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 Chrystelle Maréchal Chrystelle Maréchal : Etudes d'étymologie graphique chinoise, à la lumière de données comparatives In: Cahiers de linguistique - Asie orientale, vol. 28 n°1, 1999. pp. 125-132. Citer ce document / Cite this document : Maréchal Chrystelle. Chrystelle Maréchal : Etudes d'étymologie graphique chinoise, à la lumière de données comparatives. In: Cahiers de linguistique - Asie orientale, vol. 28 n°1, 1999. pp. 125-132. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/clao_0153-3320_1999_num_28_1_1551

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Chrystelle Maréchal

Chrystelle Maréchal : Etudes d'étymologie graphique chinoise, à

la lumière de données comparativesIn: Cahiers de linguistique - Asie orientale, vol. 28 n°1, 1999. pp. 125-132.

Citer ce document / Cite this document :

Maréchal Chrystelle. Chrystelle Maréchal : Etudes d'étymologie graphique chinoise, à la lumière de données comparatives. In:Cahiers de linguistique - Asie orientale, vol. 28 n°1, 1999. pp. 125-132.

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Dissertations

Chrystelle MARÉCHAL. Etudes ďétymologie graphique chinoise,à la lumière de données comparatives. Thèse de doctorat (nouveaurégime). Paris : Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales.1997. 328 p.

Approche et objectif de cette étude

La présente thèse exploite la particularité pictographique del'écriture chinoise pour remettre en cause certaines etymologiestraditionnelles, notamment celles des caractères dits idéo-phonogrammes représentant les mots "tête" et "temps", en étayant

l'interprétation des documents paléographiques par des donnéesparallèles venant des langues indo-européennes. Elle pose en effetl'hypothèse que, si l'origine ultime des mots est a priori hors de

portée des recherches linguistiques, certaines formes graphiques duchinois ancien, véritables "fossiles sémantiques", préservent lasignification des mots au moment de la création de leurreprésentation écrite et sont, de ce fait, susceptibles d'éclairer despoints obscurs de l'histoire des caractères, voire même de la languechinoise.

Un caractère chinois ne peut se concevoir sans uneprononciation, un sens (ou une fonction grammaticale) et une formegraphique. A la différence de la phonologie et de la sémantique, legraphisme chinois est le seul à avoir conservé des traces concrèteset matérielles d'un passé lointain. Aussi l'approche dite del'étymologie graphique, adoptée dans cette étude, est-elle destinée

Cahiers de Linguistique - Asie Orientale 28(1) 125-145 (1999)©CRLAO-EHESS 54,BdRaspail 75006 Paris0153-3320/99/028-125

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avant tout à identifier les référents-objets auxquels renvoyaient les

composants pictographiques lors de leur création. Tâche difficile,

car les pictogrammes ne sont que des esquisses succinctes, qui ne

sauraient être considérées comme iconiques au sens propre du

terme, et leur morphologie initiale a été soumise à des

modifications de degrés variables au fil du temps. Le

rapprochement des informations graphiques ainsi obtenues avec les

données comparatives venant des langues indo-européennes peut

souvent s'avérer très révélateur dans le sens où il suscite des

questions inédites ; les sinologues occidentaux ont là un atout quine demande qu'à être utilisé davantage.

Corpus de cette thèse

Cette recherche s'appuie principalement sur différents

corpus graphiques bien recensés dans divers ouvrages, tels que ceux

de Chou Fa-kou [Zhou Fagao] (1974), Xu Zhongshu (1989), ouencore Yu Xingwu (1996), auxquels s'ajoutent des travaux sur

l'écriture archaïque chinoise recueillis, entre autres, dans la

collection de la revue Guwenzi yanjiu éditée entre 1979 et 1992 ; le

cas échéant, il est fait référence à des données archéologiques

provenant des fouilles les plus récentes.

Le corpus de cette thèse englobe essentiellement quatre

types de formes graphiques :

(1) les inscriptions oraculaires sur os et carapaces des

Shang fâjiaguwen Щ iť^t (XlVe-XIe siècles av. J.-C.) ;

(2) les inscriptions sur bronzes, jinwen ^^t (Xle-Vesiècles av. J.-C.) ;(3) l'écriture des Royaumes combattants, Zhanguo wenzi

^ЩХ¥ (Ve-IIIe siècles av. J.-C.) ;

(4) les graphies en style sigillaire, xiaozhuan /Jn|^, bien

documentées dans le Shuowen jiezi Ш^СШ"^ de XuShen, le premier dictionnaire étymologique du début de

notre ère.

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Les formes plus tardives sont exclues de ce corpus, caraprès l'instauration du xiaozhuan qui marque la dernière grandeétape de la création des caractères, l'écriture chinoise n'a plus connuque des changements morphologiques de l'ordre de lasimplification. Ces formes simplifiées entraînant la plupart du

temps une suppression des traces anciennes ne peuvent donc, pardéfinition, contribuer à éclaircir l'origine graphique des caractères.

Particularité du système idéo-phonographique chinois

La présente étude apporte une contribution inédite à l'étudedu processus de l'idéo-phonographie, vers laquelle les Chinois sesont tournés dès l'époque des Shang pour faire face à l'évolution dela société nécessitant, dans un espace de temps relativement court,de nombreux néologismes graphiques. Si ce mécanisme associe unélément dit bushou д$"Ц\ indiquant la catégorie sémantique du motà représenter graphiquement, et un élément dit phonique dont lerôle est de suggérer sa prononciation approximative, on sait que,dans certains cas, le choix d'un composant exploité comme

indicateur phonique se révèle également sémantiquement motivé etque, de cette particularité, Wang Shengmei au Xle siècle a tiré unethéorie généralisable que ses excès ont discréditée aux yeux de lapostérité. Avançant avec prudence, mais détermination sur ceterrain glissant, Ch. Maréchal dévoile, au terme d'unedémonstration détaillée et, espérons-le, convaincante, le caractèresémantiquement motivé du composant phonique d'un petit nombred'idéo-phonogrammes et éclaire ainsi d'un jour nouveaul'étymologie de caractères qu'on croyait bien connus.

Contenu de la thèse

Ce travail comprend trois parties constituées de septchapitres à travers lesquels se dessinent en filigrane différentsaspects du graphisme chinois. Dans la première partie, il est à

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plusieurs reprises question de parallélisme frappant entre

l'étymologie graphique chinoise et celle des mots correspondants en

langues indo-européennes ; c'est, par exemple, le cas de tou Щ"tête". Selon l'analyse traditionnelle, cet idéo-phonogramme se

compose, à droite, du composant catégoriel xie Jf "tête" et, à

gauche, de l'indicateur phonique dou ja "réceptacle" ; la prise en

compte des données étymologiques du mot "tête" dans plusieurs

langues indo-européennes incite pourtant à penser que cette analyse

est partielle. Les trajectoires dérivationnelles des mots français tête

et allemand Kopf, par exemple, qui sont intimement liés à la notion

de "réceptacle", ont en effet permis d'exposer une analyse inédite

confirmant, à l'appui des fouilles archéologiques chinoises, que lechoix de l'indicateur phonique dou ]=[ "réceptacle" dans la compos

ition u caractère tou Щ "tête" est sémantiquement motivé.

Réciproquement, l'étymologie graphique chinoise incite à

revoir certaines zones d'ombre de l'étymologie indo-européenne.

C'est ce qu'illustre, par exemple, le rapprochement de la formationdes mots français temple et temps à la lumière des graphies

chinoises si ^jp "temple" et shi Щ- "temps". Si des divergences

existent entre les indo-européanistes au sujet de la paire latine

templum-tempus, d'où dérive la paire française temple-temps, la

parenté étymologique de leur contrepartie chinoise est plus en relief

grâce à un composant graphiquement commun et sémantiquement

lié. La graphie shi Щ "temps" se trouve en effet formée, à gauche,

du composant catégoriel ri 0 "soleil" et, à droite, de l'indicateurphonique si ^f "temple" auquel il est proposé, dans cette thèse,

d'attribuer une double fonction phono-sémantique. Le cas chinois

tendrait donc à constituer un argument en faveur de ceux qui sont

pour un rapprochement de la paire latine templum-tempus.

L'acceptation éventuelle de ce cas parallèle dans des langues de

sphères culturelles aussi éloignées que le chinois et le français

tendrait à démontrer qu'une identité potentielle des motivations a

présidé à la formation de certains items lexicaux.

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La complémentarité des données chinoises et indo

européennes est également illustrée dans cette première partie parl'étude parallèle des paires chinoise quan Ц "source/fontaine" -

yuan Щ "abîme" et latinefons "source/fontaine" -fondus "fond". A

cette occasion, il est démontré que l'exploitation de la démarche del'interprétation visuelle, initiée par Yau Shun-chiu [You Shunzhao](1992), permet d'obtenir de singuliers résultats comme l'atteste, parexemple, l'explication plus harmonieuse de l'évolution sémantiquedu caractère yuan jj|[ "plaine" ou encore l'interprétation graphiquedu caractère di ЛЦ "fond".

Cette première partie traite par ailleurs de quelquescaractères chinois autour de la notion d'origine qui permettent denous rendre compte de la manière dont une notion abstraite

s'incarne à travers plusieurs images concrètes chez les anciensChinois. Ainsi les graphies chu f# et shi $p illustrent, par exemple,que les Chinois ont exploité deux aspects différents liés auphénomène naturel de la venue au monde d'un enfant pourreprésenter graphiquement les mots "début" et "commencement".

La deuxième partie de cette thèse est entièrement consacréeà l'étude de caractères aux etymologies très controversées afin de

faire prendre conscience, d'une part, des limites de l'approche del'étymologie graphique et, d'autre part, de la manière dont il estpossible de parer à certains de ses inconvénients. A cet effet,quelques controverses étymologiques, au demeurant insolubles,font tout d'abord l'objet d'une réflexion ; les graphies concernées,telles que shen Щ "pouvoir céleste", quan |Ц "pouvoir", di ~Щ"souverain du ciel", wang 3E "r°i" ou encore zu f|[ "ancêtremasculin", sont regroupées sous la rubrique "détenteurs du pouvoircéleste et terrestre". Cette deuxième partie s'achève sur l'étude des

deux graphies fang ~)^ "région ; carré" et pang Щ "côté",appartenant à un groupe de caractères apparentés, qui révèlecombien la question de l'identification d'un artefact dans lacomposition d'un caractère est déterminante dans le cadre d'uneanalyse sémantico-graphique et combien la paléographie est

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tributaire de domaines aussi divers que l'archéologie ou

l'ethnographie. En partant de l'hypothèse de Xu Zhongshu (1930),qui reste toujours d'actualité, selon laquelle l'identification du

référent-objet de la graphie fang ~jj "région ; carré" figurerait un

instrument aratoire, il est démontré que la présence de fang ~}j

"région ; carré" dans des graphies telles que bian ^ "bord", pangЩ "côté" ou encore fang |$? "défendre" est motivée par la notion

sous-jacente de frontière. L'adhésion à ce point de vue permet ainsi

une meilleure compréhension de la formation graphique d'un

caractère aussi banal que fang J§ "maison", comprenant le

composant graphique fang JiJ au sens de délimitation, et non au

sens de spatialité comme c'est le cas dans le mot moderne difang

"espace".

Quant à la troisième partie, elle met en relief le rôle de trois

pictogrammes non litigieux au niveau de leur identification, à

savoir zhu flf "bambou", si $& "soie" et bei Л "cauris", au cours de

la grande période de ramification lexicographique survenue lors del'unification de la Chine, aux alentours du Ille siècle av. J.-C, les

changements socio-politiques ayant entraîné l'émergence de

nombreux néologismes graphiques. Une autre étape du

développement de l'écriture chinoise est ainsi abordée : celle de la

ramification graphique qui est le processus de création des

caractères en série à partir d'un composant catégoriel commun. Ceci

permet de mesurer l'impact de matériaux tels que la soie %fc ou le

bambou ^f qui ont été exploités respectivement pour représentergraphiquement, entre autres, une grande partie des termes

chromatiques tels que lu #§ "vert", hong £1 "rouge" et su Щ"écru"

pour ne citer que quelques exemples ; et de nombreux termes

appartenant au domaine scripturaire comme Ы Щ. "pinceau", pianЩ "chapitre d'un livre" ou encore ji ff "document". De même

l'importance des cauris Щ,, ces petits coquillages ayant servi de

référence monétaire dans la Chine ancienne, est décelable

notamment à travers les néologismes graphiques se rapportant à laterminologie monétaire comme l'attestent, entre autres, les graphies

mai Л "acheter", fu jg^ "impôt" ou encore dai ^ "crédit". Cette

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section permet de mettre en relief l'empreinte socio-culturelle que

ces trois référents-objets ont laissé jusque dans l'écriture actuelle.Sur ce point, contrairement à ce que l'on aurait pu être tenté decroire à la lumière d'un article influent de Jacques Gernet (1952)

laissant entendre au travers des cas de yang Èfc "bélier" et he ^zcéréale" que les composants catégoriels sont dotés d'une valeur

connotative intrinsèque, l'analyse du processus de ramificationgraphique a permis, dans un premier temps, de présupposer laneutralité de ces composants sur le plan connotatif et, de laconfirmer dans une étude ultérieure (Maréchal, 1998) ; c'est cette

neutralité qui permet au système d'écriture d'acquérir la flexibiliténécessaire pour faire face à la création de néologismes graphiquestoujours plus nombreux.

[Résumé de l'auteur]

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Chrystelle MARÉCHAL(EHESS-CRLAO) - CNRS54, Bd Raspail75006 ParisFRANCEmaréchal Sehess. fř