail de Jivaro - donne la connaissance de l’entretien dans satotalité : les idées et les articulations entre les idées telles qu’elles ont étéexposées dans l’ordre où elles l’ont été. On ne résume pas, on ne relativise pas :on donne la vision d’une logique en elle-même, dans son absolu.

Soit l’interviewé a tenu un discours structuré et c’est assez simple.Soit il a été flou, chaotique, et la synthèse doit rendre compte decette errance. L’idéal est d’utiliser au maximum les mots de l’interviewé (dans les2 colonnes proposées ci-dessous). La synthèse se présente endeux colonnes :Colonne de gauche Colonne de droiteColonne du logigramme Colonne des citations

exactesLes idées + les articulationsdes idées

Des citations matérialisantbien les idées et leursliaisons en un minimum demots

La logique en noir et blanc :il dit ceci puis celaPuis ceci

La couleur, les nuancesCe qui contreditce qui se contredit

L’essentiel La nuanceLà une digression On en garde les anglesLà un retour sur tel pointetc.

Ce qui est intense

3. Portraiturer/dégager les référentiels de lapersonneOn acquiert un niveau supplémentaire d’abstraction enrelativisant ce qui est ditrelativisant ce qui est dit dans l’entretien, une fois celui-cisurligné et synthétisé.On se demande pourquoi la personne a dit ce qu’elle dit là ? On signale donc :c’est un homme ou une femme, qui a tel âge, tel métier, tel parcours, tellesexpériences, tels engagements, telles appartenances. Ces éléments sont de l’ordrede l’explicatif, un explicatif tiré du contenu de l’entretien et des critèresd’échantillonnage.

On réunit en quelques lignes qui précèdent la synthèse, tous leséléments qui permettent de pondérer ce qui est ditpondérer ce qui est dit, dedécoder les référentielsdécoder les référentiels utilisés par l’interviewé. On indique cequi donne (aux yeux de l’interviewé) une valeur positive ouvaleur positive ou

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c’est un homme ou une femme, qui a tel âge, tel métier, tel parcours, tellesexpériences, tels engagements, telles appartenances. Ces éléments sont de l’ordrede l’explicatif, un explicatif tiré du contenu de l’entretien et des critèresd’échantillonnage.

On réunit en quelques lignes qui précèdent la synthèse, tous leséléments qui permettent de pondérer ce qui est ditpondérer ce qui est dit, dedécoder les référentielsdécoder les référentiels utilisés par l’interviewé. On indique cequi donne (aux yeux de l’interviewé) une valeur positive ouvaleur positive ounégativenégative à ce qui est dit. On liste les catégories de perception del’interviewé. En effet, il n’existe pas de perception pure d’unesituation. Toute perception est une construction.Selon quels critères ? Dans le portrait, on donne ceux qu’on a puidentifier. On donne également des indications, si on en a, sur le degréd’implication dans l’entretien, sur le caractère « de façade » oupersonnel du discours tenu. Ces éléments figurent en page de couverture de l’entretien. Onprésente le portrait comme suit : 4. Surnommer/caricaturerCaricaturer, c’est savoir grossir le trait sans trahir poursavoir grossir le trait sans trahir pourautant la fidélité de la synthèseautant la fidélité de la synthèse et du portrait. Pour quoifaire ?Lors de cette étape, les analystes s’autorisent à faire jouer larésonance entre eux-mêmes, leurs critères, et l’interviewé. Ils ontle droit, à ce moment-là, d’être méchants, agressifs, évaluatifs,ironiques. L’expérience montre que cet exercice fait apparaître desdimensions qu’on aurait tendance autrement à lisser, à gommer. Il a d’autres fonctions :

- Respect de l’anonymat : il faut le plus rapidement possiblesupprimer toute trace d’identification des personnes.Seuls les analystes du contenu des entretiens savent quiest derrière tel surnom. Il est impératif d’effacer toutetrace permettant d’identifier les interviewés. Cela se faitaprès le surlignage, la synthèse et le

- portrait. - Effet mémoire : l’entretien surligné, synthétisé, portraituré

puis surnommé est stocké en mémoire. Le surnomsurnomdéclenche le souvenir du portrait qui déclenche ladéclenche le souvenir du portrait qui déclenche lamémoire de la synthèsemémoire de la synthèse. Chaque interviewé pourraainsi être « convoqué » par la mémoire lors descroisements et confrontations entre les interviews sansque l’on doive toujours se reporter aux synthèses, voireaux entretiens. Lorsqu’il faut prendre beaucoup dehauteur et » lâcher » les textes pour élaborer un système

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- portrait. - Effet mémoire : l’entretien surligné, synthétisé, portraituré

puis surnommé est stocké en mémoire. Le surnomsurnomdéclenche le souvenir du portrait qui déclenche ladéclenche le souvenir du portrait qui déclenche lamémoire de la synthèsemémoire de la synthèse. Chaque interviewé pourraainsi être « convoqué » par la mémoire lors descroisements et confrontations entre les interviews sansque l’on doive toujours se reporter aux synthèses, voireaux entretiens. Lorsqu’il faut prendre beaucoup dehauteur et » lâcher » les textes pour élaborer un systèmeglobal intégrant toutes les logiques mises à jour, il estnécessaire de pouvoir compter sur sa mémoire sansredescendre vers les textes des entretiens. Si les phasesprécédentes sont correctement réalisées, on peutaisément manier de mémoire une trentaine d’END sansdevoir revenir aux synthèses.

- Effet extrapolation : le surnom est comme ces indicationsqu’un auteur donne aux acteurs et au metteur en scènepour les aider à monter une pièce de théâtre dans le sensoù il l’a écrite.

- Le surnom va aider les analystes à jouer le rôle de chacundes interviewés : le surnom symbolise le travail réalisépour ressentir ce que l’interviewé ressent, il permettrad’extrapoler en ressentant et en raisonnant à la place del’interviewé sans se tromper de logique, de registre. Lesurnom est une des plus sûres façons d’entrercomplètement en liaison avec la pensée d’un interviewé :rien n’est plus fidèle qu’une caricature.

5. Mise en relation de l’ensemble des entretiensidentification des entretiens modélisateursassociationsLorsque tous les entretiens ont été analysés selon les étapes 1 à4, on effectue la mise en relation de tous les entretiens del’échantillon. Pour cela, chaque entretien est présenté par ceux qui l’ont analyséà l’ensemble du groupe des analystes. On réalise ensemble pour chaque entretien un paper (une page de« bloc note géant » qu’on affichera aux murs). Sur ce paper, onnote les grands traits de ce que retient le groupe d’analystes.Chaque paper mentionne le surnom et les points importants duportrait. On découvre à ce moment des points communs entre entretiens,ou des oppositions. On note les correspondances négatives,positives, les antagonismes, les éléments spécifiques.

Comparés aux autres, certains entretiens apparaissent clairement« modélisateursmodélisateurs », c’est-à-dire qu’ils structurent les autres, lesglobalisent.D’autres apportent au contraire tel détail que l’on n’avait pastrouvé ailleurs : c’est-à-dire qu’ils précisent, affinent des partiesd’une logique déjà détectée à l’aide des entretiens déjà examinés. Les entretiens non modélisateursnon modélisateurs sont partiels : ils contiennentdes bouts de logique, des morceaux d’une logique ou desfragments de logiques opposées. Ils sont pourtant intéressants àcreuser également. En effet, ils valident les logiques élaborées à

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« modélisateursmodélisateurs », c’est-à-dire qu’ils structurent les autres, lesglobalisent.D’autres apportent au contraire tel détail que l’on n’avait pastrouvé ailleurs : c’est-à-dire qu’ils précisent, affinent des partiesd’une logique déjà détectée à l’aide des entretiens déjà examinés. Les entretiens non modélisateursnon modélisateurs sont partiels : ils contiennentdes bouts de logique, des morceaux d’une logique ou desfragments de logiques opposées. Ils sont pourtant intéressants àcreuser également. En effet, ils valident les logiques élaborées àpartir des entretiens modélisateurs car on y trouve ces logiques encreux ou en conflit ou en pièces détachées. Les analystes pressés se contenteront des entretiensmodélisateurs. Mais si on veut être sûrs de la vision qu’on est entrain d’élaborer, un travail sur l’échantillon complet est la seuleméthode valable. Au terme de cette phase, on se retrouve avec un certain nombrede constellations d’entretiens, on a trouvé quelques champs decohérence différents et décalés : des sous-ensembles. 6. Des logiques à un système global descontradictionsLa question qui se pose à ce stade, c’est de savoir si on peuttrouver un système général englobant les différentes logiques :qu’ont-elles en commun ? Qu’est ce qui les fait se rencontrer, seheurter ?Les logiques étant verticales, lisons les horizontalement. Lorsque toutes les logiques décrites entrent dans des sous-systèmes qui eux - mêmes appartiennent au même systèmegénéral, l’analyse de contenu est parvenue à son point final… en cequi concerne la négativité, les contradictions, le champ des forcescapté dans ses manifestations négatives. On a réuni tous lesreliefs, montagnes, fossés, obstacles, murs, les zones de pression.On a mis en valeur ce qui sépare, les inconciliables. On disposed’éléments forts d’explication des divergences éventuelles. On a unrelief, oui, mais amplifié. 7. L’exposé de l’analyse : le retournement dusystème des contradictions en énergie d’actionOn a réussi en phase 6 à ramasser toute la matière, tout lediagnostic du problème en une somme de négativité dont lacontemplation est décourageante pour qui doit agir à partir decette analyse. Or, qui doit agir ?Notamment le commanditaire ou les commanditaires, mais aussil’ensemble des acteurs concernés.Moins il (s) entrevoi (en) t de moyens de se dégager du champ deforces, moins il (s) écoutera (ont) l’analyse. La dernière étape de l’analyse, selon nous, est de trouver leschemins qui permettent de repasser de l’analyse à l’action. Une fois que le diagnostic est posé, la question qu’un analyste doit

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Or, qui doit agir ?Notamment le commanditaire ou les commanditaires, mais aussil’ensemble des acteurs concernés.Moins il (s) entrevoi (en) t de moyens de se dégager du champ deforces, moins il (s) écoutera (ont) l’analyse. La dernière étape de l’analyse, selon nous, est de trouver leschemins qui permettent de repasser de l’analyse à l’action. Une fois que le diagnostic est posé, la question qu’un analyste doitse poser c’est : comment travailler en fonction du relief ainsidessiné ? Comment passer ? Quelles sont les pistes, quels sont lesponts, les sentiers ? La transformation du système de négativité en système d’actionacceptable, traitable, gérable aboutit à un exposé : c’est l’analysesous la forme où elle peut être montrée. Ici il faut mettre les lienslienspositifs en valeurpositifs en valeur, montrer ce qui rassemble, chercher lesmoyens de réduire les tensions du système, détendre la, détendre ladialectique d’un point de vue pratiquedialectique d’un point de vue pratique. L’exposé est le produit de la digestion par les analystes de leurpropre analyse : analyser c’est aussi aider à trouver les passages. ---------------------------------------------------ligne b

Date du document : mars 2000

2. 2. « Etre étudiant enSciences del’Education à Paris VIIIen l’an 2000 » :

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Sciences del’Education à Paris VIIIen l’an 2000 » :

une recherche réaliséepar des étudiantsentre novembre 1999et mars 2000Quelques éléments de l’analyse réalisée avec lesQuelques éléments de l’analyse réalisée avec les

étudiants de mon UV 99/2000 « entretiens non directifs -étudiants de mon UV 99/2000 « entretiens non directifs -analyse de contenu dialectique et structurale »analyse de contenu dialectique et structurale »

Notre échantillon compte 62 entretiens non directifs enregistrésau magnétophone et retranscrits intégralement. Ces entretiens ontété menés au début de l’année auprès d’étudiants inscrits enlicence et en DEA de SE. La composition de l’échantillon est jointeen annexe. 1. Les étudiants en SE forment une population hétérogène,1. Les étudiants en SE forment une population hétérogène,dont la structure démographique est facile à découper, à ladont la structure démographique est facile à découper, à lapremière lecture des entretiens, en grands groupes simplespremière lecture des entretiens, en grands groupes simplesdécelables à l’œil nu :décelables à l’œil nu :

• 2. Cependant, ces groupes ont des points communs, l iés au2. Cependant, ces groupes ont des points communs, l iés auclivage social actuel dominant, qui comme le dit Alainclivage social actuel dominant, qui comme le dit AlainTouraine, coupe notre société en deux : d’un côté les inclus,Touraine, coupe notre société en deux : d’un côté les inclus,de l’autre les exclus, pris dans la « lutte des places » dontde l’autre les exclus, pris dans la « lutte des places » dontparlent les sociologues cl iniciens réunis autour de Vincent deparlent les sociologues cl iniciens réunis autour de Vincent deGaulejac.Gaulejac.

• Les uns sont en crise en crise : crise d’identité au sens large (qui suis-je,

où vais-je, et maintenant qu’est ce que je veux faire de mavie ?), échecs scolaires (pas de bac, orientation mal faite,inadaptation à l’école secondaire ou à l’enseignement supérieur

Portrait

Surnom

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Touraine, coupe notre société en deux : d’un côté les inclus,Touraine, coupe notre société en deux : d’un côté les inclus,de l’autre les exclus, pris dans la « lutte des places » dontde l’autre les exclus, pris dans la « lutte des places » dontparlent les sociologues cl iniciens réunis autour de Vincent deparlent les sociologues cl iniciens réunis autour de Vincent deGaulejac.Gaulejac.

• Les uns sont en crise en crise : crise d’identité au sens large (qui suis-je,

où vais-je, et maintenant qu’est ce que je veux faire de mavie ?), échecs scolaires (pas de bac, orientation mal faite,inadaptation à l’école secondaire ou à l’enseignement supérieuret à leurs méthodes « scolaires ») ou difficultés professionnelles(métier éprouvant, boulot ne convenant pas ou ne convenantplus, conflits avec les collègues ou la hiérarchie…), accidents dela vie ou de santé, difficultés économiques et dangers politiques(pour les Etrangers). Tous ceux - là se décrivent comme desEXCLUSEXCLUS de la société et/ou du système scolaire, faisant parhasard une tentative pour se réinsérer via P8, ou choisissant aucontraire délibérément P8/SE pour se dégager de cet état

• Les autres sont en phase d’INCLUSION en phase d’INCLUSION : soit ils ont un projet,

et P8/SE est un tremplin pour réaliser ce projet (ascensionsociale, meilleure rémunération, emploi plus stable, réalisationd’une vocation pédagogique ou autre), soit ils ont dégagé unprojet après quelques années à P8 en SE.

3. Autrement dit, P8 et singulièrement les SE, et encore plus3. Autrement dit, P8 et singulièrement les SE, et encore plussingulièrement la l icence en SE, sont un élément déterminantsingulièrement la l icence en SE, sont un élément déterminantdans la résolution d’une crise, crise arrivée à un point plus oudans la résolution d’une crise, crise arrivée à un point plus oumoins achevé au moment où nous les interviewons. Notremoins achevé au moment où nous les interviewons. Notredépartement est décrit comme une département est décrit comme une passerelle qui conduira lespasserelle qui conduira lesuns vers les métiers de l’éducation, les autres vers un autreuns vers les métiers de l’éducation, les autres vers un autredestin que le passage par les SE a déblayé.destin que le passage par les SE a déblayé.

Nos étudiants en SE, particulièrement en licence, ne sont pas (encore) deschercheurs. Ils sont « en recherche » : ils cherchent la place qui pourrait êtrela leur dans la société. Pour certains, le fait d’être à P8 en SE, n’est pas unchoix mais un « heureux hasard », lié au secteur géographique, mais aussisouvent à un « ami » qui, lui, connaît P8/SE et l’a conseillé à l’étudiant. Pourd’autres, il s’agit d’un choix délibéré. Au début de la crise, la personne ne sait plus quoi faire, elle est ballottée parles événements et se retrouve à P8 en SE par des mécanismes de sélectionsociale indépendants de sa volonté (elle est rejetée et atterrit chez nous).Au milieu de la crise, elle fait des choix personnels et se décide (Krinein engrec signifie décider) : elle choisit notre Université et notre département enconnaissance de cause. Ce choix est le début de la résolution de la crise. Que le déclic soit fait avant d’entrer dans notre département ou au coursdes études de licence, le non choix se transforme à un moment en choix devie, de métier. Les études accompagnent une transformation qui se produitessentiellement en licence. La licence de SE est un carrefour où convergentdes gens très différents, qui au delà vont à nouveau diverger, partir dansdes voies diverses : les uns iront en maîtrise accédant par là à « la théorie »,les autres iront vers les IUFM ou vers d’autres études, d’autres métiers. Maisen licence, tous se retrouvent dans un processus de questionnement,socialisation, inclusion, remotivation. Dans certains entretiens, on a vraiment

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Que le déclic soit fait avant d’entrer dans notre département ou au coursdes études de licence, le non choix se transforme à un moment en choix devie, de métier. Les études accompagnent une transformation qui se produitessentiellement en licence. La licence de SE est un carrefour où convergentdes gens très différents, qui au delà vont à nouveau diverger, partir dansdes voies diverses : les uns iront en maîtrise accédant par là à « la théorie »,les autres iront vers les IUFM ou vers d’autres études, d’autres métiers. Maisen licence, tous se retrouvent dans un processus de questionnement,socialisation, inclusion, remotivation. Dans certains entretiens, on a vraimentl’impression d’une phase de thérapiephase de thérapie. Qu’il s’agisse d’un choix ou d’un accident de hasard, qui en fait ne doit rienau hasard, les SE de P8 offrent à cette population une opportunité que lamajorité décrit comme « extraordinaire », comme une « chance ». Notre département est une structure plus ou moins adaptée à unestructure plus ou moins adaptée à unevocation définie par les interviewés comme un processusvocation définie par les interviewés comme un processusd’accompagnement/résolution de la crise d’exclusion socialed’accompagnement/résolution de la crise d’exclusion sociale. Uneminorité, par contre, ne trouve pas dans notre offre les moyens de résoudrecette crise. Il semble que nos qualités et nos défauts constituent les éléments d’uneforme sociale capable pour la majorité des cas d’épouser dans un premiertemps la crise vécue, et dans un deuxième temps de la résoudre en ladépassant. Ceci évoque pour moi les travaux d’ANZIEU sur les enveloppespsychiques. Notre département fait office d’enveloppe dans laquelle lapersonne va pouvoir se recomposer avec suffisamment de dérangementpour pouvoir s’analyser et suffisamment de sécurité pour ne pas se perdre. Mais cela ne « marche » pas toujours. Notre licence, notreNotre licence, notredépartement est un sas : certains restent coincésdépartement est un sas : certains restent coincés dedans.dedans. Lesdeux cas sont intéressants à comprendre.

4. Pourquoi et comment notre dispositif fonctionne-t-i l , ou4. Pourquoi et comment notre dispositif fonctionne-t-i l , ounon ? Les entretiens apportent plusieurs éléments denon ? Les entretiens apportent plusieurs éléments deréponse.réponse.

4.1 Les points forts de notre offre de formation4.1 Les points forts de notre offre de formation

Voici ce qui ressort de la majorité des entretiens. Plus loin, nous verrons cequi se passe pour ceux qui ne trouvent pas leur voie dans notre système, ouqui craignent que nous ne dévoyions notre système. Identité de P8 SE et identification à P8 SE sur le plan social,Identité de P8 SE et identification à P8 SE sur le plan social,pédagogique et personnelpédagogique et personnelNotre département et notre fac sont proches de nos étudiants etsemblables à eux. Cette proximité leur permet d’abord de prendre pied, puisd’évoluer. Socialement : « Paris VIII, c’est nous », c’est « multicolore »,Socialement : « Paris VIII, c’est nous », c’est « multicolore »,« multi ethnique », « on rencontre de tout » (des jeunes et des« multi ethnique », « on rencontre de tout » (des jeunes et desvieux, des travail leurs et des gens qui vivent chez leurs parentsvieux, des travail leurs et des gens qui vivent chez leurs parentsou des retraités).ou des retraités).Ce qui plaît (à la majorité des interviewés) à l’intérieur de Paris 8, c’est lecôté « melting pot », le « mélange ethnique et social ».Mais P8, vue de l’extérieur, c’est « la fac poubelle » (image négative que

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semblables à eux. Cette proximité leur permet d’abord de prendre pied, puisd’évoluer. Socialement : « Paris VIII, c’est nous », c’est « multicolore »,Socialement : « Paris VIII, c’est nous », c’est « multicolore »,« multi ethnique », « on rencontre de tout » (des jeunes et des« multi ethnique », « on rencontre de tout » (des jeunes et desvieux, des travail leurs et des gens qui vivent chez leurs parentsvieux, des travail leurs et des gens qui vivent chez leurs parentsou des retraités).ou des retraités).Ce qui plaît (à la majorité des interviewés) à l’intérieur de Paris 8, c’est lecôté « melting pot », le « mélange ethnique et social ».Mais P8, vue de l’extérieur, c’est « la fac poubelle » (image négative querenvoie à nos étudiants leur entourage amical, familial et professionnel).Nous sommes en SE de P8, disent certains, l’incarnation de « la Banlieue »,la fac à la réputation « facile » qui ne pratique pas la sélection des meilleursmais cherche à tirer le meilleur de chacun, nous sommes la fac et ledépartement des jeunes qui ont étouffé dans l’éducation traditionnelle, lafac des travailleurs et des immigrés. Bref, nous sommes la fac et ledépartement qui reçoit le rebut, ceux que les autres facs refusent. Mais nosétudiants, qui sont auto ou hétéro désignés comme ce rebut, refusentd’être mis au rebut, refusent aussi cette mise au rebut pour les autres. Eneffet, pour beaucoup, le projet professionnel est d’aider les autres à s’ensortir, à vivre mieux. Ce double mouvement - des exclus qui refusent l’exclusion -, notredépartement le permet et l’accompagne. Certains enseignants incarnent cemouvement : les interviewés citent souvent les professeurs qui sont partis,comme eux, d’une situation sociale défavorable, d’un échec scolaire(exemples : HESS, LEGRAND). La philosophie de la fac est décrite comme « sécurisante « sécurisante », car ellepermet d’accéder à « une façon de vivre différente » : « ici il y a latolérance, le respect, tout ce qu’on n’a pas eu », une « approche morale ».Plusieurs enseignants enseignent, selon les interviewés plus qu’un savoir :« une manière d’être une manière d’être ». Nos étudiants s’identifient fortement à la prophétie initiale deprophétie initiale deVincennesVincennes, souvent citée en référence. Cette prophétie leur permet deretourner l’image négative en positif : « nous sommes les jeunes, lestravailleurs et les immigrés, ceux que l’école et les facs traditionnellesrefusent, et qu’une fac a acceptés ». Le fait qu’une fac accepte ce rebut,crée une passerelle,passerelle, permet de se reprendre et de revenir transformé versla société pour la transformer, nanti d’un statut, d’une réflexion personnelle,d’une formation universitaire et de valeurs fortes : « je n’étais rien,maintenant j’ai un statut ». L’entrée à l’Université en SE, permise par P8, estdécrite comme une validation comme une validation : « la validation de ce que tu es, et« la validation de ce que tu es, etaprès tu te dépasses ».après tu te dépasses ». Plus qu’une fac ou un département, nous sommes décrits comme uneunebasebase, un lieu de vie et de socialisationlieu de vie et de socialisation où des liensliens peuvent se tisseravec d’autres. La découverte des autres étudiants, dans toute leur diversité,est un élément majeur de « l’ambiance », l’atmosphère qui fait que « P8 estP8 ». Il apparaît clairement que dans le « bordel », le « monde paradoxal »qu’est notre département, les étudiants s’en sortent s’i ls vont versles étudiants s’en sortent s’i ls vont versles autres, se font aider, aident d’autres étudiantsles autres, se font aider, aident d’autres étudiants. Certaines denos UV facilitent ce tissage des lienstissage des liens avec les autres, cet apprentissagede la capacité à prendre appui sur les autres, à être un appui pour d’autres.

END

LireSurlignerbaliser

synthèse

portait

surnom

Soussystèmes

système

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Plus qu’une fac ou un département, nous sommes décrits comme uneunebasebase, un lieu de vie et de socialisationlieu de vie et de socialisation où des liensliens peuvent se tisseravec d’autres. La découverte des autres étudiants, dans toute leur diversité,est un élément majeur de « l’ambiance », l’atmosphère qui fait que « P8 estP8 ». Il apparaît clairement que dans le « bordel », le « monde paradoxal »qu’est notre département, les étudiants s’en sortent s’i ls vont versles étudiants s’en sortent s’i ls vont versles autres, se font aider, aident d’autres étudiantsles autres, se font aider, aident d’autres étudiants. Certaines denos UV facilitent ce tissage des lienstissage des liens avec les autres, cet apprentissagede la capacité à prendre appui sur les autres, à être un appui pour d’autres.Il s’agit en particulier de l’UE d’accueill’UE d’accueil, très appréciée, car elle permetl’entrée dans la fac et la constitution d’un réseau aidant à « survivre ». Je citerais aussi une UV décisive pour beaucoup, celle de Rémi HESS sur letango. Cette UV qui a priori « n’a rien à voir avec les SE », a permis en fait àde nombreux étudiants de renouer avec les études, parce que des contactss’y nouaient et parce que le rapport au savoir y était restauré. Les étudiantsy liaient des contacts, des relations, qui de fil en aiguille les ont amenés àlire, se découvrir des centres d’intérêt insoupçonnés pour l’éducation, osermettre le pied à l’université….L’UV de Bernard CHARLOT sur la banlieue a le même effet : la banlieue c’estjustement ce à quoi l’étudiant s’identifie. Et voilà qu’il la rencontre àl’université, transformée en un savoir accessible, dans lequel l’étudiant sereconnaît, présentée de façon claire à un public de pairs : des étudiantsd’une fac de banlieue.Ces UV sont sources d’identité collective et de reconnaissance. Lesenseignants qui les assurent sont des « passeurs ».L’interaction avec les autres étudiants est un des pil iers de notreL’interaction avec les autres étudiants est un des pil iers de notresystème, l’ interaction avec les enseignants en est le deuxièmesystème, l’ interaction avec les enseignants en est le deuxièmepilier. Ces deux pil iers sont souvent cités dans cet ordre.pil ier. Ces deux pil iers sont souvent cités dans cet ordre. Les enseignants sont décrits comme très divers, eux aussi : différence dansles approches, dans les relations, dans les méthodes pédagogiques, dans lesmodes de validation. Cette variété répond à la variété des étudiants. Ilsemble que notre réussite, aux dires des interviewés, tienne à nosdifférences. Dans nombre d’entretiens, l’étudiant (e) décrit des UV déclicsUV déclics,ou des UV pivots qui sont situées sur des pôles opposésUV pivots qui sont situées sur des pôles opposés. Les UV déclic :Les UV déclic :Des UV sont souvent citées pour illustrer le processus décrit ci-dessus(création de liens avec d’autres, création d’un pont ouvrant l’accès auxsavoirs). Ce sont les UV de René BARBIER, Guy BERGER, B. CHARLOT, R.HESS. Ces UV ouvrent en même temps l’étudiant et la porte de l’université(« la porte des savoirs »). D’autres UV viennent ensuite compléter etdévelopper le champ ouvert : celle de Lucette COLIN, celle de FlorenceDESPRAIRIES, celles des institutionnalistes… pour ne citer que les plussouvent mentionnées.Ceci confirme à mes yeux l’intérêt des travaux de SIMONDON, sur latransductiontransduction, travaux que René LOURAU m’a fait connaître. La logiqueinformative nous place dans une inévitable dégradation du message. Aucontraire, la logique transductive prônée par SIMONDON permet à unestructure de se créer par contact, de proche en proche, entre structures(exemple de la neige). C’est aussi la logique du germe. Dans les entretiensque nous venons d’analyser, on trouve maintes fois la description d’unetransduction : « je suis allé à telle UV, j’ai découvert cela, qui m’a conduitvers telle UV où j’ai élaboré tel aspect qui m’a renvoyé vers telle autre UVetc. etc. ».

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Ceci confirme à mes yeux l’intérêt des travaux de SIMONDON, sur latransductiontransduction, travaux que René LOURAU m’a fait connaître. La logiqueinformative nous place dans une inévitable dégradation du message. Aucontraire, la logique transductive prônée par SIMONDON permet à unestructure de se créer par contact, de proche en proche, entre structures(exemple de la neige). C’est aussi la logique du germe. Dans les entretiensque nous venons d’analyser, on trouve maintes fois la description d’unetransduction : « je suis allé à telle UV, j’ai découvert cela, qui m’a conduitvers telle UV où j’ai élaboré tel aspect qui m’a renvoyé vers telle autre UVetc. etc. ». Les UV déclics sont situées à des extrêmes, sur des pôlesLes UV déclics sont situées à des extrêmes, sur des pôlesopposés opposés :Notre pluralité est décrite par les étudiants comme un atout pour eux. Eneffet, l’étudiant finit dans la majorité des cas par se fabriquer une palette àpalette àsa mesuresa mesure comportant les enseignements qui correspondent à ses besoins.Pour être plus précis sur cette notion d’UV déclics situées à desd’UV déclics situées à desextrêmesextrêmes, je citerai par exemple l’UV de B. CHARLOT, très apprécié pour lasécuritésécurité qu’il permet de conquérir et à l’autre extrême celle de Rémi HESStrès apprécié pour l’audace et l’autorisationl’audace et l’autorisation qu’il permet aux étudiantsde se donner. Beaucoup d’interviewés décrivent comment le cumul cumul de cesdeux « extrêmes » Charlot et Hess, leur a ouvert la « porte des savoirs »,comment ces deux UV ou d’autres, opposées deux à deux, ont formé un arc,un champ de force générateur d’énergie. Alors que nous nous opposons, euxnous réunissent, et affirment avoir besoin de nos différences pour sechercher et se trouver. Ils nous expliquent en fait un phénomène bien connu.L’équilibre stable est inerte et non producteur d’énergie. L’équilibremétastable, créé par des contraires, est un producteur potentiel d’énergie. Des stratégies d’équil ibre stratégies d’équil ibre sont mises en place et décrites comme telles.L’étudiant se fabrique un parcours fait d’UV « difficiles » pour lui et d’UV« faciles » à ses yeux, des UV qui le poussent à lire, d’autres à écrire, des UVplus ou moins « exigeantes », des UV qui impliquent et des UV magistrales,des UV fondées sur le collectif, d’autres sur l’individuel. Beaucoup d’UV sontessayées, puis abandonnées, les « UV bidons » sont ainsi éliminées.Les interviewés expliquent que, si les UV étaient toutes sur le mêmemodèle, ils échoueraient à la fois dans leur quête d’eux mêmes et dans leurréussite universitaire. Les interviewés décrivent leur relation avec les enseignants comme « uneuneinteraction qui fait grandirinteraction qui fait grandir ». Ils expliquent comment ils sont « tirés versle haut » par des enseignants, certes différents, mais semblables par leur« accessibilité ». Contrairement à l’image impressionnante que se font apriori les étudiants des « profs de fac », les enseignants de SE sont aucontraire, souvent, des enseignants disponibles, qui tutoient, dialoguent,traitent l’étudiant d’égal à égal, écoutent, sollicitent, stimulent, rassurent.Les enseignants étant accessibles, le savoir qu’ils transmettentLes enseignants étant accessibles, le savoir qu’ils transmettentle devient aussi.le devient aussi. Pédagogiquement : les SE à Paris VIII, c’est la « révolutionPédagogiquement : les SE à Paris VIII, c’est la « révolutionpédagogique », c’est « l’envers de l’université », « j’ai fui ceuxpédagogique », c’est « l’envers de l’université », « j’ai fui ceuxqui enlèvent l’énergie vitale »qui enlèvent l’énergie vitale »Beaucoup d’interviewés ont essayé d’autres facs, et d’autres départementsaussi, même à P8. Il semble que dans P8 nous soyons le département le plusproche de la prophétie Vincennoise, alors qu’autour de nous certains (par

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Les enseignants étant accessibles, le savoir qu’ils transmettentLes enseignants étant accessibles, le savoir qu’ils transmettentle devient aussi.le devient aussi. Pédagogiquement : les SE à Paris VIII, c’est la « révolutionPédagogiquement : les SE à Paris VIII, c’est la « révolutionpédagogique », c’est « l’envers de l’université », « j’ai fui ceuxpédagogique », c’est « l’envers de l’université », « j’ai fui ceuxqui enlèvent l’énergie vitale »qui enlèvent l’énergie vitale »Beaucoup d’interviewés ont essayé d’autres facs, et d’autres départementsaussi, même à P8. Il semble que dans P8 nous soyons le département le plusproche de la prophétie Vincennoise, alors qu’autour de nous certains (parexemple INFOCOM, DROIT, ECLA) ont pris une option décrite comme« scolaire » par les interviewés : les matières sont imposées, les méthodespédagogiques sont classiques, non « vivantes » et passives, les exigencessont élevées en termes de restitution fidèle de ce que les enseignants onttenté d’enseigner, les modes de validation sont « formalistes » et« strictement individualisés ». La sélection est au cœur du système,l’ensemble de l’offre est « rigide », il appartient aux étudiants de s’yadapter : « là - bas, on ne dit pas JE, on ne pense pas, on fait du par cœur ».Au contraire, les SE sont décrites comme le lieu d’une « légèreté positive ».Le département est défini comme un espace « intense, mais avec un poidsen moins », l’espace d’une autre pédagogie, active, sollicitant l’individu,respectant sa liberté, l’impliquant fortement dans sa formation. « Ici c’est lavivacité, la liberté », « on n’est plus à l’école, enfin ! », « ici j’ai quelquechose à me prouver à moi-même (et non aux profs), sans qu’on mel’impose », « ici c’est la facilitation, mais pas la facilité », « ce département,il n’est pas spécialement facile, il est juste. Bon ne veut pas dire strict, ».Les autodidactes, et avec eux nombre de professionnels, se sententreconnus dans un milieu qui exige la prise en charge par soi-même, sollicite« l’expression de soi », favorise « l’acquisition d’une logique de recherche ».On voit clairement dans ces entretiens que de nombreuses vocations versles métiers de l’éducation apparaissent chez des personnes qui ont eu desproblèmes avec l’école. Cela rejoint la théorie du métier choisi sur le pointaveugle (Harold SEARLES). Personnellement :Personnellement :Paris VIII, les SE, c’est la diversité : « à tâtons, dans la diversité,Paris VIII, les SE, c’est la diversité : « à tâtons, dans la diversité,je reprends confiance »je reprends confiance »Les interviewés se décrivent comme étant ou ayant été dans un état degrande indécision, de profonde indétermination : « je suis volatile ». Ilsflottent, ou ils ont flotté. Ils étaient ou ils sont toujours « perdus ». Ils sedécrivent comme inachevés, insatisfaits à l’origine de leurs études en SE.Plusieurs parlent d’une « relance », voire d’une « naissance », et disent qu’ils« recommencent à croire en eux ». Ils parlent du fait qu’à nouveau « ilsrespirent », P8 et les SE étant une « récréation » et une « recréation » : « jem’accepte, je suis moins bête », « je m’ouvre », « je prends un élan »,« j’acquiers un diplôme d’ouverture », « je suis entrée en questionnement »,« je réponds à une provocation intellectuelle », « je suis entré dans le templedes savoirs », « je vois tout ce que je ne voyais pas avant »…

4.2 Les points faibles de notre offre de formation :4.2 Les points faibles de notre offre de formation :dégradation ou inadaptation de notre offredégradation ou inadaptation de notre offre

Cependant, certains interviewés sont inquiets, désorientés. Quelques-uns sont complètement perdus. Pour les unsPour les uns, notre modèle vit trop sur ses acquis et est en train de

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des savoirs », « je vois tout ce que je ne voyais pas avant »…

4.2 Les points faibles de notre offre de formation :4.2 Les points faibles de notre offre de formation :dégradation ou inadaptation de notre offredégradation ou inadaptation de notre offre

Cependant, certains interviewés sont inquiets, désorientés. Quelques-uns sont complètement perdus. Pour les unsPour les uns, notre modèle vit trop sur ses acquis et est en train des’effriter, de se dévoyer. Notre modèle est dégradé, fragil isé, et i l a. Notre modèle est dégradé, fragil isé, et i l abesoin de se corrigerbesoin de se corriger. Nous avons essayé de bien comprendre leursdemandes. Elles sont exposées en pages 5 et 6. Pour quelques autres, notre modèle est inadaptéPour quelques autres, notre modèle est inadapté, il ne leur permetpas de résoudre leur crise, la dépasser et réussir leur projet. Ces quelquesétudiants se décrivent comme « complètement perdus ».« complètement perdus ».Ils sont peu nombreux dans notre échantillon. Ce sont des étudiants quin’ont pas trouvé le code, ou l’ont perdu. Ils se noient dans la diversité denos approches. Ils ne comprennent pas que nos méthodes diffèrent les unesdes autres. Chacun des points positifs relevés par la majorité desinterviewés est pour eux source de dysfonctionnement. Ils sont soit trèsrécents, soit très anciens. Les très récents n’ont pas encore trouvé la clef.Les très anciens, à force de « déconstruction », se sentent de moins enmoins capables de se reconstruire. Ce sont les « déçus de Paris VIII ».les « déçus de Paris VIII ».Pour reprendre l’image, souvent utilisée dans un sens positif du « bain », lestrès récents expliquent qu’on les y a poussés mais qu’ils ne savent pasnager, ils coulent. Quant aux très anciens, ils se dissolvent.Leur critique ne pousse pas à corriger les défauts qui fragilisent ledépartement. Elles le remettent radicalement en cause, et ne permettentd’entrevoir aucune issue. Dans l’entretien, ils reproduisent la situation vécueà la fac : l’ impasse.l’ impasse. Nos fragil ités et les corrections à apporterNos fragil ités et les corrections à apporterLa positivité contenue dans la majorité des entretiens est parfois nuancée,plus ou moins fortement, par des critiques.Ces critiques pointent les éléments de notre fonctionnement ou de notreorganisation que les interviewés jugent non conformes à notrenon conformes à notre« prophétie Vincennoise », à notre modèle« prophétie Vincennoise », à notre modèle. Ce sont des éléments quiviennent contredire notre offre ou notre « structure decontredire notre offre ou notre « structure desoll icitation soll icitation » comme dirait Florence DESPRAIRIES. Un premier lot de critiques porte sur la base matérielle de notreUn premier lot de critiques porte sur la base matérielle de notredépartement.département.Nos locauxNos locaux sont souvent cités comme pénibles à vivre parce qu’ils sontsales, étroits, surpeuplés, peu entretenus. Nos murs ne sont jamais repeints.La nourriture servie dans notre restaurant est gratifiée de commentairesplus que caustiques. Beaucoup d’entretiens contiennent des revendicationsfurieuses concernant les toilettes et l’impossibilité de s’en servir.Le manque de matériel pédagogiquemanque de matériel pédagogique est cité comme le symptôme d’unmanque général de moyensmanque général de moyens (« Les profs n’ont même pas de quoiessuyer le tableau, on doit leur prêter un kleenex »).Les étudiants regrettent le manque d’espaces où ils pourraient serencontrer, se parler, s’associer.Par contre, notre bibliothèque est très souvent citée comme une réussite.

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La nourriture servie dans notre restaurant est gratifiée de commentairesplus que caustiques. Beaucoup d’entretiens contiennent des revendicationsfurieuses concernant les toilettes et l’impossibilité de s’en servir.Le manque de matériel pédagogiquemanque de matériel pédagogique est cité comme le symptôme d’unmanque général de moyensmanque général de moyens (« Les profs n’ont même pas de quoiessuyer le tableau, on doit leur prêter un kleenex »).Les étudiants regrettent le manque d’espaces où ils pourraient serencontrer, se parler, s’associer.Par contre, notre bibliothèque est très souvent citée comme une réussite.Elle est l’image du « nouveau Paris VIII accueillant et propre », avec sespetites lampes qui invitent à la lecture, au travail intellectuel et à laconcentration. Cependant, à la bibliothèque, on ne peut pas parler sansdéranger les autres. Ces critiques font écho à l’image sociale de « fac poubelle ». Comme si notre basematérielle matérialisait, justement, ce que la fac porte comme image sociale négative. Maisen même temps, beaucoup d’interviewés relativisent ces critiques. Comme s’il ne fallait pasnon plus que la fac, en devenant trop « clean », perde au passage ses qualités d’ouvertureaux « exclus ». Comme si la fac, si elle devenait trop belle, risquait d’être trop belle pourceux qui peuvent y entrer aujourd’hui. Un deuxième lot de critiques porte sur leUn deuxième lot de critiques porte sur les comportementscomportements dedecertains étudiants et non étudiantscertains étudiants et non étudiants.La vie en communauté est décrite comme difficile dans ce milieu ouvert,trop ouverttrop ouvert, menacé par des délinquants venus de l’extérieur (« où sontpassés les vigiles ? »), mais aussi par le manque de savoir vivre de certainsétudiants : nuisance que créent les fumeurs pour les non fumeurs, saleté,voire vols, cours dérangés par des allées et venues incessantes, brouhahaetc.Certains étudiants souffrent de leur solitude, n’arrivent pas à entrer encontact avec les autres. Ils se plaignent du manque de solidarité, del’individualisme, ils ne supportent pas « les autres ». Le comportement lemoins supporté, c’est la tricheriela tricherie. La solidarité mal supportée, c’est cellequi exige de noter les noms d’étudiants systématiquement absents sur lafeuille de présence des enseignants qui font de la présence un critère formelde validation. P8 n’échappe évidemment pas à l’effet « Al Capone », chaquerègle secrète immédiatement les moyens de sa transgression et uncommerce, un marché. Un certain nombre d’étudiants mettent à mal lemodèle, en ne jouant pas le jeu de P8, en ne respectant pas le code des SE.Ils « truandent »truandent », ils « glandent »glandent », ils organisent un « trafic destrafic desvalidations »validations » des UV (ainsi la validation chez B. CHARLOT serait vendue500F pour les deux fiches de lecture !). Une liste des UV faciles à fairevalider circule. Certaines UV validées sur un travail collectif (par exemple unexposé) sont mal supportées parce qu’elles donnent l’occasion aux« glandeurs » de « squatter » le travail des autres (« un groupe de cinq, il n’yen a que deux qui se tapent l’exposé »). La note unique est vécue commeune injustice. Pour beaucoup d’interviewés, ces coups de canif dans le contratcoups de canif dans le contrat sontcependant un phénomène secondaire. Les coupables sont considéréscomme les principales victimes du truandage, car avoir un diplôme n’est pasconsidéré comme une fin en soi. Pour la majorité, c’est le savoir qu’il fautacquérir, pas le diplôme. Il n’empêche que ces manquements à l’éthique sontune source de souffrance, une mise à l’épreuve pour certains qui doutent del’utilité de leurs efforts quand ils voient les tricheurs réussir aussi bien que

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une injustice. Pour beaucoup d’interviewés, ces coups de canif dans le contratcoups de canif dans le contrat sontcependant un phénomène secondaire. Les coupables sont considéréscomme les principales victimes du truandage, car avoir un diplôme n’est pasconsidéré comme une fin en soi. Pour la majorité, c’est le savoir qu’il fautacquérir, pas le diplôme. Il n’empêche que ces manquements à l’éthique sontune source de souffrance, une mise à l’épreuve pour certains qui doutent del’utilité de leurs efforts quand ils voient les tricheurs réussir aussi bien queles autres. Un troisième lot de critiques, et non des moindres, s’adresse auxUn troisième lot de critiques, et non des moindres, s’adresse auxenseignants.enseignants.Pour certains interviewés, nous sommes actuellement « en perte duen perte duprojet projet », perte de notre « utopie perte de notre « utopie » et de notre « pragmatisme notre « pragmatisme » :« y a des profs qui ronronnent, des pantouflards qui nous disent : on nechangera pas la société ! », « certains cours sont inaccessibles », « la multiréférentialité est un puzzle mal ficelé, très peu d’enseignants la maîtrisent »,« les profs, c’est un panier de crabes », « certains profs sont racistes »,« certains profs sont de très mauvais pédagogues », « certains profs nepréparent même pas leur cours », « certains profs veulent réinstaller la factraditionnelle », « certains profs sont snobs (allusion à l’affaire Sokal) »… Les conflits ouverts entre enseignantsconflits ouverts entre enseignants ne sont pas supportés, surtoutquand les étudiants servent de munitions. L’absence de lieu d’expression collective des étudiants estL’absence de lieu d’expression collective des étudiants estdéplorée déplorée : « il nous manque un lieu d’écoute ». Notre retard dans le domaine de l’informatique et des nouvellesnouvellestechnologies de l’ informationtechnologies de l’ information est parfois pointé comme le signe duvieillissement de notre projet, de notre déphasage avec la société et lamodernité.Rares sont les enseignants qui se servent d’internet, se mettent en réseauavec leurs étudiants. Beaucoup d’étudiants travailleurs souffrent du fait que leurs horaireshoraires leurrendent certaines UV inaccessibles parce que nous ne faisons aucuneaucunerotationrotation. En particulier, les étudiants qui concentrent leurs UV sur uneplage de temps fixe et restreinte (le soir ou un jour précis de la semaine, parexemple le mercredi), sont persuadés que les cours intéressants sontjustement les cours qui ont lieu dans les autres plages de temps (la journéeserait mieux que le soir, les lundis et mardis seraient mieux que le mercredietc.). Les UE intensivesUE intensives sont par contre très appréciées, justement parcequ’elles sont plus facilement négociables avec les employeurs. Les équivalences que nous donnons sont parfois jugéesLes équivalences que nous donnons sont parfois jugéesinéquitables. inéquitables. À parcours équivalents, selon quelques interviewés, nousaurions attribué des équivalences différentes (« 10 UV pour l’un, 13 UVpour l’autre »). Un quatrième lot de critiques porte sur l’administration, uneUn quatrième lot de critiques porte sur l’administration, uneadministration vécue comme lointaine, fermée, froide.administration vécue comme lointaine, fermée, froide.

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qu’elles sont plus facilement négociables avec les employeurs. Les équivalences que nous donnons sont parfois jugéesLes équivalences que nous donnons sont parfois jugéesinéquitables. inéquitables. À parcours équivalents, selon quelques interviewés, nousaurions attribué des équivalences différentes (« 10 UV pour l’un, 13 UVpour l’autre »). Un quatrième lot de critiques porte sur l’administration, uneUn quatrième lot de critiques porte sur l’administration, uneadministration vécue comme lointaine, fermée, froide.administration vécue comme lointaine, fermée, froide.Notre procédure d’inscriptionprocédure d’inscription est décrite par beaucoup comme unmartyre, ou un marathon. Certains étudiants se perdent dans les méandresde notre système, et mettent beaucoup de temps à jongler avec les blocs,les secteurs et les axes. Certains étudiants ont failli décrocher et renoncerdevant la difficulté qu’ils ont rencontrée pour s’inscrire et construire leurcursus. Heureusement la brochure explicative existe et permet à beaucoupde surmonter l’épreuve.Ces difficultés se soldent cependant par une énorme perte de temps. Or cetemps est précieux, surtout pour les étudiants travailleurs qui en ont trèspeu. Les horaires d’ouvertureLes horaires d’ouverture de notre secrétariat sont majoritairementcritiqués, car inadaptés aux étudiants travailleurs, encore une fois. Beaucoupd’interviewés estiment que le fonctionnement du secrétariat va à l’encontrede la philosophie du département. L’accueil est glaçant, la disponibilitéfaible. L’information circule mal, elle est jugée insuffisante.Par contre, YOUSSOUF est systématiquement cité comme un sauveur.sauveur. Mais pour ce quatrième lot de critiques comme pour le premier,Mais pour ce quatrième lot de critiques comme pour le premier,nombre d’interviewés relativisent le problème. Le cœur de la fac,nombre d’interviewés relativisent le problème. Le cœur de la fac,ce sont les étudiants et les enseignants. Leursce sont les étudiants et les enseignants. Leursdysfonctionnements (2dysfonctionnements (2ee et 3 et 3ee lots) sont plus pénalisants ou plus lots) sont plus pénalisants ou plusinquiétants que les problèmes de locaux et d’administration.inquiétants que les problèmes de locaux et d’administration. Les interviewés ont souvent manifesté une forte attente de voir cetterecherche déboucher sur des actions correctrices. J’espère avoir fidèlement repris, dans ce trop bref exposé, l’essentiel de leurexpression. J’espère aussi que nous saurons utiliser ensemble ce long etpatient travail réalisé avec cœur par les étudiants de mon UV. Le contenu de la recherche a été validé à l’unanimité Mardi 14 mars par les78 étudiants présents de l’UV « DISPOSITIFS SOCIANALYTIQUES ETDISPOSITIFS SOCIANALYTIQUES ETENJEUX DE POUVOIR ENJEUX DE POUVOIR » après un examen par groupes de 6 durant 2h 30’. Chacun de ces 78 étudiants s’est « retrouvé » dans cette analyse.

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Le contenu de la recherche a été validé à l’unanimité Mardi 14 mars par les78 étudiants présents de l’UV « DISPOSITIFS SOCIANALYTIQUES ETDISPOSITIFS SOCIANALYTIQUES ETENJEUX DE POUVOIR ENJEUX DE POUVOIR » après un examen par groupes de 6 durant 2h 30’. Chacun de ces 78 étudiants s’est « retrouvé » dans cette analyse.

3. Annexes

Les deux questions de lancementconstruites par les étudiantsintervieweurs

L’échantillon prévu, l’échantillonréalisé, la population mèreLes questions de lancement :GROUPE I - - Le 2 décembre 1999

La recherche que j’effectue se fait par entretiens non directifs enregistrésqui resteront anonymes.Ces entretiens seront synthétisés et donneront lieu à une analyse globaleafin de garantir la non identification des interviewés. Cette analyse te serarestituée.Je suis étudiant en second cycle des sciences de l’éducation et je fais uneUE d’analyse institutionnelle avec Patrice Ville. Dans le cadre de cette UE,une commission d’enseignants nous a sollicités pour effectuer une recherchedont les résultats peuvent influencer l’avenir du département. Il s’agit decomprendre qui sont les étudiants, leur cursus, d’où ils viennent, où ils vont,leurs attentes, leurs besoins. Ta participation peut nous permettre de faireentendre la parole des étudiants au sein de cette commission. TOI, PARLE MOI DE TON PARCOURS, DE TES ENVIES, DE TES UTOPIES, QUESE PASSE T-IL AUJOURD’HUI POUR TOI ?

GROUPE I IGROUPE I I

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une commission d’enseignants nous a sollicités pour effectuer une recherchedont les résultats peuvent influencer l’avenir du département. Il s’agit decomprendre qui sont les étudiants, leur cursus, d’où ils viennent, où ils vont,leurs attentes, leurs besoins. Ta participation peut nous permettre de faireentendre la parole des étudiants au sein de cette commission. TOI, PARLE MOI DE TON PARCOURS, DE TES ENVIES, DE TES UTOPIES, QUESE PASSE T-IL AUJOURD’HUI POUR TOI ?

GROUPE I IGROUPE I ICette enquête s’effectue par entretiens enregistrés qui resteront anonymes.L’analyse finale te sera restituée.

Une commission d’enseignants animée par Florence Giust Desprairies sedonne pour mission de dresser un état des lieux du département desSciences de l’Education. Elle veut dégager des objectifs pour les 4 années àvenir. La commission souhaite entendre notre parole.Nous réalisons ce travail dans le cadre d’une UE de Patrice Ville sur lestechniques d’entretien et d’analyse de contenu.Il s’agit de comprendre, qui sont les étudiants, leurs parcours, les difficultéscomme les satisfactions rencontrées ; comment ils s’organisent :

• dans leurs relations avec les autres étudiants, les enseignants,l’administration

• dans le choix de leurs horaires, de leurs UE etc. Voilà la raison pour laquelle je te pose cette question :

POURQUOI ES-TU ETUDIANT EN SCIENCES DE L’EDUCATION, QUELPOURQUOI ES-TU ETUDIANT EN SCIENCES DE L’EDUCATION, QUELEST TON PARCOURS, TON PROJET, COMMENT VIS-TU PARIS 8 ?EST TON PARCOURS, TON PROJET, COMMENT VIS-TU PARIS 8 ?

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ECHANTILLONECHANTILLON

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_________________________________________________________________________Date du document : mars 2000 Patrice Ville