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Droit International Public Introduction générale Chap 1 : la notion de Droit International Public Section I un droit "international" par son objet ? §1 un droit régissant les relations interétatiques Le droit international est le droit qui régit les relations entre les États et entre les individus de différents États. International peut signifier interétatique, les DIP serait donc l'ensemble des règles juridiques qui régissent les relations entre les États souverains. Le droit international privé serait donc le droit régissant les relations entre personnes privées. => Cette solution la plus simple n'est pas la meilleure A/ les fondements des relations interétatiques a) égalité de droit des États : la souveraineté La souveraineté peut être vue comme la puissance suprême de l'État , la "summa potestas". Cette définition interne de la souveraineté est difficilement transposable en DIP. Du point de vue du DIP, ce n'est pas une puissance suprême, car cela n'existe pas. La souveraineté est définie de manière négative : un État souverain signifie qu'il n'est soumis à aucune autorité ou pouvoir supérieur . C'est la suprématie de la puissance (qui est la même pour tous les États). Les 193 États du monde sont égaux en droit : c'est le principe de base. Ce n'est pas une égalité concrète, mais ils ont le même statut et les mêmes droits. La majorité des règles du DIP sont indifférentes aux différentes caractéristiques des États. C'est un principe théorique. b) inégalité de fait entre les états

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Droit International Public

Introduction générale

Chap 1 : la notion de Droit International Public

Section I un droit "international" par son objet ?

§1 un droit régissant les relations interétatiques

Le droit international est le droit qui régit les relations entre les États et entre les individus de différents États. International peut signifier interétatique, les DIP serait donc l'ensemble des règles juridiques qui régissent les relations entre les États souverains. Le droit international privé serait donc le droit régissant les relations entre personnes privées.

=> Cette solution la plus simple n'est pas la meilleure

A/ les fondements des relations interétatiques

a) égalité de droit des États : la souveraineté

La souveraineté peut être vue comme la puissance suprême de l'État, la "summa potestas". Cette définition interne de la souveraineté est difficilement transposable en DIP. Du point de vue du DIP, ce n'est pas une puissance suprême, car cela n'existe pas. La souveraineté est définie de manière négative : un État souverain signifie qu'il n'est soumis à aucune autorité ou pouvoir supérieur. C'est la suprématie de la puissance (qui est la même pour tous les États). Les 193 États du monde sont égaux en droit : c'est le principe de base. Ce n'est pas une égalité concrète, mais ils ont le même statut et les mêmes droits. La majorité des règles du DIP sont indifférentes aux différentes caractéristiques des États. C'est un principe théorique.

b) inégalité de fait entre les états

Il existe d'énormes disparités dans les faits : de territoire, de population, de richesse, de développement, d'accès ou non à la mer, de ressources naturelles, de niveau de vie, … Cela a une influence sur les relations internationales. Il existe dans les faits un rapport de domination.

Parfois, le droit institutionnalise ces différences en donnant des avantages aux grandes puissances – ex : les 5 membres permanents du conseil de sécurité de l'ONU (qui en comporte 15) + leur pouvoir exorbitant de veto / l'assemblée générale de certaines organisations internationales, comme le FMI ou la Banque Mondiale où 1$ = 1voix, quand c'est habituellement 1 État = 1 voix. Le pouvoir est réparti en fonction de la puissance économique.

Cependant, le principe d'égalité en droit reste fondamental, même s'il ne peut faire disparaître d'un coup toutes les inégalités de fait. Ce principe est le socle de l'ordre juridique international. Il protège surtout les faibles.

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B/ les conséquences pour l'ordre juridique

a) le caractère consensuel des liens juridiques

Personne ne peut en principe imposer à un État quelque chose qu'il ne souhaite pas en raison du principe de souveraineté. Mais les États acceptent volontairement : c'est la base de toute la structure internationale.

b) la soumission à un droit interétatique

Seul le DIP peut s'appliquer :

ce n'est pas du droit interne car les États sont souverains. Aucun ne peut être soumis contre son grès à un droit produit unilatéralement par un autre État – ex : la France ne peut admettre que ses relations diplomatiques soient réglementées par le droit anglais. Dans le cas d'un litige entre les deux pays : quel droit faudrait-il choisir ? Le droit interne ne s'applique donc dans les relations internationales que sur des questions très techniques et après des accords entre les deux États.

ce n'est pas du droit super-étatique (une entité supérieure aux États capable de légiférer et de leur imposer des normes sans leur consentement). L'égalité serait respectée mais pas la souveraineté. De plus, cette entité n'existe pas. À un moment, on a pu penser qu'elle existait avec l'ONU. Mais dans un avis consultatif de 1949, "réparation des dommages subis au service des Nations Unies", la cour internationale de justice a déclaré que l'ONU est "une personne internationale. Cela n'équivaut pas à dire qu'elle est un État et encore moins à dire qu'elle est un super-État, quelque soit l'expression utilisée". Ses seuls pouvoirs sont décrits dans la Charte des Nations Unis et sont ceux que les États ont bien voulu lui accorder.

Le DIP n'est donc pas un droit unilatéral (comme les droits nationaux) mais un droit collectif, interétatique : principe d'égalité et de souveraineté respectés.

§2 un droit régissant d'autres types de relations

A/ relations impliquant une organisation internationale

Comme l'ONU qui a la personnalité internationale, mais aussi toutes les organisations internationales (intergouvernementales) comme il y en a des centaines – ex : l'UNESCO, l'UE, l'OMS. Le DIP s'applique (quant aux statuts, droits et obligations). Il s'applique également pour tous les traités conclus entre elles et pour les relations entre une organisation et un État.

Il ne faut pas confondre avec les ONG, qui ne sont pas composées d'États mais d'individus. Le DIP ne s'applique pas pour elle, il s'agit des différents droits nationaux.

B/ relations transnationales

Le DIP concerne exceptionnellement certains aspects de ces relations. Les relations transnationales sont les relations internationales (éléments d'extranéité) qui mettent en présence deux personnes (physiques ou morales) dont l'une au moins n'est pas un État – ex :

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un mariage entre deux personnes aux nationalités différentes / un contrat entre deux entreprises de nationalités différentes.

Ces relations sont essentiellement soumises aux droits nationaux des États. Les tribunaux et règles juridiques ont donc un champ d'action qui dépasse les relations purement internes et vont jusqu'aux relations transnationales. Quel juge est alors compétent ? Et quel droit ? Il faut élaborer des règles pour en décider : ce sont les règles de conflits de juridiction et de lois.

Chaque État détermine librement et de manière unilatérale ses règles de conflits. Il s'agit de droit international privé. C'est le droit d'origine étatique qui régit les relations transnationales en désignant l'ensemble des règles relatives aux conflits de lois et de juridiction qui s'appliquent.

Mais le problème n'est que repoussé car deux États peuvent donner des solutions différentes et contradictoires – ex : les juges se déclarent tous deux compétents et donnent deux solutions différentes sur le fond.

Il y a donc un besoin de trouver des solutions uniformes : des traités et des règles coutumières pour une uniformisation des droits internes. Ainsi le DIP régit une partie du droit international privé.

C/ relations internes

Ex : droit du travail, un français travaille pour une entreprise française. Mais des règles du droit du travail viennent par exemple de l'organisation mondiale du travail dont la France est membre. Les traités font directement du droit interne français (valeur supérieure aux lois internes). Cela vaut pour tous les domaines dans lesquels le droit international intervient, comme la protection internationale des droits de l'Homme. La France a ratifié un très grand nombre de conventions internationales qui protègent les droits de l'Homme au niveau européen mais aussi international – ex : la convention européenne des droits de l'Homme. Ces protections fonctionnent pour tous ceux qui sont sur le territoire : nationaux et étrangers.

Il est donc impossible de définir le DIP comme ne régissant que les relations interétatiques (ce n'est que partiellement vrai). L'objet peut être de régir des relations interétatiques mais pas seulement. On ne peut définir "international" par son objet, mais on le peut par ses origines.

Section II un droit "international" par ses origines

§1 un droit produit par le concours de deux ou plusieurs États …

Il faut au moins deux personnes morales particulières que sont les États.

§2 … ou par des entités auxquelles les États ont reconnu une capacité normative

Les États reconnaissent une capacité normative à d'autres personnes, les organisations internationales (traités, résolutions obligatoires).

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=> le DIP est l'ensemble des normes qui ont pour origine l'accord de deux ou plus États ou qui émanent d'entités auxquelles les États ont accordé le pouvoir de créer des normes internationales.

Section III les fonctions du droit international

§1 le changement perpétuel du droit

Le droit change sans cesse. Le DIP change-t-il car le monde change, ou l'inverse ? Les deux. Ce n'est plus un "droit des diplomates". Il a beaucoup évolué. Il concerne maintenant la vie quotidienne des individus dans tous les domaines. Mais quelle que soit la perpétuelle évolution du DI, sa principale fonction reste la même : permettre d'assurer la coexistence pacifique entre les Etats et promouvoir la coopération entre les Etats dans tous les domaines possibles.

§2 la continuité de ses fonctions principales

A/ la fonction de coexistence pacifique

L'ordre juridique international moderne a été mis en place en 1648 par le traité de Westphalie, qui met fin à la Guerre des Trente Ans (guerre des religions). Jusqu'à cette date, lors des différends, la solution été la guerre. Mais un épuisement est survenu, on s'est rendu compte qu'une guerre ne pouvait jamais régler un problème pour toujours. Le traité de Westphalie a fondé les principes de souveraineté et d'égalité souveraine. La règle était désormais : "Cuius regio, eius religio" – Chacun a le droit de choisir sa propre religion sur son territoire, sans qu'une autorité extérieure puisse dicter une autre version de la religion (par ex. le pape). Mais ce principe ne concernait pas seulement la religion, mais les décisions prises par un souverain en général (ces dernières ne pouvaient pas être mises en cause par une autorité extérieure).

Ce principe de la souveraineté cherche à atteindre une coexistence pacifique. Or, le DI depuis le traité de Westphalie essaie d'établir un minimum d'ordre entre ces entités antagoniques que sont les Etats, de les maintenir pacifiquement à l'écart les uns des autres. Le DI va en fait être créé exclusivement autour de cet axe.

La fonction de la coexistence pacifique est négative – il s'agit de ne rien faire qui puisse gêner les autres. Pour cela, on n'a pas besoin d'une organisation – et c'était le cas pendant longtemps. Mais les Etats ont progressivement compris, surtout à la fin du XIXe siècle, qu'il faut agir ensemble pour accomplir certaines choses. On a réalisé qu'on avait besoin de dépasser un droit qui était state-minded et établir un droit community-minded, pour faire face à des défis internationaux. On est désormais passé d'une simple obligation de ne pas faire, à une obligation de faire.

B/ la fonction de coopération

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Chap 2 : l'originalité du droit international public

Section I la spécificité de l'ordre juridique international

Cette spécificité est incontestable. L'ordre juridique international est fondé sur une logique complètement différente de celle du droit interne. En fait l'ordre juridique international est un ordre anarchique.

§1 l'ordre interne, un ordre hiérarchisé

Quelque soit l'ordre interne, il est toujours hiérarchisé, fondé sur une hiérarchie, construit entièrement sur le fondement de la souveraineté de l'Etat.

A/ la "puissance suprême" de l'État

L'ensemble de l'ordre interne est fondé sur ce principe constitutionnel de souveraineté. Cela signifie qu'il a la puissance suprême à l'intérieur de l'Etat. Cela lui permet de briser la résistance de tout rival potentiel – personnes physiques, morales, morales de droit public, CT... Cela signifie une différenciation hiérarchique entre l'Etat et les autres personnes, qui sont assujetties à l'Etat (même dans le cas d'une fédération – car l'Etat fédéral est le seul à disposer du pouvoir suprême, et les Etats fédérés n'existent qu'aussi longtemps qu'ils respectent cette puissance suprême).

B/ les conséquences

Au titre de la puissance suprême, l'Etat dispose de 3 pouvoirs.

a) existence d'un pouvoir législatif

L'Etat peut créer de manière unilatérale des normes qui seront opposées à tous les sujets du droit immédiatement. (Les individus peuvent également créer des normes – ex : des contrats. Mais premièrement, ils ne s'imposent qu'aux parties, et en plus ils n'existent qu'aussi longtemps qu'ils respectent les normes fixées par l'Etat).

b) existence d'un pouvoir juridictionnel

L'Etat met en place des tribunaux capables de résoudre des litiges et appliquer les droits qu'il crée de manière unilatérale.

c) existence d'un pouvoir exécutif

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Cela lui permet d'exécuter les règles édictées et des décisions prises. Cette exécution peut prendre deux formes : l'exécution d'office (l'Etat se substitue à l'individu défaillant et exécute à sa place – ex : voiture garée sur une place interdite – l'Etat exécute à notre place, la voiture dégagée) et l'exécution forcée (on se sert de la contrainte).

§2 l'ordre international, un ordre anarchique

On dit souvent que la société internationale est une société anarchique, cad sans chef. Cela signifie qu'il n'y a pas de commandement suprême, pas de pouvoir suprême. Or, en DI, la notion de puissance suprême ne peut pas être retenue. Car il n'y a pas de puissance suprême aux Etats, les Etats sont souverains et tous égaux.

Le terme se confondait souvent avec un désordre – s'il n'y a pas de chef, il y a chaos, désordre,... (Cela a été le cas à certaines reprises). Mais une société qui est à 100% anarchique peut être coordonnée et logique, et elle existe – c'est la société internationale.

Donc il y a une communauté internationale composée d'Etats qui sont tous souverains et égaux. La société internationale ignore la notion de pouvoir.

A/ l'absence de "puissance supérieure" aux États

a) absence de pouvoir législatif

Il n'y a pas de parlement mondial capable de légiférer pour tout le monde. Les résolutions de l'ONU ne sont pas obligatoires pour tous.

b) absence de pouvoir juridictionnel

Il y a beaucoup de tribunaux et cours internationaux, mais ceux-ci ne s'imposent pas automatiquement aux Etats.

c) absence de pouvoir exécutif

Il n'y a pas de "gendarme" capable d'assurer le rôle de l'exécution. Pas d'organe supérieur aux Etats. Le conseil de sécurité de l'ONU peut intervenir sur la base de la charte des Nations Unies mais pour assurer certaines fonctions, qui restent très limitées : que des situations extraordinaires qui menacent la paix internationale.

Conclusion : en droit international, il n'y a pas de pouvoirs supérieurs aux Etats. Mais les trois fonctions sont tout de même remplies, suivant une logique différente de celle du droit interne.

B/ les conséquences

a) comment est assurée la fonction législative ?

Elle est bien assurée. Il y a énormément de règles internationales et une grande demande de ces normes. Or si un pouvoir législatif n'existe pas, d'où viennent toutes ces règles ? Elles

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viennent des Etats eux-mêmes agissant ensemble. La fonction législative est assurée de manière collective. La voie conventionnelle (traités) est la plus répandue. Mais il y a aussi d'autres voies – ex : coutume internationale. Parfois, le droit peut être créé pour deux Etats seulement, ou pour une région spécifique, ou bien sur le plan universel – ex : charte des NU qui engage tous les Etats du monde. Les normes internationales sont relatives : elles lient chacun des Etats qui les ont acceptées (de manière expresse ou tacite) avec les autres Etats qui ont fait de même, mais elles ne lient pas les autres Etats qui ne les ont pas acceptées.

La création des traités en droit international est inspirée par le droit privé interne, sauf qu'il n'y a pas d'organe supérieur pour encadrer la création de ces traités.

b) comment est assurée la fonction juridictionnelle ?

Il y a un très grand nombre de juridictions internationales : la plus importante, la Cour Internationale de Justice (CIJ), mais toute une série d'autres juridictions qui rendent aussi des arrêts très importants. Il y aussi des organes quasi-juridictionnels – ex : commission des droits de l'Homme de l'ONU. Il y a des tribunaux pénaux spéciaux – ex : pour l'ex-Yougoslavie, pour le Rwanda. Il y a la Cour Pénale Internationale, qui a une compétence plus générale. D'autres ont un domaine très précis – ex : droit de la mer.

Parfois on ne trouve pas de solution juridictionnelle acceptée, car c'est tout à fait différent du droit interne. Il faut que les Etats acceptent la compétence des tribunaux : en quelque sorte, il faut accepter d'être jugé pour être jugé. Mais cela ne veut pas dire qu'à chaque fois qu'il y a un litige, on demande à l'Etat s'il veut être jugé. Généralement, ils le font une fois pour toute au début. La compétence d'une juridiction peut être prévue dans une convention.Parfois les Etats acceptent d'être jugés pour un certain type de litiges (dans un domaine précis). Pour d'autres litiges, la cour doit se déclarer incompétente – ex : affaire du Cachemire entre l'Inde et le Pakistan, jamais jugée.

c) comment est assurée la fonction exécutive ?

Pas de gendarmes internationaux, mais elle est assurée.

En partie, par le conseil de sécurité de l'ONU, mais seulement pour une petite partie. Il peut dans certains cas extraordinaires adopter des sanctions qui s'imposent à tous les membres (=tous les Etats du monde). Cela peut être ambigu pour certains Etats qui ne sont pas reconnus par tous – ex : le Kosovo, Taïwan. Le conseil peut prendre des sanctions non militaires (embargo, etc) voire militaires (accepter un recours à la force). Mais ce pouvoir ne concerne que certaines situations extraordinaires avec des différends très importants qui menacent la paix et la sécurité internationales. Si ce n'est pas le cas, le conseil ne peut adopter de sanctions. Il n'est pas un organe général d'exécution internationale.

La fonction exécutive est surtout exercée par les Etats eux-mêmes. Ils ont la possibilité d'adopter des mesures de rétorsion et des mesures de représailles (=contre-mesures). Les Etats ont la possibilité de se faire justice eux-mêmes, faute d'un organe exécutif central supérieur à eux.

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Les mesures de rétorsion sont des réactions licites à l'illicite (on ne dit pas légal, car il n'y a pas vraiment de lois au niveau international). Cela signifie qu'un Etat, chaque fois qu'il considère qu'un autre Etat a violé le droit international en lui causant un dommage, peut prendre des mesures pour qu'il cesse l'acte illicite. Cela ne pose pas de problème car ces mesures sont licites – ex : notes diplomatiques, révocation de certaines diplomates (jusqu'à l'ambassadeur), rupture des relations diplomatiques (comme les USA et l'Iran depuis plus de trente ans). Un Etat a parfaitement le droit de faire tout cela. Il y a aussi d'autres mesures de pression – ex : arrêter une négociation sur un traité, mettre l'Etat sur la liste des Etats auxquels on ne livre plus d'armes, etc.

Les mesures de représailles (contre-mesures) sont des réactions illicites à l'illicite mais dont l'illicéité est effacée compte tenu du fait qu'il s'agit de réactions à un acte illicite initial d'un autre Etat et qu'elles ont pour objectif de mettre fin à cet acte illicite. Il s'agit de mettre "le mal au service du bien" : c'est autorisé. Ce mécanisme est très répandu dans l'ordre international et inexistant en ordre interne. Il ne s'agit pas non plus de la loi du Talion. L'objectif n'est pas de punir mais d'exercer une pression – ex : les USA prennent des mesures contre l'importation de pneus chinois. La Chine trouve que c'est illégal, donc elle va augmenter les droits de douane pour les poulets US : c'est un acte illicite mais cela ne sera pas jugé car c'est une contre-mesure. Ces contre-mesures jouent un rôle très efficace, surtout dans le domaine du commerce. Souvent, elles sont très dissuasives. Cependant, elles ne sont pas pour autant la "loi de la jungle". Elles sont extrêmement bien encadrées par le droit international qui pose des conditions rigoureuses pour leur application – ex : une contre-mesure ne peut jamais être militaire.

Section II l'existence de l'ordre juridique international

§1 les problèmes existentiels du droit international

A/ les thèses négatrices du droit international

Il existe deux types de négation du DI : sociologique et juridique.

Négation sociologique – le DI n'existe pas, il n'est que la politique poursuivie par d'autres moyens. Aaron : "une incitation permanente à l'hypocrisie". La seule chose qui existe, c'est la raison du plus fort, qui est toujours la meilleure. Le DI ne serait qu'un outil dont les Etats se servent bien plus qu'ils ne le servent – Jelinek : "Le DI existe pour les Etats, mais non les Etats pour le DI". De Gaulle : "Les traités internationaux sont comme les roses et les jeunes filles – ils durent ce qu'ils durent". La seule chose qui existe, c'est l'opportunisme des Etats, qui veulent promouvoir leurs intérêts politiques en utilisant le DI comme outil.

Le DI semble se prêter à ce jeu de manipulations– ex : lorsque l'intervention militaire par un Etat sur le territoire d'un autre Etat est interdite en DI, on qualifiera l'intervention d'humanitaire etc. Le DIP est un outil de légitimation. Talleyrand : " La non-intervention a le même sens qu'intervention ".

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Négation juridique – un ordre juridique sans pouvoirs exécutif, législatif et juridictionnel ne peut être considéré comme un ordre juridique (comparaison avec le droit interne). Il est reproché au DI ne n'avoir pas de sanction automatique. Hans Kelsen avait mis en cause la juridicité du DI en disant que finalement un ordre juridique ne peut être qu'un ordre de contrainte, or dans une société internationale il n'y a pas de sanction automatique pour chaque violation du droit. Pas d'ordre de contrainte = pas d'ordre juridique. Cela a été exprimé cela avant : sans l'épée, les pactes ne sont que des mots. Le DI ne serait alors qu'un droit primitif mais pas un véritable droit.

B/ la réfutation de ces thèses : la réalité du droit international

Négation sociologique - "Le DI existe, je l'ai rencontré" Prosper Weil (paraphrase de Dieu existe..). Le DI joue un rôle extrêmement important dans le règlement des relations interétatiques mais aussi dans un très grand nombre de domaines. La plupart des relations quotidiennes des Etats sont régies par le DI. Il ne se limite pas aux rapports entre les chancelleries, il affecte la vie quotidienne des individus dans les domaines les plus variés de leur existence. Cette application quotidienne du DI n'est pas médiatisée. Une seule violation du DI retiendra beaucoup plus l'attention des médias qu'un million d'applications scrupuleuses de ce droit - ex : dans un monde sans DI, il serait impossible de prendre l'avion. Ou alors ce serait risqué. Les avions n'entrent pas en coalition grâce au DI car les Etats ont conclu des traités qui définissent les couloirs que les avions doivent prendre, etc. / il n'y aurait plus de protection internationale des droits de l'Homme (CEDH par exemple) / on ne pourrait lutter contre le changement climatique / … Dans la vie quotidienne : l'heure (le concept de seconde a été défini dans une convention internationale, idem pour les fuseaux horaires), les logiciels, standardisation des rails ferroviaires, union postale, …

Le DI existe donc bien, on le rencontre chaque jour. Et les Etats en tiennent compte, même quand ils le violent (ce qui est rare) : ils essayent de justifier leur comportement vis-à-vis de lui – ex : envahissement de l'Irak par les USA même Bush a essayé de monter une argumentation juridique pour justifier ce recours à la force en le présentant comme une exception au DI.

Négation juridique – ce n'est pas parce que les règles du DI sont parfois violées qu'elles perdent de leur caractère de règle juridique. C'est pareil en droit interne : des automobilistes brûlent des feux rouges sans être sanctionnés. C'est précisément car il y a un risque de violation que la règle existe. Il ne faut pas confondre la violation d'une règle avec son existence propre.

Peut-on imaginer un ordre juridique sans sanction automatique ? Ce n'est pas parce que chaque violation n'est pas immédiatement sanctionnée qu'on peut remettre en cause l'existence du DI. La sanction n'est pas un élément de la définition du droit, cad qu'elle n'est pas substantielle à l'obligation juridique. Il en va de même pour les droits nationaux, pour bon nombre d'entre eux. Il n'y a pour certains pas de moyen pour contraindre l'Etat d'accepter ses obligations : on n'utilise pas la force publique contre elle-même. Les cours suprêmes (en France : constitutionnelle) sont souvent tout aussi dépourvues pour faire respecter un grand

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nombre de leurs décisions que ne le sont les tribunaux internationaux. Pourtant personne n'a jamais mis en cause la juridicité du droit constitutionnel ou administratif. Le DI est juste un droit différent, mais un droit cohérent qui joue un rôle majeur. Paradoxalement, c'est un droit très respecté (majorité écrasante des cas). Spontanément, les Etats l'applique sentiment que les RI doivent être ordonnées pour avoir la paix.

§2 la question du fondement du droit international

Pourquoi les Etats, entités par définition souveraines, qui n'obéissent à aucune autorité supérieure, sont-ils tenus de respecter la règle du DI? Il y a deux grandes théories.

A/ les deux théories existantes

a) le volontarisme

C'est l'idée que le DI, sa force obligatoire, repose sur la volonté des Etats souverains. Initialement, les Etats disposaient d'une liberté qui leur permettait de tout faire. Au fur et à mesure, ils ont accepté des obligations volontairement de ne pas faire quelque chose. L'idée prônée par le volontariste est que tous les phénomènes du DI sont des phénomènes d'autolimitation acceptés par les Etats des chaînes sous la forme de normes juridiques (traités, coutume, etc).

Cette position a été consacrée dans un arrêt célèbre – cour permanente de justice internationale (ancêtre de la cour de justice internationale) : "Lotus", 1927 (France contre Turquie). Le Lotus était un navire français qui se dirigeait vers le port d'Istanbul mais qui en haute mer est entré en collision avec un navire turc (8 morts turcs). Le Lotus, endommagé, arrive à Istanbul. Les autorités turques ont arrêté le commandant français et ont voulu le juger pour homicide involontaire. Problème : est-ce que la Turquie peut juger un français pour un crime commis hors de son territoire, mais en haute mer = des eaux internationales.[Un Etat peut exercer sa juridiction dans deux conditions : compétence territoriale (y compris la mer territoriale) + compétence personnelle (la nationalité de l'auteur du crime).]

Le problème ici est que le crime a été commis par un français à l'étranger. Dans cette affaire, la cour se trouve devant une question importante de principe. Sa démarche est très volontariste. La Turquie dit :"montrez moi une règle qui m'interdit de juger ce capitaine". Alors que la France dit qu'il faut qu'elle montre une règle qui le lui permette. Selon la voie suivie, les résultats seront complètement différents. La cour a choisi la méthode proposée par la Turquie : ce qui n'est pas expressément prohibé est juridiquement permis. "Les règles de droit liant des Etats procèdent donc de la volonté de ceux-ci". La Turquie a eu le droit de juger le capitaine français. Cette décision a été très controversée.

Un Etat ne peut être engagé que volontairement. Toute porte est ouverte du moment que l'Etat n'a pas décidé de s'interdire de le faire. Mais si la seule chose qui compte est la volonté, ne privilégie-t-on pas l'égoïsme au détriment de certaines valeurs (solidarité, justice, morale,

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etc)? Même si on a un problème, les Etats ne peuvent avoir d'obligations que s'ils l'acceptent – ex : problèmes climatiques. De même, deux Etats peuvent passer un contrat pour commettre un génocide, si rien ne l'interdit.

Cependant, cette théorie est toujours très actuelle – ex : la CIJ a été saisie d'une demande d'avis consultatif, formulée par l'Assemblée générale de l'ONU, qui portait sur la question de la licéité de l'utilisation de l'arme nucléaire : est-il permis ou non de l'utiliser ? L'arrêt "Lotus" a été utilisé, pour plaider en faveur de l'utilisation de l'arme nucléaire.

b) l'objectivisme

Face à la théorie volontariste, qui semblait excessive ou qui semblait freiner le progrès, est apparue la théorie objectiviste (sociologique). Cela signifie que le droit est objectif : il ne dépend pas de la volonté des Etats. C'est une théorie selon laquelle le droit répond à des nécessités sociales, à certaines valeurs morales. Ces droits s'imposent aux Etats, même indépendamment de leur volonté. L'élément subjectif disparait.

Certains objectivistes ont fait appel au droit naturel : le droit a été dicté soit par Dieu, soit par "la droite raison" supposée gouverner le droit (Grotius). Selon d'autres, le droit doit répondre à des exigences morales, à certaines valeurs, que les Etats soient d'accord ou non. D'autres encore mettent en avant la notion de solidarité qui s'impose à tous – ex : juriste du tiers-monde pour promouvoir le droit au développement.

Il est facile de faire la critique de cette approche qui est très dangereuse. Elle n'est nullement scientifique car elle ne propose aucun critère de formation des règles. On ne sait pas comment les règles sont créées. Les objectivistes sont dans une confusion continue entre le droit désiré et le droit établi, celui qui existe. L'objectivisme est une approche très subjective beaucoup plus que le volontarisme : car aucunes des valeurs invoquées ne parlent d'elles-mêmes, elles ont besoin d'interprètes – ex : le droit naturel dans sa version religieuse. Qui décide de ce qui est moral ? C'est dangereux. Les Etats les plus puissants vont essayer d'imposer comme une vérité objective une lecture éminemment subjective qui favorise leurs propres intérêts.

c) conclusion : la pertinence incontestable d'un volontarisme modéré

La pratique montre que les Etats se relèvent souvent très opportunistes – ex : volontarisme pour soi-même & objectiviste pour les autres. Dans les 50s, les Etats occidentaux se penchent vers l'objectivisme avec la décolonisation, obtenue grâce à l'ONU (conquête majeure du DI pendant le XXème siècle 110 Etats nouveaux). La question qui se pose est très délicate : est-ce que ces Etats nouveaux doivent être considérés comme étant soumis au DI ? La théorie volontariste n'est là pas suffisante car les nouveaux Etats n'avaient pas pu participer à la formation du DI jusque là : ils n'étaient donc pas liés et n'avaient rien accepté. Ces Etats voulaient accepter certaines choses et d'autres non, sous prétexte qu'ils n'avaient pas participé – ex : ils ne voulaient pas accepter toutes les règles commerciales. D'autres voulaient considérer qu'ils étaient tout de même liés, car c'était une nécessité sociale.

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Mais rapidement, on a eu au sein de l'ONU un renversement complet de l'AG, cad qu'il y avait une majorité des Etats issus de la décolonisation, ce qui allait fragiliser les Etats occidentaux. Les Etats ont donc tout de suite abandonné la théorie objectiviste pour la théorie volontariste. Ils avaient peur d'être engagés de force par l'AG de l'ONU. Inversement, les Etats du tiers-monde ont commencé à avoir une vision objectiviste, alors qu'ils étaient volontaristes au départ.

Encore aujourd'hui, certains Etats ne voient pas de problème à avoir ce double langage : volontariste ou objectiviste, comme ça les arrange.

Dans l'affaire des armes nucléaires, on avait demandé à la cour si une attaque comme Hiroshima pourrait être considérée comme compatible avec le DI aujourd'hui (même en légitime défense). La France et toutes les puissances nucléaires occidentales (+ la Russie), surtout la France qui était la plus extrême : tout ce qui n'est pas prohibé est permis, et la France n'a jamais accepté une norme expresse prohibant l'arme nucléaire, même dans une situation licite de recours à la force.

Les Etats sont très contradictoires. Donc il n'y a pas de réponse pour savoir les fondements du DI ? Non, au contraire, le droit international reste un droit volontariste. Heureusement, la théorie objectiviste ne l'a pas emporté, elle est trop dangereuse (aucune sécurité juridique ni prévisibilité). Mohammed Bedjaoui (ex-président de la CIJ) : "le DI n'a pu historiquement et ne pourra encore longtemps être autre chose qu'un droit reposant sur le consentement expresse ou tacite des Etats".

Mais la théorie objectiviste a réussi à influencer sur la construction du DI et à nuancer l'approche volontariste rigide. Plusieurs notions ont fait leur entrée grâce à cela – ex : notion de "jus cogens" cad du droit impératif. Par ailleurs, les valeurs morales ont imprégné le droit mais en passant par la formation classique du droit volontaire (traités, etc). Il est donc possible de conclure que le DI reste un droit volontaire mais modérément pas de volontarisme extrême, tel qu'il a pu être présenté quelqu'un sur la base de la jurisprudence "Lotus". Cela signifie qu'il n'y a aucun doute sur le fait que la volonté des Etats de s'engager joue un rôle majeur. Mais cela ne veut pas dire que cette volonté est omnipotente. Elle joue un rôle très important au moment de l'engagement. L'Etat décide librement de s'engager ou non. Mais après cela, si un Etat décide de ratifier un traité, la volonté recule car ils ont accepté une règle selon laquelle il faut appliquer les traités. Un Etat ne peut pas dire : "ah, non, je ne l'applique pas aujourd'hui". Une fois engagés, les Etats ont l'obligation de respecter les traités. On pourrait dire que ce qui marque le DI aujourd'hui est le rôle fondamental de la volonté au moment de l'engagement.

Existe-t-il des situations où un Etat pourrait se trouver engagé contre sa volonté ? On pourrait croire, mais ce n'est qu'une illusion, que cela est arrivé. Hypothèse de travail : les Etats ne sont jamais engagés contre leur volonté.

Il ne s'agit pas d'un volontarisme extrême – ex : argumentation de la France lors de l'affaire des armes nucléaires. On peut contre-argumenter : rien n'interdit la France de recourir à l'arme nucléaire, mais elle a accepté tout un ensemble d'accords – ex : droit des conflits armés, il ne

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faut pas attaquer de civils, même si on vise des cibles militaires il faut utiliser des armes précises. Donc on peut se dire que certaines armes ne sont pas prohibées elles-mêmes, mais dans leurs effets (=la mort de beaucoup de civils). Réponse de la cour très ambiguë : en principe, l'utilisation de l'arme nucléaire devrait être considérée comme contraire au droit des conflits armés mais on ne peut pas savoir si en position de légitime défense, si la survie de l'Etat est en jeu, on ne pourrait pas s'en sortir …

Première partie :

LA FORMATION DES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX

A partir de quel moment les règles sont-elles opposables aux Etats ? Quelles sont les sources du DI ?

A38 du statut de la CIJ : la cour applique les conventions internationales, la coutume internationale, les principes généraux du droit reconnues par les nations civilités, les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit.

Chap 1 : la formation conventionnelle

= des traités internationaux.

Remarques introductives :

A/ définition du traité

Quelle est la différence entre un traité et un autre terme ? – ex : convention, protocole, charte, statut, etc. Aucune ! Ce n'est pas le titre qui renseigne sur le caractère juridique. Inversement, ce n'est pas parce qu'un texte porte le titre "accord" qu'il s'agit d'un traité engageant les Etats. La seule façon de savoir si le texte est un traité qui engage les Etats est d'appliquer la définition un traité est une manifestation de volontés concordantes imputable à deux ou plusieurs sujets de droit international et destinée à produire des effets de droit selon les règles du droit international.

a) "manifestation de volontés concordantes"

Pour avoir un accord, il faut un concours de volontés entre les parties. Encore faut-il une manifestation, cad une extériorisation de cette volonté. Cette extériorisation est très importante, mais peut être donnée de façon diverse. Un traité peut être très informel – ex : si la France et le RU souhaitent délimiter les espaces maritimes qui les séparent. La France

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envoie une note diplomatique pour proposer telle délimitation. Le RU répond qu'il est d'accord. L'accord international est donc constitué par deux documents : la note française et la réponse britannique (offre+acceptation).

Que se passe-t-il si la France envoie une note, mais que le RU n'est pas d'accord sur toute la délimitation (ex : d'accord pour le sud, pas pour le nord) et propose une nouvelle délimitation. La France reçoit la note et dit que c'est d'accord pour le nord-est, mais pas pour le nord-ouest. Elle propose encore autre chose. Le RU est d'accord. Un seul accord constitué par toutes ces notes ? 3 accords différents pour chaque partie de délimitation ? Cela dépend du contexte!

Il faut faire attention, un accord peut être autre chose qu'un traité classique. Parfois des traités informels sont reconnus – ex : procès verbal signé à la fin d'une négociation par deux ministres des affaires étrangères / une déclaration d'un ministre des affaires étrangères, approuvé par un autre.

Peut-on avoir des accords internationaux purement verbaux ? A2 de la convention de Vienne, qui définit le traité, semble plutôt contre : il peut être très informel et constitué par plusieurs instruments, mais il doit y avoir accord écrit. La convention cherche la sécurité juridique : des accords purement verbaux ne restent pas, contrairement aux écrits. Comment prouver un accord verbal ? Mais la convention, tout en envoyant ce message clair aux Etats, reconnait elle-même dans ses dispositions qu'il peut y avoir des accords purement verbaux : elle ne les interdit pas – ex : les Etats peuvent décider d'apporter une autre solution que celle de la convention, de manière très informelle.

Donc le DI peut être très informel. Ce qui compte, c'est l'intention des Etats de s'engager. Mais il faut que cette volonté soit mise en valeur de manière très nette.

b) imputation de l'acte à deux ou plusieurs sujets du droit international

Les sujets originaires du DI sont les Etats. Ils ont reconnu un "treaty making power" à d'autres acteurs. C'est le cas des organisations internationales intergouvernementales (sujets dérivés de DI avec la personnalité internationale : elles ne peuvent conclure des traités que dans leur domaine de spécialisation, cf traité constitutif). Elles ont conclu un traité avec l'Etat de siège, par exemple. Au-delà de ces accords, elles concluent beaucoup d'accords internationaux – ex : l'UE qui a conclu un très vaste réseau d'accords internationaux portant dans un grand nombre de domaines.

Cela est plus compliqué avec d'autres acteurs – ex : Palestine. Quelle est la valeur juridique d'un traité de paix entre Israël et la Palestine (OLP, aujourd'hui l'Autorité Palestinienne) ? Ex : les accords d'Oslo, qui avaient créé l'AP. La Palestine est-elle déjà un Etat ? Elle avait déclaré son indépendance dans les 80s et avait été reconnue par un grand nombre d'Etats (plus que pour le Kosovo). Mais son caractère étatique continue à poser problème dans la mesure où elle n'a pas réussi à cause de l'occupation israélienne à mettre en place les quatre éléments constitutifs de l'Etat (=territoire, population, gouvernement souverain, indépendance). Si la Palestine n'est pas un Etat, quelle est donc la valeur de ces accords ? Les conséquences sont importantes : texte politique (une violation éventuelle de ces accords ne produira aucune

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conséquences juridique car il n'y a pas de force obligatoire) ou juridique (ce pourrait être un contrat de droit interne, par exemple soumis au droit israélien : mais alors une violation ne pourrait être constatée au niveau international) ?

Les sujets originaires sont les Etats. Ils peuvent reconnaitre une capacité juridique au profit d'autres entités. C'est fait de manière générale pour les OI, pour qu'elles soient des sujets dérivés de DI. Mais cela peut être fait aussi pour d'autres entités : c'est ce qui se passe avec le mouvement de libération nationale. Les accords d'Oslo étaient des accords internationaux, engageant les deux parties. L'OLP a une personnalité juridique limitée : juste pour conclure ces accords. Idem pour les accords d'Evian (FLN et France).

b) intention de produire des effets de droit

C'est un élément tout aussi important car c'est souvent lui qui permet de faire la distinction entre les textes politiques et les textes juridiques. Dans la pratique internationale, on trouve souvent des textes très importants et solennels qui ont été conclus parfois par les chefs des Etats, qui disent qu'il s'agit d'un traité international, mais qui en réalité ne sont que des textes politiques qui n'engagent personne – ex : acte final d'Helsinki de 1975 : pour la 1ère fois les pays de l'ouest et de l'est se sont réunis dans le cadre de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (aujourd'hui OSCE). Ce texte a pour objectif de mettre en place toute une série de principes afin de pacifier les relations, mettre en place la coopération est/ouest, promouvoir l'idée des droits de l'Homme, etc. On peut penser que c'est un traité, mais en fait ce n'est qu'un texte politique. Pourquoi ? Car les Etats ont introduit une clause finale qui disait "ce texte n'est pas de nature telle pour être envoyé pour enregistrement au secrétaire des NU" = l'objectif n'est pas de produire des effets juridiques.

Les textes politiques peuvent être importants, et engager une responsabilité sur le plan politique. Leur violation peut être critiquée. Parfois ils se montrent très efficaces, beaucoup plus que des engagements juridiques, même sans obligation juridique. Parfois, les textes juridiques aboutissent à des impasses, car les Etats y sont vite réticents – ex : pendant 25 ans, négociations à l'ONU pour l'adoption d'un texte non contraignant sur le droit des peuples autochtones. Si on commençait à négocier un traité qui engage tous les Etats du monde, combien de temps cela prendrait-il ? Mieux vaut avoir un texte politique qui prévoit beaucoup de droits qu'un texte politique qui en comprend moins.

Cependant, il faut toujours savoir faire la part entre ce qui engage ou non.

d) soumission au droit international public

Il faut une volonté de soumettre cet accord au droit international. C’est la différence avec les simples contrats de droit interne – ex : Ambassade de France aux USA conclue avec les USA un contrat de fournitures volonté concordante, deux sujets de DI, intention de produire des effets de droit, mais pas soumis au DI. C'est un contrat de droit US.

B/ le droit des traités et le "traité des traités"

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L'ensemble des règles qui concernent les traités : naissance, conclusion, entrée en vigueur, application, mutation éventuelle, dénonciation, fin font partir du droit des traités. Ces règles concernent le DIP mais aussi les droits internes des Etats – ex : qui est compétent pour signer/ratifier un traité ?

Ici, nous allons nous intéresser aux règles du DIP (pas de droit interne comparé). Ces règles sont codifiées aujourd'hui, dans un texte très important = la convention de Vienne sur le droit des traités, 1969 + convention de 1986 concernant les traités conclus par une OI. Cette convention de Vienne est parfois appelée le "traité des traités". Il nous renseigne sur le fonctionnement de la technique conventionnelle.

Cela ne signifie pas pour autant qu'il est supérieur aux autres. Ce n'est pas un super-traité, ou traité constitutionnel. Il a exactement la même valeur juridique. Il est lui-même soumis à ses propres dispositions, en commençant par une règle de base qu'il consacre : l'effet relatif des traités, cad le principe selon lequel le traité n'engage que les parties qui l'ont accepté, pas les tiers. Donc ce traité ne s'oppose pas à un Etat qui ne l'a pas ratifié – ex : la France. Mais ces règles reflètent des règles du droit coutumier : qui existaient déjà ou qu'elles ont créées. Donc, elles lient la France en majorité en tant que coutume internationale, puisque la France les a acceptées en tant que telles.

C/ classification des traités

a) la distinction entre "traités-lois" et "traités-contrats"

Il y a eu des propositions consistant à faire une différence entre les "traités-lois" et les "traités-contrats". L'idée est qu'il existe des traités qui jouent en DI le rôle que jouent les contrats en droit interne. Les "traités-contrats" auraient pour objet exclusif l'institution entre les parties d'un rapport de créancier à débiteur. Tandis que les "traités-lois" fonctionneraient un peu comme les lois en droit interne : leur objectif est de poser des normes dont résultent des droits et obligations = législation commune.

Il est difficile de différencier entre les mesures contractuelles et législatives. Souvent plusieurs traités incorporent des dispositions de nature contractuelle et législative. Une telle classification est donc difficile à établir.

Mais cette classification a un grand intérêt. Elle montre bien qu'un traité international joue à la fois le rôle du contrat et de la loi au plan interne. Un traité n'est pas un contrat, ni une loi, il est souvent un mélange des deux.

b) d'autres distinctions

Les accords en forme solennelle et simplifiée (cf suite).

Section I la conclusion de l'engagement conventionnel

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A partir de quand peut-on considérer que l'Etat est lié par un traité international ? Les Etats ne s'engagent que conformément à leur volonté. C'est différent du droit interne, où quand une loi est adoptée, elle est imposable à tous. En DI, le fait qu'un traité a été adopté ne signifie pas qu'il est alors opposable à tous. Il faut faire une distinction entre l'élaboration du texte d'un traité et l'opposabilité de ce traité.

§1 l'élaboration du texte d'un traité

Dans la majorité écrasante des cas, un traité est un ou plusieurs texte(s) écrit(s) à plusieurs. Il y a deux phases : la négociation et l'adoption.

A/ négociation du texte

Elle peut avoir des formes multiples.

a) déroulement de la négociation

1. négociations bilatérales ou multilatérales restreintes

Chaque fois qu'un nombre restreint d'Etat souhaite élaborer un traité, ils négocient. Cela peut être mené à des niveaux différents – ex : ministres des affaires étrangères, ambassades. Cela dépend de l'importance et de la nature du traité. Les Etats sont libres de négocier comme ils le veulent.

2. négociations multilatérales

Comment mener une négociation si presque tous les Etats du monde sont concernés ? Le nombre d'acteurs, beaucoup plus important, empêche d'avoir recours aux moyens habituels. Il ne peut y avoir des relations bilatérales entre tous les Etats. Il a deux solutions :

- organiser une conférence diplomatique – ex : charte des NU, San Francisco, 1945; renouvellement du protocole de Kyoto, décembre 2009 à Copenhague – il y a souvent des commissions préparatoires pour faire en sorte que le traité soit déjà très avancé lors de la réunion effective des Etats

- négocier au sein des OI. Les Etats ont créé un très grand nombre d'OI gouvernementales (à commencer par l'ONU), dont l'une des fonctions principales est de servir de forum de négociations – ex : le pacte de droits civils et politiques, 1966, négocié au sein de l'ONU (au sein de l'AG).

L'AG des NU n'adopte pas de traités : elle ne peut adopter des résolutions à valeur normative. Elle sert comme un forum dans lequel les Etats discutent. Ce sont eux qui adoptent les traités.

b) participation à la négociation

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1. sujets participants

Ce sont des sujets de droit international capables de conclure des traités = surtout les Etats (cf plus haut).

2. individus ayant qualité pour représenter les sujets participants

Qui au sein d'un Etat peut mener cette négociation ? C'est important car il est fréquent dans la pratique internationale qu'un Etat mette en cause un traité car selon lui une personne n'était pas compétente pour le faire. C'est surtout le cas pour les traités très informels (proposition/ acceptation). Il est donc important de vérifier à chaque fois que les personnes qui ont proposé ou accepté, qui ont participé aux négociations, qui conclu les traités, avaient une compétence pour le faire.

La réponse est fournie par la convention de Vienne de 1969.

A7§2 : il existe certains organes qui sont représentants d'office = pour tous les traités : les chefs d'Etat, de gouvernement et les ministres des affaires étrangères / pour un traité entre Etat accréditant et Etat accréditaire seulement (=La mission diplomatique est un ensemble de personnes nommées par un État dit « État accréditant » pour exercer, sous l’autorité d’un chef de mission, des fonctions de caractère diplomatiques sur le territoire d’un État étranger dit « État accréditaire) : les chefs de mission diplomatique / adoption du texte d'un traité dans une conférence, une OI ou un organe de celle-ci : les représentants accrédités des Etats à une conférence internationale ou auprès d'une OI ou d'un de ses organes.

A7§1 : peut être représentant la personne qui a les pleins pouvoirs appropriés = une personne qui a une lettre (ex : du PR) l'autorisant à participer à des négociations. Elle fait d'elle un plénipotentiaire (=avec les pleins pouvoirs). La production de cette lettre est indispensable pour prouver à (aux) autre(s) partie(s) que cette personne a qualité pour négocier au nom de tel pays. Exceptionnellement, on peut considérer dans certaines situations que s'il ressort de la pratique des Etats considérés ou d'autres circonstances qu'ils avaient l'intention de considérer cette personne comme représentant l'Etat à ces fins et de ne pas requérir la présentation de pleins pouvoirs. C'est une des preuves du non-formalisme du DIP. La pratique consiste, à l'ouverture d'une conférence, à échanger les lettres de plein-pouvoirs.

A8 : un acte relatif à la conclusion d’un traité accompli par une personne qui ne peut, en vertu de l’A7, être considérée comme autorisée à représenter un Etat à cette fin est sans effet juridique, à moins qu’il ne soit confirmé ultérieurement par cet Etat. L'objectif est de remédier rétroactivement à l'absence de représentativité d'une personne qui a négocié un traité au nom d'un Etat.

B/ adoption du texte

C'est un acte collectif fait par les Etats qui ont participé à la négociation. L'objet de l'adoption est de montrer que la négociation est terminée, cad que le traité ne peut plus être modifié. Les Etats peuvent alors décider de s'engager ou non.

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a) structure du texte

1. le préambule

C'est un texte qui nous renseigne sur une série de choses – ex : les Etats ayant participé à la négociation; les motifs de la conclusion du traité. Quelle est la valeur juridique du préambule? En DI, en principe, il n'a pas de force obligatoire. Il s'agit d'un des éléments d'interprétation du texte d'un traité. En revanche, tout ce qui suit = le dispositif, lie les Etats.

2. le dispositif

Il est composé par plusieurs éléments :

- les clauses substantielles, cad tous les articles qui concernent le fond- les clauses finales, cad les dispositions qui concernent les traités en tant qu'actes

juridiques = l'entrée en vigueur, les procédures de révision, la question de la dénonciation, de la durée du traité, du dépositaire, etc

- les annexes : elles ne sont pas systématiques. Elles font partie intégrantes du traité et ont la même force obligatoire – ex : traité concernant la pollution de la mer -> annexes très techniques sur les normes de construction des navires.

b) authentification du texte

Elle consister à déclarer que le texte rédigé correspond à l'intention des négociateurs et a déclaré qu'ils reconnaissent qu'ils le tiennent pour définitif. Les Etats authentifient un texte par la signature.

c) portée de l'adoption

La portée de la signature dépend des dispositions auxquelles on fait référence. L'adoption du texte pour le biais de la signature ne signifie nullement en principe que les Etats sont engagés.

1. dispositions non substantielles

= les clauses finales qui ne concernent pas le fond, mais les traités en tant qu'acte juridique. Elles entrent en vigueur immédiatement. On peut y trouver le nom du dépositaire, cad la personne, souvent mais pas exclusivement le secrétaire général de l'ONU, qui va gérer administrativement tout ce qui concerne le traité. L'intérêt se présente notamment dans le cas des conventions multilatérales : il est inimaginable que les Etats régissent l'adoption du traité de manière décentralisée, car ils sont trop nombreux. Le dépositaire sera chargé, dès l'adoption du traité, de recevoir de la part des Etats les instruments de ratification. C'est lui qui va gérer tout ce qui concerne le traité => c'est pourquoi les clauses finales entrent tout de suite en vigueur.

2. dispositions substantielles

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Pour qu'elles entrent en vigueur, il faut une étape supplémentaire = la ratification.

La signature a principalement pour objectif de montrer que le texte reflète les volontés des Etats et de mettre fin à la négociation. Elle a cependant un effet politique important : l'Etat est alors quand même en principe d'accord avec le traité et va donc envisager la possibilité de le ratifier pour s'engager.

L'A18 de la Convention de Vienne a voulu ajouter à cet effet simplement politique de la signature un certain effet juridique : "Obligation de ne pas priver un traité de son objet et de son but avant son entrée en vigueur". Le traité n'engage pas encore l'Etat. Mais celui-ci ne doit pas agir d'une telle façon que son comportement va mettre en cause l'objet même et le but du traité – ex : un traité multilatéral en matière de libéralisation des échanges conclu car on considérait que les droits de douane sont trop élevés. Ce traité prévoit que tous les Etats parties s'engagent à réduire de 20% les droits de douane pour les autres Etats parties. Certains ratifient. D'autres signent seulement, augmentent de 20% les droits de douane, puis ratifient et baissent de 20% ils sont gagnants par rapport aux autres, mais c'est interdit.

§2 l'engagement conventionnel : l'expression par l'État de son consentement à être lié

Le traité existe et a été adopté, mais ses effets légaux ne sont pour l'instant que virtuels. L'Histoire donne beaucoup d'exemples de textes négociés et adoptés mais qui ne sont jamais entrés en vigueur, car ils n'ont pas pu obtenir le nombre nécessaire de ratifications. Pour que le texte puisse produire ses effets juridiques, il faut qu'un certain nombre d'Etats exprime son consentement à être lié.

A/ les modes d'expression du consentement

a) du point de vue du droit international public

Il faut faire une distinction fondamentale entre les traités en forme solennelle et les traités en forme simplifiée.

1. la procédure longue : les traités en forme solennelle

Il y a une dissociation entre deux phases complémentaires : la phase de la signature (authentification du texte) et la phase du consentement à être lié (acte distinct= la ratification).

A14 de la convention de Vienne : trois termes différents = ratification, acceptation, approbation. Quelle est la différence ? Aucune, c'est la même réalité juridique. Pourquoi utiliser trois termes alors ? Pour respecter les différences constitutionnelles entre les Etats : en droit interne, il peut y avoir des différences entre eux non-négligeables – ex : en France, ratification = compétence du PR / approbation = compétence du gouvernement et du PM. Certains traités sont ratifiés par le PR, d'autres par le gouvernement.

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Après la signature s'ouvre donc une nouvelle phase. Pourquoi cette complication ? On pourrait se dire que si un Etat souhaite s'engager, il signe et se retrouver lié. Au cas contraire, il ne signe pas. En fait, c'est afin de pouvoir associer au processus d'engagement les acteurs qui n'ont pas pu participer à la négociation. Lors de la monarchie absolue, cela était nécessaire car les plénipotentiaires du Roi négociaient et signaient, puis lui apportaient le texte. Après quoi, le Roi choisissait de signer ou non.

En France, près de 70% du droit est d'origine étrangère = provient du droit communautaire ou DI. Il est donc normal d'y associer les représentants de l'Etat car sinon ce serait bizarre : le Parlement adopte la loi, mais seulement une loi limitée au droit interne ?

La ratification est une procédure complètement discrétionnaire et propre à chaque Etat. Chacun a ses propres règles constitutionnelles dans ce domaine. Chacun a la liberté absolue de ratifier ou non un traité. Le fait qu'il a signé ne signifie pas une obligation de ratifier. Un Etat peut ratifier immédiatement un traité signé, il peut prendre du retard – ex : la France a ratifié en 1974 la CEDH qui date de 1950, il peut ne pas ratifier – ex : USA (Wilson) et la SDN; le traité de 1996 sur l'interdiction complète des essais nucléaires : l'administration Clinton avait joué un rôle majeur et l'avait signé, mais le Sénat n'avait pas voulu le ratifier; idem pour Kyoto, pour le statut de Rome créant la CPI.

Que se passe-t-il si un Etat n'a pas participé à la négociation et n'a pas pu signer le traité ? Ex : parce qu'il n'existait pas, parce qu'ils n'étaient pas concernés à l'époque. La ratification ne leur est pas disponible, car c'est une étape supplémentaire pour ceux qui ont signé. Cependant, ils peuvent suivre le processus d'adhésion au traité. Mais dans cette hypothèse, rien n'est automatique pour lui. Un Etat qui a signé peut décider à n'importe quel moment de ratifier. Mais pour celui qui n'a pas signé, il n'y a pas de droit à ratifier automatique. Il faut que cette possibilité soit prévue dans le traité ou alors reconnue par les Etats parties au traité – ex : la Turquie ne peut pas adhérer automatiquement à Lisbonne.

2. la procédure courte : les traités en forme simplifiée

C'est une exception au principe. Il n'y a pas de phase supplémentaire. Ici, la signature suffit pour engager l'Etat, cad que les traités en forme simplifiée sont des traités qui entrent en vigueur et qui lient les Etats dès la signature. Signature = authentification + consentement définitif à être lié.

L'intérêt est d'accélérer la procédure. Mais ce n'est pas seulement une procédure d'urgence, la raison principale est de faire l'inverse de ce qu'on a dit précédemment. Le but est de ne pas associer le Parlement, de l'éviter. La constitution américaine provoque de grandes difficultés pour l'exécutif. C'est le Sénat qui ratifie, pas le président. Cela a provoqué de gros blocages car souvent l'administration est empêchée dans sa politique étrangère. C'est pourquoi l'exécutif américain prend des libertés sur la constitution : ils ont créé les "executive agreements" = les accords de l'exécutif. Il considère que certains traités n'ont pas besoin d'être soumis à ratification par le Sénat, seule la signature du président suffit, malgré la constitution.

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Cette pratique a été déclarée constitutionnelle et a fait des jaloux dans le monde. Donc les Etats ont pris l'habitude de conclure de tels accords.

Aujourd'hui, l'exception devient presque la règle car cette pratique s'est tellement développée car par exemple en ce qui concerne la France environ 60% des traités conclus par elle le sont de la forme simplifiée.

Comment faire la distinction entre les deux formes de traité ? C'est facile : il n'y a qu'à lire le traité : "ce traité nécessite une ratification" ou "ce traité entre en vigueur et engage les Etats dès sa signature". Mais en amont le problème est différent. Quelle forme donner au traité, quelle stratégie adopter ? Y a-t-il des traités toujours en forme solennelle et d'autres toujours en forme simplifiée ? Peut-on dire que tout ce qui important = solennelle et que tout ce qui est secondaire ou technique = simplifiée ? Non, il n’y a pas de catégories déterminées. Ce qui est clair est que les deux extrémités sont très visibles : tous les grands traités importants sont des traités en forme solennelle (ex : Charte des NU, traités constitutifs d'OI, Convention de Vienne, protocole de Kyoto); chaque fois qu'il s'agit de mettre en place une coopération technique, on opte pour la facilité = forme simplifiée (ex : agir d'urgence pour nettoyer une pollution). Mais ce n'est pas une science exacte – ex : traité pour solutionner certains litiges importants (traités de paix, de règlement d'une crise) pour lesquels souvent on opte pour la forme simplifiée -> les accords de Camp David de 1978, entre Israël et l'Egypte (normalisation des relations entre eux), accords de Dayton de 1995 (Serbie, Bosnie).

b) du point de vue du droit interne (le système français)

C'est un exemple, on ne peut pas exposer la situation de tous les Etats.

1. la compétence pour engager la France : le monopole de l'exécutif

C'est l'exécutif qui a compétence pour engager la France dans un traité international. Aux USA, c'est le Sénat (un des deux chambres). En France, le point de départ est l'article 52 de la constitution : "le président de la République négocie et ratifie les traités internationaux. Il est informé de toute négociation d'accords internationaux par le gouvernement". Ce sont des compétences différentes traité international = compétence du PR / accord international = compétence du gouvernement qui les négocient et les approuvent. En DI il n'y a pas de distinction entre traité et accord, mais pour les constitutions internes, les termes peuvent avoir une importance, comme c'est le cas ici.

Sur quoi se base la distinction ? Pas de critère matériel dans la constitution. Ni l'objet de l'engagement, ni son importance, ne permettent d'affirmer que l'on est en présence de l'un ou de l'autre. Cette question a créé des tensions entre le PR et le PM en temps de cohabitation. Ce genre de situation ne se reproduira sûrement pas dans l'avenir proche, donc cette question perd de son intérêt pour l'instant.

2. la limitation de cette compétence : le contrôle politique (l'autorisation législative)

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Le contrôle politique est en principe effectué par le Parlement – A53 de constitution : "les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi". Cela signifie que pour ces traités qui concernent des questions importantes nécessitent une autorisation parlementaire. Cela ne signifie pas que le Parlement ratifie les traités. Il donne son autorisation, certes nécessaire. Mais ce n'est pas suffisant, après la loi d'autorisation, les gouvernement/PR peuvent décider ou non de ratifier/approuver. Cela concerne les traités/accords qui relèvent du domaine de la loi et de l'activité du Parlement.

Que se passe-t-il si l'exécutif n'a pas soumis un traité à l'autorisation du Parlement ? Ou s'il n'a pas obtenu son autorisation ? Au début de la Vème République, l'exécutif avait pris l'habitude de ratifier/approuver sans demander l'autorisation du Parlement. La France se trouve dans une position assez délicate concernant ces traités. Les juges français, en particulier le juge constitutionnel, utilisaient la théorie des actes de gouvernement et que cette question ne pouvait donc pas être examinée par eux. C'était très satisfaisant pour la situation internationale de la France, même si contestable au niveau du droit interne.

Tout cela a changé à partir de 1998, date à laquelle la CE a reviré sa jurisprudence – CE, 1998, SARL du parc d'activité de Blotzheim : cela concernait un traité entre la France et la Suisse. Il avait été révisé en 1996 et le nouveau traité n'avait pas été soumis à l'autorisation de parlement (alors qu'il relevait de l'A53). Le CE a décidé qu'il était désormais compétent pour contrôle si les modalités de l'A 53 ont été respectées ou non . Il considère également que si un traité a été ratifié par l'exécutif sans respecter l'A 53 , ce traité sera inapplicable dans l'ordre juridique interne français.

Ce revirement était logique du point de vue du droit interne. Mais au niveau du DI, la question se pose toujours. La France ne peut pas se "cacher" derrière ce non-respect de l'A53 pour dire qu'elle n'a jamais été liée par un traité qu'elle a pourtant ratifié. Il peut arriver dans l'avenir que la France se trouve dans une position très inconfortable car le juge interne va refuser d'appliquer un traité à cause de la violation de la constitution alors que sur la scène internationale on va dire qu'elle doit l'appliquer car il a été ratifié et qu'elle engage sa responsabilité internationale. Pour l'instant, le problème ne s'est pas posé en pratique.

La France prévoit une autre autorisation : elle peut être donnée par le peuple par la voie du référendum (A11 de la constitution). Ça a été fait à trois reprises, toujours à propos des projets de la construction européenne : 1972 (adhésion de la CE du RU, de l'Irlande et du Danemark) = oui, 1992 (traité de Maastricht) = oui, 2005 (traité instituant une constitution pour l'UE) = non.

3. la limitation de cette compétence : le contrôle juridique

A54 constitution : "Si le Conseil Constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier Ministre, par le Président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés ou

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soixante sénateurs, a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution". S'il dit que le traité est compatible avec la constitution, la France peut ratifier. S'il dit qu'il existe une ou plusieurs incompatibilités avec le traité et la constitution, il ne peut être ratifié avant révision de la constitution. Cela a été fait à plusieurs reprises. En 1999 : nouvelle technique qui consiste à dire que la France peut ratifier tel traité dans les conditions prévues par la constitution, au lieu de toucher les dispositions de la constitution qui posent problème – ex : statut de la CPI (question de l'immunité du PR) A53-2 : "la République peut reconnaître la juridiction de la Cour pénale internationale dans les conditions prévues par le traité signé le 18 juillet 1998". C'est une sorte de paresse du pouvoir constituant. C'est très efficace et plutôt original.

Il n'existe qu'un seul précédent d'un traité dont le conseil constitutionnel a dit qu'il est incompatible avec la constitution et pourtant dans lequel la constitution n'a pas été modifiée. C'était à propos de la ratification d'un traité intitulé "Charte européenne des langues régionales ou minoritaires" (Conseil de l'Europe, 1992, pour promouvoir et sauvegarder les langues de l'Europe et faciliter leur enseignement série de mesures). Cela va à l'encontre du caractère jacobin de la République française (=unitaire) selon le conseil constitutionnel. La France n'a pas voulu modifier sa constitution et n'a donc pas ratifié. C'est curieux dans le cas de ce traité qui était particulièrement souple et n'imposait rien de très lourd en termes d'obligations.

B/ la participation à contenu variable : les réserves

a) la notion de réserve

C'est une déclaration unilatérale faite par un Etat quand il signe, ratifie un traité ou y adhère par laquelle il vise à exclure ou à modifier à son égard les effets juridiques de certaines dispositions – A2§1 d) CV. C'est une procédure conditionnant l'entrée en vigueur d'un traité : tel article ne sera pas opposable à l'Etat ou alors d'une manière interprétée par lui.

Cela permet de faciliter l'acceptation des traités multilatéraux (entre autres à vocation universelle) par les Etats car le but de ce genre de traité est de pouvoir être ratifié par le plus grand nombre d'Etats.

b) l'évolution du régime des réserves

CIJ, avis consultatif, 1951, réserves à la convention sur la prévention et la répression du crime de génocide : après la seconde guerre mondiale et ses atrocités, les Etats ont voulu conclure une convention pour prévenir et réprimer les génocides (éviter que de nombreux ne se produisent). Cette convention est donc conclue. C'est la 1ère en matière de protection de droits de l'Homme. Le dépositaire de cette convention était le secrétaire général de l'ONU. Il se trouvait devant un problème : il recevait les instruments de ratification, mais plusieurs Etats les accompagnaient de la formulation d'une ou plusieurs réserves (surtout le cas de tous les Etats de l'Est). Dans la convention, il n'y avait pas de clause relative aux réserves (ni autorisées, ni interdites). Et que faire si d'autres Etats y posent des objections ? Il a donc

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demandé son avis à la CIJ. Elle a répondu qu'en cas de silence du traité, il est possible de formuler des réserves à condition que ces réserves ne soient pas incompatibles avec l'objet et le but du traité. Pourquoi ? Elle a justifié cette position en disant qu'il y a un grand intérêt à ce que cette convention sur le génocide soit ratifiée par un maximum d'Etats. Certes, il y a un prix à payer car tous les Etats ne seront dès lors pas liés de la même façon. Mais en pesant les avantages et les inconvénients, cela vaut quand même le coup, en posant la condition.

Cette solution a été codifiée par la Convention de Vienne de 1969 – A19 : "Un Etat, au moment de signer, de ratifier, d’accepter, d’approuver un traité ou d’y adhérer, peut formuler une réserve, à moins: a) que la réserve ne soit interdite par le traité; b) que le traité ne dispose que seules des réserves déterminées, parmi lesquelles ne figure pas la réserve en question, peuvent être faites; ou c) que, dans les cas autres que ceux visés aux al. a) et b), la réserve ne soit incompatible avec l’objet et le but du traité." – ex : Traité de Rome de 1998, création de la CPI interdit la formulation de réserves car il a déjà été l'objet de longues négociations et d'un compromis délicat et qu'il ne devait donc pas encore être fragilisé par la formulation de réserves. D'autres traités autorisent expressément les réserves, éventuellement en posant des conditions.

En cas de silence, les réserves sont autorisées si elles ne sont pas incompatibles avec l'objet et le but du traité (ne pas dire : "incompatibles avec le traité", c'est incorrect). Certaines réserves peuvent être tellement importantes qu'elles portent atteinte à l'objet et le but du traité : elles doivent être considérées comme nulles.

Pour la convention contre le génocide, la plupart des réserves visaient une clause juridictionnelle selon laquelle, en cas de litige, la CIJ était compétente. Plusieurs pays avaient accepté la convention contre le génocide en tant que telle et avaient accepté les obligations sur le fond, mais tout en formulant des réserves sur la clause juridictionnelle (ils ne voulaient pas être traînés devant la CIJ par d'autres Etats). Ces réserves ne concernent pas l'objet même et le but de la convention. La CIJ a donc dit qu'il est possible de formuler ces réserves car elles portaient sur les procédures et non sur le fond. Depuis 1948, les Etats ont pratiquement toujours respecté la convention sur le génocide. Peu d'Etat continuent à utiliser des réserves à la clause juridictionnelle.

c) l'effet des réserves et des objections aux réserves

Il faut distinguer entre différents types de relations entre Etats créées du fait des réserves. Quand il y a un traité multilatéral, les Etats ont un choix : soit il accepte la réserve, soit il formule une objection. Cela peut se faire de manière expresse en disant qu'il accepte telle réserve (rare) ou alors de manière tacite : le silence gardé pendant 12 mois vaut acceptation (convention de Vienne). Il peut, s'il a un avis contraire, faire une objection. Elle peut être aggravée : telle réserve est nulle car contraire à l'objet et au but du traité ou simple : opposition même si l'Etat considère que la réserve est compatible avec l'objet et le but du traité; juste car cela ne va pas de paire avec les intérêts propres de l'Etat objectant.

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- Entre tous les Etats, sauf l'Etat réservataire : la convention est appliquée sans tenir compte de la réserve => morcellement des relations conventionnelles.

- Entre l'Etat réservataire et ceux qui ont accepté la réserve : la convention est appliquée telle que modifiée par la réserve presque toujours, les réserves sont formulées sous condition de réciprocité. Si une disposition est exclue, on ne l'applique pas (elle n'existe plus). Si une disposition est modifiée, on l'applique en prenant en compte la modification.

- Entre l'Etat réservataire et l'Etat objectant : pas de relations conventionnelles concernant cette convention si l'objection est aggravée (c'est très rare) / des relations sauf concernant la disposition faisant l'objet de la réserve si l'objection est simple. En cas d'exclusion d'une disposition : cela va dans l'intérêt de l'Etat qui a fait la réserve, car dans tous les cas l'article faisant l'objet de la réserve ne lui sera pas opposable. En cas de modification d'une interprétation : on n'applique pas la disposition faisant l'objet de la réserve (si dans son état initial, ni dans son état modifié par la réserve).

d) le problème des réserves aux conventions de protection des droits de l'Homme

On constate que, souvent, les Etats acceptent des conventions de protection des droits de l'Homme mais en formulant des réserves très importantes. Ils veulent donner une belle image d'eux-mêmes mais parfois ils semblent retirer d'une main ce qu'ils ont accordé de l'autre. Est-ce possible ? Une tendance naturelle (mais qui n'est pas en conformité avec la pratique) est de penser qu'il ne devrait pas être possible de formuler des réserves à ces conventions. Mais au contraire, c'est parce que c'est très important qu'il faut aménager certaines soupapes de sûreté pour les Etat afin qu'ils acceptent les conventions. Ainsi, il pratiquement toujours possible de formuler des réserves pour ces conventions.

On constate donc dans les faits que les Etats ont souvent tendance à n'accepter les conventions de protection des droits de l'Homme que de façon conditionnelle – ex : le pacte de l'ONU relatif aux droits civils et politiques de 1966 (le plus important sur le plan des droits de l'Homme), ratifié par 165 Etats et plus de 250 réserves (environ une réserve et demi/Etat) plusieurs Etats musulmans ont ratifié le pacte en excluant l'applicabilité des droits pour les femmes.

Dans le domaine des droits de l'Homme, le principe de réciprocité ne s'applique pas, cad que l'Etat qui accepte la réserve ne peut pas l'invoquer contre l'Etat réservataire.

Il y a un problème au niveau du contrôle de la validité des réserves. Certaines semblent incompatibles avec l'objet et le but du traité. Qui peut se prononcer sur leur validité ? Normalement, les Etats ont la possibilité de formuler des objections et le font très souvent (ce fut le cas pour les réserves des Etats pour exclure les femmes).

Les organes de contrôle en matière de protection des droits de l'Homme ont aussi revendiqué une compétence dans ce domaine car ils disent être les mieux placés pour juger de la validité de ces réserves. Ce mouvement a commencé par CEDH, 1988, Belilos contre Suisse : réserve

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formulée par la Suisse : elle a considéré que cette réserve était invalide et a donc décidé que la Suisse reste liée par la CEDH sans tenir compte de la réserve. Cette affaire, qui a donné lieu à d'autres arrêts de la CEDH, a été suivie par un autre organe de contrôle, le comité des droits de l'Homme (organe de contrôle du pacte des droits civils et politiques de l'ONU qui peut recevoir des plaintes individuelles). Ce dernier a formulé une observation générale, cad un document par lequel le comité voulait interpréter le pacte de droits civils et politiques. Il a adopté dans les 90s la position selon laquelle, d'une part il est compétent pour se prononcer sur la validité des réserves, et d'autre part si une réserve est incompatible avec l'objet et le but du pacte il a le droit d'invalider la réserve et d'appliquer à l'encontre de l'Etat réservataire le pacte sans tenir compte de la réserve (pareil que la CEDH). Cela a été publié au moment de la ratification du pacte par les USA, qui l'avaient accompagné de plusieurs réserves.

Il y a eu des protestations, car un Etat ne peut être engagé contre sa volonté. Les USA ont envoyé une lettre au comité des droits de l'Homme en disant que leur ratification du pacte était conditionné par des réserves et les deux vont ensemble : soit on tient compte des réserves et ils sont liés par le pacte, soit on considère qu'elles ne sont pas valides et alors ils ne sont pas liés du tout par le pacte (et pas qu'ils sont liés par le pacte sans tenir compte des réserves). Ils ont été épaulés par la France et le RU par exemple qui ont exprimé un avis similaire. Cela n'a pas eu l'effet escompté car le comité des droits de l'Homme a persisté et a confirmé sa position. De manière concrète, il a invalidé des réserves tout en considérant que l'Etat réservataire restait lié par le pacte sans être protégé par ses réserves.

C'est une situation qui semble mettre en cause de manière nette la conception volontariste du droit international. Mais les Etats savent très bien qu'ils n'ont droit de formuler des réserves que si elles ne sont pas contraires à l'objet et au but du traité. Donc ce n'est pas une véritable atteinte.

C/ l'entrée en vigueur de l'engagement conventionnel

a) conditions d'entrée en vigueur

En cas de traités bilatéraux : le traité entre en vigueur dès l'échange des instruments de ratification. En cas de traités multilatéraux, il peut y avoir des conditions quantitatives ou qualitatives pour l'entrée en vigueur :

- Quantitatives : au moins X Etats. On veut s'assurer que dès l'entrée en vigueur il y aura un nombre suffisant d'Etats parties.

- Qualitatives : on exige une certaine qualité des Etats qui ont ratifié la convention – ex : convention sur l'interdiction totale des essais nucléaires, 1996 risque de n'entrer jamais en vigueur, car pour cela il y ait au moins 60 Etats parties (c'est fait) dont tous les 44 Etats nommément désignés dans le traité qui possèdent des capacités nucléaires, cad ceux qui possèdent l'arme mais aussi ceux qui ont des centrales (mission impossible!) Pakistan, Inde, Israël, USA).

b) enregistrement et publication

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Pendant la période de l'entre deux guerres, le pacte de la SDN avait essayé, en vain, de subordonner le caractère obligatoire des traités à leur enregistrement à la SDN et à leur publication au recueil des traités de la SDN (A18 du pacte de la SDN : aucun traité ne sera obligatoire avant d'avoir été enregistré par la SDN). Cet article avait été introduit dans le pacte de la SDN à l'initiative du président US Wilson qui voulait faire obstacle à la pratique très répandue avant la WWI de la diplomatie secrète. Ces traités secrets organisaient par exemple la colonisation, l'exploitation des ressources naturelles ou des agressions. Cela n'a pas eu l'effet escompté car les Etats ne faisaient pas enregistrer leurs traités. La seule sanction appliquée dans le fait a été de considérer que le traité non déposé avaient des effets juridiques, mais ne pouvaient être invoqué devant un organe de la SDN – ex : cour permanente de justice internationale (ancêtre de la CIJ).

Aujourd'hui il y a tant de traités envoyés pour enregistrement et de publication à l'ONU que cela peut prendre beaucoup de temps (mois, années…). La CIJ est donc très flexible et ne soulève jamais le moyen de non-enregistrement d'un traité à l'ONU.

§3 conditions de validité des traités et de l'engagement conventionnel

Un traité ou une partie du traité peut être invalide, mais parfois c'est l'engagement conventionnel même qui est invalide.

A/ les motifs de nullité

a) les causes externes d'invalidité : les vices du consentement

C'est une cause externe au traité lui-même. Ce n'est pas le fond du traité qui est mis en question.

1. irrégularités formelles du consentement selon le droit interne

A46 CV. Est-ce qu'un Etat pourrait invoquer l'argument selon lequel son adhésion à un traité était viciée dans la mesure où il a réalisé que le traité était incompatible avec sa constitution ou des règles fondamentales du droit interne ? Non, c'est impossible dans toutes les questions qui portent sur le fond, cad sur le fait qu'une disposition d'un traité est incompatible.

Mais l'A26 = pacta sunt servanda et A27 : " Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d’un traité. Cette règle est sans préjudice de l'A46".

Une partie des Etats a déposé une plainte concernant la peine de mort prononcée par des tribunaux US contre des ressortissants allemands, mexicains ou US. Les Etats prétendaient que les USA ont agi ainsi en violation du DI car la convention de 1963 sur les relations consulaires dispose que si un étranger est arrêté dans un pays, le pays est obligé de l'informer de la possibilité de contacter le consulat du pays dont il est le ressortissant.

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La CIJ a rendu des ordonnances en disant aux USA de ne pas procéder aux exécutions avant qu'elle ne se prononce sur le fond. Or ils ne les ont pas respectées. Les ressortissants en question ont été exécutés. De plus, l'Etat fédéral US n'a aucune emprise sur les Etats dans ce domaine. Quand la CIJ a rendu l'arrêt sur le fond, elle a condamné les USA pour le non-respect de ses ordonnances (et indirectement de son statut) car un Etat ne peut invoquer son droit constitutionnel pour ne pas appliquer le DI.

Il existe une seule exception. Elle ne concerne que des violations du droit constitutionnel non pas sur le fond, mais sur la compétence de conclure des traités. Encore faut-il que l'Etat montre que non seulement lors de la procédure de la conclusion du traité, le droit constitutionnel mais que cette violation était manifeste pour tous et que la règle est fondamentale. Cette hypothèse reste extrêmement limitée dans la pratique. Elle ne concerne que des situations où il est évident ou clair que l'Etat ne s'est pas engagé valablement – ex : si la femme de ménage de l'Elysée voit un traité et le signe o_O

Que se passe-t-il si l'exécutif a ratifié sans l'autorisation du Parlement ? Avant c'était un acte de gouvernement, maintenant le CE accepte de contrôler si l'A53 a été respecté et refuse d'appliquer des traités non légalement formés. Cependant, on ne peut pas considérer que cette violation entre dans le cadre de l'A46, donc il sera extrêmement difficile pour la France d'invoquer ce vice du consentement devant la CIJ.

2. erreur, dol et corruption

A48 CV : erreur – " Un Etat peut invoquer une erreur dans un traité comme viciant son consentement à être lié par le traité si l’erreur porte sur un fait ou une situation que cet Etat supposait exister au moment où le traité a été conclu et qui constituait une base essentielle du consentement de cet Etat à être lié par le traité." l'erreur de droit est exclue, il ne peut s'agir que d'une erreur de fait. Il arrive rarement dans la pratique internationale qu'un Etat évoque ce motif de nullité, et encore plus rarement qu'une juridiction l'accepte. Le seul véritable précédent concerne une situation où une frontière a été délimitée entre deux Etats sur la base d'une carte erronée.

A49 CV : dol – " Si un Etat a été amené à conclure un traité par la conduite frauduleuse d’un autre Etat ayant participé à la négociation, il peut invoquer le dol comme viciant son consentement à être lié par le traité." pratique quasi-inexistante.

A50 CV : corruption – " Si l’expression du consentement d’un Etat à être lié par un traité a été obtenue au moyen de la corruption de son représentant par l’action directe ou indirecte d’un autre Etat ayant participé à la négociation, l’Etat peut invoquer cette corruption comme viciant son consentement à être lié par le traité." pot de vin, etc… souvent économique. Quelques précédents, mais c'est très limité.

3. exercice de la contrainte

Elle peut être exercée sur le représentant d'un Etat ou sur l'Etat lui-même.

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A51 CV : " L’expression du consentement d’un Etat à être lié par un traité qui a été obtenue par la contrainte exercée sur son représentant au moyen d’actes ou de menaces dirigés contre lui est dépourvue de tout effet juridique."

Ex : menace de violences physiques sur un chef d'Etat pour qu'il accepte un traité / en 1939, à la fin de l'indépendance de la Tchécoslovaquie et le protectorat NS en Bohème le président Hacha a été l'objet de pressions très importantes.

La contrainte doit être entendue largement : il ne s'agit pas seulement de menaces physiques –ex : menaces de dévoiler des faits de la vie privée, de

A52 CV : " Est nul tout traité dont la conclusion a été obtenue par la menace ou l’emploi de la force en violation des principes de droit international incorporés dans la Charte des Nations Unies." – ex : le recours à la force ou à la menace de recours à la force, l'ultimatum.

b) les causes internes d'invalidité : contrariété aux normes du jus cogens

Existe-il en DI, comme en droit interne, des objets licites et illicites des traités ? – ex en droit interne : un contrat, pour être valable, doit respecter l'ordre public. Tout peut-il faire l'objet d'un traité ? Existe-t-il à côté du jus dispositum qui signifie ce que sont les matières à disposition des contractants, un jus cogens, cad le droit impératif, concernant les matières pour laquelle le droit de conclure des traités est exclu.

1. l'article 53 de la convention de Vienne

En 1969, la CV introduit au droit positif pour la 1ère fois la notion de jus cogens, qui devient ainsi de droit positif – A53 : " Est nul tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit international général. Aux fins de la présente Convention, une norme impérative du droit international général est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des Etats dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère."

La partie du traité contraire au jus cogens devient nulle. Mais la CV ne dresse aucune liste des normes de jus cogens. Le jus cogens est une norme, donc par la même forcément obligatoire. Donc ça ne sert à rien de dire que c'est une norme obligatoire. En principe en DI toutes les normes ont la même valeur. Il peut arriver qu'il y ait un conflit de normes : un Etat est engagé en même temps par deux règles qui semblent contradictoires. Comment le résoudre si toutes les normes ont la même valeur ?

Ce principe de l'équivalence normative connait une exception majeure : en dehors des normes ordinaires, il existe des normes d'élite qui se situe au-dessus de ces normes ordinaires : "norme à laquelle aucune dérogation n'est permise". On ne peut pas faire ce qu'on fait habituellement en DI : les Etats ne peuvent y déroger par un traité – ex : prohibition de l'esclavage / interdiction de l'agression / piraterie / interdiction de la torture.

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Cette notion continue à poser beaucoup de problème. Déjà lors de la convention de Vienne, elle avait rencontré des hostilités. Certains auteurs craignent que le jus cogens ne devienne une sorte d'outil d'un directoire d'Etats qui veulent imposer leur point de vue. C'est pour cela que la France n'a pas ratifié la CV.

Le jus cogens est vu comme une norme coutumière du DI.

Même si les Etats acceptent en majorité le jus cogens, on peut se demander si le contenu de ces règles ne continue pas à faire débat. Quelle est l'utilité pratique de cette notion?

2. "un véhicule qui ne quitte pas souvent la garage" : la difficile identification des normes impératives

C'est la vision du professeur Brownlie. C'est une belle voiture qui ne sort jamais du garage. Le principe est beau mais il est difficilement imaginable que des Etats passent un traité pour organiser un génocide.

Cependant, ces dernières années, cette prévision semble être mise en tension. Certaines juridictions internationales (pas la CIJ) sont très satisfaites de cette notion. La CIJ était très prudente : elle s'approchait au plus près de la notion de jus cogens sans jamais la prononcer. D'autres juridictions secondaires ont non seulement usé de cette notion, mais en ont même abusé – ex : TPI, commission interaméricaine des droits de l'Homme (les USA voulaient continuer à exécuter des mineurs). Le tribunal a dit que c'est contre une norme de jus cogens qui ne supporte aucune dérogation il ne s'agit pas de l'A53 CV mais de l'évocation d'une règle de jus cogens (droit coutumier).

La critique majeure est qu'il n'y a aucun critère de formation de ces règles. On ne sait pas selon quelle procédure elles se forment, ni quand. L'A53 ne donne qu'une seule indication : "acceptée et reconnue…". Ces normes ne sont donc pas issues du droit naturel, ni de la religion. Elles proviennent des Etats eux-mêmes. La définition apportée par l'A53 fait penser à la coutume.

B/ procédures et effets de l'annulation

a) procédures

La CV a le grand mérite d'imposer une procédure exigeante à un Etat qui souhaite annuler une convention. On va pouvoir éviter des abus. Cette procédure est prévue à l'A65 et suivants CV : un Etat qui prétend que son acceptation du traité est nulle doit notifier cette prétention aux autres parties. Les autres parties vont se positionner par rapport à cette prétention. Ils peuvent l'accepter expressément ou tacitement (l'absence de protestation dans un délai de 3 mois signifie l'annulation de l'engagement conventionnel).

Si en revanche les autres Etats soulèvent une objection, il y aura un différend juridique. Il y a une procédure de règlement des différends = aller négocier, utiliser tous les modes de règlement des différends prévus par la Charte (A33), si cela n'aboutit pas, après le délai d'un

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an, il y a un mécanisme de conciliation (un comité qui va se prononcer). Par ailleurs, la CV prévoit que si le problème en question est relatif à l'application de l'A53 (jus cogens), la CIJ est compétente.

b) formes et effets de la nullité

On fait une distinction entre la nullité absolue et la nullité relative. La nullité absolue : peut être invoquée par n'importe qui (Etat, même si pas victime de la nullité) elle sanctionne des inégalités graves qui affectent l'intérêt général : 1) violation du jus cogens, 2) contrainte. Tous les autres cas sont des nullités relatives et ne peuvent être invoquées que par l'Etat directement intéressé.

En ce qui concerne les effets de la nullité, il faut différencier entre la validité du traité et celle de l'engagement conventionnel – si c'est un problème de jus cogens (cause interne d'invalidité) c'est le traité lui-même qui est affecté, si c'est un problème de vice du consentement la seule chose considérée comme nulle est l'expression du consentement d'un Etat précis. Le traité continue à exister pour les autres. Si c'est un traité bilatéral, le traité n'existe plus.

Section II les effets et les mutations de l'engagement conventionnel

Un traité a été négocié, conclu, est entré en vigueur, engage l'Etat qui l'a accepté. Quels sont les effets des traités ? Comment peuvent-ils évoluer, voire mourir ?

§1 les effets des traités

Un traité est un acte juridique destiné à produire des effets de droit : conférer des droits à certaines personnes, imposer des obligations, créer des situations juridiques, créer une institution ou une OI. Il est donc nécessaire de voir quels sont les effets désirés des traités à l'égard des Etats parties mais aussi à l'égard des Etats tiers.

A/ les effets des traités entre les parties

"Pacta sunt servanda" : il faut appliquer les traités. Tous les organes de l'Etat doivent tout faire pour appliquer le traité, cad légiférer si nécessaire, adopter les sanctions nécessaires, faire appliquer, les tribunaux doivent le juger. Il n'y a aucune obligation sur les moyens à utiliser pour appliquer le traité : les Etats se débrouillent, du moment qu'ils le font. Cependant, il y a toujours une exigence de bonne foi.

B/ les effets des traités à l'égard des États tiers

a) le principe de l'effet relatif des traités

C'est la même notion que l'effet relatif des contrats en droit interne. A34 CV : "Un traité ne crée ni obligations ni droits pour un Etat tiers sans son consentement." Ce principe découle

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logiquement de la souveraineté des Etats et de l'autonomie de la volonté. Les Etats ne peuvent imposer des obligations à des Etats tiers, ni leur donner des droits supplémentaires.

b) des exceptions à l'effet relatif des traités ?

C'est cela le problème réel. Un Etat peut-il se trouver engagé contre sa volonté ?

1. extension de dispositions conventionnelles aux États tiers avec leur consentement (l'accord collatéral)

La CV prévoit deux mécanismes qui permettent à un Etat tiers de tirer d'un traité des droits ou des obligations (ou les deux) avec les Etats parties au traité, mais à deux conditions :

- Il faut que les Etats parties au traité est prévu dans le traité soit de conférer des droits à un Etat tiers, soit de lui imposer des obligations.

- Il faut le consentement de l'Etat tiers.

Ces mécanismes sont prévus par les A35 CV : " Une obligation naît pour un Etat tiers d’une disposition d’un traité si les parties à ce traité entendent créer l’obligation au moyen de cette disposition et si l’Etat tiers accepte expressément par écrit cette obligation."

+ A36 CV : " 1) Un droit naît pour un Etat tiers d’une disposition d’un traité si les parties à ce traité entendent, par cette disposition, conférer ce droit soit à l’Etat tiers ou à un groupe d’Etats auquel il appartient, soit à tous les Etats, et si l’Etat tiers y consent. Le consentement est présumé tant qu’il n’y a pas d’indication contraire, à moins que le traité n’en dispose autrement. 2) Un Etat qui exerce un droit en application du par. 1 est tenu de respecter, pour l’exercice de ce droit, les conditions prévues dans le traité ou établies conformément à ses dispositions." qui ne dit mot consent.

Cela fait un peu penser au droit civil des contrats : la stipulation pour autrui, même si ce n'est pas tout à fait la même chose.

S'agit-il ici d'une exception au principe de l'effet relatif des traités ? Non. En fait, il s'agit d'un accord collatéral. Cela signifie que ce qui va engager l'Etat tiers ce n'est pas le traité initial, mais ce que les Etats parties "proposent" à l'Etat tiers. C'est donc un nouvel accord international, appelé collatéral, cad qui est en liaison avec un traité existant.

2. extension de dispositions conventionnelles aux États tiers sans leur consentement ?

1ère hypothèse – prévue par l'A38 CV : "Aucune disposition des art. 34 à 37 ne s’oppose à ce qu’une règle énoncée dans un traité devienne obligatoire pour un Etat tiers en tant que règle coutumière de droit international reconnue comme telle." c'est l'hypothèse d'un traité qui a introduit certaines dispositions, qui avec le temps et à travers du processus de formation de la coutume, sont devenues des règles coutumières. Cela arrive souvent. Plusieurs dispositions de la CV le sont devenues. Elles s'imposent donc à tous les Etats, qu'ils soient parties à la CV ou

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non; de toute façon ils deviennent liés par la coutume et pas par la disposition de la CV. Si l'Etat accepte la coutume, il est tenu de la respecter.

2ème hypothèse : certains auteurs ont prétendu qu'il existe quand même une exception au principe de l'effet relatif des traités, notamment pour les traités qui créent des situations réputées objectives. On a souvent défendu l'idée que certains traités, surtout relatifs à la détermination du statut de certains espaces, présent un caractère objectif et ainsi, alors qu'ils sont conclus par un nombre restreints d'Etat, s'imposeraient automatiquement à tous les Etats.

On a utilisé cette idée tout d'abord pour les traités de frontières. Dès que deux Etats fixent leurs frontières, elles s'imposent alors à tous les Etats du monde. On a aussi utilisé cet argument pour certains traités qui concernent certains espaces – ex : ceux qui concernent les canaux ou les détroits internationaux. Il y a plusieurs Etats, en particulier la France, l'Australie, l'Argentine, … qui ont pris possession de territoires en Antarctique. Cela a créé beaucoup de tensions. Parallèlement, d'autres Etats, formulent des revendications de souveraineté. Finalement, ce que les Etats ont fait est de conclure le traité de Washington de 1959 par lequel ils ont décidé de geler (haha) leurs revendications de souveraineté. L'Antarctique devient une terre de science, sans armée. Il y a un statut pour l'Antarctique, qui serait opposable à tous, malgré que le traité n'ait été signé que par 12 Etats.

On ne s'est pas encore intéressés aux corps célestes en dehors du système solaire. Pour ceux du système solaire, il y a un système de non-appropriation de la part d'un Etat. Cela signifie que quand Armstrong a posé le drapeau US sur la lune, ce n'était qu'un acte purement symbolique et pas un acte similaire à une appropriation, comme on le faisait lors des grandes explorations. L'idée était que les grandes puissances puissent agir comme un gouvernement de fait et légiférer pour tout le monde.

Il est vrai que certains statuts sont opposables à tous, mais il n'empêche que rien n'est vraiment objectif dans le milieu international. Le principe de l'égalité souveraine est déterminant. C'est lui qui fait prévaloir des opposabilités objectives. En réalité, ce ne sont pas vraiment des exceptions au principe de l'effet relatif des traités. Ce qui fait la différente, c'est leur acceptation tacite, du fait que soit ces traités soient complètement indifférents aux Etats donc ils ne vont pas s'opposer, soit, et c'est le plus fréquent, ces traités leur confèrent des droits, ils ont donc tout intérêt à les accepter (de manière tacite = en ne s'y opposant pas).

Les traités de frontières : sont-elles vraiment objectives ? Il est vrai qu'elles sont généralement respectées par les tiers. Mais cela est expliqué par le consentement, le plus souvent tacite, des Etats. Les Etats tiers ne trouvent aucune raison de s'opposer à des traités de frontières conclus par d'autres Etats. Ils en tiennent compte comme un fait. Quand un pays se sent concerné par un traité de frontières qui concerne ses voisins (surtout les frontières maritimes, ZEE, plateaux continentaux) et affecte ses intérêts, il proteste, et le traité ne lui sera pas opposable. Donc, il est clair qu'il n'y a là aucune exception à l'effet relatif des traités. Mais le plus souvent, heureusement, il n'y a pas de contestation quant aux traités de frontières.

Les traités concernant le statut de certains espaces – ex : les canaux et détroits internationaux, la Lune, l'Antarctique. Peut-on vraiment accepter cette notion de gouvernement international

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de fait? Là aussi, cette notion est très dangereuse qui semble être en contradiction avec le principe de l'égalité souveraine. Tous ces traités en réalité confèrent des droits aux Etats tiers, il ne s'agit pas de leur imposer des obligations – ex : tous les bateaux de tous les Etats peuvent naviguer sur tel canal, moyennant certaines conditions indispensables à la bonne marche de l'ensemble. Ces régimes ont été acceptés de façon tacite, coutumière et on considère aujourd'hui qu'ils ont été acceptés par quasiment tous les Etats. Là encore, ce n'est pas une exception à l'effet relatif des traités.

§2 les mutations de l'engagement conventionnel

De quelle façon évolue un traité ?

A/ amendement et modifications des traités

Pacta sunt servanda – mais un traité reflète la situation qui était celle de sa conclusion. Comment peut-on donc amender et réviser un traité pour qu'il puisse d'adapter à de nouvelles situations ?

a) la procédure formelle d'amendement (ou de révision) d'un traité

On peut utiliser le terme amendement ou révision de la même manière. Si on veut être plus précis, souvent on utilise le terme "révision" si cela touche plusieurs dispositions du traité et "amendement" pour une révision partielle ne visant d'une disposition.

Dès le départ, on peut dire que les Etats ont bien sûr la possibilité, s'ils le souhaitent, dans les clauses finales d'un traité, d'interdire partiellement la révision. C'est très rare que cela soit totalement interdit, ça serait absurde. Mais certains interdisent la révision de certains articles, considérés comme très importants – ex : convention des NU sur le droit de la mer de 1982. Les Etat peuvent aussi interdire les révisions pour un certain nombre d'années. Le but est de ne pas altérer le produit des négociations, particulièrement quand elles ont été difficiles.

Inversement, les Etats peuvent faciliter la procédure de révisions, en prévoyant dans les traitées des conférences périodiques des Etats parties. On les appelle des conférences de parties – ex : traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP); traité de Rome de 1998 qui a créé la CPI.

Pour savoir les modalités de révision, il suffit de consulter le traité – ex : pour la Charte des NU : faut-il modifier la composition du CS ajouter l'Allemagne et le Japon ? Mais cela fait des jaloux, comme l'Inde, qui a de bons arguments. Les modalités sont exposées aux articles 108 et 109 de la Charte.

Si rien n'est prévu dans le traité, la solution par défaut est prévue par la CV – A39 et suivants.

La véritable difficulté se pose avec les traités multilatéraux. Que se passe-t-il si une majorité d'Etats souhaite réviser le traité, mais qu'une minorité s'y oppose ? Une 1ère stratégie est de prévoir qu'un traité ne peut être révisé qu'à l'unanimité de ses Etats membres. C'est très

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satisfaisant du point de vue du volontarisme. Mais c'est délicat car l'opposition d'un seul Etat suffit pour bloquer tout le processus – ex : traités sur l'UE. On a donc opté dans une grande majorité des cas, les traités multilatéraux adoptent des solutions permettant de réviser à la majorité. Mais alors que va-t-il se passer avec les Etats de la minorité ? Cela reste-t-il conforme au volontarisme ?

Les Etats qui sont opposés à la révision à la majorité auront le choix : soit ils changeront d'avis et seront liés par le nouveau traité révisé, soit ils ne seront pas liés. Mais on aura alors un traité à deux vitesses. Il y aura deux traités qui lient les Etats : l'ancien et le nouveau révisé. Cela revient à un morcellement incroyable des relations conventionnelles.

Une 3ème solution consiste à réviser le traité à la majorité, mais il s'opposera à tous, y compris aux Etats de la minorité – ex : A108 et 109 de la Charte des NU prévoit qu'elle peut être révisée à la majorité des 2/3, à condition que tous les Etats permanents du CS votent en faveur de la révision et ratifient le nouveau traité modifié ce ne peut pas être un moyen pour jeter la France ou un autre membre permanent du CS en dehors de la Charte. Si les conditions sont réunies, la Charte sera révisée et les Etats minoritaires se trouveront tout de même engagée par elle.

Cela porte-il atteinte au volontarisme et au principe de l'effet relatif des traités ? Non, car dès l'origine les Etats ont ratifié la Charte des NU en sachant les conditions des A108 et 109 (ils ont accepté la "règle du jeu") : ils auraient pu ne pas ratifier, ou formuler une réserve.

b) modifications autres que l'amendement d'un traité

Il serait naïf de croire que le traité n'évolue que grâce au recours à la procédure formelle de révision. En réalité, la pratique ultérieure, ainsi que l'interprétation, jouent un rôle très important permettant d'adapter un traité à de nouvelles circonstances.

1. l'absence de principe de parallélisme des formes en droit international

En DI, on ne retrouve pas ce principe de parallélisme des formes que l'on trouve en droit interne – ex : droit administratif un acte administratif dont l'objet est de supprimer ou modifier un acte administratif antérieur doit être pris par la même autorité et dans la même forme que celui-ci.

Cela n'existe pas en DI car il n'est que très peu formaliste. L'intérêt est de savoir la volonté réelle des Etats.

2. la modification par le jeu de la pratique ultérieure et l'interprétation

Si la volonté des Etats à modifier un traité ressort de manière claire de leur pratique, il n'y aura pas de problème. On pourra considérer qu'une disposition d'un traité a été modifiée de manière informelle. Le DI ne s'oppose donc pas à ce que le contenu d'un acte soit altéré par une conduire contraire.

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Ex : A27-3 de la Charte des NU : "Les décisions du Conseil de sécurité sur toutes autres questions sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents" consécration du pouvoir de veto. Cependant, on a réalisé que parfois, certains membres permanents ont pris l'habitude de ne pas voter "oui", mais pas non plus "non". Ils s'abstenaient pour montrer qu'ils sont neutres sur la question. Or on devrait considérer que l'abstention constitue un veto au sens de l'A27. Mais dans la pratique, on a considéré dès le début que l'abstention au contraire n'empêche pas la prise de décision du CS – avis consultatif de la CIJ 1991 sur la Namibie cette pratique est tout à fait conforme au droit, c'est une révision informelle de la Charte par le biais de la pratique ultérieure. Il faut qu'il n'y ait aucun doute sur la volonté des Etats : ici c'était clair que les Etats ne voulaient pas assimiler l'abstention à un veto.

B/ extinction et suspension des traités

Les Etats peuvent-ils à n'importe quel moment se libérer d'un traité ? Les dispositions de la CV s'appliquent pas défaut : A54 et suivants (retrait, suspension, dénonciation). Tout ce qu'on va dire pour la dénonciation des traités s'applique également pour la suspension. Il n'y a pas de différence entre retrait et dénonciation : dans les deux cas, un Etat cherche à se libérer retrait : pour les conventions multilatérales qui continuent à exister par la suite / dénonciation : pour les traités bilatéraux qui prennent alors fin. En réalité, on utilise ces termes librement.

a) extinction ou suspension résultant de la volonté commune des États parties

Si tous les Etats sont d'accord : soit pour prévoir dans le traité des situations qui termineront le traité, soit pour laisser un Etat quitter le traité – il n'y a aucun problème.

1. causes prévues par le traité

Si l'objet du traité se réalisé, il prend fin – ex : un traité pour lutter contre un élément de pollution marine. Parallèlement, les traités peuvent prévoir une durée après laquelle ils seront éteints – ex : traités de cession des territoires comme Hong-Kong.

2. volonté commune postérieure de mettre fin au traité

Si l'Etat souhaite se libérer du traité, les autres Etats peuvent consentir et cela ne pose pas de problème.

b) motifs tirés de la seule volonté d'un État

Un Etat peut-il tout seul, en dehors des dispositions du traité et sans le consentement des autres Etats parties, se libérer d'un traité ? Il faut que le retrait soit possible.

1. existence d'une clause expresse de dénonciation

Il faut regarder dans le traité s'il y a une clause expresse de dénonciation ou de retrait. Si oui,

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le problème ne se pose plus. L'Etat va pouvoir se retirer, tout en respectant les conditions prévues par cette clause – A54 CV. Plusieurs traités qui prévoient ces clauses, prévoient aussi des conditions – ex : une condition de délai (préavis), souvent de 12 mois. Le but est que l'absence de l'Etat ne se fasse pas trop sentir – ex : question budgétaire (surtout dans le cas des OI). La question s'est posée lors du retrait des USA de l'ONESCO, alors qu'il était le plus grand contributeur au budget (25%). Autre ex de condition : les conventions sur le droit humanitaire dans lesquels la dénonciation est souvent autorisée mais il ne faut pas que l'Etat se trouve dans une situation de conflit armé.

2. la dénonciation unilatérale en cas de silence du traité

Le problème réel apparait quand rien n'est prévu dans le traité à l'égard de la dénonciation : elle n'est ni prohibée, ni autorisée. En réalité, c'est très rare – ex : traité de cession de Guantanamo Bay par Cuba aux USA (interdiction de la dénonciation unilatérale).

Aujourd'hui, environ 90% des traités existants sur le plan international comportent des clauses de dénonciation. Mais dans 10%, il n'y a rien à ce sujet. Peut-on dénoncer la Charte des NU ? On ne sait pas, ce n'est pas inscrit. C'est la même chose sur les traités sur l'UE, sauf le traité de Lisbonne. C'est la même chose pour d'autres traités très importants comme la CV, ou pour la convention des NU de 1961 sur les relations diplomatiques. Cela existe tout de même.

Comment faut-il interpréter ce silence ? Pourquoi les Etats n'ont-ils pas inclus une clause expresse de dénonciation ? Cela signifie-t-il que les Etats ne voulaient pas du tout de dénonciation ? Cela pourrait être un oubli ou alors les Etats ont examiné la question mais n'ont pas voulu pour autant une clause de dénonciation – ex : pour ne pas créer de tentation.

On ne peut pas résoudre ce problème que par la logique. La solution se trouve à l'A56 CV : "Un traité qui ne contient pas de dispositions relatives à son extinction et ne prévoit pas qu’on puisse le dénoncer ou s’en retirer ne peut faire l’objet d’une dénonciation ou d’un retrait, à moins:

a) qu’il ne soit établi qu’il entrait dans l’intention des parties d’admettre la possibilité d’une dénonciation ou d’un retrait; ou

b) que le droit de dénonciation ou de retrait ne puisse être déduit de la nature du traité."

La CV pose un principe (pacta sunt servanda) et des exceptions.

1ère exception (a) : " qu’il ne soit établi qu’il entrait dans l’intention des parties d’admettre la possibilité d’une dénonciation ou d’un retrait". On regarde dans les travaux préparatoires pour voir si le sujet a été discuté et de quelle façon (volonté ou non ?) – ex : la charte des NU n'inclut pas de clause expresse de dénonciation, mais lors des travaux préparatoires le sujet a été discuté par les rédacteurs du traité, qui ont voulu laisser la possibilité de dénonciation aux Etats, mais qui ont préféré ne pas inclure de clause expresse en ce sens. En effet, ils ne voulaient pas créer des tentations. Les travaux disent que la dénonciation est possible en cas de circonstances exceptionnelles (ex : comme quand l'Indonésie a quitté l'ONU en 1958. Elle est revenue depuis. Et pour lui éviter la procédure de réadhésion, on a créé une fiction au sein

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de l'ONU en disant qu'elle ne s'était en fait jamais retirée : il s'agissait seulement d'une "cessation provisoire de participation"). Donc en théorie, jamais un Etat n'a quitté l'ONU.

Autre ex : le pacte des droits civils et politiques. Il n'y a aucune indication dans les travaux préparatoires pour permettre la dénonciation; au contraire les indications vont dans l'autre sens.

2ème exception (b) : "que le droit de dénonciation ou de retrait ne puisse être déduit de la nature du traité". L'idée est qu'il existerait certains traités qui pourraient être éventuellement par nature susceptibles d'être dénoncés. Mais le problème est qu'aucune liste n'est fournie dans l'A56, ni dans les travaux préparatoires – ex : les traités modus vivendi (=provisoires). La nature des ces traités permet d'accepter une possibilité de dénonciation / les traités qui peuvent être révisés à la majorité mais dont la révision s'impose à tous : une possibilité de dénonciation devrait être accordée aux Etats (mais pour l'instant la pratique n'a pas confirmé cela).

Si donc la majorité écrasante des traités peut faire l'objet d'une dénonciation (clause expresse ou en passant par les deux exceptions de l'A56), il existe des traités qui ne peuvent pas faire l'objet de dénonciation – ex : le Pacte des droits civils et politiques. En France, il y a deux ans, le conseil constitutionnel a considéré que le Protocole 2 au Pacte (interdiction de la peine de mort) est contraire à la Constitution, car il n'a a pas de possibilité de dénonciation, donc il y a atteinte à la souveraineté nationale.

Est-ce que le fait qu'un Etat ne peut pas se libérer d'un traité est choquant ? Les Etats ont voulu que dans certaines circonstances la dénonciation ne puisse pas être autorisée – ex : pour des raisons relatives à l'importance du traité. Ce n'est pas choquant, car le fait qu'on ne peut pas dénoncer le traité ne veut pas dire qu'on est désarmé : le traité peut être modifié, de façon formelle ou informelle. Et certaines circonstances peuvent permettre à un Etat de se libérer même s'il n'utilise pas la dénonciation unilatérale. De plus, la coutume universelle est tout aussi permanente, perpétuelle, qu'un traité universel qui ne peut pas être dénoncé. Enfin, le fait que les Etats savent qu'un traité ne peut pas faire l'objet d'une dénonciation ne les empêche pas de l'accepter ou de ne pas l'accepter.

c) motifs tirés de circonstances extérieures

Parfois un Etat peut invoquer certaines circonstances extérieures à lui pour pouvoir se libérer d'un engagement conventionnel. Ce qui change, ce sont des circonstances qui soit rendent l'exécution impossible, soit inéquitable pour l'Etat, soit illicite.

1. l'exécution impossible

A61 CV. Il s'agit d'une situation où il y a destruction de l'objet même du traité – ex : un Etat s'est engagé pour restituer une œuvre d'art à un autre Etat. Mais il y a un incendie. Donc le traité ne pourra plus être exécuté.

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2. l'exécution inéquitable

Un changement fondamental de circonstances – A62 CV : un Etat peut se libérer d'un traité si les circonstances au vu desquelles les Etats parties au traité ont consenti à s'obliger se modifient de façon telle que la poursuite de l'exécution du traité, sans être impossible, imposerait néanmoins à l'une des parties un fardeau insurmontable. Il est arrivé dans la jurisprudence internationale d'accepter que les circonstances peuvent changer de telle façon que l'exécution devienne trop onéreuse, etc. Attention : la CV subordonne cette possibilité à plusieurs conditions rigoureuses, ce qui fait qu'il est très rare qu'une juridiction internationale accepte cet argument.

L'exception de l'inexécution – A60 CV : le fait qu'un Etat pourrait invoquer la violation du traité par l'autre partie au traité pour refuser lui même d'appliquer le traité. Néanmoins, il y a certaines conditions – ex : le fait que la violation du traité que l'Etat invoque doit être une violation substantielle du traité ; et encore faut-il que le traité en question présente le caractère synallagmatique (fondé sur une réciprocité). Donc cette exception ne s'applique pas dans le cadre des traités-lois – ex : traités en matière des Droits de l'Homme.

3. l'exécution illicite

On trouve la notion de jus cogens. L'A64 constitue la prolongation logique de l'A53. Donc si une nouvelle norme impérative du DI général intervient, tout traité existant qui est en conflit avec cette norme devient nul et prend fin – ex : il y a des vieux traités visant à organiser l'esclavage ou la colonisation conclus par la France. Ils sont devenus nuls par le jeu des dispositions de l'A64.

Chap 2 : la formation coutumière

Cette source diffère beaucoup de la 1ère source (les traités). Elle est non-écrite. Pour les traités il y a un processus de création très clair et détaillé, alors que pour la coutume il est très ambigu : cela renvoie à la pratique et à l'opinio juris. C'est assez mystérieux. De la même matière, au niveau de l'opposabilité, pour les traités, la règle selon laquelle un Etat ne peut se trouver engager contre sa volonté est tout à fait clair; mais pour la coutume, il y a des problèmes car si une règle coutumière universelle fait son apparition, elle s'oppose immédiatement à l'ensemble des Etats du monde, y compris ceux qui n'ont pas participé à sa formation et qui n'ont donné de manière expresse aucun consentement à être engagé. On considère que l'absence d'opposition constitue un consentement tacite.

Mais cette source donne des règles tout à fait aussi importantes que celles issues des traités. Il n'y a pas de hiérarchie entre les normes coutumières et conventionnelles. La coutume est une source fréquente du DI. C'est différent de la coutume en droit interne, qui n'existe presque pas, tant elle est codifiée dans le droit écrit.

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Section I formation de la coutume

On compare souvent la coutume à une sorte d'accord tacite. Les volontaristes surtout essayent d'expliquer que la coutume est toujours un accord, mais qui se fait autrement, en suivant la pratique des Etats. D'autres auteurs parlent plutôt d'une création spontanée du droit coutumier, en renvoyant plutôt à l'idée que les règles coutumières traduisent des données objectives extérieures = la réponse à certaine nécessité de la vie internationale, besoin de solidarité, etc.

Les auteurs sont d'accord que pour avoir une coutume, il faut avoir deux éléments constitutifs : la pratique et l'opinio juris.

§1 les éléments constitutifs : présentation classique

Ces deux conditions sont reprises par l'A38 du statut de la CIJ (=sources du DI que la Cour applique) : les traités, la coutume "comme preuve d'une pratique générale acceptée comme étant le droit".

A/ l'élément matériel : la pratique

Il faut la preuve qu'il existe une pratique générale dans un domaine précis. Il faut que cette pratique soit "constante et uniforme".

a) les "précédents" : actes et comportements

Ils peuvent être des actes juridiques ou alors de simples comportements de la part des Etats (or des OI..).

N'importe quel type d'acte peut être pertinent : ceux accomplis sur le plan international mais aussi adoptés sur le plan interne – ex : le fait que des Etats adoptent des lois dans un domaine précis (ex : en ce qui concerne les limites externes de leur zone de pêche) signifie qu'il peut y avoir une pratique de ces Etats. Cela peut aussi être des actes administratifs. Cela peut être le fait que des juridictions nationales vont dans le même sens dans plusieurs Etats différents – ex : en matière de protection des droits de l'Homme. Ces actes peuvent être l'œuvre de n'importe quel organe à l'intérieur de l'Etat; pas seulement de l'exécutif : actes du législateur ou du pouvoir judiciaire.

On peut aussi avoir des comportements. On n'a pas besoin d'avoir un acte juridique en tant que tel. Le précédent peut venir du fait que les Etats ont l'habitude faire ou de ne pas faire quelque chose – ex : le fait que les Etats adoptent tous des lois pour étendre leur zone de pêche à 200 miles nautiques de leur côte / le fait que les Etats ont pris l'habitude de ne pas exécuter de condamnés mineurs.

Dans l'affaire du Lotus (1927), la Cour permanente de justice internationale a essayé d'examiner s'il existe une coutume dans ce domaine : les Etats ont-ils pris l'habitude de ne pas juger un étranger pour un crime commis à l'étranger ?

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En 1996, devant la CIJ, dans l'affaire de la licéité de l'emploi de l'arme nucléaire, plusieurs Etats partisans de l'illicéité ont plaidé que depuis 1945 personne n'a utilisé l'arme nucléaire; donc cela démontre donc une pratique d'abstention des Etats et une coutume. Mais la pratique ne suffit pas pour démontrer une coutume.

b) répétition dans le temps

"Une fois n'est pas coutume". Il faut que la pratique soit répétée dans le temps. On compare souvent la coutume à un chemin tracé dans la forêt ou dans la jungle… un Etat passe, et ensuite un autre, et plusieurs. Cela permet peu à peu de créer un chemin.

La CIJ a dit que pour avoir une véritable pratique pertinente pour créer une coutume, il faut une pratique "constante et uniforme".

Une pratique uniforme signifie qu'elle doit toujours aller dans le même sens. On ne peut parler de parler de pratique uniforme si les Etats en réalité adoptent des comportements contradictoires – CIJ, droit d'asile; Colombie contre Pérou, 1950 : un coup d'Etat de Haya de la Torre a échoué. Il a trouvé refuge dans l'ambassade de Colombie à Lima. La police péruvienne avait encerclé l'ambassade : d'une part le Pérou ne pouvait pas l'arrêter car il était à l'intérieur, mais d'autre part il ne pouvait pas sortir. La Colombie a prétendu qu'il existait en Amérique du Sud une coutume régionale qui obligeait en matière de droit d'asile le Pérou à permettre que de la Torre puisse quitter le pays sans être arrêté. La Cour a trouvé qu'une telle coutume ne semblait pas exister, car, s'il était clair que certains pays avaient adopté de telles pratiques, d'autres en avaient adopté une contraire. Donc la Cour a dit que les comportements et les actes invoqués par la Colombie ne pouvaient constituer une pratique uniforme.

La pratique doit aussi être constante. Combien de répétition doit-il y avoir dans le temps ? Traditionnellement, on disait qu'il fallait beaucoup de temps. Maintenant, on accepte qu'elle soit formée beaucoup plus rapidement – ex : CIJ, plateau continental de la mer du Nord, 1969 : "le fait qu'il ne soit écoulé qu'un bref laps de temps ne constitue pas nécessairement en soi un empêchement à la formation d'une règle nouvelle du DI coutumier". Cela a permis à certains auteurs d'avancer l'idée que la coutume peut non seulement rapide mais aussi instantanée – ex : en matière de droit de l'espace, une seule pratique de la part des puissances spatiales peut être suffisante pour avoir immédiatement une coutume qui s'impose à tous. Evidemment, cette position est critiquable. Une coutume ne peut pas être instantanée, elle peut seulement se former rapidement (quelques années), car cela irait à l'encontre de l'idée même de coutume.

c) répétition dans l'espace

La CIJ dans l'affaire du plateau continental de la mer du Nord a exprimé cette idée en disant que pour avoir une règle coutumière il faut une "participation très large et représentative des Etats, y compris des Etats particulièrement intéressés". Il ne saurait être question de subordonner la création d'une coutume à la participation de tous les Etats du monde car ce serait impossible. Mais il faut tout de même qu'une majorité large de ceux-ci, y compris des

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Etats suffisamment représentatifs de la communauté internationale, participent à cette pratique. Cela signifie qu'il faut que le pratique ait une dimension à la quantitative et qualitative.

Quantitatif : il faut également que les comportements qui vont à l'encontre de ces pratiques soient très minoritaires.

Qualitatif : les Etats qui ont adopté ces pratiques convergentes doivent prévenir de toutes les régions géographiques du monde, mais aussi tous les systèmes géopolitiques du monde, et tous les systèmes de droit – ex : pas que ceux qui appliquent le droit continental, mais aussi des Etats de common law, ou du droit islamique.

Il faut aussi avoir les Etats particulièrement intéressés. Hypothèse d'une règle coutumière en matière du droit de la mer : il est normal de s'attendre à ce que les grandes puissances maritimes participent à son élaboration. Les Etats particulièrement intéressés par cette question sont ceux qui ont un littoral, une flotte maritime, etc. Tous les Etats ne pèsent pas toujours de la même façon. Cet élément introduit des incertitudes – ex : question nucléaire de 1996; ici les Etats particulièrement intéressés sont ceux qui détiennent l'arme nucléaire. Les autres Etats ont trouvé cela très réducteur et trompeur car ces Etats particulièrement intéressés ne sont pas seulement ceux qui possèdent l'arme nucléaire mais aussi potentiellement tous les Etats du monde qui ont intérêt à ne pas subir une attaque nucléaire ou les effets indirects (retombées radioactives, etc) dues à une attaque contre un autre Etat.

Une norme coutumière peut apparaître dans un contexte strictement régional – ex : Haya de la Torre la Colombie évoquait une norme régionale de l'Amérique du Sud, même si cela n'a pas été reconnu par la Cour.

Il existe même des coutumes bilatérales ou multilatérales restreintes – ex : les Etats riverains d'une mer fermée qui ont adopté des pratiques en matière de pêche.

B/ l'élément psychologique : l'opinio juris

Cet élément est nécessaire, tout comme l'élément matériel. La pratique doit être "acceptée comme étant le droit" (A38). La CIJ a expliqué que "les Etats intéressés doivent avoir le sentiment de se conformer à ce qui équivaut à une obligation juridique". Cela signifie que ni la fréquence ni le caractère habituel de certains actes ou comportements ne suffisent pour créer une règle coutumière. Encore faut-il l'opinio juris. C'est la "pierre philosophale" qui permet de transformer la pratique-plomb en une règle d'or du DI. Tadam !

On peut trouver des pratiques constantes et uniformes qui n'ont pas donné lieu à une coutume – ex : le tapis rouge (presque tous les Etats du monde le font lors de l'arrivée d'un chef d'Etat étranger). Mais si un beau jour, un Etat déroule un tapis bleu, peut-on imaginer que cet Etat sera sanctionné ? Non, car cette pratique n'est pas une règle coutumière, pour cause de défaut d'opinio juris. C'est seulement une pratique protocolaire.

En 1996, plusieurs Etats partisans de l'illicéité ont avancé qu'il existe une pratique depuis 1945 d'abstention d'utilisation de l'arme nucléaire (utilisation effective, hors essai nucléaire).

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Mais les Etats ne l'ont pas fait car ils avaient le sentiment qu'ils n'avaient pas le droit de le faire; en effet, les politiques de dissuasion nucléaire formulées par les Etats ont toujours cours.

L'opinio juris permet de distinguer la violation d'une règle existante et la création d'une règle nouvelle – ex : les martiens apprennent qu'il existe une règle coutumière indiscutable qui bannie le recours à la force dans les RI. Ils prennent leur soucoupe volante et atterrissent… en Géorgie. Hey mais il y a encore des combats en fait !! Il faut leur dire qu'il ne faut pas confondre la violation d'une règle existante avec l'émergence d'une nouvelle règle.

En 1986, la CIJ a dit dans l'affaire "les activités militaires et paramilitaires au Nicaragua" (contre les USA) que "si un Etat agit d'une manière apparemment inconciliable avec une règle reconnue mais défend sa conduite en invoquant des exceptions ou justifications continues à la règle elle-même, il en résulte une affirmation plutôt qu'un affaiblissement de la règle". Certes, les Etats continuent, de manière limitée, à intervenir militairement, mais ils ne disent pas que la règle coutumière d'interdiction du recours à la force n'existe pas, ils essayent d'invoquer des exceptions pour se justifier – ex : cas de légitime défense, autorisation du CS des NU.

Ex : il n'y a aucun doute sur le fait qu'il y a aujourd'hui une règle coutumière interdisant la pratique de la torture. Le martien vient vérifier, et il constate qu'il y a encore des tortures, notamment parmi les pays les plus influents. Mais cela ne veut pas dire que la règle n'existe pas : cela ne veut pas dire qu'il y a une nouvelle règle coutumière selon laquelle la torture est autorisée (car pas d'opinio juris). Les Etats essayent de dire qu'ils avaient une dérogation (sans espoir, ça n'existe pas) ou que ce n'était pas vraiment de la torture.

Où peut-on trouver l'opinio juris ? Il faut chercher les déclarations, les prises de position des Etats – ex : dans le cadre d'une déclaration officielle, d'une note diplomatique, etc.

§2 les éléments constitutifs : approche critique

Très souvent, les auteurs ont été interpellés par la source coutumière. Le processus coutumier consiste à transformer un fait en une norme. Cette transformation a toujours créé des débats dans la doctrine.

A/ le paradoxe de la violation-création

Une pratique nouvelle dans un domaine peut donner naissance à une nouvelle règle coutumière. Mais peut-on concevoir qu'un comportement qui viole la règle existante actuellement contribue à créer une règle coutumière ?

Ex : à la fin des 60s, début des 70s, les Etats de l'Amérique Latine ont commencé à proclamer des zones de pêche exclusive allant jusqu'à 200 miles marins de leurs côtes. Ces Etats étaient embêtés car ils voyaient le développement des flottes de pêche venir pêcher dans les eaux sud-américaines => diminution de leurs ressources. Ils savaient que c'était une violation du DI. Cette violation ont fait des jaloux : des Etats africains, asiatiques puis européens ont fait

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de même. C'est donc devenu une pratique généralisée. La CIJ a dit que cette règle n'existe pas encore.

B/ le paradoxe de la conviction-prétention

Un Etat qui met en place une nouvelle pratique, sachant qu'elle n'est pas encore conforme au DI car la règle coutumière n'existe pas encore. Comment peut-il alors y avoir la conviction que cette pratique est conforme ? L'Etat sait que sa pratique est contraire au DI mais il a la conviction que d'autres Etats vont le suivre et que cela va donner naissance à une nouvelle règle coutumière.

Article de Kelsen : si on se limite à une approche classique de la coutume, elle ne peut être que le résultat d'une erreur ou de la mauvaise foi d'un Etat dans la mesure où la pratique initiale qu'un Etat adopte n'est pas accompagnée par un opinio juris. Attention, certains Etats prennent l'initiative de violer le droit existant dans l'espoir que cette violation diffusera et remplacera la règle ancienne – ex : CIJ, 1974 puis CIJ, 1982.

Section II opposabilité de la coutume

§1 la coutume est opposable même sans la participation ou l'acceptation de l'Etat

A/ opposabilité sans participation directe

Il n'est pas nécessaire qu'un Etat ait directement participé à la pratique qui a donné naissance à la nouvelle coutume pour que celle-ci lui soit opposable. Une majorité d'Etats suffit à condition qu'elle soit large et représentative.

B/ opposabilité sans acceptation expresse

Il n'est pas nécessaire qu'un Etat ait accepté expressément la coutume pour qu'elle lui soit opposable. Ce n'est pas une limitation du volontarisme des Etats mais c'est une acceptation tacite. "Qui ne dit mot consent".

Cette question s'est posée à plusieurs reprises car depuis 1945, plus de 110 Etats nouveaux ont émergé de la décolonisation. On a considéré que ces Etats avaient implicitement accepté ces règles préexistantes à leur fondation car ils ne s'y sont pas opposés.

§2 la coutume n'est pas opposable en cas d'opposition expresse ("l'objecteur persistant")

A/ la théorie de "l'objecteur persistant"

La seule possibilité pour éviter l'opposabilité d'une règle coutumière est de devenir un "objecteur" persistant, cad d'exprimer dès le départ son opposition expresse à l'opposabilité d'une nouvelle règle coutumière. Cela signifie que l'Etat doit s'opposer dès que la norme est

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en voie de formation et continue à le faire de manière persistante par la suite. Donc un Etat qui a manqué de vigilance ne peut pas venir une fois que la règle est formée pour formuler une opposition. L'absence de réaction signifie une acceptation tacite.

B/ les critiques de l'école objectiviste

L'école objectiviste a violemment critiqué la théorie de l'objecteur persistant en disant qu'il est choquant d'accepter l'idée qu'une coutume universelle ne va pas s'opposer à tous les Etats du monde. Les objectivistes les ont même qualifiés de "different drummer". Dans un orchestre, on ne peut accepter l'idée que certaines personnes jouent une autre musique que les autres : ce serait une véritable cacophonie.

C/ réponse à ces critiques

La positivité de la théorie de l'objecteur persistant ne fait aucun doute. Elle a été affirmée par la CIJ en 1950 dans l'affaire Haya de la Torre. Il n'y a pas de coutume régionale dans ce domaine. De plus, à supposer même que la règle coutumière invoquée par la Colombie existe, elle ne pourrait être opposée au Pérou qui s'y est toujours opposé. La Cour reprend cette théorie dans une autre affaire en 1951 qui opposait le RU à la Norvège en matière de pêche.

D'autres juridictions ont confirmé cette théorie – Commission interaméricaine des droits de l'Homme, Dominguez contre USA, 2004 : c'est de droit positif (cas de l'interdiction de l'application de la peine de mort sur les mineurs c'est du jus cogens).

Souvent les Etats utilisent cette théorie pour se mettre à l'abri d'une règle nouvelle – ex : la Turquie s'est opposée à la convention des NU sur le droit des cours d'eaux internationaux (Tigre et Euphrate) car c'était dans son intérêt. Elle a adopté une double stratégie : elle n'a pas ratifié la convention et elle a déclaré que si jamais les règles prévues dans la convention deviennent des règles coutumières elle doit être considérée comme une objectrice persistante.

Cette doctrine est extrêmement utile car c'est grâce à elle qu'un Etat qui se trouvait dans une situation minoritaire et n'a pas pu empêcher la formation d'une nouvelle coutume va quand même se mettre à l'abri d'un diktat de la majorité. C'est le dernier bastion du volontarisme dans le cadre de la coutume internationale.

On constate que, souvent, les objecteurs persistants réalisent avec le temps que finalement ils ne peuvent pas maintenir longtemps leur objection – ex : voir plus haut, zones de pêche. Les grands Etats ayant une flotte maritime se sont opposés (Japon, USA) si jamais ces pratiques devenaient des coutumes. Mais leur position est vite devenue très inconfortable. Ils continuaient à envoyer leur flotte pêcher au large des pays sud-américains, lesquels lorsqu'ils voyaient un navire de pêche US ou japonais envoyaient leurs bateaux de guerre ou leurs garde-côtes pour les arrêter et les juger => tensions énormes. De plus, aux larges des propres côtes des pays objectant, des flottes étrangères venaient pêcher. Ils ont donc décidé d'abandonner leur objection et d'accepter la nouvelle règle. Ils ont donc proclamé une ZEE de 200 miles marins et ont respecté celles des autres.

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La théorie a le mérite de faire parfois gagner du temps aux Etats pour qu'ils s'adaptent à la nouvelle règle, convainquent leur population, etc.

Cette situation met-elle en danger le DI comme le prétendent les objectivistes ? Non, la meilleure preuve vient du droit conventionnel : il est frappé par un relativisme des normes extrêmes qui fait que nous avons plusieurs traités à vocation universelle qui espèrent être ratifié par tous les Etats du monde, alors que c'est extrêmement rare – ex : charte des NU.

Chap 3 : autres modes de formation ?

Section I les "principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées"

A38 du statut de la CIJ : la Cour applique les traités, la coutume et les principes généraux du droit reconnus par les nations civilisées tous les Etats du monde le sont, c'est le vestige d'une différence du XIXème siècle entre les nations civilisées (pays chrétiens occidentaux), les nations barbares (ex : la Chine) et les sauvages (l'Afrique).

Cette notion avait été introduite pour la 1ère fois dans le statut de la CPJI en 1919. Dans les travaux préparatoires, on voit que cette notion avait été introduite dans les statuts pour éviter le problème du déni de justice (non-liquet). L'idée était qu'il faut introduire au-delà des traités et de la coutume une 3ème source qui pourrait être utilisée par le juge international pour éviter un déni de justice dans les affaires où ni le droit conventionnel ni le droit coutumier ne permettait d'apporter une réponse. C'est une source subsidiaire : on l'utilise seulement si les deux autres sources ne peuvent être invoquées.

§1 des principes dégagés dans l'ordre juridique interne des Etats…

Contrairement aux traités ou à la coutume qui sont directement nés dans l'ordre juridique international, les PGD sont nés dans les ordres juridiques internes des Etats : pas seulement d'un Etat, mais de plusieurs Etats. Il s'agit de faire un examen de droit comparé, cad de regarder les différents droits nationaux et d'essayer, malgré l'énorme diversité de ces droits, de trouver s'il existe certains principes communs. Il s'agit un peu de la quintessence de ces droits.

§2 … et transposables dans l'ordre juridique international

CIJ, Barcelona Traction, 1970 : il n'y avait pas de règle de droit international (conventionnelle ou coutumière) relative aux sociétés anonymes applicable dans ce cas. Comme elle n'a pas le droit de faire un déni de justice, la Cour s'est tournée vers les droits nationaux pour voir si des règles à ce sujet étaient communes. "C'est à des règles généralement acceptées par les systèmes de droit interne reconnaissant la société anonyme et non au droit interne d'un Etat donné que le droit international se réfère".

Seuls les principes qui sont compatibles avec les caractères fondamentaux de l'ordre international peuvent être appliqués par analogie. Les principes nationaux transposés dans

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l'ordre juridique international sont certains principes processuel (ex : égalité des parties devant un procès, respect du principe du contradictoire, principe selon lequel le fardeau de la preuve incombe au demandeur) et substantiels (ex : principes concernant les contrats notion de la force majeure, principes d'interprétation des contrats / responsabilité international liens de causalité).

Le rôle de ces PGD diminue de plus en plus corrélativement au fur et à mesure du développement des sources conventionnelle et coutumière. Cette source était importante, mais elle a désormais beaucoup perdu de son intérêt. Le juge n'est presque jamais obligé de faire appel à eux.

Section II la formation unilatérale

L'A38 du statut de la Cour ne parle pas du tout de cette source. Pourtant, en droit international, l'unilatéral est un peu partout. Il y en a un très grand nombre (des Etats et des OI).

§1 les actes unilatéraux des Etats

Concernant les Etats, on voit qu'en réalité on pourrait expliquer l'ensemble du droit international comme une succession d'actes unilatéraux d'Etats – ex : ratification et dénonciation d'un traité, reconnaissance d'un autre Etat, acceptation de la compétence de la CIJ. Un Etat par un acte unilatéral peut-il poser une règle qui va s'imposer aux autres Etats = créer un droit au profit de quelqu'un, soit imposer une obligation à la charge de quelqu'un ?

Aujourd'hui, il n'existe qu'un seul acte unilatéral normateur qui peut produire automatiquement ses effets juridiques : c'est un acte auto-normateur par lequel l'Etat souhaite s'imposer une norme à lui-même. On appelle cela une promesse. Il peut s'agir d'une promesse de faire ou de ne pas faire quelque chose. Il n'y a pas de besoin de quoi que ce soit, cad pas de besoin d'une acceptation de la promesse par un autre Etat. Traditionnellement en droit international, on considérait que c'était impossible (même pour s'auto-imposer une obligation) car il y avait une logique de traité, une logique conventionnelle selon laquelle un Etat ne peut rien faire tout seul. On considérait que si un Etat promettait quelque chose, cela ne suffisait pas pour avoir un engagement international, il fallait qu'un autre Etat accepte. On avait alors un traité informel composé d'une offre et d'une acceptation.

CPJI, Groenland Oriental, 1933 : appartient-il au Danemark ou à la Norvège ? La Cour a du se pencher sur une déclaration faite de manière verbale par le ministre des affaires étrangères de la Norvège à l'ambassadeur danois en 1919. Elle a considéré que cet acte unilatéral avait pu lier la Norvège car en réalité la déclaration constituait une réponse à une question posée par le danois. Donc on avait d'une part une demande du Danemark, d'autre part une acceptation de la part de la Norvège traité informel entre les deux Etats qui les engageaient. La Cour a refusé l'idée qu'une promesse puisse engager automatiquement un Etat.

Les choses changent grâce à la France – CIJ, Essais nucléaires français dans le Pacifique, 1974 : Australie et NZ contre France. Décision de la France d'entreprendre une série d'essais

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nucléaires atmosphériques. La Cour s'est reconnue compétente. Pendant qu'elle s'était retirée pour rendre son délibéré, le nouveau PR de la France, VGE, a fait une déclaration officielle en disant que cette série d'essais français avait été la dernière et que la France s'engageait à ne plus procéder à des essais nucléaires atmosphériques. La Cour donc dans son arrêt a du se prononcer sur la valeur juridique de cette promesse unilatérale. Pour la 1ère fois, elle dit que cet acte produit automatiquement et immédiatement ses effets juridiques. La France est donc engagée. "Aucune contrepartie n'est nécessaire pour que la déclaration prenne effet, non plus qu'une acceptation ultérieure". La Cour met l'accent sur la "nature strictement unilatérale de l'acte". Elle a considéré qu'on n'avait pas besoin d'une acceptation de la promesse par la NZ ou l'Australie. Ce n'est donc pas une relation conventionnelle.

Encore faut-il une série de conditions, a dit la Cour :

- Il faut une intention claire de se lier juridiquement, cad qu'il faut faire la distinction entre des déclarations purement politiques et des déclarations juridiques qui montrent que l'objectif de l'Etat est de se lier sur le plan du droit international.

- Cette intention doit être exprimée publiquement.- Cela doit être fait par une autorité qui a la capacité pour engager l'Etat – PR, PM,

ministres des affaires étrangères, ambassadeurs dans certaines conditions ou toute autre personne pourvue d'une lettre de pleins pouvoirs.

- Il faut l'existence d'un destinataire – un seul Etat ou plusieurs, voire la communauté internationale dans son ensemble.

La Cour n'a pas posé de condition en matière de forme : la promesse peut être écrite ou orale.

Exemples de promesses : promesses faites par certains Etats quand ils souhaitent adhérer à une OI qui conditionne l'adhésion de ces Etats à certaines règles – ex : Conseil de l'Europe (respect de l'Etat de droit et du droit des minorités nationales, la transition démocratique, etc) la Russie qui a adhéré assez récemment a formulé une telle promesse pour que le Conseil de l'Europe vote en sa faveur / dans le domaine nucléaire : les assurances données par les pays qui possèdent l'arme nucléaire aux pays membres du TNP.

La France déclare en 1995 qu'elle n'utilisera pas l'arme nucléaire contre les Etats qui n'ont pas l'arme nucléaire et membres du TNP, sauf dans le cas d'une invasion, etc. Cela signifie que la France se réserve le droit d'utiliser l'arme nucléaire si ces pays attaquent la France ou un de ses alliés à la seule condition que ces pays soient en alliance ou en association avec un pays doté de l'arme nucléaire. La Chine, quant à elle, s'engage à ne jamais utiliser les armes nucléaires contre les Etats non dotés de ces armes et dit qu'elle n'a jamais menacé de le faire, quelles que soient les circonstances. Les déclarations du RU et des USA sont identiques à la déclaration française. La Russie avait initialement une déclaration similaire à celle de la Chine, mais plus tard, après la fin de la guerre froide, elle a fait une nouvelle déclaration ayant un contenu similaire à celle de la France.

Tous les actes unilatéraux normateurs, en dehors de la promesse, ne produisent pas automatiquement leurs effets juridiques et ils sont en réalité subordonnés à leur acceptation par les autres Etats. Ils ne seront opposables que si les Etat visés y consentent. Ces derniers

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peuvent le faire de façon expresse ou tacite. C'est la logique même du volontarisme. Mais même si ces actes ne produisent pas un effet juridique immédiat, ils modifient dès leur adoption l'état du droit en ce qu'ils contraignent les autres Etats à réagir. En effet, très souvent, le silence d'un Etat est considéré comme une acceptation implicite. Il est donc très important pour un Etat de rester vigilant.

§2 les actes unilatéraux des Organisations Internationales

En 1919, on avait que très peu d'OI, c'est pourquoi ce n'est pas compris dans l'A38. Or aujourd'hui il y en a énormément, qui adoptent des centaines d'actes unilatéraux chaque jour. L'exemple le plus connu est celui de l'ONU : les résolutions du CS ou de l'AG (+ conseil économique et social, et tous les sous-organes comme le conseil des droits de l'Homme). Il y a aussi l'UE. Ces actes ont des intitulés différents – ex : déclaration, directive, règlement, résolution… mais tout revient à la même chose.

A/ la question des effets juridiques

Souvent, ces actes unilatéraux sont adoptés plutôt à la majorité. Il n'existe pas de réponse unique à la question des effets juridiques. Tout dépend de l'acte en question et de l'OI concernée. Certains ont un caractère obligatoire et s'impose de manière automatique et immédiate aux Etats-membres tandis que d'autres sont dépourvu d'un tel caractère obligatoire.

a) caractère obligatoire de certains actes

1. caractère obligatoire des actes non normateurs concernant le fonctionnement interne de l'organisation

Cela signifie que, souvent, les organes des différentes OI adoptent des actes unilatéraux dont l'objet n'est pas de poser une norme – ex : l'admission d'un nouvel Etat-membre. Il s'agit d'un acte-condition, non normateur. Il souhaite, sans créer une norme, créer une situation juridique nouvelle. C'est important de savoir que le caractère de ces actes unilatéraux est obligatoire – ex : cela signifie que si certains Etats ont voté contre un de ces actes, ce dernier va leur être immédiatement applicable. Il en va de même pour l'exclusion d'un Etat-membre, pour la suspension de la participation d'un Etat-membre, pour l'élection de certains représentants de l'OI – ex : secrétaire général, pour l'élection des juges de la CIJ, pour l'adoption du budget. Tous ces actes produisent immédiatement leurs effets juridiques car leur objectif n'est pas d'imposer une norme, mais d'assurer le fonctionnement quotidien interne de l'OI.

Les Etats-membres peuvent contester la régularité de ces actes – ex : vice de procédure lors de l'élection du secrétaire général. Mais si l'acte est valide, il s'impose à tous (ceux qui ont voté en faveur et ceux qui ont voté contre).

2. caractère obligatoire de certains actes normateurs

Ils peuvent imposer une obligation aux Etats-membres ou leur conférer un droit. Il n'y a pas

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de réponse uniforme. Il existe certains actes normateurs qui s'imposent aux Etats-membres, alors que d'autres sont dépourvus de valeur juridique. Comment faire alors ? Il n'y a qu'à regarder ce qui est prévu dans le traité constitutif de l'OI en question – ex : les résolutions de l'AG et du CS de l'ONU celles du CS s'imposent et pas celles de l'AG. Pourtant, le CS est un organe restreint (15 Etats sur 192) et oligarchique tandis que l'AG est par définition l'organe le plus démocratique puisque tous les Etats y participent (un Etat=une voix). Mais il n'est pas question ici de morale ou de logique, c'est juste ce qui a été voulu par les rédacteurs de la charte des NU. A25 de la charte : les membres de l'organisation conviennent d'accepter et d'appliquer les résolutions du CS (=ils en ont l'obligation).

Le CS peut adopter des sanctions économiques et autres sanctions non miliaires (A41), mais aussi des sanctions militaires, cad autoriser le recours à la force contre un Etat dans certaines circonstances, s'il considère que c'est le seul moyen pour garantir un retour à la paix et à la sécurité internationale (A42).

Depuis le 9/11, le CS a une nouvelle tendance : il adopte parfois des résolutions qui semblent aller au-delà de ce qui était prévu initialement par la charte des NU. Il a parfois donné l'impression de vouloir en quelque sorte légiférer en se substituant à la fonction législative ordinaire du droit international qui est celle surtout du droit conventionnel. Il impose par exemple des normes en matière de lutte antiterroriste.

Tout a commencé le 28 septembre 2001 quand il adopté une résolution 1373 qui avait énormément surpris, car il ne faisait pas ce qu'on attendait qu'il fasse = répondre de manière précise aux événements du 9/11 et autoriser les USA à intervenir militairement en Afghanistan où se trouvait la principale base d'Al-Qaïda. En fait, les USA ne voulaient pas y être autorisés. Ils voulaient montrer qu'il s'agissait d'une action unilatérale. C'était assez surprenant car jusqu'à cette époque souvent des Etats voulaient recevoir cette autorisation et le CS le refusait. A place, le CS a fait quelque chose qu'on n'attendait pas de lui. Au lieu de se prononcer sur cette crise précise, il a fait quelque chose de novateur : il a adopté cette résolution par laquelle il a posé toute une série de normes abstraites pour lutter contre le terrorisme en général (erga omnes), normes qui allaient beaucoup plus loin que ce qui existait alors. Normalement, le CS, sur la base de la charte, doit répondre à une crise précise. Ces règles auraient du être des règles conventionnelles.

Depuis 2001, le CS a adopté certaines autres résolutions similaires concernant le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive et la piraterie maritime. On s'est demandé si le CS a vraiment un tel pouvoir normatif. Est-ce compatible avec la charte des NU ? D'autant plus que le CS a beaucoup abusé du concept de "menace contre la paix", qui est une condition fondamentale pour qu'il puisse adopter des résolutions sur la base du chapitre 7. Mais qui contrôle le CS ?

b) actes dépourvus de caractère obligatoire

1. l'exemple des résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unies

C'est un exemple d'autant plus important que l'AG de l'ONU est sans aucun doute l'organe le

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plus représentatif du monde et le plus démocratique. Cela a poussé certains auteurs, voire Etats, à vouloir présenter l'AG comme une sorte de parlement mondial, capable d'adopter à la majorité des sortes de lois universelles. Les pays du tiers-monde qui avaient avancé avec force cet argument ont réalisé dans les 70s qu'ils formaient une majorité. Ils ont voulu utiliser cette force de la majorité pour promouvoir leurs revendications (surtout économiques pour un nouvel ordre économique international : nationaliser des entreprises colonisatrices sur leur territoire, sans aucune indemnisation et obliger les pays occidentaux en matière d'aide au développement économique et social) à l'encontre des puissances colonisatrices. Ils voulaient que l'AG adopte des résolutions dans ce sens. Mais cette prétention, quelle qu'est pu être sa force sur le plan moral, n'a pu trouver aucun fondement sur le plan juridique. Pour la bonne et simple raison que ce n'était pas la volonté des rédacteurs de la charte.

Donc quel que soit le nom que les résolutions de l'AG peuvent porter (ex : déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948, charte mondiale de la nature), quels que soient l'historique et le contexte de ces résolutions, dans tous les cas, elles sont dépourvues de valeur obligatoire. Il s'agit de simples recommandations adressées aux Etats, de textes faisant partie de la "soft law".

2. effets juridiques indirects de certains actes

Si les résolutions de l'AG des NU ne "valent rien", comment explique-t-on que souvent les Etats pour adopter certaines de ces résolutions peuvent négocier pendant des années ? – ex : en 1970, pour fêter le 25ème anniversaire de la charte des NU, les Etats ont adopté au sein de l'AG par consensus (sans aucune opposition) une résolution 26-25 qui consacrait plusieurs grands principes du droit international. / La résolution 33-14 de 1974 intitulée "définition de l'agression". Les Etats proposent pour la 1ère fois dans l'histoire de l'ONU une définition de l'agression. Ils ont négocié plus de 10 ans. / En 2007, l'AG a adopté une résolution sur les droits des peuples autochtones (toutes les 1ères nations sur des territoires) : c'est le 1er grand texte sur le plan international sur ce sujet. Ils voulaient être différenciés d'une autre catégorie du droit international qui a moins de droits : les minorités nationales. Pour adopter cette résolution, les Etats ont du négocier 24 ans au sein de l'ONU (commission des droits de l'Homme).

Certains actes dépourvus de valeur normative ont cependant des effets juridiques indirects. Cela renvoie au processus de la création de la coutume internationale. Une résolution de l'AG, en elle-même dépourvue de caractère obligatoire, peut néanmoins, dans son contenu, contenir des règles déjà existantes du droit international coutumier – ex : résolution 26-25 elle n'a fait que reprendre des règles déjà existantes. Donc ce qui va s'imposer ne sera pas l'acte de la résolution elle-même, mais le contenu le pourra en tant que coutume internationale. Cela permet d'identifier de façon claire quelle est la coutume existante dans un domaine précis.

Par ailleurs, l'adoption des résolutions par l'AG peut permettre d'accélérer le processus de création de règles coutumières nouvelles. Le fait qu'une résolution a été acceptée à l'unanimité des Etats-membres de l'ONU, par consensus ou à une très large majorité, peut être intéressant pour prouver l'opinio juris des Etats. Ainsi la CIJ a indiqué que les résolutions 26-26 et 33-14

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font partie aujourd'hui dans leur totalité du droit international coutumier. On peut dire la même chose, et les tribunaux internationaux l'ont accepté, pour la déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948.

A l'inverse, si un Etat n'a pas d'accord avec une résolution et vote contre, cela peut montrer qu'il commence à être un objecteur persistant. Et s'il vote pour, il ne pourra plus s'opposer par la suite.

C'est pourquoi les Etats mettent beaucoup d'importance derrière ces résolutions et négocient parfois pendant des années. De plus, on peut avoir des textes de la "soft law" (pas de droit positif) qui peuvent pourtant se montrer extrêmement efficaces, en passant par la théorie des RI sans passer par l'obligation juridique. En effet, ils sont souvent plus souples et il n'y a pas de sanctions, donc ils sont parfois préférés par les Etats. Et les textes de "soft law" vont souvent plus loin que les traités – ex : droit à l'autodétermination pour les peuples autochtones (sûrement pas accepté si c'était dans un traité).

B/ le problème du contrôle de régularité : l'exemple des résolutions du Conseil de sécurité

Peut-on contrôler la régularité des actes des OI qui s'imposent aux Etats-membres, surtout dans la mesure où ils peuvent présenter des irrégularités de formes ou de fond – ex : la question de l'excès de pouvoir. Cela se retrouve dans le droit communautaire. Il y a des mécanismes pour contrôler la régularité des actes (incompétence, violation des formes substantielles, etc).

Concernant le CS, cette question se pose de plus en plus car il donne parfois l'impression de sortir de ce qui est expressément prévu par la Charte en agissant comme une sorte de parlement mondial.

a) l'absence d'un contrôle par voie d'action

Aucun mécanisme direct permettant à un Etat ou à un autre organe de l'ONU de porter devant la CIJ ou une autre juridiction une résolution du CS n'a été prévu par la Charte. CIJ, avis consultatif, Namibie, 1971 : la Cour n'a pas de pouvoir de contrôle judiciaire ni d'appel en ce qui concerne les décisions prises par les organes des NU. Elle ne peut pas être saisie directement. La seule véritable possibilité restante est l'hypothèse d'une demande d'avis consultatif posée par l'AG de l'ONU sur la base de l'A96 de la Charte. Sur un plan pratique cependant, cela risque de ne pas se réaliser. Et même si ça se réalise, cela ne mènera pas loin car il ne s'agit pas d'un recours en annulation mais d'un simple avis consultatif.

b) possibilité d'un contrôle par voie d'exception ?

C'est en fait la seule véritable possibilité. On a un litige classique entre deux Etats porté devant la Cour, à l'occasion duquel, l'un des deux Etats pourrait avancer l'argument selon lequel la résolution du CS est illégale.

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Cela s'est produit dans les 90s dans l'affaire de "Lockerbie" qui opposait la Libye contre les USA et le RU. La Libye a refusé d'extrader ses ressortissants, à la suite de quoi les USA et le RU ont obtenu en 1992 une résolution du CS qui imposait à la Libye sur la base du chapitre 7 d'extrader ses deux ressortissants en Ecosse. La Libye a invoqué un traité international qui disait exactement le contraire. Elle soutenait donc que la résolution était illégale. Les juges ont beaucoup hésité et ils ont réussi à faire trainer l'affaire pour au final ne pas vraiment se prononcer. L'affaire s'est résolue par un arrangement entre les Etats concernés : la Libye a accepté d'extrader ses nationaux, mais pas en Ecosse, aux Pays-Bas où un tribunal écossais s'est réuni. A la suite de ces événements, la Libye a retiré sa plainte pour le plus grand soulagement des juges!

Mais une autre juridiction internationale n'a eu aucune hésitation pour se prononcer sur cette question – TPIY, chambre d'appel, Tadic, 1995 : M. Tadic est un serbe bosniaque qui était la 1ère personne à être jugé par ce tribunal. Pour éviter cela, il a avancé l'argument que la création même de ce tribunal était illégale au regard de la résolution du CS sur la base du chapitre 7 qui l'a créé. Selon lui, le CS n'a pas le droit de le faire. Le tribunal s'est lancé dans un contrôle de la légalité de la résolution qui l'a créé, mais conclure que la résolution était tout à fait légale.

Section III les "moyens auxiliaires de détermination des règles de droit"

L'A38 prévoit des "moyens auxiliaires de détermination des règles de droit". Ce ne sont pas des sources du droit international. Ils ne servent qu'à éclairer les autres sources.

§1 la doctrine

On peut s'en inspirer.

§2 la jurisprudence

Il existe un contraste entre les pays de common law et les pays de droit continental. En common law, la jurisprudence est une source du droit national car on applique la règle de la stare decisis (la règle du précédent) selon laquelle les tribunaux sont juridiquement liés par les précédents émanant d'autres tribunaux, voire par leur propre jurisprudence. Il n'y a rien en droit civil français par exemple : le précédent, surtout des hautes juridictions, jouent un rôle très important, mais ne s'imposent pas en tant que telles puisque la jurisprudence n'est pas considérée comme une source directe du droit. C'est cette solution qui a été retenue en droit international. La jurisprudence a un rôle majeur pour l'interprétation et identification des règles de droit international, même si elle n'est pas une source directe.

Deuxième partie :

LA REALISATION DES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX

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Chap 1 : l'application des engagements

= dans l'ordre juridique interne (la situation en France)

A partir de quel moment le juge français va-t-il considérer qu'une règle internationale est applicable dans l'ordre juridique interne et peut être invoqué par un individu devant lui ? Il faut distinguer entre deux questions différentes : l'applicabilité simple et directe.

§1 la question de l'applicabilité

A/ applicabilité simple

A55 constitution : "les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chacun de son application par l'autre partie". Il pose trois conditions pour qu'un traité puisse être considéré comme applicable dans l'ordre juridique interne français.

- Il faut une ratification/approbation régulière : avant d'appliquer un traité, le juge le contrôle. A53 : intervention du parlement. Que se passe-t-il si la France a ratifié un traité sans demander ou obtenir l'autorisation parlementaire qui était nécessaire ? Jusqu'en 1998, le CE refusait de procéder à ce contrôle, considération que cette décision était un acte de gouvernement. Puis il a décidé que si ce n'était pas régulier, il ne fallait pas l'appliquer dans l'ordre juridique interne (cf partie sur le droit des traités).

- Il faut une publication dans le JO. Le problème est que compte tenu de tous les textes qui doivent l'être, les traités parfois ne sont publiés qu'avec énormément de retard (record : 32 ans!). Que se passe-t-il alors ? La France est engagée sur le plan international, mais ne le serait pas sur le plan interne juste parce que le traité n'a pas été publié ? Oui, mais les juridictions françaises, pour atténuer ce problème, acceptent l'idée.

- Il faut une réciprocité : les autres Etats parties au traité doivent respecter le traité, c’est une condition d’applicabilité. Cette condition posée par l'A55 de la constitution ne s'applique pas à tous les types de traité. Elle ne s'applique pas à deux types : les traités communautaires (et même le droit communautaire) et les traités relatifs aux droits de l'Homme et au droit humanitaire – conseil constitutionnel, décision relative à la ratification par la France du traité de Rome portant statut de la CPI, 1999. C'est logique car ces traités ne visent pas à imposer des relations synallagmatiques entre les Etats mais sont des traité-lois qui visent à conférer des droits absolus aux individus : quel que soit le comportement d'un Etat, cela ne donne pas le droit de ne pas appliquer ces droits.

Qui contrôlent les autres traités, qui sont soumis à cette condition de réciprocité ? Dans quelle mesure le juge interne se considère-t-il compétent pour examiner si les autres Etats partie au traité le respecte (cad si la condition de réciprocité a été remplie) ?

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Le CE, traditionnellement, refuse de procéder lui-même à ce contrôle car il considère qu'il n'est pas bien placé pour cela. Il préfère demander sous forme de question préjudicielle au ministère des affaires étrangères. La France a été condamnée par la CEDH pour cette attitude du CE – CEDH, Mme Chevrol, 2003. Elle a été condamnée pour violation du droit à un procès équitable car la CEDH a considéré que si dans un procès qui oppose l'Etat à un particulier le CE refuse de trancher et renvoie la question au ministère des affaires étrangères, cela signifie que le CE renvoie à une des deux parties au litige, qui devient en même temps juge et partie. Cette affaire Chevrol a posé de grandes difficultés à la justice française.

La cour de cassation a adopté depuis 1984 une attitude beaucoup plus souple en considérant qu'en principe il existe une présomption de réciprocité, cad une présomption selon laquelle la condition de la réciprocité est remplie par les autres parties. Elle applique le traité sans tenir compte de cette condition, sauf si preuve contraire.

B/ applicabilité directe

C'est une chose de dire qu'un traité est en principe applicable dans l'ordre juridique interne, c'est une chose différente que de dire si ce traité peut être invoqué directement par un individu. L'obstacle qui se pose ici est que le traité qui est conclu entre des Etats (en principe, seuls sujets du droit international) n'est pas nécessairement conçu pour être directement invocable par les ressortissants de ces Etats. La question est de savoir si le traité ne concerne que les relations interétatiques ou si on peut considérer qu'il confère des droits aux individus et est suffisant précis pour être invoquer devant le juge interne.

En France (ça dépend selon les Etats), le juge contrôle deux choses pour se prononcer sur le caractère directement applique de la norme :

- Il contrôle si la norme a un caractère complet ou non, cad que le juge se demande si la norme telle qu'elle figure dans un traité est rédigée d'une telle façon qu'elle ne nécessite pas une intervention supplémentaire pour sa mise en œuvre. Il constate que parfois nous avons des normes qui semblent être complètes (ex : il est interdit de torturer) et d'autres normes donnent l'impression d'être des normes incomplète, d'avoir une faible substance normative plutôt des vœux à réaliser, que de véritables obligations (ex : les Etats devraient, dans la mesure du possible, etc.). On voit par exemple l'attitude différente du CE et de la cour de cassation par rapport à la convention des NU sur les droits de l'enfant (1989) : cette convention est souvent invoquée en droit interne – ex : garde des enfants. Le CE a été beaucoup plu progressiste : il considère que certaines des dispositions de cette convention sont d'applicabilité directe (assez précise), tandis que d'autres sont trop vagues. La cour de cassation a adopté une attitude pendant longtemps qui consistait à dire que cette convention dans son ensemble n'était pas d'applicabilité directe. Ces dernières années, depuis 2005, elle a changé sa position et adopte une attitude similaire à celle du CE.

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- Il contrôle si la norme crée des droits subjectifs au profit des individus. On retrouve l'idée selon laquelle certains traités concernent les Etats et pas les individus. Cette condition a été très critiquée dans la doctrine. On a dit qu'il n'existe finalement que très peu de traités aujourd'hui qui ne concernent pas les individus d'une façon ou d'une autre – ex : les traités en matière de désarmement. La majorité écrasante des traités intéressent les individus et donc le juge ne devrait pas refuser leur applicabilité sur la base de cet argument. Le fait que le CE a souvent refusé l'applicabilité directe des traités en matière d'extradition, ou encore les traités relatifs à la protection consulaire et des dispositions du droit international de l'environnement. Cela a été critiqué – ex : extradition on a souvent dit que c'était absurde car cela intéresse directement les individus. De la même manière, le CE a avancé le même argument pour les traités qui visent à protéger la faune et la flore – ex : plusieurs maires de communes des Alpes ont adopté ces dernières années des arrêtés municipaux pour permettre de tuer des loups réintroduits en Italie qui sont considérés par les bergers comme responsables de dégâts causés sur les troupeaux. Ces arrêtés étaient clairement contraires à certaines conventions qui considèrent le loup comme une espère protégée. Les tribunaux ont parfois dit que ces traités ne pouvaient être invoqués car ne conféraient pas de droits aux individus (seulement aux loups…). Finalement la solution pour annuler les arrêtés a été de s'appuyer sur le droit communautaire qui reprenait des dispositions du droit international.

§2 la question du rang dans la hiérarchie des normes

A/ les rapports entre le droit international et les normes internes de rang infra-constitutionnel

a) primauté du droit international conventionnel sur la loi

Cette primauté est consacrée de manière claire par la constitution dans son A55. Compte tenu de cette disposition, normalement, la question ne devrait pas se poser. Or, elle se pose car pendant longtemps le juge administratif a fait de la résistance et refusait de consacrer cette primauté. Souvent cette question s'est posée de savoir qui est le juge compétent pour faire appliquer la primauté des traités sur les lois.

Conseil constitutionnel, IVG, 1975 : le conseil a dit de manière claire qu'il ne lui appartient pas de procéder à ce contrôle. Il envoie le message selon lequel ce contrôle appartient aux juges administratif et judiciaire. Le juge judiciaire n'a pas eu de difficulté. Mais le CE jusqu'en 1989 a dit que les traités internationaux ratifiés par la France et la loi interne ont une force égale il appliquait toujours le dernier texte (principe selon lequel la loi postérieure l'emporte sur la règle antérieure). Si la loi était postérieure au traité, le CE appliquait la loi et écartait le traité, ce qui est une violation claire de l'A55. CE, Niccolo, 1989 : revirement de jurisprudence, d'abord pour le droit communautaire (pas le choix), ensuite pour le droit international en général. Aujourd'hui, il n'existe plus aucun doute : en cas de conflit, on écarte

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la loi et on applique le traité. Cela montre tout l'intérêt qu'aura un justiciable en France à invoquer le droit international.

b) primauté de la loi sur le droit international coutumier ?

Paradoxalement, la position du juge français n'est pas la même pour le droit international coutumier. C'est bizarre car du point de vue du droit international, un traité et une coutume ont la même valeur (pas de hiérarchie entre les sources et les normes qui en découlent). Or le juge administratif français ne voit pas les choses de la même manière : il s'intéresse à ce qui est prévu par la constitution. Il constate que l'A55 ne consacre que la primauté du traité sur la loi interne. Il se dit donc qu'il n'est pas dans l'obligation d'appliquer la même primauté à la coutume internationale. La question est donc de savoir quelle est la place précise que le CE accorde au droit coutumier international : même valeur que la loi interne (auquel cas il devrait appliquer le principe de la norme postérieure et de la règle particulière) ? Valeur inférieure à la loi interne ? Mais alors quelle valeur : supérieure aux actes administratifs, ou pas ?

B/ les rapports entre le droit international et les normes constitutionnelles

a) les impasses du raisonnement fondé sur l'article 54 de la constitution

Certains auteurs se sont appuyés sur l'A54 de la constitution, disant que finalement quand le conseil constitutionnel dit qu'un traité que la France souhaite ratifier est incompatible avec la constitution, ce qui se passe est qu'on ne peut pas ratifier ce traité donc la constitution est selon eux supérieure aux traités. Mais on pourrait lire cet article de la façon inverse. C'est la constitution qu'on révise et le traité n'est pas touché.

Donc l'A54 n'est pas utile pour savoir qui est supérieur à l'autre. Il faut se tourner vers la jurisprudence.

b) la solution donnée par le juge administratif : primauté de la constitution

La jurisprudence administrative montre une primauté de la constitution sur les traités. En tout cas, elle donne clairement le message que les traités ne sont pas supérieurs à la constitution. "La suprématie conférée aux engagements internationaux par l'A55 de la constitution ne s'applique pas dans l'ordre interne aux dispositions de nature constitutionnelle" – CE, Sarran, Levacher et autres, 1998. Est-ce que cela signifie que les traités sont de la même valeur que la constitution, ou de nature infra-constitutionnelle ?

Il y a exception avec les traités communautaires – conseil constitutionnel, traité constitutionnel et européen, 2004 : la disposition engagée consacre la primauté du droit communautaire sur toutes les constitutions nationales. Le conseil constitutionnel a décidé que c'est compatible avec la constitution.

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Chap 2 : les difficultés à faire respecter les engagements

Section I les différends internationaux et leur mode de règlement pacifique

Un différent international est un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction ou une opposition des thèses juridiques entre deux personnes. Cela apparait quand un Etat réclame d'un autre une conduite particulière (action ou abstention) et se heurte au refus de ce dernier.

§1 l'obligation de règlement pacifique des différends

Cette obligation est consacrée par un grand nombre de textes internationaux – ex : A2§3 de la Charte des NU, coutume internationale.

A/ l'interdiction de régler les différends par des moyens non pacifiques

Les Etats n'ont pas le droit de régler leur différend par des moyens non pacifiques. C'est quelque chose de négatif. Ils n'ont pas le droit de recourir à la force armée pour cela. L'A2§3 de la Charte dispose que "les Membres de l'Organisation règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationale ainsi que la justice ne soient pas mises en danger."

Il doit être lu en étroite association avec l'article le plus célèbre de cette Charte (et le plus important) : l'A2§4 qui dispose que "les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies".

Si on regarde l'Histoire de l'Humanité jusqu'au début du XXème siècle, chaque fois d'un Etat avait un différend avec un autre, il déclarait la guerre et imposait la loi du plus fort. Le recours à la guerre était un moyen privilégié pour régler les différents. Il y en avait d'autres, cependant. Ceci n'est plus possible depuis 1945. Quels que soient la situation, l'ampleur du différend ou les moyens déjà utilisés par résoudre ce différend, on ne peut pas recourir à la force pour cela.

Le pacte de la SDN de 1919 ne visait qu'à interdire la guerre d'agression. C'était la 1ère

tentative pour limiter les déclarations de guerre. Mais il n'interdisait pas la guerre en cas de différend.

B/ l'obligation de négocier "en vue de parvenir à un accord"

C'est une obligation de négocier en vue de parvenir à un accord. Cela signifie que les Etats n'ont pas l'obligation de trouver une solution à leur différend. Ce n'est pas une obligation de résultat. Ce qui est imposé est de négocier de bonne foi, avec une réelle volonté d'aboutir à un

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accord. Mais si les Etats ne sont pas capables malgré des efforts importants de trouver une solution, personne ne peut imposer à un des Etats d'accepter une solution qui ne va pas de paire avec ses intérêts – ex : la question de la Palestine qui n'a toujours pas été résolue, la question du Cachemire qui dure depuis 1948.

C'est en accord avec le principe de la souveraineté.

C/ le principe de libre choix des moyens de règlement pacifique des différends

Toute une série de mécanismes est à la disposition des Etats : l'A33 de la Charte des NU dispose que "les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix".

Les Etats choisissent les modes de règlement des différends qu'ils préfèrent. Personne ne peut les obliger à en choisir un en particulier. De plus, l'accès au juge international n'est pas automatique. Cette liberté n'est limitée que si un Etat n'a accepté dans le passé une obligation précise de recourir dans certains cas à un mode de règlement des différents particulier – ex : si un Etat devient partie au traité de l'OMC qui prévoit que, pour les différends concernant le commerce international, les Etats ont l'obligation de choisir les modes de l'OMC (ORD : organisme de règlement des différends).

§2 les modes de règlement pacifique des différends

Les modes diplomatiques se distinguent des modes juridictionnels par deux côtés :

Quand on parle de mode diplomatique des règlements, cela signifie que l'objectif est la recherche d'une solution amiable quelle que soit par ailleurs cette solution. Cette dernière peut ou non être fondée sur le droit. Elle peut être fondée sur le droit, mais aussi sur la morale, l'équité, etc. On peut donc s'écarter de ce qui est prévu par le droit et trouver une solution différente de celle qu'aurait adoptée le juge. On peut tenir compte d'autres considérations que juridiques : historiques, opportunistes, politiques, géographiques, etc. – ex : la question de la Palestine pourrait être réglée en prenant appui sur le droit (résolutions des NU, etc.) mais la solution peut s'en écarter du moment qu'elle est acceptée par les deux parties. Cela ne veut pas dire que ce sera contraire au droit car en concluant un traité international, cela va créer du droit.

La solution diplomatique n'est pas obligatoire en elle-même – ex : la solution proposée par un médiateur. Elle ne s'impose pas aux Etats-parties. Pour qu'elle devienne obligatoire, il faut qu'elle soit reprise par un traité entre eux. Au contraire, la décision juridictionnelle s'impose toujours immédiatement et obligatoirement.

A/ modes diplomatiques

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a) la négociation

C'est le mécanisme le plus simple et le plus utilisé. Elle peut prendre des formes diverses. En réalité, elle ne s'arrête pratiquement jamais. Le fait que les Etats ont fait appel à un autre mode de règlement des différends ne signifie pas qu'ils doivent arrêter de négocier – ex : il est arrivé d'avoir des situations où des affaires ont portées devant la CIJ et ensuite les Etats ont réussi à trouver une solution négociée. Ils ont demandé à la Cour de ne pas rendre d'arrêt finalement (c'est le cas de Lockerbie).

b) l'assistance d'un tiers à la négociation : bons offices et médiation

Dans les deux cas, il s'agit d'une interposition, avec accord des parties, pour aider les Etats dans la démarche de négociation.

1. les bons offices

Ce sont la forme la plus souple d'intervention d'un tiers : un Etat, une personnalité – ex : le secrétaire général de l'ONU, etc. Ils interviennent dans des situations tellement conflictuelles entre deux Etats que ceux-ci ne sont même plus capables de se mettre autour d'une table pour négocier – ex : en 1979, entre les USA et l'Iran, après la révolution islamique, des étudiants iraniens ont envahi l'ambassade US de Téhéran et ont pris en otage l'ensemble du personnel. Les USA ont rompu leurs relations diplomatiques avec l'Iran. Les deux Etats étaient incapables de dialoguer. Donc la RFA avait proposé ses bons offices dans l'objectif n'était pas de proposer une solution mais de convaincre les Etats de négocier / bons offices de la Suisse en 1962 entre la France et le FLN en Algérie. Cela a abouti aux accords d'Evian / conflit entre la Géorgie et la Russie : l'UE dirigée par la France a proposé ses bons offices.

2. la médiation

Cette pratique propose des bases de négociation. Son objectif est d'intervenir dans le déroulement de la négociation, de faire la navette, de favoriser par tous les moyens un rapprochement des points de vue des parties et de proposer des solutions possibles et des pistes de réflexion. C'est une pratique extrêmement répandue – ex : la médiation des USA à travers le président Carter dans les relations entre Israël et l'Egypte qui ont permis aux deux Etats de conclure les accords de Camp David (1978).

c) interventions formelles d'un tiers : l'enquête et la conciliation

1. l'enquête

Il s'agit pour un organe tiers, quel qu'il soit, de proposer aux parties au litige de faire un rapport, de mener une enquête pour essayer d'établir des faits controversés. Il arrive parfois qu'à l'origine d'un différend se trouvent des visions différentes sur ce qui s'est passé durant un événement précis – ex : dans quelles circonstances un navire a coulé.

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2. la conciliation

C'est sans doute le mécanisme le plus perfectionné et formel d'intervention des tiers. Il s'agit d'avoir un organe constitué par les parties qui va presque agir comme un tribunal international, cad qu'on va avoir devant lui une procédure respectant le principe du contradictoire. Les deux Etats présentent leurs arguments, etc. C'est une procédure quasi-juridictionnelle. Mais à la fin il ne s'agit pas de proposer des pistes de réflexion mais une réelle solution, cad de rendre une décision par lequel l'organe dit ce qu'il pense sur le fait mais aussi sur les droits en proposant une solution concrète. La différente majeure avec une solution véritablement juridictionnelle est le fait que cette solution proposée ne doit pas être forcément fondée sur le droit et qu'elle ne s'imposera pas aux Etats. Il faut que les deux Etats l'acceptent et la transforment en un traité international pour que cela s'impose.

B/ modes juridictionnels

Une décision juridictionnelle s'impose immédiatement avec effet obligatoire pour les parties. Il n'y a pas besoin de la transformer en traité.

a) l'arbitrage

C'est l'attribution du pouvoir de statuer à un organe (=tribunal arbitral) institué par les parties au différend elles-mêmes. Deux Etats qui n'ont pas trouvé de solution avec la négociation peuvent préférer soumettre leur différend à un tribunal arbitral.

Ils concluent donc un traité appelé compromis d'arbitrage. Il va préciser comment va être composé le tribunal arbitral (qui seront les 3 arbitres ? chaque Etat nomme un arbitre de sa nationalité et un 3ème est issu d'un autre Etat qui va permettre au tribunal d'avoir une majorité), où il va siéger, quel sera son budget et surtout il va définir avec précision quel est l'objet du litige qui sera soumis au tribunal arbitral. C'est important car le tribunal ne pourra se prononcer que sur cet objet précis.

Souvent la procédure comporte une phase écrite puis orale. Le tribunal délibère et rend une sentence arbitrale qui va s'imposer aux Etats parties avec autorité de la chose jugée automatiquement et de manière définitive. La seule possibilité qui existe, prévue par le compromis d'arbitrage, est une demande en annulation – ex : si une partie considère que le tribunal s'est prononcé au-delà de la demande / s'il y a un vice important de procédure. Ce recours en annulation sera souvent examiné par la CIJ.

Que se passe-t-il si un des Etats parties ne se conforme pas à la sentence arbitrale ? Il n'y a pas de voie d'exécution prévue. Il n'y a pratiquement rien à faire. Sauf que dans la grande majorité des cas, avec très peu d'exceptions, les Etats se conforment aux sentences arbitrales et les appliquent spontanément, même si elles leur sont défavorables. Miracle ? C'est logique puisque c'était volontaire de soumettre le différend au tribunal arbitral; et parce qu'aucun Etat dans le monde ne veut donner l'impression de ne pas respecter le droit international et s'offrir une mauvaise réputation.

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b) les juridictions permanentes (l'exemple de la CIJ)

La CIJ n'est pas la seule juridiction permanente. Aujourd'hui, il y en a beaucoup. Mais la CIJ est la plus importante car c'est la seule à avoir une compétence générale et à vocation universelle.

1. composition et organisation de la CIJ

Son siège se trouve à La Haye. Elle a récupéré les locaux et le statut de la CPJI. Elle est composée de 15 juges élus par l'AG de l'ONU sur proposition du CS (mais pas de pouvoir de veto). Ils sont élus pour un mandat de 9 ans, renouvelable. Il est pris en compte certains critères comme la notoriété des candidats, mais le plus important est la représentativité politique et géographique. On trouve toujours un juge ayant la nationalité des membres permanents du CS. Malgré cela, les Etats-membres du CS ne sont pas forcément les meilleurs clients de la Cour et n'acceptent pas forcément sa compétence.

2. la fonction contentieuse de la CIJ

La cour a une fonction consultative (avis non obligatoire) et une fonction contentieuse. Nous n'aborderons que la fonction contentieuse.

Il n'y a que les Etats qui peuvent saisir la CIJ contre d'autres Etats. La CIJ ne peut être saisie par une OI, ni par le secrétaire des NU, ni par un individu ou une ONG. Elle ne peut pas juger un individu. Elle ne s'intéresse qu'aux conflits interétatiques.

Mais le fond du litige peut concerner des situations très différentes. La Cour peut connaitre n'importe quelle question portée devant elle – ex : la convention de Vienne, le droit de l'environnement.

Il arrive très souvent à la Cour de connaitre des litiges qui n'ont pas qu'une dimension interétatique pure mais qui concernent des personnes physiques ou morales. Dans tous ces cas, ces litiges sont transformés en litiges interétatiques. C'est le pays national de cette personne qui exerce la protection diplomatique et prend fait et cause pour ses ressortissants.

L'ensemble de la logique de la Cour est basé sur le principe de juridiction consensuelle. En droit international, le recours à la Cour n'est pas automatique. Cela passe par l'acceptation des Etats. Pour que la Cour puisse connaitre d'un litige, il faut qu'elle vérifie que les deux parties ont accepté d'une façon ou d'une autre sa compétence pour connaitre de ces litiges particuliers. Cela ne signifie pas que la Cour demande à chaque fois, les Etats acceptent une fois pour toute.

Il existe 4 mécanismes qui permettent aux Etats de reconnaitre la compétence de la Cour :

Le compromis : c'est la même chose qu'en matière d'arbitrage. C'est un traité par lequel deux Etats décident de soumettre un litige à la CIJ. (Dans toutes les autres hypothèses, l'Etat A dépose une requête unilatérale contre l'Etat B, qui souvent va soulever des exceptions

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préliminaires d'incompétence. La Cour doit vérifier que les deux Etats ont accepté sa compétence.)

3 requêtes unilatérales :

La clause juridictionnelle insérée dans un traité international. L'Etat peut fonder la compétence de la Cour en invoquant une telle clause. Les Etats ont dans le passé ratifié un traité qui prévoit qu'en cas de litige, la Cour est compétente.

La déclaration facultative d'acceptation de la compétence de la CIJ – A36§2 du statut de la CIJ. L'Etat dit qu'à partir de ce moment, il accepte la compétence de la Cour pour tous les litiges futurs. Le monde serait très différent su tous les Etats du monde avaient émis une telle déclaration car il n'y aurait plus de différence avec le droit interne : la Cour serait automatiquement compétente pour n'importe quel conflit interétatique. Il n'y a que 66 Etats qui ont fait cette déclaration : ce mécanisme ne concerne qu'eux. Cela veut dire que plus d'un tiers de l'humanité n'a pas fait de déclaration – ex : 4 des 5 membres du CS (que le RU). Cependant, de plus en plus d'Etats acceptent de formuler cette déclaration.

Le Forum prorogatum (juridiction prorogée), cad une acceptation non formalisée de la compétence de la CIJ. C'est la piste ultime pour établir cette compétence pour juger un Etat. Il s'agit de déposer la requête en espérant que le défendeur va accepter la juridiction. Il est aussi possible de ne déposer qu'un mémoire. Ex : affaire Djibouti/France. Le Djibouti qui voulait porter une affaire contre la France – mais il était impossible d'utiliser 1 parmi les 3 mécanismes : 1. pas de perspective de compromis 2. Pas de traité qui contenait une clause juridictionnelle 3. Pas de déclaration sur la base de l'A36 -> le Djibouti a déposé une requête contre la France, en espérant que la France va accepter cette requête. En général, les Etats n'acceptent pas cette procédure et l'affaire n'est jamais examinée. Mais il peut arriver (c'est le cas ici) que l'Etat visé accepte la procédure, soit en adressant une lettre à la Cour, soit en acceptant de déposer un mémoire devant la Cour. Autre ex : une requête de la République du Congo contre la France – la France a envoyé une lettre à la Cour disant qu'elle acceptait la compétence de la Cour. Autre ex : le Rwanda avait aussi déposé une requête contre la France sur cette même base – la France n'a pas accepté le procès. Raisons : parfois un Etat a la certitude de gagner l'affaire ; permet de montrer les liens d'amitié ; ou parfois l'Etat sait qu'il va perdre mais dans ce cas il est plus facile d'appliquer la décision de la Cour plutôt que d'avoir lui même l'initiative de changer son comportement, ce qui pourrait être difficile sur le plan interne.

S'il n'y a aucun des 4, la CIJ se déclarer incompétente et n'examine pas l'affaire.

Il n'y a pas de procédure d'appel quand la Cour rend un arrêt. Si un Etat ne respecte pas l'arrêt, il existe un mécanisme – Charte des NU : on peut saisir le CS pour prendre des mesures pour faire appliquer la décision. Limites : le pouvoir de veto des membres permanents et rien n'oblige le CS à agir et à adopter des sanctions (c'est très aléatoire… en fait le CS n'a jamais pris de sanction sur la base de ce mécanisme). On retrouve la même "culture of compliance" (culture d'obéissance) qui fait que les Etats le plus souvent respectent spontanément les arrêts de la CIJ. Parfois, on a besoin d'une intervention du secrétaire des NU pour convaincre l'Etat

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perdant à respecter l'arrêt. L'exemple le plus marquant est le tout 1er arrêt de la Cour sur le fond – CIJ, Détroit de Corfou, 1949 : RU c/ Albanie : il y avait des mines et l'Albanie ne l'avait pas dit. Comme cela constituait une violation du DI, l'Albanie devait indemniser le dommage causé au RU. Mais l'Albanie avait refusé pendant des années, le RU a essayé de confisquer une partie de l'or de l'Albanie, mais finalement, en 1993, les deux Etats ont fait une déclaration commune en disant que l'Albanie accepte de payer et le RU accepte de restituer l'or qu'il avait confisqué.

Section II les réactions à l'inexécution des engagements

Si un Etat ne respecte pas ses engagements internationaux, il existe une palette de réactions à utiliser par l'Etat victime.

§1 réactions ayant pour but de mettre fin au manquement

A/ réactions n'impliquant pas l'emploi de la force armée

a) réactions individuelles : mesures de rétorsion et de représailles

Un Etat peut adopter des mesures de rétorsion ou de représailles.

Les mesures de rétorsion sont des mesures licites à l'illicite. Ces mesures ne posent aucune difficulté du point de vue du droit international, puisqu'elles lui sont conformes – ex : couper les relations diplomatiques.

Les mesures de représailles sont des mesures illicites à l'illicite. Mais leur illicéité est effacée du fait qu'elles constituent des réponses à un acte initial illicite et car elles ont pour objectif d'inciter cet Etat à mettre fin à l'acte illicite – ex : l'UE a adopté un règlement interdisant de bœuf US sur son territoire. Les USA ont considéré que cette mesure est une violation des règles de l'OMC et ont répondu eux-mêmes par une violation, cad qu'ils ont adopté toute une série de mesures contraires aux règles de l'OMC contre l'importation de produits européens aux USA. Quand l'affaire a été examiné par l'OMC, elle a dit que l'UE est en tord et que les USA avaient le droit d'agir ainsi. Des conditions sont posées par le DI – ex : les représailles ne peuvent jamais êtres armées ou militaires / elles doivent respecter le principe de proportionnalité par rapport à l'acte illicite initial / elles doivent cesser dès que l'acte illicite initial prend fin.

b) réactions collectives : les "sanctions" édictées par le Conseil de sécurité (rappel)

A41 et 42 de la Charte : sanctions économiques ou militaires.

B/ réactions comportant l'emploi de la force armée

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A2§4 : il n'existe que deux exception à l'interdiction de l'emploi de la force armée la légitime défense et l'autorisation donnée par le CS.

a) modalités licites de recours à la force

1. légitime défense

A51 de la Charte : elle ne peut être invoquée que si l'Etat est l'objet d'une agression armée. Elle ne peut pas l'être dans le cas contraire – ex : un Etat ne pourra jamais le faire en cas de dommage économique. Il ne s'agit pas de protéger ses intérêts de manière générale. Ces dernières années, les USA ont dit qu'ils avaient le droit d'agir de manière préventive en cas de simple menace (même si celle-ci est très lointaine et pas encore concrétisée). Le DIP positif n'accepte certainement pas cette notion.

2. actions sur habilitation du Conseil de sécurité

Chapitre VII de la Charte : le CS peut autoriser le recours à la force armée. Il ne l'a pas fait au début, bloqué par la guerre froide. Mais depuis les 70s, il l'a fait à de nombreuses reprises. Parfois, la menace seule est suffisante pour faire cesser le conflit.

b) modalités en quête d'une licéité : la question de l'intervention humanitaire

C'est l'idée qu'il existerait aujourd'hui une 3 ème exception , chaque fois qu'un Etat considère qu'il existe une situation humanitaire préoccupante sur le sol d'un autre Etat. Pour l'instant, ce n'est pas de droit positif. C'est toujours le CS, sur la base du chapitre VII de la Charte, qui doit agir dans une telle situation. Ca a plusieurs fois étaient le cas… même si c'était tardivement parfois – ex : au Rwanda.

§2 réactions ayant pour but de réparer les conséquences du manquement : la responsabilité internationale (renvoi au cours de M1)