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Droit Administratif 3
Introduction
CHAPITRE 1ER
INTRODUCTION AU DROIT ADMINISTRATIF
Droit administratif fait partie des enseignements du droit public, c.à.d. des matières qui s’appliquent pour
l’activité des personnes publiques, soit entre elles, vis-à-vis des personnes privées.
La distinction entre droit privé et droit public est relativement ancienne. Distinction présente dans le droit
romain avec la Summa divisio => séparation suprême. Aujourd’hui, cette distinction est sanctionnée du point de
vue de l’élaboration de la règle de droit, mais également du point de vue du contrôle.
Le droit public est contrôlé et sanctionné par le juge administratif, ce qui constitue la dualité juridictionnelle.
Dès lors le droit administratif est appliqué aux personnes publiques, il a une forte utilité sociale. Le
développement du droit administratif est souhaité par la population notamment par la police administrative, le
droit des services publics, mais également toute la règlementation qui encadre l’activité des entreprises. Si bien
que cette discipline se développe.
1.1.1 Le droit administratif, sujet d’étude
A. Objet du droit administratif
Principe => Le droit administratif étudie les règles applicables à l’administration. Dans ce sens, il existe dans
toutes les sociétés développées. Cependant d’un Etat à l’autre, le degré de développement du droit administratif
est variable. Dans le cas de la France, l’objet du droit administratif se précise par deux affirmations :
Le droit administratif étudie l’organisation des institutions publiques
Le droit administratif étudie l’activité des institutions publiques
1. Le droit administratif étudie l’organisation des institutions publiques
Principe => Le droit accompagne l’évolution de l’homme en société. En effet, les 1ères formes de règles
juridiques ont pour objet d’organiser les relations entre les individus, et ensuite, applicables à la collectivité.
Le droit civil précède l’apparition du droit administratif, celui-ci n’existe qu’à partir du moment où la société est
suffisamment structurée pour devenir une collectivité. Ce qui permet de distinguer d’abord les institutions
politiques, juridictionnelles et administratif et ensuite les personnes morales de droit public et services
administratifs.
a) Institutions politiques, institutions juridictionnelles et administration
publique
INSTITUTION PUBLIQUE : Organisme ou une autorité crée par la collectivité, pour prendre en charge les
activités d’intérêt général.
Droit Administratif 4 Par son objet, une institution publique se distingue fondamentalement des personnes privées. En effet, du point
de vue, des modalités de l’action, une personne publique ne peut agir sur le même registre qu’une personne
privée.
Parmi les institutions publiques, le droit fait 3 distinctions en application du principe de la séparation des
pouvoirs. La séparation des pouvoirs est un principe inventée pour atténuer les conséquences du pouvoir pour
les gouvernants. Chacun des 3 pouvoirs est confié à une autorité. Dès lors, les institutions politiques exercent le
pouvoir politique. Les juridictions exercent le pouvoir judiciaire. Et enfin les administrations publiques
s’organisent et fonctionnent sous le contrôle du pouvoir exécutif de l’Etat.
Le droit administratif n’étudie pas les institutions politiques. Le droit administratif étudie l’organisation et le
fonctionnement des administrations publiques.
b) Personnes morales de droit public et services administratifs
Le droit administratif étudie de façon différencié les institutions publiques. Plus précisément certaines
institutions publiques sont dotées de la personnalité morale.
Parmi les personnes publiques dotées de la personnalité morale, figure d’abord l’Etat. L’Etat est indispensable
au fonctionnement de la société. Seul l’Etat possède les 3 pouvoirs.
D’autres institutions publiques sont dotées de la personnalité morale, notamment les collectivités territoriales et
les établissements publics. Ces trois catégories sont les personnes publiques à titre principal, car ils figurent
dans la Constitution. En revanche, il existe des catégories secondaires GIP (Groupement d’Intérêt Général).
D’autres institutions publiques n’ont pas la personnalité morale, elles sont nécessairement rattachées à une
personne publique. Exemple : le médiateur de la République est rattaché au Premier ministre, etc. Conséquence :
un acte administratif est signé au nom d’une personne publique et non au nom du service administratif, le
dommage causé aux tiers ou aux usagers entraine la responsabilité de la personne publique et non celle du
service administratif.
2. Le droit administratif étudie l’activité des institutions publiques
Précisions terminologiques : Selon l’usage, l’Administration désigne les institutions, structures administratives.
L’administration désigne l’activité des personnes publiques.
Définition de l’administration : Activité qui regroupe l’ensemble des actes et des procédures par lesquelles les
personnes publiques s’organisent et assurent leur fonctionnement. Cette activité désigne aussi les actes pris à
l’égard des tiers ou des usagers.
a) L'Activité administrative et activité politique
Principe : L’activité politique est indispensable à toute personne publique. Elle consiste à organiser la société, à
préserver son bon fonctionnement. Le sociologue R. Aron « Le pouvoir politique est la loi d’airain de la
démocratie ».
Le pouvoir politique est une sorte de domination qui est atténuée par la démocratie. Pour encadrer l’activité
politique de l’Etat, il existe des règles spécifiques fondées sur la Constitution. L’activité politique se distingue
de l’activité administrative. L’activité des administrations publiques ne peut pas être motivée par des
considérations politiques, selon la Constitution.
En conséquence, le droit administratif n’est pas un droit politique.
Droit Administratif 5
b) Activité administrative et activité de droit commun des personnes
publiques
Activité d’intérêt général qui est la véritable activité administrative. Par ailleurs, il n’est pas interdit à
l’administration d’avoir des activités comparables à celles des personnes privées. Un établissement public peut
concurrencer l’activité des personnes privées.
Cette activité de droit commun des personnes publiques n’est pas soumise au droit administratif. Elle relève de
règles comparables au droit privé.
B. Mode de création du droit administratif
La France est un pays de droit écrit. L’écrit est donc une source prioritaire du droit. Cette règle est atténuée en
droit administratif.
1. Elaboration des règles de droit en pays de droit écrit
Principe : Pour l’élaboration de règles de droit, deux systèmes s’opposent : dans les pays de Common Law, la
coutume occupe une place importante comme source du droit. En revanche, en pays de droit écrit, on accorde la
priorité aux sources écrites du droit. Il existe donc une hiérarchisation entre les trois sources principales du droit :
le droit écrit, la jurisprudence et la coutume.
Le droit écrit se caractérise par la volonté de rationaliser la règle de droit. Il se caractérise par la création
volontaire de règles. En conséquence, le droit écrit peut contredire aussi bien la jurisprudence comme la
coutume. Exemple : L’arrêt Perruche, Ass. Plen. C.Cass. 17 nov. 2000 Maladie pénible chez l’enfant, mère
enceinte demande le diagnostic au médecin qui dit que le fœtus n’est pas porteur de la maladie. Après
l’accouchement, l’enfant est atteint. Deux questions se posent : Faut-il indemniser l’enfant lourdement
handicapé (handicap pas causé par le médecin) pour préjudice d’être né handicapé ? Oui. Décision originale,
naissance = handicap ? La loi contredit cet arrêt par une loi du 4 mars 2002 => Nul ne peut se prévaloir d’un
préjudice du seul fait de sa naissance.
2. Elaboration des règles du droit administratif
Principe : Au sein du droit français, le mode de création du droit administratif présente des particularités. En
effet, en l’absence de code général de l’administration, le droit administratif est un droit essentiellement
jurisprudentiel.
a) Absence de codification législative en droit administratif
Le droit français pratique la codification inspirée du droit romain. La codification permet de rassembler dans un
texte unique toutes les règles applicables à une matière. Les règles applicables à l’administration sont dispersées.
Le code administratif est une initiative éditoriale et non pas un code législatif. Dès lors, une grande partie du
droit administratif figure non pas dans le droit écrit, mais dans les décisions du juge administratif.
b) Rôle du juge dans l’élaboration du droit administratif
Principe : La création du droit administratif laisse une part importante aux règles d’origine jurisprudentielle,
notamment les principes généraux du droit, règles supérieures d’origine jurisprudentielle, qui s’impose aux
administrations. Exemple : Le principe d’égalité devant les services publics n’est pas inscrit dans le droit écrit, il
s’agit de principe général du droit formulé par le Conseil d’Etat.
Droit Administratif 6 Il existe de nombreuses règles qui s’imposent à l’administration qui sont jurisprudentielles. Ces caractéristiques
font la différence du droit administratif par rapport aux autres branches du droit français.
CONCLUSION du B. : Evolution législative et règlementaire conduit à réduire l’importance de la
jurisprudence dans l’élaboration des règles applicables à l’administration. C’est le cas, notamment, pour la
procédure d’élaboration des actes administratifs, ou encore pour les droits des administrés vis-à-vis de
l’administration.
Exemple : Loi du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs. Décret du 26 décembre 2000 portant
simplification des formalités administratives (décret qui supprime les fiches individuelles d’état civil par
exemple).
En revanche, les principes généraux de la responsabilité administrative continuent à figurer dans la
jurisprudence, notamment dans un arrêt du tribunal des conflits 8 février 1873, arrêt Blanco.
C. Histoire du droit administratif
INTRODUCTION : L’approche historique permet de mieux comprendre l’origine des institutions française
contemporaines, et ainsi éviter des erreurs d’interprétation.
1. Prémisses du droit administratif dans l’Ancien droit
L’Ancien droit donne tout pouvoir au souverain dès lors où les sujets de droit sont des gouvernés qui subissent
le pouvoir collectif. Cependant le pouvoir du roi est atténué par les Lois fondamentales du royaume.
Certains textes de l’Ancien droit servent de fondements à des règles de droit administratif d’aujourd’hui.
Exemple : François Ier signe l’ordonnance de Villers-Cotterêts en août 1534. En 1984, le Conseil d’Etat déclare
une requête irrecevable en invoquant cette dernière ordonnance.
2. Institutions administratives et textes constituants sous la Révolution française
Principe : Tout le droit postérieur à 1789 est considéré comme le droit français contemporain. A partir de 1789,
les assemblées révolutionnaires instituent de nombreuses administrations publiques notamment le Conseil d’Etat,
qui date de l’an 8, les départements, les préfets en 1789, l’inspection des finances, la Cour des comptes, etc.
Toutes ces institutions datent de la Révolution.
De même, certaines règles du droit administratif sont élaborées pendant la Révolution, notamment la distinction
entre la police administrative et la police judiciaire. Ou encore, le Code des délits et des peines de l’an VIII.
3. Influences de l’IIIème République sur le droit administratif
Principe : L’IIIème République est la République libérale, elle développe les libertés publiques, ce qui a des
incidences sur l’activité des administrations, donc sur le droit administratif. Notamment, libéralisation des
relations entre l’Etat et les collectivités territoriales, ou la décentralisation avec la loi du 5 avril 1884 de la
Charte communale. Loi du 1er juillet 1901 qui garantit la liberté d’association.
La IIIème République libéralise le droit administratif, c.à.d. elle limite les pouvoirs de l’administration au profit
du droit reconnu aux administrés.
4. Influence de l’IVème République sur le droit administratif
Principe : L’IVème République a une influence sociale sur le droit administratif. C.à.d. après la 2nde
Guerre
Mondiale, le besoin se fait ressentir d’abord de reconstruire les institutions, et garantir les droits de l’Homme.
Droit Administratif 7 Dès lors le constituant énonce le nouveau principe qui vont fortement influencer le droit administratif,
notamment dans la Constitution figure les principes politiques, économiques et sociaux particulièrement
nécessaires à notre temps.
Le Conseil d’Etat affirme la nécessité de respecter un certain nombre de principes inhérents à la personne. Le
PGD s’imposent à l’administration.
Aujourd’hui, le droit administratif est désormais une discipline pérenne dont l’existence n’est plus contestée.
1.1.2. Le droit administratif, discipline universitaire
Le droit administratif est considéré comme un droit exorbitant du droit commun. Il écarte les règles applicables
entre les personnes privées. En effet, son objet est d’encadrer l’activité des personnes publiques, or les
administrations agissent dans un but d’intérêt général, qui doit prévaloir en tout état de cause. Les intérêts privés
s’écartent devant les nécessités de l’intérêt général. Pour cette raison, les règles du droit privé ne s’appliquent
pas à l’administration.
Exemple 1 : L’administration peut résilier unilatéralement un contrat, sans passer par un juge.
Exemple 2 : Les procédures d’exécution de droit commun ne sont pas applicables contre
l’administration, par exemple les saisies.
Des expressions usuelles sont appliquées à l’administration :
Astreintes : sanction juridictionnelle, pénalité financière qui est proportionnelle au retard mis par une
personne à s’exécuter),
Référé (procédure d’urgence qui accompagne la procédure contentieuse pour éviter les conséquences
irrémédiables de certaines situations),
Abrogation (annulation d’un acte pour le futur),
Recours pour excès de pouvoir (requête déposée devant le tribunal administratif, pour contester la
légalité d’un acte administratif).
Il existe des expressions désignant des situations contradictoires avec le droit privé :
Clauses contradictoires (une stipulation qui n’apparait que dans les contrats administratifs),
Exécution forcée # exécution d’office : entre deux personnes privées, l’application d’une règle de droit
repose sur le libre consentement des personnes privées, il est impossible d’imposer sa volonté à une
autre personne majeure. L’administration applique ses décisions indépendamment du consentement des
personnes privées.
En cas d’opposition des particuliers, l’administration pratique l’exécution forcée.
La méthodologie en droit administratif consiste à relever le caractère exorbitant du droit commun, ensuite
justifier cette solution, i.e. établir dans quelles mesures la décision ou la situation analysée permet de préserver
l’intérêt général.
Droit Administratif 8
Première partie : Définition de l’activité administrative
Délimiter : Etablir les caractéristiques de l’activité administrative.
CHAPITRE 2 SEPARATION DES AUTORITES ADMINISTRATIVES ET
JUDICIAIRE
Principe qui structure l’ordonnancement juridique, pour 3 raisons :
Ce principe apporte un éclairage historique sur l’organisation des pouvoirs publics.
La séparation des autorités administrative et judiciaire explique l’existence du droit administratif.
La séparation des autorités administrative et judiciaire fonde l’organisation juridictionnelle française,
notamment le dualisme juridictionnel, i.e. la distinction entre les autorités judiciaire et administrative.
Autorité judiciaire gardienne des libertés individuelles (article 66 de la Constitution). Le juge judiciaire est le
gardien des libertés individuelles, dès lors, toutes situations susceptibles d’affecter les libertés individuelles
relèvent de la compétence du juge judiciaire, et pourtant la séparation des autorités administratives et judiciaire
interdit au juge judiciaire de contrôler l’activité de l’administration.
1. LA SEPARATION DES AUTORITES ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRE ORGANISE LES
POUVOIRS PUBLICS
Les pouvoirs publics révèlent une collectivité organisée. Il signale le passage de la société à l’Etat.
L’anthropologie étudie les conditions de l’émergence de l’Etat à partir d’une société primitive. Le droit analyse
le passage d’une société désorganisée à l’Etat structuré. Plus l’Etat se développe, plus les pouvoirs publics
deviennent complexes.
L’objet du droit est donc d’organiser les pouvoirs publics, pour permettre le fonctionnement normal de la
société. Or l’un des principes d’organisation des pouvoirs publics réside dans la séparation des autorités
administratives et judiciaire.
1.1 La définition des autorités administratives au sein des pouvoirs publics
A. Autorité administrative
L’autorité est un pouvoir exercé sur autrui. En droit, l’expression désigne également la personne qui exerce ce
pouvoir. Une autorité administrative est donc une personne qui prend des décisions au nom d’une collectivité
publique. Il existe deux catégories principales d’autorités administratives :
a) Autorité administrative à statut d’exécutif
Principe : Toute collectivité publique est dirigée ou présidée par une personne physique nommée ou élue à la
tête de l’institution. Le plus souvent l’exécutif d’une collectivité est choisi selon des critères politiques.
Néanmoins, l’exécutif exerce des activités administratives qui font de lui une autorité administrative.
Notamment, l’exécutif représente juridiquement sa collectivité, en d’autres termes, il engage juridiquement cette
collectivité. De même, l’exécutif est responsable de l’organisation des services. Ainsi, le Premier ministre,
exécutif de l’Etat, est aussi l’autorité administrative supérieure de l’Etat.
Conclusion : Ces agents bénéficient d’une dualité fonctionnelle : l’exécutif (qui est une fonction politique) et
l’autorité administrative.
Droit Administratif 9
b) Autorité administrative à statut d’agent public
Principe : Pour assurer leur activité, les collectivités publiques recrutent et emploient des agents publics sur des
critères professionnels. Ces agents sont des fonctionnaires affectés dans les services, avec des responsabilités
diverses. A la base de la hiérarchie administrative, les actes matériels sont accomplis par des agents d’exécution.
Au somment, le haut fonctionnaire dirige un service, prend des décisions au nom de la collectivité, sous le
contrôle de l’exécutif.
Exemple : Le préfet, est une autorité administrative de l’Etat, qui prend des décisions.
Conclusion : Il existe donc de nombreuses autorités administratives suivant le nombre de collectivités, or la
décentralisation renforce les pouvoirs des collectivités territoriales => multiplication des autorités
administratives décentralisées.
B. Autorité judiciaire
a) Autorité judiciaire dans la Constitution
Définition au sens matériel : C’est le pouvoir de dire la justice. La justice est un facteur de pacification, c’est un
substitut à la vengeance.
Définition au sens organique : L’autorité judiciaire regroupe l’ensemble des personnes légalement désigné pour
rendre la justice. Il existe 1 seule autorité judiciaire. Car les autorités administratives peuvent se contredire.
Le titre VIII de la Constitution de 58 est intitulé « De l’autorité judiciaire ». 3 articles sur le statut et les
pouvoirs du juge. L’autorité judiciaire est constitutionnellement protégée. Le législateur ne peut pas adopter une
disposition qui contredit le titre VIII de la Constitution. Notamment la distinction entre les magistrats du Siège
et les magistrats du Parquet, l’indépendance de l’autorité judiciaire qui se manifeste par l’inamovibilité des
magistrats du Siège. Ces dispositions protègent l’autorité judiciaire aussi bien, vis-à-vis du législateur que vis-à-
vis du pouvoir règlementaire.
Cependant, il existe une distinction entre l’autorité judiciaire et le juge administratif.
b) Autorité judiciaire et juge administratif
Le titre VIII de la Constitution protège l’autorité judiciaire, i.e. les magistrats de droit commun. Cependant, les
juges administratifs ne sont pas considérés comme faisant partie de l’autorité judiciaire au sens du titre VIII de
la Constitution.
1.2 La séparation des deux autorités dans l’organisation des pouvoirs publics
Au sein des pouvoirs publics, l’autorité judiciaire occupe une place centrale, parce que tous les pouvoirs publics
sont institués pour prendre des décisions qui s’imposent aux citoyens, à l’exception de l’autorité judiciaire, qui
est là pour protéger les libertés fondamentales sur le fondement de l’article 66 de la Constitution.
Dès lors, toute règle qui fixe le statut et les pouvoirs de l’autorité judiciaire, a un caractère fondamental dans
l’organisation des pouvoirs publics.
A. Distinction fonctionnelle entre autorité administrative et autorité
judiciaire
Principe : Au sein des pouvoirs publics, la séparation des autorités administratives crée deux fonctions
distinctes :
Droit Administratif 10
- La fonction administrative consiste à élaborer des règles pour organiser la société, assurer son
fonctionnement. Fonction dévolue aux autorités administratives
- La fonction qui consiste à sanctionner l’application des règles. Fonction confiée au juge judiciaire.
B. Conséquences de la distinction
Principe : La séparation des autorités administratives et judiciaires, a des conséquences aussi bien pour
l’administration que pour le juge.
a) La séparation des autorités administratives et judiciaire limite les
attributions de l’administration vis-à-vis de l’autorité judiciaire
En effet, l’organisation des juridictions est une compétence du pouvoir règlementaire, i.e. il appartient au
gouvernement d’organiser les services judiciaires.
En revanche, le fonctionnement de l’autorité judiciaire ne peut pas être gêné par l’autorité administrative.
b) La séparation limite la compétence du juge judiciaire vis-à-vis de
l’administration
Le juge judiciaire tranche les litiges entre les particuliers. Lorsqu’il est saisi d’un litige qui concerne
l’administration, le juge judiciaire doit normalement se déclarer incompétent au nom de la séparation des
autorités administratives et judiciaire. Faute de quoi, l’autorité administrative peut contester la compétence du
juge judiciaire pour se saisir du litige.
2. HISTOIRE DE LA SEPARATION DES AUTORITES ADMINISTRATIVES
ET JUDICIAIRE
L’activité administrative s’applique pour une société en mouvement, dès lors il est important pour
l’administration de connaitre le fondement historique de cette société. Le droit administratif comporte donc une
dimension historique, qui révèle l’origine des institutions, qui permet de mieux les comprendre, pour les
analyser. Il existe des antécédents historiques de la séparation des autorités administratives et judiciaire.
2.1 Prémisses de la séparation dans l'ancien droit
A. La souveraineté, fondement de la Justice
Sous l’Ancien régime, certaines formes d’organisation des pouvoirs publics constituent des antécédents de la
séparation contemporaine des autorités. L’ancien droit est basé sur le principe de la souveraineté de droit divin.
Le roi tient son autorité de Dieu, donc pas contestable par les hommes. La souveraineté du monarque s’exprime
par les actes politiques, mais aussi de la Justice.
B. Contestations parlementaires du pouvoir royal
Cependant sous l’Ancien Régime, certaines formes de contestation de la justice aboutissent à un début de
séparation. Cette contestation vient des parlements régionaux qui veulent protéger leurs privilèges.
Droit Administratif 11 Fin 17
ème, le roi réaffirme sa souveraineté et le privilège de la Justice. Louis XIII Edit de Saint Germain,
rappelle à l’ordre les Parlements en se réservant le privilège de la souveraineté. Néanmoins, ces contestations
aboutissent à une réforme des procédures judiciaires, notamment la pénalité et l’hérédité des charges, qui
empêchent le Roi.
2.2 La séparation des autorités, héritage révolutionnaire
La Révolution est inspirée par un mouvement de courant de pensée philosophique qui traverse l’Europe, la
philosophie des Lumières. Philosophes des Lumières : Voltaire, Rousseau, Montesquieu.
A. Un environnement institutionnel favorable à la séparation
Bien avant 1789, les revendications populaires entrainent une évolution des institutions. Climat favorable à une
nouvelle organisation des pouvoirs, ce qui entraine une séparation.
Les assemblées révolutionnaires proclament la séparation des pouvoirs, et aussi celle des autorités
administratives et judiciaire.
B. Textes juridiques de référence sur la séparation
L’assemblée constituante proclame la loi des 16 et 24 août 1790 sur l’organisation des pouvoirs judiciaires
« Les tribunaux ne pourront prendre, directement ou indirectement, aucune part à l’exercice du pouvoir
législatif ».
Article 13 : « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions
administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler de quelque manière que ce soit les
opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leur fonction ».
Loi du Fructidor An III « Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaitre les actes de l’administration,
de quelque espèce qu’ils soient, aux peines de droit ».
3. ENONCE JURIDIQUE DE LA SEPARATION DES AUTORITES
ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES
1789, Révolutionnaires proclament la séparation des pouvoirs. Ils affirment également la séparation des
autorités administratives et judiciaires qui, aujourd’hui, figure au plus haut niveau de la hiérarchie des règles.
Pour préciser sa valeur juridique, il faut préciser son énoncé dans le droit écrit et dans la jurisprudence.
3.1. Enoncé dans le droit écrit : différenciation constitutionnelle de la séparation
des pouvoirs et de la séparation des autorités administratives et judiciaire
Pour les assemblées révolutionnaires, séparer les pouvoirs publics est une priorité, pour deux raisons :
Idéologique : protéger les gouvernés contre la domination qui résulte du pouvoir politique.
Organiser les institutions sur une base différente de celle de l’Ancien régime
Les assemblées révolutionnaires proclament deux principes distincts :
Droit Administratif 12 Séparation des pouvoirs, principe d’ordre politique, finalité principale est de protéger les gouvernés
contre l’excès du pouvoir politique (Article 16 de la DDHC : « Toute société dans laquelle la garantie
des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution »).
Séparation des autorités administratives et judiciaire. Principe d’organisation des pouvoirs publics selon
les règles imposées par la Révolution (Loi du 16 et 24 août 1790).
A. Séparation des pouvoirs : une valeur constitutionnelle reconnue
a) Le principe de la séparation des pouvoirs évoqué en 1958
Introduction : Conformément à la philosophie des Lumières, la séparation des pouvoirs empêche la
concentration des pouvoirs dans les mêmes mains. En conséquence, les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire
sont respectivement confiés à trois organes constitutionnels distincts. Séparation des pouvoirs confirmée par
toutes les Constitutions françaises depuis 1789. Aujourd’hui, la séparation des pouvoirs figure dans la
Constitution de 1958.
Principe : En juin 1958, le gouvernement est habilité par le Parlement a préparé une nouvelle constitution. Loi
du 3 juin 1958 autorise le gouvernement a préparé la nouvelle Constitution. La loi impose 5 caractéristiques de
la nouvelle Constitution : le SU, la séparation des pouvoirs, la responsabilité du gouvernement devant le
Parlement, indépendance de l’autorité judiciaire et organisation de nouveaux rapports avec les peuples associés.
b) La séparation des pouvoirs consacrée par la Constitution.
Principe : Constitution de 58 n’évoque pas explicitement la séparation des pouvoirs, mais celui-ci est proclamé
de façon indirecte. En effet, le préambule de la Constitution de 58 renvoie à la DDHC. Article 16 de la DDHC
fait partie du bloc de Constitutionnalité, conséquence : la séparation des pouvoirs à un caractère constitutionnel.
Le Conseil Constitutionnel confirme cette qualification dans la décision du 23 mai 1979.
B. Séparation des autorités administrative et judiciaire : délimitation
constitutionnelle partielle
Principe : Séparation des autorités administrative et judiciaire proclamée en 1789, mais elle n’apparait pas dans
toutes les Constitutions qui se succèdent après la Révolution. En conséquence, une incertitude apparait, faute
d’avoir été explicitement confirmé par les Constitutions françaises, la séparation des autorités administrative et
judiciaire a-t-elle conservée sa valeur initiale, et qu’elle est donc, aujourd'hui, sa place dans la hiérarchie des
règles.
La Constitution de 1958, n’invoque pas la séparation des autorités administrative et judiciaire, explicitement.
Conséquence, il ne s’agit pas d’un principe constitutionnel posé par la Constitution de 58. Cependant, certaines
dispositions constitutionnelles ont des incidences sur la séparation des autorités administratives et judiciaires,
notamment l’article 66.
a) Le juge judiciaire contrôle les détentions administratives
arbitraires
Article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la
liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». Cette disposition
institue une garantie fondamentale en matière de liberté individuelle. En effet, toute mesure qui affecte les
libertés individuelles est contrôlé par le juge judiciaire, quelque soit l’auteur de cette mesure.
Droit Administratif 13 Conséquence : L’article 66 de la Constitution permet au juge judiciaire de contrôler l’activité de l’administration,
lorsque celle-ci porte atteinte aux libertés individuelles. Exemple : La rétention d’un étranger en situation
irrégulière est une mesure administrative, contrôlée par le juge administrative. Si cette rétention sort du cadre
légal, la mesure porte atteinte aux libertés individuelles de la personne concernée. Dès lors, elle est contrôlée par
le juge judiciaire.
Décision du Conseil Constitutionnel du 25 février 1992 entrée et séjour des étrangers en France : Cette
intervention du juge judiciaire affecte cette séparation des autorités administratives et judiciaires, normalement
interdit à celui-ci toute intervention dans les affaires administratives.
b) La Constitution instaure un partage des compétences
juridictionnelles
Principe : Article 66 de la Constitution permet au juge judiciaire de contrôler l’administration par exception au
principe de séparation des autorités administratives et judiciaires. Cette disposition a pour conséquence de fixer
une ligne de partage entre le juge judiciaire et le juge administratif, ce qui permet de fixer la délimitation du
principe.
Conclusion : Par l’article 66, la Constitution opère une délimitation partielle de la séparation des autorités
administratives et judiciaires.
3.2. Enoncé jurisprudentiel de la séparation des autorités administratives et
judiciaires
La séparation des autorités administratives et judiciaires peut être invoquée devant une juridiction. En effet, les
APU ont des modalités d’interventions extrêmement diverses, et parfois elles réalisent des actes de droit
commun. Il arrive donc que le justiciable saisisse le juge judiciaire pour contrôler une décision émanent de
l’administration. L’application du principe de séparation, le juge judiciaire devrait normalement se déclarer
incompétent pour contrôler l’activité des administrations. Mais la diversité et la complexité des interventions de
l’administration, appelle des précisions sur la ligne de partage entre le juge administrative et le juge judiciaire.
Pour préciser cette délimitation, il n’existe pas de disposition écrite dans la Constitution. Dès lors, 3
interrogations sont possibles :
Quelles est la valeur juridique du principe de séparation des autorités administratives et judiciaire ?
Place dans la hiérarchie des normes.
Où s’arrête la compétence du juge judiciaire vis-à-vis de l’administration au nom du principe de
séparation ?
Quelle est la ligne de partage entre le juge judiciaire et le juge administratif ?
A défaut de dispositions écrites, c’est le Conseil Constitutionnel qui sera amené à préciser la valeur juridique du
principe et le Tribunal des conflits, est amené à confirmer cette qualification.
A. La séparation des autorités administratives et judiciaire dans la
jurisprudence du Conseil constitutionnel
Il existe une différence entre un principe constitutionnel et un principe à valeur constitutionnelle. Les deux
catégories occupent la même place dans la hiérarchie des normes. Mais les principes constitutionnels sont
explicitement évoqués dans la Constitution, alors que les principes à valeur constitutionnelle sont reconnus par
le Conseil Constitutionnel, à défaut d’être explicitement invoqués dans le texte de la Constitution.
Droit Administratif 14 En effet, le Conseil Constitutionnel est amené à interpréter les dispositions constitutionnelles et à compléter le
bloc de constitutionnalité. Ainsi le Conseil Constitutionnel est amené à apprécier l’étendue du contrôle exercé
par l’autorité judiciaire sur l’activité administrative. A cette occasion, le Conseil Constitutionnel distingue la
séparation des pouvoirs (principe constitutionnel) de la séparation des autorités administratives et judiciaires,
qui est un principe fondamental reconnue par les lois de la République.
1/ Le Conseil constitutionnel garantit l’indépendance des
juridictions administratives
Définition : Une institution est indépendante, soit du point de vue organique, soit du point de vue fonctionnel.
- Du point de vue organique, une institution est indépendante lorsque ses structures sont distinctes de
celles de ces autres institutions.
- Du point de vue fonctionnel, l’indépendance permet à une institution de prendre ses décisions, donc
d’exercer ses fonctions sans subir l’influence, ni l’intervention d’une autre personne.
S’agissant des juridictions, l’indépendance organique est assurée par la séparation des pouvoirs. L’indépendance
fonctionnelle des juridictions administratives est assurée au nom de la séparation des autorités administrative et
judiciaire. C’est ce qu’affirme une décision du Conseil Constitutionnel, le 22 juillet 1980, Loi de validation.
a) Modalités de l’indépendance juridictionnelle
L’indépendance organique de toutes les juridictions résulte de la Constitution
L’indépendance fonctionnelle de l’autorité judiciaire est un principe constitutionnel, résultant de l’article 64 de
la Constitution. Cette protection juridictionnelle ne concerne que le juge judiciaire. L’indépendance du juge
administratif ne résulte pas du droit écrit. Elle s’exprime dans la jurisprudence.
b) Expression de l’indépendance des juridictions
administratives
Selon le Conseil Constitutionnel, l’indépendance des juridictions administratives est garantie au nom des
principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR) et la loi du 24 mai 1872.
PFRLR => Principes formulés sous une forme législative, entre 1792 et 1946, aujourd'hui le Conseil
Constitutionnel leurs reconnait un caractère constitutionnel
UNE LOI DE VALIDATION : Contexte => Lorsque le juge administratif annule une décision de l’administration,
celle-ci doit tirer toutes les conséquences de celle annulation, et notamment retirer tous les actes pris sur le
fondement de l’acte annulé par le juge.
Exemple : Le juge annule un concours de recrutement de fonctionnaires, l’administration doit annuler les
nominations. Ce qui pose parfois des problèmes => désordre juridique. Dans ce cas, pour éviter le désordre
consécutif à cette annulation contentieuse, une loi de validation est votée.
La loi de validation consolide les actes dérivés (nomination, carrière, salaires, et.), mais elle ne consolide pas les
actes annulés par le juge. Néanmoins, la loi de validation empêche que soit tirées toutes les conséquences d’une
validation contentieuse.
En votant une loi de validation, le Parlement ne porte-t-il pas atteinte à l’indépendance des juridictions
administratives ? Réponse => Décision du Conseil Constitutionnel du 22 juillet 1980 : l’indépendance des
juridictions est garantie par l’article C64 pour l’autorité judiciaire, est par les PFRLR pour l’autorité
Droit Administratif 15 administrative. Dès lors, ni le législateur ni le gouvernement ne peuvent empiéter sur leurs attributions, ne
peuvent censurer les décisions des juridictions.
2/ Le Conseil constitutionnel protège la compétence des juridictions
administratives
Principe : Une fois l’indépendance des juridictions garanties, il leur faut une compétence réservée, i.e. une
catégorie de litiges qui est réservée au juge administratif au nom de la séparation des autorités administratives et
judiciaire.
a) Une réserve de compétence à caractère constitutionnel
La séparation des autorités administratives et judiciaire, interdit au juge judiciaire de contrôler l’administration.
Cependant au nom de l’Etat de droit, l’activité de l’administration doit être contrôlée par un juge. Conséquence :
la séparation des autorités administratives et judiciaire précise par ailleurs, les matières qui soustraites au juge
judiciaire, sont réservées.
Ce principe est donc affirmé par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 23 janvier 1987, Conseil de la
concurrence. Dans cette décision, le Conseil Constitutionnel affirme que « les juridictions administratives
bénéficient d’une compétence réservée en matière d’annulation et de réformation des actes de puissance
publique ». En d’autres termes, au nom de la séparation des autorités administratives et judiciaire, cette
catégorie d’actes est soustraite au contrôle du juge judicaire, réservée au juge administratif.
Les autres matières, selon le cas, au juge administratif ou au juge judiciaire.
Exemple : la responsabilité des personnes publiques est sanctionnée par le juge administratif, mais ce n’est pas
une compétence réservée selon la décision du Conseil Constitutionnel. Par ailleurs les accidents causés par les
véhicules de l’administration, provoquent des litiges relevant du juge judiciaire.
b) Une réserve de compétence confirmée par la loi
Le législateur confirme la compétence réservée des juridictions administratives, en vertu de la jurisprudence du
Conseil Constitutionnel. Selon l’ordonnance du 31 juillet 1945, le Conseil Constitutionnel statut sur les recours
en annulation pour excès de pouvoir.
L. 211-1 CJA : « Les tribunaux administratifs sont […] juges de droit commun du contentieux administratif ».
B. La séparation des autorités administratives et judiciaires dans les
décisions du Tribunal des conflits
Dans l’organisation des pouvoirs publics, la séparation des autorités administratives et judiciaires a pour
conséquence le dualisme juridictionnel. D’une part, les juridictions judiciaires et d’autre part, les juridictions
administratives.
Dès lors, ces deux ordres de juridictions fonctionnent parallèlement, sous l’autorité de la Cour de Cassation,
pour les juridictions judiciaires, et du Conseil d’Etat, pour les juridictions administratifs. Dès lors, des conflits
de compétence juridictionnelle peuvent intervenir. En d’autres termes, pour un même litige, le plaideur est
amené à s’interroger sur la juridiction compétente. Pour résoudre ces conflits, il existe une juridiction
d’arbitrage qui est le Tribunal des conflits.
1/ Les deux formes de conflits de compétence juridictionnelle
Droit Administratif 16 Principe : Pour examiner un litige, résultant de l’activité administrative, une incertitude peut apparaitre à propos
de la juridiction compétente. Il y a donc un conflit de compétence, entre le juge administratif et le juge judiciaire.
- Conflit positif
Une juridiction judiciaire est saisie par un justiciable à propos d’un acte émanent de l’administratif. Si le juge
judiciaire ne se déclare pas incompétent, l’autorité administrative, auteur de l’acte, invoque la séparation des
autorités administratives et judiciaires. Elle conteste la compétence du juge judiciaire. Dès lors, deux solutions :
Soit le juge judiciaire accepte la remise en cause de l’administration, le litige est alors transmis
au juge administratif.
Soit le juge judiciaire maintient sa compétence, conflit entre la position de l’autorité judiciaire
et l’administration qui estime que le juge administratif est compétent. Le Tribunal des conflits
est donc saisi par l’autorité administrative et se prononce sur ce conflit.
- Conflit négatif
A propos d’une décision émanent de l’administration, le justiciable saisi le juge judiciaire, celui-ci rejette la
requête au nom de la séparation des autorités administratives et judiciaires. Le justiciable saisi ensuite le juge
administratif, qui considère qu’il n’est pas compétent, compte tenu des caractéristiques de la requête. Le
Tribunal des conflits est donc chargé de régler le conflit.
2/ L’intervention du Tribunal des conflits confirme la séparation des
autorités administratives et judiciaire
Juridiction d’arbitrage, il ne se prononce pas sur le litige, chargé de désigner l’ordre de juridiction.
Pour cela, le Tribunal invoque la Loi des 16 et 24 août 1790. Par ses décisions d’arbitrage, le tribunal des
conflits précise la délimitation du principe de séparation.
4. APPLICATION DU PRINCIPE DE SEPARATION DES AUTORITES
ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRE
4.1 Traitement juridictionnel de l’activité administrative après la séparation des
autorités administrative et judiciaires
La séparation des autorités administratives et judiciaire interdit au juge judiciaire de contrôler l’administration.
Mais dans un Etat de droit, l’administration doit être contrôlée par un juge. Dès lors, au nom de l’Etat de droit, il
existe un traitement juridictionnel de l’activité administrative, qui est d’abord organisé selon le principe de la
justice retenue, ensuite selon la règle de la justice déléguée.
A. La justice retenue
Introduction : Expression « justice retenue » désigne un traitement juridictionnel de l’activité administrative
dans lequel le juge n’est pas totalement indépendant, il subit l’interférence de l’exécutif.
1/ Explications historiques
Droit Administratif 17 Sous l’Ancien Régime, la justice fait partie des prérogatives du Roi, au nom de la souveraineté de droit divin.
Mais le monarque ne peut pas rendre la justice à plein temps, il délègue cette fonction. Mais la délégation de la
justice est précaire, révocable à tout moment. La justice est donc retenue par le souverain.
2/ Raisons politiques
Après 1789, souveraineté n’est plus de droit divin, mais nationale. La justice s’exerce au nom du peuple français.
Cependant la Révolution débouche sur une succession de régimes politiques et de Constitutions qui fragilisent
les juridictions, notamment le Conseil d’Etat. Ce Conseil d’Etat subit l’influence du politique, dès lors il n’est
pas en mesure d’exercer sereinement la justice. L’activité administrative est contrôlée par le Conseil d’Etat,
mais restauration de la justice retenue durant le 2nd
Empire. Proposition du Conseil
B. La justice déléguée
Principe : La justice déléguée est un mode d’organisation judiciaire dans lequel le juge rend souverainement la
justice, au nom du peuple français, sans subir l’interférence de l’exécutif.
1/ Reconnaissance de la justice déléguée
La fin du 2nd
Empire correspond à une libéralisation des institutions. La loi du 24 mai 1872 introduit la justice
déléguée. Désormais le Conseil d’Etat rend la justice au nom du peuple français. La délégation conférée au juge
est une délégation permanente.
2/ Organisation de la justice déléguée
Conseil d’Etat et le juges administratifs sont reconnus comme souverains.
Ordonnance du 31 juillet 1945 « Le Conseil d’Etat statut souverainement sur les recours en annulation pour
excès de pouvoir formés contre les actes des autorités administratives ».
Code de justice administrative, article L.211-1 « Les tribunaux administratifs et les cours administratives
d’appel rendent leurs jugements au nom du peuple français ».
Par l’arrêt Cadot, le Conseil d’Etat abandonne définitivement la théorie du ministre-juge.
4.2 Répartition des compétences entre juridictions administratives et judiciaires
Principe : La séparation des autorités administratives et judiciaires a pour conséquence le dualisme
juridictionnel. Dès lors, des litiges de droit privé sont du ressort des juridictions civiles. Par ailleurs, les litiges
relatifs à l’administration relèvent de la compétence des juges administratifs. Cependant, les activités
administratives sont extrêmement diverses : il faut établir une ligne de partage, i.e. déterminer clairement les
catégories de litiges qui échappent au juge administratif au nom de la séparation des autorités.
A. Critères de répartition des compétences juridictionnelles
COMPETENCE JURIDICTIONNELLE : aptitude pour un juge à se saisir du litige qui lui est soumis.
CRITERE DE REPARTITION : référence, i.e. une indication qui est utilisée pour qualifier l’activité
administrative, soumis au contrôle du juge administratif.
Trois critères de répartition successifs :
1/ Le critère de l’Etat débiteur
Droit Administratif 18 Historiquement, le critère de l’Etat débiteur, est le premier utilisé pour qualifier l’activité administrative, après
la proclamation de la séparation des autorités administratives et judiciaires.
En vertu de trois textes révolutionnaires, seul le juge administratif est qualifié pour reconnaitre l’Etat débiteur.
Loi des 17 juillet et 8 août 1790, article 1er
: « Nulle créance sur le Trésor public ne peut être admise
parmi les dettes de l’Etat qu’en vertu d’un décret de l’Assemblée national sanctionné par le roi ».
Décret de la Convention du 26 septembre 1793 : « La Convention nationale décrète que toutes les
créances sur l’Etat seront réglées administrativement
Arrêté du 2 Germinal an V.
2/ La distinction entre actes d’autorité et actes de gestion
Le Conseil d’Etat consolide progressivement son contrôle de l’activité administrative. Il distingue deux types
d’activités.
LES ACTES D’AUTORITE sont qualifiés par leur contenu, c.à.d. qu’ils comportent un commandement,
l’expression de la puissance publique.
LES ACTES DE GESTION sont dépourvus de toute dimension autoritaire, ils servent notamment à la gestion du
domaine privé de l’administration.
Conséquence : Les actes d’autorité relèvent de la compétence du juge administratif, alors que les actes de
gestion sont contrôlés par le juge judiciaire.
3/ Le critère de compétence juridictionnelle tiré du service public
Le service public est utilisé initialement comme critère de répartition des compétences entre le juge
administratif et le juge judiciaire, au début de la 3ème
République.
- Il apparait à l’occasion d’un litige concernant la responsabilité de l’administration. Arrêt Blanco 8
février 1873. Tribunal des conflits répond en utilisant le critère du service d’Etat, pour écarter
l’application du Code civil à ce litige, et la compétence du juge judiciaire. Responsabilité de l’Etat.
« Considérant que la responsabilité peut incomber à l’Etat pour les dommages causés aux particuliers
par le fait des personnes qui l’emploient dans le service public, ne peut être régit par les principes qui
sont dans le Code Civil ».
- Répartition des compétences juridictionnelles selon le critère du service public. Etendu aux collectivités
locales => Conseil d’Etat 6 février 1903, Terrier (litige entre un département et un chasseur de vipères).
Le service public sert de référence pour déterminer la compétence du juge administratif.
B. Exceptions aux critères de répartition des compétences juridictionnelles
Certaines formes de l’activité administrative sont expressément soumises au contrôle du juge judiciaire.
S’agissant d’une exception au principe, cette situation doit être juridiquement fondée. Soit par une disposition
constitutionnelle, soit par la législation, soit pas la jurisprudence.
1/ L’autorité judiciaire protège les libertés et les droits individuels
Droit Administratif 19 Cette protection est une tradition juridique, dans les pays libéraux.
a) Fondement de la compétence judiciaire dans la protection
des libertés
Le juge administratif est proche de l’administration par son mode de recrutement (l’ENA) et par sa formation,
ce qui comporte un avantage => son contrôle de l’activité administrative sera plus efficace. Inconvénient => Les
libéraux se méfient de la proximité entre le juge administratif et « l’administration active ».
Article C66 confie au juge judiciaire la protection des libertés individuelles.
Le Conseil Constitutionnel rappelle que la sauvegarde des libertés individuelles relève du juge judiciaire, au
nom d’un PFRLR => décision du 5 août 1993.
Ce principe est confirmé par le C.E. dans la décision du 27 mars 1953, Dame de la Murette.
Conséquence : Une décision administrative qui porte atteinte aux libertés individuelles sera contrôlée par le juge
judiciaire.
b) La mise en œuvre de la compétence judiciaire
La protection apportée par le juge judiciaire intervient dans 3 hypothèses :
Le juge judiciaire contrôle les mesures relatives à l’état et à la capacité des personnes. Ancien Article
326 du Code Civil : « Les TGI seront seuls compétents pour statuer sur les réclamations d’Etat ». Cette
règle est aujourd'hui rappelée par l’article 124 du Code de la nationalité. Le C.E. rappelle cette
compétence du juge judiciaire pour l’inscription et pour la radiation des listes électorales, dans l’arrêt
Dame Lacoste, 12 février 1954.
Les litiges relatifs au droit de propriété. Fondement constitutionnel. Toute mesure de l’administration
qui porte atteinte au droit de propriété, relève de la compétence du juge judiciaire, comme le rappelle le
Conseil constitutionnel dans la décision du 25 juillet 1989.
Atteintes aux libertés essentielles. Article C66, l’autorité judiciaire est la « gardienne de la liberté
individuelle ». Cette disposition est largement interprétée, en d’autres termes, toutes les mesures
administratives qui affectent les libertés sont contrôlées par le juge judiciaire, y compris pour les libertés
à caractère collectif.
Ainsi, lors des contrôles et vérifications d’identité, ils sont conformes à la Constitution dès lors qu’ils
sont placés sous le contrôle de l’autorité judiciaire. De même, le CE a jugé que l’autorité judiciaire est
gardienne de la liberté individuelle, statut sur les conséquences de tous les ordres des atteintes à cette
liberté.
2/ Compétence judiciaire fondée sur un texte spécial
Le législateur choisi de soumettre certaines activités au juge judiciaire en raison de : la complexité de la matière
et pour harmoniser la matière.
a) Les contentieux techniques
Il existe des contentieux qui par leur complexité supposent des moyens d’analyse et des capacités
d’investigation dont ne dispose pas le juge administratif. Dès lors, ces contentieux techniques sont confiés au
juge judiciaire, qui a d’avantage de moyens pour les contrôler.
- Ainsi, les litiges relatifs aux impôts indirects, autres que la TVA, relèvent du juge judiciaire,
conformément à l’article L.199 du Livre des Procédures Fiscales).
Droit Administratif 20
- Les litiges relatifs à la Sécurité Sociale. Les caisses primaires d’assurance maladie sont des personnes
privées. La Caisse nationale d’assurance maladie est une personne publique. Toutefois, conformément
au Code de la Sécurité sociale, les litiges qui lui sont relatifs relèvent des juridictions judiciaires.
(L.835-4 Code de la Sécurité Sociale).
- Le placement d’office des aliénés est une mesure administrative, mais elle est contrôlée par le juge
judiciaire, en vertu de l’article L.333 du Code de la Santé Publique).
b) Harmonisation du contentieux de la responsabilité
administrative
L’administration utilise des prérogatives de puissance publique. Cependant lorsqu’elle cause à autrui un
dommage, il arrive que ce dommage intervienne dans les mêmes conditions que dans les relations aux personnes
privées.
- Accidents causés par les véhicules. Comparables quelque soit le propriétaire du véhicule. Conséquence :
pour éviter une disparité de traitement des victimes de ces accidents, le législateur soumet tous ses
litiges au même juge, le juge judiciaire (Loi du 31 décembre 1957)
- Les litiges relatifs à la responsabilité des membres de l’enseignement public. Soumis au juge judiciaire
(Loi du 5 avril 1937).
3/ Compétence juridique fondée sur la jurisprudence
L’administration n’utilise pas toujours des procédés exorbitants de droit commun. Elle peut choisir de réaliser
son activité dans les mêmes conditions que les particuliers. Dans ce cas, l’activité administrative se trouve
soumise aux mêmes règles que les personnes privées et aux mêmes juridictions.
Ce que confirme le Tribunal des conflits, dans un arrêt du 22 janvier 1921, Société commerciale de l’ouest
africain => compétence des juridictions judiciaires.
Droit Administratif 21
CHAPITRE 3 LE PRINCIPE DE LEGALITE
Le mot légalité vient du latin legalis, il suggère l’obéissance à la loi. Cependant, c’est un principe plus large, au
nom duquel toute décision ou situation doit être conforme à la règle de droit
1. FONDEMENT DU PRINCIPE DE LEGALITE
La légalité est un principe juridique qui s’épanouit dans un contexte politique favorable. En effet, sur le plan
politique, la démocratie permet aux gouvernés de contrôler l’exercice du pouvoir politique. Sur le plan juridique,
le principe de légalité permet à l’administré de contester la régularité des décisions administratives qui lui sont
appliquées.
1.1 Origines politiques du principe de légalité
Principe : un Etat démocratique garantit la modération du pouvoir politique. Un Etat de droit utilise la force et
les prérogatives de puissance publique que dans les conditions prévues par la loi. Dès lors il existe deux
conceptions de la légalité.
A. Conception étroite de la légalité, subordination de l’exécutif à la loi
Principe politique de la séparation des pouvoirs qui vise à modérer l’exercice du pouvoir politique. Dans sa mise
en œuvre, la séparation des pouvoirs aboutit à une subordination de l’exécutif vis-à-vis de la loi.
1/ Fondement de la subordination de l’exécutif
Principe : Des trois pouvoirs, le plus dangereux pour les libertés individuelles est le pouvoir exécutif. Car il
détient le privilège de la force publique.
La philosophie des Lumières exprime une méfiance vis-à-vis du pouvoir exécutif. La loi est conçue comme
l’expression de la volonté générale. Cette théorie va se concrétiser dans les constitutions.
2/ Les manifestations de la subordination de l’exécutif à la loi
En effet, les textes révolutionnaires instituent une égalité au sens étroit du terme => subordination de l’exécutif
à la loi votée par le Parlement.
B. Le constitutionnalisme, conception large de la légalité
CONSTITUTIONNALISME : Doctrine qui considère que la rédaction d’une Constitution est une garantie pour la
protection des libertés contre les excès de pouvoir. Dès lors, l’ordre juridique est hiérarchisé, avec au sommet, la
Constitution.
1875-1958 : conception étroite de la légalité. La loi sert de référence.
Jusqu’en 1958, la loi est l’expression parfaite de la souveraineté, il n’existe donc pas de contrôle de
constitutionnalité de la loi organisée avant 1958.
La 5ème
République introduit une autre pratique de constitutionnalisme. Désormais, une procédure a été
introduite pour vérifier la conformité de la loi à la Constitution => contrôle de constitutionnalité de la loi.
Conséquence : La légalité au sens strict du terme est abandonnée, désormais l’administration est soumise à la
légalité au sens large. L’administration doit respecter toutes les règles de droit, à commencer par la Constitution.
1.2 Postulat juridique du principe de légalité
Droit Administratif 22 Principe : Les prérogatives de puissance publique appartiennent au gouvernement. Légalité = modèle théorique
conçu pour organiser les relations entre l’administration et les administrés.
A. Primauté du droit sur l’action de l’administration
Principe : L’Etat de droit soumet la puissance étatique à la règle de droit. Primauté du droit sur l’action de
l’administration. La légalité se traduit d’abord par une limitation du pouvoir de faire reconnu à l’administration
et par une obligation.
La légalité restreint la capacité d’agir de l’administration publique (limitation du pouvoir de faire). Pour mettre
en œuvre ses pouvoirs, l’autorité administrative dispose de deux cadres distincts :
La compétence discrétionnaire. L’administration décide librement.
La compétence liée. Une fois les conditions légales et règlementaires remplies, l’administration
doit prendre l’acte dans les conditions prévues.
Obligation de faire. Dans la compétence liée, l’autorité administrative est tenue de se prononcer lorsque les
conditions prévues par la loi et les règlements sont remplis. La seule aptitude reconnue, dans la compétence liée,
est le choix du moment où elle prend sa décision sans pouvoir reporter indéfiniment.
B. Hiérarchie des règles juridiques
1/ Fondement de la hiérarchie
Hiérarchisation pas purement artificielle. Il existe des valeurs propres à l’humanité, reprise par le droit. Exemple
de la dignité humaine. L’administration doit respecter les droits de l’homme.
Le droit protège d’abord la personne humaine. Les autres règles juridiques sont secondaires. Par ordre
d’importance décroissante.
2/ Manifestation
La hiérarchie des règles de droit prend deux aspects :
Sur le plan formel, la hiérarchie des règles de droit se manifeste par une forme plus ou moins élaborée.
Sur le plan de la procédure, l’élaboration d’une règle de droit est d’autant plus encadrée que cette règle
occupe un rang supérieur, dans la hiérarchie. Cette procédure constitue une contrainte pour
l’administration.
Conséquence : L’autorité administrative respecte aussi bien l’aspect formel que l’aspect procédural de la
hiérarchie. Dès lors, le règlement émanant du Premier ministre, par exemple, doit se conformer à la loi.
2. Sources de légalité
Source : procédé par lequel s’élabore la règle de droit.
2.1 Sources extérieures de la légalité pour l’administration
Introduction : Les sources extérieures de la légalité sont les règles qui émanent d’organismes extérieurs à
l’administration. Ces sources constituent un élément essentiel de la légalité car elles échappent à toute influence
de l’administration.
Droit Administratif 23
A. Sources extérieures de la légalité à caractère écrit
La France est un pays de droit écrit, l’écrit est la référence principale. La coutume n’intervient qu’à titre
complémentaire. Les sources extérieures écrites sont hiérarchisées.
I. La Constitution source de la légalité pour l’administration
CONSTITUTION est :
Un ensemble de dispositions ayant pour objet d’organiser la vie politique.
Le statut de l’Etat, personne morale de droit public. Dès lors, la Constitution organise au plus haut
niveau l’activité de l’Etat et principalement l’activité administrative de l’Etat. Cependant la Constitution
est élaborée dans un contexte qui favorise les formules déclamatoires, grandioses. Si bien que, pour
l’administration, la Constitution comporte des dispositions explicites, i.e. qui énoncent clairement la
règle de droit à appliquer. En revanche, la Constitution comporte des dispositions dont le contenu est
moins évident pour l’administration.
a) Les dispositions constitutionnelles explicites
Constituent une source de droit pour l’administration.
Préambule de la Constitution et les textes s’y rattachant sont des sources du droit administratif.
L’article 1 de la Constitution définit les caractéristiques de la République
Le corps de la Constitution : art. 2 et suiv.
- Organise les institutions administratives. En tant que statut de l’Etat, personne morale de droit public,
la Constitution établie les modalités d’organisation des administrations de l’Etat, notamment la
Constitution détermine le principe de décentralisation et le contrôle exercé par le préfet sur les
collectivités territoriales. Depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, la décentralisation a été
renforcée.
- Fixe le cadre général de l’activité administrative. Les règles formulées par la Constitution ont pour
objet d’assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, notamment l’organisation du travail
gouvernemental, ou encore la règle du contreseing.
- Protège le citoyen contre l’administration. En effet, la Constitution encadre le pouvoir politique, mais
elle comporte également des dispositions encadrant le pouvoir des administrations.
b) Les dispositions constitutionnelles au contenu incertain
Les constitutions comportent de nombreuses formules déclamatoires.
Quel est le contenu normatif de ces dispositions ? Quelle est l’obligation pour l’administration d’appliquer telle
règle ?
Les dispositions constitutionnelles incertaines sont considérées comme de véritable source de la légalité pour
l’administration.
II. Les traités et accords internationaux
Droit Administratif 24 Un traité international a d’abord une signification politique, il signifie la volonté d’avoir des relations pacifiques
avec les autres Etats.
Il engage réciproquement, chacun des Etats signataires. Par ailleurs le traité a des incidences juridiques au
niveau interne. En d’autres termes, l’Etat a deux obligations : au plan externe, l’obligation de respecter le traité
vis-à-vis de ses partenaires et au plan interne, l’Etat doit tirer les conséquences dans l’organisation et le
fonctionnement des administrations.
Il existe des dispositions qui peuvent contrarier voire contredire les dispositions du traité.
Pour l’administration, distinction traité/accords internationaux n’a pas d’incidence juridique. En
revanche, la rédaction d’un engagement international peut laisser planer le doute sur sa nature juridique. Dès
lors, l’administration se retourne vers le gouvernement pour déterminer la nature juridique de cet engagement
international. Le juge administratif n’est pas lié par l’interprétation gouvernementale. Il peut considérer que
l’interprétation du gouvernement est erronée (CE 21 décembre 1994 SERRA GARRIGA)
Entrée ne vigueur des traités et accords internationaux. Le droit international d’une part, et le droit
interne d’autre part constituent deux ordres juridiques distincts. L’Etat ne peut pas dans le droit interne
contredire ses engagements internationaux. Dès lors, il existe une procédure qui permet de transposer dans le
droit interne toutes les normes issues des traités internationaux. La Constitution française organise cette
transposition des normes issues du droit international dans le droit interne.
Procédure constitutionnelle :
- Négociation (= procédure par laquelle les Etats discutent sur le contenu du traité, donc sur le contenu de
la norme juridique énoncée dans le traité). Article 52 de la Constitution : le Président de la République
négocie les traités.
- Signature (= acte juridique par lequel les parties prenantes marquent leur accord avec le contenu du
traité et s’engagent à le respecter). En vertu de la Constitution, la signature des traités internationaux
relève également de l’exécutif de l’Etat.
- Ratification (= acte juridique qui transpose les dispositions du traité international dans le droit interne.
A partir, de là le traité devient une véritable source de la légalité). Selon la Constitution ; la ratification
relève du Président de la République, mais les traités les plus importants doivent être ratifiés par le
Parlement, exemple des traités de paix, etc.
- Publication (= procédure par laquelle l’Etat porte le traité à la connaissance des administrés). Elle a des
incidences juridiques, car seule la publication du traité permet aux administrés d’en revendiquer
l’application auprès de l’administration. Elle relève du Premier ministre sous forme d’une parution au
JO.
Valeur des traités et accords internationaux en droit interne. Application en droit interne peut poser des
problèmes en cas de dispositions contredisant le droit interne. Pour résoudre cette difficulté, le principe de
légalité affirme la supériorité des traités sur le droit interne :
Principe constitutionnel de supériorité des traités. Article 55 de la Constitution. Ce dernier
reprend une tradition française d’adhésion au droit international. Néanmoins, la formule de
l’article 55 de la Constitution appelle des précisions :
o Elle s’applique pour toutes les normes juridiques résultant d’un
engagement international de la France.
o Sous réserve du respect de la procédure visant à l’entrée en vigueur du
traité international.
o Supériorité s’applique vis-à-vis de toutes les règles de droit interne.
Droit Administratif 25
La Constitution est la norme supérieure en droit interne CE Arrêt d’assemblée 3 juillet 1996
Koné. Si disposition constitutionnelle contredit un traité international, ce traité ne peut être
appliqué tant que la Constitution n’aura pas été révisée.
Article 55 de la Constitution pose deux conditions à la supériorité des traités sur le droit interne :
o Cette supériorité s’applique sous réserve pour chaque accord et traité,
de son application par l’autre partie. Par cette formule, la Constitution
introduit une clause de réciprocité.
o Au moment de son application, le traité ou l’accord international peut
présenter des difficultés pour l’administration, notamment venant de sa
rédaction, ou de la formulation de la norme
III. Le droit communautaire
Le droit communautaire bénéficie du principe d’applicabilité directe. La supériorité du droit communautaire sur
le droit interne ne dépend pas de l’article 55 de la Constitution.
a) Délimitation
L’administration doit respecter deux types de règles émanant du droit communautaire :
Le droit communautaire originaire. Traité signé à la fin des années 50, en vue de constituer une zone
économique unique. Traités complétés par une série de convention. L’administration a l’obligation de
respecter le droit communautaire originaire.
Le droit communautaire dérivé (= ensemble des actes juridiques produit par les institutions
communautaires sur la base du droit communautaire originaire).
Le règlement communautaire est un acte normatif qui engage les Etats membres.
La directive est également un acte normatif émanent principalement de la Commission.
Mais les Etats membres déterminent les modalités de transposition de la directive dans
el droit interne. Confirmation par la CIJ.
Avis et recommandations. Ils n’ont pas un caractère normatif. Ils ne comportent pas
dans leur contenu d’obligation directe pour les Etats membres.
b) La supériorité du droit communautaire sur le droit interne
Le droit communautaire est une source de la légalité qui doit être appliquée par l’administration et qui bénéficie
d’une supériorité renforcée sur le droit interne. Cependant au moment de leur application en droit interne, les
dispositions du droit communautaire peuvent rencontrer des règles de droit national qui les contredisent. Le
droit positif, dans ce cas, affirme la supériorité du droit communautaire sur le droit interne.
Fondement de la supériorité du droit communautaire. Le droit communautaire s’exprime initialement par
des traités. Ces traités bénéficient intrinsèquement de la supériorité garantie par l’article 55 de la Constitution.
Mais cette supériorité est renforcée par un fondement conventionnel. En effet, les traités initiaux formulent
explicitement l’obligation pour les Etats membres de l’Union de respecter le principe de supériorité. Notamment
l’article 5 du Traité de Rome : « Les Etats membres prennent toute mesure générale ou particulière pour assurer
l’exécution des obligations découlant du présent traité ». Il y a donc une supériorité constitutionnelle et
conventionnelle. Le droit communautaire ne peut se voir opposer un texte interne quelque qu’il soit.
Droit Administratif 26
Sanction de la supériorité du droit communautaire. Conformément à la doctrine communautaire, il revient
aux autorités nationales de transposer le droit communautaire. Au moment de la transposition, le droit
communautaire rencontre parfois des règles du droit national qui le contredise. Dès lors, il revient au juge
national de trancher cette contradiction entre le droit communautaire et une disposition du droit interne.
Les deux juridictions suprêmes adoptent initialement une position différente sur la sanction d’une contradiction
entre le droit communautaire et le droit national. En effet, la Cour de Cassation accepte rapidement de faire
prévaloir le droit communautaire sur la loi nationale, dans toutes les hypothèses. En revanche, le Conseil d’Etat
adopte une solution plus nuancé, il distingue deux situations :
Si la loi nationale qui contredit le traité de Rome est antérieure à celui-ci, le juge considère que
l’adoption du traité de Rome a eu pour conséquence l’abrogation de la loi.
Si la loi qui contredit le droit communautaire est postérieure au traité de Rome, elle ne peut pas être
considérée comme abrogée. Dès lors si un acte administratif est conforme à cette loi, postérieure au
traité, mais qui contredit en même temps le droit communautaire, initialement le Conseil d’Etat fait
prévaloir la loi sur le traité => théorie de la loi écran. Cette théorie est abandonnée en 1989 avec l’arrêt
NICOLO 20 octobre 1989. Depuis le CE fait prévaloir le droit communautaire sur le droit interne dans
tous les cas.
Conséquence : Si un acte administratif soumis au contrôle du CE applique la loi mais que ce même acte
contredit le droit communautaire, le CE considère que l’administration doit écarter la loi.
C. E. Ass; 30 octobre 2009, Perreux
Dans cet arrêt d'assemblée, le Conseil d'Etat opère un revirement de jurisprudence.
Le problème juridique
Les directives communautaires définissent des objectifs qui s'imposent aux Etats membres, mais elles
ne comportent pas de règles directement applicables par les Administrations. Elles doivent être
transposées en droit interne. En l'absence de transposition dans les délais initialement prévus,
l'Administration ne peut pas contredire la directive non transposée par la réglementation interne.
Cependant, par la jurisprudence Cohn Bendit, le Conseil d'Etat avait jusque là jugé qu'un administré ne
pouvait pas contester une décision individuelle contraire à une directive non transposée.
Le revirement
L'arrêt Delle A. revient sur cette interprétation. Désormais, celui qui conteste une "décision non
réglementaire" devant le Conseil d'Etat peut invoquer les dispositions précises et inconditionnelles
d'une directive non transposée.
IV. La loi
Il existe une définition stricte de la loi : texte normatif adopté par la Parlement selon la procédure législative
dans le domaine prévu par la Constitution.
a) Primauté de la loi sur l’action administrative
La supériorité de la loi sur l’activité administrative s’applique sur un plan formel et sur un plan matériel.
- Supériorité formelle de la loi vient de son mode d’élaboration fixé par la Constitution. Et donc la
procédure législative par son formalisme est donc supérieure à la procédure règlementaire.
Droit Administratif 27
- Supériorité matérielle de la loi. La loi est supérieure aux règlements administratifs par son contenu et
son champ d’application. En effet, les matières relevant de la loi sont établies pas la Constitution, droit
administrative manière limitative. Principalement par l’article 34 de la Constitution. Article 37 de la
Constitution : « Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont une valeur
règlementaire ».
b) Le pouvoir règlementaire d’exécution de la loi
Le pouvoir règlementaire est la capacité reconnue au gouvernement d’édicter des règles de droit à portée
générale et impersonnelle.
Le pouvoir règlementaire comporte d’abord l’exécution de la loi et ensuite le pouvoir règlementaire autonome.
Exécution de la loi : La loi comporte des dispositions trop générales pour s’appliquer directement aux situations
visées, il faut donc des règlements pour permettre l’application de la loi à des situations concrètes.
Autorité compétente : Dans la Constitution de 1958, le pouvoir règlementaire appartient au Premier ministre
(Article 21). En vertu de l’article 13, le Président de la République signe les ordonnances et les décrets délibérés
en Conseil des ministres, par la même il exerce le pouvoir règlementaire résiduel. Bicéphalisme de l’exécutif.
Etendue : Article 34 de la Constitution distingue deux groupes :
Les matières où la loi détermine les principes fondamentaux
Les matières où la loi fixe les règles
En réalité, le Conseil Constitutionnel, dans une décision de 1982, limite la portée de cette distinction.
c) Les mesures d’exécution de la loi
Trois significations :
Au sens procédural du terme. C’est prendre les dispositions qui vont permettre l’entrée en vigueur de la
loi.
Au sens matériel, prendre des règlements qui appliquent les dispositions générales de la loi à des
dispositions particulières.
Au sens technique, prendre des mesures matérielles prises par des agents publics.
B. Sources extérieures non écrites de la légalité
France est un pays de droit écrit, dès lors, les sources non écrites de la légalité se limitent à un rôle accessoire.
I. L’autorité de chose jugée vis-à-vis de l’administration
Définition : Principe au nom duquel la décision émanent d’un tribunal est revêtue d’une force juridique
particulière qui s’impose à tous.
a) Contenu de l’autorité de chose jugée
Selon l’adage latin Res judicata pro veritate habetur (= La chose jugée doit être tenue pour vraie). L’autorité de
chose jugée donne une force particulière au jugement. D’abord, parce que la justice est une fonction de
souveraineté, ensuite parce que la justice évite la vengeance privée. Il est nécessaire qu’elle s’impose à tous.
Droit Administratif 28 Vis-à-vis de l’administration, ce principe est une obligation, rappelée dans la formule exécutoire, par laquelle les
juges conclus leurs décisions : « La République mande et ordonne au préfet, en ce qui le concerne, et à tout
huissier de justice, de pourvoir à l’exécution de la présente décision ». Cette formule exécutoire comporte donc
une injonction.
b) Application de l’autorité de chose jugée
Principe : L’autorité de chose jugée applique la séparation des pouvoirs, en effet, le destinataire final de la
décision de justice est l’Administration, donc le bénéficiaire de cette décision est le justiciable. Elle impose à
l’Administration à :
Respecter les décisions juridictionnelles. L’autorité de chose jugée pas explicitement énoncée par la
Constitution, mais découle de plusieurs principes constitutionnels. Consacre l’indépendance des
juridictions administratives. Principe imposé par le droit positif et notamment par le Code de justice
administrative. Circulaire ministérielle du 9 février 1995 => respect des décisions du juge judiciaire.
Procéder à l’exécution matérielle des décisions juridictionnelles. En effet, seule l’Administration
dispose de la force publique et donc, conformément à la formule exécutoire, le préfet prend les
dispositions matérielles pour exécuter les décisions du juge administratif et du juge judiciaire.
Etre sanctionnée en cas d’atteinte à l’autorité de la chose jugée. En effet, il arrive que
l’Administration refuse délibérément d’appliquer une décision de justice, soit pour une raison
budgétaire, soit en raison de difficultés matérielles. Dans ce cas, l’autorité de chose jugée n’est pas
respectée. Il existe donc des mécanismes qui permettent au juge d’obliger l’Administration à s’exécuter,
et notamment la procédure de l’astreinte.
ASTREINTE : Somme d’argent que doit payer une personne publique qui tarde à exécuter une décision
de justice. Elle est proportionnelle au retard mis par l’Administration. 1° Une première décision
intervient pour condamner l’Administration. 2° L’Administration n’exécute pas la décision. 3° Le
justiciable saisi à nouveau le tribunal. 4° Dans un deuxième arrêt, le tribunal prononce une astreinte
contre l’Administration.
La loi du 8 février 1995 permet au tribunal d’adresser des injonctions à l’Administration, dès la
première décision, à condition que l’arrêt suppose des mesures d’exécution.
c) Lois de validation et autorité de chose jugée
LOI DE VALIDATION : procédure qui permet d’ajuster le temps de la justice et le temps de la décision
administrative.
En effet, un acte administratif contesté devant le juge, ne sera pas annulé avant plusieurs mois, voire plusieurs
années, or en droit français, le recours n’a pas d’effet suspensif (jurisprudence Huglo). Tant que l’acte n’est pas
définitivement annulé, il est appliqué par l’Administration. Si bien que, avant d’être annulé, par le juge, l’acte
initial a pu servir de fondement à d’autres juridiques. Si l’acte initial est annulé, les actes dérivés sont menacés.
La solution est une loi de validation. Le gouvernement demande au Parlement de voter une loi pour valider
juridiquement les actes dérivés, qui sont menacés d’annulation. Mais, l’acte initial annulé par le juge, ne peut
être validé.
La loi de validation stabilise juridiquement les actes dérivés : carrières, nominations, etc.
Droit Administratif 29 Et le Conseil Constitutionnel confirme la constitutionnalité d’une loi de validation, dans une décision du 22
juillet 1980. La loi de validation intervient pour des raisons d’intérêt général et elle ne peut contredire l’autorité
de chose jugée.
II. La jurisprudence
Ensemble de décisions juridictionnelles concordantes sur une question de droit. La jurisprudence a un caractère
supplétif.
La jurisprudence est une source informelle et dérivée du droit pour l’Administration.
a) Conditions d’émergence de la jurisprudence
Dans un pays de droit écrit, le juge se contente de dire le droit. Il a une activité juridictionnelle. En revanche, le
juge n’est pas censé avoir la science du droit. Cependant dans certaines situations, le juge est appelé à énoncer
des règles qui vont au-delà du cas d’espèce. De même, en cas de vide juridique dans la législation, le juge doit
néanmoins trouver une solution au litige.
Dans ces conditions, le Conseil d'Etat est amené à développer une jurisprudence.
b) Délimitation jurisprudentielle de l’activité administrative
En droit civil, il existe une référence écrite, le Code civil. En droit administratif, il n’existe pas de code général
de l’Administration, uniquement des codes spécialisés.
Conséquence : Des domaines entiers de l’activité administrative n’étant pas codifiés, sont donc soumis
uniquement à des règles d’origine jurisprudentielle. Cependant, dans le long terme, le législateur énonce les
principes généraux qui ont tendance à réduire l’importance des principes d’origine jurisprudentielle.
III. Les principes généraux du droit
Origine jurisprudentielle. Lorsque le Conseil d'Etat est saisi d’un problème juridique important, il donne à
l’arrêt une formulation particulière qui permet de penser qu’il énonce une règle générale allant au-delà du cas
d’espèce. Cependant les principes généraux du droit sont organisés, et en tout état de cause, la jurisprudence du
Conseil d'Etat ne peut pas contredire le droit écrit.
a) PGD révélés par le Conseil d'Etat
Principe : Les PGD ne sont pas liés au droit écrit. En effet, le Conseil d'Etat s’appuie sur un ensemble de
dispositions concordantes, soit en droit interne, soit en droit international, pour énoncer un PGD. 2
conséquences :
Le Conseil d'Etat révèle le PGD sans le créer.
Le PGD s’applique indépendamment du droit écrit. Il en est ainsi de l’arrêt Aramu, Conseil d'Etat 26
octobre 1945 : « Principes généraux du droit applicables même en l’absence de texte ».
b) PGD délimitent l’activité administrative
Droit Administratif 30 En effet, du fait de leur mode de création, les principes généraux du droit ont un caractère normatif pour
l’Administration. Ainsi, dans l’arrêt Aramu du 26 octobre 1945, le Conseil d'Etat sanctionne une décision de
l’Administration, défavorable prise sans que l’intéressé ait reçu communication préalable de son dossier.
c) Contenu des PGD
Pas de liste limitative des PGD. En revanche, ils peuvent être regroupés selon trois finalités :
PGD consolidant l’Etat de droit. Initialement, le Conseil d'Etat énonce les PGD dans une période où il
apparait nécessaire de rappeler l’existence de règles de droit supérieur. Principes des droits de la défense.
Toute personne visée par une décision défavorable de l’Administration doit pouvoir présenter ses
arguments avant la décision.
PGD relatifs à l’organisation des pouvoirs publics. Ainsi le Conseil d'Etat a proclamé le principe de
continuité des services publics. Toutefois, le Conseil Constitutionnel a jugé que le principe de continuité
des services publics est un principe à valeur constitutionnelle (=> Droit de grève à la radio et à la
télévision).
PGD relatifs aux droits économiques et sociaux. Les droits économiques et sociaux apparaissent en
1946, dans le préambule de la Constitution de 1946. Exemple de l’interdiction de licencier une femme
enceinte Conseil d'Etat 8 juin 1973. Interdiction de servir à un agent public, un salaire inférieur au
SMIC.
Conclusion : Valeur juridique des PGD ?
Plusieurs valeurs juridiques, notamment du fait de l’apparition d’une jurisprudence constitutionnelle sous la 5ème
République.
Certains ont une valeur législative (Conseil d'Etat 7 février 1958, Syndicat des propriétaires de forêts de chênes-
lièges d’Algérie).
D’autres PGD ont une valeur supra-législative. Notamment lorsqu’ils sont repris de façon complémentaire par le
Conseil Constitutionnel.
Complémentarité en droit interne, mais également vis-à-vis du droit international ;
Distinction entre : Les PGD sanctionnés par le Conseil d'Etat, les PGD sanctionnés par la CIJ (article 38 du
statut de la CIJ et les PGD en droit communautaire (exemple : principe de sécurité juridique).
2.2 Sources administratives de la légalité
A. Sources administratives écrites de la légalité
I. Le règlement
Première source de la légalité, du point de vue quantitatif. Plusieurs milliers de règlements. Le juge administratif
ne contrôle qu’une infime partie des règlements.
a) Qualification du règlement
Droit Administratif 31 Constitution de 1958 distingue deux domaines législatifs : les matières dans lesquelles la loi fixe les règles et les
matières dans lesquelles la loi détermine les principes fondamentaux.
Conseil Constitutionnel limite la portée juridique de cette distinction. Il existe dès lors :
- Des règlements autonomes qui interviennent dans des domaines qui n’ont pas un caractère législatif
(article 37).
- Des règlements d’application de la loi sont nécessaires à l’application de la loi (article 34).
b) Le contenu du règlement
Le règlement est édicté dans le but de modifier l’ordonnancement juridique, dès lors, le REGLEMENT est un
acte qui comporte des dispositions générales et impersonnelles et qui émane d’une autorité administrative.
Pour son application, il suppose des décisions individuelles qui s’appliquent à une situation précise ou à un
administré nommément désigné.
Encadré par le décret du 28 novembre 1983, ce décret renforce les garanties de l’administré vis-à-vis des
règlements et notamment il impose l’abrogation des règlements devenus illégaux.
La loi du 12 avril 2000 Droits du Citoyen dans ses Relations avec l’Administration => impose l’obligation de
désignations des fonctionnaires. Oblige l’Administration à identifier l’agent qui a instruit le dossier et celui qui a
répondu à la demande
II. La circulaire
Du latin circularis.
CIRCULAIRE : Lettre adressée par une Autorité Administrative Supérieure aux agents placés sous son autorité.
Cette pratique a pour objet d’organiser l’harmonisation au sein des règles de l’Administration, mais certaines
circulaires modifient l’état du droit.
a) Caractéristiques générales des circulaires
La circulaire évolue au sein du service, elle fait le tour du service pour informer les agents sur les règles de droit
applicables aux administrés. Une telle circulaire présente 3 caractéristiques :
- Destinataires. Une circulaire administrative est adressée par le supérieur hiérarchique aux agents
affectés dans son service.
- Objet. Une circulaire informe les destinataires sur les règles de droit applicable ce qui permet d’éviter
une application contradictoire des règles de droit dans les services.
- Incidence juridique. Une circulaire administrative fait référence à une règle de droit préalable mais elle
ne modifie pas l’ordonnancement juridique. Dès lors, le juge administratif déclare irrecevable le recours
en excès de pouvoir formé contre un circulaire interprétative.
b) Le traitement des circulaires règlementaires
Droit Administratif 32 Certaines circulaires ont un caractère normatif, elles modifient des règles qu’elles sont censées expliquer. Dès
lors, le juge administratif d’examiner un recours pour excès de pouvoir diriger contre une circulaire
règlementaire. Cependant, le pouvoir règlementaire, dans la Constitution, appartient au Premier ministre et de
façon résiduelle au Président de la République.
Le Conseil d'Etat annule la circulaire émanent d’une autorité incompétente. Arrêt Duvignères, C. E. Sect. 18
décembre 2002.
III. La directive
Acte par lequel l’autorité administrative définit des conditions générales, dans lesquelles elle utilise son pouvoir
règlementaire. La directive est donc suivie de décisions.
a) Elaboration
La directive interne est un acte qui émane du ministre, elle constitue un élément d’information pour les
administrés.
b) Contenu
La directive est un acte qui a pour objet d’assurer la cohérence de l’action de l’Etat. Elle n’est pas un acte
règlementaire.
L’administré peut invoquer la directive pour contester un acte.
B. Sources administratives non écrites de la légalité
L’administration respecte un certain nombre de pratiques, mais la coutume ne constitue pas une source du droit
reconnue par l’Administration. En revanche, certaines pratiques peuvent être reconnues et sanctionnées par le
juge administratif.
I. La supériorité des règlements sur les actes individuels
Les règlements et les actes individuels constituent 2 catégories d’actes administratifs.
En revanche, le droit administratif sanctionne la relation entre le règlement et l’acte individuel.
II. Le respect des droits acquis
Protègent l’administré. Cependant toute situation légalement consolidée ne constitue pas des droits acquis,
notamment selon la jurisprudence administrative, un règlement ne confère jamais de droits acquis. L’autorité
administrative peut modifier à tout moment un règlement.
Une décision individuelle qui confère des avantages à son destinataire lui donne des droits que l’administration
est tenu de respecter. Par exemple, la nomination d’un fonctionnaire
III. La hiérarchie des actes
Il existe deux hiérarchies des actes :
La hiérarchie institutionnelle. Exemple : Les collectivités territoriales sont subordonnées au contrôle
de l’Etat. Les actes émanent du maire doivent respecter les arrêtés préfectoraux.
Droit Administratif 33 La hiérarchie organique ordonne les actes en fonction de leur auteur. Elle respecte donc la hiérarchie
des autorités. En somme, l’acte émanent d’une autorité subordonnée doit respecter l’acte émanent du
supérieur hiérarchique.
Droit Administratif 34
Deuxième partie : Modalités de l’activité administrative
Les deux modalités de l’activité administrative sont complémentaires. La disparition du service public génère
des phénomènes de délinquance donc appel de l’intervention de la police. Aujourd'hui, le service public
demeure la principale modalité de l’activité administrative.
CHAPITRE 4 LE SERVICE PUBLIC
Service public au cœur du lien social, il est le reflet de l’administration. L’Etat évoluant, son administration
aussi, par voie de conséquence la notion de service public évolue
Cette notion apparait au 19ème
siècle au sens actuel du terme. Arrêt Blanco 8 février 1873 utilise le service public
comme critère du droit administratif.
A partir de là, apparait une doctrine, l’école du service public, développée par Léon Duguy. Service public est la
pierre angulaire du droit administratif. Dès lors, pour Léon Duguy, le service public est le critère du droit
administratif, également le critère de la compétence du juge administratif. Toute règle relative à l’organisation et
au fonctionnement du service public, relève du droit administratif. Tout litige relatif au service public relève de
la compétence du juge administratif.
Aujourd'hui, le service public est une activité d’intérêt général, assuré par une personne publique, soumis à un
régime de droit public.
I. LA NOTION DE SERVICE PUBLIC
1.1 Le service public est une activité d’intérêt général
Le service public s’établit et se développe en relation avec son environnement social et économique. Le service
public est une activité qui renforce le lien entre les différentes composantes de la société.
Composante philosophique du service public : solidarisme (doctrine fondée par Emile Durkheim) => Théorie au
nom de laquelle la collectivité doit prendre en charge ses activités d’interdépendance sociale, sinon elle court le
risque d’une désagrégation. De fait, aujourd'hui, en France, lorsque le service public se retire, la délinquance
arrive et la violence s’installe.
A. Activités instituées en service public
Tout service public correspond à une activité indentifiable, et cette activité constitue l’un des domaines
d’intervention de la collectivité, notamment le ramassage des ordures ménagères, la vaccination, etc.
I. Le service public fournit une prestation
A chaque service public correspond une prestation, qui peut être matérielle, intellectuelle ou immatérielle. La
prestation matérielle du service public correspond à une activité qui peut être quantifiée.
Prestation intellectuelle => Le service public de l’éducation est le premier service public de l’Etat.
La prestation immatérielle est la mise à disposition des textes de lois applicables aux administrés. C’est un
service public organisé par la loi du 12 avril 2000, loi DCRA.
Droit Administratif 35 Loi de Wagner est une démonstration qui montre le développement des services publics dans le long terme, du
fait d’une demande des usagers.
II. Le service public exclu certaines prestations
Dans un Etat libéral, le service public a un format limité, il ne peut pas se développer infiniment, sous peine
d’aboutir au collectivisme.
a) Exclusions politiques et constitutionnelles
La Constitution retranscrit juridiquement les principes auxquels est particulièrement attachés la Nation. Parmi
ces principes, la Constitution garantit le libéralisme politique et économique. La création des services publics ne
peut pas avoir pour conséquence d’empiéter sur l’initiative privée. En d’autres termes, une prestation de service
public ne peut pas porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie.
De même la Constitution française précise que la République est laïque et l’enseignement gratuit. La laïcité
interdit l’enseignement confessionnel dans les établissements publics. En revanche, il n’interdit pas à l’Etat de
subventionner un enseignement privé.
Loi du 15 mars 2004 interdit les signes d’appartenance religieuse dans les établissements français.
b) Exclusions à fondement législatif
La loi de séparation des églises et de l’Etat met fin à la période concordataire (1905). Conséquence : il n’existe
pas de service public du culte. En revanche, une collectivité peut financer un édifice servant au culte.
c) Exclusions économiques et financières
Chaque collectivité organise ses services publics en fonction de ses moyens. En effet, toute prestation de service
public représente un coût pour la collectivité, et ce coût est assuré soit par le budget et donc par le contribuable,
soit par une redevance et donc par l’usager.
Aujourd'hui, les finances des collectivités locales sont en régression car parmi les 4 impôts locaux, la taxe
professionnelle va peut-être disparaitre. Cela entraine une diminution des services publics.
Le droit communautaire a aussi une incidence sur le développement des services publics, car pour intégrer la
zone de l’€, les Etats doivent respecter une orthodoxie budgétaire et financière, si bien que dans le long terme
cette réduction des dépenses de l’Etat se traduit par une diminution des services publics. Confirmation
aujourd'hui par la Révision Générale des Politiques Publiques.
B. L’intérêt général dans la notion de service public
L’intérêt général est une notion téléologique (teleos signifie le but à atteindre en grec). L’intérêt général est la
finalité du service public.
Tout service public a pour finalité de servir l’intérêt général. Une activité publique qui n’a pas pour finalité
l’intérêt général n’est pas un service public.
I. La délimitation de l’intérêt général dans le service public
L’intérêt général est une notion polysémique. Sur le plan juridique, son contenu demande à être précisé
Droit Administratif 36
a) Délimitation philosophique : le bien commun
Notion d’intérêt général inspirée de la morale religieuse, et notamment du concept de bien commun.
b) Délimitation par défaut
Il existe un certain nombre de notions proches de l’intérêt général, mais qui s’en distingue. Notamment l’utilité
publique, qui suppose une évaluation du coût et de l’avantage d’une décision.
Loi de février 2005 impose dans les transports une rampe d’accès pour les personnes handicapées.
L’intérêt général se distingue de l’intérêt national. Ce dernier évoque la dimension d’une activité ou son
implantation sur le territoire national.
L’intérêt général se distingue de l’intérêt public. L’intérêt public est le caractère de toute situation, ou de toute
décision qui est avantageuse pour la collectivité.
c) Dimension juridique de l’intérêt général dans le service
public
Evolue en fonction de considérations politique, économique et sociale. L’administration invoque l’intérêt
général pour appliquer un régime juridique particulier à certaines situations ou pour certaines décisions.
En résumé, certaines situations ne sont pas d’intérêt général, en revanche il n’existe pas de contenu limitatif de
l’intérêt général, ce qui permet à l’administration d’adapter l’institutionnalisation des services publics selon la
demande sociale.
II. Retranscription de l’intérêt général dans le service public
a) Incidences statutaires de l’intérêt général sur le service
public
Au nom de l’intérêt général, un service public ne peut pas être organisé pour satisfaire des intérêts particuliers.
Sur le plan du contentieux, l’utilisation du service public pour finalité autre que l’intérêt général, constitue un
détournement de pouvoir.
De même, dans la fonction publique, il est interdit aux agents, de mélanger les intérêts du service, et les intérêts
particuliers, notamment dans les marchés publics.
b) Incidences financières de l’intérêt général dans le service
public
Toutes les activités de l’Etat ne constituent pas des services publics. Certaines d’entre elles constituent des
activités de plus grands profits, ces activités profitables pour l’administration ne sont pas des services publics
car leur finalité est de développer les finances publiques et donc de permettre à l’Etat de trouver des nouvelles
sources de financement.
Droit Administratif 37
1.2 Le service public est institué par une personne publique
A. Institutionnalisation du service public
Par définition, tout service public est institutionnalisé, en d’autres termes, un service public n’a pas la
personnalité morale, il est crée par une personne publique. Ce lien institutionnel garantie la cohérence des
services publiques, à la différence des activités des personnes privées. Cependant, l’institutionnalisation des
services publics dépend des caractéristiques de la personne publique en cause.
I. Institutionnalisation des services publics nationaux
Institutionnaliser un service public correspond à un acte de souveraineté, parce que l’Etat en institutionnalisant
le service public, le soustrait aux règles du droit privé. Toutefois, cette aptitude de l’Etat est juridiquement
encadrée.
a) La qualification juridique du service public national
En France, la Nation constitue une référence symbolique depuis la Révolution. La Nation est une entité distincte
de la somme des individus, selon la pensée de Sieyès. La Nation n’a pas de personnalité juridique. Dès lors, il
revient à l’Etat de mettre en œuvre toutes les prérogatives qui appartiennent à la Nation. C’est donc l’Etat qui
institue le service public national.
Préambule de 1946 considère l’éducation comme un grand service public national. Il existe donc des références
dans le droit écrit au service public.
Le Conseil Constitutionnel considère qu’en vertu du droit écrit, certains services publics constituent une
obligation pour l’Etat. Les autres services publics nationaux sont institués facultativement par l’Etat, et celui-ci
à les pouvoirs de le privatiser (Conseil Constitutionnel 23 juillet 1996 Loi relative à l’entreprise nationale
France Télécom).
b) Caractéristiques du service public national
Il est organisé par l’Etat. Financé par le budget de l’Etat. Exemple : l’ordonnance du 13 juillet 1967, portant
création d’une agence nationale pour l’emploi.
Il est réparti sur l’ensemble du territoire. A deux statuts juridiques : le territoire de l’Etat et le territoire des
collectivités territoriales. Les services publics locaux sont développés sur le territoire d’une seule collectivité.
Mais le service public national est réparti sur l’ensemble du territoire. L’aménagement du territoire est une
action de l’Etat visant à répartir équitablement les services publics sur l’ensemble du territoire.
Il fonctionne avec les moyens de l’Etat (matériels, humains, financiers). Un service public national à
caractéristique industrielle et commerciale ne peut méconnaitre les règles de la concurrence au nom du droit
communautaire, i.e. l’Etat ne peut pas accorder des subventions à ses services industriels et commerciaux.
II. Les services publics locaux
Dans un Etat unitaire, une collectivité territoriale est une entité administrative. C’est l’Etat, à travers le
législateur ou le gouvernement, qui décide quels services publics sont transférés aux collectivités territoriales.
a) Délimitation des services publics locaux
Droit Administratif 38 Principe : Distinction entre services publics nationaux et services publics locaux est garantie par la Constitution ?
A travers le principe de libre administration des collectivités territoriales, mais la liste des matières qui relèvent
des collectivités territoriales est fixée par la loi. Le législateur fixe l’ampleur de la décentralisation.
La loi du 2 mars 1982 constitue l’acte 1 de la décentralisation.
La révision constitutionnelle de 2003 constitue l’acte 2 de la décentralisation.
b) La répartition territoriale des services publics locaux
Le principe de la décentralisation conduit à développer des services publics locaux. Cependant il existe 3
niveaux principaux d’administrations locales : régions, départements, communes. Il convient donc de répartir les
services publics territoriaux à ces trois niveaux.
Mode de répartition :
Bloc de compétence : remise de l’ensemble d’une matière à l’ensemble d’un niveau. Exemple de
l’urbanisme communale, l’aide sociale départementale, la planification régionale.
La compétence partagée : répartition un service public entre les trois niveaux d’administration
territoriale.
B. La participation des personnes privées au service public
La participation d’une personne privée à cette activité ne contredit pas la finalité du service public. En effet, les
personnes privées ont deux caractéristiques intéressantes pour le service public :
L’expertise, ce sont des spécialistes.
Les capacités de financement.
I. Principe de la participation des personnes privées au service
public
Dans une société libérale, la différenciation entre les activités des personnes publics et celles des personnes
privées est sanctionnée par le droit, et garantie par la Constitution.
a) Méfiance initiale de l’initiative privée dans le service
public
La 3ème
République étant libérale, les juristes du 19ème
siècle expriment une méfiance très nette vis-à-vis des
interventions privées dans le service public. Maurice Hauriou à propos d’une association d’intérêt collectif
« on nous change notre Etat ». Méfiance vis-à-vis du collectivisme, mélange privé/public.
b) L’association entre personnes privées et publiques dans le
service public
Le Conseil d'Etat et le Tribunal des conflits reconnaissant l’association d’intérêt entre personnes privées et
personnes publiques. TC 9 décembre 1899 Association Canal de Gignac.
Droit Administratif 39
c) Reconnaissance de la participation d’une personne privée
au service public
Le Conseil d'Etat affirme clairement qu’une personne privée peut participer à une activité de service public sans
contredire l’intérêt général, arrêt du 13 mai 1938 Caisse primaire Aide et protection.
II. Modalités de la participation des personnes privées au service
public
a) Catégories de personnes privées qui participent au service
public
Principe du libéralisme. Le libéralisme permet à toute personne privée de prendre l’initiative de développer ses
activités dans tous les domaines, mais dans le respect de la loi.
Dès lors, le libéralisme n’interdit pas à une personne privée d’avoir une participation au service public.
- Une personne physique peut participer en tant que tel au service public. Arrêt de 1956 Epoux Bertin.
- Les sociétés. Les sociétés industrielles et commerciales peuvent participer au service public car elles
disposent d’une capacité d’expertise et d’investissement. Cependant, elles interviennent uniquement
dans les services publics industriels et commerciaux, dont la prestation peut être évaluée financièrement.
- Les associations. La participation des associations au service public est très importante en France
notamment dans le secteur sanitaire & social, dans le secteur culturel. Cependant sur le plan juridique,
l’association ne peut intervenir dans le service public que si cette participation est conforme à son objet
social.
- Les groupements d’usagers. Au nom d’une amélioration des relations entre les administrations et les
administrés, les groupements d’usagers sont fréquemment appelés à s’exprimer sur le service public.
b) Procédures de participation des personnes privées dans le
service public
Les personnes privées peuvent intervenir dans un but lucratif, ce qui n’est pas illégal dès lors que
l’Administration aussi tire profit de cette intervention => profit partagé. Dans ce cas, la participation intervient
sous la forme d’une convention/contrat.
Il existe également des interventions sous la forme d’une décision unilatérale de l’Administration qui prend la
forme d’un agrément.
Les usagers interviennent sous la forme de consultation.
1.3 Le service public est soumis à un régime de droit public
Au nom de la summa divisio (séparation suprême), les activités des administrations sont soumises au droit
public. Dès lors, si le service public est pris en charge par une personne publique, il est soumis au droit public.
Droit Administratif 40 Cependant l’évolution de la jurisprudence et de la législation introduit des règles de droit privé dans le service
public, d’où le dualisme juridique du service public.
A. Eléments de droit public dans le service public
Tous les services publics présentent des caractéristiques communes qui constituent le régime de droit public des
services publics. En d’autres termes, un service public ne peut pas être entièrement soumis au droit privé.
I. Justification des éléments de droit public : l’intérêt général
Le service public organise une prestation pour les administrés dans un but d’intérêt général, dès lors, cette
prestation doit offrir un certain nombre de garanties, notamment de neutralité, de désintéressement, ce qui
justifie que cette activité soit totalement ou partiellement soumise au droit public.
II. Régime administratif commun
Principe : Tout service public doit respecter un nombre minimal de règles qui confirment son régime de droit
public.
a) Le contrôle de la collectivité
En effet, la collectivité qui a institué le service public ne se désintéresse jamais de l’activité, y compris pour les
services publics gérés par une personne privée. La collectivité peut adresser des instructions à l’autorité qui gère
le service, et ceci pour tous les services publics.
b) La participation financière de la collectivité
Principe : Au nom de l’intérêt général, un service public ne peut pas être complètement laissé à l’initiative et au
financement privés. Dès lors la plupart des services publics sont financés exclusivement sur des budgets publics.
Pour des activités industrielles et commerciales, le financement peut être partagé entre particuliers et la
collectivité
c) Le bilan administratif
Tout service public est tenu à une comptabilité annuelle, contrôlée par la collectivité. Le bilan comptable d’un
service public est soumis à l’autorité politique.
B. Conséquences du dualisme juridique du service public
Définition du dualisme juridique : Principe au nom duquel certains services publics fonctionnent partiellement
selon les règles du droit privé.
I. Fondement du dualisme juridique du service public
Idée directrice : Le développement des services publics correspond à une demande sociale forte, dans le cas de
la France.
Droit Administratif 41 La demande sociale tend à consolider les services publics traditionnels, mais elle pousse également l’Etat à
développer des prestations industrielles et commerciales, notamment dans les périodes de crise et pour suppléer
les carences des initiatives privées.
Si un service public est géré par une collectivité dans les mêmes conditions qu’un industriel traditionnel, ce
service public peut être partiellement soumis aux règles du droit privé. Arrêt du TC 22 janvier 1921 Société
commerciale de l’Ouest africain.
II. Expressions du dualisme juridique du service public
Le dualisme juridique conduit à soumettre certaines activités de service public à la fois au droit public et au
droit privé. Dès lors, ce principe crée une distinction entre les services publics administratifs et services publics
industriels et commerciaux. Les premiers sont essentiellement soumis au droit public, les seconds sont
partiellement soumis au droit privé, notamment du point de vue de leur fonctionnement.
III. Conséquence du dualisme juridique du service public
Tous les services publics sont soumis à un régime administratif commun.
Les services publics administratifs sont soumis au droit public s’agissant de leur organisation et de leur
fonctionnement.
Les services publics industriels et commerciaux subissent le régime administratif commun, mais leur
fonctionnement laisse apparaitre une large similitude avec les entreprises privées. Ainsi, selon le code des
collectivités territoriales.
II. PRINCIPES D’ORGANISATION ET DE FONCTIONNEMENT DU SERVICE PUBLIC
Il existe un certain nombre de principes applicables dans tous les services publics.
2.1 Egalité des usagers du service public
Egalité => Affirmation politique, représentative de la Révolution française.
Egalité devant la loi proclamée à la Révolution, article 6 de la DDHC. Egalité devant les charges publiques,
devant l’impôt. Egalité des agents publics. Egalité de la justice.
Mais c’est vis-à-vis du service public que l’égalité trouve des applications les plus nombreuses et les plus
perceptibles pour l’administré.
A. Enoncé du principe d’égalité
I. Limitation des pouvoirs de l’autorité administrative vis-à-vis de
l’usager
A partir de la fin du 19ème
siècle, les services publics se développent en France, selon la théorie de l’Etat
providence. C’est l’Etat qui multiplie les prestations de service public au bénéfice des administrés. Dès lors,
l’Etat a l’obligation de traiter les usagers conformément à l’objectif d’intérêt général.
CE 6 mai 1931, Sieur de Sicey.
Droit Administratif 42
II. Interdiction des tarifs discriminatoires
Dans l’entre deux guerres, développement du service public se renforce, au point qu’on passe à
l’interventionnisme économique. Dès lors le Conseil d'Etat, compte tenu de se développement, renforce les
garanties dont disposent les usagers dans le service public. Il interdit les tarifications discriminatoires dans le
service public industriel et commercial. Ce 1 avril 1938 Société l’Alcool dénaturé de Coubert.
III. Enoncé jurisprudentiel du principe d’égalité dans le service public
Après la Seconde guerre mondiale, le Conseil d'Etat est amené à formuler un certain nombre de principes pour
protéger d’avantage l’administré.
Au nom des PGD, le Conseil d'Etat proclame l’égalité à des usagers dans le service public. Conseil d'Etat 9 mars
1951, Société des concerts du conservatoire.
B. Application du principe d’égalité dans le service public
L’Administration doit respecter le principe d’égalité dans le service public au nom des principes généraux du
droit. Cependant l’application du principe est soumise à des conditions.
I. Application conditionnelle de l’égalité dans le service public DDHC pose une série de principes à caractère objectif, c’est-à-dire qui s’appliquent indépendamment des
conditions dans lesquelles se trouve le citoyen. En 1946, le constituant énonce des principes qui tiennent compte
de la situation du destinataire, permettant l’émergence de droit créances, i.e. des droits qui appellent une
intervention de l’Etat, alors qu’en 1789, au contraire, la mise en œuvre des droits appelle à l’abstention de l’Etat.
Dans le service public, le principe d’égalité ne sera pris en compte que sous certaines conditions, qui dans
certaines cas appellent l’intervention d’une personne publique.
a) L’égalité s’applique entre usagers du même service
Chaque service public délivre une prestation spécifique, il n’est pas toujours possible d’établir une comparaison
entre ces différentes prestations de service public. Exemple/ Quand une prestation matérielle comme distribution
d’eau et prestation intellectuelle, comme l’éducation.
Conséquence : usager ne peut revendiquer l’égalité dans le service public que vis-à-vis d’une même prestation
b) L’égalité s’applique pour des usagers placés dans des
situations comparables
Finalité du service public est l’intérêt général, car les activités d’intérêt général renforcent l’interdépendance
sociale. Dès lors, le gestionnaire du service public peut tenir compte de la situation du prestataire quand cet
aménagement est conforme à l’intérêt général.
Le Conseil d'Etat affirme que l’égalité n’interdit pas de traite de manière différente des usagers placés dans une
situation différente Arrêt Denoyer et Chorques, CE, 10 mai 1974. L’administration doit justifier les différences
de traitement par des différences objectives de situation.
Droit Administratif 43
c) L’égalité entre usagers peut être écartée pour des raisons
d’intérêt général
Dans un même service public, pour des usagers placés dans des situations comparables, l’Administration peut
introduire des différences de traitement, mais cette différence ne peut pas être discrétionnaire. Elle doit être
justifiée par des considérations d’intérêt général, Conseil Constitutionnel Décision du 12 juillet 1979 Ponts à
péage.
II. Evolution jurisprudentielle du principe d’égalité
La jurisprudence du Conseil d'Etat évolue pour tenir compte des politiques publiques, le législateur reconnait
constamment de nouvelles catégories d’usagers qui bénéficient de traitement plus favorable dans le service
public, elle s’adapte, loi de février 2005 sur l’égalité des chances pour les handicapés.
Elle s’adapte également avec le droit communautaire. La jurisprudence de la CJCE va souvent à l’encontre des
traitements discriminatoires dans le service public.
a) Le principe d’égalité s’adapte aux modalités de l’activité
administrative
La décentralisation est une réforme permanente de l’administration. La révision constitutionnelle de 2003
introduit le principe de décentralisation de l’Etat dans la Constitution. Par voie de conséquence de nombreux
services publics de l’Etat sont transférés aux collectivités territoriales.
Le Conseil d'Etat accepte que dans les services publics facultatifs, les autorités locales disposent d’une plus
grande latitude dans les tarifications.
Le désengagement de l’Etat transforme progressivement l’usager du service public en client, avec des
conséquences sur le principe d’égalité.
b) Le principe d’égalité est aménagé au vue de considérations
économiques et sociales
La diversité des services publics conduit le juge administratif a accepté des pratiques de type concurrentiel de la
part des gestionnaires du service.
Dans le service public, un client exceptionnel peut bénéficier d’avantages qui lui sont réservés, Conseil d'Etat
24 avril 1964, Société L.I.C. Cependant le traitement plus favorable du client exceptionnel doit être compatible
avec la bonne marche du service.
L’usager contribuable de la collectivité qui organise le service public, peut bénéficier de traitements plus
favorables dans le service public. En effet, par ses impôts, il a déjà contribué à la mise en place du service public,
il est donc normal qu’il bénéficie de traitements plus favorables. Conseil d'Etat 5 octobre 1984, Commissaire de
la République de l’Ariège. Uniquement pour les services publics facultatifs et aucun usager ne paye un tarif
supérieur au prix de revient, donc plafond.
L’usager socialement défavorisé : la précarité sociale conduit les services publics à multiplier les prestations
destinées aux personnes défavorisées. Les communes sont tentées de multiplier les prestations discriminatoires
en accordant des avantages à certaines catégories d’usagers.
Droit Administratif 44 Initialement le Conseil d'Etat s’est montré réservé vis-à-vis de ces pratiques, en considérant qu’une différence
de revenus, de situation économique n’était pas à l’origine d’une différence de situation objective, du point de
vue du service public. Dès lors, le Conseil d'Etat limitait les mesures de discriminations positives au service
public à vocation sociale car c’est précisément sa finalité de lutter contre les disparités sociales. Progressivement,
le Conseil d'Etat assouplit sa jurisprudence, et admet des traitements différenciés pour des personnes à revenu
modeste, dans tous les services publics, y compris les écoles de musique (CE 1997 Commune de Nanterre).
2.2 La continuité du service public
C’est un principe juridique qui a de fortes implications politiques. Car il met en opposition deux antagonistes :
l’Administration et l’usager. Le principe de continuité oppose 3 intérêts divergents : l’Administration, les
usagers et les agents. Chacun de ces trois groupes cherche à obtenir une application du principe de continuité.
La conséquence est la politisation du principe dans le service public.
A. Le fondement du principe de continuité dans le service public
Il n’existe aucune disposition écrite qui puisse être utilisée pour fonder la continuité dans le service public.
I. Fondement administratif de la continuité
Léon Duguit : « Les gouvernants assument l’obligation de satisfaire au bien commun, d’accomplir une certaine tâche. Mais accomplir cette tâche, ce n’est pas seulement faire le geste de la création de l’entreprise, c’est faire tous les gestes qui doivent suivre celui-là. Et s’il y a vraiment un besoin collectif auquel il faut satisfaire, c’est agir de telle sorte que le besoin soit toujours, régulièrement, continuellement satisfait ».
Duguit pose le service public comme une obligation pour l’Etat : instituer le service public pour répondre à la
demande sociale, et ensuite, le service public ayant été institué, l’autorité administrative doit assurer son
fonctionnement de manière continuer pour ne pas affecter l’intérêt général. Dès lors, Louis Rolland, exprime
cette obligation des gouvernants d’accomplir cette tâche. La doctrine voit l’obligation du service public dans sa
création et son fonctionnement continu. La continuité est plus une garantie qu’un pouvoir remit à
l’administration.
II. Reconnaissance constitutionnelle du principe de continuité
dans le service public
Les prestations de service public occupent dans la société française une place prépondérante, aujourd'hui plus
que jamais. Dès lors, la continuité devient une exigence qui est formulée sociologiquement. Si bien que
progressivement, s’est posée la question de sa reconnaissance juridique, de sa reconnaissance par la Constitution.
a) Principe d’organisation des pouvoirs publics
Article 5 de la Constitution : Garantie de l’Etat par le Président de la République. La continuité de l’Etat a un
aspect politique comme administratif, il suppose que les pouvoirs publics fonctionnent sans discontinuité.
En revanche, la continuité des services publics est un principe administratif qui n’est pas directement par
l’article 5 de la Constitution de 1958.
b) Principe de fonctionnement du service public
Droit Administratif 45 La continuité des services publics n’est que l’une des composantes de la continuité de l’Etat. La question de la
continuité des services publics est posée en 1979 par un projet de loi qui prévoit le fonctionnement ininterrompu
de la radio et de la télévision. Le Conseil Constitutionnel examine le texte adopté par le Parlement, et dans sa
décision, il rappelle d’abord que le droit de grève dans les services publics est garantie par la Constitution, il ne
peut pas être méconnu.
Cependant, dans l’exercice de la grève, le Conseil Constitutionnel considère que les agents ne peuvent pas
portée atteinte à la continuité du service public, principe à valeur constitutionnelle (Conseil Constitutionnel
décision du 25 juillet 1979, droit de grève à la radio et à la télévision). Conciliation entre deux principes de
même valeur, droit de grève et continuité du service public.
Le droit de grève est formulé explicitement par le Préambule de 1946. En revanche, le Conseil Constitutionnel
n’indique pas sous quelle référence écrit il s’appuie pour reconnaitre la valeur constitutionnelle de la continuité
des services publics. Il impose cette conciliation.
B. Mise en œuvre du principe de continuité dans le service public
Il existe trois groupes d’intérêts divergents vis-à-vis de la mise en œuvre de la continuité du service public. Dès
lors, la continuité implique des décisions de l’administration, des obligations pour les agents, et des droits pour
les usagers.
I. L’autorité administrative garantit la continuité
L’administration doit éviter les ruptures d’activité dans le service public (CE 26 juillet 1985 Association de
défense des intérêts des lecteurs de la bibliothèque nationale). Dès lors, trois situations peuvent être observées :
L’administration peut aménager des plages horaires pour l’accès au service public. En effet, la
continuité équivaut à une prévisibilité, c’est-à-dire des mesures qui permettent de prévoir les périodes
d’ouverture du service.
En cas de grève, l’administration prend des mesures pour éviter toute atteinte à l’intérêt général.
L’autorité administrative doit pallier à toute situation susceptible d’être préjudiciable aux usagers en cas
de grève.
II. Obligations des agents
Les agents publics sont tenus d’assurer la continuité dans le service public. En effet, un agent public est affecté à
une activité d’intérêt général. Il doit s’abstenir de toute décision, de tout comportement qui soit susceptible
d’affecter l’intérêt général. Dès lors, l’agent peut utiliser son droit de grève qui, étant constitutionnellement
protégé, ne peut faire l’objet de sanctions.
En revanche, conformément à la jurisprudence de 1979, l’utilisation du droit de grève par l’agent doit être
conciliée avec la continuité du service public.
Conséquence :
La plupart des agents publics se mettent en grève sans aucune contrainte. En revanche, dans
l’enseignement primaire, l’autorité académique a une obligation de garde des enfants, en conciliation
avec le maire. Cependant ils subissent une retenue sur traitement.
Droit Administratif 46 Certaines activités revêtent une grande importance dans l’activité nationale, dès lors, elles sont assorties
du service minimum. En cas de grève, l’autorité administrative désigne un certain nombre d’agents qui
devront rester en poste pour veiller à l’intérêt général, et assurer une prestation élémentaire à l’usager.
La loi du 21 août 2007 sur la continuité dans le service public des transports publics urbains de
voyageurs à vocation non touristique.
Pour certains services publics, la continuité n’est pas seulement une règle d’intérêt général, elle affecte
aussi la continuité de l’Etat. En d’autres termes, dans ces quelques services publics, une rupture de
continuité peut désorganiser l’Etat, et pas seulement l’administration. Par exemple, le service des
télécommunications du ministère de l’Intérieur, ou encore les services de lutte contre l’incendie. Dans
ce cas, les agents sont privés du droit de grève (les policiers, les magistrats judiciaires, les militaires, les
personnels des services extérieurs de l’administration pénitentiaire, des personnels du service de
transmissions du ministère de l’Intérieur et enfin les membres des compagnies républicaines de sécurité
(CRS).
III. Les usagers ont droit à la continuité du service
Les usagers ne peuvent pas prétendre à un fonctionnement ininterrompu du service public. L’administration
garde un pouvoir discrétionnaire sur l’organisation du service public. Cependant, pour le Conseil d'Etat, l’usager
du service public doit bénéficier d’horaires accessibles, compte tenu de ses autres activités.
De même, l’administration ne doit pas opérer des fermetures anticipées, non justifiées du service public (Arrêt
Toucheboeuf, CE 13 février 1987).
La loi du 21 août 2007 oblige l’administration à consulter les usagers et à les informer des mesures prises en cas
d’interruption prévisibles du trafic.
2.3 Nouveaux principes juridiques du service public
La demande de service public formulée par l’usager évolue dans le long terme. Il a des exigences sur le mode de
fonctionnement des services publics qui vont au-delà des lois de Rolland. Notamment des exigences sur la
neutralité et la laïcité du service public.
A. La neutralité du service public
C’est un mode de fonctionnement des services publics qui pose des contraintes pour l’administration. La
neutralité se résume par une obligation d’abstention vis-à-vis de l’administration. Ne rien faire, ni dire, qui
suggère que le service public fonctionne selon les opinions de l’usager.
I. Fondement
La neutralité est une traduction du principe d’égalité dans le service public. L’administration doit maintenir un
traitement égalitaire sans se laisser influencer par les opinions de l’usager.
II. Manifestations
Droit Administratif 47 Selon l’article 2 de la Constitution française « la France respecte toutes les croyances ». Dès lors, l’agent ne peut
pas avoir, dans le service public, des gestes, des comportements ou de décisions inspirées par des opinions
politiques (CAA Versailles, 20 janvier 2009, Jean-Jacques X). CE 2005 Commune de Sainte-Anne.
B. La laïcité
Principe républicain. La laïcité se définit exclusivement vis-à-vis de la religion. C’est donc un principe qui
valorise les idéaux républicains et qui par voie de conséquence, exclu les formes de domination, qui contredisent
ces principes au nom de la religion.
I. Fondement
Fondement dans le préambule de la Constitution et l’article 2. La France est une République laïque,
démocratique et sociale. Ses principes fondent la laïcité.
II. Manifestations
Dans le service public, la laïcité se manifeste par une opposition à toute forme de domination de l’homme par
l’homme, au nom de la religion.
La laïcité s’impose dans tous les services publics, et surtout dans deux catégories :
L’éducation nationale qui a pour finalité de former les esprits.
Les services publics où l’usager est plus ou moins captif, où il n’a pas la possibilité de se soustraire à
une influence religieuse qui pourrait heurter ses convictions.
La loi du 15 mars 2004 rappelle des exigences de la laïcité dans l’enseignement primaire et secondaire, et
notamment l’interdiction pour les élèves de manifester ostensiblement leur appartenance religieuse.
III. MISE EN ŒUVRE DU SERVICE PUBLIC
Processus d’institutionnalisation de l’activité. 1ère
étape : décision de créer des services publics. 2ème
étape :
organisation du service public avec le règlement intérieur, le moyen humain. 3ème
étape : le fonctionnement du
service public qui permet la mise en œuvre.
3.1 Catégories de services publics
Dans l’Etat providence, les collectivités multiplient les prestations des services publics au bénéfice des usagers
contrairement à l’Etat gendarme. Dès lors, pour organiser les services et notamment pour permettre que la
prestation soit servie dans de meilleures conditions, il existe des classifications de service public :
- Classification matérielle : intérêt essentiellement économique mais beaucoup moins d’intérêt sur le plan
juridique (utilisée par le Parlement pour l’élaboration du budget par exemple).
- Classification territoriale (selon la collectivité)
- Classification fonctionnelle : selon le type de fonctionnement auquel correspond ce service public dans
l’organisation de l’Etat
- Les deux autres classifications sont plus pertinentes sur le plan juridique.
Droit Administratif 48
A. Répartition institutionnelle du service public
Tout service public est institutionnalisé, i.e. qu’il est pris en charge par une collectivité territoriale, par une
institution, ce qui est une garantie du point de vue de l’intérêt général. La loi de février 1992 confirme l’ancrage
territorial des services publics, elle introduit le principe de subsidiarité dans l’administration française, tout
service public doit être organisé à l’échelon le plus proche de son destinataire.
I. Institutionnalisation des services publics de l’Etat
L’administration de l’Etat constitue un modèle, une référence qui doit être préservée dans la décentralisation.
Les services publics de l’Etat sont organisés par la loi en faisait référence à des principes constitutionnels.
a) Délimitation des services publics de l’Etat
Dans un Etat unitaire, l’Etat central a vocation à instituer tous les services publics qui correspondent aux besoins
de la population. Au nom de la décentralisation, l’Etat décide de transférer un certain nombre de services
publics aux collectivités territoriales. Dès lors, dans ces transferts, l’Etat doit respecter la Constitution. Il y a des
services publics obligatoires à l’Etat, d’autres facultatifs et d’autres interdits à l’Etat.
Obligation d’instituer des services publics étatiques. Cette obligation résulte de la Constitution, le
plus souvent par des dispositions explicites. Le préambule de la Constitution de 1946 oblige l’Etat à
instituer l’éducation nationale comme service public. Selon cette disposition « l’organisation de
l’enseignement public gratuit à tous les degrés est un devoir de l’Etat », celui-ci a donc une obligation
d’instituer mais n’empêche pas l’enseignement conventionné, privé.
Faculté d’instituer des services publics facultatifs. En 1986, le gouvernement propose des
ordonnances de privatisation, les parlementaires de l’opposition saisissent le Conseil Constitutionnel en
estimant que l’Etat ne peut pas privatiser des services publics. Il répond dans une décision du 25-26 juin
1986 que seuls sont obligatoires les services publics dont l’obligation est imposée par la Constitution.
En revanche, les autres services publics ne correspondent pas à une obligation constitutionnelle, dès lors,
le législateur a la possibilité soit de les conserver, soit de les privatiser.
Services publics interdits par l’Etat. La finalité du service public est l’intérêt général. A contrario,
l’activité qui ne revêt pas le caractère d’intérêt général ne peut pas être instituée en service public.
Traditionnellement, certaines activités, notamment de spectacles, étaient considérées, par la doctrine,
comme ne pouvant pas être institué en service public. En 1923, Maurice Hauriou s’insurge que l’on
puisse considérer le théâtre comme un service public. Aujourd'hui, l’administration a une plus grande
latitude dans l’institutionnalisation des services publics, parce que, dans la société postindustrielle, les
besoins des populations sont beaucoup plus diversifiés. Cependant certaines interdictions demeurent
dans l’institution des services publics. Notamment une activité qui ne correspond pas aux valeurs
majoritairement ou unanimement admises par la population. En France, les jeux d’argent ne sont pas
considérés comme une activité honorable. Si la Française des jeux appartient à l’Etat, elle ne peut pas
bénéficier du même traitement juridique que les activités de service public, CE 27 octobre 1999 Rolin.
Il existe des interdictions résultant du droit communautaire : l’administration ne peut pas instituer des
services publics qui portent atteinte à la concurrence.
Droit Administratif 49
b) Compétence pour instituer des services publics de l’Etat
Les services publics sont des activités implantés sur l’ensemble du territoire national. Dès lors, ils sont
susceptibles d’affecter l’activité économique et sociale de la Nation. Dès lors, la Constitution opère un partage
entre les matières qui relèvent du Parlement et celles qui relèvent du pouvoir règlementaire.
Lorsque la création d’un service public est susceptible les libertés publiques, elle relève du pouvoir législatif.
Quelle liberté publique ? Essentiellement la liberté du commerce et de l’industrie, la liberté d’entreprendre.
Par ailleurs, si la création d’un service public affecte le domaine législatif, il relève de la loi. La création de
services publics de l’Etat est une compétence règlementaire. Exemple : Le décret du 7 août 2002 crée un
nouveau service public de l’Etat, c’est le service public de la diffusion du droit par internet.
II. L’institutionnalisation des services publics décentralisés
La révision constitutionnelle du 23 mars 2003 inscrit dans la Constitution le principe de décentralisation
administrative de l’Etat. Par voie de conséquence, les collectivités territoriales ont vocation à recevoir les
compétences qui concrétisent la décentralisation. La décentralisation se manifeste par le développement des
services publics locaux. Ces services publics sont régis par les articles L.2221-1 à L.2224-30 du CGCT.
a) Champ d’intervention des services publics décentralisés
En comparaison avec l’Etat, la capacité pour les collectivités territoriales de développer leurs services publics
est davantage encadrée, car la France est un Etat unitaire. C’est la loi qui fixe les compétences des collectivités
territoriales.
Par voie de conséquence, il existe des :
Services publics locaux obligatoires. Une collectivité territoriale dans un Etat unitaire est une structure,
une institution chargée de gérer les services publics. Dès lors, la loi impose un certain nombre de
services publics. Exemples : Le service communal d’hygiène et de sécurité. Le CGCT dresse une liste
importante de services publics obligatoires pour les collectivités territoriales.
Services publics locaux facultatifs. En effet, une fois que la collectivité a institué les services publics
obligatoires, elle a la faculté de développer toutes les prestations qui correspondent aux besoins de la
population. Cependant cette faculté de développer les services publics facultatifs dépend de la capacité
financière de la collectivité territoriale, de son assiette fiscale. Pour compenser, il existe des dotations
qui sont des transferts financiers de l’Etat.
Services publics interdits. Il existe des activités qui ne peuvent pas être institué en services publics par
les collectivités territoriales.
o D’abord au nom du principe de la liberté du commerce et de l’industrie. Une collectivité
territoriale ne peut pas créer des services publics qui concurrencent l’activité des personnes
privées.
o Une collectivité territoriale ne peut pas empiéter sur les services publics de l’Etat. Par exemple,
une collectivité territoriale ne peut pas avoir une représentation diplomatique dans une
collectivité territoriale étrangère limitrophe. Mais il peut y avoir la coopération décentralisée, i.e.
des échanges entre deux collectivités territoriales de deux Etats différents.
o Les collectivités territoriales reçoivent des compétences limitativement énumérées, en d’autres
termes, ces collectivités ne peuvent pas empiéter sur les compétences d’une autre collectivité.
Droit Administratif 50
b) Compétence pour instituer des services publics locaux
Au nom de la décentralisation, l’Etat transfère des compétences aux collectivités territoriales. Au nom du
principe de subsidiarité, une décision doit être prise à l’échelon le plus proche de son destinataire.
Dès lors, la décentralisation opère un partage de compétences pour instituer les services publics locaux :
l’assemblée délibérante locale délibère sur les matières qui lui sont confiées par la loi, et notamment par celle du
13 août 2004, libertés et responsabilités locales. Les décisions relatives aux services publics locaux sont prises
par l’exécutif de la collectivité.
B. Service public administratif et service public industriel et commercial
La distinction entre SPA et SPIC a une dimension fonctionnelle. Elle dépend du type d’activités prises en
charge.
Cette distinction apparait dans l’arrêt du Tribunal des conflits, 22 janvier 1921, Société commerciale de l’ouest
africain. Conclusion de Matter : le service public est « une organisation gérée par un organe de l’administration
publique en vue de l’accomplissement de la fonction administrative de l’Etat ». La distinction apparait de façon
explicite dans le décret n°62-1587 du 29 décembre 1962.
1. Les SPA
D’après Matter, le SPA correspond à la fonction administrative. Obéit à un régime juridique particulier.
a) Définition du service public administratif
Le droit positif ne fournit pas de définition limitative du SPA, plus précisément, le SPA se définit par défaut.
CE, 26 juin 1996 Commune de Cereste c/ Moreschi => Village de vacances n’a pas les caractéristiques d’un
SPIC, c’est donc un SPA.
b) Régime juridique du SPA
La qualification d’un SPA a trois conséquences principales sur le plan juridique :
Sur l’organisation et le fonctionnement d’un SPA requiert des procédés exorbitants de droit commun.
Principe : Un SPA correspond à la mise en œuvre des fonctions administratives de la collectivité. Par
voie de conséquence, il est organisé comme une administration traditionnelle, il est inséré dans la
hiérarchie administrative de la collectivité. Son fonctionnement recourt aux prérogatives de puissance
publique.
Les agents du SPA ont le statut d’agent public. Les agents de service public administratif peuvent être
soit dans une situation statutaire, soit dans une situation contractuelle. Dans les deux cas, leur situation
relève du droit public. Ils échappent aux dispositions du droit du travail. Les contentieux avec
l’employeur relèvent du juge administratif.
Droit Administratif 51 Les usagers du SPA. L’usager du SPA est dans une situation statutaire et règlementaire, en d’autres
termes, le lien entre l’usager et le service a un caractère unilatéral, il est déterminé par la loi et le
règlement. Exemple : Les résidents d’une cité universitaire sont usagers du service public administratif
dès lors, ils sont dans une situation statutaire et règlementaire, ils ne peuvent pas négocier leur situation.
Tribunal Administratif de Grenoble, jugement du 6 avril 1992, Commune de St Martin d’Heères.
2. Le SPIC
Le SPIC a une finalité économique, il correspond donc à une fonction de production et d’échange. Pour que soit
appliqué le régime juridique du SPIC, le droit positif pratique d’abord sa délimitation.
a) Critères du SPIC
La notion de SPIC est utilisé dans la législation, cependant les critères résultant de cette législation ne
permettent toujours de résoudre les difficultés de qualification, donc une qualification jurisprudentielle.
Qualification législative et règlement des SPIC.
La loi qui qualifie un SPIC comporte des éléments d’identification du service. Ces éléments sont des indices de
qualification, en droit, qui dans la plupart des cas sont des qualifications concordantes des SPIC. Notamment
l’application de règles d’organisation et de fonctionnement comparables à celles des personnes privées, ou
encore l’application d’une comptabilité comparable à celle d’une entreprise, ou enfin compétences des
juridictions judiciaires en cas de litiges. Dernier indice concordant : obligation d’un équilibre financier pour le
gestionnaire du service. Cette qualification concordante apparait, par exemple, dans la loi du 8 février 1946, qui
précise qu’EDF gère un SPIC.
En revanche, il existe des cas de qualifications contradictoires ou incertaines des SPIC. En effet, il arrive que
la loi ou le règlement qualifie un service public et lui confie la gestion d’un service public qui contredit la
qualification légale. Dans ce cas, si cette qualification contradictoire figure dans un décret.
Il arrive enfin que la qualification légale ne permette pas de qualifier le service. Dans ce cas, il revient au juge
d’opérer la délimitation jurisprudentielle.
Qualification jurisprudentielle des SPIC.
En cas de litige relatif à un service public, en l’absence de qualification légale et règlementaire, le juge examine
les modalités d’organisation et de fonctionnement de l’activité pour déterminer la qualification du service. 3
critères sont successivement utilisés :
Objet du service. Un SPIC a un objet économique, il assure une prestation qui peut faire l’objet d’une
évaluation, i.e. dont le prix de revient peut être fixé avec précision. C’est le cas de toutes les prestations
matérielles qui consistent à produire un bien au bénéfice de l’usager.
Organisation et fonctionnement du service. Un SPIC est organisé pour produire un bien, dès lors il
fonctionne comme une entreprise privée. La loi du 2 juillet 1990 relative à l’organisation de La Poste
précise que le service est organisé comme une entreprise privée, il s’agit d’un SPIC ;
Financement du service. Un SPIC assure son propre financement. Dans un SPIC la principale source
de financement vient des recettes d’exploitation, qui se manifestent par la redevance payée par l’usager.
Droit Administratif 52
A contrario, un service public qui est financé principalement par des subventions, ou par des dotations
budgétaires de la collectivité, n’est pas un SPIC. CE, 20 janvier 1988, SCI La Colline.
b) Régime juridique du SPIC
Un SPIC est soumis principalement au droit privé, ce qui a des conséquences pour les agents, pour les usagers et
pour les tiers au service.
Les agents d’un SPIC ont un statut de droit privé, soumis aux règles du droit du travail ou des conventions
collectives. Par voie de conséquence, les agents d’un SPIC sont recrutés par voie contractuelle, les litiges avec
l’employeur relève du Conseil des Prud’hommes. A l’exception des dirigeants du SPIC et du comptable s’il a la
qualité d’un comptable public.
Les usagers d’un SPIC sont dans une situation contractuelle du droit commun, en d’autres termes, la relation
entre l’usager et le SPIC est régie par le droit commerciale. Dès lors, l’usager peut négocier sa situation et les
avantages dont il bénéficie dans le service.
Les tiers vis-à-vis du SPIC sont dans une situation de droit privé. C’est notamment le cas des personnes
victimes des dommages résultants de l’activité d’un SPIC.
3.2 Modes de gestion du service public
La gestion du service public permet à la collectivité de choisir les modalités selon lesquelles l’activité se
matérialise au bénéfice des usagers. De ce point de vue, la collectivité dispose d’un choix, soit la gestion du
service public par une personne publique, soit par une personne privée.
A. Gestion du service public par une personne publique
Constitue le choix d’une gestion traditionnelle qui garantit un plus grand contrôle de la collectivité sur la
réalisation de la prestation. Toutefois, deux modes de gestion par une personne publique peuvent être distingués.
1. La régie
Mode de gestion intégré du service public. En effet, dans la régie, la collectivité assure elle-même directement la
gestion du service public : elle utilise ses propres moyens financiers, personnels, le service n’a pas la
personnalité morale, il est intégré dans les structures de la collectivité. Enfin le service en régie est financé
directement par le budget de la collectivité.
Ainsi l’article L.2221-1 du CGCT s’applique pour les régies industrielles et commerciales des collectivités
territoriales. L’article L.2221-2 pour les régies à caractère administratif.
Sur le plan juridique, un service public qui ne correspond pas à ces caractéristiques n’est pas une régie sur le
plan juridique. La régie autonome des transports parisiens n’est pas une régie au sens juridique, mais un
établissement public.
2. L’établissement public
Droit Administratif 53 L’établissement public est une forme de gestion décentralisée du service public. En effet, le service est exploité
par une personne publique distincte de celle qui l’a instituée. L’établissement public présente dès lors 3
caractéristiques :
Il a la personnalité morale. Un établissement public a la personnalité juridique. L’établissement a sa
propre vie juridique, son propre personnel et son propre budget. Enfin l’établissement peut ester en
justice, c.à.d. que sur le plan juridictionnel il a son autonomie. L’établissement entraine sa
responsabilité juridique et pas celle de la collectivité.
Il exerce une activité de service public. Un établissement public est considéré comme un service
public personnalisé. Sa finalité est de prendre en charge un service public. Le principe de spécialité
confit à chaque établissement public un seul service public. Cependant cette règle est atténuée pour les
établissements publics industriels et commerciaux, car ils sont dans une situation concurrentielle, et
pour répondre à la concurrence, ils sont autorisés à développer les activités qui renforcent leur
compétitivité. Exemple de la SNCF qui est un EPIC. Elle est autorisée par le gouvernement, le
législateur à développer des activités de location de véhicule.
Il est une personne de droit public. Un établissement public assure une mission d’intérêt général. Pour
faire prévaloir cette mission, il est soumis à des règles de droit public. Il peut utiliser des prérogatives de
puissance publique. Il peut prendre des actes unilatéraux vis-à-vis des usagers. Enfin, les biens de
l’établissement public sont insaisissables (Cass. 21 décembre 1987).
B. La gestion du service public par une personne privée
Le principe même de la gestion du service public par une personne privée n’est pas contradictoire avec l’intérêt
général. En effet, l’administration recourt à ce procédé pour tirer partie de l’expertise de l’entreprise privée. De
même, cette modalité de gestion évite à l’administration d’avoir à consentir des investissements, des dépenses
importantes.
Pour l’entreprise privée, la gestion d’un service public est une activité lucrative.
Sur le plan juridique, la gestion du service public par une personne privée est encadrée par la loi du 29 janvier
1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures
publiques, dite Loi Sapin. L’application de cette loi reprise dans le CGCT, permet d’identifier la délégation de
service public et de préciser le régime juridique de la délégation de service public, et enfin le contrôle de la
délégation de service public.
I. Identification de la délégation de service public
Délégation de service public est un contrat (concession, fermage et régime intéressé.
En vertu de la loi, 4 éléments permettent d’identifier la délégation de service public :
a) La délégation qui porte sur une activité de service public
Une activité déléguée par la collectivité à une personne privée doit présenter un caractère d’intérêt général.
Inversement, une délégation de service public ne peut pas porter sur les activités à caractère pécuniaire, dont la
finalité principale est d’ordre financier.
Avis du 7 octobre 1986 du Conseil d'Etat : « le caractère administratif d’un service public n’interdit pas à la
collectivité territoriale d’en confier l’exécution à des personnes privées ».
Droit Administratif 54
b) Les risques de la gestion sont imputables au
concessionnaire
En effet, la délégation de service public permet donc à l’entreprise privée contractante ou cocontractante de
l’administration de réaliser un bénéfice, mais il existe un risque financier.
En d’autres termes, l’exploitation de l’activité par le délégataire doit être efficace, doit dégager des bénéfices. Si
l’exploitation est déficitaire, le risque est supporté exclusivement par l’entreprise délégataire, et non pas par la
collectivité.
Le risque lié au fonctionnement du service. Si le fonctionnement de la délégation de service public cause des
dommages aux tiers ou aux usagers, le dommage est imputable au délégataire, i.e. aux entreprises privées. Elle
peut s’exonérer de sa responsabilité en montrant qu’elle n’a pas commis de faute.
Enfin si le dommage résulte d’un ouvrage public, il engage la responsabilité de la collectivité.
c) Le mode de rémunération
La délégation de service public est une gestion de type économique.
D’abord le prix de revient de la prestation peut être établi, ensuite le délégataire (= entreprise) est rémunéré sous
la forme d’une redevance payée par l’usager ou d’une taxe reversée par la collectivité. La redevance est
proportionnelle à la prestation. En aucun cas, la délégation ne peut être financée par l’impôt.
CE considère qu’il s’agit d’une délégation de service public seulement si la redevance des usagers est une par
substantielle de la rémunération (CE 20 octobre 2006, Commune d’Andeville).
d) Le contrôle de l’administration
Un service public délégué à une personne privée demeure sous le contrôle de l’administration :
Il porte d‘abord sur l’organisation du service. La collectivité vérifie que l’entreprise privée a pris toute
disposition pour assurer la prestation de service public.
Il porte sur l’exécution de la prestation, la collectivité vérifie que le délégataire assure bien la prestation
au service de l’usager, d’une manière générale, qu’il remplit ses obligations contractuelles.
II. Le régime juridique de la délégation de service public
a) Principes généraux du service public dans la délégation de
service public
Le délégataire de service public doit respecter les principes généraux du service public. Notamment celui
d’égalité, celui de continuité (qui s’applique même aux salariés de droit privé), celui d’adaptation.
b) Conclusion de la délégation de service public
Procédure dans la loi Sapin qui prévoit la concurrence entre les différentes entreprises candidates à la délégation
de service public, donc publicité. Mais aussi transparence, dès lors, le choix du délégataire est donc fait par une
commission d’appel d’offre qui siège en mairie pour les délégations de service public communal.
Droit Administratif 55
c) Droits et obligations des parties
Il a le droit de percevoir la redevance prévue par le contrat. CE 18 mai 1979, Association « urbanisme judaïque
Saint-Seurin.
Il a droit à l’équation financière, il a droit à un rapport favorable entre le coût de l’exploitation et les revenus
tirés de cette exploitation. Si pour des faits qui ne lui sont pas imputables, le rapport devient défavorable,
l’entrepreneur a le droit à être indemnisé par l’administration, CE 21 mars 1910, Compagnie française des
tramways.
En contrepartie des droits, il a des obligations. Notamment exécuter personnellement le contrat, la sous-traitance
doit être prévue par le contrat. Le délégataire doit subir des mesures de contrôle et accepter la surveillance de
l’administration.
Droit Administratif 57
CHAPITRE II LA POLICE ADMINISTRATIVE
Au sens premier du terme, la police c'est le maintien de l'ordre dans la cité1. Par métonymie, le terme désigne
aussi les structures et les personnes affectées à cette activité. Pour en préciser l'objet, le droit administratif donne
à la police divers qualificatifs: générale, spéciale, judiciaire ou administrative2. Ainsi, la police administrative
est l'activité des personnes publiques qui consiste à prévenir (ou empêcher) les atteintes à l'ordre public. Cette
activité s’impose aux pouvoirs publics, même dans l’État le plus libéral qui soit. Elle détermine fortement
l'organisation de la vie publique, mais également bon nombre d'occupations d'ordre privé3. Par le
développement de la police administrative, la vie du citoyen comme l'activité des entreprises sont en
permanence réglementées.
Lorsque la société est pacifiée, l’Etat répartit ses activités et ses moyens de manière équilibrée entre service
public et police administrative. Deux cadres de l’activité administrative, qui se distinguent à plusieurs niveaux:
Par essence. Le service public n’apparaît qu’à partir du moment où l'État ou une collectivité locale
décide de prendre en charge une activité et de la soumettre à un régime particulier. En revanche, la
police est nécessaire à l'existence et au maintien de toute société. Indissociable de l'institution étatique,
elle a donc une dimension institutionnelle.
Dans leur fondement juridique. Le service public est organisé dans un but d'intérêt général, référence
évolutive selon le lieu ou l’époque. Dès lors, les contours du service public lui-même évoluent. La
police administrative répond à un objectif plus étroit et beaucoup plus stable: l'ordre public.
Dans leurs modalités réciproques. Le service public offre des prestations aux usagers. Ceux-ci
peuvent contrôler le service public ou demander son amélioration. La police administrative adresse des
prescriptions aux administrés, dans le but d'encadrer leur activité. Pour Michel Foucault, elle constitue
une modalité pastorale du pouvoir4.
Comme l'Etat lui-même, l'activité de police s'inscrit dans l'histoire. La Révolution lui confère ses principales
caractéristiques contemporaines, précisées au cours du dix-neuvième siècle, confirmées aujourd’hui. Dans les
textes révolutionnaires, l’ordre public est une référence permanente. Pour se maintenir politiquement, le
nouveau régime s'appuie sur la police, qui englobe alors la plupart des fonctions administratives: ordre public,
protection des libertés, maintien de la cohésion sociale... En somme, la police est un instrument technique au
service d’une démarche politique. En sens inverse, le principal apport de la Révolution –que retiendra
principalement le juriste- est d'avoir cherché d’emblée à concilier police et libertés publiques. En 1789, les
droits de l'Homme et du citoyen sont proclamés comme naturels, inaliénables et sacrés. La conciliation
nécessaire avec l'ordre public s’exprime par trois affirmations de principe :
. Dans la Déclaration des droits de l'homme de 1789, la force publique est présentée comme nécessaire.
Elle est instituée "pour l'avantage de tous et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée".
1 Conformément à l’étymologie. Police vient du latin politia, lui même inspiré du grec polis, "la cité".
2 Infra.
3 Ainsi, la tonte dominicale des pelouses pavillonnaires est réglementée dans tous les pays d’Europe occidentale. Cf. Arrêté
du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 21 novembre 2002 relatif à la lutte contre le bruit de voisinage et
Arrêté royal du 10 décembre 1998 fixant les normes au niveau de la puissance acoustique des tondeuses à gazon.
Application dans la capitale européenne : interdiction d’utiliser sa tondeuse à gazon ou autres engins de jardinage actionnés
par un moteur, les dimanches et jour fériés légaux. En semaine, interdiction entre 20h et 7h. 4 Du latin pastor, pastoris, "celui qui fait paître les brebis". Michel Foucault, Surveiller et punir, 1975.
Droit Administratif 58 . La police s’exerce dans un cadre républicain. Elle est l’apanage de l’exécutif. Dans sa mise en œuvre,
elle ne peut contredire les principes de l’État républicain, au nom desquels le droit prime la force. Ce sont donc
des autorités civiles légalement instituées qui décident des mesures nécessaires au maintien ou au rétablissement
de l'ordre public (C.E. 27 novembre 1936, D. 36, 3, 79; C.E. 9 février 1965, Rec. 73).
. L’objet de la police est limité. Le Code des délits et des peines du 3 Brumaire An IV précise cet objet :
"maintenir l'ordre public, la liberté, la Propriété, la sûreté individuelle".
Ce socle juridique n’a cessé d’être consolidé et vérifié à l'époque contemporaine. Un Etat démocratique, doté
d'un régime libéral, doit sérieusement délimiter une activité publique aussi prégnante que la police
administrative. Ensuite, pour des raisons d'efficacité, elle doit être organisée. Enfin, pour éviter d'éventuels abus,
son exercice doit être encadré.
1. DELIMITATION DE LA POLICE ADMINISTRATIVE Deux références permettent de délimiter la police administrative. D'abord son fondement, qui est l’ordre public.
Ensuite sa finalité, qui la distingue de la police judiciaire.
1.1 La Police administrative se fonde sur l'ordre public La référence à l'ordre public anime tout le système juridique
5. Chaque branche du droit l'utilise à des fins
particulières. Ainsi, de l'article 6 du code civil: "On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois
qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs". Dans l'activité administrative, la référence est fondatrice.
Les nécessités de l'ordre public fondent l'exercice de la police administrative. Mais, pour que le raisonnement
soit pertinent, la référence doit être précise. A cet effet, la tradition juridique fixe les composantes minimales de
l'ordre public. Le droit positif va plutôt dans le sens d'une extension de la notion. Ce qui conduit à s'interroger
sur la qualification et la place de l'ordre public dans l'ordonnancement juridique.
A. Composantes minimales de l'ordre public
Notion juridique, l'ordre public comporte une connotation morale. Le juriste s'efforce donc d'en fixer avec
précision le contenu, sans aller jusqu'à entraver l'action des autorités de police. C'est ainsi que sont établies les
composantes minimales de l'ordre public, reprises à l'article L. 2212-2 du code général des collectivités.
1) Sûreté publique et sécurité : Au nom de l'ordre public, les autorités administratives préviennent les
atteintes à la paix civile. Elles empêchent les accidents, les inondations et assurent la sécurité routière6. Elles
protègent les populations contre les risques majeurs d'origine naturelle ou technologique7. Le maire doit
prévenir en temps utile les propriétaires des maisons menacées d’inondation8.
2) Tranquillité publique : Au nom de l'ordre public, l'autorité administrative empêche les troubles
dépassant les inconvénients normaux de la vie en société. L’ouverture nocturne d’une boulangerie peut être
interdite si l’afflux des clients provoque des bruits de voisinage9. Le maire prévient également les désordres
5 Qui constitue, après tout, l’un des éléments du contrat social.
6 Par la pose de radars routiers, notamment, qui n’ont pas qu’un rôle répressif.
7 Loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile. V. aussi le plan de prévention des risques naturels.
8 C. E. 5 octobre 1990, Ville de Rennes c/ Guihard, req. 78285
9 C. E. 7 juillet 1993, Carzorla
Droit Administratif 59 provoqués par les attroupements, les tapages ou les bruits excessifs
10. Il règlemente la construction et le
fonctionnement des circuits de vitesse11
3) Salubrité et santé publiques : Par référence à l'ordre public, l'autorité de police préserve l'hygiène et
la santé des populations12
. Elle vérifie le bon état des denrées alimentaires et prévient les épidémies. Elle peut
décider de rendre obligatoire la déclaration d’une maladie transmissible ou refuser d’importer une viande
contaminée. Ainsi, le 8 décembre 1999, le premier ministre refuse de lever l’embargo sur la viande bovine
britannique, mesure pourtant recommandée par Bruxelles. Il se déclare animé par « le souci prioritaire de la
santé publique et de la sécurité des consommateurs »13
. Le Conseil d'Etat rappelle que "la protection de la santé
publique constitue un principe de valeur constitutionnelle"14
B. Extensions de l'ordre public
La perception de l'ordre public évolue dans une société postindustrielle, engagée dans l'urbanisation forcée. Le
juriste s’interroge sur les composantes immatérielles de la notion.
I. Ordre public et morale Une société laïque distingue la règle de droit de la règle de morale. La police administrative est une modalité de
l'activité administrative de l'État, soumise au droit. Elle ne peut être fondée sur la morale. Dans les sociétés
contemporaines, certains comportements ou situations troublent gravement la conscience individuelle ou
collective. En ce sens, elles perturbent l'organisation sociale. Faut-il les sanctionner au nom de l'ordre public ?
Le juge administratif admet qu’en l'absence de toute violence matérielle, mais compte tenu des circonstances
locales, le caractère immoral d'un film justifie un arrêté d'interdiction. (C.E. 26 juillet 1985, Ville d'Aix en
Provence c. Société Gaumont Distribution)
II. Ordre public et dignité de la personne humaine La dignité de la personne humaine est un concept issu du droit naturel. Il passe ensuite dans le droit positif. Pour
le Conseil constitutionnel, « la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme
d'asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle »15
. De même, le juge administratif
tend à sanctionner le principe de dignité au même titre que l'ordre public, c'est à dire par l'utilisation des
pouvoirs de police16
.
III. Réglementations spécifiques Par des réglementations spécifiques, les autorités administratives utilisent leur pouvoir de police pour un objet
qui ne correspond pas à la prévention de l'ordre public, stricto sensu. C'est le cas notamment de la protection de
l'esthétique ou du port obligatoire de la ceinture de sécurité. (C.E. 3 juin 1938, Société des Usines Renault, Rec.
531 et C.E. 14 mars 1941, Cie nouvelle des chalets de nécessité, Rec. 44). (Cass. Crim. 20 mars 1980, D. 80, IR,
521). De même, la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort fait l’objet d’une
10
Une abstention du maire constitue une illégalité. En revanche, l’Etat est responsable si les dommages provoqués par un
attroupement résultent d’un crime ou d’un délit commis à force ouverte. 11
C. E. Sect. 1er
juillet 2005, Abgrall et autres, JCP 7 septembre 2005, J. 1595. 12
Décret n° 97-855 du 12 septembre 1997 relative à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une
exposition à l’amiante dans les immeubles bâtis, J.O. du 19 septembre 1997, p. 13611 13
Voir, http://www.premier-ministre.gouv.fr/PM/081299.HTM. 14
CE, ord. Réf. 8 sept. 2005, n° 284803, Garde des sceaux, ministre de la Justice c/ Bunel. 15
Décision 94-343 DC, loi relative au respect du corps humain et loi relative au don et à l’utilisation des éléments et
produits du corps humain. 16
C.E. Ass. 27 octobre 1995, Commune de Morsang sur Orge, R.F.D.A. 1995, 878, concl. Frydman
Droit Administratif 60 réglementation contraignante pour les établissements chargés de cette activité
17. En l'espèce, l'autorité de police
est habilitée à utiliser ses pouvoirs pour atténuer les souffrances des animaux de bouche.
Les pouvoirs publics favorisent l’utilisation des pouvoirs de police (réglementation, interdictions diverses) afin
de préserver l’environnement pour les générations futures ou de protéger les espèces animales menacées de
disparition. Les tribunaux administratifs veillent à encadrer cette nouvelle extension de l’ordre public. L’autorité
de police prescrit des mesures en faveur de l’environnement. Celles-ci doivent être justifiées par les
circonstances locales et appuyées sur une étude préalable précise.
C. Qualification juridique de l'ordre public
Le registre des relations sociales devient complexe. La population des pays développés est majoritairement
urbaine. Pour encadrer ces évolutions, l'ordre public devient une référence permanente. Fondement de la police,
il doit être qualifié et représenté dans la hiérarchie des principes juridiques. Pour le Conseil constitutionnel, la
"sauvegarde de l'ordre public" est un objectif de valeur constitutionnelle. Il doit être concilié avec l'exercice des
libertés publiques (Conseil constitutionnel, Décision du 18 janvier 1995, Loi de programmation sur la police).
Le Conseil constitutionnel développe cette qualification. La sécurité des personnes et des biens est un objectif
constitutionnel. Pour la préserver, le législateur peut autoriser des atteintes à « l’exercice des libertés publiques
constitutionnellement garanties » (Décision précitée). Dans cette hypothèse, l’autorité de police est néanmoins
tenue de respecter expressément deux principes. Les mesures susceptibles d’affecter l’exercice de libertés
constitutionnellement garanties doivent être justifiées par « la nécessité de sauvegarder l’ordre public »
(Conseil constitutionnel, 13 mars 2003, sécurité intérieure). L’exercice de ces pouvoirs doit prévoir
l’intervention de l’autorité judiciaire, conformément à l’article 66 de la constitution
1.2 La police administrative se distingue de la police judiciaire
Police administrative et police judiciaire se distinguent par leur finalité. La distinction vise à prévenir un
éventuel arbitraire des autorités de police. Le droit administratif établit les critères de la distinction puis assure
sa mise en œuvre.
A. Critères de la distinction Sous la Révolution, la distinction entre police administrative et police judiciaire apparaît dans le code des délits
et des peines du 3 Brumaire An IV:
"La police est instituée pour maintenir l'ordre public, la liberté, la propriété, la sûreté individuelle [...]
Elle se divise en police administrative et police judiciaire. La police administrative a pour objet le maintien
habituel de l'ordre public dans chaque lieu et dans chaque partie de l'Administration générale; elle tend
principalement à prévenir les délits. La police judiciaire recherche les délits que la police administrative n'a pu
empêcher de commettre, en rassemble les preuves et en livre les auteurs aux tribunaux, chargés par la loi de les
punir".
Initialement, la distinction présente plutôt un caractère technique. Reprise et confirmée par la jurisprudence, elle
devient ensuite un véritable principe juridique. Le commissaire du gouvernement Delvolvé voit le critère de la
distinction dans l’objet de l’opération entreprise par l’autorité de police : "l'opération est judiciaire à partir du
moment où elle a un objet précis pouvant donner lieu à des poursuites correctionnelles ou criminelles, ou a pour
17 Décret n° 97-903 du 1er octobre 1997 relatif à la protection des animaux au moment de leur abattage ou
de leur mise à mort, J. O. du 4 octobre 1997. Ce texte transpose la directive 93/119/CE du Conseil du 22 décembre
1993 sur la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort.
Droit Administratif 61 but la recherche d'une infraction précise. Au contraire, tant que l'agent exerce une mission de contrôle ou de
surveillance générale, tant que son enquête n'est pas orientée sur une infraction correctionnelle ou criminelle
précise, il est dans l'exercice de la police administrative" (C.E. 11 mai 1951, Consorts Baud, Rec. 265, S. 1952,
3, 13. V. aussi T.C. 7 juin 1951, Dame Noualek, Rec. 636, concl. Delvolvé).
Le Conseil constitutionnel reprend cette qualification juridictionnelle. Les actes de police ont un caractère
administratif dès lors qu’ils visent à prévenir une atteinte à l’ordre public ou à rétablir cet ordre et non pas à
réprimer un comportement (Conseil constitutionnel, décision n° 2003-467 du 13 mars 2003, loi sur la sécurité
intérieure).
Deux propositions et une conclusion résument cette distinction:
- La police administrative a un caractère préventif. Son objet est défini par les lois et les règlements. Il est
précisé par la jurisprudence.
- La police judiciaire a un caractère répressif. Son objet est défini par l’article 14 du code de procédure
pénale « constater les infractions à la loi pénale, en rassembler les preuves et en rechercher les auteurs tant
qu’une information n’est pas ouverte ».
- En définitive, la distinction présente une dimension finaliste. Elle s'attache à l'intention de l'auteur de l'acte,
indépendamment de l'institution et des moyens utilisés.
Arrêts : T.C. 22 juin 1955, Dame Barbier, Rec. 624 et T.C. 15 janvier 1968, Tayeb, Rec. 791, D. 68, 417, concl.
Schmelk.
B. Mise en œuvre de la distinction
La mise en œuvre de la distinction entre police administrative et police judiciaire révèle le degré de protection
dont dispose le citoyen dans un État qui respecte les libertés publiques.
I. Différenciation institutionnelle de la police Les services de l'État ont des structures propres à la police administrative et d'autres à la police judiciaire (les
SRPJ). La répression des infractions établies par le code pénal est un monopole étatique, auquel sont
principalement associés les services de police judiciaire de l’Etat. Dans la commune, le maire est d’abord une
autorité de police administrative (article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales). Ses
attributions en matière de police judiciaire sont précisées par la loi du 15 avril 1999 relative aux polices
municipales. Ce texte prévoit les modalités d’une collaboration entre police d’Etat et police municipale (Loi du
15 avril 1999 ; J.O. du 16 avril 1999, p.5607).
II. Régime juridique des deux types d’activités de police Deux régimes juridiques distincts s'appliquent, l'un à la police administrative, l'autre à la police judiciaire. La
police administrative est soumise au droit administratif. Elle se manifeste par une réglementation élaborée et
contrôlée comme les autres modalités de l'activité administrative de l'État, même si son fondement est différent.
Elle ne donne pas lieu à une exécution forcée par l'autorité de police.
La police judiciaire s'exerce dans le respect du code de procédure pénale. Du point de vue des compétences, la
police judiciaire est subordonnée à l'autorité judiciaire. S’agissant de son exécution, le Code de procédure
pénale donne aux autorités de police judiciaire des pouvoirs plus étendus et plus expéditifs que l’autorité
administrative, car rattachés à la répression des infractions. Enfin, la police judiciaire s'exécute dans le respect
de la procédure pénale, c'est à dire d'un ensemble de règles de type inquisitoire, qui laissent peu de prérogatives
Droit Administratif 62 à la personne poursuivie. L'agent de police judiciaire constate l'infraction, en recherche les auteurs, en rassemble
les preuves pour les remettre au juge18
.
III. Compétence juridictionnelle en matière de police Le juge administratif contrôle les actes de police administrative (TA Melun, 25 mars 1997, Commune de
Thomeray). La police judiciaire est soumise au contrôle du juge judiciaire (T.C. 7 mars 1994, Damez, D.A. mai
1994, p. 12). Les autorités de police doivent respecter cette répartition de compétences (CE, 24 juin 1960,
Société Frampar, Rec. 412, concl. Heumann; AJDA, 1960.1. 154).
IV. Difficultés à appliquer la distinction Intellectuellement et juridiquement, la distinction entre police judiciaire et police administrative est claire. Elle
peut poser des difficultés d'application. Un même agent peut être affecté successivement à des activités de
police administrative et de police judiciaire. Dans ces conditions, certaines situations deviennent délicates à
encadrer juridiquement. Ainsi, un contrôle d'identité à caractère préventif est une opération de police
administrative.
En revanche, il relève de la police judiciaire s'il entre dans le cadre d'une information judiciaire. Quelle que soit
sa nature, le contrôle est exercé par les mêmes agents. Pour respecter la loi, il faudrait donc que, selon la
qualification retenue, les agents observent une procédure adaptée et informent le cas échéant le Procureur de la
République. Si l'opération de police est contestée devant les tribunaux, seul le juge compétent peut être saisi.
(TC, 12 juin 1978, Société Le Profil).
2. ORGANISATION DE LA POLICE ADMINISTRATIVE
Dans la société urbaine postindustrielle, le personnel de police intervient dans des domaines très diversifiés et
dans des conditions souvent délicates, susceptibles d'engager leur responsabilité. Activité exigeante, donc
organisation administrative adaptée. D'où la distinction entre police générale et polices spéciales. De même,
plusieurs collectivités exercent la police administrative, d'où une séparation des structures et des compétences,
surtout entre l'État et les communes.
2.1 Police générale et polices spéciales La spécialisation fonctionnelle des personnes publiques conduit à distinguer police générale et polices spéciales.
Dans la société industrielle, le pouvoir général de police n’est pas toujours suffisant. La spécificité de certaines
activités justifie la création de polices spéciales.
A. Critères de distinction entre police générale et police spéciale La différence entre police générale et police spéciale tient au fondement de l'acte de l’acte de police et au titre
de compétence de son auteur. La police générale est fondée sur la nécessité l'ordre public au sens traditionnel du
terme. Elle s'exerce sur la base d'une habilitation générale. Les polices spéciales sont toujours organisées par des
textes juridiques législatifs ou réglementaires qui conditionnent leur exercice. Elles s'exercent dans un domaine
d'activité limité19
.
18
V. Loi 2003-87 du 3 février 2003 relative à la conduite sous l’influence de substances ou produits classés comme
stupéfiants (J. O. du 4 février 2003, p. 2103). 19
Ex : la police du domaine public.
Droit Administratif 63 Cette distinction a des incidences juridiques. Le développement des polices spéciales réduit le domaine de
compétence de l’autorité de police générale. Mais d’un autre côté, l'activité de police se fonde sur des textes
plus précis, ce qui est de nature à préserver l’administré d’un éventuel arbitraire. La délimitation de l'ordre
public s'en trouve également resserrée.
B. Les autorités de police Une autorité administrative habilitée à réglementer l'activité des particuliers sur le fondement de l'ordre public
devient une autorité de police. Par son titre de compétence et par le texte qui l’habilite, elle est soit une autorité
de police générale soit une autorité de police spéciale. Après la reconnaissance de ce statut, s'impose la
distinction entre les autorités et les forces de police.
I. Autorité de police générale et autorité de police spéciale Une autorité de police générale est formellement instituée par un texte ou reconnue par la jurisprudence. Selon
le Conseil d'État, l’exécutif dispose de "pouvoirs propres" en matière de police20
. Sous la quatrième République,
ces pouvoirs sont dévolus au Président du Conseil. Aujourd'hui, l'autorité de police générale au sein de l'exécutif
est le Premier ministre. Sous réserve des attributions conférées au président de la République, notamment aux
articles 13 et 16 de la Constitution.
Le pouvoir de police ne se confond pas avec le pouvoir réglementaire. (CE, 17 février 1978, Association dite
Comité pour léguer l'esprit de la Résistance). En effet, sur le fondement de l'ordre public, l'autorité de police
peut intervenir, le cas échéant, dans les matières énumérées à l'article 34 de la Constitution.
Dans l'Administration d'État, il existe aussi des autorités de police spéciale. C'est le cas des ministres sous la
cinquième République. Par délégation du Premier ministre, ils édictent une réglementation particulière dans leur
ressort d'activité. En revanche, un ministre ne constitue pas une autorité de police générale.
II. Autorités de police et forces de police Un principe républicain impose de distinguer autorités de police et forces de police. Cette distinction garantit la
primauté du droit sur la force. Elle aboutit à dissocier deux types d’activités. L'édiction des règles de police
d'une part, et d'autre part l’exécution matérielle de ces règles. La première relève des autorités civiles, choisies
et contrôlées selon des procédures démocratiques. La seconde est assurée par des forces civiles ou militaires (les
gendarmes).
Conséquence de la distinction: seules les autorités de police peuvent édicter des actes juridiques, qu'ils soient
directifs ou répressifs. C’est le cas du Premier ministre, principale autorité de police générale, habilité par la
Constitution, reconnu comme tel par la jurisprudence et contrôlé par le Parlement. Dans la police administrative,
les forces de police sont subordonnées aux autorités de police. Elles exécutent les actes édictés par celles-ci. En
cas de besoin, uniquement sur les ordres de l’autorité supérieure, elles mobilisent la force physique organisée.
Le ministre de l'Intérieur n’est pas une autorité de police générale. Il n’est donc pas habilité à édicter une
réglementation générale de police. En revanche, étant placé à la tête des forces de police, il est responsable de
leur utilisation sur le terrain.
La police territoriale est partagée entre l’État et les collectivités décentralisées. Dans le département, le préfet
« a la charge […] de l’ordre public » (article 1er alinéa 3 du décret n° 82-389 du 10 mai 1982, relatif aux
pouvoirs du préfet). Il est donc l'autorité de police générale dans le département21
. Il dispose également des
moyens pour assurer la sécurité publique. Il dirige donc les forces de police nationale dans le département et
peut requérir les services de gendarmerie, qui agissent en l'occurrence comme une force de police militarisée.
Les pouvoirs de police du préfet sont très diversifiés. Pour assurer la sécurité des populations, il met en œuvre
les Plan Orsec (Organisation des secours) et les Plans d’urgence prévus par la loi du 13 août 2004 de
20
CE, 8 août 1919, Labonne 21
Décret du 14 mars 1986
Droit Administratif 64 modernisation de la sécurité civile
22. En relation avec les services déconcentrés, il vérifie le bon état des denrées
alimentaires et contrôle les manifestations publiques.
Le président du Conseil général est une autorité de police spéciale. Conformément à l'article 25 de la loi du 2
mars 1982, il exerce les pouvoirs de police afférents à la gestion du domaine départemental (article L. 3221-4
CGCT). Il assure la police des ports maritimes départementaux (article L. 3221-6 CGCT). Dans la commune, le
maire est l'autorité de police générale. Il dirige également les forces de police municipale et la police rurale.
2.2 Administration de la police L’activité de police est indissociable de l'Etat lui-même. Elle en épouse les caractéristiques. Dans un
Etat développé, elle appelle donc une importante organisation interne. D’abord pour agir efficacement, ensuite
pour coordonner l'action des nombreux services de police. Cette règle s'applique aussi à la police décentralisée,
dès lors qu'elle participe pleinement à l'activité de police.
A. La police d'État Les moyens et les services de la police d'État sont conséquents. Le gouvernement organise la police. Au besoin,
il réforme l'institution.
I. Principes d'organisation administrative de la police d'État La police d'Etat a des effectifs importants, ce qui exige une bonne gestion du personnel et l'harmonisation des
compétences. Celles-ci s'exercent selon a hiérarchisation des autorités de police: du Premier ministre au préfet,
via le ministre de l'intérieur. Si les circonstances locales le justifient, le préfet renforce dans le département la
réglementation nationale.
Quant aux structures, la Direction Générale de la Police Nationale est instituée en 1969. A sa tête est nommé le
Directeur général de la police nationale, haut fonctionnaire. Responsable de l'Administration d'ensemble de la
Police, il organise les services, oriente leur action et gère les moyens en homme et matériels. Par délégation du
ministre, il prend des décisions individuelles à l'égard des agents. Depuis 1985, la DGPN compte une Direction
des libertés publiques et des affaires juridiques.
La Police Judiciaire dispose d’une structure particulière, périodiquement aménagée pour s'adapter à la
croissance et à l'évolution de la délinquance. Elle est aujourd'hui structurée autour des Services régionaux de
police judiciaire (SRPJ).
II. Réforme de la police d'État La réforme de la police est une question politique et juridique. Le Parlement et le juge contrôlent l'utilisation de
la police par l'exécutif. La réglementation est adaptée pour favoriser la transparence de l’activité policière, la
professionnalisation des agents et les contrôles sus évoqués. Sont successivement institués : la Direction de la
formation des personnels de police (décembre 1981), l'Institut des hautes études de la sécurité intérieure (1989)
et le Conseil supérieur de l'activité policière (1991). Néanmoins, l'Administration policière reste une institution
assez fermée. L'accès aux documents de police n'est pas garanti. Selon la jurisprudence, la Commission d'accès
aux documents administratifs est incompétente pour tout dossier intéressant la sécurité publique (CE, 19 mai
1983, Bertin, Rec. 207; AJDA, 1983, 434; RDP 1983, 1086, concl.).
22
Loi du 13 août 2004, article 14 : « L’organisation des secours revêtant une ampleur ou une nature particulière fait l’objet,
dans chaque département, dans chaque zone de défense et en mer, d’un plan dénommé plan ORSEC ». Ce texte abroge la
loi du 22 juillet 1987 relative à la sécurité civile.
Droit Administratif 65 L'Administration policière est déconcentrée, en vue d'une répartition optimale des services de police sur le
territoire national. Les 19 services régionaux de police judiciaire (SRJP) sont installés dans les ressorts
territoriaux des Cours d'appel. Sous l'autorité du préfet, la police administrative est également déconcentrée:
police de la sécurité publique, renseignements généraux, etc.
III. Police d'État dans un cadre européen La police doit également s'organiser dans un cadre supra national. Le marché intérieur entre les États-membres
de la Communauté Européenne suppose "la libre circulation des personnes, des services et des capitaux". Mais
ce principe n'est pas un absolu. Les autorités nationales doivent pouvoir concilier les libertés publiques et
l'impératif de sécurité dans un cadre européen. D'où l'idée d'une coopération entre les États membres en matière
de police administrative. Les accords de Schengen sont signés le 14 juin 1985 entre la Belgique, la France, le
Luxembourg, les Pays-Bas et l'Allemagne. Ce texte précise la notion d'espace européen. Le contrôle des
frontières entre les États-membres est remplacé par une simple surveillance visuelle des flux. Les contrôles
traditionnels sont maintenus aux frontières extérieures de la Communauté. La Convention additionnelle de
Schengen aménage la coopération policière. Les États s'engagent à favoriser les mesures qui permettent une
meilleure prévention et la recherche des faits punissables. Ils mettent en place de nouvelles structures de
coopération, redéfinissent les compétences et contribuent à élaborer un système d'information au niveau
européen. Selon le Conseil constitutionnel, la loi autorisant l'approbation de l'accord est conforme à la
Constitution.
B. La police décentralisée La police décentralisée est confiée à des autorités administratives locales, qui doivent toutefois respecter
les compétences étatiques.
I. Les autorités de police décentralisée Ici réapparaît la distinction entre police et service public. La décentralisation comporte trois
niveaux d’administration générale: région, département et commune. La police décentralisée s'organise selon
des critères différents. Le Président du Conseil Régional ne dispose pas de pouvoirs de police. Dans le
département, la police générale est exercée par le préfet, autorité de l'État. Le Président du conseil général a des
attributions en matière de police spéciale. Dans la commune, la police est une attribution du maire,
conformément à l'article L 2212-1 du code général des collectivités territoriales : « le maire est chargé, sous le
contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale
et de l’exécution des actes de l’Etat qui y sont relatifs ». Cette disposition exclut la compétence du conseil
municipal (C. E. 24 janvier 1994, Commune de Vauxaillon). Le maire exerce cette compétence intuitu personae,
sous le contrôle du préfet du département.
En tant qu’autorité de police, le maire prévient les atteintes à l’ordre public. Il lutte également contre les
incivilités, ces comportements asociaux suffisamment graves pour être ressentis comme une agression par une
partie de la population, pas assez pour entraîner une qualification pénale (ex : bousculades sur la voie publique,
provocations, bris de bouteilles…). La circulaire du 28 octobre 1997 organise les contrats locaux de sécurité, un
instrument de prévention de la délinquance en agglomération. Le document est élaboré à l’initiative des élus
locaux. Il est signé par les maires de l’agglomération concernée, le préfet, le recteur et le procureur de la
République.
Le décret n° 2002-999 du 17 juillet 2002, relatif aux dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la
prévention et la lutte contre la délinquance renforce l’implication des maires dans la prévention de la
délinquance23
. Sont institués les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, instances de
concertation, qui se prononcent sur les priorités de la lutte contre l’insécurité. Ils participent à l’élaboration et à
23
J. O. du 18 juillet 2002, p. 12256
Droit Administratif 66 la mise en œuvre des contrats locaux de sécurité. Le maire doit être informé de tous les actes de délinquance
intervenus sur le territoire de la commune.
Le maire exerce aussi des activités de police judiciaire, c’est à dire dans la recherche des infractions. L’article
D15 du code de procédure pénale lui confère la qualité d’officier de police judiciaire, qu’il exerce au nom de
l’Etat, sous le contrôle du juge judiciaire. Les agents de police municipale sont des agents de police judiciaire
adjoints (article 21 du code de procédure pénale).
La police municipale en chiffres
Progression des effectifs
1984 : 5.641 agents pour 1.748 communes
1987 : 8.159 agents pour 2.345 communes
1989 : 9.361 agents pour 2.663 communes
1993 : 10.977 agents pour 2.849 communes
1997 : 12.471 agents pour 2.950 communes
1998 : 13.098 agents pour 3.030 communes
En 1998, 246 services de police municipale comptaient plus de 10 agents.
Armement
1998 : 4946 policiers
municipaux armés sur
13.098 (37%).
II. Répartition de compétences entre autorités de police Les règles de compétence sont d'ordre public, a fortiori en matière de police. Par souci d'efficacité, des
aménagements de compétence sont introduits. Le maire exerce certaines missions de police d'État sous l'autorité
du préfet (ex: police des étrangers). Il exécute les mesures de sûreté générale émanant de l’Administration d'Etat
(L. 2122-27 CGCT). Dans les communes chef-lieu de département, la police est étatisée. Elle peut l’être dans
les communes de plus de 20.000 habitants où la délinquance présente les caractéristiques de celle des zones
urbaines (article L. 2214-1 et s. CGCT, décret n° 96-827 du 16 septembre 1996). Lorsque l'ordre public est
menacé dans deux ou plusieurs communes d'un même département, le préfet prend les mesures nécessaires (CE,
23 septembre 1991, Commune de Narbonne c/Préfet de l'Aude). En cas de carence du maire en matière de
police, le préfet lui adresse une mise en demeure. A défaut de réponse dans un "délai raisonnable", le préfet se
substitue à l'édile municipal (C. E. 31 janvier 1997, Camping Les Clos, req. 156276).
III. Conflits de compétence en matière de police La police décentralisée est au service de l'administration territoriale. Mais la sécurité devient un enjeu de
politique locale. Si bien que les effectifs de la police municipale doublent entre 1984 et 1990. Dans ce
développement les maires doivent respecter les compétences étatiques. Selon la Commission des maires sur la
sécurité, "la politique de sécurité est de la responsabilité de l'État et que par voie de conséquence, les polices
municipales ont [...] conformément au droit en vigueur, un caractère supplétif et [...] des tâches locales
d'exécution". La Commission propose de territorialiser la police de prévention et de donner aux maires les
moyens humains qui leur permettent de mettre en œuvre dans un cadre légal leurs attributions de police.
La loi du 15 avril 1999 relative aux polices municipales fixe le cadre général d’action de la police municipale.
Elle coordonne police nationale, gendarmerie et polices municipales. Les agents de police municipale dressent
procès-verbal des contraventions aux arrêtés de police du maire, mais également de certaines contraventions au
code de la route. Pour tout service de police municipale qui comporte au moins cinq emplois d’agent de police
municipale, le maire signe une convention de coordination avec le préfet afin de préciser les modalités
d’intervention des agents. Sur demande motivée du maire, certains agents peuvent être autorisés
nominativement à porter une arme lorsque les circonstances et la nature de leur intervention le justifient. La
carte professionnelle, la tenue et la signalisation des véhicules sont communes à tous les services de police
municipale et ne doivent entraîner aucune confusion avec la police nationale ni la gendarmerie. L’agent de
Droit Administratif 67 police municipale peut relever l’identité d'un contrevenant, qui pourra être retenu, mais en accord avec la police
d'Etat24
.
3. EXERCICE DE LA POLICE ADMINISTRATIVE Au nom de la police administrative, l’exécutif met en œuvre des prérogatives de puissance publique à l'égard
des citoyens, pouvoirs susceptibles de menacer les libertés publiques. Dans l'exercice de la police, le droit
s'impose à un double titre. Les actes de police administrative sont édictés dans le respect de la légalité. Les
conséquences dommageables des actes de police engagent la responsabilité administrative. L'emprise du droit
sera d'autant plus forte que les pouvoirs de police sont clairement identifiés et attribués avec précision au sein de
la hiérarchie administrative. Le contrôle du juge peut plus facilement s'exercer.
3.1 Modalités d'exercice de la police administrative
Quelques autorités disposent du pouvoir de police administrative générale: le Premier ministre, le Président de
la République, le Préfet et le Maire. Dans certaines circonstances, ces autorités administratives agissent en tant
qu'autorité de police. Parmi leurs nombreux titres de compétence, certains actes relèvent de la police
administrative. Seuls ces actes seront soumis au régime juridique de la police.
A. Délimitation des actes de police administrative Un acte de police administrative est un administratif unilatéral qui a pour objet le maintien ou le rétablissement
de l'ordre public. Il en est ainsi des règlements de police, des actes individuels de police et des mesures
matérielles d'exécution.
I. Le règlement de police Le règlement de police est un acte administratif unilatéral pris sur le fondement de l'ordre public, qui comporte
des dispositions générales et impersonnelles. Il émane d'une autorité administrative de l'État ou d'une autorité
décentralisée et prend généralement la forme d'un arrêté réglementaire de police. Le règlement de police doit
être précisé par des actes à portée individuelle.
II. Les actes individuels de police L'acte individuel de police est un acte administratif unilatéral pris sur le fondement de l'ordre public. Il
s'applique à une situation précise, qui concerne un administré ou un petit nombre d'entre eux, et prend la forme
d'un arrêté individuel de police. Il existe normalement une relation entre le règlement de police et l'arrêté
individuel de police: le premier justifie le second et fonde sa légalité.
III. Les mesures matérielles d'exécution L'acte de police administrative remplit pleinement ses effets après son exécution matérielle, c'est à dire sur le
terrain. En cas de refus d'exécution par l'administré, il ne peut pas y avoir exécution forcée par voie
administrative. C'est à dire que l’autorité administrative ne peut pas prendre l’initiative d’utiliser la contrainte
24 Loi du 15 avril 1999, relative aux polices municipales (J.O. du 16 avril 1999, p. 5607). Décret du 24 mars
2000 déterminant les clauses de la convention type de coordination. Décret n° 2000-276 du 24 mars 2000
relatif à l’armement des agents de police municipale, considéré comme légal par le Conseil d’Etat: C. E. 19
juin 2002, Commune de Marcq-en-Baroeul, req. 221500).
Droit Administratif 68 pour obliger l’administré à se soumettre. L'exécution forcée d'un acte de police administrative suppose le
recours à la voie judiciaire. Cependant, l'intervention préalable du juge n'est pas toujours possible. Dans
l'urgence, l'exécution forcée de l’arrêté de police par la voie administrative est jugée légale (T.C. 2 décembre
1902, Société immobilière Saint-Just, Conclusions Romieu). Il s'agit là d'une véritable exception.
B. Portée des pouvoirs de police L'acte de police administrative a un caractère unilatéral. Son champ d'application est très étendu. Il détermine
les activités les plus intimes. Pour éviter tout arbitraire, l'État libéral limite l'objet des actes de police et leur
donne une sanction appropriée.
I. Objet des actes de police Au nom du libéralisme, une personne privée exerce de sa propre initiative toute activité non interdite. Par degré
d'intervention croissante, et par exception, l’acte de police peut avoir quatre objets principaux.
Le régime de la déclaration s'applique aux activités que l'État souhaite simplement encadrer. L'administré
informe au préalable l'administration de son intention d'exercer l'une de ces activités. En l'absence d'opposition
de l'autorité de police, la déclaration vaut autorisation.
Dans le régime de réglementation, l'autorité de police détermine par un texte spécial les conditions d'exercice
d'une activité individuelle. Ce procédé est plus contraignant. Il limite le libre exercice d'une activité par un
particulier.
Le régime de l’autorisation est déjà plus restrictif. L'autorité de police doit formellement accepter l'exercice
d'une activité individuelle.
Dans un Etat libéral, le régime de l'interdiction ne peut avoir qu'un caractère exceptionnel. Selon le Conseil
constitutionnel, les nécessités de l'ordre public doivent être conciliées avec l'exercice des libertés publiques25
. Le
Conseil d'État limite l'interdiction aux cas dans lesquels il est impossible de maintenir l'ordre public par d'autres
procédés.
II. Sanction des actes de police Un acte de police à caractère préventif est un acte administratif. Il est assorti de mesures disciplinaires ou
administratives prise par l’autorité de police. La sanction administrative de police prend la forme d’un arrêté à
caractère individuel, qui vise le contrevenant. Ces mesures administratives sont assorties de sanctions pénales.
Selon l’article R 610-5° du code pénal "la violation des interdictions ou le manquement aux obligations édictées
par les décrets et arrêtés de police sont punis de l’amende prévue pour les contraventions de la 1ère
classe".
La jurisprudence précise les modalités d’intervention du juge pénal dans l’application des actes de police. Sur la
compétence juridictionnelle, le code pénal n’interdit pas aux tribunaux répressifs d’apprécier la légalité des
actes réglementaires de police à l’occasion des sanctions qu’ils prononcent (article 111-5 du code pénal). Quant
au champ d’application de cette disposition, la Cour de cassation aurait tendance à se limiter aux décrets et
25
supra
Droit Administratif 69 arrêtés réglementaires de police relatifs à la tranquillité, à la sécurité et à la salubrité publiques (Cass. Crim. 14
mars 1989, BC n° 127).
3.2 Contrôle des pouvoirs de police L'exercice des pouvoirs de police est une prérogative importante de l'exécutif. Bien entendu, les autorités de
police respectent les libertés publiques. Selon la formule du Conseil d'État "la liberté est la règle, la restriction,
l'exception" (CE, 10 août 1917, Bally, concl. Corneille). Pour le Conseil constitutionnel "la sauvegarde de
l'ordre public est un objectif de valeur constitutionnelle" qu'il faut concilier avec l'exercice des libertés
publiques26
. Le contrôle des actes de police prend deux formes: le contrôle normal et le contrôle des mesures
exceptionnelles de police.
A. Le contrôle normal En situation normale, l’utilisation des pouvoirs de police fait d’abord l’objet d’un contrôle interne,
exercé par les autorités administratives sur les exécutants de l’acte de police27
. Le développement d’une culture
républicaine dans la police renforce les effets de ce contrôle interne. Dans l’ensemble, il assure une bonne
régulation administrative de la police. Les tribunaux contrôlent aussi les actes de police, sur saisine de
l’administré. Il s’agit pour l’essentiel d’un contrôle de légalité, mais l’acte de police est également susceptible
d’engager la responsabilité de l’autorité de police.
I. Régulation administrative de la police La régulation administrative est un contrôle interne des services de police, fondé sur un dispositif législatif et
réglementaire. La hiérarchisation administrative favorise le contrôle des actes de police et leur exécution. La
Police nationale dispose d’un grand corps d’inspection et de contrôle. Son but premier est d’assurer le respect de
la légalité. Il se donne aussi d’autres références, comme la déontologie de l'activité de police ou la
rationalisation des moyens techniques mis au service de la police.
Initialement, la déontologie est une morale professionnelle que les membres d'un corps de métier s'engagent à
respecter, sans subir de sanction extérieure ni contraignante28
. Dans la police, la déontologie déborde le strict
cadre de la morale et n'écarte pas toute possibilité de sanction. Avec le code de déontologie de la police, le
gouvernement dote la police d'un cadre de références pour l'accomplissement de ses missions, dans "le respect
absolu, tant des personnes que de la légalité républicaine et la nécessaire mesure qui doit présider à l'usage de la
force"29
. Le décret n° 93-1081 du 9 septembre 1993 institue un Haut Conseil de déontologie de la police
nationale. Aux termes de la loi de programmation sur la sécurité du 21 janvier 1995, les missions de la police
nationale s'exécutent dans le respect du code. Enfin, la loi n° 2000-494 du 6 juin 2000 institue une nouvelle
autorité administrative indépendante : la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Elle assure le
respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République,
sans empiéter sur les attributions que détient l’autorité judiciaire en matière de police judiciaire. Tout témoin ou
victime d’un manquement à la déontologie peut demander la saisine de la Commission. La réclamation est
adressée à un député ou un sénateur30
.
Les moyens techniques de la police sont encadrés, notamment dans l’usage de l’informatique. Selon la loi du 7
janvier 1978 sur l'informatique et les libertés, l'informatique est au service de chaque citoyen. Elle ne doit porter
26
Décision du Conseil constitutionnel n° 88-248 DC du 17 janvier 1989, Liberté de la communication audiovisuelle
[considérant 26] 27
Principe républicain. V. supra 28
Jeremy Bentham, Déontologie ou science de la morale, 1834. 29
Décret n° 86-582 du 18 mars 1986 30
Loi n° 2000-494 du 6 juin 2000 portant création d’une Commission nationale de déontologie de la sécurité, J. O. du 7
juin
Droit Administratif 70 atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni aux libertés individuelles ou publiques. Les
systèmes automatisés d'informations nominatives sont donc contrôlés, en matière de police comme dans les
autres ressorts de l'activité administrative. Les autorités de police doivent obtenir l'autorisation de la
Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL). Le législateur encadre également les écoutes
téléphoniques, longtemps pratiquées sans texte juridique précis31
. Une autorité administrative indépendante, la
commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, veille au respect des dispositions de la loi et
vérifie la légalité des écoutes.
L’utilisation de la vidéosurveillance à des fins préventives est également encadrée32
. Le Conseil
constitutionnel a estimé que pour améliorer la prévention des atteintes à l'ordre public, le législateur peut
habiliter le préfet à autoriser l'installation par les autorités publiques compétentes, de systèmes de
vidéosurveillance sur la voie publique et dans les lieux et établissements ouverts au public particulièrement
exposés à des dangers d'agression ou de vol. La mise en œuvre de ces systèmes est assortie de garanties de
nature à sauvegarder l'exercice des libertés individuelles. L'installation d'un système de vidéosurveillance est
autorisée par une commission départementale présidée par le préfet33
.
II. Contrôle juridictionnel de la police administrative Le juge judiciaire contrôle la police judiciaire et les mesures d'exécution qui affectent les libertés publiques. Les
tribunaux administratifs contrôlent la police administrative. Ce contrôle porte sur la légalité de l’acte de police.
Il conduit également à engager la responsabilité de l’autorité de police ou de l'administration.
a) Légalité de l’acte de police
Le juge administratif vérifie d’abord que l'autorité est bien habilitée à exercer les pouvoirs de police et qu'elle
respecte la dévolution des compétences instituée en la matière. Ainsi, la police ne peut faire l'objet d'une
convention et s'exerce nécessairement par voie d'acte unilatéral. L'autorité de police ne peut pas déléguer ses
pouvoirs à une autorité relevant d'une autre personne publique. Les pouvoirs de police administrative ne peuvent
pas non plus être conférés à des personnes privées. L’autorité de police a aussi des obligations. Lorsque la
nécessité l'exige, elle est obligée de préserver l'ordre public. Toutefois, cette obligation n'est ni générale, ni
absolue. Le juge administratif précise les conditions dans lesquelles elle se réalise. La mesure doit être
indispensable, en vue de faire cesser un péril grave, résultant d'une situation particulièrement dangereuse pour
l'ordre public" (CE 14 décembre 1959, Doublet, Rec. 540, D. 60, 191, RDP 1959, 1, 235, conclusions Bertrand).
Dans ce cas, l'inaction de l'Administration engage la responsabilité administrative.
Le juge contrôle les motifs de l’acte de police. Il vérifie la proportionnalité entre la mesure et le but recherché.
Le principe de proportionnalité des moyens suppose que la mesure de police soit adéquate. Dans un cas
d’espèce, la vente nocturne de boissons alcoolisées provoque des désordres fréquents et graves. La fermeture de
l’établissement n’est pas disproportionnée dès lors qu’elle vise à résoudre cette situation (C. E. 21 janvier 1994,
Commune de Dammarie-Les-Lys et société Carmag, D. 1994, inf. rap. P. 57). En revanche, une interdiction
générale et absolue sera illégale (C. E. 22 juin 1951, Daudignac).
31
Loi du 10 juillet 1991 sur le secret des correspondances émises par la voie des télécommunications 32
la loi du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité 33
Loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité, J.O. du 24 janvier 1995, p.
1249, complétée par le décret n° 96-926 du 17 octobre 1996 relatif à la vidéo-surveillance, J.O. du 20 octobre 1996, p.
15432
Droit Administratif 71 Le juge vérifie aussi l'étendue des mesures de police. La loi ne peut pas autoriser l’autorité de police à
édicter des interdictions générales et absolues. (Décision du conseil constitutionnel n° 94-352 DC du 18 janvier
1995, Loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, J.O. du 21 janvier 1995, p. 1154).
Lorsqu’une liberté publique est protégée par la constitution, le juge exerce un contrôle maximum sur la décision
de police qui tendrait à la limiter. Sur la liberté d'expression, le Conseil d'Etat annule l'interdiction d'un ouvrage
à scandale en considérant que "la diffusion de l'ouvrage ne présentait pas pour la jeunesse un danger d'une
gravité telle que le ministre de l'intérieur pouvait légalement s'abstenir d'abroger l'arrêté" d'interdiction (C. E. 27
juin 2005, Nicolas Genka, Dalloz 2005, J. 2360). En revanche, il est admis que d’autres libertés publiques
s’exercent compte tenu des exigences de l’ordre public. Ainsi de la liberté d’aller et de venir (T. A. Amiens, 16
octobre 1991, Touzer).
Le juge contrôle enfin le but des actes de police. Une autorité de police ne peut pas exercer ses pouvoirs en vue
d'objectifs autres que le maintien ou le rétablissement de l'ordre public. Faute de quoi elle commet un
détournement de pouvoir sanctionné par le juge dans le cadre du contrôle de légalité. (CE, 2 novembre 1939,
Bouglione, Rec. 549).
b) Responsabilité de l’autorité de police
L’autorité de police administrative engage la responsabilité administrative pour les dommages résultant de
l’utilisation de ses pouvoirs. L’acte de police administrative (règlement ou acte individuel) subit le droit
commun de la responsabilité administrative. L’exécution matérielle des actes de police engage la responsabilité
administrative pour faute lourde. Plus délicate est la question de la responsabilité pour un manquement
dommageable en matière de police administrative.
. Obligations de l’autorité de police en matière de sécurité
Selon la loi du 21 janvier 1995, la sécurité « un droit fondamental », […] « l’Etat a le devoir d’assurer la
sécurité en veillant, sur l’ensemble du territoire de la République, […] au maintien de la paix et de l’ordre
publics, à la protection des personnes et des biens ». Enfin, « le maire concourt par son pouvoir de police à
l’exercice des missions de sécurité publique » (article 7). Le maire et le préfet ont donc l’obligation de prendre
toute mesure préalable pour assurer la sécurité des citoyens. Par leur caractère préventif, ces mesures relèvent de
la police administrative. Elles doivent être adaptées aux circonstances.
. La sanction des obligations de l’autorité de police
L’autorité de police administrative qui ne prend pas les dispositions nécessaires pour satisfaire à ses obligations
engage la responsabilité administrative de sa collectivité. Selon la jurisprudence du Conseil d’Etat, la
responsabilité administrative est engagée à trois conditions : « la mesure doit être indispensable, pour faire
cesser un péril grave résultant d’une situation particulièrement dangereuse pour l’ordre public ».
Sur le plan pénal, l’article 223-1 du Code pénal punit d’un an d’emprisonnement et de 100.000 francs d’amende
le fait « d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessure de nature à entraîner une
mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de
sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ». Après avoir autorisé une manifestation culturelle
ou sportive, le maire prend les dispositions qui permettent de parer à tout débordement, en accord avec
l'organisateur. En cas d'inaction, un accident peut engager sa responsabilité pénale.
Droit Administratif 72
B. Contrôle des mesures exceptionnelles de police
Dans une situation exceptionnelle, face à des troubles particulièrement graves, l'autorité de police prend les
mesures nécessaires au rétablissement de la situation.
I. Les actes de police en cas de circonstances
exceptionnelles La théorie des circonstances exceptionnelles est d'origine jurisprudentielle. Elle apparaît au cours de la première
guerre mondiale. En cas de circonstances exceptionnelles, le Conseil d'État assouplit considérablement son
contrôle sur les actes de police administrative34
. Toutefois, la légalité n'est pas totalement écartée. Il s'agirait
plutôt d'une légalité aménagée pour répondre aux exigences supérieures de l'intérêt public. Le juge vérifie
d'abord l'existence des circonstances exceptionnelles ensuite l'adéquation entre les mesures et ces circonstances.
II. Régimes législatifs spéciaux de police administrative En réponse à une situation exceptionnelle, la législation prévoit des formules d'organisation administrative
adaptées. Celles-ci se traduisent généralement par une extension des pouvoirs reconnus aux autorités de police,
civiles ou militaires.
Le régime de l'état d'urgence est mis en place par la loi du 3 avril 1955, modifiée par une ordonnance n° 60-
372 du 15 avril 1960. L'état d'urgence est proclamé "soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à
l'ordre public, soit en cas d'événements présentant par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité
publique". Dans l'état d'urgence, le préfet exerce des prérogatives exceptionnelles en matière de police.
Traditionnellement, le Conseil d'État observe un contrôle minimum sur ces décisions.
Le régime de l'état de siège répond à une situation de crise d'une exceptionnelle gravité. Selon l'article 36 de la
Constitution, l'état de siège est décrété en Conseil des ministres. Le décret est signé du Président de la
République. Sa prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par le Parlement. Le régime de
l'état de siège est précisé par la loi du 9 août 1849, modifiée par la loi du 16 décembre 1992, relative au nouveau
code pénal. Ce régime exceptionnel de police ne peut être déclaré qu'en cas de péril imminent, résultant d'une
guerre étrangère ou d'une insurrection à main armée. L'autorité militaire exerce tous les pouvoirs normalement
dévolus à l'autorité civile pour le maintien de l'ordre et la police. Ces prérogatives exorbitantes sont assorties de
garanties. Pendant l'état de siège, les citoyens disposent de tous les droits, garantis par la Constitution, dont
l'exercice n'a pas été expressément suspendu. Le juge administratif apprécie la légalité de la décision déclarant
l'état de siège.
34
supra