eau developpement durable

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Confrence internationale Eau et dveloppement durable

Eau et dveloppement durableLors de la session extraordinaire de lAssemble gnrale des Nations unies en juin 1997, le Prsident de la Rpublique franaise a propos de recevoir en France, une confrence internationale runissant les acteurs de la politique de leau. Lobjectif de cette confrence internationale sur leau et le dveloppement durable est de contribuer concrtement llaboration des stratgies ncessaires pour amliorer la protection et la gestion des ressources en eau douce, que ce soit dans les zones rurales ou dans les zones urbaines, pour garantir une alimentation en eau potable, un assainissement et une irrigation mieux matriss, en intgrant dans les rflexions les objectifs de lutte contre la dsertification. Sappuyant sur les acquis des prcdentes runions internationales, les recommandations des ministres, les propositions des experts et les recommandations de la socit civile labores lors de la Confrence de Paris, alimenteront les travaux de la 6e session de la Commission du dveloppement durable. Nous remercions les nombreux acteurs de la socit civile qui ont bien voulu rpondre ? dans un dlais trs court ? lappel contributions lanc par le Programme Solidarit Eau. Une slection de ces tmoignages reprsentatifs dexpriences innovantes de la socit civile a ainsi pu tre faite, elle est prsente dans ce document. Les tmoignages qui nont pu tre retenus, malgr leur intrt, sont galement recenss en fin de document et mis disposition sur le site Internet de la confrence. Cest partir de lensemble de ces tmoignages que des pistes daction manant de la socit civile sont proposes. Pierre-Marie Grondin, secrtaire excutif du pS-Eau

Tmoignages de la socit civileConfrence internationale de Paris 19, 20 et 21 mars 1998

ISBN : 2 - 86844 - 090 - 8 MARS 1998 PRIX : 80 FF Diffusion : GRET Groupe de recherche et d'changes technologiques 211-213 rue La Fayette 75010 Paris (France).

Les ditions du

Programme Solidarit Eau

Confrence internationale Eau et dveloppement durable, mars 1998

Eau et dveloppement durableTmoignages de la socit civile

Confrence des Nations Unies sur l'Environnement et le Dveloppement

Programme Solidarit Eau

PrfaceDans le large dbat sur le dveloppement durable qui anime la plante, le gouvernement franais a souhait manifester son intrt pour l'amlioration de la protection et de la gestion des ressources en eau douce. L'objectif de la confrence de Paris sur L'eau et le dveloppement durable est de contribuer concrtement l'laboration de stratgies innovantes dans ce domaine. Cette manifestation s'inscrit dans le processus de prparation des travaux de la sixime session de la Commission du dveloppement durable qui se tiendra New-York du 20 avril au1er mai 1998. Les ministres franais des Affaires trangres et de l'Amnagement du territoire et de l'Environnement ont souhait qu'au sein de cette confrence ministrielle, une large place soit laisse l'expression des expriences et des attentes de la socit civile. La socit civile scientifiques, professionnels, simples citoyens rassembls ou non en associations, tous concerns par le dveloppement durable et par ses applications dans leur vie quotidienne dispose d'une expertise solidaire et concrte communiquer. Pour la socit civile, si l'eau est un bien conomique, c'est avant tout un bien social. C'est l'galit d'accs ce bien commun qui doit tre construite et dfendue. Les expriences accumules par la socit civile trouvent dans les lus locaux un relais privilgi qui fait le lien entre les populations, les gouvernements et les instances de concertation internationales. Si la coopration dcentralise et non gouvernementale connat un essor significatif, elle doit tre appuye par une politique volontariste des tats, qui attire des investissements privs et favorise l'implication de la socit civile. Les gouvernements, mme avec le soutien des agences de dveloppement, ne pourront rpondre aux attentes des populations en matire d'alimentation en eau potable et d'assainissement sans participation de la socit civile. Une bonne connaissance de la ressource en eau et de ses usages est indispensable. Elle doit s'accompagner du traitement et de la mise disposition la plus locale possible des informations obtenues. L'utilisation rationnelle de ces informations ne pourra tre effective sans la ralisation de vastes programmes de formation et de communication destins aux dcideurs, aux professionnels et aux usagers. Enfin, les cadres institutionnels et lgislatifs doivent tre redfinis pour permettre le dsengagement des tats, tout en favorisant l'implication de la socit civile. Nous souhaitons que ce document participe, mme modestement, une gestion plus durable de notre environnement et au respect du droit universel d'accs une eau saine. Stphane Hessel, Ambassadeur de France, Prsident du programme Solidarit Eau.

Nous remercions vivement les personnes qui nous ont fourni les fiches d'exprience : Jacques Manem (Asian technical research network), Patrick Cairo (Suez-Lyonnaise des eaux), Mamadou Diallo (direction rgionale de l'Hydraulique des hauts bassins, Burkina Faso), Thu Thuy Ta (consultante), Thomas Adeline (AFVP Cameroun), Jean-Pierre Tanga (animateur social au Cameroun), Philippe Lecomte (Ardecod) Alphonse Woi Messe (Union des villes de Cte d'Ivoire), Christian Puech (Laboratoire commun de tldtection Cemagref-Engref), Abdou Ousmane (direction des Ressources en eau, Niger), Takashi Asano (Universit de Californie), Rafael Mujeriego (Universit polytechnique de Catalogne), Patrick Marchandise (OMS), Nicolae Pitu (Rgie autonome de l'eau de la rgion de Constanta, Roumanie), Marcel Zadi Kessy (Sodeci), Michel Maruenda (Saur International), Julie Jarman (WaterAid), Jon Lane (WaterAid), Bernard Collignon (Hydroconseil), Alain Pamphile (Socit d'ingnierie civile et d'architecture), Sanjit Bunker Roy (the Barefoot College), Pascal Augier (Igref), Avedis Serpekian (Jordan Rift Valley), Hoang Long (Comit populaire de la ville province de Da Nang, Vietnam), Alain Villain (direction de l'Environnement, de l'nergie et des Dchets de la rgion Nord-Pas-de-Calais), Lukman Salifu (Projet Urban IV, Ghana), Franois Valiron (Acadmie de l'eau), M. Lalhou (Office national de l'eau potable, Maroc), Jean-Yves Grosclaude (CFD Rabat), Tariq Kabbage (GPA), Lisette Provencher (Suez-Lyonnaise des Eaux), Ricardo Schusterman (IIED-AL), Jacques Coutelle (Omsa), Manuel Reed (CCAPAMA), Zbigniew Maksymiuk (Saur Neptun Gdansk).

Ainsi que toutes les personnes qui ont rpondu l'appel contribution lanc par le pS-Eau. Enfin, merci aux membres du comit de pilotage ainsi quaux conseillers techniques des trois ateliers : Atelier 1 : F. Casal (MATE), J.-M. Fritsch (Orstom), J. Margat (BRGM). Atelier 2 : M. Camboulive, J.-L. Oliver (CG-PC). Atelier 3 : G. Cruse (CFD), M.-A. Martin (CFD), F. Noisette (MAE), J.-F. Vergs (DG, ICEA).

Confrence internationale Eau et dveloppement durable Tmoignages de la socit civile7. 15. 15. 21. 24. 31. 83. Introduction tat des lieux Thme 1 : Connaissance des ressources en eau et des usages pour une gestion durable Thme 2 : Outils rglementaires et capacits institutionnelles et humaines Thme 3 : Gestion durable et financement Quelques expriences Perspectives et actions mener

83. Thme 1 : Amliorer la connaissance des ressources en eau et des usages pour une gestion durable Thme 2 : Favoriser le dveloppement des outils rglementaires et des capacits institutionnelles et humaines 93. Thme 3 : Dfinir les stratgies pour une gestion durable de leau et identifier les moyens financiers appropris 99. 101. 102. Pistes daction Annexes Tableau rcapitulatif des contributions proposes 89.

IntroductionLors de la session extraordinaire de l'Assemble gnrale des Nations unies en juin 1997, le Prsident de la Rpublique franaise a propos de recevoir, en France, une confrence internationale runissant les acteurs de la politique de l'eau. L'objectif de cette confrence internationale sur l'eau et le dveloppement durable est de contribuer concrtement l'laboration des stratgies ncessaires pour amliorer la protection et la gestion des ressources en eau douce, que ce soit dans les zones rurales ou dans les zones urbaines, pour garantir une alimentation en eau potable, un assainissement et une irrigation mieux matriss, en intgrant dans les rflexions les objectifs de lutte contre la dsertification. l'invitation du ministre des Affaires trangres et du ministre de l'Amnagement du territoire et de l'Environnement, cette confrence se tiendra Paris du 19 au 21 mars 1998. Les acteurs de la politique de l'eau des 80 pays membres de la Commission du dveloppement durable y participent : ministres et hauts responsables des administrations en charge de la gestion de l'eau, reprsentants de la socit civile, des collectivits locales. La confrence rassemble galement des reprsentants dinstitutions financires et dorganisations internationales (Banque mondiale, Conseil mondial de l'eau, Global Water Partnership, etc.). La confrence s'inscrit dans le processus de prparation des travaux de la sixime session de la Commission du dveloppement durable (20 avril-1er mai 1998, New-York), en articulation avec les runions prparatoires de Cape Town (Afrique du Sud, 8-10 dcembre 1997) et Harar (Zimbabwe, 28-31 janvier 1998). S'appuyant sur les acquis de ces prcdentes runions internationales, les recommandations des ministres, les propositions des experts et les recommandations de la socit civile, labores par les participants de la Confrence de Paris, alimenteront les travaux de la sixime session de la Commission du dveloppement durable. Les travaux prvus portent sur trois thmes : amliorer la connaissance des ressources en eau et des usages pour une gestion durable ; favoriser le dveloppement des outils rglementaires et des capacits institutionnelles et humaines ; dfinir les stratgies pour une gestion durable de leau et identifier les moyens financiers appropris.

Les 19 et 20 mars seront majoritairement consacrs aux ateliers d'experts. La confrence ministrielle, les 20 et 21 mars, ouverte l'ensemble des participants, sera le lieu d'adoption par les ministres prsents, de recommandations en vue d'un plan d'action. De nombreux acteurs de la socit civile et des collectivits locales ont bien voulu rpondre un appel contributions lanc pour recueillir des tmoignages, des exemples concrets d'expriences de terrain et de rformes en cours, ainsi que des propositions d'application des recommandations issues des confrences internationales prcdentes. Une slection de ces tmoignages reprsentatifs d'expriences innovantes de la socit civile a ainsi pu tre faite, elle est prsente dans ce document. Cest sur cette base quont t labores des pistes d'actions. 7

INTRODUCTION

Chacun des tmoignages slectionn fait l'objet d'une prsentation lors des ateliers suivants : Atelier 1 : Amliorer la connaissance des ressources en eau et des usages pour une gestion durable La connaissance de la ressource et l'valuation des besoins sont un pralable indispensable une gestion globale et quilibre en eau. Elle suppose la mise en place, la maintenance et l'exploitation de rseaux de mesures et de banques de donnes. L'objectif, en liaison avec les organisations internationales (notamment lOrganisation mtorologique mondiale et lUnesco), est de dboucher sur des projets concrets amliorant les rseaux de surveillance ou les outils de planification. La mise en place progressive de ces rseaux, avec des financements internationaux appropris, permettrait chaque pays de mieux organiser la planification de la gestion de l'eau de faon durable. Atelier 2 : Favoriser le dveloppement des outils rglementaires et des capacits institutionnelles et humaines La prennit des investissements du secteur de l'eau, dans les zones rurales comme dans les zones urbaines, ne peut tre assure sans l'tablissement de systmes institutionnels cohrents embrassant l'ensemble du cycle de l'eau. Cela passe par le dveloppement de programmes de formation touchant les gestionnaires de la ressource, la formation professionnelle sur les techniques appropries aux diffrents pays, et des actions d'ducation des usagers et du public. De tels programmes doivent tre le complment indispensable des investissements. Cet atelier valuera, sur la base des expriences concrtes, les progrs raliser pour rendre plus efficace une action concerte des pouvoirs publics, des collectivits locales, des socits de service publiques et prives et examinera les moyens d'y associer les utilisateurs de l'eau. Atelier 3 : Dfinir les stratgies pour une gestion durable de l'eau et identifier les moyens financiers appropris Les besoins en investissements dans le domaine de l'eau sont considrables et dpassent largement les moyens actuellement mobiliss au niveau national et par les bailleurs de fonds internationaux. Il est donc ncessaire de conjuguer, par des approches innovantes, notamment avec une politique de gestion de la demande, d'adaptation aux spcificits locales et de participation des usagers, la mobilisation des ressources financires, locales, nationales et internationales, qu'elles soient publiques ou prives. L'objectif de dveloppement de plans d'action : schmas d'allocation des ressources, objectifs de dpollution, programmes de dveloppement et de maintenance des quipements avec la mobilisation des financements appropris, doit tre apprci

8

INTRODUCTION

dans le cadre des stratgies nationales et rgionales de dveloppement durable. Une rapide esquisse du paysage dans lequel s'inscrivent les thmes centraux de la confrence doit permettre de situer les dbats.

SE

BASER SUR LES ACQUIS DES PRCDENTES CONFRENCES INTERNATIONALES

L'inventaire des ressources mondiales en eau douce, examin New-York en juin 1997 durant la session extraordinaire de l'Assemble gnrale des Nations unies, vient confirmer que, si les schmas actuels d'utilisation des ressources sont maintenus, prs des deux tiers de l'humanit risquent de souffrir d'un manque d'eau modr grave avant l'an 2005. Ce constat doit tre rapproch de la dclaration de Rio Les tres humains sont au centre des proccupations du dveloppement durable : ils ont droit une vie saine et productive en harmonie avec la nature . L'eau est l'un des vecteurs majeurs du dveloppement durable, qui a pour objectifs de lutter contre la pauvret, d'assurer la promotion sociale, de favoriser les activits conomiques et de protger l'environnement. Aujourd'hui, avec l'accroissement de la consommation et de la pollution, l'eau risque de devenir, comme c'est dj le cas dans certains pays arides, un facteur limitant essentiel du dveloppement conomique et social dans les prochaines dcennies. Rio en 1992 comme Nordjwik en 1996, les principales recommandations ont concern : la satisfaction, de faon durable, des besoins des populations urbaines et rurales en eau potable de qualit, afin d'amliorer l'hygine et la sant, et de prvenir les grandes pidmies ; l'assurance de la scurit alimentaire des populations au niveau local, rgional et mondial par un dveloppement durable des productions agricoles, reposant en particulier sur une irrigation approprie ; le dveloppement harmonieux de l'industrie, de la production nergtique, de la pratique des loisirs et, dans certains secteurs, du tourisme et des transports par voie d'eau ; l'accroissement de la production piscicole pour l'alimentation ; la prvention des pollutions de toutes origines et de toutes natures, afin d'assurer la rutilisation optimale des ressources et de prserver la biodiversit des cosystmes ; la lutte contre les catastrophes naturelles et les risques d'rosion, d'inondation ou de scheresse, en prenant en compte la gestion de l'eau et des cosystmes. Afin de rpondre l'ensemble de ces dfis, chacun s'est accord sur la ncessit de mettre en oeuvre une approche intgre et non sectorielle de la gestion du cycle de l'eau. Cela ncessitera l'implication de l'ensemble de la socit civile dans le procesus de matrise du cycle de l'eau.

MIEUX

CONNATRE LA RESSOURCE

Si l'eau, sous toutes ses formes, est abondante sur notre plante, l'essentiel de son stock est constitu d'eau de mer et de glace : l'eau douce continentale liquide est paradoxalement une ressource globalement rare, dont l'essentiel se situe dans les nappes souterraines. Si l'on fait abstraction des nappes fossiles, les ressources en eau douce renouvelable s'intgrent dans le cycle de l'eau et s'coulent en un flux, limit dans l'absolu par la quantit de prcipitation que reoit chaque continent, qui revient progressivement vers les ocans ou qui s'vapore. 9

INTRODUCTION

Ces ressources sont trs ingalement rparties entre les continents, les pays, voire les rgions d'un mme pays. Ramen la superficie des terres merges, leur flux peut varier de 1 (Australie) 15 (Amrique du Sud). Le gigantesque bassin du fleuve l'Amazone contribue, lui seul, 15 % des coulements globaux. Il y a videmment de trs grandes diffrences de situations entre des zones arides ou semi-arides, qui peuvent d'ailleurs tre parcourues par des fleuves relativement importants, et des zones quatoriales et tropicales, ou encore des zones de climat ocanique, parcourues par un rseau hydrographique dense et ramifi. Dans certaines situations insulaires (Canaries par exemple) ou de pays arides (pninsule Arabique), le recours au dessalement d'eaux saumtres ou d'eau de mer est, d'ores et dj, devenu une obligation, avec une rutilisation intensive des eaux uses pures pour l'irrigation ou la recharge de nappes. Les bassins versants des 215 plus grands cours d'eau internationaux couvrent plus de 47 % des terres merges. Par ailleurs, la quantit d'eau disponible peut tre trs variable d'une anne l'autre et mme entre les saisons d'une mme anne. Le dbit des cours d'eau est donc trs variable selon la saison, et la signification d'un chiffre de dbit annuel est donc fondamentalement diffrente en fonction du rgime du fleuve et selon qu'il est naturel ou rgul. Une forte proportion des volumes d'eau s'coule sous forme de crues, qui ne peuvent gnralement pas tre entirement contenues dans des rservoirs, lorsqu'ils existent. Cette partie des coulements chappe alors toute possibilit de contrle et de gestion, et elle peut s'avrer un vecteur d'inondations catastrophiques en mme temps qu'une perte d'eau disponible. Dans les zones arides cependant, l'pandage de crue peut tre une bndiction pour les agriculteurs locaux qui le plus souvent en assurent une bonne matrise. l'inverse, une succession d'annes sches ou simplement infrieures la moyenne peut crer une situation de pnurie, voire de disette ou de famine, dans certaines rgions habituellement pourvues en eau. En outre, des prsomptions scientifiques supplmentaires viennent rgulirement conforter l'hypothse selon laquelle le climat ne serait pas stationnaire, mais que nous serions dans une phase de changement climatique, caractrise par un rchauffement global accompagn d'effets significatifs sur le cycle de l'eau. Face cette incertitude, la prudence amne considrer que l'tat des ressources en eau d'une rgion ou d'un pays ne sera pas ncessairement le mme dans le futur qu'aujourd'hui. Face l'ampleur de la tche, il est ncessaire de mener une politique internationale volontariste et innovante d'amlioration des connaissances des ressources en eau et de leurs flux. Pour tre exploitable durablement, cette connaissance doit tre dynamique et s'appuyer sur l'analyse de la demande des usagers. La participation de ceux-ci la collecte et la rediffusion de l'information est une condition majeure de succs.

UNE

FORTE INTERACTION DE L'ACTIVIT HUMAINE SUR CETTE RESSOURCE

Cette interaction se traduit tout d'abord par une demande toujours croissante. Dans le monde, les consommations en eau ont t multiplies par 7 depuis le dbut du sicle et elles ont doubl au cours des 20 dernires annes. Prs de la moiti de cet accroissement est mettre au compte de l'augmentation de la population, ce qui n'est pas sans poser le problme de la matrise dmographique dans des zones o la ressource en eau est rare. L'autre moiti rsulte de l'aug 10

INTRODUCTION

mentation de la consommation per capita, lie au dveloppement agricole et industriel et l'accroissement du bien-tre social, avec d'ores et dj localement des problmes d'affectation des ressources entre les diffrents usages. Cette hausse de la demande est souvent associe la dgradation de la ressource exploite. Nous pouvons citer quelques exemples : la surexploitation de certaines nappes d'eau souterraine en zone ctire a entran leur salinisation. Celle des cours d'eau a pu conduire leur asschement, certaines priodes, avec des consquences parfois irrversibles sur la faune aquatique et les cosystmes ; en zone rurale, les rejets polluants localiss ou diffus, notamment l'utilisation mal matrise de fertilisants et de pesticides, ont des consquences nfastes sur la sant humaine et dans de nombreuses situations interdisent tout ou partie de la rutilisation de l'eau, pourtant disponible en volume suffisant pour d'autres usages ; une mauvaise matrise des apports d'eau la parcelle, et l'absence de drainage, ont eu pour consquence dans certaines rgions la neutralisation par salinisation et engorgement d'une grande part des surfaces irrigues ; les dfrichements abusifs, le surpturage, le changement dans la nature des cultures ou du couvert vgtal, de la structure du parcellaire ou des techniques agricoles, et l'quipement ou la rectification du cours des fleuves et rivires, ont des consquences parfois trs graves ; la modification du climat local, l'vaporation, l'rosion ou la modification du rgime des coulements, peuvent conduire des inondations, des scheresses ou provoquer des pollutions.

Il est d'autre part indiscutable qu'il existe une corrlation troite entre l'tat des ressources en eau et l'amnagement du territoire. L'urbanisation croissante entrane l'impermabilisation du sol par les constructions ou les infrastructures, ce qui conduit des perturbations significatives, notamment en priodes de fortes prcipitations. Cette urbanisation provoque galement une concentration spatiale des rejets domestiques et industriels qui, le plus souvent, ne sont pas traits, et dpassent la capacit d'auto-puration du milieu. Les besoins nergtiques, l'alimentation en eau des villes et des campagnes ont ncessit la construction de grands rservoirs artificiels. Outre la modification considrable de l'cosystme local, l'vaporation qui en dcoule reprsente une part trs importante de la consommation des ressources disponibles. L'irrigation reprsente le plus gros poste de consommation (pratiquement les trois quarts de la consommation 11

INTRODUCTION

totale) et les surfaces irrigues continuent de crotre rapidement. La connaissance du cycle de l'eau ne peut donc se cantonner aux seules donnes physiques, mais doit prendre en compte l'environnement humain dans son ensemble. Interdisciplinarit, ouverture aux sciences conomiques et sociales, accessibilit locale aux donnes devraient tre les matres mots des futurs systmes de suivi.

DES

PRATIQUES PROCCUPANTES POUR L'AVENIR

Malgr un taux de rgulation des ressources en eau superficielle lev, le contrle des inondations, qui constituent un risque important pour la scurit des populations, demeure une proccupation. La ralisation de retenues d'eau n'est souvent pas suffisamment accompagne de mesures de protection de l'environnement immdiat des plans d'eau, ce qui entrane leur comblement rapide par les sdiments, provenant de l'rosion des hauts bassins, en l'absence d'un contrle adquat de la couverture vgtale des sols. Dans de nombreux pays, les techniques d'irrigation utilises restent encore sommaires et conduisent des pertes trs significatives de ressources en eau, soit en amont par vaporation sur les lacs rservoirs et les canaux ciel ouvert, soit la parcelle par infiltration et perte dans les sols (au niveau mondial, on considre que seul un tiers de l'eau utilise en irrigation profite la croissance des plantes). L'efficience globale des systmes d'irrigation (rapport entre les quantits d'eau vapotranspires par les cultures irrigues et les quantits d'eau prleves dans le milieu) est mal connue et mal matrise. Bien que l'infiltration vient ralimenter les nappes phratiques l'aval, les conomies d'eau potentielles sont considrables et constituent un enjeu conomique et environnemental important. Il est urgent de rorienter les investissements vers des systmes plus respectueux de la ressource et de promouvoir des systmes de dcisions participatifs dans lesquels usagers, lus locaux, chercheurs et entrepreneurs puissent exprimer leurs attentes et leurs volonts.

PROMOUVOIR L'ACCS DE TOUS UNE EAU SAINE DANS UN ENVIRONNEMENT RESPECT, PAR DES CADRES DE CONCERTATION ADAPTSUne part trop importante de la population mondiale n'a pas encore d'accs direct l'eau et vit dans des conditions d'hygine trs difficiles. Les maladies d'origine hydrique demeurent la cause de morbidit la plus importante dans le monde. Ds le dbut du sicle prochain, 50 % de la population mondiale vivra dans les villes et une part croissante d'environ 10 % se concentrera dans d'immenses mgalopoles de plus de 10 millions d'habitants. L'adduction d'eau potable et l'assainissement de ces trs grandes villes, particulirement dans les quartiers dfavoriss, ne

12

INTRODUCTION

peut plus tre assume par les seuls gouvernements. Cette question de l'adduction d'eau potable est donc cruciale, mais des efforts importants ont t raliss pour la rsoudre. En revanche, l'assainissement a, jusqu' prsent, t peu pris en compte. Ces deux aspects d'un mme service sont galement importants pour de nombreuses villes moyennes et petites, ainsi que pour les les. En milieu rural, malgr les efforts consentis durant la dcennie de l'eau, de nombreux villages connaissent toujours de graves difficults d'accs une eau saine. Les difficults rencontres ne sont pas essentiellement d'ordre technologique, mme si une meilleure adaptation des techniques aux situations locales est souhaitable. Elles sont surtout lies un dficit d'organisation institutionnelle et conomique. L'absence ou la non application des rglementations et des normes, le manque de formation approprie des professionnels et des divers usagers de l'eau viennent renforcer cette carence. Les budgets publics ne pourront seuls faire face aux investissements ncessaires. L'association de plus en plus forte des usagers la gestion et au financement de l'eau est devenu un impratif. Il s'agit de trouver de nouvelles formes de financements, permettant l'ensemble de la socit civile de s'investir dans la matrise de leur environnement. Mme avec une capacit de maintenance adquate, les frais de fonctionnement rcurrents sont du mme ordre de grandeur que l'amortissement des investissements. La formation, l'information et l'association des usagers (ainsi que de l'ensemble de la socit civile) la gestion et au respect des moyens de mise disposition des ressources en eau devraient permettre de rduire les frais de maintenance. Aujourd'hui, la connaissance des ressources en eau, des usages, des rejets, comme du fonctionnement des milieux, reste trs insuffisante pour permettre une gestion globale et durable. Il est maintenant urgent de mobiliser l'ensemble de la communaut internationale autour d'objectifs ambitieux. Si une entente mondiale est ncessaire, rien ne pourra tre bti durablement sans la collaboration des lus locaux et de la population qu'ils reprsentent.

13

tat des lieuxCONNAISSANCE

1

DES RESSOURCES EN EAU ET DES USAGES POUR UNE GESTION DURABLE

Avoir une meilleure connaissance des ressources en eau, de la pression qui s'exerce sur cellesci et des usages qui en sont faits, apparat comme un des enjeux majeurs de la future dcennie. Sans connaissances des stocks d'eau disponibles, de leur capacit de renouvellement et de leurs usages, il serait illusoire de penser pouvoir mettre en place une gestion durable de la ressource. Cette connaissance ne peut tre ponctuelle, ni dans le temps, ni dans l'espace. Elle ncessite la mise en oeuvre d'un rseau de surveillance dot, long terme, de moyens matriels, financiers et humains dpassant les cadres rgionaux et a fortiori nationaux. L'volution globale de la connaissance de la ressource et de ses usages prsuppose une entente entre les partenaires impliqus dans la chane de collecte des donnes, depuis les bailleurs de fonds jusqu'aux utilisateurs potentiels (gouvernements, centres de recherche, industriels, producteurs, etc.). Cet accord international sur les mthodes de mesures, les matriels, les objectifs et les modes de mise disposition des rsultats et des synthses est impratif pour mieux connatre, et, par consquent, mieux protger cette ressource indispensable la vie. Pour avancer sur cette voie, il est ncessaire de btir des cadres de concertation internationaux qui prsideront aux attributions des tches et des responsabilits. La ngociation entre politiques, scientifiques et utilisateurs doit tre la cl de la mise en place durable de ce rseau international de mesure. De nombreuses rflexions mnent la ncessit de mettre en place un rseau mondial de mesures.

De quelle ressource s'agit-il ? Dfinis comme les quantits d'eau immobilises sur la plante, ces stocks seraient de plus de 1 300 millions de km3 dont 97 % sous forme d'eau sale. Le stock d'eau douce est ainsi estim 35 millions de km3. En fonction de leurs modes de stockage, ces rserves se rpartissent de la manire prsente dans le tableau 1 (cf. page suivante). La majeure partie des rserves d'eau douce existe sous forme de glace. L'vaporation moyenne annuelle sur l'ensemble des ocans est estime une lame d'eau quivalente 1 250 mm alors que la pluie y serait de 1 120 mm. La circulation atmosphrique entrane un transfert permanent de vapeur d'eau des ocans vers les continents.1

Ce chapitre a t rdig partir des notes prparatoires labores par les conseillers techniques des ateliers.

15

TAT DES LIEUX

Tableau 1

RPARTITION

DES STOCKS D'EAU DOUCE SUR LA TERRE 2% DU STOCKDES EAUX DOUCES DTAIL

NATURE DU STOCK

% DU STOCKDES EAUX DOUCES

Glaces et neiges

69,6

Antarctique Groenland Arctique Autres (montagnes, permafrost) Nappes phratiques Eau du sol

Eaux souterraines Lacs et marais Eau atmosphrique Rivires

30,15 0,29 0,04 0,006

61,7 6,68 0,24 0,98 30,1 0,05

Dans un systme considr comme tant l'quilibre (invariance des stocks), cette advection d'eau atmosphrique est intgralement compense par un flux d'gal volume, constitu par la somme des coulements de tous les fleuves et rivires de la plante vers les mers et ocans ainsi que le flux de glace polaire (sous forme d'icebergs). Ce volume est estim 47 000 km3 par an, selon le tableau 2 suivant. Tableau 2

CONTRIBUTIONTERRITOIRE

DES CONTINENTS AUX FLUX D'EAUX DOUCES 3FLUX ANNUEL (EN KM3)

% DE L'COULEMENTMONDIAL

FLUX ANNUEL

(EN

MM)

Asie Amrique Sud Amrique Nord et Centre Afrique Europe Antarctique Ocanie Australie Total terres merges

14 410 11 760 8 200 4 570 3 210 2 230 2 040 348 46 770

31 25 17 10 7 5 4 1 100

332 661 339 151 306 160 1 610 45 314

2

Shiklomanov, I.A. (ed.), 1996. valuation des ressources et des disponibilits en eau dans le monde. State Hydrological Institute. Saint-Ptersbourg. Document technique annexe valuation exhaustive des eaux douces de la plante, rapport du secrtaire gnral la cinquime session de la Commission du dveloppement durable des Nations unies, New York, avril 1997, 64 p.

3 Shiklomanov, I.A., 1993. World Freshwater Ressources. In Water in Crisis , P. Gleick ed., chapitre 2, pp. 1-24, Oxford University Press.

16

CONNAISSANCE DES RESSOURCES EN EAU ET DES USAGES POUR UNE GESTION DURABLE

cette dimension se rajoute l'ingalit spatiale de la ressource en eau. Dans la majorit des pays, la proximit d'eau permanente et d'accs facile est encore un facteur notable d'occupation et d'amnagement du territoire. Cette eau bon march, facilement exploitable, est trs ingalement rpartie. Du fait des activits humaines, elle est plus particulirement sujette la dgradation de sa qualit et de son rgime. Sa rarfaction va faire passer le monde de l'exploitation d'une ressource permanente et accessible tous une politique de gestion d'une denre rare et coteuse rserve aux nantis. Pour viter cette fuite en avant, il est ncessaire de connatre finement et en permanence l'tat de la ressource et de ses usages, tout en axant la prospective sur un accs universel respectueux des diffrents usagers et de leurs besoins.

Faut il amliorer la collecte des donnes ? La quantification des stocks d'eau disponible et surtout des flux, aux chelles pertinentes (continents, rgions, pays, bassins versants), constitue un pralable l'estimation des ressources en eau et tout projet de gestion de celles-ci. Pour rpondre aux objectifs de connaissance et de gestion, les donnes collectes doivent satisfaire un certain nombre de critres, et prsenter les qualits suivantes :

continuit et dure ; pertinence des sites de collecte ; fiabilit et accessibilit.

x

Continuit et dure

Des sries de mesure continues et longues sur un mme site sont ncessaires, car il ne s'agit pas de caractriser un stock ou un gisement immobile, mais de suivre un flux variable dans le temps. D'autre part, la ressource en eau d'une rgion ou d'un pays ne restera pas ncessairement la mme, du fait de l'existence d'une variabilit climatique extrme et de l'influence croissante des activits humaines. Il est donc impratif de prolonger les sries de donnes existantes avec des informations nouvelles et actualises. Cela permettra de prciser le risque statistique et de s'en prmunir. La continuit de la collecte des donnes est loin d'tre assure l'chelle mondiale. Dans les pays en voie de dveloppement, aux priodes fastes de deux ou trois ans correspondant au lancement de programmes de mesures financs par les bailleurs internationaux, succdent souvent des priodes o la collecte est peu peu laisse de ct. En effet, ds lors que les autorits locales se retrouvent seules face des dpenses dont l'urgence et la priorit sont difficilement palpables, elles ont tendance ngliger cette activit.x

Pertinence des sites de collecte

Afin d'accompagner l'volution des usages et du flux lui-mme, le maillage des rseaux de collecte doit s'adapter l'volution de la demande (urbanisation, dveloppement conomique, vo 17

TAT DES LIEUX

lution des pratiques culturales, etc.). La grande masse de donnes existantes est encore constitue par des hauteurs de pluie, des niveaux de nappe, ou des hauteurs d'eau dans les cours d'eau, alors que l'impact croissant des activits humaines implique le suivi de la qualit chimique, physique et bactriologique de l'eau.x

Fiabilit et accessibilit des donnes

Des retards importants (plusieurs mois, parfois plusieurs annes) entre la collecte de donnes et le traitement primaire, ainsi qu'un manque d'accs distance aux donnes hydromtorologiques sont galement constats. Des valuations au niveau continental ( valuation des ressources en eau en Afrique subsaharienne ) ont montr une dgradation trs sensible du nombre et de la qualit des donnes collectes partir du dbut des annes 80. Lorsque la collecte des donnes ne s'est pas faite de faon rgulire et continue, une remise niveau est gnralement ralise (parfois par un autre oprateur), sans continuit instrumentale et mthodologique. La fiabilit des donnes sen trouve compromise. L'utilisation de technologies nouvelles (Internet par exemple), assortie d'une harmonisation des procdures de travail permettra :

l'amlioration de la qualit et de la prcision des donnes ; la prise en compte des paramtres de qualit de l'eau ; la prennisation de systmes harmoniss de mesure.

Quels utilisateurs peuvent et doivent tre concerns ? Actuellement, la prennit des systmes de mesures, de collectes et d'exploitation des donnes n'est pas assure. L'un des facteurs de prennisation des rseaux de collecte est l'ouverture de ces rseaux l'ensemble des producteurs d'informations et des utilisateurs. Les centres de collecte fonctionnent trop en cercle ferm, entre spcialistes qui ne dlivrent leur savoir que sous forme digre , sans expliciter la teneur et l'importance de leurs travaux. Il est ncessaire que l'ensemble de la socit, des autorits locales aux usagers, soit associ la collecte, l'enrichissement et l'exploitation des donnes. Ces activits ne pourront tre considres comme prioritaires par les gouvernements que si les administrs se sentent concerns et sont directement intresss par les rsultats. Une telle dmarche de communication permettra de mettre en vidence la productivit des centres de collecte souvent mis en question. Il s'agira d'laborer des produits pertinents et accessibles localement qui permettront ces centres d'tre reconnus et financs. Cette volution doit s'appuyer sur des expriences et programmes en cours. L'Organisation mto 18

CONNAISSANCE DES RESSOURCES EN EAU ET DES USAGES POUR UNE GESTION DURABLE

rologique mondiale (OMM) a initi le programme Whycos (World, Hydrological Cycle Observing System) qui prvoit d'amliorer la prcision et la continuit des mesures de terrain grce l'utilisation de technologies avances (systme de collecte en temps rel par satellite) et surtout en mettant en place des bases d'informations rgionales, relatives aux ressources en eau. Ces bases seront accessibles par Internet, pour consultation mais galement pour alimentation . Des programmes Hycos rgionaux sont en cours ou en phase de qualification (Mditerrane, Afrique australe, Afrique de l'Ouest et centrale, Afrique quatoriale, Rgion Carabe, etc.).

L'valuation des ressources utilisables est-elle actuellement pertinente ? L'valuation des ressources en eau manque encore d'homognit et de rigueur conceptuelle. Par exemple, attribuer le dbit total d'un fleuve traversant plusieurs pays chaque pays, sans tenir compte des utilisations qui peuvent avoir lieu en amont, augmente artificiellement les ressources rellement disponibles. l'inverse, si les prlvements sont estims, l'apport d au recyclage des eaux utilises (eaux de drainage ou eaux uses) n'est gnralement pas rintgr, ce qui diminue les estimations. En climat tropical, o une forte proportion des volumes d'eau s'coule pendant les crues, il n'est pas rationnel de considrer ces volumes comme utiles. La variabilit interannuelle est aussi peu ou mal prise en compte (au Fouta Djalon, de 1970 1989, dbit 60 % infrieur la moyenne tablie sur la priode 1951-1989, 30 % sur le cours moyen et suprieur du Niger, alors que les donnes analyses pour raliser les ouvrages hydrauliques datent d'avant 1970). La rpartition des ressources dans l'espace est galement peu considre. L'indicateur de pression sur la ressource, couramment utilis, fait abstraction de la rpartition de cette ressource, ce qui amne des pays sahliens semi-arides et peu peupls (Mali, Niger, etc.) traverss par un grand fleuve au dbit important (mais intermittent) tre mieux classs que des pays climat ocanique tempr, comme la France ou la Grande-Bretagne. Le qualificatif utilisable devrait dsigner une ressource rpondant aux critres suivants : une ressource dont la mobilisation et le traitement pour ou aprs usage ont un cot conomiquement acceptable par les utilisateurs ; une ressource permettant des prlvements, puis des rejets, aux impacts supportables pour le milieu.

Faut-il rechercher d'autres ressources ou mieux connatre la demande en eau ? Les ressources en eau renouvelables sont dans l'absolu limites par la quantit d'eau prcipite sur les continents. Au niveau mondial, les consommations en eau ont t multiplies par 7 entre le dbut du sicle et 1995, et elles ont doubl au cours des vingt dernires annes. La moiti de cette augmentation est due l'accroissement de la population, l'autre la hausse per capita lie au dveloppement agricole et industriel, ainsi qu' l'essor du bien-tre social pour certaines catgories de population. Bien qu'imparfaitement, les mcanismes du cycle hydrologique sont maintenant cerns, il n'en est pas de mme de ceux qui rgissent la demande en eau. Cette exploration de la demande, 19

TAT DES LIEUX

sa rationalisation pour diminuer les gaspillages ou tout du moins pour limiter la surconsommation par ngligence, sont encore raliser. La fragmentation des secteurs concerns par les demandes entrane une grande complexit de gestion. Elle constitue galement une opportunit relle d'impliquer l'ensemble des communauts humaines dans la mise en oeuvre de solutions induisant des changements profonds de comportement. Les donnes sur l'efficience des systmes de distribution et d'utilisation de l'eau sont peu connues, et il y a souvent confusion entre eau ncessaire un fonctionnement et eau rellement consomme . Enfin, certaines utilisations n'entranent qu'un prlvement faible sur le plan quantitatif, mais sont responsables d'une dgradation importante de volumes d'eau considrables en aval du site d'activit. L'chelle du bassin versant permet de faire concider, dans l'espace, les donnes sur la ressource et les donnes sur son utilisation. Des espaces gographiques dfinis par des cadres lgaux ou administratifs ne permettent pas toujours de tels rapprochements. Une gestion intgre de la ressource et des usages permet, pour chaque usage de l'eau, de faire apparatre la demande environnementale en termes objectifs ou tout du moins quantifis. Les prvisions d'volution de la demande reposent sur des outils trs rustiques combinant accroissement de la demande par habitant et accroissement dmographique. L'exprience montre qu'en matire d'nergie par exemple, les projections faites sur ces bases sont largement contredites. Il faut donc affiner considrablement les prvisions et prendre en compte d'autres facteurs si l'ont veut rellement agir durablement sur l'environnement. Sil faut partir de la demande, sa modlisation ne doit pas aboutir un cadre de rflexion trop rigide, mais un ensemble de scnarios prenant en compte l'volution probable de l'conomie dans les dcennies venir. La demande agricole, qui est la plus importante en quantit, va certainement considrablement voluer quantitativement et spatialement dans les annes venir. D'aprs certains auteurs, cette demande devrait plutt flchir globalement sans pour autant diminuer la pression sur des zones dj fragiles (Afrique du Nord par exemple). Parmi les systmes d'information sur l'usage agricole de l'eau qu'il sera ncessaire de mieux corrler aux autres bases d'information, le programme Aquastat de la FAO constitue une initiative marquante, pertinente tant l'chelle nationale qu'au niveau international. En matire de collaboration inter-tat, le Semide (Systme euromditerranen d'information sur les savoir-faire dans le domaine de l'eau) a fait l'objet d'une appropriation forte par dix pays du pourtour mditerranen. Ce programme pourrait servir de base de dveloppement pour un systme d'information exhaustif et intgr sur les aspects connaissances et usages des ressources en eau .

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OUTILS RGLEMENTAIRES ET CAPACITS INSTITUTIONNELLES ET HUMAINES

OUTILS

RGLEMENTAIRES ET CAPACITS INSTITUTIONNELLES ET HUMAINES

Un accroissement rapide de la demande Dans un avenir proche, la majorit de la population mondiale vivra dans des villes. Des tudes ralises par les Nations unies soulignent les risques de graves difficults d'approvisionnement moyen terme, et parfois mme l'absence d'accs l'eau potable pour une grande partie de la population. La demande en eau domestique, comme en eau industrielle ou d'irrigation, ne cesse de s'accrotre et mne une politique de grands amnagements hydrauliques et d'quipements de primtres irrigus. Laugmentation des besoins va entraner des tensions entre les usagers. L'clatement des niveaux de dcision et le manque de rgles nationales ou internationales rendront les arbitrages d'autant plus difficiles.

Des ingalits d'accs l'eau potable Fournir de l'eau potable de bonne qualit est une responsabilit qui incombe aux gouvernements et la communaut internationale, qui doivent impliquer tous les secteurs de la socit civile dans des actions concrtes, sur de nouvelles modalits de partenariat. Pour mieux assurer cette responsabilit, des approches holistiques centres sur les besoins des usagers doivent tre adoptes. L'accent doit tre galement mis sur la complmentarit des rgles et des interventions. En terme d'accs l'eau potable, l'cart Sud-Nord rvle (en 1990) une disparit moyenne de 68 %, les pays les moins dvelopps se situant 47 % de couverture. Si la gestion de l'eau peut tre source de conflits et d'exclusions sociales, elle peut aussi former un ciment permettant de consolider les communauts autour des points d'eau, des lacs des rivires ou des puits. Penser globalement et agir localement, c'est la dmarche privilgier, dans laquelle doit s'inscrire le processus participatif impliquant la socit civile.

D'importants efforts raliser en matire d'assainissement L'absence de politique d'assainissement adapte aux contextes a eu pour consquence de limiter considrablement le taux d'quipement dans les pays en voie de dveloppement. Certains usagers de l'eau potable ont dj des difficults faire face aux dpenses relatives leur approvisionnement en eau. Il est dj vrifi que l'intgration des cots relatifs au traitement des eaux uses, surtout dans les pays en voie de dveloppement, ne pourra tre effective que pour les populations nanties. Faute de dfinition d'une politique d'quipement moyen et long terme, l'assainissement urbain ou industriel y compris celui des industries agricoles et para-agricoles n'est gure matris et prend un retard considrable vis--vis des quipements de mobilisation et de distribution d'eau. Plus encore que pour l'approvisionnement en eau potable, il est ncessaire de promouvoir des techniques en rapport avec les ralits locales dans ce domaine. Les traitements passifs et la rutilisation des eaux uses sont vulgariser. Cette transformation de l'offre de service passe par de nouveaux modes de dcision et par une diffusion plus large de l'information. 21

TAT DES LIEUX

Un milieu local riche d'enseignement La crise de l'eau n'est pas tant une crise conomique qu'une crise de crativit. La recherche de nouveaux partenaires du cot du priv pour soutenir les investissements passe par une exploration et une reconnaissance de solutions locales adaptes, dveloppes en partenariat entre socit civile et pouvoirs publics. Les dcisions locales qui contribuent des stratgies durables globales en vue de prserver la ressource et prenniser son utilisation ont des retombes positives pour le monde entier.

Promouvoir la gestion intgre de l'eau La crise de l'eau est aggrave par l'interaction dynamique de plusieurs processus qui agissent aux niveaux local, national et mondial : des processus environnementaux : changement climatique, dsertification, disparition des zones humides tampons, etc. ; des processus conomiques : essor de l'agro-industrie, mondialisation des changes, besoins croissants en nergie, etc. ; des processus sociaux : migration, urbanisation, croissance dmographique, pidmie, etc. ; des processus culturels : passage du rural l'urbain, du traditionnel au moderne, de l'agriculture de subsistance l'agriculture de rente, etc.

Pour matriser ces processus, et viter quils ne soient que source dappauvrissement, chacun s'accorde maintenant privilgier la gestion intgre du secteur de l'eau. Mais il faut noter que cette gestion prsuppose un ensemble de dispositifs, tant institutionnels que rglementaires qui font encore souvent dfaut. Par exemple, l'absence frquente de rglementation sur le prlvement des eaux de nappes ne permet pas de rationnaliser leur exploitation. Ainsi, faute de contrle d'exploitation, des nappes litorales d'eau douce sont de plus en plus affectes par l'intrusion d'eau marine.

Arbitrer entre les usages Le secteur de l'eau et de l'assainissement met en jeu un trs grand nombre d'acteurs publics et privs. Ces acteurs sont en charge d'intrts territoriaux ou sectoriels diffrents, souvent contradictoires, toujours interdpendants, qu'il convient de concilier. Les moyens de rgulation mis en place pour arbitrer les attributions aux diffrentes catgories d'usagers privilgient trop rarement le qualitatif par rapport au quantitatif. L'approche technique qui ne prend pas suffisamment en compte les aspects conomiques et sociaux est souvent prdominante dans les choix. L'augmentation des besoins et la varit des usages, la complexification des socits, l'volution des technologies, l'impact de l'conomie crent des problmes nouveaux, qui demandent le renforcement des institutions comptentes et de nouvelles formes d'organisation. Les initiatives de bases, toute pertinentes qu'elle soient, doivent tre accompagnes par les gouvernements. Ce sont eux qui ont les pouvoirs de rglementation et de taxation ncessaires pour assurer la transition vers la durabilit. 22

OUTILS RGLEMENTAIRES ET CAPACITS INSTITUTIONNELLES ET HUMAINES

Redfinir les chelles de dcision Les droits de leau constituent les droits spcifiques de ceux qui partagent leau. Toute tentative pour rgnrer la relation de la communaut l'eau doit viser largir la base d'action et de contrle des usagers sur la ressource en eau. Il est maintenant ncessaire de reconfirmer les droits de possession des communauts de rsidents et de riverains sur les sources d'eau. Et il est temps de rclamer l'tat et aux pouvoirs locaux d'tre, ensemble, des protecteurs et des garants de ces droits. La dcentralisation, en cours dans la plupart des pays, renforce les prrogatives des collectivits locales. Ce sont elles qui vont tre amenes grer l'amnagement de leur territoire, et plus particulirement la mise disposition des ressources en eau. Cette responsabilit s'accompagne de besoins de restructuration et de renforcement des comptences locales. C'est ce niveau de reprsentation et de dcision que le lien entre les politiques nationales et les demandes locales doit tre fait.

Grer l'eau par bassin cela s'ajoutent des ralits gographiques et administratives qui compliquent les possibilits de dcisions globales. Par exemple, les deux tiers des bassins versants sont partags entre plusieurs tats. Chaque tat organise la gestion de l'eau sur son territoire, sans souvent tenir compte de ses voisins. En l'absence de convention internationale, les conflits entre tats risquent de crer de graves tensions rgionales. Au niveau de chaque pays, et surtout dans les grands pays fdraux, se posent des problmes quasiment identiques. Il n'existe gnralement pas de systme de planification intgre de l'eau, ni de relle planification globale. L'amnagement du territoire proprement parl n'est que rarement traduit par la constitution d'instances de dcision transectorielles. Le plus souvent, il demeure clat dans un ensemble d'administrations techniques (agriculture, industrie, dveloppement urbain, etc.), ce qui ne facilite pas la dmarche d'intgration souhaite.

Concilier les approches conomiques et sociales Les approches conomiques et sociales sont trop souvent spares, voire opposes, alors qu'elles sont complmentaires, et devraient faire l'objet d'un dbat entre les reprsentants des usagers concerns. L'eau douce, qu'elle soit considre comme un bien commun, un service public ou une marchandise, soulve l'ensemble des questions lies au dveloppement durable. L'accs l'eau est avant tout une question politique, autrement dit, tout individu a droit l'accs l'eau potable et l'assainissement.

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TAT DES LIEUX

Mener des actions de formation et d'information Le renforcement des capacits institutionnelles passe par la formation et l'information des dcideurs, des techniciens et des usagers. De nombreux projets et programmes se sont consacrs ces fonctions. Cependant, actuellement ces programmes sont trop souvent limits des lignes offertes par les bailleurs de fonds extrieurs. De par leur mode de fonctionnement, ces mises disposition de fonds limitent les capacits de rponse la demande. Dautre part, ces actions font souvent l'objet de dons, et sont considres gnralement comme moins importantes que les investissements en matriel. Ainsi, trs souvent, ces parties de programme injustement appeles d accompagnement n'arrivent que tardivement et sous une forme totalement dconnecte des tapes de ralisation des infrastructures. De plus, devant l'ampleur et les cots de telles actions dont les effets ne sont pas immdiatement mesurables , les gouvernements autolimitent leurs demandes. Gnralement, les initiatives ne concernent que marginalement les usagers et trs peu les dcideurs locaux. Ils sont donc dsarms face aux choix techniques qui leurs sont proposs. Le secteur de l'eau est sans aucun doute le premier domaine dans lequel il est ncessaire de faire des changes et des transferts de technologies, de savoir faire et de formation.

GESTION

DURABLE ET FINANCEMENT

L'eau, un bien commun Le secteur de l'eau est vital et stratgique, on ne peut le laisser grer uniquement selon une logique marchande. Une gestion durable de l'eau demande que soient entreprises des actions internationales, nationales et une gestion locale qui impliquent directement les lus et les diffrentes composantes de la socit civile (Ong, entreprises locales, etc.). l'heure actuelle, en ce qui concerne l'approvisionnement en eau potable, le plus grand dfi est de concilier l'essor de l'conomie marchande de l'eau et la satisfaction des besoins d'usagers peu solvables. L'eau est un bien vital. Dans la rsolution adopte la session extraordinaire des Nations unies en juin 1997, il est dit : la ressource en eau est essentielle pour satisfaire les besoins humains de base, la sant et la production alimentaire et la prservation des cosystmes, aussi bien que le dveloppement conomique et social en gnral .

Une large palette de financements Le bilan des apports financiers franais en 1996, au titre de l'aide publique au dveloppement dans le secteur de l'eau, dans l'ensemble des pays qui peuvent y prtendre, est rsum dans le tableau 3, ci-contre. D'emble, la lecture de ce tableau fait apparatre la faiblesse des flux financiers consacrs la gestion des ressources et l'amlioration des comptences en regard des sommes consacres aux investissements. Pourtant, comme le fait remarquer le ministre des Finances, les engagements dans le secteur de l'eau reprsentaient, en 1996, 25 % du total des engagements franais d'aide-projet et 1 % de la coopration technique.

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GESTION DURABLE ET FINANCEMENT

Tableau 3

BILAN DES APPORTS FINANCIERS FRANAIS EN 1996 AU TITRE DE L'AIDE PUBLIQUE AU DVELOPPEMENT DANS LE SECTEUR DE L'EAU 4AIDE PUBLIQUE AU DVELOPPEMENT 96 PAR SECTEUR (MF) COOPRATION AFFAIRES TRANGRES CAISSE FRANAISE DE DVELOPPEMENT PRTS DU AUTRES

TRSOR

Eau potable et assainissement

5 6

21 32 53

44 44

834 340 15 1189 Total APD Eau

918 33 951

5 1 6 2 243 MF

Eau et agriculture

Gestion des ressources en eau et dveloppement des capacits 7 Total partiel

L'aide franaise dans le secteur de l'eau est majoritairement oriente vers l'Afrique subsaharienne, l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Tableau 4

RPARTITIONRPARTITION RGIONALE

GOGRAPHIQUE DES PRINCIPAUX PAYS BNFICIAIRES DE LAIDE FRANAISE 4ASIE DE L'EST ET PACIFIQUE AFRIQUE SUBSAHARIENNE

ASIE DU SUD

AMRIQUE LATINE ET CARABES

AFRIQUE DU NORD ET MOYEN-ORIENT

TOTAL

1996 (MF)

Aide bilatrale Banque mondiale (MF, $ 6F) Banques rgionales (MF, $ 6F)

232

201

24

831

942

2 243

4 554

6 336

3 054

1 260

306

15 510

2 490

2 100

8 352

300

300

13 542

4 5 6 7

Source : ministre franais de lconomie, des Finances et de lIndustrie. Financements qui interviennent majoritairement sous forme dinvestissement pour leau potable et lassainissement. Financements concernant lirrigation et la gestion de leau en milieu rural. Projets dappui institutionnel ou dassistance technique.

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TAT DES LIEUX

L'encours des prts rend mieux compte de la rpartition gographique de la Banque mondiale : Tableau 58

ASIE DU SUD

ASIE DE L'EST ET PACIFIQUE

AMRIQUE LATINE ET CARABES

AFRIQUE DU NORD ET MOYEN-ORIENT

AFRIQUE SUBSAHARIENNE

TOTAL

AID encours (M$)

6 100

3 020

290

590

4 390

14 390

BIRD encours (M$) 1 758

5 550

11 500

4 590

2 690

24 330

Tableau 6

RPARTITIONBANQUES

PAR SECTEUR DES FINANCEMENTS MULTILATRAUX 8BANQUE INTERAMRICAINE

BANQUE MONDIALE

BANQUE ASIATIQUE

BANQUE AFRICAINE

TOTAL

MULTILATRALES PAR SECTEUR 1996 (M$)

Eau potable et assainissement Eau et agriculture Dveloppement urbain / gestion des ressources TOTAL Pourcentage des oprations

683 1 505 405 2 593 13,6 %

192 469 103 764 13,7 %

1 039 85 268 1 392 20,7 %

10 80 10 100 12 %

1 924 2 139 786 4 849 M$

L'ensemble de ces donnes montre un faible investissement des banques de dveloppement dans les rgions les plus pauvres de la plante (Asie du Sud et Afrique sub-saharienne), alors que ces banques sont les principaux bailleurs de fonds dans le secteur de l'eau.

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Source : ministre franais de lconomie, des Finances et de lIndustrie.

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GESTION DURABLE ET FINANCEMENT

Une demande suprieure l'offre Dans les pays en voie de dveloppement, la part du PIB alloue l'eau et l'assainissement est pass de 0,25 % prs de 0,4 % entre 1980 et 1990. Le financement des investissements a t surtout externe, prs de 80 % pour l'Afrique pour une moyenne de 55 % l'chelle mondiale. La participation des oprateurs au financement, en Afrique et en Asie particulirement, est passe de 20 % 10 %. L'investissement accru des sources externes est limit et la demande est en constante expansion.

Dfinir les cots de l'eau Lors de la dernire confrence des Nations unies pour lenvironnement et le dveloppement (UNCED), Rio de Janeiro, l'eau a t dfinie comme tant un bien social et conomique jouant un rle vital dans la satisfaction des besoins humains lmentaires, la scurit de l'alimentation, la rduction de la pauvret et la protection des cosystmes . Dans le mme temps, on affirmait : La valorisation conomique de l'eau doit tre apprcie dans le contexte de ces implications sociales et conomiques, en traduisant l'importance de la satisfaction de besoins fondamentaux . Face cette dfinition, deux visions s'affrontent, l'une qui souhaite laisser le march dicter le prix de l'eau, l'autre qui fait tat du caractre public et limit de cette ressource indispensable la vie. Dans le domaine de l'irrigation, l'absence de moyens de mesures pertinents pour estimer la consommation d'eau et la mauvaise reconnaissance des droits des utilisateurs d'eau limitent les possibilits de rgulation par le march. Pour dfinir les cots de l'eau dans ce contexte, il faut donc commencer par rhabiliter les droits des usagers et fixer localement par arbitrage des tarifs qui refltent l'impact de l'utilisation de l'eau sur le bien commun. En matire de distribution d'eau potable, le recouvrement des cots totaux fait l'objet de nombreuses discussions. Un consensus semble se dgager vers la ncessit de prendre en compte tous les cots, y compris les cots environnementaux dans les tarifs pratiqus. Cependant, l'application de ces tarifs doit se faire progressivement en considrant la capacit payer des usagers. Des systmes de prquations doivent garantir l'galit de l'accs l'eau potable. Le service de distribution d'eau est un service public, l'instar de la voirie ou de la police. Il n'est pas ncessaire d'appliquer partout et pour tous le concept d'utilisateur-payeur. Il est couramment voqu que, dans certains quartiers, les plus pauvres paient l'eau trs cher. Il faut ramener cette considration aux quantits consommes. Favoriser l'accs l'eau des populations pauvres n'augmentera que lgrement et moyen terme les consommations (si on considre le fait que la part des budgets trs restreints de ces mnages consacre leau est particulirement faible). Les tarifs pratiqus doivent tre fixs en fonction de la capacit payer et non vis--vis d'une estimation moyenne de consommation. Il ne faut pas refaire l'erreur de l'objectif de la dcennie de l'eau des 40 litres par habitants et par jour en zone rurale , qui a entran des surdimensionnements d'quipements impossibles prenniser.

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TAT DES LIEUX

Inciter une utilisation rationnelle de l'eau La gestion de la demande dsigne la capacit de l'organisme charg de l'approvisionnement en eau inciter le consommateur modrer sa consommation et viter le gaspillage. Certes, les pertes d'eau lors de la distribution ont t incluses tort, parfois, dans cette notion de gestion de la demande alors qu'elles relvent plus de l'amlioration de la maintenance. Il demeure cependant qu'elles peuvent tre en partie vites par une bonne gestion. Deux mcanismes d'incitation ont t relevs, notamment par le Conseil mondial de l'eau : des incitations financires et des incitations physiques. Le premier, sil est bti sur une pnalisation du consommateur, aura pour inconvnient de provoquer son mcontentement et sa suspicion l'gard de l'organisme distributeur. L'chelonnement des tarifs, avec par exemple des prix bas pour les premiers mtres cubes, est mieux adapt, et devrait tre plus rpandu. L'autre catgorie de mesures est plus axe sur des primes l'installation d'quipements conomes en eau (doubles rservoirs de chasse, robinets poussoir, etc.) ou permettant la rutilisation des eaux uses pour certains usages. L'irrigation est le champ o les conomies d'eau les plus substantielles pourraient tre ralises. De nombreuses techniques plus conomes en eau que l'aspersion ou l'irrigation gravitaire existent. Malheureusement, elles sont encore onreuses en regard du faible prix actuel du mtre cube conomis. Si la ralit des cots de l'eau mobilise (y compris les cots environnementaux) n'est pas applique aux grands exploitants agricoles, et si des mcanismes d'incitation financire (exonration de taxes, prime l'hectare, etc.) ne leurs sont pas proposs, ils n'ont aucune raison de changer leurs modes d'exploitation. Pour les petits exploitants, comme pour les usagers pauvres des services d'alimentation en eau potable (AEP), des systmes adapts d'incitation l'conomie existent. On pense ici aux campagnes de respect de l'eau et de sa valeur dans les villes, ou lamlioration et la rhabilitation des systmes traditionnels de rpartition des eaux dans les campagnes.

Partir de la demande, adapter la fourniture des services L'analyse de la demande, son expression et l'aide la constitution d'instances de dbat et de dcisions locales sont des pralables pour prenniser les services. Au Cameroun par exemple, sur la ville de Bamenda, sans analyse de la demande et aide la population pour trouver des moyens et des lieux d'expression, la priorit des actions serait reste sur l'AEP. Suite l'analyse de la demande et la relle collaboration des autorits locales, l'accent est maintenant mis sur la matrise des eaux pluviales et l'assainissement.

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GESTION DURABLE ET FINANCEMENT

La population et les oprateurs conomiques locaux participent maintenant l'amlioration des infrastructures car ils ont t consults. Le choix des types de service offerts doit tre discut avec les usagers. Les investissements de dpart doivent donc tre consacrs l'amlioration des comptences des dcideurs locaux, des oprateurs techniques, mais aussi de l'ensemble des usagers, afin qu'ils puissent rellement participer au dbat.

Instaurer des taxes finalit environnementale Les composantes environnementales de la gestion de l'eau, telles que la protection des rivires, des lacs, des milieux humides, des bassins hydrographiques, des nappes phratiques, etc. ont t trop longtemps ngliges. La notion d'intgration de l'ensemble des cots pour l'environnement n'est apparue que rcemment. Jusque-l, les cots des services taient souvent estims par rapport la maintenance des systmes, sans mme prendre en compte l'amortissement des ralisations. Cots environnementaux et prennit de l'exploitation doivent tre considrs en premier lieu. L'instauration de taxes finalit environnementale a t largement voque au Zimbabwe en janvier 1998, lors du sminaire d'experts organis Harare. Ce moyen financier est utilis dans de nombreux pays dvelopps, mme si les formes d'application diffrent. Dans les pays en voie de dveloppement, l'instauration de telles taxes est plus vcu comme une contrainte impose de l'extrieur, que comme une ncessit pour amliorer le respect de l'environnement local. Si une telle taxe tait instaure, elle ne saurait tre dcide au niveau international. Chaque pays doit pouvoir tre juge de la pertinence d'une telle taxe. Une possibilit est cependant gnraliser dans le cadre des accords internationaux sur les bassins transfrontaliers. Au sein de ces cadres, de nombreuses initiatives ont vu le jour qui permettraient, si elles taient rapproches, de btir des stratgies internationales de mobilisation de fonds.

Dvelopper des instruments d'aide l'investissement priv Il est urgent de faire confiance aux investisseurs privs pour financer la fourniture en eau et assainissement. Une rorientation des fonds vers des systmes de garanties, permettant aux privs de s'investir en limitant les risques, permettrait de multiplier les possibilits d'interventions. Faire appel des investisseurs privs a permis certains gouvernements de mieux assurer leurs prrogatives, cela les a en outre dgags d'une part de leurs responsabilits. Il existe un grand nombre de variantes de contractualisation avec le priv dans l'industrie de l'eau pour l'exploitation, la finance et la construction. Au Royaume-Uni, la socit ne bnficie d'une licence d'exploitation que pour 25 ans rengociable, mais elle est propritaire des installations. En France, le systme est pass de la location la concession, avec l'autorit publique conservant ses pouvoirs et en restant en contact troit avec les usagers, l'infrastructure restant dans le domaine public. Des systmes de baux ou de concessions mobilisent le secteur priv dans de nombreux pays (Argentine, Cte d'Ivoire, Guine, etc.). 29

TAT DES LIEUX

Dans les tudes de cas prsentes plus loin, l'apport des socits prives est indniable. Ces socits ont permis de sortir des villes comme Gdansk ou Aguascalientes de situations difficiles. Le service de l'eau est devenu efficient, par un apport en termes de matrise de nouveaux outils mthodologiques et techniques et de capacit institutionnelle. Cependant, une fois que le march des grandes mtropoles sera couvert, il n'est pas sr que les centres moins importants intressent les investisseurs. Des expriences d'affermage par des socits locales qui prennent en charge la distribution d'eau en plus de leurs activits traditionnelles sont menes, en Guine Bissau par exemple. Le dveloppement de telles initiatives est urgent pour quiper les centres secondaires en infrastructures susceptibles de retenir la population dans sa migration vers les capitales. L'approvisionnement en eau est un facteur de dveloppement conomique. On peut ainsi prvoir que des oprateurs locaux, usagers solvables du service, se fixeront alors ailleurs que dans les capitales.

Faciliter l'accs au crdit Le dveloppement plus harmonieux du territoire se heurte de nombreux obstacles. Les municipalits tout d'abord, mis part celles de quelques grandes mtropoles, ne bnficient pas d'accs aux crdits internationaux alors qu'elles sont souvent maintenant responsables part entire de la distribution d'eau et de l'assainissement. Elles font appel des fonds de dveloppement municipaux mis en place par les tats. Ces fonds sont gnralement disponibles sous forme de prts des taux beaucoup plus levs (suprieurs 10 %) que ceux consentis aux tats par les Banques de dveloppement. La pauvret globale des usagers dans ces centres, la difficult maintenir un personnel form, ne facilitent pas la tche des municipalits. La conditionnalit des prts et dons ne permet pas toujours de faire des choix propices au dveloppement de partenariats avec le priv. De plus, les entrepreneurs locaux, qui pourraient participer l'essor des services, n'ont pas non plus accs aux appels d'offres, la taille des marchs et les garanties demandes dpassant leurs possibilits. Des mcanismes innovants de soutien ces initiatives existent, des programmes comme Echo de l'Union europenne ont permis des quartiers Hati par exemple de prendre le relais de la socit de distribution d'tat, la Camep, pour la gestion dans les quartiers. Gnralement la ncessit de disposer de fonds de dveloppement locaux, travaillant sur des secteurs plus larges que l'eau, est apparue vidente. Bobo Dioulasso au Burkina Faso, la population et les entrepreneurs privs vont participer financirement et matriellement la ralisation de l'assainissement et l'amlioration de l'AEP grce la mise disposition de fonds incitatifs sur financement Banque mondiale. Au Burkina Faso toujours, dans les quartiers urbains dfavoriss de la capitale, des oprations intgres d'accs l'eau potable et l'assainissement sont prises en main par la population, sur financement de la Caisse franaise de dveloppement (CFD). Il est ncessaire d'analyser ces expriences, de les mettre profit et de gnraliser les guichets locaux d'assistance aux municipalits et la socit civile dans leurs dmarches d'amlioration de leur environnement. 30

Quelques expriences

Thme 1Amliorer la connaissance des ressources en eau et des usages pour une gestion durablep. p. p. p. p. p. 34 37 40 42 45 48 Burkina Faso Cameroun Cte dIvoire Niger Monde Asie-Pacifique (Malaisie, Philippines, Indonsie, Australie, Macao) Roumanie

Liste des pays cits

p. 50

Thme 2Favoriser le dveloppement des outils rglementaires et des capacits institutionnellesp. p. p. p. p. p. 53 55 58 61 64 66 Cte dIvoire Tanzanie Hati Inde Jordanie Vietnam

Thme 3Dfinir les stratgies pour une gestion durable de leau et identifier les moyens financiers approprisp. p. p. p. p. p. 68 71 74 76 78 80 Ghana France Maroc Argentine Mexique Pologne

BURKINA FASOCascades de Karfiguela, bassin suprieur de la Como

Fiche

1

Programme de valorisation des ressources en eau dans le sud-ouest du Burkina Faso (RESO)CONTEXTEET ENJEUX

Le programme couvre 1/5 de la superficie du pays, soit 60 000 km2, dans le sud-ouest. Il s'agit de la rgion la plus arrose de ce pays sahlien, comprenant notamment les deux cours d'eau prennes du pays. En raison de ses grandes potentialits en eau et en sols, et suite l'radication de l'onchocercose, cette rgion connat actuellement de fortes migrations. Elle prsente donc de fortes potentialits pour la valorisation agricole des ressources en eau, mais les pratiques actuelles de mauvaise utilisation des ressources en eau et en sols engendrent dj des situations locales de pnuries d'eau et de conflits d'usages.

l'amlioration de l'alimentation en eau potable (AEP) des populations rurales et semi-rurales dans un cadre qui assure la prennit des amnagements et des quipements ; la valorisation des amnagements et des quipements grce, entre autres, des appuis aux initiatives de base ; le renforcement de la capacit dcentralise de planification au niveau rgional, par la formation de personnels en vue d'aboutir l'autonomie pour le suivi post-programme .

DESCRIPTION

DE LACTION

OBJECTIFS

DE LACTION

Chaque sous-programme sera prsent ci-aprs selon ses objectifs spcifiques et les innovations que lon en attend. Le sous-programme Ressources en eau Lobjectif spcifique est damliorer de manire significative les connaissances sur les ressources en eau, sur le potentiel productif et sur les contraintes qui s'y rattachent.x

Le programme a pour but de contribuer la mise en valeur du potentiel hydrique des provinces du sud-ouest du Burkina Faso, en accord avec les objectifs de la stratgie globale en matire d'environnement et d'eau dfinie par le gouvernement du Burkina Faso. travers l'approche environnementale par bassin versant que le programme est en train de tester, le Sud-Ouest sert de rgion pilote pour la nouvelle politique nationale de l'eau. Ses objectifs sont :

Innovations attendues :

insertion d'une quipe de scientifiques au sein d'quipes trs oprationnelles ; animation d'une quipe scientifique pluridis-

34

ciplinaire : gologue, hydrogologues, hydrologues, pdologue, cologue, etc. ; collecte, archivage et analyse des donnes physiques et socio-conomiques, notamment travers des outils scientifiques de modlisation hydraulique ; dcouverte de nouvelles ressources mobilisables ; plan d'intervention pour la protection de la ressource. Le sous-programme Valorisation des ressources en eau Lobjectif spcifique est de renforcer au niveau rgional les capacits d'initiatives et d'actions productives et cohrentes des acteurs du secteur de l'eau par : le soutien et la promotion des initiatives de base ; l'appui une meilleure gestion de l'eau et des infrastructures dans une perspective de recouvrement des cots et d'conomie des ressources en eau ; la mise en place de dispositifs et cadres permanents de concertation structure des acteurs sur les usages de l'eau. Localisation x Innovations attendues : les provinces du sud-ouest crer un environnement favorable aux du Burkina Faso entourant Bobo Dioulasso : Bougouriba, initiatives de base et les appuyer ; Como, Houet, Kndougou, amliorer leur capacit d'auto-finanPoni, Tuy, Lraba, Ioba et cement et leur accs aux sources de fiNoumbiel nancement ; Domaine dintervention largir le march rgional des biens alimentation en eau potable, et services dans le secteur de l'eau ; irrigation, environnement, mettre en place des cadres contracgestion intgre des tuels de gestion des infrastructures hyressources drauliques et de l'eau. Milieu dintervention milieu urbain, centres secondaires, milieu rural Le sous-programme Hydraulique semi-rurale

le renouvellement, contractualisation de la gestion, etc. Le sous-programme Hydraulique rurale Lobjectif spcifique est de mettre en place un service durable d'eau potable en milieu rural.x

thme 1

Innovations attendues :

responsabiliser les villageois sur la maintenance ; assise juridique et financire des comits de points d'eau ; une nouvelle approche de la maintenance, en tant qu'activit de services part entire ; assurer le financement de l'investissement et de la durabilit des installations. La division Schma directeur et Planification Lobjectif spcifique est dlaborer un plan concert de gestion des ressources en eau dans le sud-ouest (le schma directeur d'amnagement et de gestion des ressources en eau du Sud-Ouest, SDAGRESO). Les innovations attendues sont l'approche environnementale par bassins versants et la mthode de planification stratgique concerte.

POINTS

FORTS DE LEXPRIENCE

ET PERSPECTIVES

Lobjectif spcifique est de mettre en Commanditaire ministre de lEnvironnement place un service durable d'eau potable pour ces usagers. et de lEau Matre doeuvre direction gnrale de lHydraulique Financeur Union europenne (7e FED) Budget total 15 millions dECU (environ 100 millions de francs) Dure de mi 1993 fin 1999x

Innovations attendues :

Crer de nouveaux comportements pour : dvelopper la valeur marchande de l'eau et assurer ainsi le financement des approvisionnements en eau potable simplifis (AEPS) qui cotent plus cher que l'hydraulique villageoise classique ; monter les projets : identification et formation de la matrise d'ouvrage, montage financier participatif pour l'investissement puis pour la maintenance et

La force et la solidit du programme RESO tiennent sa construction d'origine. Il est compos de plusieurs sous-programmes d'actions concrtes sur le terrain, qui sont l'occasion de tester en grandeur nature des innovations dans la matrise et la valorisation des ressources en eau. Il a pour objectif de capitaliser ces innovations au sein d'une planification stratgique, objectif qui s'est concrtis par l'installation de la division transversale de planification en mars 1997. Aujourd'hui, les quipes ont accumul des acquis sur le terrain et un savoir-faire de capitalisation qui convergent clairement au sein du processus de planification. La concertation vise la prise de conscience progressive d'acteurs qui n'ont pas l'habitude de dbattre ensemble, et qui parfois se mfient les uns des autres. Elle est un outil permettant le basculement de la mfiance vers la confiance, et vise progressivement les cercles diffrents de partenaires qui sont : les quipes internes du programme RESO ; les partenaires institutionnels ou organiss de la direction rgionale de l'Hydraulique ;

35

BURKINA FASO

les populations de la zone RESO, avec lesquelles la concertation a dj commenc certes timidement sous des formes multiples (runions dpartementales, sances d'animation et de formation des comits de point d'eau, comits de bassin de la Como et du Kou, etc.). L'tude institutionnelle a eu comme retombe majeure l'implication de la direction et des quipes dans le processus du SDAGRESO. La concertation du SDAGRESO, en cours de montage, a pour objectif majeur l'implication des partenaires du programme RESO dans le processus de planification. L'actuelle monte en puissance de la matrise d'oeuvre sociale (dite encore animation) au sein de tous les sous-programmes vise essentiellement l'implication des populations. Dmarr en 1993, largement remani en 1996, le programme RESO connat aujourd'hui, deux ans de son achvement, divers basculements : dans les rsultats des quipes et dans leur impact, notamment vers la capitalisation et le processus de planification ; dans la visibilit des enjeux du programme ; dans l'internalisation du processus du SDAGRESO. La dynamique d'internalisation Burkinab des savoir-faire est en train de se produire, au moins trois niveaux pour l'instant : d'abord, il s'agit de l'internalisation du processus de planification par la direction du programme ; ensuite, l'internalisation est en train de se produire, par les quipes du sous-programme Ressources en eau, concernant le suivi environnemental des ressources en eau et les outils scientifiques d'aide la valorisation et la gestion durable de l'eau ; enfin, l'internalisation est en train de poindre, par les quipes de matrise d'oeuvre sociale, concernant le sujet spcifique de la maintenance. Ceci serait alors une porte d'entre majeure pour impliquer les populations dans une dynamique de changement comportemental vis--vis des ressources en eau, dans un rapport de confiance entre eux et leurs futurs prestataires de service du secteur de l'eau. Ainsi, le transfert de savoir-faire gnr par le programme RESO dpasse le cadre strict des quipes permanentes du programme (fonctionnaires de la direction rgionale de l'Hydraulique). Ce transfert vise le public plus large et relativement plus prenne des partenaires du programme et des populations cibles. Cest en fait plus un transfert de nouveaux comportements

qu'un transfert de savoir-faire fig et rapidement obsolte.

LES

DIFFICULTS RENCONTRES PAR LE

PROGRAMME

Les difficults sont lies au caractre trs innovant et trs internalis du programme. En effet, il n'y a pratiquement pas de rfrences, de repres pour guider un tel exercice de planification stratgique concerte des ressources en eau dans un contexte de pays en dveloppement et en rgion sahlienne. La premire difficult majeure a t d'ordre pratique : le programme a eu beaucoup de difficults trouver des bureaux d'tudes et des consultants capables de comprendre les objectifs du programme dans leur intgralit et de jouer la carte de l'innovation. Cette difficult s'est traduite par des relations relativement conflictuelles avec un certain nombre de prestataires du programme. Cette difficult a cependant t tempre par une grande comprhension du bailleur de fonds, qui a t enthousiasm par le caractre profondment internalis du programme par les acteurs locaux. La deuxime difficult majeure est d'ordre conceptuel : l'exprience rcente des SDAGE franais aurait pu tre utile. Or les SDAGE franais se rvlent tre des instruments de planification taills pour une Agence de l'eau la franaise, c'est--dire un instrument de planification pour la gestion financire et rglementaire de la politique rgionale de l'eau l'chelle d'un trs grand territoire, dans un pays fortement rglement, bien arros et domin par les proccupations de pollution. Leur mthodologie est d'une utilit rduite pour un pays o la rglementation de l'eau est encore floue et inefficace, o les enjeux sont d'abord la valorisation des ressources en eau car les pollutions restent encore trs localises, et o la concertation structure et la ngociation des usages sont encore apprendre. Pistes daction 3, 4, 6 et 7

Contacts

Mamadou DIALLO, directeur rgional de lhydraulique des Hauts-Bassins, BP 179 Bobo Dioulasso (Burkina Faso). Tl. : (226) 97 15 48. Fax : (226) 98 03 90. Thu Thuy TA, consultante, Immeuble Nice Premier, 455 promenade des Anglais, 06299 Nice Cedex 3 (France). Tl. : (33) 4 93 18 49 13. Fax : (33) 4 93 18 15 21.

36

thme 1

Quartier Nui-Essong : source deau Nsole avant les travaux (juillet 1997)

Rhabilitation de points deau populaires dans une grande mtropoleCONTEXTEET ENJEUX

Fiche

2

OBJECTIFS

DE LACTION

Yaound, capitale du Cameroun, compte aujourd'hui prs de 1 million d'habitants. L'approvisionnement en eau y est caractris par la coexistence d'un service public concd une socit nationale, la Socit nationale des eaux du Cameroun (SNEC), et d'une multitude de points d'eau traditionnels (sources, puits et marigots) exploitant les abondantes ressources souterraines de la ville. En juin 1997, la SNEC reconnaissait seulement 1 branchement pour 25 habitants Yaound. De plus, la distribution gratuite de l'eau aux bornes-fontaines communales a progressivement cess depuis 1993 pour cause de non-solvabilit des communes envers la SNEC. La politique nationale de l'eau ne prvoyant pas de telles carences du rseau d'adduction, aucune mesure systmatique n'est prise en faveur des points d'eau traditionnels effectivement frquents. Ces derniers, rarement protgs contre les pollutions et entirement abandonns aux utilisateurs, reprsentent un risque majeur en terme de sant publique. Faut-il continuer les ignorer, les condamner ou bien les amnager ? L'Association franaise des volontaires du progrs (AFVP), consciente des difficults de l'exercice, explore depuis quelques annes la voie de l'amnagement.

L'action tente de vrifier l'intrt et la faisabilit de l'amnagement de points d'eau traditionnels en zone priurbaine travers six objectifs : valuer la qualit de l'eau et du service rendu par les points d'eau traditionnels ; il s'agit la fois d'valuer la qualit bactriologique de l'eau des diffrents types de points d'eau utiliss et de mieux connatre les modalits et critres d'utilisation des diffrentes ressources en eau ; raliser des amnagements test en impliquant les populations ; valuer la qualit de l'eau aprs amnagement ; tudier les modalits de financement local de tels amnagements et leurs cots rcurrents ; il s'agit d'tudier le rapport qualit/prix des divers amnagements, les capacits d'investissement de la population et les besoins de financement externes ; elle se propose galement de rechercher des modes de recouvrement possibles pour les charges rcurrentes ; tudier la faisabilit de systmes de chloration collectifs, en particulier les modalits de recouvrement des charges et de contrle qualit ; intgrer ces ouvrages dans les schmas d'amnagement urbain et promouvoir une attitude

37

CAMEROUN

pragmatique face aux populations en marge du rseau d'adduction.

DESCRIPTION

DE LACTION

Une tude mene en 1993 par l'AFVP sur le quartier Nkoldongo de Yaound IV montre que, malgr la prsence du rseau public d'adduction, un quart de la population utilise exclusivement l'eau des rivires, puits et sources. Une action-pilote a t mise en place selon les tapes suivantes (au 31.12.1997) : mai 1996 : commande de l'action-pilote l'AFVP par le ministre de la Coopration ; dcembre 1996 : diagnostic de l'alimentation en eau potable sur 15 quartiers priurbains de Yaound IV ; er fvrier 1997 : 1 comit de rflexion sur les points d'eau traditionnels Yaound IV ; mars 1997 : mise sur pied des premiers comits de quartier, dmarrage des tudes de quartiers ; mai 1997 : accord du Haut Commissariat du Canada pour le financement de 4 rhabilitations de sources d'eau (Fonds canadien aux initiatives locales - FCIL) ; juin 1997 : accord du pS-Eau pour la poursuite de l'action aprs validation du rapport intermdiaire de l'AFVP ; novembre 1997 : dbut des travaux sur fonds FCIL ; dcembre 1997 : accord de la Mission de coopration et d'action culturelle (MCAC France) pour le financement de 4 rhabilitations de sources d'eau potable (crdit dconcentr d'intervention - CDI) ; janvier 1998 : prparation d'une campagne d'analyse bactriologique de 100 points d'eau de Yaound IV ; mai 1998 : fin de l'action et restitution auprs du pS-Eau.x

(SNEC) : exploitant exclusif des installations d'hydraulique urbaine sous tutelle du MINMEE, elle communique l'tat de son rseau et ses projets d'extension. Communaut urbaine de Yaound (CUY) : charge de l'application d'un plan d'urbanisation, ses comptences se confondent souvent avec celles des communes d'arrondissements. Commune urbaine d'arrondissement de Yaound IV (Mairie de Yaound IV) : aux capacits d'intervention trs limites, elle suit l'avancement de l'action-pilote. Sous-prfecture de Yaound IV : elle donne son aval la mise en valeur de terrains appartenant au domaine national (bas-fonds et marcages). La population : elle assure les mobilisations humaines et financires ncessaires, choisit des options techniques, passe contrat avec un artisan, contrle les travaux, devient ensuite propritaire de l'ouvrage et se charge de sa gestion et de sa protection.

RSULTATS

OBTENUS

Responsabilits de chaque acteur :

Il existe un dcalage important entre la dmarche de l'action et la politique nationale de l'eau en vigueur (assurer l'alimentation en eau de tous les habitants des zones urbaines par rseau d'adduction). Bien que souvent trs intresss par la dmarche que l'AFVP tente de promouvoir, les institutions sont contraintes de limiter leur implication dans l'action-pilote une simple concertation. Ministre des Mines, de l'Eau et de l'nergie (MINMEE) : il entreprend les investissements conformes la politique nationale de l'eau. Socit nationale des eaux du Cameroun

Limplantation et les modes d'utilisation des points d'eau traditionnels sont mieux connus. Suite au recensement de 267 points d'eau, l'tude pousse autour de 8 sources d'eau slectionnes a montr la fois des taux de frquentation importants (400 1000 utilisateurs par source) et l'existence de multiples combinaisons entre les diffrentes ressources disponibles (par exemple, l'eau de la source pour la boisson et l'eau du puits pour la lessive). Le Centre danimation sociale et sanitaire (CASS) a appuy la structuration des groupes d'utilisateurs en rflchissant un statut adapt. Une convention fixant une dure limite pour la collecte de fonds (10 15 % du montant des travaux) avec le groupe constitue un lment clef pour mesurer sa capacit grer srieusement l'ouvrage. Quatre chantiers en cours (financement canadien) seront complts par quatre autres (financement franais) partir de fvrier 1998. Les premiers rsultats des travaux ont t prsents aux principaux partenaires institutionnels le 27 fvrier 1997 dans le cadre de ce comit. Le second comit de rflexion doit tre organis en fvrier 1998. Points forts de l'expriencex

La dmarche : promotion de modes alternatifs d'alimentation en eau potable auprs des institutions ;

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application de techniques de l'hydraulique rurale en milieu urbain. x

La mthode :

partenariat avec la socit civile camerounaise (universit et ONG). Le caractre innovant des rsultats obtenus :

ment dans les quartiers priurbains et les centres secondaires en Afrique qui rassemblera les 16 quipes du programme (juin 1998) ; au sein de l'AFVP dans une dmarche de renforcement de la matrise d'ouvrage communale. On envisage de produire certains documents d'aide la dcision rpondant aux questions prioritaires telles que : Comment faire un diagnostic objectif sur une zone donne ? Quels critres appliquer pour slectionner les puits et sources amnager selon les contraintes techniques, socio-conomiques et politiques ? Quelle dmarche de mise en oeuvre adopter afin d'viter l'abandon ou la dgradation des ouvrages ? Les enseignements techniques, sociaux et politiques de l'action devraient avoir un impact sur : les oprations d'autres ONG dans le domaine de l'hydraulique urbaine ; les mesures sociales accompagnant la future privatisation de la SNEC ; la redfinition de la politique de l'eau l'initiative du MINMEE.

thme 1

x

tude diagnostique de l'a