grand dictionnaire de la philosophie

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Cet ouvrage  est paru  à l’origine  aux Edit io ns Larous se en 2003  ; sa nuri sati on a ét é al is ée av ec le sout ien du CNL. Cet te édi tion numérique  a été spéc ialement recompos ée par les Edi ti ons Larousse dans le cadr e d’ une coll abor at ion av ec la BnF  pour  la  bibliothèque numéri que  Gallica.

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Cet ouvrage   est paru   à l’origine   aux Editions Larousse en 2003   ;
sa numérisation a été réalisée avec le soutien du CNL.
Cette édition numérique   a été spécialement recomposée par
les Editions Larousse dans le cadre d’une collaboration avec la
BnF   pour   la   bibliothèque numérique   Gallica.
 
*Titre : *Grand dictionnaire de la philosophie / sous la dir. de Michel Blay
*Éditeur : *Larousse (Paris)
*Sujet : *Philosophie -- Dictionnaires
*Type : *monographie imprimée
*Langue : * Français
*Format : *XIII-1105 p. : couv. et jaquette ill. en coul. ; 29 cm
*Format : *application/pdf
*Relation : * http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb39020257j
*Provenance : *bnf.fr
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Cet ouvrage est paru à l’origine aux Editions Larousse en 2003 ;
sa numérisation a été réalisée avec le soutien du CNL.
Cette édition numérique a été spécialement recomposée par
les Editions Larousse dans le cadre d’une collaboration avec la
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Conception du projet et responsabilité éditoriale
Jean-Christophe Tamisier
Myriam Azé, Marie Chochon, Tiphaine Jahier, Céline Poiteaux
 
Toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, du
texte et/ou de la nomenclature contenus dans le présent ouvrage, et qui sont la propriété de
l’éditeur, est strictement interdite.
Distributeur exclusif au Canada : Messageries ADP, 1751 Richardson, Montréal (Québec).
ISBN 2-03-501053-5 downloadModeText.vue.download 4 sur 1137
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Présentation
! Ce Grand Dictionnaire de la philosophie s’efforce de passer en revue, de manière à la fois
à la fois englobante et suffisamment détaillée, les origines, les développements et les pro-
longements présents de la réflexion philosophique. Outre la présentation de la philosophie
« pérenne » dans toute son extension occidentale, ont été particulièrement mis en relief les
rapports de la philosophie et des sciences (« dures » et humaines et sociales).
! Il est rendu compte sans parti pris ni exclusive de la cristallisation progressive des notions
fondamentales et des principaux concepts opératoires. Une attention que l’on a voulu aussi
 
constamment référencée les problématiques récurrentes ou nouvelles. Tout ce qui est ainsi
dégagé est enrichi par le jeu de va-et-vient ouvert entre ces entrées et une abondante série de
textes d’auteurs, qui sont autant de « dissertations notionnelles » ou de « mini-essais », stimulants
pour l’esprit et appelant la discussion. L’ensemble témoigne du dynamisme de l’interrogation
philosophique, et tout le livre vise en somme à fonctionner comme une authentique « machine
à philosopher ».
! Le public auquel cet ouvrage s’adresse se veut le plus large possible. Il comprend les étu-
diants, les enseignants et chercheurs, mais aussi le grand public cultivé conscient que le désir
de sens qui l’attire vers la philosophie doit être informé par un savoir constitué, une juste
perception des jeux d’influence qui ont mené à la position actuelle des questions et une sai-
sie exacte de la nature des débats et de leurs enjeux. L’ouvrage repose ainsi sur un double
pari : 1) que ceux qui se forment ou se sont formés à l’étude de la philosophie restent bien
convaincus de la nécessité de maîtriser l’ensemble du domaine, et que la spécialisation n’a
de valeur qu’opérée sur fond d’une connaissance globale, permettant de dépasser les pièges
de l’unilatéralisme et de la restriction des champs d’études ; 2) que ceux qui sont intéressés
par le domaine peuvent sans technicité excessive accéder à une pratique personnelle de la
philosophie qui aille bien au-delà de la consommation d’une certaine philodoxie de consola-
tion, à mi-chemin entre le développement personnel chic et la réactualisation de bons vieux
préceptes moraux.
 
! Les entrées notionnelles de l’ouvrage sont organisées de la manière suivante : le libellé de la
notion est suivi généralement d’un aperçu étymologique, puis d’une courte synthèse si la lon- downloadModeText.vue.download 5 sur 1137
GRAND DICTIONNAIRE DE LA PHILOSOPHIE
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gueur et la complexité de l’entrée l’ont rendue souhaitable. Ensuite viennent l’item ou les items
de traitement encyclopédique de la notion, précédé(s) de l’énoncé de la ou des discipline(s)
concernée(s). La définition (en gras) est suivie d’un commentaire qui met en scène les princi-
paux moments de l’histoire du concept et en précise le sens, et se termine le cas échéant par
un paragraphe (marqué par !) qui souligne les enjeux actuels. Après la signature de l’auteur sont placés la liste des références signalées dans le texte par des chiffres en exposant, et / ou
des conseils bibliographiques. Tout à la fin sont indiqués les renvois à d’autres articles ou aux
dissertations en rapport avec l’item.
! Une entrée peut donc être mono thématique ou bien enchaîner plusieurs items. Le prin-
cipe général a été de faire se succéder les items de philosophie générale, en succession
chronologique (philosophie antique, puis médiévale, puis moderne, puis contemporaine par
exemple) et les items spécialisés (par exemple, philosophie morale et politique, épistémologie,
logique...).
! Le dictionnaire contient quelque onze cents entrées notionnelles et présentations de cou-
rants et doctrines et soixante-dix dissertations. On trouvera page 1087 la liste des abréviations
utilisées pour caractériser les disciplines, et la liste générale des entrées avec mention de leurs
signataires.
 
défauts, ce dictionnaire ren-
dra de réels services, et contribuera à sa manière et si modestement que ce soit à affermir des
vocations et à maintenir à leur meilleur niveau les études philosophiques. Et nous recueillerons
bien volontiers les avis et critiques des lecteurs et utilisateurs.
Jean-Christophe Tamisier downloadModeText.vue.download 6 sur 1137
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Avant-Propos
Aventures intellectuelles
« Mais l’obstacle numéro un à la recherche de la lumière,
c’est bien probablement la volonté de puissance, le désir d’exhiber ses virtuosités ou de se ménager un abri contre des objections trop évidentes.
La vérité est une limite, une norme supérieure aux individus ; et la plupart d’entre eux nourrissent une
animosité secrète contre son pouvoir. »
André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, préface, PUF, Paris, 1926.
« C’est proprement avoir les yeux fermés, sans tâcher jamais de les ouvrir, que de vivre sans philosopher ; et le plaisir de voir toutes les choses que notre vue découvre n’est point compa- rable à la satisfaction que donne la connaissance de celles qu’on trouve par la philosophie ; et enfin cette étude est plus nécessaire pour régler nos moeurs, et nous conduire en cette vie, que n’est l’usage de nos yeux pour guider nos pas. » Cette phrase de Descartes, tirée de la lettre-préface qu’il adresse à l’abbé Picot, pour être placée en tête de la traduction en français des Principia philosophiae de 1644 (Principes de la philosophie, Paris, 1647), s’inscrit dans une longue tradition où la philosophie s’est affirmée à la fois comme quête de sagesse et souci de connaissance, comme condition de possibilité de toute aventure intellectuelle de chacun et de l’humanité en tant qu’ils prennent conscience d’eux-mêmes.
 
philosophiques, construits comme des monuments de la pensée, des monuments assurément très beaux, mais parfois un peu clos sur eux-mêmes, que dans les gestes philosophiques, les gestes créatifs, ceux qui produisent des concepts, qui ouvrent le monde sur le monde. Tout le sens de la démarche philosophique est à saisir dans la pensée en marche, dans celle qui se construit en s’interrogeant, toujours, dans la tension, jusqu’à l’essentiel, jusqu’au silence. Certains ont tendance, dans notre monde aux domaines d’études bien séparés, à la vérité cir- conscrite, où chacun est responsable de son pré carré, de ses méthodes et de ses raisons, à réduire la philosophie à une sorte de discipline qu’elle ne peut pas vraiment être au regard des divers champs disciplinaires ou même de ceux que constituent, depuis quelques décennies, downloadModeText.vue.download 7 sur 1137
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les sciences humaines et sociales. La philosophie n’a pas vocation à être une discipline, si ce n’est du point de vue de l’étude de son histoire, mais plutôt à être une discipline de l’esprit et de la vie – et c’est en cela qu’aujourd’hui elle est parfaitement insupportable et inadmissible : mais précisément ne l’a-t-elle pas toujours été lorsqu’elle savait échapper à l’académisme pour retrouver son mouvement vers le haut, son indéracinable souci de vérité, la plénitude de son
sens ?
Dans cette perspective, cet avant-propos ne peut avoir de justification qu’en montrant le sens qu’il y a, comme il y a eu, à philosopher, à poursuivre cette aventure intellectuelle lancée depuis plusieurs millénaires.
Poursuivre cette aventure intellectuelle, c’est précisément traverser les champs du savoir, les anciens comme les nouveaux, essayer les concepts, les déconstruire pour les reconstruire et, comme dans une sorte de geste de peintre cubiste, en saisir simultanément les différentes implications et la multiplicité des enjeux, pour vivre aujourd’hui, c’est-à-dire vivre en pensant, en ouvrant les yeux.
N’y a-t-il pas alors de lieu plus éclairant, plus propre à faire voir toutes les choses du monde qu’un dictionnaire ; feuilleter le monde – souvenirs d’enfance devant les vieux Larousse – et s’éblouir en découvrant des concepts ?
 
qu’aujourd’hui la publication d’un dictionnaire s’impose. Elle s’impose, en effet, d’abord pour combler une lacune entre, d’une part, des ouvrages un peu anciens tels que le remarquable Vocabulaire technique et critique de la philosophie, mis au point par André Lalande sous l’égide de la Société française de philosophie, dans le premier quart du xxe s., ou d’autres, trop scolaires, ignorant les nouvelles avancées conceptuelles ; et, d’autre part, ceux qui, trop gros, trop techniques ou trop spécialisés, semblent comme se refuser et, ignorant le quidam, se referment sur leur savoir, comme dans un geste de mépris.
Nous nous sommes donc proposé dans ce Grand Dictionnaire de la Philosophie de donner une place significative, mais pas toute la place, à divers champs de recherche et d’études aujourd’hui en pleine réorganisation et dont il est nécessaire de connaître les concepts et leur enracinement historique pour les travailler, les penser et les juger. Ainsi en est-il, par exemple, des nouveaux chantiers que constituent les approches renouvelées de la philosophie des sciences et en particulier des sciences cognitives, approches mêlant apports théoriques et expérimentaux provenant de champs très divers. De même, la psychologie du développement comme la psychologie expérimentale ou les neurosciences, travaillées par des analyses phi- losophiques qui se situent autant dans la mouvance phénoménologique que dans la tradition analytique, dessinent, souvent contre les anciennes disciplines, de nouveaux chemins qu’il convient de regarder de très près pour éviter – le retour des ombres du scientisme est toujours possible – de voir se dissoudre définitivement la question du sujet, du soi créateur. Il est bien clair que ces études et la compréhension de leurs enjeux ne sont possibles qu’en s’appuyant sur un ensemble de connaissances scientifiques relevant de la logique, des mathématiques, de la physique et de la biologie. Les notions essentielles ont donc été introduites dans ce dic- tionnaire sans que, pour autant, ce dernier ait vocation à devenir un dictionnaire spécialisé de l’une ou de l’autre de ces sciences.
La philosophie de l’art (des arts) s’est aussi considérablement renouvelée en associant les approches spécifiques de la philosophie analytique et les analyses d’orientation phénoménolo- gique et ontologique. Il nous a donc semblé déterminant de donner une large place à ces nou- downloadModeText.vue.download 8 sur 1137
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les études cognitivistes
concernant, en particulier, la perception de l’espace, des couleurs, du mouvement, etc. Ainsi,
l’oeuvre d’art, via les questions portant sur ce qu’il en est de l’expérience esthétique, devient
comme un point de rencontre pour les réflexions relatives à l’analyse des processus mentaux
et pour celles qui touchent aux enjeux culturels et symboliques.
La philosophie politique, longtemps dominée par la pensée d’orientation marxiste, s’est ou-
verte, depuis quelques décennies, sur de nouveaux territoires. La réflexion s’est développée
autour du débat sur ce que l’on peut appeler l’être en commun, les droits de l’homme et du
citoyen, la question de la justice et de la gouvernance, la république.
À travers ces quelques exemples, et sans parler des discussions que suscitent les avancées
récentes des sciences biologiques impliquant de réécrire, si l’on peut dire, une éthique, c’est
l’ensemble des champs du savoir qui, aujourd’hui comme hier, requiert l’exercice de la pensée
philosophique c’est-à-dire d’une pensée où chacun confronte, dans la solitude, dans le silence,
dans l’isolement et dans la rigueur, sa pensée à d’autres manières de penser. La mise en oeuvre
de cette pensée philosophique doit être amorcée de telle sorte que, chacun, le quidam dont
nous parlions précédemment, puisse y entrer pour s’en nourrir et la nourrir. C’est la raison
pour laquelle de petits essais, courts et percutants, des textes d’auteurs, portant sur des ques-
tionnements d’intérêt général, relevant de ce qu’on nomme habituellement les « grandes ques-
tions », ont été insérés dans le corps de ce dictionnaire. Ces essais ne sont que des exemples,
des efforts de pensée, des signes vers la pensée de chacun, de chaque lecteur, des signes qui
 
née, conceptuelle, bien référencée et ouverte sur le monde, pour tout le monde ; de ce dic-
tionnaire, nous avons voulu faire, pour parler nettement, un instrument de philosophie active.
En ce sens, la publication d’un tel dictionnaire, oeuvre collective écrite et pensée par des
individus, tant par l’ensemble des définitions conceptuelles qu’il offre, en les inscrivant dans
leur dimension historique, que par la mise en oeuvre de ces concepts dans de brefs essais, n’a
pour but, à travers les divers champs de la réflexion philosophique, que de tendre la main à
la pensée, que de l’aider à surgir, que de rendre à chacun, contre les caricatures du savoir qui
s’affichent sur le devant de la scène, ces biens inaliénables que sont la liberté intérieure et le
sens de la méditation.
* * *
Ce dictionnaire n’existerait pas sans les efforts, le travail, la volonté farouche et, bien sûr – mais
cela va de soi –, les compétences de Fabien Chareix et de Jean-Christophe Tamisier. Leur exi-
gence intellectuelle s’exprima à tout moment ; jamais ils ne voulurent céder à la facilité. Je les
en remercie. Je tiens aussi à remercier les responsables des sections et tous leurs collaborateurs
et collègues qui s’engagèrent dans cette entreprise, comme dans une navigation au long cours
et qui, toujours, surent tenir le cap, en dépit, parfois, du gros temps et des vents contraires. Je
ne voudrais pas non plus, dans ces remerciements, oublier tous ceux qui, au quotidien, chez
Larousse, dans des conditions parfois très difficiles, donnèrent leur temps et leur savoir avec
une immense générosité.
Quant aux imperfections et aux manques de ce dictionnaire, ils sont de mon entière responsa-
bilité ; j’attends philosophiquement les critiques et les reproches.
MICHEL BLAY
Direction d’ouvrage
Suivi de la rédaction
Équipe interne de rédaction
Sébastien Bauer, André Charrak, Fabien Chareix, Clara Da Silva-Charrak, Laurent
Gerbier, Didier Ottaviani, Elsa Rimboux
Ont collaboré à cet ouvrage
Olivier ABEL, Professeur, Faculté de théologie protestante, Paris.
Jean-Paul AIRUT, Chercheur en histoire de la philosophie, collaborant au centre Raymond de recherches politiques (EHESS) et à l’Équipe internationale et interdisciplinaire de philosophie pénale (Paris II).
Anne AMIEL, Professeur de philosophie en classes prépara- toires, Lycée Thiers, Marseille.
Saverio ANSALDI, Maître de conférences associé en philoso- phie, Université de Montpellier III.
Diane ARNAUD, Chargée de cours, Université de Paris III.
Anne AUCHATRAIRE, Responsable des scènes nationales et du festival d’Avignon, direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacle, Ministère de la culture, Paris.
Benoît AUCLERC, Allocataire-moniteur normalien en philoso- phie, Université de Lyon II.
Nicolas AUMONIER, Maître de conférences en histoire et philoso- phie des sciences, Université de Grenoble I – Joseph-Fourier.
Anouk BARBEROUSSE, Chargée de recherches, CNRS, équipe REHSEIS, Paris.
Sébastien BAUER, Directeur adjoint de l’Alliance française de
 
Sabadell, Espagne.
Raynald BELAY, Attaché de coopération et d’action culturelle, Ambassade de France au Pérou.
Michel BERNARD, Professeur émérite d’esthétique théâtrale et
chorégraphique, Université de Paris VIII.
Michèle BERTRAND, Psychanalyste et Professeur de psychologie
clinique, Université de Franche-Comté.
phie, Université de Nice Sophia-Antipolis.
Alexis BIENVENU, Allocataire-moniteur normalien en philoso- phie, Université de Paris I.
Jean-Benoît BIRCK, Professeur de philosophie, CNED, Vanves.
Michel BITBOL, Directeur de recherche, CNRS.
Michel BLAY, Directeur de recherche, CNRS.
André BOMPARD, Psychiatre, psychanalyste, ancien attaché des
Hôpitaux de Paris.
Jean-Yves BOSSEUR, Directeur de recherche, CNRS, et compositeur.
Christophe BOURIAU, Maître de conférences en philosophie, Université de Nancy II. downloadModeText.vue.download 10 sur 1137
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Laurent BOVE, Professeur de philosophie, Université de Picar- die Jules-Verne.
Anastasios BRENNER, Maître de conférences en philosophie, Université de Toulouse II – Le Mirail.
Fabienne BRUGÈRE, Maître de conférences en philosophie, Université de Bordeaux III.
Jean-Michel BUÉE, Maître de conférences en philosophie, IUFM de Grenoble.
 
Anne CAUQUELIN, Professeur émérite de philosophie, Univer- sité de Paris X.
Jean-Pierre CAVAILLÉ, Maître de conférences, enseignant l’his- toire intellectuelle, EHESS, Paris.
Fabien CHAREIX, Maître de conférences en philosophie, Uni- versité de Lille I.
André CHARRAK, Maître de conférences en philosophie, Uni- versité de Paris I.
Dominique CHATEAU, Professeur d’esthétique, Département d’arts plastiques et sciences de l’art, Université de Paris I.
André CLAIR, Professeur de philosophie, Université de Rennes I.
Françoise COBLENCE, Professeur de philosophie, Université de Picardie Jules-Verne, Amiens.
Danièle COHN, Professeur de philosophie, EHESS, Paris.
Denis COLLIN, Professeur de philosophie, lycée Aristide Briand, Évreux.
Catherine COLLIOT-THÉLÈNE, Professeur de philosophie, Univer- sité de Rennes I ; directrice, centre Marc-Bloch, Berlin.
Jean-Pierre COMETTI, Professeur de philosophie, Université de Provence Aix-Marseille I.
Edmond COUCHOT, Professeur émérite, Arts et technologies de l’image, Université de Paris VIII.
Cédric CRÉMIÈRE, Allocataire-Moniteur, Muséum national d’his- toire naturelle, Paris.
Clara DA SILVA-CHARRAK, Professeur de philosophie, Lycée de l’Essouriau, Les Ulis.
Jacques DARRIULAT, Maître de conférences en philosophie, Université de Paris IV.
Olivier DEKENS, Chargé de cours, Université de Tours.
Natalie DEPRAZ, Maître de conférences en philosophie, Uni- versité de Paris IV.
Olivier DOUVILLE, Membre de l’unité de recherche « médecine, sciences du vivant, psychanalyse », Université de Paris VII.
Jacques DUBUCS, Directeur de recherches au CNRS et directeur de l’IPHST, Paris I.
Jean-Marie DUCHEMIN, ancien élève de l’ENS de Fontenay-Saint-Cloud.
Colas DUFLO, Maître de conférences en philosophie, Univer-
 
Eric DUFOUR, Professeur de philosophie, T.Z.R., Bobigny.
Alexandre DUPEYRIX, Allocataire-moniteur normalien, ENS- LSH, Lyon.
Pascal DUPOND, Professeur de première supérieure, Lycée St
Sernin, Toulouse.
Abdelhadi ELFAKIR, Maître de conférences en psychologie cli- nique, Université de Bretagne occidentale, Brest.
Pascal ENGEL, Professeur de philosophie, Université de Paris IV.
Raphael ENTHOVEN, Allocataire-moniteur normalien en philo- sophie, Université de Paris VII.
Jean-Pierre FAYE, Philosophe.
Mauricio FERNANDEZ, Professeur, Université d’Antioquia, Me- dellin, Colombie.
Wolfgang FINK, Maître de conférences en philosophie, Uni- versité de Lyon II – Lumière.
Franck FISCHBACH, Maître de conférences en philosophie, Uni- versité de Toulouse II – Le Mirail.
Jean-Louis FISCHER, Ingénieur de recherche, CNRS, Paris.
Denis FOREST, Maître de conférences en philosophie, Univer- sité de Lyon III.
Marie-Claude FOURMENT, Professeur de psychologie de l’en- fant, Université de Paris XIII.
Geneviève FRAISSE, Directrice de recherche au CNRS, députée européenne.
Hélène FRAPPAT, Chargée de cours de philosophie, Université de Paris III.
Pierre FRESNAULT-DERUELLE, Professeur, UFR Arts plastiques et sciences de l’art, Université de Paris I.
Dalibor FRIOUX, Professeur de philosophie, Lycée Jean-Mou- lin, Saint-Amand Montrond.
Frédéric GABRIEL, Chercheur, Université de Lecce, Italie.
Sébastien GALLAND, Professeur de culture générale en classes préparatoires à Sciences Po., Saint-Félix, Montpellier.
Isabelle GARO, Professeur de philosophie, Lycée Faidherbe,
 
Gérard GENETTE, Directeur d’études, CRAL, EHESS, Paris.
Laurent GERBIER, Maître de conférences en philosophie, Aix-en-Provence.
Marie-Ange GESQUIÈRE, Aspirant chercheur, FNRS, Université Libre de Bruxelles.
Cécile GIROUSSE, Professeur de philosophie, Lycée Claude Mo- net, Paris ; chargée de cours, Université de Paris III.
Jean-Jacques GLASSNER, Directeur de recherche, CNRS (Labora- toire « Archéologie et sciences de l’Antiquité », Paris.
Jean-Marie GLEIZE, Directeur du Centre d’études poétiques, ENS, Lyon.
Jean-François GOUBET, Professeur de philosophie, Lycée Al- fred Kastler, Denain.
Jean-Baptiste GOURINAT, Chargé de recherche, CNRS (Centre de recherche sur la pensée antique), Paris.
Mathias GOY, Professeur de philosophie, Lycée Alain Colas, Nevers.
Juliette GRANGE, Professeur de philosophie, Université de Strasbourg. downloadModeText.vue.download 11 sur 1137
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Eric GRILLO, Maître de conférences, UFR communication, Uni- versité de Paris III.
Laurent GRYN, Professeur de philosophie.
Xavier GUCHET, Attaché temporaire d’enseignement et de re- cherche en philosophie, Université de Paris X – Nanterre.
Sophie GUÉRARD DE LATOUR, allocataire-moniteur normalien, Université de Bordeaux III – Michel de Montaigne.
Caroline GUIBET LAFAYE, Attachée temporaire d’enseignement et de recherche, Université de Toulouse II – Le Mirail.
Antoine HATZENBERGER, allocataire moniteur normalien en phi- losophie, Université de Paris IV.
Nathalie HEINICH, Directeur de recherches, CNRS, Paris.
Yves HERSANT, Directeur d’études, EHESS, Paris.
 
Bérengère HURAND, Allocataire couplée en philosophie, Uni- versité François-Rabelais, Tours.
Frédérique ILDEFONSE, Chargée de recherche, CNRS (Histoire des doctrines de l’Antiquité et du haut Moyen Âge), Villejuif.
Nicolas ISRAEL, Attaché temporaire d’enseignement et de re- cherche, Université de Lyon III.
André JACOB, Professeur émérite de philosophie, Université de Paris X – Nanterre.
Pierre JACOB, Directeur de recherches au CNRS et directeur de l’Institut Jean Nicod, CNRS.
Tiphaine JAHIER, Doctorante en philosophie.
Vincent JULLIEN, Professeur de philosophie, Université de Bre- tagne occidentale, Brest.
Bruno KARSENTI, Maître de conférences en philosophie, Uni- versité de Paris I.
Mathieu KESSLER, Maître de conférences en philosophie, IUFM d’Orléans-Tours.
Étienne KLEIN, Physicien, CEA.
Mogens LAERKE, Doctorant en philosophie, Université de Pa- ris IV – Sorbonne.
Michel LAMBERT, Assistant, Centre De Wulf Mansion, Université catholique de Louvain.
Fabien LAMOUCHE, Allocataire-moniteur normalien, Université de Rouen.
Valéry LAURAND, Attaché temporaire d’enseignement et de recherche, Université de Bordeaux III.
Guillaume LE BLANC, Maître de conférences en philosophie, Université de Bordeaux III – Michel de Montaigne.
Jérôme LÈBRE, Professeur de philosophie, Lycée Olympe de Gouges, Noisy-le-Sec.
Céline LEFÈVE, Attachée temporaire d’enseignement et de re- cherche, Université de Bourgogne, Dijon.
Jean LEFRANC, Professeur émérite de philosophie, Université de Paris IV.
Gérard LENCLUD, Directeur de recherches au C.N.R.S., Labora- toire d’anthropologie sociale, Paris.
Jacques LE RIDER, Professeur, EPHE, Paris.
 
Françoise LONGY, Maître de conférences en philosophie des
sciences, Université Marc-Bloch, Strasbourg.
Pascal LUDWIG, Maître de conférences en philosophie, Univer- sité de Rennes I.
Fosca MARIANI ZINI, Maître de conférences en philosophie, Université de Lille III.
Claire MARIN, Attachée temporaire d’enseignement et de re- cherche, Université de Nice.
Eric MARQUER, Attaché temporaire d’enseignement et de re- cherche, ENS-LSH, Lyon.
Olivier MARTIN, Maître de conférences en sociologie, Univer- sité de Paris V.
Marianne MASSIN, Professeur de philosophie, ENSAAMA, Paris.
Florence de MÈREDIEU, Maître de conférences, UFR Arts plas- tiques et sciences de l’art, Université de Paris I.
Marina MESTRE ZARAGOZA, Attachée temporaire d’enseignement et de recherche, Institut d’études Ibériques, Université de Paris IV.
Christian MICHEL, Prag en philosophie, Université d’Amiens.
Marie-José MONDZAIN, Directeur de recherches, CNRS (Com- munication et politique).
Jean-Maurice MONNOYER, Maître de conférences en philoso- phie, Université Pierre Mendés-France, Grenoble.
Michel MORANGE, Professeur de biologie, ENS (Ulm), Paris VI.
Pierre-François MOREAU, Professeur de philosophie, ENS – LSH, Lyon.
Jacques MORIZOT, Professeur, Département d’arts plastiques, Université de Paris VIII.
Jean-Marc MOUILLIE, Prag en philosophie, Faculté de Méde- cine, Angers.
Gilles MOUTOT, Attaché temporaire d’enseignement et de re- cherche, Université de Montpellier III – Paul-Valéry.
Michel NARCY, Directeur de recherche, CNRS (Histoire des doctrines de la fin de l’Antiquité et du Haut Moyen Âge), Villejuif.
Sophie NORDMANN, Allocataire-moniteur normalien, Université de Paris IV.
 
Michel ONFRAY, Philosophe.
Jean-Paul PACCIONI, Professeur de philosophie, Lycée Jean Monnet, Franconville, lycée Hoche, Versailles.
Élizabeth PACHERIE, Chargée de recherche au CNRS, Paris.
Marc PARMENTIER, Maître de conférences en philosophie, Uni- versité de Lille.
Charlotte de PARSEVAL, Titulaire d’un DEA de philosophie mo- rale et politique.
Marie-Frédérique PELLEGRIN, Maître de conférences, Université de Lyon III – Jean Moulin.
Isabelle PESCHARD, Doctorante en philosophie des sciences, École doctorale de l’École Polytechnique, Paris.
Alain PEYRAUBE, Directeur de recherche, CNRS, EHESS, Paris.
Emmanuel PICAVET, Maître de conférences en philosophie, Université de Paris I. downloadModeText.vue.download 12 sur 1137
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Marie-Dominique POPELARD, Professeur de logique et philoso- phie de la communication, Université de Paris III.
Michèle PORTE, Psychanalyste, professeur des Universités, Université de Bretagne occidentale, Brest.
Roger POUIVET, Professeur de philosophie, Université de Nancy II.
Julie POULAIN, Professeur de philosophie, Lycée Louise-Michel, Gisors.
Dominique POULOT, Professeur, École du Louvre, Paris.
Jean-Jacques RASSIAL, Psychanalyste, professeur, Paris, Aix- Marseille, Sao Paulo.
Paul RATEAU, Ancien élève ENS Fontenay.
Gérard RAULET, Professeur de philosophie, ENS-LSH, Lyon.
Olivier REMAUD, Chercheur, Fondation Alexander von Hum- boldt, centre Marc-Bloch, Berlin.
 
Emmanuel RENAULT, Maître de conférences en philosophie, ENS – LSH, Lyon.
Julie REYNAUD, Chargée de cours d’esthétique en Arts plas- tiques, Université de Montpellier III.
Elsa RIMBOUX, Professeur de philosophie, Lycée Roumanille,
Nyons.
Rainer ROCHLITZ, chercheur, CNRS, EHESS, Paris.
Christophe ROGUE, Professeur de philosophie, Lycée Per- seigne, Mamers.
Georges ROQUE, Directeur de recherches, CNRS (CRAL), EHESS, Paris.
François ROUSSEL, Professeur de philosophie en classes prépa- ratoires, Lycée Carnot, Paris.
Pierre SABY, Maître de conférences en musicologie, Université de Lyon II – Lumière.
Baldine SAINT-GIRONS, Maître de conférences en philosophie, Université de Paris X.
Anne SAUVAGNARGUES, Prag, ENS-LSH, Lyon.
Jean-Marie SCHAEFFER, Directeur de recherches, directeur du CRAL, CNRS, EHESS, Paris.
Alexander SCHNELL, Maître de conférences, Université de Poitiers.
François-David SEBBAH, Prag, Université de technologie de Compiègne.
Jean SEIDENGART, Professeur de philosophie, histoire des sciences et épistémologie, Université de Reims.
Michel SENELLART, Professeur, ENS-LSH, Lyon.
Daniel SERCEAU, Professeur, Université de Paris I.
Pascal SÉVERAC, ATER, Université de Paris I – Panthéon-Sorbonne.
Philippe SIMAY, Professeur de philosophie en école d’architecture.
Suzanne SIMHA, Professeur de philosophie en première supé- rieure, Lycée Cézanne, Aix-en-Provence.
André SIMHA, Inspecteur d’académie – Inspecteur pédago- gique régional de philosophie (académie d’Aix-Marseille).
Hourya SINACEUR, Directeur de recherche, CNRS, Paris.
 
Rabat, Maroc.
Léna SOLER, Maître de conférences en philosophie, IUFM, Nancy.
Jean-Luc SOLÈRE, Chargé de recherche, CNRS (centre d’étude des religions du Livre), Villejuif, ; chargé de cours, Université libre de Bruxelles, Université catholique de Louvain.
Sylvie SOLÈRE-QUEVAL, Maître de conférences en philosophie de l’éducation, Université de Lille III.
Gérard SONDAG, Maître de conférences en philosophie, Uni- versité Blaise Pascal, Clermont-Ferrand.
François SOULAGES, Professeur de philosophie, Département d’arts plastiques, Université de Paris VIII.
Jacques SOULILLOU, Chargé de mission, Ministère des Affaires étrangères.
Wiktor STOCZKOWSKI, Maître de conférence, EHESS, Paris.
Ariel SUHAMY, Professeur de philosophie, CNED.
Jean TERREL, Professeur des Universités, professeur à l’UFR
de philosophie, Université de Bordeaux III – Michel de
Montaigne.
Christelle THOMAS, Élève, ENS-LSH, Lyon.
Jean-Marie THOMASSEAU, Professeur, Département d’études
théâtrales, Paris VIII.
Paris XII.
Bischeim.
Toulouse II – Le Mirail.
Grenoble II.
 
IUFM, Grenoble.
Gérard WORMSER, Chargé de mission, ENS-LSH, Lyon ; maître de conférences, IEP, Paris.
Carole WRONA, Chargée de cours, Université de Paris III.
Jean-Claude ZANCARINI, Maître de conférences en philosophie, ENS-FCL, Lyon. downloadModeText.vue.download 13 sur 1137 downloadModeText.vue.download 14 sur 1137 downloadModeText.vue.download 15 sur 1137
A
ABDUCTION Du latin abducere, « tirer », et de l’anglais abduction.
PHILOS. CONN., LOGIQUE
Terme introduit par C. S. Peirce pour désigner le pro- cessus de formation des hypothèses.
Peirce 1 appelle « abduction » un processus créatif de forma- tion des hypothèses, par des raisonnements du type : le fait surprenant C est observé ; mais si A était vrai, C irait de soi ; il y a donc des raisons de soupçonner que A est vrai. L’abduction se distingue de la déduction et de l’induction quantitative, qui généralise à partir du particulier, mais elle est proche de l’induction qualitative, qui comporte un élé- ment de « devinette » (guessing). C’est une inférence « amplia- tive », qui augmente notre connaissance, une des espèces de l’épagôgè aristotélicienne. Inférence logique, l’abduction est aussi liée à l’instinct : elle permet de deviner, et de deviner juste. Introduisant à des idées nouvelles, elle a valeur expli- cative, d’où son importance, aux côtés de la déduction et de l’induction auto-correctrice, dans l’économie (réaliste) de la recherche et de la connaissance, qui reste foncièrement conjecturale et faillible.
! En philosophie des sciences, Popper 2 a repris la notion
d’abduction comme élément essentiel de la logique de la découverte scientifique. On la désigne souvent sous le nom
d’ « inférence à la meilleure explication ». Ce type de raison- nement a été particulièrement étudié en Intelligence artifi- cielle, où il sert en particulier aux méthodes d’inférences à partir de diagnostics.
Claudine Tiercelin
! 1 Peirce, C. S., Collected Paper, (8 vol.), Harvard University Press, 1931-1958.
2 Popper, K., Conjectures et réfutations, trad. Complexe, 1986.
 
Voir-aussi : Charniak, E., et McDermott, D., Artificial Intelli- gence, Addison Wesley, New York, 1985.
! CONFIRMATION (THÉORIE DE LA), CONJECTURE, HYPOTHÈSE, INDUCTION
ABRÉACTION
D’après l’allemand Abreagieren, néologisme créé par Freud et Breuer (1892), composé de reagieren, « réagir », et de ab- marquant la diminu- tion, la suppression.
PSYCHANALYSE
Réaction émotionnelle par laquelle l’affect lié au sou- venir d’un événement traumatique est exprimé et liquidé.
Si cette réaction (rage, cris, pleurs, plaintes, récit...) est répri-
mée, les affects sont « coincés » (eingeklemmt) 1, et les repré- sentations qui leur sont liées, interdites d’oubli. Elles risquent alors de devenir pathogènes (trauma).
Si l’abréaction thérapeutique des affects est le but pour- suivi par la méthode dite cathartique, la cure analytique lui accorde un rôle moindre, privilégiant l’élaboration par le lan- gage, dans lequel « l’être humain trouve un équivalent de l’acte », et grâce auquel « l’affect peut être abréagi à peu près
de la même façon » 2.
Christian Michel
! 1 Freud, S., Über den psychischen Mechanismus hysterischer Phänomene, 1892, G.W. I ; le Mécanisme psychique des phé- nomènes hystériques, in Études sur l’hystérie, PUF, Paris, p. 12.
2 Ibid., pp. 5-6.
ABSOLU
Du latin absolutus, de absolvere « détacher, délier » et « venir à bout de quelque chose, mener quelque chose à son terme, parfaire ». Le terme absolutus signifie une relation, quand bien même cette relation serait négation de la relation.
 
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c’est-à-dire l’union des hommes en un tout, ayant un droit souverain collectif sur tout ce qui est en son pouvoir. La souveraineté absolue n’est pas, par conséquent, intrinsèquement monarchique.
GÉNÉR.
Ce qui se soustrait à tout rapport, à toute limitation.
C’est l’inconditionné.
L’absolu est l’indéterminé
Étant négation de tout rapport, l’absolu échappe à toute détermination particulière et, par conséquent, à toute défi- nition. Pour ces raisons il est nécessairement unique et se
soustrait au discours, à tous les noms – y compris divins –
par lesquels on voudrait le saisir. Le discours sur l’absolu
s’épuise dans une série indéfinie de négations, le désignant
comme l’indéterminé, l’incomposé, l’informe ou l’absolument
inconnaissable.
s’épuise, comme le montre Hegel, dans la contradiction de
son propre objet, puisque force est d’admettre que l’absolu, en lui-même, n’est rien, rien de ce qui est. L’être absolument indéterminé est pur néant 1.
L’absolu est l’être en tant que tel
La détermination négative et aporétique de l’absolu oblige à en chercher une détermination positive. L’attribution de l’adjectif « absolu », dans le latin médiéval, est double. Il concerne soit une forme ou une propriété quelconque, soit l’être comme tel.
Lorsque l’absoluité concerne l’être et en accompagne les déterminations, elle caractérise positivement le divin. Ainsi, « l’être dit tout simplement et absolument s’entend du seul
 
l’absolument étant, mais, toujours, il se constitue moyennant une opposition à un terme moins essentiel ou secondaire. Il
se trouve, donc, inscrit dans une relation à un autre, dans une relation à son autre.
L’absolu est sujet
La préservation de l’absoluité, au sein de cette opposition, n’est possible que si la relation à l’autre est intégrée dans cette absoluité. L’absolu est absolument lui-même, lorsque
la relation à l’autre est comprise dans le même et se trouve,
alors, surmontée. Seule la structure du « sujet », au sens mo- derne, c’est-à-dire du « soi » de la conscience de soi actualise cette relation à l’autre, cette négation radicale.
L’esprit, le concept, conformément à sa détermination hégélienne, est précisément ce qui fait abstraction de tout ce qui lui est extérieur et de sa propre extériorité, c’est-à- dire de son individualité immédiates 3. Il supporte la négation de cette dernière. Cette absolue négativité du concept est ce par quoi la liberté et, par conséquent, le soi se définissent. La négativité est alors sans restriction et telle que le concept n’a rien hors de soi. Sa négativité s’identifie à son identité autarcique à soi-même, de telle sorte que l’absolu est, au sens hégélien, esprit. L’interprétation de l’absoluité comme l’abso-
lument étant s’infléchit vers le soi, qui est absolu, parce qu’il
a converti toute relation à l’autre en relation à soi.
! L’absolu n’est donc pas un concept vide ou contradictoire, comme sa détermination négative au titre de l’absolument indéterminé le suggère. Il consiste en un processus de néga-
tion infini, qui porte en lui-même tout ce qui lui est autre, le
fini, le déterminé, le différencié. Ainsi, l’absolu n’a de rapport à lui-même que comme totalité des déterminations possibles
qu’il pose, nie et reprend en lui.
Caroline Guibet Lafaye ! 1 Hegel, G. W. Fr., Science de la logique, t. 1, livre 1, « L’être », Aubier, Paris, 1976, p. 58.
2 Thomas d’Aquin, Quaestiones disputatae de veritate, Vrin,
Paris, 1983, 2, 3.
3 Hegel, G. W. Fr., Encyclopédie des sciences philosophiques,
t. III, Philosophie de l’esprit, § 382, Vrin, Paris, 1988, p. 178.
Voir-aussi : Aristote, Métaphysique, Vrin, Paris, 1991.
 
Hegel, G. W. Fr., Science de la logique, trad. P.-J. Labarrière et G. Jarczyk, Aubier, Paris, 1976, 1978, 1981.
Heidegger, M., Chemins qui ne mènent nulle part, « Hegel et son concept d’expérience », Gallimard, « Tel », Paris, 1962.
Kant, E., Critique de la raison pure, trad. A. Renaut, Aubier, Paris, 1997.
Schelling, Fr. W. J., le Système de l’idéalisme transcendantal, Louvain, Peeters, 1978.
! DIEU
ABSTRACTION
Du latin abstractio, « action d’extraire, d’isoler et son résultat ».
Dans le contexte de la reprise médiévale d’Aristote, l’aphairesis se trouve
hissée à la valeur d’une véritable catégorie philosophique qui permet en
particulier de mieux articuler, dans le jugement, individualité et univer-
salité. La critique de l’abstraction est faite par l’idéalisme allemand, bien
après la révolution galiléenne qui en fait un critère d’établissement des
lois. Hegel oppose l’abstrait à l’effectif en des termes qui marquent dura-
blement l’ensemble des doctrines philosophiques nées sur les débris de
l’idéalisme absolu – marxisme compris.
PHILOS. ANTIQUE
Opération de l’esprit qui consiste à séparer d’une re-
présentation ou d’une notion un élément (propriété ou re-
lation) que la représentation ne permet pas de considérer
à part ; résultat de cette opération.
La notion d’abstraction a été élaborée une fois pour toutes
par Aristote. Dans le Traité de l’âme, il explique comment,
par une opération d’abstraction, l’esprit passe de la repré-
sentation d’un nez camus à la pensée de la concavité, qualité
 
toniciennes 2, la notion d’abstraction joue un rôle important dans sa propre doctrine. De même que la quantité, tout ce qui entre sous les catégories autres que celle de substance (qualités, relations, etc.) est pensé par abstraction. C’est aussi par abstraction que chaque science délimite son objet propre, à commencer par la science de l’être en tant qu’être ou phi-
losophie première 3. downloadModeText.vue.download 17 sur 1137
GRAND DICTIONNAIRE DE LA PHILOSOPHIE
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! La querelle des universaux (genre, espèce, différence, propre et accident sont-ils de simples abstractions, comme le penseront les nominalistes, ou, à titre de « causes » des êtres individuels, ont-ils une existence propre ?) est un cas particu- lier d’une controverse plus générale sur les idées abstraites, qui traverse toute l’histoire de la philosophie.
Annie Hourcade
! 1 Aristote, Traité de l’âme, III, 7, 431 b 12-17 ; Métaphysique, XI, 3, 1061 a 28-b3 ; Physique, II, 2, 193 b 22-194 a 12.
2 Aristote, Métaphysique, XIII, 1, 1076 a 18-19.
3 Ibid., XI, 3, 1061 b 3-5 ; IV, 1, 1003 a 21-26.
! CONCEPT, EIDOS, FORME, IDÉE, MATIÈRE, UNIVERSAUX
PHILOS. MODERNE
Après le XVIIIe s., les termes « abstrait » et « abstrac- tion » prennent un sens en partie péjoratif, dans des philo- sophies qui mettent l’accent sur la totalité, le devenir ou la vie.
Chez Hegel, le moment de l’abstraction représente l’étape de l’entendement dans le devenir de l’Esprit. L’attitude phi- losophique qui lui correspond dans la Phénoménologie est le dogmatisme. À la reproduction du réel sous la forme du « concret pensé » par la « méthode qui consiste à s’élever de l’abstrait au concret », Marx oppose « le procès de la genèse du concret lui-même » ; les catégories ne peuvent exister autre- ment « que sous forme de relation unilatérale et abstraite d’un
tout concret, vivant, déjà donné » 1. Pour Bergson, l’abstraction arrache les idées à leur état naturel pour les dissocier en les faisant pénétrer dans le cadre du langage. « Cette dissociation des éléments constitutifs de l’idée, qui aboutit à l’abstraction, est trop commode pour que nous nous en passions dans la
 
! Dans de telles problématiques, au moins dans leur forme originelle, il s’agit moins de discréditer l’abstraction que d’en indiquer les limites ou les conditions de validité.
Pierre-François Moreau
! 1 Marx, K., Introduction à la Critique de l’économie politique.
2 Bergson, H., Essai sur les données immédiates de la conscience,
ch. II.
dissociation, séparation, ou réunion des éléments com- muns à plusieurs instances.
L’abstraction désigne à la fois la procédure cognitive qui ex- trait un trait commun de propriétés particulières et le produit de cette procédure, l’idée abstraite. En ce sens, le problème de l’abstraction est le même que celui des universaux, et peut recevoir trois grands types de solutions : le réalisme platoni- cien, qui sépare les abstraits de leurs instances ; le concep- tualisme réaliste aristotélicien et thomiste, selon lequel les abstraits sont dans l’esprit et dans les choses (abstrahentium non est mendacium : abstraire ce n’est pas mentir) ; et le nominalisme, qui refuse d’hypostasier les idées abstraites et les réduit à des signes.
! La querelle des idées abstraites, qui opposa Berkeley 1 à Locke 2, traverse toute l’histoire de la philosophie. Elle est
particulièrement vive en philosophie des mathématiques, et
a ressurgi à la fin du XIXe s. avec l’idée de définition des
nombres par abstraction chez Dedekind 3 et Russell 4, et dans les systèmes de construction du monde à partir du sensible chez Carnap et Goodman.
Claudine Tiercelin
! 1 Berkeley, G., Principes de la connaissance humaine, Flam- marion, Paris, 1991.
2 Locke, J., Essai sur l’entendement humain, trad. Coste, Vrin, Paris, 1970.
3 Dedekind, R., Was sind und was sollen die Zahlen ? trad. Ana- lytica 12-13, Bibliothèque d’Ornicar, 1979.
4 Russell, B., et Whitehead, A. N., Principia Mathematica, Cam- bridge, 1910.
Voir-aussi : Laporte, R., le Problème de l’abstraction, Alcan, Paris, 1946.
 
LOGIQUE, PHILOS. SCIENCES
Opération (ou produit de cette opération) consistant
à sélectionner une propriété sur un objet ou sur un en- semble d’objets, pour la considérer isolément.
Dans les sciences en général, l’abstraction remplit deux fonc- tions principales : elle isole certaines propriétés dans les ob- jets pour en simplifier l’étude ; et elle permet de généraliser certaines propriétés à des ensembles d’objets équivalents.
C’est notamment en logique (à distinguer des analyses psychologiques) que le procédé d’abstraction fut étudié. Les travaux de Frege, Dedekind, Cantor, Peano et Russell per- mirent d’en proposer une formalisation rigoureuse. Suivis par Whitehead et Carnap, ces auteurs cherchèrent les règles
strictes permettant de regrouper en classes (ou en concepts, ensembles, etc., en fonction du contexte) des éléments parta-
geant une certaine propriété. Cette propriété est alors appe- lée une « abstraite ». C’est ainsi « par abstraction » que Russell définit le concept de « nombre » (selon lequel « le nombre d’une classe est la classe de toutes les classes semblables à
une classe donnée »1), puis les concepts d’ordre, de grandeur,
d’espace, de temps et de mouvement.
Comme le résume J. Vuillemin 2, la « définition par abstrac- tion » chez Russell, inspirée de Frege et Peano, se déroule en
quatre moments : 1) on se donne un ensemble d’éléments ;
2) on définit sur cet ensemble une « relation d’équivalence » (relation réflexive, transitive et symétrique) ; 3) cette relation partitionne l’ensemble donné en « classes d’équivalence » ; 4) « l’abstrait » est alors une propriété commune à tous les éléments de l’une de ces classes d’équivalence. L’originalité de Russell consiste à ajouter un cinquième moment, le « prin- cipe » d’abstraction proprement dit, qui sert à garantir l’« uni- cité » de la propriété obtenue.
Ces recherches métamathématiques sur l’abstraction obéissaient, chez Russell, à un projet philosophique : montrer que les mathématiques sont fondées sur la logique.
Après les désillusions sur ces tentatives logicistes, l’abs- traction fut mobilisée à nouveau frais par A. Church, en 1932, pour fonder les mathématiques sur le concept de « fonction » (envisagé, cette fois, d’un point de vue « intensionnel », et non plus « extensionnel »). C’est dans cette perspective qu’est
né le « lambda-calcul » 3, qui formalise les règles permettant
 
16
d’« abstraire » les fonctions, au moyen de l’opérateur lambda ("), à partir des expressions servant à les expliciter.
Là encore, l’entreprise fondationnelle a échoué. Mais cette théorie s’est révélée très féconde d’un point de vue opéra- toire. Elle a, en effet, pour but de considérer et de travailler sur les fonctions « en elles-mêmes », comme pures « règles » (et non comme « graphes »), indépendamment des valeurs qu’elles prennent pour chaque argument. On peut ainsi étudier directement les propriétés les plus générales de ces fonctions, notamment leur calculabilité. L’abstraction devient
ainsi un véritable outil mathématique, et non plus seulement métamathématique.
L’abstraction a, en outre, été étudiée d’un point de vue psychologique. Amorcée dès l’âge classique, principalement par les empiristes, cette étude a été profondément renouvelée par J. Piaget, qui en a examiné le fonctionnement selon des méthodes proprement expérimentales, et non plus seulement d’un point de vue introspectif ou spéculatif 4. L’abstraction « réfléchissante » (c’est-à-dire « seconde », par différence avec l’abstraction « empirique », qui porte sur les classes d’objets, et non sur les opérations exercées sur ces objets) naît, selon Piaget, dans la prise de conscience par l’enfant de la coordi-
nation de ses gestes. Cela fournit, selon lui, la base psycholo-
gique de l’abstraction formelle.
! Les procédures abstractives représentent aujourd’hui un
domaine florissant de recherche en informatique, en ma-
thématiques et en sciences cognitives, car elles permettent
de gagner en généralité et en constructivité dans toutes les
études portant sur les propriétés communes à des ensembles
d’objets. L’abstraction est également travaillée actuellement en « logique floue ».
Alexis Bienvenu ! 1 Russell, B., The Principles of Mathematics (1903), Routle- dge, Londres, 1992, § 111, p. 115.
2 Vuillemin, J., la Logique et le Monde sensible, études sur les théories contemporaines de l’abstraction, Flammarion, Paris,
1971, p. 31.
 
Church, A., The Calculi of Lambda Conversion, Princeton Uni- versity Press, 2e éd. 1951.
4 Piaget, J. (dir.), Recherches sur l’abstraction réfléchissante, PUF, Paris, 1977.
Voir-aussi : Barendregt, H. P., The Lambda Calculus, North Hol- land P. C., Amsterdam, éd. rev. 1984.
Frege, G., les Fondements de l’arithmétique, recherche logico- mathématique sur le concept de nombre (1884), trad. C. Imbert,
Seuil, Paris, 1970.
Geach, P., Mental Acts. Their Content and Their Objects, Routle- dge and Kegan Paul, Londres, 1957.
! ABSTRAIT, CALCUL, CONCEPT, EXTENSION, FONCTION, RÉCURSIVITÉ
ESTHÉTIQUE
Conception de l’art qui trouve sa justification en dehors de toute référence à la réalité sensible et met délibéré- ment l’accent sur les composantes plastiques. REM. Le terme s’est conservé en dépit des résonances négatives déplorées par les premiers défenseurs de l’abstraction ; au- cun des termes alternatifs proposés (art concret, art réel,
etc.) n’a prévalu.
Toute oeuvre d’art est une abstraction : des analystes rigou- reux ont prétendu à juste titre que chaque représentation procédait d’une abstraction – stricte définition de l’opération mentale grâce à laquelle l’artiste opère des choix en fonction
de ses intentions et de la nature de son art spécifique 1. Ainsi, le dessinateur se distingue du cordonnier précisément parce qu’il ne fabrique pas une chaussure, mais nous en donne à voir certains aspects, jamais tous. Ceux qui raisonnent ainsi voient dans l’abstraction une condition générale de toute acti- vité artistique, et ils préconisent l’usage de la locution « art non figuratif » pour désigner les réalisations qui renoncent volontairement à tisser des liens de ressemblance entre les
formes créées et celles du monde extérieur, telles qu’elles sont perçues par l’intermédiaire de nos sens. Cette distinction
demeure valide, du point de vue philosophique, mais l’usage
courant a retenu le terme abstraction pour qualifier des réa-
lisations qui rompent délibérément avec l’antique nécessité
d’un recours à la mimèsis. Ainsi comprise, la notion d’art abs-
trait n’a de sens que dans un contexte où la représentation,
aussi déformée ou allusive qu’elle puisse paraître, semblait
 
s’imposer comme une nécessité absolue. C’est pourquoi elle
apparut et se développa au sein des arts plastiques, voués à
l’imitation, une imitation considérée sinon comme but ultime,
du moins comme un moyen indispensable.
Tournant historique
Dans cette perspective, l’abstraction – ou non-figuration –
constitue une rupture majeure, et les débats auxquels elle donna lieu attestent de la violence du séisme qu’elle provo-
qua. L’une des interrogations récurrentes qui furent posées à
son sujet concernait son rapport avec l’art ornemental, plai-
sant à l’oeil mais dépourvu de plus hautes ambitions 2. Pour
contrecarrer ces attaques, les premiers créateurs de l’art abs-
trait ont souvent développé dans leurs écrits des thèses qui
tendaient à accréditer l’importance du contenu spirituel dont leurs oeuvres seraient la manifestation visible 3. C’est égale-
ment ainsi que fut abandonnée la référence à l’ut pictura
poesis au profit d’un nouveau paradigme, l’ut pictura musica.
La musique recourt rarement à l’imitation et elle n’en a aucun
besoin pour proposer des compositions qui ne relèvent nul-
lement des seuls arts d’agrément.
Ainsi, au-delà de l’apparente rupture introduite au sein des arts visuels, l’idée d’une fondamentale continuité dans
le développement des arts tendait à s’imposait. L’art abstrait poursuivait les ambitions de toujours, celles que Hegel, par exemple, avait mises au jour. Pour la vision téléologique aimantée par la foi dans le progrès, l’abstraction constituait
une étape décisive. Se privant volontairement de l’assujet- tissement aux apparences du monde, l’art abstrait gagnait une liberté, une indépendance, qui lui permettait d’atteindre
plus sûrement à des vérités réputées d’autant plus substan-
tielles qu’elles ne ressortissent pas de l’ordre du visible trivial.
 
tiques réflexives : l’art, loin de nous entretenir du monde, peut procéder à un retour analytique sur soi qui ouvre sur une ontologie.
En dépit de ces perspectives stimulantes, la critique de l’abstraction est demeurée vive jusqu’aux années 1960. On
accusait celle-ci de confondre liberté et vacuité ou autonomie
et autisme. Il lui était aussi reproché de proposer en guise de création un quelconque maniérisme formel, menacé d’aca- démisation rapide. Beaucoup s’accordaient aussi à lui faire
grief de n’exiger aucune compétence artistique spécifique, downloadModeText.vue.download 19 sur 1137
GRAND DICTIONNAIRE DE LA PHILOSOPHIE
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de contribuer ainsi à la perte du métier et des repères axiolo- giques qui lui sont attachés.
Malgré ces attaques, l’abstraction s’est imposée. Elle doit son succès à sa vitalité, attestée par une grande diversification des pratiques, des styles ou des manières et des intentions ex- plicites qui la suscitent. Elle le doit aussi au fait qu’elle a, plus ou moins durablement, étendu son empire. Après la peinture, initiatrice en ce domaine, puis la sculpture, le cinéma ou la photographie ont connu des réalisations non figuratives.
! L’abstraction n’a jamais éliminé l’art figuratif, elle a plutôt
contribué à le rendre plus exigeant. Elle a par ailleurs abouti
à une extension du domaine des arts plastiques où se croisent
aujourd’hui maintes techniques qui ne sont pas issues de la
tradition des beaux-arts, telles la vidéo ou la photographie
plasticienne, qui contribuent à une floraison d’images – de
nouvelles sortes d’images mais aussi des représentations que
l’abstraction congédiait.
Denys Riout
! 1 Kojève, A., « Pourquoi concret » (1936, inédit jusqu’en 1966), in Kandinsky, W., Écrits complets, t. II, la Forme, Denoël- Gonthier, Paris, 1970.
2 Connivence dénoncée par les cubistes, notamment Kahnweiler et Picasso, et réélaborée dans les années 1960 par les détrac- teurs de l’expressionnisme abstrait.
3 En particulier chez Kandinsky, Mondrian, Kupka, Malevitch, etc.
 
Voir-aussi : The Spiritual in Art : Abstract Painting 1890-1985, catalogue de l’exposition éponyme, Los Angeles County Mu- seum of Art, Abbeville Press, New York, 1986.
Mozynska, A., l’Art abstrait, 4 vol., Macght, Paris, 1971-1974.
Schapiro, M., l’Art abstrait (art. 1937-1960), trad. Éditions Carré, Paris, 1996.
! CONTENU, FORMALISME
GÉNÉR.
Ce qui est sans rapport direct avec l’expérience quotidienne.
Les idées abstraites sont, dans une perspective empiriste, celles qui s’obtiennent en séparant certaines propriétés de la chose à laquelle elles sont liées dans l’expérience. Il est alors possible de les envisager pour elles-mêmes et de considé- rer qu’elles sont communes à plusieurs objets. L’abstraction débouche donc sur la généralisation 1.
André Charrak ! 1 Locke, Essai philosophique concernant l’entendement hu- main, liv. II, chap. XI, § 9, trad. Coste, Vrin, Paris, 1994, p. 113. ! ABSTRACTION, EMPIRISME, GÉNÉRALISATION
ABSURDE
D’abord conçu négativement comme révélant la vérité par contraste,
défaut et opposition, l’absurde se fait compagnon de la liberté, dans le
sillage des philosophies de l’existence. D’une problématique d’entende-
ment, on passe insensiblement à une perspective éthique.
LOGIQUE, MORALE
Ce qui est contraire au sens commun ou qui comporte
une contradiction logique. Par extension, sentiment que le
monde, la vie, l’existence, n’ont pas de sens (XXe s.). Pour Camus, ce sentiment résulte de la rencontre entre les cla-
meurs discordantes du monde et notre « désir éperdu de
clarté », entre son silence et notre appel 1. Et, pour Sartre,
 
hasard 2.
Une première source du thème est issue de la prédication protestante de la grâce, don gratuit de Dieu, qui peut donner le sentiment que nos existences sont superflues, et l’inquié- tude de savoir ce que nous faisons là, comme le demande Kierkegaard, et d’une certaine manière Emerson. Une se- conde source apparaît avec l’idée de Schopenhauer que le vouloir-vivre n’a aucun sens, sinon sa propre prolifération aux dépens de lui-même : l’absurde et la contradiction nous conduisent alors au détachement, éventuellement accompa- gné de compassion. Nietzsche réagit autrement à ces sen- timents : l’acceptation de l’absurde et de l’insensé, loin du renoncement, peut conduire par la révolte à une innocence seconde. L’absence de finalité, la mort de Dieu nous ren-
voient à nous-mêmes, abandonnés à la responsabilité de donner nous-mêmes sens et valeur à ce que nous sentons, faisons et disons. C’est ce que fait le héros mythique de Ca- mus, et « il faut imaginer Sisyphe heureux ». Si, pour Sartre, le sens n’est pas donné, c’est qu’il est à construire. Le problème est, alors, que cette augmentation infinie de la responsabilité peut s’accompagner d’une angoisse infinie, celle de la liberté.
Mais il y a aussi une source littéraire, et l’atrocité des guerres contemporaines a ravivé le sentiment que le malheur est trop injuste et, plus encore, absurde (Job), et qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil (l’Ecclésiaste). Cette veine
biblique du genre sapiential se trouvait chez Shakespeare (« une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne veut rien dire » 3) et chez Calderon 4, mais
elle prend toute son expansion avec Kafka 5 et le théâtre de l’absurde (Beckett, Ionesco, Sartre, Camus). En revenant au langage ordinaire et à l’humour de l’absurde quotidien, les auteurs jouent sur les hasards des mots et des langues 6, et, comme le dit Prévert : « Pourquoi comme ci et pas comme
ça ? » Ils jouent sur les conversations où les interlocuteurs ne parlent pas de la même chose, ou ne cherchent pas à parler de ce qui leur importe. Ils explorent l’impossibilité de com- muniquer l’incommunicable ou d’expliquer l’inexplicable.
! La crise de l’absurde n’est pas par hasard contemporaine d’une crise du langage, et de la confiance au langage or- dinaire. La réponse à l’angoisse de l’absurde pourrait d’ail- leurs bien se trouver dans cette euphémisation littéraire de l’absurde, manière d’en rire ou de l’apprivoiser. Le modèle en serait alors le jugement esthétique de Kant, et sa finalité sans fin : le sentiment que cela a un sens même si on ne sait pas lequel. Mais le labyrinthe kafkaïen nous place sans cesse
dans des situations dont le sens nous échappe et nous me- nace d’autant plus, comme si les réponses et les questions ne
correspondaient jamais. Peut-être le sentiment de l’absurde,
 
de jamais pouvoir rencontrer une autre existence, provient-il d’un trop grand désir de clarté. Reste alors à multiplier les voyages et les déplacements pour se faire croire que la vie a un sens.
Olivier Abel
GRAND DICTIONNAIRE DE LA PHILOSOPHIE
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2 Sartre, J.-P., la Nausée, Gallimard, Paris, 1938. L’existentialisme est un humanisme, Gallimard, Paris, 1946.
3 Shakespeare, W., Macbeth (1605).
4 Calderon de la Barca, P., La vie est un songe (1636), Garnier- Flammarion, Paris.
5 Kafka, Fr., le Procès (1914) ; Journal (1910-1923).
6 Joyce, J., Ulysse (1922).
! COHÉRENCE, EXISTENCE, EXISTENTIALISME, SENS
" RAISONNEMENT PAR L’ABSURDE
LOGIQUE, MATHÉMATIQUES
Depuis Aristote et Euclide, le raisonnement par l’ab- surde (apagogique ou indirect) est d’usage courant en sciences.
Plutôt que de procéder à un impossible examen de tous les corbeaux pour vérifier la proposition : « Tous les cor- beaux sont noirs », il suffit de s’arrêter au premier corbeau non noir venu. Cette méthode du contre-exemple établit la supériorité d’une stratégie de falsification sur celle directe de vérification 1.
De même, en logique, il est plus aisé de procéder par
l’absurde plutôt que de prouver directement une proposition
 
ne peut plus inférer que ce nombre existe. Est requise une construction effective qui exhibe un tel nombre.
La tentative infructueuse du Père Saccheri en 1733 pour démontrer par l’absurde le postulat euclidien des parallèles ouvrit la voie aux géométries non euclidiennes.
Denis Vernant
! 1 Popper, K., la Logique de la découverte scientifique, trad. Tyssen-Rutten N. et Devaux P., Payot, Paris, 1984.
2 Gardies, J.-L., le Raisonnement par l’absurde, PUF, Paris, 1991.
! APAGOGIQUE, FALSIFIABILITÉ, INTUITIONNISME, TIERS EXCLU
ACADÉMIE
ESTHÉTIQUE
Institution culturelle, indépendante des universités et des corps de métier, consacrée à la pratique ou à la théorie des activités littéraires, artistiques ou scientifiques.
Inspirées du modèle antique, les académies se développèrent
en Europe à partir de la Renaissance, d’abord dans le do- maine des arts libéraux, où elles entraient en concurrence
avec les universités et les salons, puis des arts mécaniques, où elles prirent rapidement le pas sur les corporations médié- vales. Ainsi, après les académies encyclopédistes et huma- nistes du Quattrocento italien – telle l’Accademia platonica de M. Ficin et Pic de la Mirandole, créée à Florence en 1462 – apparurent des académies plus spécialisées, qui prirent leur
essor en France au XVIIe s. : l’Académie française en 1635, l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1648 (com-
plétée en 1666 par l’Académie de France à Rome), puis, sous
Louis XIV, celles de danse (1661), des inscriptions et belles-
lettres (dite « petite académie », 1663), des sciences (1666), de musique (1669), d’architecture (1671). La province suivra au XVIIIe s., tandis que fleurissaient de semblables initiatives dans
toute l’Europe.
Le phénomène académique procède, tout d’abord, d’un
effet d’institution, par une formalisation portant à la fois sur le
 
cessus foncièrement élitaire, sélectionnant et regroupant les
« meilleurs ». Mais le principe de sélection est beaucoup plus démocratique que ne l’étaient sous l’Ancien Régime le critère
aristocratique du nom et le critère bourgeois de la fortune ;
et il est plus souple que le critère universitaire des diplômes, dans la mesure où il repose avant tout sur la qualité purement
individuelle et partiellement réversible qu’est le talent, qu’il
soit basé sur le travail et l’étude, selon le modèle classique,
ou sur le don inné selon le modèle romantique.
! Si le mouvement académique favorise ainsi l’émergence d’une élite proprement culturelle, il connaît néanmoins d’iné-
vitables perversions : perversion de l’effet d’institution, par la
routinisation des pratiques et des normes, facteur d’immobi-
lité ; perversion de l’effet de corps, par la fermeture à tout élé-
ment extérieur, facteur de conformisme. Et ce sont ces effets pervers que l’on désigne aujourd’hui par le terme, devenu
péjoratif, d’« académisme », stigmatisant une dérive indisso- ciable du principe même de toute académie.
Nathalie Heinich
! Boime, A., The Academy and French Painting in the 19th
Century, Phaidon, Londres, 1971.
Hahn, R., The Anatomy of a Scientific Institution. The Paris Academy of Sciences, 1663-1803, University of California Press, Berkeley, 1971.
Heinich, N., Du peintre à l’artiste. Artisans et académiciens à
l’âge classique, Minuit, Paris, 1993.
Pevsner, N., Academies of Art. Past and Present, Cambridge Uni-
versity Press, 1940.
Roche, D., le Siècle des Lumières en province. Académies et aca-
démiciens provinciaux, 1680-1803, Mouton, Paris, 1978.
Viala, A., Naissance de l’écrivain, Minuit, Paris, 1985.
Yates, F., The French Academies of the 16th Century, Londres,
Warburg Institute, 1947.
ACATALEPSIE Mot grec akatalepsia, « fait de ne pouvoir comprendre, saisir ».
PHILOS. ANCIENNE
Chez les Pyrrhoniens, disposition de l’âme qui, par prin-
cipe, renonce à atteindre une quelconque certitude.
! KATALÊPSIS, SCEPTICISME downloadModeText.vue.download 21 sur 1137
GRAND DICTIONNAIRE DE LA PHILOSOPHIE
19
ACCIDENT
Du latin accidens, part. présent de accidere, « arriver » (pour un événe- ment), traductions respectives du grec sumbebêkos et sumbainein.
PHILOS. ANTIQUE
Le concept d’« accident » (sumbebêkos) apparaît chez Aris-
tote, relatif au concept d’ousia, essence et substance. Alors
que l’ousia est au principe de l’identité d’un individu singu-
lier, les accidents en sont les modifications non nécessaires, qui l’affectent plus ou moins provisoirement : on distinguera entre hexis, « état stable », ou habitus, et diathesis, « disposi- tion passagère ». « Accident se dit de ce qui appartient à un être et peut en être affirmé avec vérité, mais n’est pourtant ni nécessaire ni constant : par exemple, si, en creusant une fosse pour planter un arbre, on trouve un trésor. C’est par accident que celui qui creuse la fosse trouve un trésor, car l’un de ces faits n’est ni la suite nécessaire ni la conséquence de l’autre,
et il n’est pas constant qu’en plantant un arbre on trouve un
trésor. 1 » En ce premier sens, l’accident se distingue de l’attri-
but par soi : « Ce qui appartient en vertu de soi-même à une
chose est dit par soi, et ce qui ne lui appartient pas en vertu
de soi-même, accident. Par exemple, tandis qu’on marche, il
 
avec la qualité, qu’elle soit essentielle ou inessentielle : c’est
celui qui prévaudra chez les scolastiques.
À partir du même verbe sumbainein, les stoïciens élabo-
reront les deux concepts logiques de sumbama et de para-
sumbama : dégagés du joug de la substance, plus proches
du sens de la racine « ce qui arrive », il s’agira d’événements.
Frédérique Ildefonse
2 Aristote, Analytiques seconds, I, 4, 73b10-13.
3 Aristote, Métaphysique, V, 30, 1025a30-32.
Voir-aussi : Aristote, Topiques I, 5.
Porphyre, Isagoge, V, 4.
Du latin actum, de agere, « agir » ; en grec : energeia.
Si l’on s’entend à dire, en philosophie, que le passage d’une puissance à un acte est le symptôme d’un mouvement, i.e. d’un sujet en mouvement, il convient de noter que l’actualisation est un processus dans lequel ce sujet (hypokheimenon) est soit indéterminé et indéterminable (energeia
aristotélicienne), soit au contraire complètement exposé (l’acte d’ac-
complissement). De son origine grecque aux développements les plus
récents de l’analyse cognitive, la notion d’acte est irréductiblement liée
à une fonction de mise en relation dans laquelle le sujet est soit posé, soit escamoté.
PHILOS. ANTIQUE
Chez Aristote, réalisation par un être de son essence ou
forme, par opposition à ce qui est en puissance.
En un premier sens, l’acte (energeia) s’entend « comme le
mouvement relativement à la puissance »1 : ainsi l’être qui
 
daient qu’« il n’y a puissance que lorsqu’il y a acte, et que, lorsqu’il n’y a pas acte, il n’y a pas puissance : ainsi, celui qui ne construit pas n’a pas la puissance de construire, mais seulement celui qui construit, au moment où il construit » 2.
En un second sens, l’acte est « comme la forme (ou l’es- sence, ousia) relativement à une matière »3 : c’est le fait pour une chose d’exister en réalité, et non en puissance (duna-
mis). La distinction entre acte et puissance intervient dans l’analyse physique du devenir : le mouvement naturel du composé sensible, de matière et de forme, est le mouvement de réalisation de sa forme, principe moteur de son devenir et de sa détermination, absente de sa matière.
Antérieur à la puissance selon la notion et l’essence, l’acte lui est, en un sens, postérieur selon le temps (l’actualisation de la forme se fait à partir de la puissance) mais, en un autre sens, antérieur, car, « si c’est à partir de l’être en puissance que vient à être l’être en acte, la cause en est toujours un être en acte, par exemple un homme à partir d’un homme [...] : toujours le mouvement est donné par quelque chose de pre- mier, et ce qui meut est déjà en acte » 4. Alors que la matière est pure puissance en attente de la forme, l’acte est principe
d’actualisation et d’actualité de la forme : Dieu, pour Aristote, est acte pur, dépourvu de toute potentialité et, pour cette raison, quoique premier moteur, immobile.
Si, lorsque Aristote parle de l’acte comme action (par exemple, le blanchissement), l’acte par excellence est pour lui le mouvement, ce dernier n’est pourtant pour lui qu’un « acte incomplet » (energeia ateles) ; en un autre sens, l’acte est la « fin de l’action », ou ce qu’elle « accomplit » (ergon). « C’est pourquoi, dit Aristote, le mot « acte » (energeia) est employé à propos de « l’oeuvre accomplie » (ergon) et tend
vers l’entéléchie. 5 »
2
 
notion, puis une saisie du regard.
Leibniz reprend à son compte 1, en tant qu’elle est conforme à la philosophie naturelle des Modernes, la distinction aristoté- licienne de la puissance et de l’acte. Si l’acte est toujours celui d’un sujet ou d’une substance qui se tient sous des détermina- tions, cela signifie précisément que, comme le signifiait Aris- tote au point de départ de sa physique, c’est à la substance (actiones sunt suppositorum 2) que revient le statut de prin- cipe pour l’actualisation de ce qui n’est encore en elle que tendance, volition, désir. Ainsi la définition selon laquelle le downloadModeText.vue.download 22 sur 1137
GRAND DICTIONNAIRE DE LA PHILOSOPHIE
20
mouvement est l’acte de ce qui est en puissance, en tant qu’il est en puissance, c’est-à-dire en tant qu’il reste suspendu à un processus d’effectuation, devient audible sous les espèces de la dynamique leibnizienne qui confie à un supérieur, la force, le soin d’êtr