julie ou la nouvelle heloise

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Julie ou la Nouvelle Héloïse est un roman épistolaire de Jean-Jacques Rousseau paru en 1761 chez Marc-Michel Rey à Amsterdam . Maintes fois réédité, il a été l'un des plus grands succès de librairie de la fin du XVIII e siècle , révélant ainsi la place faite à la sensibilité au temps des Lumières . Intitulé à l’origine Lettres de deux amans, Habitans d'une petite ville au pied des Alpes, La Nouvelle Héloïse s’inspire de l’histoire d’Héloïse et de Pierre Abélard , de plus de vingt ans son aîné, où la passion amoureuse est dépassée pour céder la place à la renonciation sublimée. En dépit du genre romanesque sous lequel se présente La Nouvelle Héloïse, l’œuvre baigne dans une théorie philosophique où Rousseau explore les valeurs morales d’autonomie et d’authenticité pour accorder la préférence à l’éthique de l’authenticité contre les principes moraux rationnels : n’accomplir ce qu’exige la société que conformément à ses propres « principes secrets » et aux sentiments qui constituent l’identité profonde. Sommaire [masquer ] 1 Intrigue 2 Analyse 3 Personnages 4 Résumé o 4.1 Première partie o 4.2 Deuxième partie o 4.3 Troisième partie o 4.4 Quatrième partie o 4.5 Cinquième partie o 4.6 Sixième partie 5 Réception o 5.1 Le Voyage du Commodore Anson comme ressort de l’intrigue 6 Commentaires 7 Notes et références 8 Voir aussi o 8.1 Bibliographie

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Page 1: Julie Ou La Nouvelle Heloise

Julie ou la Nouvelle Héloïse est un roman épistolaire de Jean-Jacques Rousseau paru en 1761 chez Marc-Michel Rey à Amsterdam. Maintes fois réédité, il a été l'un des plus grands succès de librairie de la fin du XVIII e siècle , révélant ainsi la place faite à la sensibilité au temps des Lumières.

Intitulé à l’origine Lettres de deux amans, Habitans d'une petite ville au pied des Alpes, La Nouvelle Héloïse s’inspire de l’histoire d’Héloïse et de Pierre Abélard, de plus de vingt ans son aîné, où la passion amoureuse est dépassée pour céder la place à la renonciation sublimée.

En dépit du genre romanesque sous lequel se présente La Nouvelle Héloïse, l’œuvre baigne dans une théorie philosophique où Rousseau explore les valeurs morales d’autonomie et d’authenticité pour accorder la préférence à l’éthique de l’authenticité contre les principes moraux rationnels : n’accomplir ce qu’exige la société que conformément à ses propres « principes secrets » et aux sentiments qui constituent l’identité profonde.

Sommaire

[masquer]

1 Intrigue 2 Analyse 3 Personnages 4 Résumé

o 4.1 Première partie o 4.2 Deuxième partie o 4.3 Troisième partie o 4.4 Quatrième partie o 4.5 Cinquième partie o 4.6 Sixième partie

5 Réception o 5.1 Le Voyage du Commodore Anson comme ressort de l’intrigue

6 Commentaires 7 Notes et références 8 Voir aussi

o 8.1 Bibliographie 8.1.1 Livres 8.1.2 Articles

o 8.2 Liens externes

Intrigue[modifier]

La Nouvelle Héloïse relate la passion amoureuse entre Julie d’Étange, une jeune noble, et son précepteur, Saint-Preux, un homme d’origine humble. Après avoir tenté de s’en défendre, ce dernier va tomber sous le charme de sa jeune élève. Saint-Preux et Julie vont alors s’aimer dans le décor du lac Léman, mais leur différence de classe sociale les force à garder leur relation secrète. En raison des conventions sociales qui empêchent cet amour de s’exprimer au grand jour, Saint-Preux quitte la Suisse pour Paris et Londres d’où il va écrire à Julie. Les deux personnages vont alors échanger de nombreuses lettres et billets amoureux délibératifs,

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cherchant une réponse au dilemme que leur pose leur amour et à la situation catastrophique qu’elle engendre, jusqu’à ce que la famille d’Étange, ayant découvert cette relation, persuade Julie d’épouser un autre homme, le vieux M. de Wolmar. Lorsque Saint-Preux rentre, des années plus tard, Julie a déjà choisi d’honorer ses vœux matrimoniaux et de remplir ses devoirs d’épouse et de mère. Incapable pourtant d’oublier Saint-Preux, Julie décide, par loyauté, d’avouer cet amour à son mari.

Analyse[modifier]

Emblème du roman sensible, la Nouvelle Héloïse constitue un prototype du mouvement littéraire préromantique dont on retrouve les caractéristiques :

exaltation des sentiments ; plainte des personnages qui se plaisent dans cette complainte.

Personnages[modifier]

Julie d’Étange, jeune noble. Amoureuse de son précepteur Saint-Preux, elle aura une liaison avec lui avant d’y mettre fin par un mariage de raison avec un vieil ami de son père.

Claire, cousine de Julie, amie inséparable de Julie qu’elle rejoindra à Clarens après son mariage.

Saint-Preux, précepteur de Julie dont il finira par tomber amoureux. Baron d’Étange, père de Julie. Noble suisse, ancien mercenaire autoritaire et

emporté, il mettra une opposition inflexible au mariage entre sa fille et Saint-Preux. Baronne d’Étange, mère de Julie, tentera en vain de fléchir son mari. Milord Édouard Bornston, lord anglais qui deviendra le meilleur ami de Saint-Preux

et son soutien le plus sûr. M. de Wolmar, compagnon d’armes du baron d’Étange qui lui a promis la main de sa

fille après qu’il lui a sauvé la vie.

Résumé[modifier]

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Le premier baiser par Nicolas Monsiau, 1761.

Première partie[modifier]

Saint-Preux écrit plusieurs lettres à Julie dans lesquelles il lui avoue son amour. Après avoir joué la froideur celle-ci finit par lui avouer qu’elle partage ce sentiment. Elle écrit, pour la supplier de revenir suivre les leçons de ce précepteur auprès d’elle, à sa cousine Claire qui comprend tout et tremble pour Julie. De platonique, la relation entre Saint-Preux et Julie prend un tour physique avec le baiser échangé dans le bosquet en présence de Claire. Saint-Preux effectue un premier voyage en Valais à la demande de Julie qui craint que leur relation ne soit découverte. Mis par le baron d’Étange en demeure d’accepter un salaire ou de cesser ses leçons, Saint-Preux quitte sa place et s’installe de l’autre côté du lac léman où il s’abandonne à tous les effets de sa passion. Julie tombe malade, mais le baron d’Étange ne veut pas entendre parler mariage et la fiance à M. de Wolmar. Julie devient la maîtresse de Saint-Preux. Les remords, qui suivent cette « chute », sont apaisés par Claire et Saint-Preux qui démontrent à Julie la responsabilité de la société dont les préjugés empêchent cet amour. Un départ en voyage des parents de Julie offrait aux deux amants une perspective de se voir librement chez Claire qui ne se réalise pas lorsque Saint-Preux doit, à son tour, s’absenter. Milord Édouard, dont Saint-Preux avait fait la connaissance lors de son voyage dans le Valais, rend visite à Julie et Saint-Preux. Il leur fait découvrir la musique italienne mais manque de se battre en duel avec Saint-Preux après que celui-ci a découvert qu’il n’est pas insensible aux charmes de Julie. Après avoir renoncé au duel, Milord Édouard propose à Saint-Preux de se faire le champion de sa cause auprès du baron d’Étange, mais ce dernier ne veut rien entendre. Après une explication avec sa fille, il la frappe et la blesse au visage. Bien qu’il se soit réconcilié avec elle, le père de Julie exige une séparation définitive et Saint-Preux doit quitter Clarens.

Deuxième partie[modifier]

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Seconde partie de la Nouvelle Héloïse

En exil, Saint-Preux s’abandonne au désespoir : milord Édouard écrit à Claire qu’il est passé de la léthargie à une sombre fureur. Milord Édouard offre un asile aux deux amants dans le duché d’York ou les « sages lois » anglaises leur permettront de se marier. Julie refuse afin de ne pas couvrir ses parents « de douleur et d’opprobre » tandis que Claire avait résolu de rester avec elle quelle que soit sa décision. Tentant de se reprendre, Saint-Preux décide d’entrer dans le monde. Julie met en garde Saint-Preux, qui lui répond en dépeignant la vie parisienne, ses habitudes, ses mœurs conjugales, son théâtre et les Parisiennes de façon négative. Julie répond en faisant la part entre Paris et la France. L’envoi d’un portrait d’elle déclenche des transports chez son amant. Saint-Preux rend compte à Claire de l’opéra et de la musique française en reprenant les termes de la Querelle des Bouffons. Saint-Preux trompe Julie par erreur lorsque de jeunes libertins l’ayant mené chez une prostituée qui pose à la femme de colonel, il se réveille, après s’être enivré (également par erreur) dans son lit. Julie répond en lui apprenant que sa mère a probablement découvert les lettres que lui a envoyé Saint-Preux.

Troisième partie[modifier]

La baronne tombe malade et Claire conjure Saint-Preux de renoncer à Julie. La baronne meurt, laissant Julie persuadée qu’elle est responsable de la mort de sa mère en dépit du caractère fort ancien de sa maladie. Le baron d’Étange rappelle sa promesse de mariage avec Wolmar à Julie qui lui répond qu’elle a promis à Saint-Preux de ne jamais épouser un autre que lui. Le baron d’Étange somme brutalement Saint-Preux de rendre sa parole à Julie. Saint-Preux s’exécute et tout est fini entre eux. Julie tombe gravement malade. Saint-Preux se précipite à son chevet. En embrassant la main de Julie, Saint-Preux a également contracté la petite vérole mais c’est « l’inoculation de l’amour » et il en réchappe. Julie et Saint-Preux songent à l’adultère, mais celle-ci traverse une crise religieuse qui la convainc de renoncer à

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Saint-Preux et de se soumettre à la volonté de ses parents. Julie épouse Wolmar et entreprend de dénoncer les « vains sophismes » philosophiques qui ont failli causer leur perte. Elle demande à Saint-Preux de l’autoriser à révéler le secret de leurs amours passées. Saint-Preux est fort loin de partager la sérénité de Julie et lui demande de n’en rien faire, lui demandant si elle est heureuse. Julie lui répond qu’elle l’est à condition que Saint-Preux ne cesse de l’aimer en frère et de loin. Elle lui brosse un tableau de sa vie conjugale inscrit sous le signe de la modération, y compris dans les sentiments que se portent les époux. Elle a définitivement tiré un trait sur le passé et fait le serment de ne pas se remarier si elle devient veuve. Elle conclut en lui demandant de ne plus lui écrire en se contentant de communiquer, dans les occasions importantes, par l’intermédiaire de Claire. Saint-Preux sombre dans le désespoir et songe au suicide. Il renonce à cette idée après s’être laissé convaincre par l’argumentation de Milord Édouard. Il fera, au lieu de cela, le tour du monde.

Quatrième partie[modifier]

Cinquième partie de la Nouvelle Héloïse

Julie n’a pas eu de nouvelles de Saint-Preux, parti faire le tour du monde, depuis six ans. Menant sa vie selon son plan de « modération », elle devrait, avec sa vie paisible, son mari modèle, ses deux charmants enfants, être heureuse, mais le bonheur n’est pas au rendez-vous. Julie continue d’éprouver des remords vis-à-vis de Wolmar au sujet de sa relation passée avec Saint-Preux. Enfin, les raisonnements philosophiques et les plans moraux ont échoué à lui faire oublier Saint-Preux. Elle écrit à Claire et lui demande de venir s’installer avec elle à Clarens. C’est précisément le moment où Saint-Preux réapparaît avec une lettre adressée à Claire où il lui apprend qu’il a terminé son voyage autour du monde et que, en chemin vers l’Italie avec Milord Édouard, il va passer la voir. Il demande également à revoir Julie, assurant que son amour pour elle est désormais de nature vertueuse. Wolmar, à qui Julie a fini par confesser sa liaison passée, écrit à Saint-Preux pour l’assurer de son amitié et l’inviter à

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Clarens. Arrivé à Clarens, Saint-Preux est saisi d’une intense émotion à la vue de son pays natal. Chez Wolmar et Julie, il découvre une vie où la sagesse des occupants leur permet de vivre frugalement dans la paix, l’innocence et le bonheur. Les serviteurs sont bien traités, on leur permet de danser et Julie danse même avec eux. Les maîtres de Clarens ont, quant à eux, conçu un jardin anglais appelé l’Élysée qui est comme un bout du monde à trois pas du château. Julie explique à Claire la conduite de M. de Wolmar vis-à-vis de Saint-Preux : ignorant la passion, il l’a épousée par inclination pour lui éviter de se déshonorer vis-à-vis des autres et d’elle-même. Il préfère « régler »1 l’amour entre Julie et Saint-Preux plutôt que de tenter de l’anéantir, persuadé que c’est de la jeune fille qu’était Julie et non de la femme qu'elle est devenue que Saint-Preux est amoureux. Il est tellement persuadé de cette idée qu’il projette même d’établir définitivement Saint-Preux à Clarens en l’instituant le précepteur de ses enfants. Pendant une absence de M. de Wolmar de quelques jours, Saint-Preux et Julie font sur le lac une promenade qui manque pourtant de mettre leur vertu à mal.

Cinquième partie[modifier]

Après avoir entendu la démonstration de Wolmar, Saint-Preux se déclare convaincu et prêt à entendre le secret du bonheur au château de Clarens : Wolmar cherche le bonheur dans les plaisirs simples d’une existence rustique paisible et retirée où la vraie richesse réside non dans l’accumulation des biens mais dans une aisance modérée. Les Wolmar sont prospères parce que, selon des principes proches de ceux des physiocrates, ils vivent en autarcie. Sains, honnêtes et simples, les plaisirs qu’on éprouve à Clarens y sont ceux de la vie champêtre, car la vie citadine ne vaut rien aux vertus. Les enfants sont éduqués selon les principes qui se retrouvent un an plus tard dans l’Émile : plutôt que de raisonner avec les enfants, il faut leur imposer le principe de la nécessité que la nature impose à l’homme et utiliser le principe de l’intérêt pour faire obéir l’enfant. Julie regrette néanmoins que M. de Wolmar soit athée. Sourd aux raisonnements de sa femme et à ceux de Saint-Preux, il ne veut pas non plus la tromper en feignant des sentiments qui ne seraient pas les siens. L’arrivée de Claire à Clarens pour n’en plus partir déclenche l’allégresse débordante de ses habitants. L’époque des vendanges est une nouvelle occasion de dessiner le tableau de l’idylle rustique à Clarens. Le renoncement pèse cependant à Saint-Preux qui parvient à grand peine à faire prévaloir la raison et la volonté sur les sentiments qu’il continue de porter à Julie. Arrivé à son tour à Clarens, Milord Édouard emmène Saint-Preux en Italie. Retrouvant la chambre qu’il a occupée lors de son premier voyage en Valais, Saint-Preux est submergé par l’émotion et la nostalgie. Ayant rêvé dans la nuit que Julie est morte, il retourne à Clarens dont il s’éloigne, rassuré, dès qu’il a entendu la voix de Julie et de Claire. Julie affirme à Claire que ce qu’elle prend pour de la compassion et de l’amitié envers Saint-Preux est en réalité de l’amour et l’engage à l’épouser.

Sixième partie[modifier]

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Sixième partie de la Nouvelle Héloïse

Claire répond à Julie qu’elle aime Saint-Preux sans l’aimer. Ses sentiments pour lui sont plus que de l’amitié, mais sans être de l’amour et, quand elle le voit, ce qu’elle pourrait ressentir pour lui s’évanouit. Quant à Saint-Preux, il ressent pour elle une affection mêlée de tendresse mais ce n’est pas de l’amour non plus. Il ne peut donc être question de mariage. Quant à Milord Édouard, il hésite entre épouser une aristocrate au caractère emporté et une ancienne courtisane qui fut sa maîtresse. Le dilemme est dénoué par l’entrée opportune au couvent de cette dernière. Claire écrit une longue lettre sur Genève où sont analysées les mœurs des Genevois qui sont dépeints comme francs, généreux, cultivés et leurs femmes gracieuses et sensibles quoiqu'elles aient tendance à se dégénérer en prenant les Françaises pour modèle. Julie revient à la charge avec sa proposition de mariage entre Claire et Saint-Preux, mais ce dernier refuse également. En fait, il s’estime « guéri » de l’amour. Julie tombe de plus en plus dans le mysticisme, mais se défend de devenir une dévote, même si elle continue de regretter l’athéisme de Wolmar. Une catastrophe survient alors que Julie a sauté à l’eau pour sauver son fils Marcellin après qu’il est tombé dans le lac : tombée malade, Julie a fini par succomber et est morte avec une très grande sérénité d’âme après avoir fait une profession de foi qui tourne à la thèse en théologie, ce qui ne laisse pas de surprendre dans la bouche d’une mourante. Elle a même trouvé la force, entre ses méditations sur la vie et la mort, d’écrire une lettre à Saint-Preux que lui envoie Wolmar. Cette lettre révèle à Saint-Preux que Julie n’avait jamais cessé de l’aimer : « Je me suis longtemps fait illusion. […] Vous m’avez crue guérie, et j’ai cru l’être. » L’ouvrage se conclut sur une lettre de Claire à Saint-Preux où elle lui avoue à son tour : « J’ai eu de l’amour pour vous, je l’avoue ; peut-être en ai-je encore, peut-être en aurai-je toujours », mais cela ne change rien à l’affaire car il ne saurait être question, pour elle, de commettre l’indignité et la lâcheté d’épouser Saint-Preux. Elle conclut en prédisant sa propre mort avant peu.

Réception[modifier]

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Avec au moins 70 éditions avant 1800, La Nouvelle Héloïse a peut-être été l’ouvrage à réaliser les meilleures ventes au XVIIIe siècle2. La demande était telle que, ne pouvant imprimer suffisamment d’exemplaires du roman, les éditeurs se mirent à le louer à la journée et même à l’heure. En dépit du clair aveu de paternité de Rousseau dans sa préface, « j’ai travaillé moi-même à ce livre, et je ne m’en cache pas », une bonne partie du lectorat choisit d’ignorer cette réalité pour s’identifier aux personnages et écrire des lettres enflammées à Rousseau lui demandant de leurs nouvelles.

La Nouvelle Héloïse a été mise à l’Index.[réf. souhaitée]

Le Voyage du Commodore Anson comme ressort de l’intrigue[modifier]

Le premier mouvement de la Nature.

Le Voyage du Commodore Anson, qui avait connu un grand retentissement une douzaine d’années auparavant, fut utilisé par Rousseau pour amplifier son intrigue en lui donnant une dimension planétaire, introduire un voyage bien plus épique que le classique tour en Italie (voire en Grèce) qu’accompliront les héros romantiques, illustrer enfin le mythe naissant du « bon sauvage ». La relation officielle du voyage d’Anson, rédigée par son chapelain qui avait collationné les journaux de bord des officiers, avait été publiée en 1748 et avait connu un grand succès tant dans les milieux maritimes que littéraires, et des traductions en français et en allemand avaient accru sa diffusion.

Pour séparer Saint-Preux de Julie, mariée à M. de Wolmar, un homme bon et digne, Milord Edouard Bornston a pensé faire engager le jeune homme dans l’état-major de son ami George Anson : la guerre de l'oreille de Jenkins est déclarée entre l’Angleterre et l’Espagne, et le capitaine Anson vient d’être nommé Commodore, chef d’une escadre chargée d’aller harceler les Espagnols dans le Pacifique. D’ailleurs Saint-Preux a de sérieuses connaissances en génie militaire, il pourra les accroitre en examinant les forteresses étrangères, et se rendre utile en cas de siège d’une ville espagnole : Lima (et même Manille) faisaient partie des objectifs (à vrai dire utopiques) de l’expédition. « Il est question, lui écrit Milord Edouard, d’une entreprise grande, belle, et telle que bien des âges n’en voient pas de semblable… »

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Saint-Preux accepte, rejoint Portsmouth, et décrit les préparatifs de l’embarquement … Jean-Jacques Rousseau, qui en fait de ports n’a vu avant 1761 (date de parution de Julie ou la nouvelle Héloïse) que Genève, Lausanne et Venise sait emporter le lecteur : « J’entends le signal et les cris des matelots, je vois fraîchir le vent et déployer les voiles. Il faut monter à bord, il faut partir. Mer vaste, mer immense, qui doit peut-être m’engloutir dans ton sein, puissé-je retrouver sur tes flots le calme qui fuit mon cœur agité… ».

Partie (trop tard) en septembre 1740, doublant le cap Horn à la mauvaise saison, arrivant exsangue aux Îles Juan-Fernandez, l’escadre d’Anson croise ensuite sur les côtes du Pérou, met à sac la petite ville côtière de Païta, monte en vain la garde pendant un mois au large d’Acapulco en attendant le Galion de Manille, puis se lance dans la traversée d’Est en Ouest du Pacifique. Seul le vaisseau-amiral, le Centurion, arrive à Macao après une escale providentielle sur une petite île paradisiaque et quasi-déserte de l’archipel des Mariannes : l’île de Tinian. En laissant entendre aux autorités qu’il désire rentrer directement en Angleterre, Anson obtient du gouverneur de Canton que son navire soit réparé (il faisait eau au point de menacer de couler), et réapprovisionné. Mais quand il reprend la mer, c’est pour aller se mettre encore une fois à l’affût du galion de Manille, au large des côtes des Philippines.

Utilisant son écrasante puissance de feu, Anson capture le galion à l’issue d’un combat bref, mais meurtrier pour les Espagnols. Il revient à Canton avec sa prise, obtient à nouveau d’être réapprovisionné, et, sur son Centurion surchargé de butin, repart vers l’Ouest, passe par le détroit de la Sonde et le cap de Bonne-Espérance, et est accueilli triomphalement en Angleterre en juin 1744.

Saint-Preux revient donc à Clarens, lui qui ne tenait plus à la vie, et alors qu’il n’y eut que 188 rescapés sur les 2 000 hommes qui prirent la mer quatre ans plus tôt… Il décrit ainsi son voyage à Mme d’Orbe (IVe partie, lettre 3) :

« Ma cousine, j’ai passé quatre fois la ligne, j’ai parcouru les deux hémisphères, j’ai vu les quatre parties du monde… J’ai fait le tour entier du globe. J’ai beaucoup souffert, j’ai vu souffrir d’avantage. Que d’infortunés j’ai vu mourir !… ».

« J’ai traversé paisiblement, ajoute-t-il, les mers orageuses qui sont sous le cercle arctique… » : pendant les trois mois épouvantables que durèrent le passage du Horn, l’escadre d’Anson perdit près des deux-tiers de ses marins…

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Le départ de Saint-Preux.

Suit le point de vue de Rousseau sur les différentes terres touchées par son héros, et il rappelle les thèmes favoris de l’écrivain :

« J’ai vu d’abord l’Amérique méridionale, ce vaste continent que le manque de fer a soumis aux Européens, et dont ils ont fait un désert pour s’assurer l’empire… J’ai séjourné trois mois dans une ile (il s’agit de Juan-Fernandez) déserte et délicieuse, douce et touchante image de l’antique beauté de la nature, et qui semble confinée au bout du monde pour y servir d’asile à l’innocence et à l’amour persécutés ; mais l’avide Européen suit son humeur farouche en empêchant l’indien paisible d’y habiter, et se rend justice en ne l’habitant pas lui-même… J’ai surgi dans une seconde île déserte (Tinian), plus inconnue, plus charmante encore que la première, où le plus cruel accident ( alors que Anson et la majeure partie de l’équipage se reposent à terre, le Centurion rompt son câble d’ancre et est emporté au large… ) faillit nous confiner pour jamais. Je fus le seul peut-être qu’un exil si doux n’épouvanta point… »

— Jean-Jacques Rousseau.

Rousseau, par la plume de Saint-Preux exprime aussi son horreur de la guerre :

« J’ai vu l’incendie affreux d’une ville (la bourgade côtière de Païta, au Nord du Pérou…) entière sans résistance et sans défenseurs. Tel est le droit de la guerre parmi les peuples savants, humains et polis de l’Europe : on ne se borne pas à faire à son ennemi tout le mal dont on peut tirer profit, mais on compte pour un profit tout le mal qu’on peut lui faire en pure perte… J’ai vu dans le vaste Océan, où il devraît être si doux à des hommes d’en rencontrer d’autres, deux grands vaisseaux se chercher, se trouver, s’attaquer, se battre avec fureur, comme si cet espace immense eût été trop petit pour chacun d’eux. Je les ai vus vomir l’un contre l’autre le fer et les flammes. Dans un combat assez court, j’ai vu l’image de l’enfer ; j’ai entendu les cris de joie des vainqueurs couvrir les plaintes des blessés et les gémissements des mourants. J’ai reçu en rougissant ma part d’un immense butin. »

— Jean-Jacques Rousseau.

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Saint-Preux relève aussi en quelques phrases les particularités des peuples qu’il a côtoyés, tant européens qu’asiatiques. Ainsi, pour les Britanniques (mais Rousseau n’avait pas encore traversé la Manche) :

« J’ai vu dans mes compagnons de voyage un peuple intrépide et fier, dont l’exemple et la liberté rétabliraient à mes yeux l’honneur de mon espèce, pour lequel la douleur et la mort ne sont rien, et qui ne craint au monde que la faim et l’ennui… ».

Mais Saint-Preux, mûri par ses aventures, « noir comme un More, marqué de petite vérole3 », la variole qu’il a d’ailleurs contractée avant son départ au contact de Julie malade, est encore plus séduisant, et la fatalité guette.

La nature sera sa consolatrice. Mais quand Saint-Preux écrit à Milord Edouard4 : « La campagne, la retraite, le repos, la saison, la vaste plaine d’eau (« le lac Léman ») qui s’offre à mes yeux, le sauvage aspect des montagnes, tout me rappelle ici ma délicieuse île de Tinian »,

Rousseau se doute-t-il en 1760 que cinq ou six ans plus tard, auteur d’un admirable roman sensible pour les uns – et responsable honni de brûlots anti-sociaux pour les autres – il sera heureux de se réfugier sur la petite île Saint-Pierre, au milieu du lac de Bienne ?

Commentaires

« Me voici à Vevey. Je ne saurais vous exprimer, madame, combien je désirais de voir cette ville et ses environs si vantés par Rousseau, et devenus si célèbres par son roman d’Héloïse. Je me disais souvent, si le fonds de toute cette histoire n’est qu’un conte, au moins les descriptions qu’il fait des sites, des mœurs, etc. doivent être des vérités. Mais, madame, mon attente a été entièrement trompée. J’ai trouvé, il est vrai, la situation de Vevey charmante, et ses habitants de bonnes gens ; mais les divins bosquets de Clarens, l’Élysée, les charmes que l’on goûte en habitant des chalets, tout cela n’a jamais existé que dans le cerveau bouillant de Rousseau. »

— Jean-Benjamin de Laborde, Lettres sur la Suisse, adressées à Madame de M***, 1783

Julie ou La Nouvelle Héloďse

Jean-Jacques Rousseau

Biographie

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Tout d'abord nous allons commencer par un rapide rappel biographique sur la vie de Rousseau.Né le 28 juin 1712 dans la république calviniste de Genčve, Jean-Jacques Rousseau perdit sa mčre quelques jours aprčs sa naissance. Ŕ Annecy, il rencontra Mme de Warens en 1728, jeune dame pieuse qui devint sa protectrice et sa maîtresse en 1733. En 1742, Jean-Jacques Rousseau se rendit ŕ Paris pour y gagner sa vie comme maître de musique, copiste et secrétaire particulier et se mit ensuite ŕ composer un opéra, les Muses galantes, qui ne remporta pas le succčs attendu.La vocation littéraire de Rousseau, il le raconta par la suite, survint un jour de 1749. En allant rendre visite ŕ Diderot enfermé au donjon de Vincennes, il lut le sujet du concours de l'Académie de Dijon, prit la plume aussitôt et rédigea son Discours sur les sciences et les arts. Un an plus tard, il apprit qu'il avait remporté le prix. Paru en 1750, ce premier ouvrage provoqua immédiatement des réactions diverses et, en six mois, son auteur se trouva au centre de tous les cercles intellectuels et mondains.Rousseau composa alors coup sur coup ses grandes śuvres : le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755), la Lettre ŕ d'Alembert sur les spectacles (1758), Julie ou la Nouvelle Héloďse (1761), Du contrat social (1762) et l'Émile ou De l'éducation (1762).En 1762, ce dernier ouvrage fut condamné par le parlement de Paris. Pour échapper ŕ son arrestation, Rousseau dut mener une vie errante pendant huit années. En 1770, il revint se fixer ŕ Paris et s'engagea ŕ ne plus rien publier de son vivant. Les Confessions (1765-1770, édition posthume 1782-1789), Rousseau juge de Jean-Jacques, Dialogues (1772-1776, posthume 1789) et les Ręveries du promeneur solitaire (1776-1778, posthume 1782) ne parurent qu'aprčs sa mort, survenue le 2 juillet 1778 ŕ Ermenonville.

Présentation des personnages

Il peut ętre intéressant ensuite de présenter les différents personnages qui interviennent dans l'action de ce livre et d'en rappeler l'histoire.

Saint PreuxSaint Preux (pseudonyme trouvé par Julie et Claire - son vrai nom n'apparaît jamais dans le roman) est un jeune roturier chargé par Madame d'Etanges au début du roman de l'éducation de sa fille Julie. Cependant, il tombera amoureux de son élčve mais fera tout pour garder leur passion pure et vertueuse. Dans ses lettres, il se révčlera ętre un fin philosophe et un habile sociologue bien qu'assez fragile émotionnellement.

Julie D'EtangesJulie D'Etanges est une jeune noble, fille de M. le baron D'Etanges. Inséparable de sa cousine Claire avec qui elle a été élevée par la " Chaillot ", elle est trčs pieuse et essaye de guider ses actes par la Vertu, la Raison et l'Honnęteté. Amoureuse de son précepteur, elle aura une liaison avec lui ŕ laquelle elle mettra fin par son mariage avec M. De Wolmar, dicté par ses principes qui prônent notamment l'obéissance filiale - en effet M. De Wolmar est un vieil ami de M. D'Etanges ŕ qui il avait promis sa fille par reconnaissance. Cette union fondée sur l'Estime et la Raison lui donnera deux fils (Marcellin), mais elle ne détruira pas son amour pour Saint Preux, elle le sublimera, au contraire.

ClaireClaire est la cousine inséparable de Julie avec laquelle elle a été élevée par la " Chaillot "; cependant elle a gardé une attitude et un caractčre beaucoup plus puéril que Julie. Mariée ŕ M. D'Orbe, elle aura

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une fille - Henriette - qu'elle décidera de confier ŕ Julie avant de rejoindre Julie et son mari ŕ Clarens. Claire sera l'adjuvant des 2 amants dans toutes les situations.

M. et Mme D'EtangesM. et Mme D'Etanges, les parents de Julie, appartiennent ŕ la haute noblesse suisse. M. D'Etanges rencontra - durant ses années de service auprčs de puissances étrangčres - M. de Wolmar, également mercenaire, ŕ qui il mariera plus tard sa fille. Trčs autoritaire et violent (Julie craindra réellement pour sa vie plusieurs fois) ainsi qu'entiché de noblesse, il s'opposera vivement ŕ tout mariage entre sa fille et Saint Preux, vulgaire roturier.Mme D'Etanges, pour sa part, est plus douce et généreuse, cherchant le bonheur de sa fille. Ainsi lorsque la liaison entre sa fille et Saint Preux sera révélée, elle tentera de fléchir son mari connaissant la pureté des sentiments de Saint Preux. Cependant, sa maladie l'en empęchera.

Milord EdouardEdouard Bomston de son nom, est un pair d'Angleterre rencontré par Saint Preux lors d'un voyage. Aprčs une dispute au sujet de Julie qui failli déboucher sur un duel, il deviendra avec Claire le plus solide adjuvant des deux protagonistes. Cultivé et raffiné, il sera le meilleur ami de Saint Preux qui l'aidera ŕ son tour lors d'une affaire personnelle en Italie.

M. De WolmarPrince russe en exil ŕ cause d'une sombre conspiration, il fit la connaissance du pčre de Julie lorsque tous deux mercenaires, il lui sauva la vie. Redevable, celui-ci décida de lui marier sa fille. Froid et tranquille, c'est un observateur doué - capable, semble-t-il, de lire dans les cśurs- mais cependant athée, ce qui causera beaucoup de peine ŕ Julie. Installé ŕ Clarens avec Julie, il y mettra en place son systčme social et philosophique devant apporter un bonheur obligatoire. L'échec de ce systčme se conclura par la mort accidentelle de Julie.

Résumé

Ce roman épistolaire, relate la passion mouvementée entre un jeune précepteur roturier Saint-Preux et son élčve, une jeune noble Julie d'Etanges. La différence sociale interdit tout espoir ŕ Saint-Preux et Julie, aprčs la mort de sa mčre, accepte d'épouser M. de Wolmar, un homme bon et plus âgé qu'elle ŕ qui son pčre l'avait promise. Ce mariage provoque une crise profonde entre eux et pousse Saint Preux ŕ faire le tour du monde.A son retour, désireux de revoir les cousines, il part ŕ Clarens, invité par M. de Wolmar qui - informé du passé - tentera de les guérir en transformant cet amour en amitié. Saint Preux s'émerveille alors du systčme mis en place ŕ Clarens. Cependant, pendant l'absence de Saint Preux, Julie se jette ŕ l'eau pour sauver son fils cadet et tombe gravement malade. Sa foi, sa sérénité et son courage réussiront ŕ convertir son mari. Elle meurt en confiant ŕ Saint Preux l'éducation de ses enfants ainsi qu'en lui réitérant son amour.

Julie ou La Nouvelle Héloďse est un roman épistolaire, en six parties et cent soixante trois lettres, qui connut un trčs grand succčs aux XVIII° et XIX° sičcles. Reprenant la situation d'Héloďse et Abélard, Rousseau y crée des personnages qui sont les reflets de ses idéaux : il dira dans Les Ręveries du Promeneur Solitaire avoir donné vie ŕ des ętres selon [s]on cśur. Cependant n'y voir qu'une grande et belle histoire d'amour serait passer ŕ côté de toute la richesse du livre qui influencera son sičcle et

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męme le suivant, en effet par le biais de ses personnages, Rousseau expose déjŕ les idées, concepts et théories qu'il développera dans ses śuvres futures.

I) Le couple Julie - Saint Preux : Passion et Vertu

Le lien entre Julie et Saint Preux est présenté dčs le sous-titre de ce roman : Lettres de deux amants habitant une petite Ville au pied des Alpes. Cependant, nous nous apercevons au fil du texte qu'ils semblent instaurer dans leur relation un lien indissoluble entre la Passion et la Vertu.Rousseau exalte la passion et en montre le caractčre irrésistible chez ces deux personnages : L'amour véritable est un feu dévorant qui porte son ardeur dans les autres sentiments… C'est pour cela qu'on a dit que l'amour faisait des héros. Il peint leurs transports, leurs peines cruelles, leurs joies et leurs faiblesses d'une maničre remarquable, ŕ tel point qu'on a pu qualifier cette śuvre de véritable " hymne ŕ l'amour ".Nous pouvons également noter la place primordiale occupée par la Vertu dans leur relation.Ainsi au XVIIIe sičcle, une réprobation morale implacable pčse sur la passion. Or, cet amour interdit - ŕ cause de la chimčre des conditions - loin d'abaisser les cśurs des deux protagonistes, les élčvera ŕ un niveau supérieur, quasi-mystique grâce ŕ la vertu, un amour inébranlable mais sans désir charnel : Pour nous aimer toujours, il faut renoncer l'un ŕ l'autre ; oublions tout le reste et soyez l'amant de mon âme. Cependant, au début du roman, les deux personnages s'égarent - comme le remarque Rousseau dans sa préface : Ils sont dans le délire, et ils pensent philosopher… Ils parlent de tout et se trompent sur tout - sur le vrai sens de la Vertu : ainsi, selon eux, les inclinations du cśur ne peuvent les égarer puisqu'ils sont inspirés par la Nature et donc la Vertu. Julie dénoncera la premičre cet amalgame : Je frémis quand je songe que des gens qui portent l'adultčre au fond de leur cśur osaient parler de vertu - Ce doux enchantement de vertu s'est évanoui comme un songe…et le bonheur a fui loin de nous. Ainsi, nous pouvons remarquer que la vertu est nécessaire pour trouver le bonheur. Dčs lors, ils combattront leur passion au nom de la Vertu dont ils ont retrouvé le vrai sens, et qui dénonce les égarements du cśur : le cśur nous trompe en mille maničres et n'agit que par un principe qui est toujours suspect, et leur permet de résister aux entraînements d'une passion aussi forte que la leur. Julie préfčrera męme la mort au risque de la tentation comme elle le déclare dans sa derničre lettre : Trop heureuse d'acheter au prix de ma vie le droit de t'aimer toujours sans crime et te le dire encore une fois.Nous pouvons voir que la réconciliation entre la Passion et la Vertu pour aboutir au bonheur passe par la religion, thčme trčs important dans ce roman : La vertu qui nous sépara sur Terre nous unira dans le séjour éternel.

II ) La philosophie de Rousseau

Rousseau a composé La Nouvelle Héloďse alors qu'il travaillait également sur d'autres śuvres comme notamment la Lettre ŕ D'Alembert (publiée en 1758), Du Contrat Social ou l'Emile (1762). Nous pouvons ainsi retrouver les principales idées de ces ouvrages esquissées dans ce livre dont le type (le roman épistolaire) permet les dissertations morales sur les sujets les plus divers, de l'éducation jusqu'au suicide. Ce livre apparaît donc comme une somme des idées, sentiments et ręves de Rousseau exprimés en polyphonie par les personnages - dont Saint Preux qui apparaît dčs lors comme son double. Cependant la richesse de ce livre réside dans l'alternance des points de vue des

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personnages sur un męme sujet : Rousseau se plait ŕ peindre parfois des opinions discordantes comme il le fera plus tard dans l'Emile en faisant parler ses détracteurs ou dans la préface męme de ce livre : Entretien sur les Romans, dialogue entre Rousseau et un lecteur détracteur de ce livre.Par l'intermédiaire des personnages, Rousseau expose ses jugements sur le théâtre et les arts, la société - frivole et corruptrice męme du plus droit des hommes, comme le montreront les mésaventures de Saint Preux : A vingt et un an, vous m'écriviez du Valais des descriptions graves et judicieuses; ŕ vingt cinq vous m'envoyez de Paris des colifichets de lettres, oů le sens et la raison sont partout sacrifiées ŕ un certain tour plaisant - les idées religieuses qui annoncent La Profession de foi du Vicaire savoyard. Ce livre est également le lieu de réalisation des concepts rousseauistes sur l'éducation (au sujet des enfants de Julie) ainsi que sur une société idéale ayant pour modčle le systčme instauré ŕ Clarens par M. de Wolmar (dont la volonté d'isolement par rapport au reste de la société jugée corruptrice rappelle fortement sa théorie du bon sauvage).Ainsi plus qu'une simple histoire d'amour, ce livre est en fait un recueil des pensées, concepts et théories philosophiques de Rousseau qu'il développera ensuite dans des śuvres qui l'ont rendu célčbre.

III ) Influences morales et littéraires.

Ce roman possčde ŕ la fois une influence morale et littéraire. En effet, Rousseau dépeint dans son śuvre passion, vertu et une référence ŕ la nature.Tous ces sentiments, se regroupent alors pour influencer moralement le lecteur. Ainsi, contrairement ŕ Marivaux oů l'émotion était l'aboutissement d'une analyse subtile, la sensibilité dans la Nouvelle Héloďse résulte d'avantage de la raison.Les lecteurs de ce roman apprécičrent alors les délices des sentiments passionnés et de la vertu. Cependant, il ne faut pas oublier les mśurs de l'époque avec un libertinage assez présent qui sera explicitement dévoilé dans Les Liaisons Dangereuses. L'influence de Rousseau sur la société du XVIII fut ainsi d'un apport bénéfique. En effet, Julie prévient elle-męme le lecteur des sentiments opportuns. De ce fait, de nombreux contemporains - débauchés repentis ou femmes du monde - affirment avoir changé leur mode de vie, touchés par la grâce des vertus de Julie.Rousseau se sert donc de son śuvre pour combattre le rationalisme de l'époque, en faisant de la vertu une volupté et du sentiment religieux un plaisir.L'influence littéraire n'est pas moins considérable. En effet, elle prépare ŕ la plus grande période de la littérature française, le romantisme. La Nouvelle Héloďse, qui décrit le culte de la passion préparera au roman personnel et au roman-confident.Ainsi, dans Le Lys dans la vallée de Balzac, on retrouve un lien étroit entre le paysage et les états d'âmes. Par son art également, Rousseau réoriente la littérature vers le lyrisme. La transparence du cśur se traduit alors en une prose rythmée comme nous pouvons l'apercevoir dans la lettre vingt trois de la premičre partie.Pour ainsi dire, Rousseau s'écarte de l'art classique en se détachant de la lucidité et en renforçant la suggestion et l'émotion.

Conclusion

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La Nouvelle Héloďse est une śuvre exemplaire. Précurseur d'un nouveau style, le romantisme, elle aura des répercussions énormes sur son époque comme le prouvera son succčs considérable (entre 1761 et 1800, elle ne comptera pas moins de soixante douze éditions). En effet, bien que Rousseau et la plupart de ses contemporains jugent les romans comme des livres efféminés qui respir[ent] l'amour et la mollesse, il a réussi ŕ en faire un livre utile et moral, pręchant - entre autres - les bonnes mśurs, la vertu ainsi que ses concepts majeurs, notamment sur l'éducation.

RESUME

Page de titre de la première édition Julie ou la Nouvelle Héloïse est un roman épistolaire de Jean-Jacques Rousseau paru en 1761 chez Marc-Michel Rey à Amsterdam. Le roman maintes fois réédité a été l'un des plus grands succès de librairie de la fin du XVIIIe siècle, révélant ainsi la place faite à la sensibilité au temps des Lumières. Intitulé à l'origine Lettres de deux amans, Habitans d'une petite ville au pied des Alpes, La Nouvelle Héloïse s'inspire à l'évidence de l'histoire d' Héloïse et d' Abélard, où la passion amoureuse est dépassée pour céder la place à la renonciation sublimée. En dépit du genre romanesque sous lequel se présente La Nouvelle Héloïse, l'oeuvre baigne dans une théorie philosophique où Rousseau explore les valeurs morales d'autonomie et d'authenticité pour accorder la préférence à l'éthique de l'authenticité contre les principes moraux rationnels: n'accomplir ce qu'exige la société que conformément à ses propres principes secrets et aux sentiments qui constituent l'identité profonde.

Julie ou la nouvelle Heloise de Jean-Jacques Rousseau

Julie ou La Nouvelle Héloïse, roman épistolaire, 1761.

Dans les Confessions, Rousseau se souvient de ses premières lectures : ce sont les romans d'amours laissés par sa mère. Ces lectures, faites avec avidité, font sur le jeune Jean-Jacques une très forte impression. C'est, dit-il, le "temps d'où je date la conscience de moi-même". Plus tard, son imagination exaltée lui fait concevoir des objets propres à la fixer, et c'est ce qui l'aide à supporter les mauvais traitements de son maître, le graveur Ducommun. Mais parallèlement, Rousseau nourrit une grande méfiance à l'égard du genre romanesque, qui exalte de façon dangereuses les illusions du lecteur, ou plus exactement de la lectrice, car le public romanesque est principalement féminin.

Pourtant, c'est le roman qui semble la forme la plus adaptée à un projet qui naît en 1756, alors que Rousseau vit retiré à l'Ermitage, auprès de Madame d'Epinay : son cœur aimant ne trouve pas d'objet où fixer son affection. Alors, il invente des êtres selon son cœur, deux jeunes femmes, l'une brune et l'autre blonde, l'une vive et l'autre douce, avec lesquelles il échangerait toute une correspondance. C'est ainsi que s'ébauche la Nouvelle Héloïse, et que les personnages de Julie, Claire et Saint-Preux s'élaborent. La forme épistolaire permet une multiplication des points de vue et une variété des voix, propres à créer une composition symphonique que devait apprécier Rousseau, par ailleurs auteur d'un opéra.

L'héroïne, Julie d'Etanges, aime Saint-Preux, son précepteur. Cet amour est pur et vertueux, innocent selon la nature. La pureté des sentiments est également représentée par l'amitié qui unit les deux

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jeunes gens et Claire. Mais la société contrarie les amours innocentes : Julie doit épouser Monsieur de Wolmar, et malgré sa volonté de résister à ses sentiments, elle finit par succomber. En effet, alors que la nature est franche, la société produit le mensonge et tolère l'adultère. Julie refuse ce mensonge social et se confie à son mari, qui la soutient et lui renouvelle sa confiance en rappelant Saint-Preux : dans la microsociété idéale de Clarens, la liberté, la vertu, le bonheur et la vérité règnent. Clarens est sans doute la réponse à l'aporie soulevée dans le Discours sur l'inégalité : l'état de nature est perdu pour jamais, et les dégradations dues au progrès sont irréversibles, mais il est possible au moins en théorie de créer un état ultérieur, qui rétablirait les conditions de l'état de nature dans une société maîtrisée. C'est un monde selon le cœur de Rousseau, où vit une communauté heureuse.

Autre paradoxe : c'est un roman, genre qui par excellence est souvent décrié pour son immoralité, qui propose le tableau édifiant de la lutte victorieuse de la vertu contre les passions. Le combat de Julie et de Saint-Preux ne se déroule pas sans souffrances ni sans difficultés. La mort héroïque de Julie est certes consécutive au sauvetage d'un de ses enfants de la noyade. Mais elle paraît sur son lit de mort comme une martyre, une figure quasi-christique du sacrifice à la vertu. C'est donc dans le cadre d'une fiction que Rousseau va développer ses théories morales, adaptant ainsi les moyens à la fin : c'est que le public auquel l'auteur veut s'adresser est justement ce lectorat mondain et féminin, grand amateur de romans.

"La Nouvelle Héloise" écrit par Jean-Jacques Rousseau et publié en 1761, est un roman épistolaire qui relate la passion mouvementé entre un jeune précepteur roturier qui se surnomme Saint-Preux et son élčve, une jeune noble, Julie D'Etanges.La différence social interdit tout espoir a Julie et Saint-Preux.Aprčs la mort de sa mčre, atteinte d'une maladie, elle accepte d'épouser M. De Wolmar, un homme plus agé qu'elle a qui son pčre l'avait promise parce que celui-ci lui avait sauvé la vie lorsqu'ils étaient tout deux mercenaires. Ce mariage provoque une profonde crise entre elle et Saint Preux, et pousse Saint Preux a faire le tour du Monde.Par la suite, Julie aura 2 fils avec M. De Wolmar.A son retour, désireux de revoir Julie, il part a Clarens ou celle-ci vit avec son mari invité par celui-ci, qui informé du passé tentera de les guérir en transformant cet amour en amitier.Cependant, pendant l'absence de Saint Preux, Julie se jette a l'eau pour sauver son fils cadet et tombe gravement malade.Elle meurt en confiant a Saint Preux l'éducation de ses enfants ainsi qu'en lui réitérant son amour.

la nouvelle héloise n'est seulement un roman épistolaire qui relate une histoire d'amour enre deux jeunes mais plutôt c'est une documentation économique ,littéraire et sociale