dossier de presse - primitifs français 2004

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Dossier de presse Exposition PRIMITIFS FRANCAIS découvertes et redécouvertes du 27 février au 17 mai 2004 Musée du Louvre Délégation à la communication Aggy Lerolle T : 01 40 20 51 10 F : 01 40 20 54 52 [email protected] Contact presse Pascale Bernheim T/F : 01 43 25 31 38 [email protected] L OUVRE

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Page 1: Dossier de Presse - Primitifs français 2004

Dossier de presse

Exposition

PRIMITIFS FRANCAIS

découvertes et redécouvertes

du 27 février au 17 mai 2004

Musée du Louvre

Délégation à la communicat ion

Aggy Lerol leT : 01 40 20 51 10F : 01 40 20 54 52lerol [email protected] presse

Pascale BernheimT/F : 01 43 25 31 [email protected]

L O U V R E

Page 2: Dossier de Presse - Primitifs français 2004

Dossier de presse réal iséà par t i r des textes des panneaux didact iques etdu catalogue édi té par laRéun ion des muséesna t ionaux , t é l écha r -geab le su r l e s i t e dumusée du Louvre :www.louvre.fr.

Sommaire

Communiqué de presse page 3

Introduction, par Henri Loyrette page 5

L’exposition de 2004 page 6

L’exposition des Primitifs Français de 1904 page 8

Coups de projecteurs page 11

Les oeuvres exposées page 19

Le catalogue page 23

Partenariat avec Radio Notre-Dame page 24

Commissaire de l’exposition

Dominique Thiébaut,

conservateur en chef au département des Peintures

du musée du Louvre.

Page 3: Dossier de Presse - Primitifs français 2004

L O U V R E

L'année 2004 coïncide avec l'anniversaire de la mémorable expositiondes " Primitifs français " organisée à Paris en 1904 qui rencontra unimmense succès auprès des visiteurs. L'exposition d'aujourd'hui sepropose de dresser un bref aperçu de ce que fut l'événement, de sesambitions - nationalistes pour une grande part - et de ses retombées,mais surtout d'analyser la contribution de l'histoire de l'art depuis unsiècle à un domaine riche de découvertes, surtout pour le XVe siècle.Aux panneaux peints, enluminures et dessins viennent s'ajouter tapis-series, vitraux et broderies qui témoignent de l'exceptionnelle pluralitéde la production des peintres de cette époque. Ce sera l'occasion de voirou de revoir des chefs d'œuvres qui comptent parmi les plus remar-quables du XVe siècle européen comme la Piétà d'Avignond'Enguerrand Quarton ou de découvrir les créations du tourangeauJean Poyer, le plus inventif des disciples de Fouquet. Enfin, la reconsti-tution exceptionnelle du magnifique triptyque de l'Annonciation d'Aixde Barthélemy d'Eyck - pour la première fois à Paris depuis 1929 -constituera un événement au coeur de l’exposition .

P r i m i t i f s f r a n ç a i sDécouver tes e t redécouver tes

EXPOSITION

2 7 f é v r i e r 1 7 m a i 2 0 0 4

LieuMusée du Louvre, Aile Richelieu, entresol

HorairesTous les jours, sauf le mardi, de 9 h à 17 h 30 et jusqu’à 21 h 30 le mercredi.

Informations01 40 20 53 17www.louvre.fr

PrixEntrée libre avec le billet du musée.8, 50 A ; 6 A (tarif réduit). Accès libre pour les moins de 18 ans, titulaires de la carte Louvre jeune ouAmis du Louvre, les handicapés, lesenseignantset les étudiants en histoire del’art et arts plastiques, et les chômeurs.

A paraître (février 2004) :Les Primitifs français : découvertes et redécouvertesDominique Thiébaut, conservateur en chef au musée du Louvre, avec la collaboration de Philippe Lorentz etFrançois-René MartinEditions RMN, 192 p. 35

Musée du LouvreDélégation à la communicationAggy LerolleTél : 33 (0)1 40 20 51 42Chargée de communicationPascale Bernheim :Tél et Fax : 33 (0)1 43 25 31 [email protected]

ConférencesLa fortune des Primitifs

Mercredi 3 mars à 12h30Les primitifs français : parti pris d'une exposition, par Dominique Thiébaut, musée duLouvre, commissaire de l'exposition.

Vendredi 5 mars à 12h30L'engouement pour les primitifs en Europe autour de 1900 par Enrico Castelnuovo, professeurémérite de l'École normale supérieu-re de Pise.

Lundi 8 mars à 12h30La réception des primitifs françaisdans l'art du XXe siècle,par François-René Martin, INHA,Paris.

Tarif : 4 €Tarifs réduits : 3,20 € 2,50 € 1, 60 €Réservations : 01 40 20 55 55

Jean Poyer, Noli me tangere (détail),Eglise de Censeau, © J.-F. Ryon, Conservation des

Antiquités et Objets d’Art du Jura

En partenariat média avecRadio Notre-Dame

Page 4: Dossier de Presse - Primitifs français 2004

À partir de tableaux – dont certains, la Piétàd’Avignon (Paris, musée du Louvre), le triptyque del’Annonciation d’Aix (Aix-en-Provence, Amsterdam,Bruxelles, Rotterdam) comptent parmi les plus beauxdu XVe siècle européen –, mais aussi d’œuvres detechniques très variées (enluminures, dessins, tapisse-rie, vitrail, br oderie), cette présentation a pour butd’évoquer la fortune critique des primitifs français.L’année 2004 coïncide en effet avec l’anniversaire dela mémorable exposition des “ Primitifs français ” quis’est tenue en 1904 à la Bibliothèque nationale pourla partie manuscrits, et au pavillon de Marsan (toutjuste dévolu à l’Union centrale des arts décoratifs)pour les panneaux peints et les dessins, ainsi que pourles quelques sculptures, émaux et tapisseries montrésen accompagnement.Le programme conçu par Henri Bouchot, conserva-teur au Cabinet des estampes de la Bibliothèquenationale, et ses collaborateurs était très ambitieux :ce panorama de la peinture française débutait avec lePortrait de Jean le Bon (aujourd’hui au Louvre) ets’achevait avec un tableau daté de 1604. La périodecouverte débordait donc celle qu’englobe générale-ment le terme de “ primitifs ( soit, pour la France, lesXIVe et XVe siècles). L’exposition eut l’immensemérite de faire découvrir une production peinte etenluminée quasiment inconnue, même des spécia-listes, et rencontra un immense succès public. Ellepermît de faire entrer dans les collections nationalescertains des tableaux les plus importants de cetteépoque : la Piétà d’Avignon, le Retable de Boulbon,la Donatrice présentée par sainte Madeleine de Jean

Hey (le Maître de Moulins), l’Homme au verre de vinalors donné à Jean Fouquet.1904 marque aussi le véritable point de départ desétudes critiques dans le domaine de la peinture et del’enluminure. L’activité a été particulièrement intenseces vingt dernières années, et marquée par la décou-verte d’œuvres longtemps passées sous silence outotalement inédites.L’exposition actuelle tente donc de dresser un état deslieux. Elle s’attache à montrer la contribution del’histoire de l’art aux principaux centres et personna-lités artistiques de l’époque. Si les peintres françaisont été réceptifs à l’influence de certains courantsétrangers, leurs créations ont, elles aussi, essaimé enEurope. Plusieurs études et expositions récentes vien-nent de mettre en évidence l’intensité des échangesartistiques à travers l’Europe durant cette période.D’autres contributions ont porté sur la nature du tra-vail des peintres, sollicités aussi bien pour destableaux, des décorations murales, des enluminuresque pour les modèles et les cartons donnés à desmaître-verriers, des liciers, des brodeurs, des gra-veurs, des imprimeurs… L’exposition offre un aperçude ces différentes productions.Parmi les dossiers présentés pour leur intérêt histo-riographique, figure une évocation de l’activité pictu-rale à Paris entre les années 1430 et 1500 ; c’estl’époque où la ville reconquiert sa position de capita-le artistique après une période d’immobilisme dueaux désastres de la guerre de Cent Ans. La Provence,avec Avignon et Aix, siège de la cour du bon roiRené, est l’un des centres les plus actifs sur le planartistique, dominé par des personnalités de trèsgrandes dimensions (Enguerrand Quarton,Barthélemy d’Eyck…).L’exposition réserve une place toute particulière à unartiste remarquable mais inconnu hors du cercle desspécialistes, le Tourangeau Jean Poyer, le seul dis-ciple de Fouquet, à avoir compris en profondeur l’artde son génial prédécesseur.

La scénographie de l’exposition a été conçue par Alexandre Fruh, atelier Caravane.

Commissaire de l’expositionDominique Thiébaut, conservateur en chef au musée du Louvre

Barthélemy d’Eyck : L’Annonciation dite L’Annonciation d’Aix , Aix-en-Provence, église de la Madeleine © Patrick Glotain, CICRP

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Introduction

Aucun musée ne semble mieux placé que le Louvre pour abriter une exposition surla redécouverte des primitifs français. Notre collection de tableaux français desXIVe et XVe siècles est admirable, ponctuée de chefs d'œuvres, que les conserva-teurs successivement en charge du département des Peintures ont tenu à compléterchaque fois que l'occasion s'en est présentée : sept œuvres sont entrées depuis 1986,dont trois grâce à la générosité de la Société des Amis du Louvre qui, depuis le donmémorable de la Piétà d'Avignon en 1905, n'a cessé de témoigner le plus vif intérêtenvers la peinture de cette époque. Or on le sait bien, de telles pièces sont très raressur le marché de l'art. C'est, d'autre part, dans l'enceinte du musée, au pavillon deMarsan précisément, qu' Henri Bouchot, l'énergique conservateur des Estampes dela Bibliothèque nationale, avait choisi de montrer en 1904 plusieurs centaines depeintures, dessins et spécimens d'autres techniques, dans le cadre de sa mémorableexposition des primitifs français. La présente exposition n'a nullement l'intention derivaliser, un siècle après, avec une entreprise d'une telle ampleur : il est bien enten-du hors de question de déplacer des pièces d'aussi grandes dimensions que leCouronnement de la Vierge d'Enguerrand Quarton, le Triptyque du Buisson ardentde Nicolas Froment ou le Triptyque de Moulins. Elle s'est fixée une ambition plusmodeste, celle d'évoquer la contribution des historiens de l'art à la connaissance desprimitifs depuis cette date : malgré ses dérives nationalistes, la manifestation de1904 a en effet marqué le véritable point de départ de leur étude critique. Pour cefaire, Dominique Thiébaut, qui en est le commissaire, a choisi de resserrer le pro-pos autour de trois "dossiers" particulièrement significatifs à ses yeux des avancéesde la recherche, en mêlant pièces montrées en 1904 et découvertes toutes récentes,en faisant se côtoyer peintures, manuscrits, et objets - parfois surprenants- dus àl'imagination des mêmes artistes. La place réservée à l'école provençale y est d'au-tant plus remarquable que le Louvre peut se féliciter de reconstituer pour l'occasion,non loin de la Piétà d'Avignon, le célèbre Triptyque de l'Annonciation d'Aix, véri-table manifeste d'un art nouveau sur le sol français. La réunion de tous ses éléments,aujourd'hui séparés à travers trois pays différents, constitue à elle seule un événe-ment exceptionnel qui ne s'était pas produit à Paris depuis 1929 et à Londres depuis1932 : les propriétaires des différents panneaux, la Ville d'Aix avec l'accord du cler-gé et de la Direction de l'Architecture et du Patrimoine [du Ministère de la Cultureet de la Communication] pour l'Annonciation, les directeurs des musées deBruxelles, d'Amsterdam et de Rotterdam pour les volets, ont fait preuve d'unenthousiasme envers ce projet et d'une générosité que je tiens à saluer chaleureuse-ment. Je me félicite également de la collaboration exemplaire dont a bénéficié larédaction du catalogue puisque, aux côtés de Dominique Thiébaut, PhilippeLorentz, professeur à l'Université Marc-Bloch de Strasbourg et François-RenéMartin, pensionnaire à l'Institut national d'histoire de l'art, ont prêté leurs compté-tences.

Henri Loyrette, président directeur du musée du Louvre

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L’exposition de 2004

Pourquoi en 2004 une exposition sur les primitifs français, et pourquoi cette expo-sition précisément, avec son parti pris historiographique ? Tout d’abord parce que la date coïncide avec l’anniversaire de la mémorable exposition des primitifs fran-çais organisée en 1904 au pavillon de Marsan et à la Bibliothèque nationale : cettemanifestation de grande ampleur qui fit prendre conscience à un large public del’existence d’une peinture française antérieure à l’école de Fontainebleau, donna enmême temps le véritable coup d’envoi aux études critiques dans ce domaine. C’étaitpure justice, nous a-t-il semblé que de saluer, comme l’ont fait récemment nos col-lègues de Bruges avec Impact 1902 en hommage à l’exposition des primitifs fla-mands de 1902, la valeureuse initiative d’Henri Bouchot et de son " comité des pri-mitifs français ". L'idée nous est venue au lendemain d'une autre manifestationmémorable, organisée en 1993-1994 à la Bibliothèque nationale par François Avrilet Nicole Reynaud : si le propos des deux commissaires portait officiellement surl’enluminure française des années 1440-1520, c’est en réalité de la production pic-turale sous toutes ses formes qu'ils ont traité avec des méthodes et des conclusionsradicalement nouvelles. Depuis, plusieurs contributions de première importancesont venues enrichir encore notre connaissance des différentes " écoles " et des per-sonnalités artistiques, mais aussi les relations que les peintres de cette époque tis-saient avec d’autres foyers français ou européens (l’ostracisme de Bouchot n’estplus de mise !) et les créations –parfois inattendues- à travers lesquelles leurs talentsse sont exprimés. Des documents, des œuvres ont resurgi, l’an dernier encore, quimodifient sensiblement notre perception des primitifs français. Des polémiques pas-sionnées divisent toujours le petit monde des spécialistes alors que les noms desgrands peintres du temps, hormis celui de Fouquet –nous pensons à EnguerrandQuarton, Barthélemy d’Eyck, Colin d’Amiens, Nicolas Froment, Antoine de Lonhy,Jean Poyer, Jean Hey, le probable Maître de Moulins ! - sont parfois moins fami-liers à un public français que ceux de leurs homologues flamands et italiens. Leurscréations – souvent promues au rang de chefs d’œuvre lors de la présentation de1904- sont en réalité connues de tous ; elles sont d’ailleurs l’objet de la part de leurspropriétaires d’une surveillance constante. Sur plusieurs d'entre elles, classées autitre des Monuments historiques (souvent avant 1904), des travaux de remise envaleur ont été entrepris ces dernières années sous le contrôle des directions régio-nales des Affaires culturelles (Conservations régionales des Monuments histo-riques) : on songe au Triptyque de Loches, à la Sainte Famille du Puy, à la Légendede saint Mitre de la cathédrale d’Aix restaurés dernièrement, au Buisson ardent quiva l’être, à l’Annonciation d’Aix dont le déplacement exceptionnel au Louvre, opérédans des conditions climatiques très strictes, fournit l’occasion d’envisager unenouvelle présentation, plus sécurisée, dans l’église de la Madeleine, au Triptyque deMoulins enfin, pour lequel une étude comparable est en cours.

" Refaire " l’exposition de 1904 était à vrai dire impossible… et peu pertinent : d’uncôté, un certain nombre de pièces capitales révélées à cette occasion ne seraient pasvenues à Paris, de l’autre, bien des œuvres, de qualité secondaire, ne sont plusaujourd’hui considérées comme françaises ou même ne sont plus repérables ; quantà son programme, consacré à la peinture des années 1328-1589, il péchait par sonambition excessive et traitait de courants trop disparates. Ne parlons pas des dérivesnationalistes de Bouchot, de son désir forcené d’annexer à la France des foyers

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artistiques soumis à l’esthétique flamande ou de nier toute emprise de l’art italiensur la production du XVIe siècle. A l’inverse, tenter de présenter un ample panora-ma de la peinture française en s'appuyant sur les travaux les plus récents, c’était,même en se limitant au seul XVe siècle, se heurter à des difficultés matérielles dif-ficilement surmontables : on l’a vu l’an dernier pour la belle et savante rétrospecti-ve Jean Fouquet organisée par François Avril à la Bibliothèque nationale de Franceoù trois des tableaux attribués au grand peintre de Tours manquaient cruellement. Iln’était pas envisageable de renouveler cette dernière expérience - fatalement moinsbien - ni de prétendre à une certaine exhaustivité en se privant de la présence de l’ar-tiste le plus inventif. Compte tenu des espaces et du budget qui nous étaient alloués,nous avons préféré nous concentrer sur trois " dossiers " particulièrement intéres-sants dans l’optique de cette "seconde - voire "troisième" - "redécouverte des pri-mitifs français", pour reprendre, en la modifiant quelque peu, l’expression deFrancis Haskell : le cas de deux " écoles ", Paris et la Provence, celui d’une per-sonnalité hors pair mais inconnue hors du cercle des spécialistes, le tourangeau JeanPoyer. Chaque fois, dans la limite de nos moyens, nous avons tenu, sans négligerpour autant les acquis de 1904, à faire état des dernières avancées de la recherche. Un regret majeur cependant : l’absence du Portrait d’homme daté de 1456, l’un desjoyaux des collections princières de Liechtenstein qui quittent le château de Vaduzpour être montrées à partir du mois de mars 2004 dans le nouveau LiechtensteinMuseum de Vienne. L’érudit belge Georges Hulin de Loo avait jugé cette fascinan-te effigie la plus parfaite des œuvres exposées en 1904. Pour nous qui sommes ten-tées d’y reconnaître une création de Barthélemy d’Eyck, l’occasion était bien sûridéale de la comparer aux miniatures du peintre favori de René d’Anjou, en l’oc-currence à l’admirable Livre des Tournois… et au Triptyque de l’Annonciationd’Aix, d'autant plus que les enluminures et tableaux donnés par le plus grandnombre à cet artiste n'ont jamais, à notre connaissance, été juxtaposés. Voir réunisau Louvre les différents éléments du célèbre triptyque -aujourd’hui dispersés à tra-vers trois pays - est en revanche une immense satisfaction : à notre tour, nous sou-haitons dire notre plus vive reconnaissance à tous ceux qui, à des titres divers,auront contribué, par leur bienveillance et leur générosité, à rendre possible un telévénement.

Dominique Thiébaut, conservateur en chef au département des peintures du musée du Louvre

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L’exposition des Primitifs français de 1904

Le 12 avril 1904, l’Exposition des Primitifs français ouvrait ses portes à Paris, auPavillon de Marsan (l'actuel musée des Arts décoratifs) pour les peintures et lesquelques rares échantillons de sculptures, tapisseries, émaux, montrés en accompa-gnement, et à la Bibliothèque nationale pour les manuscrits. Elle répondait à uneexposition fameuse, celle des Primitifs flamands, organisée à Bruges en 1902, quiavait connu un succès considérable. Toutes deux s’inscrivent, comme d'autres mani-festations organisées en 1904 à Sienne, à Düsseldorf et à Barcelone, dans ce mou-vement plus vaste de réévaluation des Primitifs, vers 1900, que l'historien d'artFrancis Haskell a baptisé de " seconde redécouverte des maîtres anciens ". Conçue et mise en œuvre par Henri Bouchot (1849 -1906), le conservateur duCabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale, l’exposition parisienne avaitsurtout pour ambition de prouver l'existence d'une véritable école de peinture fran-çaise antérieure au règne de François Ier (1494-1547), même si officiellement lapériode retenue couvrait les " trois dynasties des Valois ", de l’avènement dePhilippe VI à celui d’Henri IV (de 1328 à 1589). La vision qu'elle proposait du XVIe

siècle était d'ailleurs très partiale, puisque l’Ecole de Fontainebleau était presquepassée sous silence et quasiment occulté l’apport des artistes italiens, ces "Primaticiens" venus introduire en France la norme classique et "contredire tout cequi touche à notre art national". L’ambiance nationaliste des années 1900 expliqueen grande partie ces choix comme le parti, pour la période précédente, de minimi-ser l'apport fondamental des grands rénovateurs de l'art flamand, les frères VanEyck et le Maître de Flémalle. C’est avant tout à travers la peinture et les manus-crits que Bouchot entendait réhabiliter l’art de ceux qu’il qualifiait d’" imagiers " et"réparer, dans la mesure du possible, les injustices d’un long oubli à l’égard de nosvieux peintres ". La démonstration se fondait sur les travaux entrepris par plusieursgénérations d'érudits depuis le milieu du XIXe siècle, le comte de Laborde, le mar-

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Enguerrand Quarton, La Pietà de Villeneuve-lès-Avignon,

Musée du Louvre,département des Peintures © RMN/R.G. Ojeda

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quis de Chennevières, suivis entre autres par Paul Mantz, le chanoine Requin, PaulDurrieu, qui avaient patiemment collecté les sources relatives à cette période.Restait à faire la synthèse de ces recherches et surtout à étudier ce patrimoine d'unpoint de vue critique : c’est la tâche à laquelle s'attelèrent Bouchot et le comité d'or-ganisation. En dépit des imperfections de son catalogue, rédigé à la hâte, l’exposi-tion de 1904 et les compte rendus qu'elle a suscités, dans le milieu scientifiquecomme dans la presse, ont incontestablement donné une impulsion décisive auxétudes sur les primitifs français.

Les retombées de l'exposition de 1904

Le succès public de l’Exposition des Primitifs français de 1904 fut considérable.77.672 visiteurs se pressèrent dans les salles du Pavillon de Marsan pour y admirerdes chefs-d’œuvre reconnus de Jean Fouquet, de Nicolas Froment ou d'EnguerrandQuarton, mais aussi des pièces plus modestes, prêtés par des églises, des musées etde nombreux collectionneurs privés. Le Prince de Liechtenstein, l'Empereurd'Allemagne, le roi d'Angleterre avaient prêté leurs collections. Parmi les écrivains,les réactions ne manquent pas, de Marcel Proust à Charles Péguy, pour témoignerde l’importance de cette réunion des Primitifs français. L'exposition parisienne sus-cita chez les artistes, Matisse, Derain et Beckmann, en tête, un intérêt jamaisdémenti pour les maîtres de cette époque. Cependant, les partis pris du commissaire Henri Bouchot provoquèrent une vagueimmense de critiques. A l’étranger, les plus grands connaisseurs, tels le belgeGeorges Hulin de Loo, reconnurent l’importance de l’événement et rendirent hom-mage à ses organisateurs. Mais ils commentèrent parfois de manière sévère les fon-dements intellectuels de l’exposition, notamment la thèse de la primauté de l’écolefrançaise sur les autres écoles de primitifs, ainsi que nombre des attributions pro-posées par Bouchot. En France, l’historien d’art Louis Dimier fut sans doute le cri-tique le plus acharné de l’exposition. Eminent spécialiste de l’Ecole deFontainebleau, il dénonça le refoulement de l’art classique qui animait l’exposition.En esprit rigoureux mais implacable, il discuta les points les plus litigieux de ladémonstration de Bouchot… avec une mauvaise foi évidente parfois ! L’Expositionde 1904 joua cependant le rôle d’un immense laboratoire pour l’histoire de l’art,fondant jusqu’à aujourd’hui les travaux des spécialistes et permettant de sortir del’ombre à des chefs-d’œuvre étonnants . Plusieurs d'entre eux entrèrent aussitôtdans les collections du Louvre, le Portrait d'une donatrice présentée par sainteMadeleine du Maître de Moulins, la Pietà d’Avignon, offerte en 1905 par la Sociétédes amis du Louvre, ou encore en 1906 l’Homme au verre de vin, dont l’attributionà Jean Fouquet, puis à un maître portugais, fût discutée par des générations d’his-toriens, certains persistant à y voir un des plus hauts symboles de l’art français.

Des "annexions involontaires" …et abusives

Dans leur évocation de la peinture des primitifs français, les organisateurs de l’ex-position de 1904 se heurtèrent à une difficulté majeure, celle de définir les limitesgéographiques, politiques et stylistiques d'une France qui n'avait pas manqué dechanger de visage entre le règne de Philippe III et celui de Henri IV. La vision queBouchot proposait de la France d'alors, s'apparentait plus à celle de Jules Ferry qu'àcelle de Charles VII ou de Louis XI ! De surcroît, le savant belge Hulin de Loo l'avait noté dès 1902, les historiens d'artfrançais de l'époque étaient meilleurs archivistes que "connaisseurs". Dans la sélec-tion des œuvres présentées au Pavillon de Marsan, figuraient, sous une attribution àl'école française, nombre de productions qui relevaient souvent de foyers artistiquesétrangers : si les productions italiennes étaient rares, on comptait en revanche

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nombre de pièces espagnoles (par exemple le petit tableau double face prêté parDurrieu, que l'on s'accorde aujourd'hui à juger valencien, les quatre panneaux - enréalité du catalan Martorell - donnés en 1905 au musée par la Société des amis duLouvre, allemandes (la Pietà de Saint-Germain- des- Prés, peinte à Paris vers 1500par un maître colonais), et surtout flamandes. Pour repousser les frontières dudomaine français, Bouchot n'avait pas hésité à créer artificiellement des écoles,comme la Lorraine, la Navarre, l'Est de la France dont la production picturale étaitpour le moins mystérieuse. Ses ambitions nationalistes étaient plus évidentes enco-re quand il donnait naissance à une école d'Artois : par ce biais, il s'autorisait eneffet à annexer un des grands rénovateurs de l'art flamand - et un des plus grandspeintres de son temps -, le Maître de Flémalle, sous le prétexte que la petite Viergeen gloire du musée Granet, montrée à l'exposition aurait été peinte pour l'abbayed'Eaucourt en Artois. Personne à vrai dire ne s y trompa, à commencer par ses col-laborateurs qui firent preuve dans leurs écrits d'un certain embarras !

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La peinture à Paris au XVe siècle

La peinture en Provence dansles années 1440-1520

Enguerrand QuartonLe Maître de la Pietà d’Avignon

Barthélemy d’EyckLe Maître de l’Annonciation d’Aix

Jean Poyer

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Coups de projecteurs sur...

la peinture à Paris au XVe siècle

Les premiers artistes venus du Nord

À l’exposition des Primitifs français ne figuraient que quelques œuvres peintes àParis après la fin de la guerre de Cent Ans. L’une d’elles, la Crucifixion duParlement, qui avait déjà suscité au XIXe siècle l’intérêt des connaisseurs, a occupéune place essentielle dans les travaux des chercheurs qui, tout au long du XXe siècle,ont contribué à mettre en lumière le milieu pictural parisien de la fin du Moyen Âge.Arrivé dans la capitale vers 1445, le peintre de la Crucifixion du Parlement a étéformé dans le Nord. Dans ses œuvres transparaît la connaissance du nouvel art pic-tural tournaisien (le Maître de Flémalle, Rogier van der Weyden). Le triptyque qu’ilréalisa pour Dreux Budé, un haut fonctionnaire royal, lui a valu le nom de conven-tion de “ Maître de Dreux Budé ”. À Paris, son arrivée constitue un véritable bou-leversement sur le plan des formes, dominées jusque là par des artistes prolongeantl’esthétique du gothique international dont le principal représentant est le Maître deDunois. Ce dernier, actif jusque dans les années 1460, possède toutefois, dans sonstock de modèles, des motifs conçus par des maîtres des anciens Pays-Bas et qu’ilinsère ponctuellement dans ses compositions. La représentation de la Trinité, aucentre du conventionnel retable aux chanoines de Notre-Dame de Paris, dérived’une invention du Maître de Flémalle.La culture du Maître de Dreux Budé, qui a été en contact avec l’un des peintresnovateurs flamands, le grand Rogier van der Weyden apparaît toute autre. Son acti-vité parisienne semble circonscrite au milieu du XVe siècle. Dans son sillage tra-vaille un artiste plus jeune, qui hérite de son atelier et que l’on désigne comme le“ Maître de Coëtivy ”, du nom du chambellan du roi, Olivier de Coëtivy, destina-taire d’un livre d’heures illustré par lui. Les œuvres du Maître de Coëtivy jalonnentune bonne partie de la seconde moitié du siècle. Son seul tableau de chevaletaujourd’hui conservé est un retable où figure la Résurrection de Lazare.Un faisceau d’indices progressivement rassemblés depuis une quinzaine d’annéespermet d’étayer l’identification du Maître de Dreux Budé et du Maître de Coëtivyavec deux artistes parisiens originaires d’Amiens : André d’Ypres et son fils Nicolas(ou Colin) d’Amiens. Ayant fait partie du métier des peintres de Tournai en 1428,André d’Ypres y a probablement connu Robert Campin (le “ Maître de Flémalle ”)et Rogier van der Weyden. Il disparaît en 1450. Son fils Colin d’Amiens a bénéfi-cié d’une plus grande longévité, puisqu’il est encore mentionné en 1495. Le dérou-lement de sa carrière correspond bien au profil du Maître de Coëtivy, figure domi-nante de la scène artistique parisienne dans la seconde moitié du XVe siècle, quel’on peut considérer comme “ le troisième peintre de la France royale de son temps,après Fouquet et Barthélemy d’Eyck ”. (Nicole Reynaud in Les manuscrits à pein-tures en France 1440-1520, Paris, 1993, Ed. Flammarion/BnF, p. 58).

Une production multiforme

Au cours de la seconde moitié du XVe siècle, la production picturale parisienne estcaractérisée par une grande homogénéité stylistique, puisant ses racines dans l’artdu Maître de Dreux Budé dont la continuité est assurée par le Maître de Coëtivy .Ces deux peintres se sont manifestement succédés à la tête d’un atelier où lesmodèles étaient précieusement conservés et transmis pour l’usage de la génération

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suivante. L’intense activité graphique de ces artistes s’explique par leur interventiondans divers arts “ appliqués ” ne relevant pas de la peinture de chevalet stricto sensu(l’enluminure, le vitrail, la tapisserie, l’orfèvrerie, voire la sculpture). Lesrecherches pionnières de Nicole Reynau (1965 et 1973) et de Geneviève Souchal(1973), qui ont mené des enquêtes élargies sur les oeuvres réalisées dans ces diffé-rentes techniques, ont été décisives dans les connaissance actuelles sur la peintureà Paris au XVe siècle.

Ainsi, le Maître de Coëtivy a-t-il été un grand fournisseur de patrons, notammentpour un medium très prisé à la fin du Moyen Âge : la tapisserie. On lui doit lesmaquettes d’une tenture en onze pièces de l’Histoire de la guerre de Troie, dont plu-sieurs petits patrons sont encore conservés. Cette série a connu plusieurs éditions,tissées à la demande de nombreux princes européens. Le rayonnement de l’artiste adonc largement dépassé les limites de Paris. Comme pour la tapisserie, l’élabora-tion du vitrail requiert plusieurs étapes dont celle de la conception graphique,autrement dit de l’invention. Dans ce domaine également, le Maître de Coëtivy estactif. Il prend part, comme d’ailleurs quelques années avant lui le Maître de DreuxBudé, au chantier de la reconstruction de l’église Saint-Séverin, à Paris.Le Maître de Dreux Budé et le Maître de Coëtivy ont eu tous deux une importanteactivité d’enlumineur. Ce n’est donc pas un hasard si leur héritier est connu sous lenom de “ Maître des Très Petites Heures d’Anne de Bretagne ” . Cet artiste est pro-bablement un membre de la troisième génération de la famille d’Ypres. Il a repris lefond d’atelier du Maître de Coëtivy, dont il réutilise, entre 1480 et 1510 environ, lesfigures et les compositions en les modernisant. Colin d’Amiens (le Maître deCoëtivy), fils d’André d’Ypres (le Maître de Dreux Budé) avait deux fils peintres :Jean d’Ypres, l’aîné († 1508), maître-juré du métier des peintres à Paris en 1504, etson frère Louis, lui aussi actif à Paris. L’un et l’autre pourraient être candidats àl’identification du Maître d’Anne de Bretagne. Signe des temps : la diffusion desmodèles de cet artiste a largement bénéficié de l’essor d’un nouveau médium, lagravure. Son style transparaît également dans le vitrail et la tapisserie , notammentdans la célèbre tenture de La Dame à la licorne.

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La peinture en Provence dans les années 1440-1520 :

l’existence d’une véritable école

La production picturale de l’école provençale a vu le jour dans une région, laProvence occidentale, qui comprend Avignon, Carpentras, Aix-en Provence, Arles,Marseille et leurs alentours. Au XVe siècle, cette région englobe Avignon, leComtat-Venaissin - possessions des Etats de l’Eglise - et le comté de Provence,alors entre les mains de René d’Anjou (1480). En dépit des destructions de tous ordres, le patrimoine conservé y est d’une riches-se sans égale par rapport à celui d’autres centres artistiques français et sa qualitéd’un niveau particulièrement élevé . L’installation de la cour pontificale à Avignonau début du XIVe siècle et, dans son sillage, celle d’une clientèle exigeante et for-tunée ont attiré de toutes parts des artistes raffinés (Simone Martini, MatteoGiovannetti…). Après le retour définitif des papes à Rome (1417), des marchandset des banquiers, souvent d’ascendance italienne, décident de se maintenir sur placeet continuent, aux côtés des légats, des évêques, mais aussi de l’aristocratie, de labourgeoisie et du clergé locaux, à passer commande à des peintres venus du Nordde la France, de Bourgogne, du Limousin mais aussi des Pays-Bas, d’Espagne, duPiémont… séduits par l’éclat de ce foyer artistique, la sécurité et la prospérité d’unecontrée idéalement placée au confluent de plusieurs voies importantes. Cette brillante activité, favorisée par la reprise commerciale, est attestée par lesdocuments, notamment une masse de minutes notariées. Dans cette Provencedemeurée fidèle aux traditions du droit romain, toute transaction faisait l’objet d’unacte devant notaire : plusieurs centaines de contrats - ou " prix-faits " - pour le seulXVe siècle, sont parvenus jusqu’à nous. Ils nous livrent les noms de peintres et deleurs commanditaires, mais parfois aussi la description, plus ou moins détaillée, del’œuvre à fournir. Très exceptionnellement, des tableaux conservés ont pu être misen relation avec de telles mentions autorisant, dès la seconde moitié du XIXe siècle,la résurrection de personnalités comme celle de Nicolas Froment, payé en 1477 parRené d’Anjou pour un imposant triptyque destiné à l’église des Grands-Carmesd’Aix, ou celle d’Enguerrand Quarton. Fait remarquable, la production picturale des années 1440-1520 présente, malgré lecosmopolitisme des artistes, une cohérence stylistique si frappante que, dès la fin duXIXe siècle, on a pu parler d'une véritable " école " qui serait, à vrai dire, autantd’Aix que d’Avignon. Dès les années 1440, Enguerrand Quarton et le Maître d’Aix,sans doute Barthélemy d’Eyck, imposent, avec des nuances dues à leur formationet sensibilité respectives, une esthétique originale déterminée par cette lumièreintense du midi qui dégage de francs volumes, simplifie les masses, projette devigoureuses ombres portées. Comme le confirme la production enluminée de cetterégion (fig. 4), redécouverte depuis un quart de siècle, leur double influence se faitsentir jusqu’à la fin du XVe siècle, voire au début du siècle suivant.

La peinture à Paris au XVe siècleLa peinture en Provence dans les

années 1440-1520

Enguerrand QuartonLe Maître de la Pietà d’Avignon

Barthélemy d’EyckLe Maître de l’Annonciation d’Aix

Jean Poyer

Nicolas Dipre, La Rencontre à la Porte Dorée,musée de Carpentras

© musée de Carpentras, D.R.

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La peinture à Paris au XVe siècleLa peinture en Provence dans les

années 1440-1520Enguerrand Quarton

Le Maître de la Pietà d’AvignonBarthélemy d’Eyck

Le Maître de l’Annonciation d’AixJean Poyer

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Enguerrand Quarton

Enguerrand Quarton bénéficie d’un statut privilégié parmi les grands peintres fran-çais du XVe siècle. Il est le seul dont la résurrection se fonde sur deux œuvres cer-taines et admirables. En 1889, le chanoine Requin publiait un contrat, d’une préci-sion exceptionnelle, passé en 1453 entre “ maistre Enguerand ”, du diocèse de Laon,et un chanoine avignonnais, Jean de Montagny, agissant au nom des chartreux deVilleneuve-lès-Avignon : l’artiste devait réaliser, pour l’autel dédié à la SainteTrinité de leur église, un retable qui figurerait la Vierge couronnée par la Trinité. Letableau, une ambitieuse représentation symbolique de l’univers, se trouve aujour-d’hui au musée de cette localité.Un an plus tôt, le maître picard et son associé le limousin Pierre Villate, s’étaientengagés à peindre une Vierge de Miséricorde entre saint Jean Baptiste et saint Jeanl’Evangéliste destinée à la chapelle de la famille Cadard au couvent des Célestinsd’Avignon indentifié en 1904 par le comte Durrieu parmi les primitifs du muséeCondé de Chantilly. Le problème de la part respective des deux artistes fut bien sûraussitôt posé : différents avis coexistent toujours. Dès sa redécouverte, Quarton fut placé au même rang que Fouquet, sur le devant dela scène artistique française, et son nom avancé plus tard, en 1959, pour l’auteur duchef d’œuvre de l’école provençale, la Pietà de Villeneuve-lès-Avignon. Forte de sesdeux points de repère assurés, la critique eut longtemps tendance à voir en Quarton- localisé à Aix, Arles et Avignon entre 1444 et 1466 - essentiellement un peintrede retables monumentaux. En 1970, Michel Laclotte lui avait attribué le RetableRequin, œuvre imposante elle aussi, moins aboutie que les précédentes, mais déjàcaractéristique de son désir d’équilibrer une “ volonté d’abstraction décorative etspirituelle par un sens aigu du réel ”.Le profil de l’artiste a singulièrement évolué ces dernières années : on sait aujour-d’hui qu’il exerça aussi le métier de verrier. Sans doute faut-il reconnaître sa maindans quatre petits panneaux composant un diptyque de dévotion privée et lui attri-buer l’invention d’une peinture murale dont le souvenir nous est transmis par unrelevé, exécuté juste avant la destruction de celle-ci en 1859. A partir de 1977,François Avril apporte les principales nouveautés dans le domaine de l’enluminure.Il décèle alors son intervention dans un grand missel illustré en 1466 pour le chan-celier de Provence, Jean des Martins - sa dernière œuvre connue par conséquent -,et dans un livre d’heures inachevé où sa participation se limite à trois miniatures,les autres revenant probablement à Barthélemy d’Eyck. On retrouve également samarque dans deux pages ajoutées aux célèbres Heures du maréchal de Boucicaut etdans un livre d’heures, réapparu l’an dernier à Namur, dont la décoration lui a étéconfiée aux côtés de trois autres artistes provençaux. A vrai dire, son incursion dansce domaine n’a rien de surprenant pour un peintre, né en Picardie, aux confins del'Ile-de-France, dans une région où cette tradition était solidement implantée. Delongue date, des échos de l’enluminure parisienne avaient d'ailleurs été relevés dansle Couronnement de Villeneuve pour expliquer la fraîcheur du chromatisme, la tech-nique picturale et l’élégance des rythmes linéaires.

Enguerrand Quarton, La Pietà de Villeneuve-lès-Avignon,(détail)

Musée du Louvre, département des Peintures © RMN/R.G. Ojeda

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La peinture à Paris au XVe siècleLa peinture en Provence dans les années

1440-1520Enguerrand Quarton

Le Maître de la Pietà d’Avignon

Barthélemy d’EyckLe Maître de l’Annonciation d’Aix

Jean Poyer

le Maître de la Piétà d’Avignon

Découverte en 1834 par Prosper Mérimée, tout jeune inspecteur des monumentshistoriques, au fond d’une chapelle obscure dans l’église paroissiale de Villeneuve-lès-Avignon, la Pietà n’acquiert vraiment son statut de chef d’œuvre qu’à l’exposi-tion de 1904. Dès l’ouverture de celle-ci, deux des membres du Comité desPrimitifs français, Georges Berger et Henri Bouchot - qui président aux destinéesde la toute jeune Société des Amis du Louvre - entreprennent des négociations avecle maire de la commune : le tableau est finalement acquis en juillet 1905.L’admiration suscitée par sa présentation au pavillon de Marsan ne s’est jamaisdémentie : citons-en pour preuve les multiples copies réalisées par des artistes(Mondrian, Lüthy, Giacometti…), impressionnés par la force spirituelle de l’ima-ge, la rigueur de sa construction, son dessin tour à tour flexible et aigu .L’une des créations les plus hautes de son temps, la Pietà d’Avignon demeure l’unedes plus mystérieuses : aucun document ne précise son emplacement avant laRévolution (l’ancienne collégiale Notre-Dame devenue l’église où la vit Mérimée,plutôt que la chartreuse d’où on l’a fait également provenir ?), l’époque de sa réali-sation ni son auteur. Sa date présumée, vers 1455, se fonde sur celle d’une autrePietà, apparemment citée en 1457 dans un inventaire du château de Tarascon, quilui emprunte le geste exceptionnel de saint Jean enlevant la couronne d’épines . Tout au long du XIXe siècle, des hypothèses extravagantes n’ont pas manqué de cir-culer sur le peintre de la Piétà : les noms de Jean Bellin (Bellini), de Fouquet, desVivarini sont avancés. Si, au lendemain de l’exposition, la puissance tragique dutableau orientent certains critiques vers une piste “ ibérique ” (le catalan Bermejoou le Portugais Gonçalvès), l’hypothèse provençale séduit la plupart d’entre eux.Mais qui, de tous ces peintres révélés par les archivistes, pouvait bien être le Maîtrede la Pietà d’Avignon ? Charles Sterling, l’éminent spécialiste des primitifs françaisfut un temps frappé chez lui par une “ énergie ”, un “ sens de la grandeur ” qu’il neretrouvait pas chez l’auteur du Couronnement de la Vierge, doté selon lui “ d’unedélicatesse quasi féminine ” ; il se résolut néanmoins en 1959 à sauter le pas : ils’était convaincu entre temps que le chromatisme de la Pietà était initialementmoins “ funèbre ” et comportait ces teintes lumineuses et singulières (jaune paille,rose framboise, vert absinthe) qui sont l’une des signatures du grand peintre. Ilétayait sa magistrale démonstration par des rapprochements de détail portant sur lamorphologie des visages, la structure des rochers, les cassures des plis, la présencede grands revers d’un blanc éclatant… qu’il put matérialiser visuellement dans samonographie sur l’artiste parue en 1983. Surtout, il soulignait la récurrence, à tra-vers les quatre grands retables, d’un même “ chiffre ornemental ” composé d’une“ triade de grandes figures dont les deux latérales sont inclinées vers le personnagecentral ”. La production enluminée de Quarton, révélée en 1977, autorise désormaisde nouvelles comparaisons : le Christ en croix longiligne, à la taille étranglée, duMissel de Jean des Martins appartient à la même famille que celui qui repose surles genoux de la Vierge dans le tableau du Louvre.

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Barthélemy d'Eyck

Barthélemy d'Eyck est essentiellement connu à travers la comptabilité de René, ducd’Anjou et comte de Provence, dans laquelle il émarge, de 1446 à 1470, à titre devalet de chambre, puis de valet tranchant, le plus souvent avec la qualité de peintre.Que l'artiste ait bénéficié d'une position privilégiée, et même d'une réelle familiari-té avec son prince, semble confirmé par les dons que celui-ci lui octroie régulière-ment et par le fait qu'il lui aménage dans ses appartements privés d'Angers et deTarascon un lieu, équipé d'un mobilier spécifique, pour "besongner". On le sait ori-ginaire du diocèse de Liège, comme les célèbres frères Jean et Hubert van Eyckauxquels il pourrait bien être apparenté. Cette dernière hypothèse est défendue parles partisans de son identification avec le Maître de l’Annonciation d’Aix et leMaître du Cœur d’amour épris, les auteurs de deux séries d’œuvres qui trahissentune dette évidente envers l’art eyckien et les créations du Maître de Flémalle. Mêmesi cette reconstitution est peu assurée – le nom de Barthélemy n’est jamais men-tionné en relation avec une commande personnelle et a fortiori avec une œuvreconservée - elle a pour elle une certaine vraisemblance. Qui mieux que le peintrefavori de René aurait pu décorer avec un tel raffinement poétique, un tel respect desintentions de leur auteur, des textes, comme le Cœur d’amour épris ou le Livre desTournois écrits par le prince lui-même ? De surcroît, Barthélemy et Enguerrand Quarton apparaissent comme témoins d’unacte notarié dressé à Aix-en Provence en février 1444 …. à l’époque même de laréalisation du Triptyque d’Aix et d'un livre d’heures dans lequel François Avril areconnu en 1977, l'intervention de Quarton et celle d’un autre artiste, fortementmarqué par la culture flamande : les enluminures qui reviennent à celui-ci présen-tent, dans leur souci aigu de la vérité et leur prodigieuse virtuosité , une saisissanteparenté avec le triptyque et avec le groupe de miniatures réunies autour du Cœurd’amour épris. Barthélemy avait coutume de suivre René dans ses déplacements entre l’Anjou etla Provence : aurait-il aussi accompagné à Naples, entre 1438 et 1442, son mécèneparti revendiquer l’héritage des Angevins ? L’idée est confortée par de troublantesaccointances entre les panneaux du Retable de l’Annonciation et certaines créationsnapolitaines des années 1440 ; plusieurs spécialistes attribuent d'ailleurs àBarthélemy - alias le Maître d’Aix- neuf feuillets aquarellés, vestiges d’uneChronique universelle qui recopie fidèlement une autre chronique enluminée parLeonardo da Besozzo, que l'on sait présent Naples en 1438.De retour en Provence, puis en Anjou, Barthélemy aurait poursuivi son activité depeintre et d’enlumineur, livrant également des cartons pour des sceaux, desmédailles, des vitraux, et même des broderies : quatre petits " panneaux " relatantdes épisodes de la vie de saint Martin pourraient bien avoir été réalisés " à l’aiguille" par le beau-père de Barthélemy, Pierre du Billant (peintre et brodeur en titre deRené), à partir de patrons fournis par le génial artiste.

La peinture à Paris au XVe siècleLa peinture en Provence dans les

années 1440-1520Enguerrand Quarton

Le Maître de la Pietà d’AvignonBarthélemy d’Eyck

Le Maître de l’Annonciation d’AixJean Poyer

Barthélemy d’Eyck L’Annonciation dite L’Annonciation d’Aix , (détail)

Aix-en-Provence, église de la Madeleine © Patrick Glotain, CICRP

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le Maître de l’Annonciation d’Aix

L’Annonciation de l’église de la Madeleine d’Aix fut l’une des grandes révélationsde l’exposition de 1904. Non que, jusque-là, le tableau soit passé inaperçu : il avaitmême été un temps attribué à Van Eyck et à Dürer ! Mais personne n’avait vraimentmesuré son importance ni surtout analysé avec justesse la culture de son auteur.L’éminent critique belge Hulin de Loo fut le premier à montrer, dans un compte-rendu magistral de la manifestation parisienne, que cet admirable panneau, le pre-mier témoignage d’un renouveau pictural au sud de la Loire, était l’œuvre d’unpeintre formé dans les Pays-Bas qui tenait de l’ars nova flamande ses typeshumains, la conception symbolique de l’Annonciation, mais surtout sa vision atten-tive et concrète de la réalité, son exécution souple et sensuelle. Pour autant, sonassimilation des modèles septentrionaux n’avait rien de servile et révélait aucontraire une interprétation très personnelle de ceux-ci. La date avancée, vers 1445,fut confirmée par la découverte de plusieurs textes d’archives, notamment les testa-ments d’un drapier aixois, fournisseur de René d’Anjou, du nom de Pierre Corpici,qui, dès décembre 1442, émettait le désir d’orner son autel, dans la cathédrale Saint-Sauveur d’Aix, d’un retable consacré à l’Annonciation. Il s’agissait d’un triptyqueen largeur à la manière flamande, pourvu de volets fermants qui furent sans douteséparés très tôt de la scène centrale, bien avant le transfert de celle-ci, à laRévolution, dans l’église de la Madeleine. Les différents éléments qui composaientces “ portes ” firent leur réapparition après 1904 : le panneau gauche fragmentaireavec le prophète Isaïe et au revers la Madeleine agenouillée, initialement surmontépar une nature morte de livres, puis le volet droit, demeuré intact, avec le prophèteJérémie et au dos le Christ du Noli me tangere . Ils n’ont pas été réunis à Parisdepuis 1929 et à Londres depuis 1932.Dans cette personnalité remarquable, Hulin de Loo voyait aussi l'auteur du Portraitd’homme daté 1456 de la collection Liechtenstein, à ses yeux “ la plus parfaite desœuvres montrées à l’exposition ” et de l’Homme au verre de vin, aujourd’hui auLouvre, tous deux alors donnés à Fouquet. Une partie de la critique actuelle accep-te le rapprochement entre le Triptyque d'Aix et le Portrait d'homme de 1456, toutcomme elle admet que le "Maître d'Aix" puisse être l'admirable enlumineur ducélèbre Cœur d'amour épris, de la Théséide de Vienne et d'autres manuscrits admi-rables parmi lesquels le Livre des Tournois. Comme l'avait noté Jacques Dupont en1950, les petits personnages logés au fond de l'église dans l'Annonciation rappellentétrangement certaines des figures un peu massives, aux traits un peu lourds, à labouche épaisse, du Cœur d'amour épris. Bien que la proposition ne soit confirmée par aucune base documentaire, le nom deBarthélemy d'Eyck, avancé, d'un côté par Hulin pour le Maître d'Aix et le Maître duPortrait de 1456, de l'autre par Durrieu pour le Maître du Cœur d'amour épris aliasle Maître du Roi René, est celui qui rallie aujourd'hui le plus grand nombre de suf-frages.

La peinture à Paris au XVe siècleLa peinture en Provence dans les

années 1440-1520Enguerrand Quarton

Le Maître de la Pietà d’AvignonBarthélemy d’Eyck

Le Maître de l’Annonciation d’Aix

Jean Poyer

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La peinture à Paris au XVe siècleLa peinture en Provence dans

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Le Maître de la Pietà d’AvignonBarthélemy d’Eyck

Le Maître de l’Annonciation d’AixJean Poyer

Jean Poyer

La destinée critique de Jean Poyer est des plus singulières. Si l'on en juge par lesdocuments relatifs à son activité à Tours entre 1483 et 1498 - après la disparition deJean Fouquet -, il était apprécié aussi bien des autorités locales que de la familleroyale, alors en résidence dans le Val de Loire. Ses talents sont encore loués audébut du XVIe siècle et même cinquante ans après sa mort - survenue semble-t-il en1503 - tout particulièrement dans le domaine de la perspective où il aurait surpasséle grand maître tourangeau et ses deux fils. Poyer connaît un regain de célébrité auXIXe siècle quand plusieurs érudits proposent de lui attribuer l'illustration d'unmanuscrit très populaire, les Grandes Heures d'Anne de Bretagne. La découverted'un mandat de paiement relatif à cet ouvrage somptueux, ordonné par la reine Annede Bretagne en faveur de son rival Jean Bourdichon, met fin brutalement à cettebrillante renommée : l'artiste tombe quasiment dans l'oubli…A la fin des années1970, plusieurs spécialistes, François Avril en tête, réunissent un petit corpus demanuscrits et de feuilles découpées dont les données stylistiques et la qualité remar-quable s'accordent avec ce que l'on sait de l'artiste. Pour séduisante qu'elle soit, larésurrection de ce peintre remarquable est fragile et ne repose que sur une conver-gence de probabilités. Un premier noyau d'œuvres, rassemblé autour des Heures Briçonnet et du Triptyquede la chartreuse du Liget, daté 1485 - que Bouchot avait exposé en 1904 commeune production de l'école de Fouquet - trahit une nette dépendance à l'égard du stylefouquettien mais aussi des échos de l'art d'Andrea Mantegna perceptibles dans lesrecherches spatiales, d'une audace étonnante, le chromatisme saturé et certainsmotifs décoratifs. Un, voire deux, voyages de l'artiste dans la péninsule italiennesont d'ailleurs probables. La plupart des pièces montrées ici appartiendraient à unsecond groupe, composé de nombreux manuscrits, certains luxueux comme lesHeures dites d'Henry VIII, et d'une série de dessins à sujet biblique, vraisemblable-ment des "petits patrons" destinés à une vitrerie. Poyer a sans doute fourni parailleurs les modèles de plusieurs verrières conservées. La culture plus avancée quise dégage de toutes ces oeuvres, la palette délicate, à base de blancs, de roses, debleus pâles, souvent traités en camaïeux, le dessin plus souple, la facture moins ser-rée, semblaient militer en faveur d'une date assez tardive, au point que certains spé-cialistes avaient douté qu'elles puissent être l'œuvre du maître tourangeau, disparuau tout début du XVIe siècle. La découverte en 2000 et 2002 des deux tableaux deCenseau et du Repas chez Simon le pharisien de Lons-le-Saunier, manifestementtrès liés par leur style aux productions de cette seconde séquence, conforterait lathèse d'un seul artiste pour l'ensemble : en effet, le triptyque qu'ils composentsemble avoir été peint pour Jean IV de Chalon, prince d'Orange, seigneur deNozeroy, dont la date de mort, 1502, est parfaitement conciliable avec celle dePoyer. D'un génie inventif et personnel, d'une indéniable sensibilité poétique, Poyerdoit être regardé comme un des plus grands peintres de sa génération, aux côtés deJean Hey (alias le Maître de Moulins) et de Jean Perréal, à l'aise aussi bien dans l'en-luminure, la grande peinture que dans cet art monumental qu'est le vitrail.

Jean Poyer, Noli me tangere (détail),Eglise de Censeau, © J.-F. Lyon,

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