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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 1 Anne-Marie Hubat-Blanc Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier On entend souvent dire que les élèves ne maîtrisent pas la lecture, même au collège, alors qu’elle constitue une partie essentielle des apprentissage de l’école, et ce constat prend souvent l’allure d’un reproche, parce qu’on l’attribue à une évolution des méthodes, ou à une évolution de la société, en particulièrement au rôle de l’image. Cela présuppose que ce phénomène est récent et qu’autrefois, tous les enfants savaient lire. Or la réalité est un peu plus nuancée : l’illettrisme, c’est-à-dire le fait de ne pas savoir lire quoique l’on ait appris, et l’analphabétisme, qui correspond à l’ignorance totale du système de l’écrit, ont toujours existé, ils sont seulement rendus plus visibles par le mélange des populations dans les classes des collèges et par l’allongement de la scolarité. Ils constituent surtout un handicap rédhibitoire pour l’insertion sociale aujourd’hui, ce qui était moins le cas autrefois ; on pouvait trouver un emploi sans savoir lire ou sans maîtriser la lecture ; c’était assez fréquent dans les grandes agglomérations très industrialisées, dans le Nord par exemple. Un ancien pépiniériste, chef d’une entreprise de taille moyenne, nous a dit avoir employé de tels ouvriers sans que cela ne pose de problème dans le travail, et il a constaté que cela ne serait plus possible aujourd’hui. L’acculturation à l’écrit a sans doute toujours suscité des résistances et partiellement échoué, sur des marges restreintes de la population. En effet, elle suppose une transformation importante dans la perception et la pratique du langage. La difficulté de l’entrée dans l’écrit tient à plusieurs facteurs dont nous n’avons pas conscience parce que nous y évoluons continuellement. La maîtrise de l’écrit suppose une conscience du langage qui n’existe généralement pas dans les usages quotidiens ordinaires de la parole. Le langage devient un objet d’observation, alors que le plus souvent on est dedans « comme un poisson dans l’eau », on ne songe pas aux expressions que l’on emploie, mais aux réalités que l’on vise à travers elles ou aux idées que l’on exprime. Il faut, pour acquérir des compétences linguistiques nouvelles et complexes, cesser de « passer à travers » le langage comme s’il était transparent. Cette attitude peut être difficile à acquérir, elle suppose une sorte de « pas de côté » du sujet par rapport à sa propre activité langagière. Il faut donc développer cette capacité qu’on appelle métalinguistique, celle qui consiste à considérer le langage pour lui-même. Notre système d’écriture est un codage de la langue orale, même si des différences existent entre les usages oraux et écrits de la langue ; apprendre à lire ne revient pas à

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 1

Anne-Marie Hubat-Blanc

Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier On entend souvent dire que les élèves ne maîtrisent pas la lecture, même au collège,

alors qu’elle constitue une partie essentielle des apprentissage de l’école, et ce constat prend

souvent l’allure d’un reproche, parce qu’on l’attribue à une évolution des méthodes, ou à une

évolution de la société, en particulièrement au rôle de l’image. Cela présuppose que ce

phénomène est récent et qu’autrefois, tous les enfants savaient lire. Or la réalité est un peu

plus nuancée : l’illettrisme, c’est-à-dire le fait de ne pas savoir lire quoique l’on ait appris, et

l’analphabétisme, qui correspond à l’ignorance totale du système de l’écrit, ont toujours

existé, ils sont seulement rendus plus visibles par le mélange des populations dans les classes

des collèges et par l’allongement de la scolarité. Ils constituent surtout un handicap

rédhibitoire pour l’insertion sociale aujourd’hui, ce qui était moins le cas autrefois ; on

pouvait trouver un emploi sans savoir lire ou sans maîtriser la lecture ; c’était assez fréquent

dans les grandes agglomérations très industrialisées, dans le Nord par exemple. Un ancien

pépiniériste, chef d’une entreprise de taille moyenne, nous a dit avoir employé de tels ouvriers

sans que cela ne pose de problème dans le travail, et il a constaté que cela ne serait plus

possible aujourd’hui. L’acculturation à l’écrit a sans doute toujours suscité des résistances et

partiellement échoué, sur des marges restreintes de la population. En effet, elle suppose une

transformation importante dans la perception et la pratique du langage.

La difficulté de l’entrée dans l’écrit tient à plusieurs facteurs dont nous n’avons pas

conscience parce que nous y évoluons continuellement. La maîtrise de l’écrit suppose une

conscience du langage qui n’existe généralement pas dans les usages quotidiens ordinaires de

la parole. Le langage devient un objet d’observation, alors que le plus souvent on est dedans

« comme un poisson dans l’eau », on ne songe pas aux expressions que l’on emploie, mais

aux réalités que l’on vise à travers elles ou aux idées que l’on exprime. Il faut, pour acquérir

des compétences linguistiques nouvelles et complexes, cesser de « passer à travers » le

langage comme s’il était transparent. Cette attitude peut être difficile à acquérir, elle suppose

une sorte de « pas de côté » du sujet par rapport à sa propre activité langagière. Il faut donc

développer cette capacité qu’on appelle métalinguistique, celle qui consiste à considérer le

langage pour lui-même.

Notre système d’écriture est un codage de la langue orale, même si des différences

existent entre les usages oraux et écrits de la langue ; apprendre à lire ne revient pas à

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apprendre une nouvelle langue. Pourtant, cela représente un changement très important dans

l’appréhension du langage ; l’oral est en effet sonore, il enveloppe le sujet, puisque le son se

propage par ondes concentriques, alors que l’écrit est visuel et à distance ; la parole se déroule

dans le temps, et les limites des mots ne sont pas bien perceptibles à l’oral ; on ne distingue

les mots dans leur unité que quand on remarque qu’il reviennent inchangés, ou peu changés,

dans des contextes différents. Seuls une minorité de sujets, qui ne présentent pas de

compétences exceptionnelles par ailleurs (et ne sont donc pas plus intelligents), sont capables

de percevoir spontanément des segments dans la chaîne parlée ; la plupart doit le découvrir

méthodiquement. Cela fait partie de ce que l’on appelle des compétences métaphonologiques

(nous y reviendrons dans le premier chapitre de ce livre).

On a insisté à juste titre depuis les années 70 sur le fait que lire, c’est comprendre,

avec deux principaux axes théoriques : 1°) le fait que les bons lecteurs vivent pour la plupart

dans un environnement où on lit, et que la lecture est un fait social et non strictement

individuel ; 2°) l’observation des bons lecteurs, dont la lecture rapide et efficace est liée à la

reconnaissance globale des mots dont l’image orthographique est stockée dans la mémoire et

rappelée lors de la lecture. Le premier de ces paramètres impliquait l’insistance sur les

activités autour de la lecture susceptibles d’en assurer la valorisation et la socialisation, ce que

l’on ne saurait remettre en cause ; le second, lié au développement de la lecture rapide et à

l’observation de bons lecteurs, a eu un effet pervers : on a privilégié, même pour les

apprenants, la reconnaissance globale sur le déchiffrement ; or celle-ci suppose la maîtrise du

second et ne le remplace pas ; tout bon lecteur en effet est capable de déchiffrer un mot qu’il

découvre (et la lecture est aussi un moyen d’acquérir du vocabulaire).

L’erreur a consisté à mettre sur le même plan l’existence de compétences chez de bons

lecteurs et leur acquisition : puisqu’un bon lecteur, la plupart du temps, ne décompose pas les

mots syllabiquement mais les « photographie », la décomposition ne serait pas nécessaire et

pourrait retarder la maîtrise de la lecture par la répétition d’exercices dénués de sens ; on a

pensé qu’il valait mieux faire appréhender un texte, même très bref, ayant du sens en en

faisant reconnaître les mots globalement, quitte à découvrir plus tard la décomposition

syllabique et grammaticale de ces mots. Cette erreur a sans doute été renforcée par

l’observation commune de jeunes enfants capables, sans connaissance des règles de

composition syllabique, de reconnaître des mots très fréquents, et généralement brefs, de

façon globale, en particulier dans les slogans publicitaires. Nous verrons qu’en effet la

première appréhension du système écrit se fait de cette manière, certains mots constituant des

signaux qui peuvent être appréhendés globalement, hors contexte; l’image en est alors saisie

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comme un logo ; mais cette reconnaissance est différente de celle du bon lecteur qui reconnaît

la forme orthographique des mots, c’est-à-dire aussi leur figure et leur fonction grammaticale

Les premiers apprentissages des correspondances entre les lettres et les « sons » sont

indispensables, et seule la maîtrise de ces correspondances permet ensuite de développer la

reconnaissance globale fondée (nous verrons au cours de la première partie qu’il ne s’agit pas

à proprement parler de sons, raison pour laquelle le mot est mis ici entre guillemets). Quant à

la reconnaissance globale, elle implique l’identification des formes orthographiques, donc une

mémorisation de la composition graphique des mots, ce que l’observation de leur constitution

interne permet de développer. Il y a donc un important travail d’acquisitions techniques à faire

pour devenir un bon lecteur ; ces acquisitions sont loin de se réduire au seules règles de

correspondances que nous venons d’évoquer ; en effet, la morphologie des mots relève en

grande partie de la grammaire, et les connaissances grammaticales seules assurent une

conscience du fonctionnement de la langue indispensable à la maîtrise de l’écrit, tant en lisant

qu’en écrivant. (les spécialistes parlent également, pour désigner les compétences que

présupposent la maîtrise de l’écrit, de compétences métasyntaxique, métalexicales…etc, et

nous verrons pourquoi.)

L’apprentissage de la lecture suppose donc de nombreux apprentissages progressifs, et

se continue, pourrait-on dire, toute la vie, mais surtout durant toute la scolarité obligatoire, ce

qui ne signifie pas qu’on y répète le B, A, ba, mais qu’on apprenne aussi, comme les

instructions officielles actuelles y invitent pour l’enseignement du français en collège, à

distinguer les types de discours et l’organisation grammaticale qui leur est propre. Reste que

la compréhension de textes complexes, et ils le sont pour ainsi dire tous, suppose l’élaboration

de l’information que le texte ne donne qu’indirectement ; comprendre, c’est souvent déduire,

et parfois déceler des sous-entendus ; c’est identifier des références, savoir se situer dans

l’univers du texte, ce qui implique le plus souvent qu’on sache « changer de longueur

d’onde » quand on a à faire à une diversité de points de vue, à différents systèmes

d’interprétation. C’est ainsi que l’enseignement de la littérature peut contribuer à la formation

du citoyen en familiarisant les élèves avec la pluralité des angles de vue ; la littérature du

passé en particulier oblige un lecteur néophyte à « débarquer sur une autre planète », à quitter

mentalement le monde auquel il est accoutumé, pour s’habituer à un autre système de

référence.

C’est pourquoi dans le présent travail, étayé sur une longue expérience avec des élèves

en difficulté, tant en lycée qu’en collège, et particulièrement avec des enfants non lecteurs en

6ème, nous envisagerons successivement les étapes de l’apprentissage, ou du réapprentissage,

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de l’écrit, qui ne sont pas strictement séparées, mais dont les compétences à faire acquérir se

recoupent ou se chevauchent partiellement. Pour une plus grande clarté d’exposition, nous

traiterons dans trois parties :

I Déchiffrer, décoder: les correspondances grapho-phonétiques, la construction des syllabes,

l’image graphique des mots , ainsi que les compétences que cela présuppose ; nous

envisagerons donc successivement les aspects suivants présentés ici synthétiquement (ce qui

ne constitue pas une table que l’on trouvera à la fin du livre): • Les stades d’apprentissage ou les modes d’appréhension de l’écrit • Les compétences métalinguistiques et métaphonologiques • Les caractéristiques du code alphabétique et le rôle de la lettre (la notion de phonème) • Le système graphique du français : les sons du langage et leur écriture ; la syllabation • Des exemples de supports pour un réapprentissage

II . Décoder, comprendre : les acquisitions grammaticales de base, en particulier en ce qui

concerne les désignations et les reprises par des synonymes ou des pronoms, les indications

spacio-temporelles qui permettent de structurer un texte narratif, les temps verbaux et les

conjugaisons, et leur rôle dans la compréhension du texte…etc ; • les élèves qui savent déchiffrer mais ne comprennent pas • le fonctionnement des diverses désignations et les inférences qu’il demande • inférences nominales et pronominales ; le fonctionnement des substituts • construire un raisonnement syntaxique avant d’encombrer la mémoire avec un métalangage III. Comprendre, interpréter : le développement des intuitions nécessaires au repérages

dans l’univers du texte, la compréhension des sous-entendus et des présupposés ; les aspects

implicites de la communication textuelle, et la composante argumentative de la plupart des

discours; la pluralité des interprétations et la difficulté de changer ses cadres de références • inférence lexicale et construction du vocabulaire • sens propre, sens figuré, sens littéral, sens analogique ; pourquoi la figuralité peut déstabiliser • comprendre les implicites, leurs fonctionnements différents selon les types de textes • Alice au pays du miroir et les accommodations successives du lecteur • Cadres de références et groupe d’appartenance • Les attentes du lecteur, la notion de réception

Ces parties ne supposent pas que chacun des trois niveaux soient atteint avant de

passer au suivant puisqu’il y a des chevauchement de l’un à l’autre, et nous introduirons dans

chacune des parties qui composent nos trois chapitres, après des exercices introductifs, des

exemples plus complexes supposant une approche plurielle. Mais le principe que nous

adoptons est de traiter séparément, au moins au départ pour chacune d’elles, des habiletés

complexes que doivent maîtriser progressivement les élèves. Nous ne proposons pas à

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proprement parler une méthode, mais des pistes exemplifiées par des exemples concrets. Il va

de soi que de nombreuses activités de la classe, parallèles à celle que nous exposons, sont

menée à côté ou entre les séquences évoquées ici qui ne font pas l’objet d’études dans le

présent ouvrage consacré exclusivement à ce qui fait particulièrement problème pour des

élèves en difficuté. Nous présentons dans un ouvrage publié au CRDP d’Amiens, Bâtir une

progression en 6ème pour des élèves en difficulté avec la littérature de jeunesse des séquence

plus équilibrées, où sont associées lecture et écriture, expression orale et écrite, maniement

des formes morphologiques, syntaxiques et maîtrise plus globale de l’expression.

Nous présenterons en revanche dans les pages qui suivent, de façon plus longue et

explicite que nous n’avons pu le faire dans nos livres précédents, les connaissances

indispensables sur lesquelles sont fondés les démarches pédagogiques élaborées pour la

classe ; ces savoirs théoriques seront évoqués de la façon la plus claire et la plus succincte

possible, le but de cet ouvrage n’étant pas de faire un exposé théorique ; les références n’en

seront pas systématiquement signalées en cours d’exposé, afin de ne pas alourdir la

présentation, mais elles seront explicitées dans la bibliographie. Nous nous appuyons en

particulier sur les rapports d l’Observatoire national de la lecture, en particulier ceux qui sont

parus chez Odile Jacob, avec le concours du CNDP, en 1998 et 2000 ; on ne saurait trop

recommander la lecture de ces ouvrages qui constituent la meilleure introduction aux savoirs

disponibles actuellement sur le sujet

Nous serons amenés à évoquer le cas particulier des dyslexiques, sans en faire l’objet

principal de notre propos, qui concerne les difficultés de lecture les plus générales, et non

celles qui relèvent d’interventions spécialisées. On sait que la dyslexie concerne environ 5%

de la population, quelle que soit l’origine socioculturelle, et il paraît largement admis

aujourd’hui qu’elle est lié à des paramètres neuro-psychiques, ce qui ne relève pas de notre

compétence. On considère comme dyslexiques des enfants qui ont des difficultés importantes

dans l’apprentissage de la lecture, et seulement là. En effet les difficultés d’apprentissage

peuvent être d’origine diverses, psychologiques, familiales, sociales…etc, et dans ce cas elles

ne concernent pas seulement la lecture, l’enfant étant globalement perturbé ; un enfant

dyslexique peut être amené aussi à avoir un comportement d’enfant perturbé, mais dans ce cas

la perturbation est uniquement due à l’échec en lecture avec les effets de stigmatisation que

cela peut entraîner. Pour éviter ce syndrome d’échec particulier à cette catégorie de sujets, il

faut repérer le déficit dès le début de l’apprentissage, avoir recours à un ou des spécialistes

compétents, et dédramatiser le problème, qui n’est pas rédhibitoire. Les enseignants doivent

donc être capables de repérer les élèves qui ont besoin d’une aide particularisée dans ce

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domaine, et le plus tôt est le mieux. Précisons que l’on distingue aujourd’hui une dyslexie

profonde, qui affecte le déchiffrement et la reconnaissance des syllabes et des lettres, et se

manifeste par de graves confusions à ce niveau, d’une dyslexie de surface, la plus répandue,

qui affecte seulement le découpage des mots et l’identification de leur nature et de leur

fonction dans la phrase, c’est-à-dire des capacités d’intuition grammaticale ; c’est le cas de

ces élèves dont on dit de façon un peu approximative qu’ils écrivent phonétiquement, ce qui

n’est que partiellement vrai, mais au moins, ils ont compris le système syllabique.

Précisons en outre que cet ouvrage s’adresse principalement aux enseignants de 6ème et

de CM, mais nous espérons qu’il peut être utile à tous ceux que le problème traité préoccupe ;

c’est pourquoi, sans renoncer aux savoirs spécifiquement linguistiques, parfois complexes,

qu’il faut mobiliser pour le comprendre, nous avons essayé d’être toujours explicites, et nous

donnons des explications même pour certains concepts connus des enseignants de français.

Nous avons pensé également aux futurs professeurs d’école, étudiants en IUFM, dont la

spécialité d’origine n’implique pas de formation sur le langage et la textualité. Les autres

voudront bien excuser quelques explications inutiles pour eux.

Nous n’abordons ici que les aspects essentiellement didactiques de l’apprentissage, ce

qui n’exclut nullement la réflexion pédagogique comme on le verra, mais nous centrons notre

propos sur les difficultés spécifiquement linguistique et langagières, ce qui en exclut les

considérations d’ordre organisationnel ; disons brièvement que nous préconisons pour les

élèves non lecteurs des structures spécifiques, sans méconnaître le risque de filiarisation, que

l’on n’évitera qu’en renvoyant les élèves un peu débrouillés dans une classe hétérogène. Ce

travail suppose en outre la collaboration de tous les membres de l’équipe pédagogique qui

doivent être volontaires. Enfin il faut prévoir des effectifs réduits ; nous avons fonctionné

généralement avec des classes de vingt élèves, ce qui permettait de faire des groupes de dix

lors des dédoublement, le professeur pouvant alors consacrer au moins cinq minutes à chacun.

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Première partie: Déchiffrer, décoder

Chapitre I : les difficultés de l’apprentissage Certains élèves ne maîtrisent pas le déchiffrement à l’entrée en 6ème, et beaucoup de

lecteurs lents sont de mauvais déchiffreurs ; c’est pourquoi un rattrapage peut être nécessaire

pour faire intégrer en particulier les règles les plus complexes, notre système orthographique

étant plus éloigné de la prononciation que ce n’est le cas en espagnol ou en italien. Il faut

insister sur le fait que les difficultés de déchiffrement concernent essentiellement ce qu’on

appelle le premier niveau d’articulation du langage, c’est-à-dire celui de ce qu’on appelle

vulgairement le « B A ba » ; mais qu’il existe aussi des difficultés importantes au niveau de

la seconde articulation, qui concerne la composition interne des mots.

Le double niveau de l’articulation du langage et les types de difficulté

La double articulation du langage, qui caractérise le langage humain, est

l’articulation des « sons » en syllabes d’une part, et de l’autre celle des mots et des parties

de mots porteuses de sens (comme les terminaisons verbales, par exemple) ; on appelle les

premiers des phonèmes et les secondes des morphèmes (du grec morphè qui signifie forme),

qui relève de cette partie de la grammaire qu’on appelle la morphologie. Ce sont les

difficultés liées au premier niveau, c’est-à-dire à l’articulation interne à la syllabe, qui sont

les plus importantes, parce qu’elles bloquent tout progrès aux autres niveaux ; c’est pourquoi

les troubles les plus handicapants des mauvais lecteurs sont ceux du déchiffrement

phonématique. On dit couramment de certains enfants qu’il lisent ou qu’ils écrivent

phonétiquement quand leur orthographe ressemble à un rébus (par exemple sa mes tes gales),

ce qui n’est pas rigoureusement exact (écrire phonétiquement serait le faire en signes

phonétiques). C’est évidemment très gênant, mais l’enfant a tout de même franchi la première

étape qui est celle de la première articulation ; il a compris ce que sont les mots et les

syllabes ; il n’a pas encore compris la composition interne des mots, ni la pertinence des

formes grammaticales. Cela concerne un autre ordre de difficulté et un autre niveau de

compétence.

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Les étapes de l’apprentissage

Le déchiffrement est donc essentiel et suppose un apprentissage rigoureux et progressif.

Pour comprendre les difficulté de ceux qui n’ont pas bien réussi cet apprentissage, il convient

d’évoquer brièvement les trois modes d’appréhension, ou les trois démarches dont dispose un

lecteur pour reconnaître un mot, et qui peuvent constituer trois étapes d’apprentissage :

• le stade logographique, ou le sujet reconnaît l’image globale du mot, dont il a retenu par

cœur la signification, sans savoir encore lire à proprement parler ; de nombreux parents

ont observé cela chez leurs enfants : des enfants de maternelle semblent savoir lire

quelques mots alors qu’ils n’ont pas encore appris à lire. Des parents ont même souvent

fait la remarque suivante : au CP, et parfois encore au CE, alors que l’apprentissage est en

cours, des enfants lisent « voiture » pour automobile, parce qu’ils ont associé l’image

graphique globale du mot à une représentation mentale; ce type d’erreur n’est pas

inquiétant si le nécessaire est fait pour que l’enfant dépasse ce stade, ce qui n’a pas

toujours été le cas, raison pour laquelle on a souvent accusé la méthode globale, très peu

utilisée en France, des ratages dans l’apprentissage de la lecture. Si les parents ne sont pas

toujours assez informés, et il tient aux enseignants de les éclairer autant que possible, il

faut prendre au sérieux les observations qu’ils font sur leur enfant ; pour des raisons

psychologiques et éthiques évidentes d’une part, par souci de respect et d’écoute de

l’autre, mais aussi parce que de telles observations sont souvent pertinentes, si l’on sait les

interpréter. Il faut signaler à propos de ce type de reconnaissance des mots que certains

dyslexiques sont dépistés trop tardivement parce qu’ils développent rapidement des

stratégies de contournement de la difficulté du déchiffrement par l’apprentissage des

images orthographiques sur le mode idéographique et en s’aidant du contexte ; ils

paraissent alors savoir lire plus vite que leurs camarades qui en sont encore au

déchiffrement. Mais cette aisance est trompeuse, car le manque du déchiffrement

empêchera des acquisitions ultérieures, en particulier sur le plan de l’orthographe, qui

suppose la décomposition raisonnée du mot, et sur laquelle repose la lecture rapide d’un

adulte. Et l’avantage apparent disparaît quand les enfants déchiffreurs atteignent la

maîtrise de l’orthographe qui leur permet de lire plus vite, de façon exacte, et de découvrir

de nouveaux mots ;

• le stade alphabétique (ou phonologique), ou le sujet devient capable de déchiffrer des

mots qu’il connaît, mais aussi des mots qu’il ignore ou qui n’existent pas ; les spécialistes,

comme Liliane Sprenger-Charolles, testent cette compétence avec des « pseudo-mots » ou

logatomes, qui peuvent être formés conformément aux règles de la langue, comme par

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exemple « bivoit », ou même être totalement irréguliers, comme « xoidro ». Il est

important, dans les études scientifiques de l’apprentissage, de vérifier qu’une compétence

et une seule est en jeu, et que l’enfant dont on teste les capacités de déchiffrement, ne

reconnaît pas globalement un mot connu ; d’où l’utilité de ces logatomes dans le cadre de

la recherche, alors qu’une telle démarche est inutile en pédagogie ; au contraire, les

psycholinguistes qui nous livrent les résultats de telles expériences ne nient en rien

l’importance du sens et de la valeur de découverte de la lecture ; certaine fautes de lecture

sont intéressantes à ce stade, car elles témoignent d’un apprentissage en cours ; par

exemple quand un enfant déchiffre « fème » pour le mot femme ; cela prouve qu’il a

compris quelque chose d’essentiel dans le fonctionnement du code ; mais celui-ci n’étant

pas entièrement régulier de façon simple, tant s’en faut, il lui faudra apprendre de

nouvelles règles qui constituent en quelque sorte des « exceptions » aux précédentes ;

• le stade orthographique, ou le sujet identifie correctement les mots, ou il rejette « fame »

par exemple, mais reconnaît et prononce correctement femme ; une telle reconnaissance

des mots connus permet évidemment de lire bien plus vite que par le déchiffrement ; mais

la mémorisation de toutes les images orthographiques, sans passage par le déchiffrement

serait une tâche excessivement longue, et l’on sait que pour les langues comme le chinois,

on a adjoint au système des idéogrammes un système alphabétique permettant plus

facilement l’alphabétisation de masse.

La maîtrise des règles de base suppose on le voit beaucoup de connaissances à intégrer,

aussi ne peut-on pas considérer que la seule année du CP peut y suffire. Raison pour laquelle

on considère aujourd’hui que l’apprentissage de la lecture doit se prolonger au CE1, en

particulier en ce qui concerne les structures grammaticales sans lesquelles la cohérence de

l’orthographe et de ses variations ne peut être saisie. Les études spécialisée ont fourni des

données parfois contradictoires sur l’âge auquel un enfant est mûr pour apprendre à lire ; on

donne communément la fourchette de 5 à 7 ans. Mais nous verrons plus loin que certaines

compétences, considérées le plus souvent comme prérequises à l’apprentissage de la lecture,

sont aussi développées par lui ; c’est pourquoi les interprétations à ce sujet ont pu être

variables.

Les élèves non lecteurs ou très faibles lecteurs en 6ème

L’évaluation des difficultés de lecture des enfants entrant en 6ème est extrêmement

variable et peut donner lieu à toute sortes de diagnostics plus ou moins fondés.

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L’apprentissage de la lecture se continue en effet tout au long de la scolarité, si ce n’est tout

au long de la vie. Il faut donc s’entendre sur les compétences que l’on peut considérer comme

légitimement acquises

La lecture à haute vois, dite oralisée, ne suffit pas, on doit le rappeler, à mesurer les

compétences de lecture ; cependant on aurait tort de l’exclure, non seulement de

l’apprentissage, mais aussi des tests de vérification des acquis. Mentionnons toutefois qu’une

telle lecture doit être précédée d’une lecture silencieuse permettant une prise de connaissance

du texte, l’oralisation réclamant des compétences supplémentaires que la découverte du texte

inhibe le plus souvent (même chez un adulte, et même chez un enseignant).

Il existe différents types de difficultés selon le niveau sur lequel butte l’élève. Qu’un

enfant butte sur certains mots n’est pas un indice qu’il ne sait pas lire, cela peut être dû au fait

qu’il rencontre ce mot pour la première fois. Il faut en outre distinguer les enfants qui butent,

même souvent, sur des mots, de ceux qui buttent sur des syllabes et déchiffrent lentement

chacune d’entre elles, en s’arrêtant à chaque mot et sans marquer la fin des phrases. Enfin il y

a des enfants qui ne déchiffrent pratiquement aucune syllabes, surtout les syllabes complexes.

Ces cas sont heureusement rares, mais ils existent, et ne relèvent pas de la seule intervention

des enseignants, mais ont besoin d’une intervention spécialisée ; ils nécessitent un bilan

orthophonique. Il est parfois encore difficile d’en parler à la famille, quoique ce tabou soit en

train de disparaître, et il est généralement souhaitable de ne le faire que quand on connaît un

peu les parents, c’est-à-dire lors d’une seconde rencontre par exemple, voire d’une troisième.

Il faut insister sur l’importance de l’association de la famille aux efforts de leur enfant, sur

l’information qu’ils doivent recevoir sur le travail fait en classe et ses motivation, dans un

langage qu’ils comprennent, c’est-à-dire dans une langue la plus simple possible ; il est même

souhaitable au début d’amener autant que faire se peut les parents eux-mêmes à expliquer les

difficultés que leur enfant rencontre telles qu’ils les perçoivent à travers ce qu’il en dit ou par

ce qu’on leur en a dit. Dans tous les cas, il ne faut pas attendre des parents qu’ils jouent le rôle

de répétiteurs, parce qu’eux-mêmes ont souvent des difficultés avec l’écrit ; mais l’intérêt

qu’ils porteront au travail de l’enfant et à ses progrès est primordial.

Nous avons accueilli des élèves en difficulté dans des classes de consolidation entre

1995 et 1998, parfois en organisant un cycle 6ème/5ème en trois ans pour la première cohorte

d’élèves (cela n’a plus été possible ensuite du fait de la modification des cycles du collège), à

partir des indications des maîtres du CM2 signalant les élèves ne maîtrisant pas la lecture, et

des résultats des tests d’entrée en 6ème, ne gardant dans ces structures que les enfants

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n’excédant pas 35% de réussites (parfois certains réussissaient moins de 25% des items), et

présentant des difficultés particulières avec la segmentation des mots écrits (mots agglutinés

ou blancs au milieu de certains mots). Pour éviter l’effet de filiarisation pervers de ce type de

classe, il faut remettre dans les classes hétérogènes rapidement les élèves même faibles qui

ont surmonté les difficulté de base, c’est-à-dire dès qu’ils commencent a savoir lire sans être

gênés par le déchiffrement.

Certains de ces élèves étaient incapables de recopier un texte court en un laps de temps

raisonnable, parce qu’ils recopiaient le texte lettre par lettre. Il faut préciser qu’un élève ne

maîtrisant pas la lecture fait généralement moins de faute qu’un élève lisant couramment,

parce que le premier se reporte beaucoup plus souvent au modèle, alors que le second lit une

phrase ou un groupe de mots qu’il écrit ensuite de mémoire ; cela ne signifie bien évidemment

pas que les fautes de copie soient sans importance, l’attention à la forme interne des mots

ayant un rôle essentiel dans l’acquisition de l’orthographe, qui est elle-même un facteur

favorisant pour l’acquisition d’une vraie maîtrise de bon lecteur ou lecteur expert. Enfin, les

tests permettent d’identifier les élèves qui déchiffrent correctement sans comprendre,

essentiellement parce qu’il ne sont pas capable d’induire certaines informations implicites,

même très évidentes, comme le fait qu’un pronom renvoie à un nom précédent dont il évite la

répétition, ce que nous envisagerons dans le second chapitre . De même, ils permettent

d’identifier des problèmes de compréhension beaucoup moins graves en début de 6ème,

d’élèves qui ne discernent pas la visée d’un texte ou sa facture documentaire, qui se repère

mal dans les rapports de temporalité, en identifiant mal la fonction des formes verbales en

particulier (mais parfois plus généralement parce qu’ils ont des problèmes de repérage

temporel dès qu’on sort de l’opposition la plus triviale hier/aujourd’hui/demain, ou avant,

pendant/ après, ou si ces relations sont implicites). Ces difficultés de compréhension feront

l’objet de la seconde partie.

Chapitre II : Les compétences métaphonologiques

On a vu que la parole orale est très différente de l’écrit, et que le passage de l’une à l’autre

suppose une sorte de « conversion » du sujet d’une perception auditive à une perception

visuelle, et plus généralement d’une manière corporelle de vivre le langage à une manière plus

intellectualisée : il faut percevoir la segmentation logique de ce qu’on appelle la chaîne

parlée, alors que l’organisation orale est fondée sur le rythme, que la ponctuation ne reflète

pas, ou peu (nous verrons qu’il faut distinguer le rythme, présent dans toutes les formes du

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langage-langue, qui caractérise la prosodie d’un texte, de la mesure qui caractérise les textes

versifiés (et relève de la métrique) ; nous parlons ici, à la suite d’Emile Benveniste, de

langage-langue pour préciser que nous excluons de notre analyse tous les moyens de

communication non liguistiques, dont s’occupe la sémiologie, et qu’on a longtemps

abusivement mêlé à la linguistique.

On a vu également que la majorité des sujets n’opère pas spontanément ce passage, en

particulier en ce qui concerne la segmentation linéaire ; des exercices que l’on fait à l’école

maternelle permettent à la fois de préparer les enfants à la lecture, en les entraînant à cette

segmentation, et de prévoir les difficultés que peuvent rencontrer les enfants qui ne

parviennent pas à les réaliser : ces exercices consistent à scander l’organisation des phrases et

surtout des mots, par exemple en frappant des mains à certains moments. Il faut faire prendre

conscience aux sujets des limites des mots, ce qui ne va pas de soi parce que les liaisons les

masquent souvent pour l’oreille, et de la division des mots en syllabes, qui ne sont jamais

séparées à l’oral. Les élèves qui ont de grosses difficultés ont parfois encore du mal à séparer

certains mots en 6ème, en particulier quand ils sont phonétiquement inséparables, comme c’est

le cas des clitiques, ces petits mots, des pronoms en français, qui font corps avec le mot

suivant ou précédent (je l’ai vu, rappelle-moi) ; cette distinction relevant de compétences

grammaticales, nous y reviendrons dans la seconde partie. C’est la syllabation qui fait

problème, et l’on repère bien les enfants qui ne parviennent pas à frapper les syllabes ou à les

décompter, ce qui constitue un handicap pour entrer dans la logique de l’écrit. C’est pourquoi

un travail important est nécessaire sur la segmentation syllabique, à l’oral avant d’aborder

l’acquisition de la lecture. En règle générale, on a observé que la richesse de la langue orale,

avec la capacité de « jouer » avec le langage, sont de bons prédicteurs et des prérequis pour

apprendre à lire ; Nous y reviendrons à propos du vocabulaire et de la syntaxe.

Les compétences métalinguistiques

Le mot barbare métaphonologique appartient à toute une série dont nous rencontrerons

d’autres exemples ; ces compétences font partie des compétences métalinguistiques, et plus

largement des compétences métacognitives ; la particule méta, qui vient du grec, et que l’on

connaît par le mot métaphysique, forgé par les philosophes de la fin de l’Antiquité qui ont

classé et transmis les œuvres d’Aristote, et ont distingué la discipline qui s’occupait de la

nature, ou physis, la physique, de la spéculation sur la nature des choses qui venait après, ce

qui est le sens premier de la particule méta . Par métacognition, on entend tout ce qui

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concerne la gestion de sa propre connaissance et de ses propres représentations (le fait de

saisir ce qu’on ne comprend pas au juste, par exemple).Le terme de métalinguistique a été

introduit dans la linguistique par Roman Jakobson, qui distingue six fonctions du langage,

dont la fonction métalinguistique, celle qui consiste à prendre le langage pour objet du

discours ou du message, quand on précise le sens d’un mot par exemple, ou plus

généralement quand on fait de la grammaire, de la rhétorique…etc ; pour les

psycholinguistes, le terme a un sens un peu différent, parce qu’il prend en compte ce

qu’implique pour le sujet la mise à distance de ce que l’on vit habituellement sans avoir

conscience que l’on et dedans, ce « pas de côté » si inconfortable qui consiste à se regarder et

à s’interroger sur le fonctionnement que l’on adopte le plus souvent à son insu.

Les spécialistes disposent de plusieurs sortes d’exercices-tests, qui ne nous intéressent pas

tous sur le plan des applications pédagogiques, mais qui permettent de comprendre les

problèmes ; ils demandent aux enfants de supprimer ou d’ajouter une syllabe à un mot, et

mettent en relation les résultats obtenus à ces exercices avec les performances ultérieures en

lecture des enfants observés dont ils suivent le devenir ; cela peut être la syllabe finale ou

initiale, ce peut être aussi une syllabe se trouvant au milieu du mot ; dans ce dernier cas, la

tâche est plus difficile et moins souvent réussie. Par exemple, on demande à un petit

anglophone de supprimer la dernière syllabe du mot birthday (anniversaire), ce qui revient à

donner le mot birth (naissance) en supprimant le mot day (jour) ; de telles manipulation orales

peuvent être faites (l’anglais s’y prête encore plus que le français), avec des mots de la langue

usuelle comme journée, où les deux syllabes distinctes forment deux nouveaux mots, mais

aussi avec des mots comme bateau, ou ce n’est pas le cas. C’est plus difficile, mais tout aussi

utile avec des mots plus complexes comme appareil, ou la première syllabe se réduit à une

voyelle a, ou la seconde est une syllabe des plus fréquentes et les plus faciles à identifier, pa,

parce qu’elle est constituée d’une consonne suivie d’une voyelle, et la dernière est la plus

complexe, reil, parce qu’elle est composée des trois phonèmes, dont le dernier est une semi

consonne . Mais nous n’envisageons pas encore la décomposition en phonèmes isolés à ce

stade ; l’important est que les enfants soient amenés à distinguer tous les types de syllabes. Il

faut pour cela que le maître connaisse assez de linguistique pour ne pas être entraîné comme

c’est souvent le cas par sa connaissance de l’écrit, et ne pas découper selon la logique

orthographique ap-pa-reil, ce qui relève d’une autre logique et viendra plus tard. Le problème

des professeurs de collège vient de ce que leurs élèves ont déjà des connaissances

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orthographiques, même mal intégrées, et mélangent les niveaux ; il importe d’autant plus que

l’enseignant les distingue rigoureusement pour construire un réapprentissage raisonné.

Le problème du rattrapage des élèves les plus en difficulté au collège

L’autre problème pour le professeur de collège, mais aussi pour celui des classes de CM,

c’est que les jeux de parole n’intéressent plus les grands enfants et préadolescents, et qu’il

faut trouver des supports qui permettent de travailler sur la parole et le langage sans que cela

paraisse trop « bébé ». C’est pourquoi nous présenterons plus loin des exemples d’exercices

fondés sur des supports différents de ceux des premiers apprentissages, comme la BD, les

dictons, des textes veriufiés dans lesquels la scansion des syllabes joue un rôle important....

Mais plus profondément se pose le problème du travail sur les formes linguistiques

indépendamment du sens, en particulier avec des enfants de milieux populaires, où les jeux de

langage ne sont pas toujours prisés ; il faut donc, non seulement une grande motivation, mais

une forte mobilisation de tout le monde, professeur, élève et famille, pour s’investir dans une

tâche qui ne sera pas toujours gratifiante dans l’immédiat. La principale motivation, dans ce

cas, doit venir de l’espoir de réussir et de constats rapides de progrès concrets; si l’on arrive

à modifier la spirale de l’échec, la motivation peut réapparaître, et avec elle on peut induire

une vraie mobilisation. Mais il faut avouer que rien n’est jamais gagné d’avance, que seule la

conscience du rôle de l’écrit dans la société, du danger des stigmates de l’illettrisme, et plus

généralement de ceux de l’exclusion, peut produire la motivation et la mobilisation, parce que

celle-ci demande de gros efforts qu’une motivation superficielle ou conjoncturelle, liée à une

situation pédagogique ludique ou entraînante ne suffit pas à encourager. C’est la raison pour

laquelle il nous semble illusoire de vouloir faire progresser les élèves les plus démunis dans

des classes fortement hétérogènes ou l’écart qui les sépare des autres est décourageant, ce

qui les pousse souvent à adopter un comportement déviant destiné à masquer leur handicap

socio-culturel, et paradoxalement à justifier leur retard scolaire par leur attitude de refus (on

s’en fout de l’école ne signifie jamais qu’ ils sont trop verts…). En même temps, il est évident

que sans une forte détermination politique et pédagogique, les structures prévues pour aider

les plus faibles risquent de devenir des filières de relégation ; il faut donc n’accueillir dans

ces structure que des élèves en ayant vraiment besoin (et ne pas se débarrasser des gêneurs

qui peuvent s’en sortir dans les classes hétérogènes, même s’ils sont relativement faibles), et

les renvoyer rapidement dans les classes générales, même quand ils préfèrent, comme c’est

souvent le cas, le confort d’une classe où l’on est « entre nous » et où l’on est moins

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bousculé ; les ghettos ne sont pas seulement des lieux d’exclusion, ce sont aussi des lieux de

régression, où l’on évite de se confronter à la dure réalité des relations entres pairs (on sait

que les enfants et les adolescents, tout comme les adultes, ne sont pas toujours tolérants à

l’égard de leurs camarades).

Le rattrapage en lecture demande aussi que l’on dispose de textes intéressants pour des

préadolescents ne présentant pas de difficultés linguistique; or les textes faciles sont destinés

la plupart du temps à de jeunes enfants, et les œuvres les plus adaptées à des jeunes de 12/14

ans sont rédigés dans une langue plus complexe. C’est une difficulté que nous ne devons pas

nous dissimuler. Nous sommes arrivés à motiver des élèves avec des livres de littérature écrits

pour des très jeunes, mais nous avons travaillé dans un contexte social particulier où les

grandes difficultés sociales et scolaires étaient vécues dans le monde encore relativement

convivial d’une petite ville sans gros problèmes de délinquance ni le type de sous culture qui

caractérise les cités. Nous avons trouvés quelques textes de langue simple et de caractère plus

adolescent, mais nous avons conscience qu’il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine.

Certains textes de littérature populaire traditionnels, comme certains récits de vie de

personnes d’origine très modestes peuvent parfois être utiles, même si l’expérience dont ils

témoignent est éloignée de celle du monde actuel. (A une étape ultérieur du travail, nous

avons eu recours à un roman photo écrit pour des adolescents faibles lecteurs, ce que nous

verrons plus loin.)

Le travail sur le langage avec les élèves présuppose donc chez le maître quelques

connaissances d’ordre linguistique assez maîtrisée pour ne pas être reproduites et transmises

aux élèves, qui ne sont pas des étudiants, et pour faire l’objet d’une réélaboration entièrement

originale, destinée à exercer les élèves à se repérer dans le système de l’écriture de la langue

française. Le plus difficile, pour tout le monde, est d’apprendre à réfléchir sur le langage,

parce que nous vivons tous dedans. Si, outre les difficultés qu’ils éprouvent à entrer dans un

système complexe, les élèves sont obligés d’acquérir un savoir théorique formel fastidieux, ils

n’iront pas loin (il convient en particulier de bannir l’usage de l’alphabet phonétique

international pour les débutants comme pour les élèves en difficulté). Il faut que toutes les

observations faites en classe le soient à façon d’une découverte, et cela va de soi, dans le

langage de l’honnête homme, et sans jargon (ou avec le moins possible de jargon ; on ne peut

tout de même pas faire l’économie d’un certain nombre de termes grammaticaux). Mais pour

avoir l’aisance nécessaire et l’imagination productive, l’enseignant doit, pour lui-même,

maîtriser ces savoirs parfois un peu rébarbatifs. Ils l’aideront en effet à mieux observer les

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élèves et à mieux les comprendre, en particulier à mieux analyser leurs erreurs, qui sont

parfois de « bonnes fautes », quand elles dénotent que l’élève fabrique une forme fausse à

partir d’une intuition juste (comme les petits enfants qui disent « sontait » en fabricant un

imparfait « régulier » bien qu’inexistant à partir de l’opposition qu’il a comprise est/était). Il

faut distinguer de telles fautes, qui ne sont qu’incidents de parcours dans une progression, de

véritables blocages, qui empêchent tout progrès, comme les confusions graves, ou pis encore,

une attitude de refus devant l’inconfort d’une recherche, et la résistance à l’inconnu,

l’angoisse devant la nouveauté que ne manque pas d’entraîner à un moment ou à un autre tout

apprentissage. La réflexion sur le langage est souvent déstabilisante, pour tout le monde, mais

plus encore pour les plus démunis, car elle est révélatrice de notre rapport au monde et aux

autres.

Implications psycho-pédagogiques de la dimension métalinguistique du travail

Réfléchir sur le langage en effet implique une conscience de ce qui est en jeu dans la

communication, et en particulier de l’altérité de l’interlocuteur qui n’a pas forcément les

mêmes références que le locuteur. C’est ainsi que l’on peut susciter des réactions agressives

de la part de certains élèves quand on leur fait découvrir des usages du langage dont ils

ignoraient jusqu’à l’existence, qui impliquent un autre rapport au monde. Nous y reviendrons

dans notre dernière partie. Mentionnons toutefois l’observation d’Alain Bentolila sur le

fonctionnement de certains illettrés : dans un échange oral enregistré avec un interlocuteur

étranger à leur groupe, de grands adolescents ou de jeunes adultes s’énervaient quand on

leur demandait des précisions sur le « mec »ou le « truc » dont ils parlaient de façon allusive,

répondant, comme si cela devait être évident pour tout le monde, « mais tu sais bien,

quoi… ». Le linguiste explique cette attitude en disant que tout semblait devoir se passer pour

eux comme si le même « film » des événements devait logiquement se dérouler dans la tête de

leur interlocuteur et dans la leur. La communication en général, et la réflexion sur le langage

en particulier suppose donc la faculté de se décentrer, de se mettre « à la place » de l’autre.

Ce type de capacité doit aussi être développé à l’école, comme ailleurs dans l’éducation.

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Les caractéristiques du codage alphabétique, le rôle de la lettre et les difficultés du

système graphique du français

Si le système graphique de type alphabétique est un codage de l’oral, les difficultés

d’apprentissage de l’écrit sont liées à la plus ou moins grande complexité des relations entre

les lettres et la prononciation ; ainsi sont-elles beaucoup moins importantes dans les langues

dont l’orthographe est plus proches de la prononciation comme nous l’avons dit, où l’on

trouve d’ailleurs moins de dyslexiques, vraisemblablement parce qu’ils surmontent plus

aisément leur difficultés ; en revanche, les dyslexiques et surtout les dysorthographiques sont

plus nombreux chez les francophones (et plus encore chez les anglophones). Il faut donc avoir

une idée claire des difficultés du système graphique du français pour comprendre les

difficultés des élèves.

Il existe en effet, selon les dictionnaires, 36 phonèmes dans la langue française ; alors que

l’alphabet latin que nous utilisons ne comporte que 26 lettres, d’où certaines règles plus

complexes que la simple relation biunivoque entre lettre et prononciation, en particulier

l’existence de signes graphiques composé de deux lettres ou digraphes ; c’est la raison pour

laquelle on parle des graphèmes qui représentent les phonèmes du français, et pas seulement

de lettres.

Il faut apprendre à distinguer les sons du langage (qui relèvent de la phonétique) des

autres sons que l’on peut produire avec la bouche, où avec l’appareil phonatoire, mais qui ne

servent pas dans le langage et ne sont pas codifiés dans l’écrit alphabétique ; c’est à cela que

sont destinés certains exercices que nous présentons plus loin sur les onomatopées de BD. Il

faut en outre distinguer les lettres, qui représentent les phonèmes, des sons réellement

prononcés (qui varient par exemple selon les régions). Ces phonèmes ne sont, pour la plupart,

pas réellement des sons identifiables isolément, c’est le cas, comme leur nom l’indique bien,

des consonnes, qui « sonnent avec » les voyelles : on ne peut pas prononcer le P, ni le B sans

une voyelle. Les tentatives pour le faire avec de jeunes enfants conduit le plus souvent à des

confusions : ainsi le nom de ces lettres « pé », « bé », ne représente pas leur prononciation ;

mais si l’on dit « pe » ou « be », voire « peu » ou « beu », on complique les choses. Il faut

faire comprendre à l’élève qu’il s’agit d’une lettre que l’on ne peut pas identifier en la

prononçant seule (on peut essayer de faire le « bruit » qui correspond à ce phonème : PPPPPP,

sans ouvrir la bouche, ou presque pas, et observer ainsi le « son » produit et le fait qu’il ne se

prononce pas isolément) ; mais on identifie le phonème en comparant des mots simples où on

l’entend et où le mot change si on la supprime - ainsi part se différencie de art – ou si on la

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remplace – ainsi port se différencie de bord (nous ne considérons pas ici le rôle des lettres

muettes, qui par définition ne transcrivent pas de phonème, mais ont une autre fonction,

orthographique). Il faut faire faire ces comparaisons aux enfants pour qu’ils pénètrent peu à

peu dans le véritable système de la correspondance non biunivoque entre l’écrit et la

prononciation. Certes, beaucoup d’élèves finissent par comprendre tout seuls, malgré des

explications approximatives du type « le son beu avec un a après, ça fait ba » ; mais d’une

part ce genre d’explication, qui n’en est pas une, puisque le « son » en question n’existe pas à

proprement parler (ce n’est pas un phonème mais une syllabe !), a le défaut de donner

subrepticement, c’est-à-dire sans qu’on le veuille et sans que l’élève en ait conscience, une

représentation fausse de ce qu’est vraiment une explication, ce qui peut bloquer l’accès à de

vraies explications ultérieures (en particulier en ce qui concerne les syllabes, dont la difficulté

est qu’elles sont composées de plusieurs phonèmes alors qu’on entend qu’un « son » !) ;

d’autre part, il existe des élèves que cette manière de faire induit vraiment en erreur ; nous

avons eu une élève en grande difficulté qui était restée bloquée à ce stade et devant le nom

d’un camarade appelé Didier déchiffrait « déidéi », et comme cela ne correspondait à rien

s’arrêtait là. Certes, il s’agit là d’un cas extrême, mais ce genre de blocage concerne un

nombre suffisamment élevé d’enfants (ceux qui ne parviennent pas à déchiffrer). Il ne suffit

donc pas, comme beaucoup de parents de milieux modestes le croient un peu naïvement de

« bien faire apprendre les lettres ». Encore faut-il comprendre ce qu’elles représentent.

Phonologie et phonétique. Phonèmes et prononciation. Usage de l’API

On distingue la phonologie de la phonétique dans la mesure où les phonèmes ne

correspondent pas exactement aux sons prononcés, mais les utilisent dans un système codifié

comme unités d’un code ; ce sont donc des réalités abstraites que l’on construit

théoriquement à partir de l’observation, non seulement de l’articulation des sons du langage

par l’appareil phonatoire, mais de leur fonctionnement dans un système. A l’origine de

l’écriture alphabétique, il y a eu de la part des professionnels du signe graphique qu’étaient

les scribes une véritable analyse de la décomposition de la chaîne parlée en unités

articulatoires qu’ils n’ont jamais pu entendre isolément, mais qu’ils ont déduites de

l’observation des mots et de ce qui les différenciait. La lettre est donc la première

représentation du phonème, et l’alphabet représente le système de la langue qu’il sert à

transcrire. Mais les alphabets ont été transmis par la tradition historique, dans notre cas par

la culture romane, et n’ont pas toujours suivi l’évolution phonétique des langues. Des

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phénomènes liés au contact entre les langues et les cultures se sont ajoutés à cela : par

exemple, en latin, on a adopté le Y, une lettre grecque comme son nom l’indique, pour

transcrire des mots grecs comportant cette lettre, correspondant à un phonème que les latins

ignoraient, (notre U). L’alphabet latin est donc en partie impropre à noter la prononciation

du français ; ce n’est d’ailleurs pas le seul rôle de l’écriture, puisque l’orthographe, qui ne

correspond pas à ce qu’on entend, joue un rôle important dans le prélèvement de

l’information au cours de la lecture. C’est pourquoi on a eu besoin d’un autre instrument

pour noter les phonèmes des langues observées. Les phonèmes sont représentés par

l’alphabet phonétique international (API) qui a le mérite, outre celui que l’on vient

d’évoquer, de ne pas être limité à une aire linguistique. Mais son usage avec les élèves peut

être contre productif dans certains cas, par la surcharge qu’il implique, et par les confusions

que, paradoxalement il peut entraîner dans la pratique, en faisant croie en particulier à une

existence objective et intangible du « son » qui devrait être le même pour tous.

Les voyelles et les semi-consonnes

Pour les voyelles, il semble y avoir moins de difficulté, parce que comme le disait le

maître de monsieur Jourdain, ce sont les « voix », et l’on peut les prononcer. Mais les voyelles

orales du français ne sont pas celle de l’alphabet (latin) A, E, I, O, U, Y, comme le récitent

nos élèves et tous ceux du maître de monsieur Jourdain, qui croient aussi naïvement que « ça,

au moins, c’est simple », eh bien, non. Le A connaît deux variantes, considérées comme deux

phonèmes distinct par de nombreux manuels, bien que cette distinction ne corresponde plus à

une discrimination réelle entre des mots : il s’agit du a, dit postérieur, parce qu’articulé à

l’avant de la cavité buccale, de patte, et du â antérieur, c’est-à-dire articulé à l’arrière, de pâte.

La différence de prononciation, bien réelle, est essentiellement sociale (comme beaucoup

d’autres différences du même type) ; c’est donc une variante libre, et le contexte seul permet

de déterminer si l’on parle du membre d’un animal ou d’un produit alimentaire (les personnes

qui prononcent effectivement le â antérieur de pâte, en accentuant la différence avec patte,

distinguent de même la pâte à tarte et les pâtes à l’italienne).

La lettre E, dite souvent muette ou instable, obéit à des règles complexes quant à sa

prononciation : on l’élide le plus souvent, comme dans petite que l’on prononce généralement

« p’tit’ » (sauf quand on a « l’accent du midi », qui ne se réduit pas à un accent, mais

constitue une prononciation particulière considérée comme une variantes régionales) ; mais on

le fait moins systématiquement dans porte-fenêtre où l’on doit garder l’un des deux E

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instables, la finale de porte ou à l’initiale de fenêtre, pour ne pas devoir prononcer les trois

consonnes ensemble : « port’f’nêtre » est malaisé, on dit « porte-f’nêtre » ou « port’fenêtre ».

Le I partage sa « voix » avec le Y dans bien des cas ; et il fonctionne parfois comme

consonne, tout comme le Y, quand il se prononce comme le groupe « ill », dans cahier par

exemple (on parle alors de semi-consonne); et le célèbre « Y = deux I » ne tient pas debout,

parce que « I = deux I » dans fille, fi-ille ; et dans yeux, Y = …Y.

Le O est moins vicieux, sauf qu’il peut être ouvert ou fermé, ce qui fait qu’il correspond à

deux phonèmes dans l’alphabet phonétique. Nous verrons que cette distinction n’est pas

essentielle pour les débutants et pour les élèves en difficulté, parce que cette variation est soit

liée à sa position : on dit pot avec un O fermé, parce qu’il est en fin de syllabe, mais port (ou

porc) avec un O ouvert, parce qu’il est suivi d’une consonne (et c’est vrai aussi au milieu d’un

mot : porter mais potée). La présence de l’accent circonflexe est sans incidence sur la

prononciation, il a un autre rôle ; certes on dit hôtel avec un O fermé, mais on prononce de

même autel. Cette règle est encore relativement valable pour le digraphe AU ; certaines

variations tiennent à des usages, comme la différence de prononciation entre les deux

prénoms Paul et Paule (que l’on prononce d’ailleurs dans certaines régions de manière

identique), ou le trigraphe EAU, toujours en fin de syllabe, qui équivaut à un O fermé.

Ce problèmes de la prononciation ouvert/fermé se retrouve pour les phonèmes é et è : à

part certaines prononciations régionales très particulières, on imagine pas de prononcer

« mér » les mots mer et mère ; quand la syllabe est « fermée », c’est-à-dire quand elle se

termina par une consonne, la voyelle est ouverte. On imagine pas davantage de prononcer

« ètè » le nom de la saison, et la plupart du temps, on ne distingue pas phonétiquement les

terminaisons de l’imparfait de celles du participe passé, comme été et était, d’où les

nombreuses confusions orthographiques que la rigueur grammaticale seule peut éviter. S’il est

donc important de faire connaître les deux phonèmes é et è, qui, s’ils connaissent d’autres

orthographes, comme ai et ei (mais aussi ay, ey…), sont clairement identifié et représentés,

phoniquement dans la prononciation, et graphiquement par la lettre E portant l’accent grave

ou aigu, il semble inutile d’insister sur leur différenciation systématique, surtout pour

l’acquisition de l’orthographe, qui relève d’une autre logique.

Nous avons commencé, avec les graphies AU, AI et EI à évoquer ce qu’on appelle les

digraphes, c’est-à-dire les signes alphabétiques constitués de deux signes, lettres ou accents.

C’est le cas de plusieurs phonèmes, comme OU, qui ne pose pas trop de problèmes, si ce

n’est qu’il est proche de la semi-consonne W, qu’il sert parfois à représenter graphiquement ;

ainsi le cri du chien est noté « ouah », alors que le nom de l’oiseau qui se prononce de la

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même manière (on dit qu’il lui est lui est homophone) s’écrit « oie » ; de même « ouate » et

« boite » ne diffèrent phonétiquement que par le B initial du second. Il n’y a pas de « son

oi », comme le disaient les vieux manuels, car ce qu’on nomme ainsi est une syllabe, que

l’orthographe du cri du chien permet de décomposer facilement : ou – a (h) ; le OU ne peut

pas se prononcer seul ici, la suite OU-A formée de deux voyelles ne correspond pas

exactement à ouah, qui est homophone en revanche, non seulement de oie, mais de la syllabe

« wa » que l’on entend dans wagon, wassingue dans le nord de la France, ou la lettre w se

prononce comme le « ou » de « oua ». C’est le même phonème W qui s’écrit OU dans « oui »

C’est aussi le cas des nasales, moins faciles à identifier parfois, parce que leur réalisation

phonétique est très variable ; il s’agit des phonèmes représentés par les digraphes IN (ou IM,

UN, UM , EIN, AIN) , AN (ou AM, EN, EM) et ON (ou OM). Il ne paraît pas souhaitable

d’encombrer la mémoire des élèves, surtout s’ils sont faibles, avec les distinctions subtiles et

purement stylistiques entre IN et UN, entre « un beau brin de fille » et « un beau brun » (qui

se prononcent de la même manière à peu près partout, sauf dans certaines régions du midi et

du sud ouest, ce qui constitue une variante régionale, non une opposition fondamentale au

système de la langue). La différence entre EU dans jeune et dans jeûne correspond bien à

deux phonèmes distincts, mais la différence a peu d’implication sur la lecture et sur

l’orthographe, ou la difficulté vient plutôt de la nécessaire distinction entre le premier et le E

instable, dont la prononciation est souvent identique ; on voit sur cet exemple que ce n’est pas

la prononciation du « son » qui caractérise un phonème, mais son fonctionnement, la

différenciation qu’il permet dans l’articulation des mots. Ainsi les élèves confondent-ils

souvent E et EU, et écrivent par exemple « cheuveu » pour cheveu ; la seule justification que

l’on peut leur donner de l’orthographe est que la première voyelle peut s’élider, pas la

seconde : on dit généralement « ch’veu », mais jamais « chev’ » ; le seul trait qui permet de

discriminer les deux phonèmes est l’instabilité du premier et la stabilité du second. Pour le

reste, on peut faire l’économie, au moins au début, de la distinction entre EU ouvert et fermé,

elle s’impose dans l’usage et pourra être reconnue quand le système sera installé. Enfin le U,

comme le groupe OU, le I et le Y, représente deux phonèmes distincts, celui de lune, par

exemple, mais aussi celui de nuit ; dans ce dernier cas, c’est une semi-consonne. Mais cela

pose moins de problèmes que les précédents, parce qu’il n’y a qu’une orthographe, et que la

semi-consonne « ressemble » à la voyelle « prononcée très vite ».

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 22

Les consonnes

On peut donc s’en tenir au départ, avec des élèves non lecteurs, à 29 phonèmes, avec leurs

représentations graphiques les plus courantes, ce qui permet déjà de construire le système des

phonèmes et des corrélation grapho-phonétiques. En revanche, il peut être d’une très grande

utilité de faire observer certaine caractéristiques phonétiques qui permettent de différencier

des phonèmes proches, comme l’opposition sourde/sonore, qui différencie par exemple le P

du B. Cette opposition concerne certes la prononciation des phonèmes, donc le « son »

réalisé, puisque les consonnes dites sourdes sont prononcées sans voisement, c’est-à-dire sans

vibration des cordes vocales, alors que les sonores sont voisées, c’est-à-dire prononcées avec

vibration; mais elle a une valeur pour identifier les phonèmes, puisqu’elle permet de

différencier deux phonèmes très proches (et souvent confondus, en particulier par les

dyslexiques dont c’est un symptôme remarquable) ; c’est ce qu’on appelle une opposition

pertinente, c’est-à-dire caractéristique du système. Ce n’est pas toujours vrai de toutes les

différences de prononciation ; par exemple en France, la distinction entre le R roulé et le R

grasseillé (articulé au fond du palais, qui est le plus courant de nos jours) n’a aucune

pertinence du point de vue phonémique (alors qu’il y a une différence phonétique et

stylistique évidente, le R roulé faisant « paysan »), et il n’existe qu’un R en français. Ce n’est

pas le cas en espagnol, par exemple, où l’on distingue R et RR, ce qui différencie caro (cher)

et carro (charrette, chariot ). Mais il n’existe pas de phonème Z en espagnol, et le S de rosa se

prononce comme le S initial ou les deux S du français. Or le son existe pourtant dans la

prononciation, sans que les espagnols en aient la plupart du temps conscience, par exemple

dans le mot mismo (qui signifie même) l’enchaînement du S avec un M, qui est une consonne

sonore, entraîne une modification de la prononciation du S, on prononce en fait « mizmo »

dans la plupart des cas ; mais seuls les linguistes s’en rendent compte. De la même façon, il

faut avoir étudié la phonétique française pour se rendre compte que l’on prononce « optenir »

le mot obtenir : à cause de l’enchaînement avec la consonne sourde T, le B se prononce P. Ce

sont apparemment des distinctions subtiles, dont les élèves peuvent se passer. Certes, mais il

est bon que les enseignants aient consciences de ces différentiations et de leur pertinence ou

non pertinence respectives, parce qu’elles permettent de comprendre beaucoup d’erreurs

d’élèves ; la confusion des consonnes sourdes et des sonores qui leur correspondent sont, nous

l’avons dit, un caractère très repérable des troubles dyslexiques ; or ceux-ci, qui sont

spécifiques et demandent une intervention spécialisée, doivent être identifiés très tôt, et ne le

sont pas toujours pendant la scolarité primaire ; il convient donc d’informer les enseignants et

de les entraîner à ce repérage. Mais en outre, il peut s’avérer très utile, pour les enfant qui font

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 23

ces confusions, de découvrir la différence ténue, qui explique leur confusion, des phonèmes

qu’ils confondent ; cela peut et doit se faire par des observations très simples : on apprend à

chuchoter, c’est-à-dire à parler sans vibration des cordes vocales, et chacun peut vérifier cette

absence de vibration en posant la main sur le cou au niveau du pharynx (c’est aussi très utile

de savoir chuchoter pour travailler en groupe sans gêner les autres). De cette manière, on

entraîne les dyslexique à différencier les couples qu’ils confondent : p/b, t/d, k/g, f/v, ch/j,

s/z ; cela ne signifie pas forcément que ces enfants souffrent d’un déficit auditif, pas plus que

les espagnol quand ils prononcent « mizmo » en disant mismo, ou vous et moi quand nous

prononçons « optenir » en disant obtenir. Leur confusion tient au fait qu’ils n’ont pas repéré

l’utilité, la rentabilité pour le système, de cette différence. Les psycholinguistes insistent sur

le fait que c’est une différenciation pertinente du point de vue du code qui n’est pas perçue,

non une différence de « son », parce que ces mêmes élèves prononcent correctement et ne

confondent pas leur papa avec un baba.

Les variantes phonologiques, les divers ordres de pertinence des variations phonétiques, en

particulier leur pertinence sociolinguistique

Certains phonèmes, le A en particulier, mais aussi IN et d’autres, existent sous la forme

de réalisations phonétiques diverses ; la question primordiale est de distinguer ce qui

ressortit d’une véritable règle, c’est-à-dire de la structure de la langue, de ce qui relève des

usages ou des normes sociales. La linguistique structurale, qui a permis de décrire les

systèmes phonétiques de toutes les langues connues (ce qui n’a pas pour seul intérêt de les

faire connaître et reconnaître, mais dans certains cas de permettre la formation d’un

alphabet), se fonde sur la méthode dite des paires minimales : ainsi, puisque papa et baba

sont deux mots différents, on déduit que la langue française retient dans son code la

différence phonétique ténue qui existe entre les deux sons prononcés, ce qui en fait deux

phonèmes, c’est-à-dire deux unités du système phonique du français. Pâte et patte sont certes

deux mots différents, mais il s’avère que dans la pratique, la différence de prononciation

n’existe plus, et que seul le contexte permet de différencier les mots (comme rhum et Rome,

rigoureusement identiques phonétiquement, que personne ne confond) ; il en va de même

pour brun et brin . Ces variantes sont considérées par la linguistique comme des variantes

libres, et elle n’a pas grand chose à en dire ; la sociolinguistique étudie ces variantes et les

enjeux sociaux, en matière de distinction sociale, qui leur sont attachés. Les variantes

combinatoires obéissent à d’autres principes et relèvent de la linguistique ; il s’agit de règles

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phonétiques d’articulation, qui explique qu’on prononce *optenir pour obtenir, la phonologie

structurale appelle archiphonème un phonème qui connaît deux réalisations phonétiques,

comme c’est le cas ici du P/B ; on appelle variantes combinatoires des réalisations

phonétiques qui varient en fonction de leur environnement ; l’enchaînement du B et du T étant

plus coûteuse en tension articulatoire, on prononce PT. De même dans une syllabe dite

fermée, c’est-à-dire terminée par une consonne, la voyelle est ouverte : mère, port. Certains

usages sociaux ou régionaux confirment cette thèse linguistique ; ainsi les habitants du sud de

la Drôme prononcent-ils le nom de leur département de façon qu’il rime avec Rome, malgré

son accent circonflexe.

Ce qu’on appelle couramment des accents ne relève pas seulement de l’accentuation des

mots, mais de la prononciation ; l’accent est l’accent tonique, qui diffère beaucoup dans le

nord et le sud de la France, parce que le sud est le pays de la langue d’oc, ou occitan, en voie

de disparition, mais qui a laissé, avec son accentuation, quelques règles de prononciation

propre. Il fut un temps où toute prononciation régionales était stigmatisée, ce qui n’est plus le

cas avec celle du midi, mais reste réel dans le Nord et en Picardie, ou la prononciation

régionale est connotée comme populaire et souvent jugée inélégante, ce qui constitue un

préjugé. Les parlers particuliers sont plus souvent aujourd’hui des dialectes sociaux que des

dialectes purement régionaux, et les manières populaires de prononcer sont souvent mal

jugée.Il y a encore de gros efforts pour lutter contre de tels préjugés, qui stigmatisent

certaines population, ce qui a un retentissement sur les conditions d’apprentissage.

On peut donc se fonder sur les tableaux suivants pour le travail qui va être présenté

ensuite :

Les principaux phonèmes du français Les phonèmes sont représentés par leur graphie la

plus courante en gras, suivie des autres graphies :

1°) Les voyelles :

On les répartit selon leur mode d’articulation ouvert/fermé (comme é/è),

antérieur/postérieur (que nous négligerons, comme nous l’avons dit, parce qu’elles ne sont pas

essentielles au fonctionnement du code, et dans le but d’alléger les données à faire intégrer

aux débutants ou aux recommençants), et de vibration oral/nasal ; aux voyelles orales (dont la

cavité de résonance se situe dans la bouche), correspondent des voyelles nasales (dont la

résonance inclut le nez) : au A correspond AN, au O correspond ON, au è correspond IN,

mais cette répartition nous paraît moins indispensable pour surmonter les difficultés des

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 25

élèves que la différence lettre/digraphe, liée à l’absence d’une lettre spécifique, comme pour

OU, ou à l’orthographe comme AU, EAU…, parce qu’elle est plus concrète et plus rentable

pour la reconnaissance des mots et leur orthographe; en outre, la reconnaissance des voyelles

nasalisées ne posent pas de problèmes majeurs. Mais cela ne signifie pas que l’on ignore ces

correspondances qui peuvent faire l’objets d’observations éventuelles si le reste paraît acquis

(car ce sera rentable, par exemple, pour des observations ou des jeux de langage).

Le plus important est de remarquer que toutes les voyelles se prononcent aisément seules,

et que pour toutes, sauf le E instable, on peut citer des exemples de monosyllabes qui se

réduisent phonétiquement à l’une d’entre elle seule : Ah, Oh, Hé, ai, est, (et…etc), euh, ou,

où, y, en, on, un, hein,…etc

a, â patte, pâte, ouate (mais aussi dans poire)

o, o, ô, oo, au, eau sot, saut, seau, alcool (mais aussi rhum)

é, er, ez, et, es ; mais souvent aussi ais ait été, mes, aimez, et parfois mais étais, était, …

è, e, ê, ei, ai, ais, ait, mais parfois es… étais, était, mais, et parfois mes

eu, eû, oeu, et avec le c ue jeune, jeûne, œuvre, cueillir

e, instable, dit aussi muet je, petite, fenêtre

ou, Joue

i, ï, y et plus rarement î lire, haïr, lyre, (et abîme, qu’il partît)

u, une

on, on on, ombre, pompe

an, am, en, em rang, lampe, vent, temple

in, im, yn, ym, un, ain, ein, gamin, imbu, thym, emprunter, nain,

empreinte,

2°) les semi-consonnes

ill, y, i, ï brouillon, yeux, pied, aïeul

w, ou, et dans la syllabe oi water, ouate, oie, jouer, joint

u, nuit

3°) Les consonnes

Il importe, particulièrement pour les dyslexiques, mais pas uniquement, de comprendre le

mode d’articulation des consonnes occlusives, qui obligent à fermer complètement la bouche

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et forme comme une petite « explosion », ce qui fait qu’on ne peut pas les prononcer du tout,

car dès qu’on ouvre la bouche, on fait une voyelle : PPPPP, impossible, mais pé, pa, po…etc ;

de même BBBBBB, mais bé, ba, et ainsi de toutes.

Il faut bien observer en outre l’opposition et la correspondance sourde/sonore, ainsi que

celle du point d’articulation qui peut expliquer des confusions : bilabiales pour la 1ère colonne,

dentales pour la seconde et nasales pour la troisième ; c’est pourquoi la structure du tableau

est ici essentielle.

p,pp, porter, apporter t,tt, th, ta, attente, théâtre k,c, cc, qu, képi, parc, qui

b,bb, bord, abbé d, dd, dé, addition g, gu, gare, guetter

m, mm, ma, pomme n,nn, nom, anneau gn, gagner

De même pour les consonnes appelées traditionnellement « fricatives » est-il utile de faire

observer qu’on peut plus aisément que pour les précédentes produire leur bruit sans prononcer

de voyelle avec : FFFFFFF, VVVVVV, SSSSSSS, ZZZZZZ, JJJJJJJJJJJ, CH CH CH CH ;

ce n’est tout de même pas la même chose qu’avec les voyelles qui se prononcent aisément

seules, et peuvent former des mots seules, alors qu’ici on ne peut faire que des bruits :

f, ff, ph, fort, effort, phare ch, sh, sch, chou, short s, ss, c, ç, sort, assis, ceci, ça,

et parfois t, addition

v, vent j, g, ge, jeu, page, geai z, s, zone, rose

Celles qu’on appelle liquides ou vibrantes, le L et le R, ne présenteraient pas de difficulté

si elle n’entraient dans la combinaison de groupes de consonnes (ou groupes consonniques),

ce que nous aborderons en étudiant les divers types de syllabes :

l, ll, lire, allumer pl, bl, tl, dl, cl, gl, fl, vl

r, rr, rue, carré pr,br, tr, dr, cr, gr, fr, vr

Ce tableau peut susciter de nombreuses objections ; d’abord il est incomplet, puisqu’il ne

compte pas tous les phonèmes répertoriés de la langue française ; nous avons précisé pourquoi

nous jugions préférable de nous limiter à ceux-ci. Ensuite il utilise, comme nous l’avons fait

dans notre exposé précédent, les graphies usuelles, donc les lettres, et non l’Alphabet

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Phonétique International (API) dont nous ne contestons pas l’utilité dans les travaux

spécialisés; nous avons constaté seulement son inutilité pédagogique, et l’inconvénient grave,

pour les élèves en difficulté, qui ont aussi des problèmes de mémorisation, de surcharger

l’apprentissage ; il est en partie incohérent, d’un point de vue théorique, puisque les graphies

adoptées comme représentatives, et qui figurent en gras dans le tableau, ne sont pas toujours

les plus fréquentes, comme c’est par exemple le cas du K, alors que la graphie la plus

courante est le C ; mais cette lettre est d’un emploi complexe, relève de règles spécifiques et

peut évoquer un autre phonème (que son nom même évoque). De même, nous conservons

l’opposition é/è, très connue, même si elle l’est mal, alors que nous choisissons de négliger les

oppositions des voyelles antérieures et postérieures, non seulement les oppositions a/â et

in/un, ce qui est couramment admis dans la littérature didactique et psycholinguistique, mais

encore celle du EU fermé/ouvert, ce qui peut paraître plus contestable. Nous avons fait ce

choix pour préserver la clarté pédagogique de la notion d’opposition, et pour sélectionner les

difficultés de façon progressive (et nous avons vu que le problème, surtout sensible en

orthographe, posé par EU tenait surtout à la confusion, grave celle-là, avec le E instable).

Enfin, par notre choix d’éviter l’emploi de l’API, le tableau ne distingue pas rigoureusement

les phonèmes des lettres ; mais il nous a semblé que l’usage de l’API avait tendance à induire

une sorte de réification du concept de phonème, assimilé à un son du langage, chez les non

spécialistes, qui, tout en cherchant à s’en tenir rigoureusement à ce que dit la littérature

spécialisée, dont les manuels d’élèves veulent parfois faire une vulgarisation simplificatrice,

ne distinguent pas les niveaux phonétique et phonologique ; cela aboutit à fétichiser une

forme académique de prononciation dite standard de la langue, dont on sait pourtant qu’elle

ne correspond, et encore imparfaitement, qu’aux usages d’une frange restreinte de la

population, qui n’est pas celle des élèves avec lesquels nous travaillons. Dans un article

ancien, Hélène Huot avait déjà dénoncé cet effet pervers possible de l’usage de la phonétique

à l’école, et les manuels parus depuis vingt ans n’ont fait que confirmer l’existence de ce

risque. Il nous paraît important de montrer, comme y insistent les auteurs de Maîtriser la

lecture, le rapport de l’Observatoire national de la lecture paru en 2000, que l’identification

des phonèmes résulte d’une analyse de la langue, dont le signe alphabétique est à la fois le

résultat et l’instrument privilégié.

Pour toutes ces raisons, ce tableau ne donne pas une image rigoureusement exacte du

système grapho-phonémique du français, c’est pourquoi nous ne prétendons pas substituer

notre approche à celle des manuels universitaires et des ouvrages spécialisés, auxquels nous

renvoyons nos lecteurs pour une approche théoriquement ou scientifiquement pertinente.

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Précisons qu’il ne doit pas non plus être donné dans un premier temps aux élèves, qu’il

découragerait par la diversité qu’il révèle des usages graphiques, et parce qu’il est trop

abstrait ; mais il résume nos présupposés, et on peut être amenés à établir dans le cours du

travail de la classe des tableaux ou des schémas plus simples, qui pourront être dans certains

circonstances élaborés par les élèves eux-mêmes.

Statut de la didactique par rapport aux sciences de la discipline et à la pédagogie

La didactique, pas plus que la pédagogie, n’est une science ; elle mobilise des savoirs

scientifiques de provenances théoriques diverses, et ce à des fins pratiques. Ce n’est pas non

plus une praxis, au sens philosophique, de théorie de la pratique, ce qui n’implique pas que

celle-ci soit absente de la démarche du didacticien, puisque, ce paragraphe en témoigne, elle

implique une remise en question continuelle des principes dont on s’inspire, qu’ils soient

d’ordre théorique ou pragmatique. La didactique est orientée, non seulement, comme on le dit

traditionnellement, vers la transmission des connaissances, mais plus spécifiquement vers

l’élaboration de conditions optimales d’appropriation concrète et effective, c’est-à-dire

vérifiable dans des pratiques. Elle est donc inséparable de la pédagogie, même si elle s’en

distingue dans la mesure où cette dernière est plus orientée vers le sujet apprenant que vers le

savoir ; mais on voit bien qu’une telle distinction suppose encore l’image de la transmission

des connaissances comme contenus ; or la connaissance est inséparablement conscience de

ce que l’on connaît; elle est aussi inséparablement transformation du mode de représentation

du sujet connaissant, donc de la conscience et de la manière d’être au monde de ce sujet (et

l’on pourrait dire en termes phénoménologiques que toute connaissance est intentionnalité).

Il n’y a donc pas lieu, comme on serait tenté de le croire, d’opposer une didactique

rigoureusement ancrée sur les savoirs disciplinaires supposés scientifiques (ils ne le sont pas

tous) d’une pédagogie psychologisante, dans la tradition psycho-pédagogique . Non que ces

tendances soient dépourvues d’existence : elles résultent des traditions de notre pays,

différentes de celles d’autres pays francophones, qui connaissent une tradition de recherche

didactique et pédagogique universitaire plus légitime. Les disciplines enseignées au lycée se

fondaient sur une tradition universitaire (ce qui n’est plus le cas de toutes aujourd’hui), et la

« science de l’éducation » n’était pas soumise aux mêmes exigences épistémologiques que les

autres disciplines, et se trouvait cantonnée dans la seule réflexion de type humaniste sur

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l’enseignement ; dans les années 70/80, l’émergence des sciences de l’éducation,

principalement étayées sur certaines sciences humaines comme la psychologie et la

sociologie, s’est trouvée liée en grande partie au militantisme pédagogique. La conversion

épistémologique que suppose l’émergence d’un champ de recherche spécifique sur

l’éducation et l’apprentissage se heurte inévitablement à ces traditions, non seulement celle

des disciplines instituées, mais aussi celle du pédagogisme, voire du bricolage issu du

militantisme. Cette difficulté n’est pas absente de celles auxquelles nous sommes confrontés

avec le réapprentissage de la lecture : à partir de « savoirs savants », nous tentons d’élaborer

des outils pédagogiques, qui sont non seulement des procédures pratiques, mais

inévitablement aussi des choix de référents théoriques ; or ces derniers se fondent moins sur

des critères épistémologiques, ce qui serait de rigueur dans une démarche scientifique ou

théorique, que sur l’expérience et sur des considérations pratiques ; l’articulation des

domaines théorique et pratique n’est donc pas aisée et suppose des compromis. Précisons en

outre que ceux auxquels nous nous sommes résolus ici n’ont rien de définitif.

Les divers types de syllabes

La règle d’or en français, qui ne connaît pas les diphtongues, est qu’il y a dans un mot

(ou dans une phrase, ou dans un vers) autant de syllabes que de voyelles (prononcées, bien

sûr) : « schtrompf » ne compte qu’une syllabe ; on le dit en un seul « coup », on n’ouvre la

bouche qu’une fois, on ne frappe qu’un coup…

Le modèle le plus simple de la syllabe est celui d’une consonne suivi d’une voyelle : le

Ba, ba, comme on dit communément. Mais beaucoup de syllabes sont plus complexes :

• celles qui sont formées d’une voyelle suivie d’une consonne : or, ar(t), (h)eur(e), (h)ont(e),

• celles qui sont formées avec un groupe de consonnes, généralement une occlusive suivie

d’un liquide (cf. le tableau ci-dessus) : pré, plan, bru bra(s), blan©, oubli, très, dra(p),

cru, cri, cran(t), gro(s), glu, frit, flu(s) , flan, vlan, ;

• celles qui sont formées de deux consonnes encadrant une voyelle : car, comme, quar(t),

por(t), bar, tar(d), dur, marre, nor(d), for(t), faire, phare, verre, char, sor(t), serre, zut, zig ;

• celles qui sont formées d’un groupe consonnique initial suivi d’une voyelle et d’une

consonne : prête, plate, prune, brune, black, blanche, trac, tranche, trique, crique, clac,

glauque, glace, froc, flaque, vrac ;

• celles qui sont formées d’un groupe consonnique suivi d’une voyelle et d’un autre groupe

consonnique : prêtre, triple, glabre ;

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 30

• celles qui sont formées d’un semi-consonne et d’une voyelle : oie, oui, ouate, yeu(x),

hier ; ou l’inverse : ouille, ail, œil ;

• celles qui sont formées d’un groupe de consonne comprenant une semi-consonne ; pie(d),

poi(ds), bien, boi(s), tien(s), toi(t), nui(t), noi(x), fier, fois, vieu(x), voi(x), chio(t), joint ;

• celles qui sont formées d’une consonne ou d’un groupe consonnique, d’une voyelle et

d’une semi-consonne : quille, grille, braille, treille ;

etc…

Il n’est pas question de soumettre les élèves, surtout s’ils ont des difficultés, à ce genre

d’inventaire, surtout de cette façon. Pourtant il est nécessaire de leur faire intégrer toutes ces

structures sans quoi ils ne maîtriseront pas, ou difficilement, le système ; c’est pourquoi nous

avons essayé, à partir de nos observation des élèves et à partir des quelques connaissances que

nous venons d'évoquer brièvement, d’imaginer des exercices propres à développer chez nos

élèves en grande difficulté les compétences qui leur manquaient manifestement, et dont on

pouvait penser qu’elles avaient bloqué leurs progrès.

Chapitre III : Développer des habiletés

Développer des compétences métalinguistiques : prendre le langage comme objet

d’étude

Il s’agit d’amener les élèves à réfléchir sur les conditions de la communication

interpersonnelle, et plus largement sur le fait que le langage est un système structuré et

complexe qu’il faut connaître pour l’utiliser dans toutes ses possibilités, et pour cela être

capable de le considérer en lui-même.

Pour ce que est du premier aspect, de nombreuses situations sont décrites dans la

littérature destinée aux formateurs en communication, et je ne citerai que quelques exemples

destinés à attirer l’attention sur les malentendus possibles, à les dédramatiser, à comprendre

qu’ils font partie de la communication humaine, mais que celle-ci présuppose qu’on essaie de

les dissiper. Le jeu du « téléphone arabe », par exemple, qui consiste à chuchoter une phrase à

l’oreille d’un individu qui devra passer le message à son voisin, qui devra à son tour le faire

passer, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’on ait fait le tour du groupe, en quasi silence ; le

message ainsi transmis s’avère à la fin n’avoir plus aucun rapport avec la phrase initiale. On

peur préciser à cette occasion aux élèves que c’est aussi en partie comme cela que les langues

évoluent, et que testa, qui désignait en latin un récipient comme une marmite, et dans la parler

populaire était utilisé comme notre terme argotique fiole, est devenu tête ; parallèlement, le

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mot caput, qui signifiait tête, nous a donné chef, que l’on trouve encore avec son sens originel

dans couvre-chef, et a donné en arabe le mot caïd, qui signifie chef, et en espagnol celui de

Cid, qui désigne un héros célèbre ; le mot caïd en français, vient donc du latin en faisant un

détour par les arabes, qui l’ont déformé comme nous en avons fait chef ; ces deux

déformations du même mot latin donnent deux mots très différents quoique de sens en partie

voisin dans notre langue. C’est l’occasion de faire découvrir aux élèves qu’une langue est

vivante, que ce n’est pas une mécanique, et de réfléchir avec eux : si certains mots s’écrivent

bizarrement, c’est parce qu’ils ont une longue histoire derrière eux. Si le climat de la classe

s’y prête, on peut faire le parallèle avec les noms des élèves, dont les consonances dénotent

les origines. D’autres activités du même ordre permettent de prendre conscience de la position

du destinataire et de son altérité, qui implique des cadres de repérages. Ainsi, on fait sortir un

élève en demandant ensuite à un volontaire de préparer un petit mime pour faire passer une

idée ; on fait rentrer l’absent qui aura de la peine à trouver l’idée, s’il ne trouve pas

immédiatement un sens qui n’a rien à voir avec le sens initial. On peut compliquer ce type de

jeu en demandant à un élève de faire exécuter une tâche à un camarade à l’aide de consignes

précises, tandis qu’on aura placé un écran, le tableau par exemple, entre les deux

protagonistes. La tâche s’avère souvent impossible (comme cela arrive aussi avec nos propres

consignes données aux élèves quand un paramètre de leur mode d’interprétation nous a

échappé et que nous n’avons pas su l’anticiper). D’autres situations du même type peuvent

être imaginées, non pour construire une connaissance à ce moment, mais pour faire réfléchir

sans angoisse, parce que sur des situations artificielles et souvent ludiques, à la difficulté de

communiquer et à la complexité du langage.

Mais ce qui nous intéresse dans ce livre est l’entrée dans l’écrit, c’est par conséquent

sur le système de l’écriture qu’il faut réfléchir pour découvrir que ce n’est pas un code aussi

simple que ce qu’on désigne habituellement par ce mot. La BD offre un support privilégié

parce qu’elle transcrit dans des codes graphiques des situations et des propos dont elle a dû

interpréter les caractéristiques pour les représenter, tout comme le phonème est une

interprétation du son ; il va de soi que les choses ne sont pas dites en ces termes aux élèves,

mais découvertes empiriquement avec eux pour être ensuite notées de façon résumée dans un

cahier. Ainsi les diverses hachures, rayures, effets de brouillard ou d’explosion figurées par

des lignes brisées aux dents très aiguës sont porteuses de sens, mais non strictement

transposables dans la parole. Pour le montrer, il suffit d’essayer de décrire une telle vignette ;

si on demande à un élève : « dis ce que tu vois », il ne répondra pas : « des hachures, des

lignes brisées… », mais « une explosion, ça va vite…, etc » ; il interprétera, sans même s’en

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 32

rendre compte. Pour qu’un prise de conscience intervienne, il faut faire lire des onomatopées

de bruits violents par des élèves non habitués à ce genre de lecture, qui vont déchiffrer en

ânonnant ; les autres vont immédiatement réagir, parfois par le rire, et il sera facile de montrer

que la situation est celle de la lecture où eux-mêmes ont du mal à déchiffrer, qu’il s’agit d’une

habitude, d’une familiarisation qui permet de passer directement à « ce que cela veut dire »

sans déchiffrer. Les bruits imités par les onomatopées ne sont en effet pas des sons du

langage, mais des bruits que les lettres ne font que représenter approximativement. On

appréhende ainsi, sans grands mots, la dimension idéographique de l’écrit. L’expérience est

répétée tant qu’elle intéresse les élèves et de façon à les mettre tous à l’aise. L’objectif est

entre autres de leur montrer que les difficultés sont dans la complexité des choses, en

l’occurrence dans le langage, et qu’il est normal de ne pas saisir du premier coup. Sinon, on

n’aurait pas besoin de l’école.

La fonction de nombreux signes linguistiques peut être appréhendée ainsi, comme

celle des signes de ponctuation dont la fonction est davantage, dans l’usage moderne, une

articulation logique de la pensée qu’une véritable scansion rythmique (ce qui était davantage

le cas aux XVI, XVII et XVIIIème siècles (dont les textes des éditions anciennes - souvent

celle des auteurs eux-mêmes - sont ponctués très différemment de nos éditions actuelles,

même savantes, qui en trahissent délibérément le rythme ; n’oublions pas que la lecture était

alors plus largement orale, et sociale, puisqu’on lisait dans les salons ). Certains de ces signes

sont très usités dans les BD, ceux-là mêmes que les élèves oublient : points de suspension,

mais surtout d’exclamation et d’interrogation. Leur présence dans une bulle incite le lecteur à

interpréter d’emblée.

Le fonction idéographique de certaines lettres muettes peut aussi faire l’objet

d’observation dans ce cadre, la BD faisant un usage privilégié de la fonction idéographique.

Enfin, on trouve dans les BD de nombreux idéogrammes qui peuvent donner

l’occasion d’interprétations diverses voire parfois légèrement contradictoires ; mais le

contexte permet toujours de départager les interprétations et de réduire le champ des

possibilités ; bonne occasion pour remarquer le rôle du contexte. On peut aussi demander aux

élèves d’imaginer des onomatopées pour des vignettes ne présentant que des signes

totalement non linguistiques, ou de dessiner des vignettes à partir d’onomatopées, voire de

construire un petit récit les justifiant, qui fera l’objet de quelques vignettes.

Nous aurons encore beaucoup d’observations à tirer des onomatopées de BD, entre

autres supports, mais concernant cette fois le système phonologique du français.

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 33

Développer les compétences métalinguistiques : la syllabation

Nous avons vu que le sens du découpage syllabique faisait défaut aux mauvais

déchiffreurs, et constituait un élément important d’explication de leur échec. Il convient donc

de travailler la scansion syllabique, sans se préoccuper encore des structures diverses de la

syllabe que nous avons évoquées, qui présupposent un travail important au niveau du

phonème. La familiarisation avec le découpage syllabique peut se faire à partir de nombreux

supports, à commencer par des supports oraux, comme on le fait avec les petits: comptines,

dictons…, mais ceux-ci sont d’un intérêt limité pour des pré-adolescents ; nous aurons recours

à des textes de ce type au cours de étapes ultérieures du travail, textes où la fonction poétique,

au sens de Jakobson, est dominante ; les textes sont en effet les meilleurs supports d’un

apprentissage visant l’entrée dans l’écrit, à condition que ceux-ci ne présentent aucune

difficulté syntaxique ou lexicale, comme certains textes de Queneau et de Tardieu, où l’on ne

cherchera pas à commenter le texte, se bornant à expliques les mots inconnus par une

paraphrase élucidante. Ces textes sont versifiés, souvent de façon conforme à la métrique

traditionnelle, et le décompte syllabique y joue par conséquent un rôle important. Ce sont

donc de très bons supports pour le travail que nous envisageons. Correspondant à la

représentation commune du poème, ces textes amusent ou intéressent les élèves, qui n’ont

l’impression de faire du « travail de bébé » ; la présence de rimes permet en outre de faire

identifier certaines syllabes, en les détachant de la chaîne orale, ce à quoi elles se prêtent par

nature ; il importe à ce niveau de bien savoir ce que l’on fait, de choisir son objectif, et de ne

pas vouloir « faire de la poésie » avec les élèves ; ce qui n’implique pas, bien au contraire, que

l’on se prive du plaisir de la lecture, ni des remarques que les élèves peuvent faire sur ce qui

le motive, sur l’émotion ou le rire qu’il provoque. Il ne faut jamais se livrer, nous semble-t-il,

à un travail purement formel, mais sélectionner les objectifs, les supports et les procédures de

façon à organiser la séance en fonction des habiletés à faire acquérir.

Les fonctions du langage et la fonction poétique selon Jakobson

Tout le monde ou presque connaît le fameux schéma de Jakobson, qui identifie six

pôles de la communication, auxquels il associe six fonctions du langage : au locuteur

correspond la fonction expressive (et les désignations de la première personnes, le « je ») ; à

l’interlocuteur correspond la fonction injonctive (ou conative), liée aux désignations de la

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seconde personne, et qui vise à agir sur l’autre ; au code utilisé, la langue en ce qui nous

concerne, correspond la fonction métalinguistique dont nous avons parlé ; au canal, qui est le

moyen matériel par lequel on communique, correspond la fonction de contact ou fonction

phatique (« allo ? », ou « Vous m’avez bien entendu, là-bas au fond ? ») ; à la réalité dont on

parle ou que l’on vise (aux « choses » en quelque sorte, qui sont souvent la seule réalité

qu’envisagent le sens commun et les élèves), correspond la fonction référentielle ; enfin au

message ou au texte correspond la fonction poétique : ce terme est sujet à confusion, parce

que l’on imagine que c’est celle qui prévaut dans le poème. Mais la fonction référentielle a un

rôle absolument déterminant dans poésie de la résistance, de la guerre civile espagnole, ou

dans de nombreuses poésie engagées, et la fonction poétique est illustrée par le célèbre

linguiste à l’aide d’un célèbre slogan de propagande politique I like Ike ; je prendras pour

exemple, en français « Des pâtes, des pâtes, oui, mais des Panzani » (qui de plus est un

alexandrin tout ce qui a de plus régulier). De nombreux slogans publicitaires offrent un

support utile pour l’observation des phénomènes de syllabation et de répétition phonétique.

Cela n’a rien à voir avec la poésie. Jakobson est un grand théoricien, mais son travail est

daté, et il est un peu triste de voir figurer son schéma dans de nombreux manuels du

secondaire, sans la moindre distance critique, alors que les chercheurs l’ont depuis

longtemps laissé de côté. Cela ne signifie pas qu’il est totalement sans valeur : il a au moins

le mérite de nous faire sortir des évidences du sens commun sur la transparence du langage

par rapport à ce qu’il vise. Mais la lecture de poèmes suppose une toute autre approche

La rhétorique traditionnelle appelle paronomase la figure qui consiste à rechercher

des effets de style de l’homophonie, ou de la très grande ressemblance phonétique entre les

mots, comme le fait Prévert dans Dîner de têtes, avec ce vers lui-même un peu fou « La

grande dolicocéphle sur son sofa s’affale et fait la folle », mais qui dénonce pourtant très

précisément les préjugés racistes des années trente (le mot dolicocéphale renvoie aux théorie

racistes héritées du XIXème siècle.)

Le souci de sensibiliser les élèves à des textes authentiquement poétiques nous a

entraînés parfois à négliger des textes qui figuraient autrefois dans les manuels de lecture de

l’école élémentaire et permettaient de vrais apprentissages, comme ceux de Tristan Derême,

chers à notre mémoire ; même si les recueils de cet auteur, comme de nombreux autres de ses

contemporains, nous tombent des mains aujourd’hui, ce n’est pas une raison pour se priver de

supports efficaces pour développer certaines capacités de reconnaissance métaphonologiques.

Certes, la récitation traditionnelle, et le recours exclusif à des textes de facture académique a

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oblitéré souvent une approche authentique de la poésie, mais on peut recourir à certains textes

dont la valeur poétique ne mérite pas que l’on s’y arrête, ou pas longuement, pour développer

les habiletés. Or les vers de mirlitons se prêtent souvent mieux que la poésie contemporaine la

plus exigeante à ce genre d’exercice. Mais l’un n’interdit pas l’autre, et nous verrons plus loin

qu’on peut, parfois dans la même période, même si ce n’est pas « en même temps », et dans la

même séquence, faire lire des textes réputés « difficiles » qui passent très bien, mais dans un

autre contexte, avec d’autres objectifs. Par ailleurs, le recours à la chanson, où le texte versifié

est conçu pour s’adapter à une ligne mélodique et à un rythme musical, est propre à faire

apparaître la segmentation de la chaîne orale. On n’hésitera pas à faire compter les syllabes

(nous avons eu soin de proposer des exemples de mètres différents), au besoin sur les doigts, à

chanter en classe si l’on en a envie, en battant la mesure et en repérant la correspondance, très

artificielle, entre le découpage syllabique imposé par la versification et celui des notes ; s’il en

a envie, on peut travailler avec le professeur de musique. Cela n’implique pas du tout de notre

part une quelconque adhésion aux clichés sur la musicalité des textes, ni la confusion entre le

rythme de la parole et celui de la musique. Mais dans la situation très particulière où nous

nous trouvons quand nous faisons découvrir la logique de l’écrit à un enfant, les contraintes

de la versification et de la mélodie peuvent être un truchement utile. Les jeux de langage

fondés sur la répétition, les rimes, les assonances et les allitérations sont présents dans toutes

les cultures, et fournissent des repères, que ce soit au plan mnémotechnique qu’à celui de la

découverte de certaines propriétés du langage. Il convient d’utiliser ces techniques, sans être

dupe des clichés qui leur sont attachés.

Le rythme n’est pas la mesure, la prosodie n’est pas la métrique

C’est une banalité de dire que la poésie n’est pas forcément versifiée, mais la

représentation commune continue d’associer poème et versification ; on sait pourtant qu’il

existe des discours en vers dénués de valeur poétique, et que la poésie, depuis Baudelaire

principalement, s’exprime autant si ce n’est plus en prose qu’en vers. Mais ce qui est encore

plus ancré dans les représentations du langage, même chez des auteurs apparemment

informés, c’est la différence entre le rythme et la mesure, entre prosodie (où l’on entend

« prose ») et métrique, et entre le rythme propre au langage et celui de la musique. Comme

l’a montré Henri Meschonnic, il y a une rythmique de la prose, qui n’implique pas la

répétition ni la redondance, mais une organisation inséparablement sonore et signifiante, et

le rythme musical n’est pas de même nature que celui du langage, ce qui fait de l’expression

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 36

commune « musicalité » des vers, ou plus généralement d’un texte, une expression imagée,

trop souvent prise au pied de la lettre.

A titre d’illustration, nous citerons quelques exemples de textes simples, mais non

dépourvus de qualités, permettant ce type de travail. La lecture orale est un moment

important ; le professeur lit d’abord à haute voix, de façon à faire ressortir les caractéristiques

phoniques du texte. Certains textes se prêtent à une lecture cadencée, ce que les élèves

apprécient souvent. Les reprises, les refrains sont facilitateurs pour la mémorisation. On peut

en effet faire apprendre de petits textes simples, de préférence en laissant aux élèves le choix :

il faut alors réunir un assez grand nombre de textes, les leur faire découvrir, leur demander où

va leur préférence, lire et faire lire à haute voix les textes choisis.

Ces textes se prêtent à un bref commentaire, nullement exégétique ni même à

proprement parler littéraire, mais phonétique, sur les procédés qui créent un effet sonore :

nombre de syllabes de chaque vers, répétitions de mots ou de phrases, répétition des syllabes

phonétiques qui constituent les rimes. Tout cela concours à l’effet agréable du texte, ce qui

n’en fait pas forcément un poème, au sens où l’on dirait, ça, au moins, c’est de la poésie !

C’est-à-dire que la notion de valeur poétique n’est pas impliquée dans notre choix, même si

nous veillons à ne pas donner de textes médiocres aux élèves, quel que soit leur niveau. Nous

citons chaque texte avec le minimum de références, celles-ci étant explicitées dans notre

bibliographie.

Le chat et le soleil

Le chat ouvrit les yeux,

Le soleil y entra.

Le chat ferma les yeux,

Le soleil y resta.

Voilà pourquoi le soir,

Quand le chat se réveille,

J’aperçois dans le noir

Des morceaux de soleil.

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Maurice Carême, L’arlequin, 1970, Dictionnaire des poètes et de la poésie, page 76.

Rien de plus simple qu’une lecture orale qui fasse entendre la régularité métrique d’un

tel texte : l’hexasyllabe est l’un des vers les plus banal de notre métrique, d’autant plus qu’il

constitue un demi alexandrin (une hémistiche). C’est un rythme devenu tellement familier

qu’il occulte les autres le plus souvent. Mais il permet ici une intégration relativement facile

de la syllabation, ne présentant pas de difficultés de compréhension ni de versification. Le

côté « magique » de l’image permet un court commentaire sur l’effet proprement poétique du

texte. On peut également faire observer les parallélismes (ouvrit/ferma, entra/resta) et les

répétitions (le chat, le soleil). Enfin il est possible de faire un exercice d’articulation claire, en

particulier dans la seconde strophe qui présente des syllabes et des phonèmes un peu plus

complexe que la première.

On peut tout simplement demander aux élèves d’apporter le poème qu’ils ont le mieux

aimé à l’école élémentaire, s’ils s’en souviennent, et faire faire à chacun une courte

présentation de son texte que l’on complète avec la classe, à condition que le texte se prête à

ce type de travail. Les textes apportés par les élèves qui s’avéreraient trop difficiles ou

inadéquats devront être conservés pour une étape ultérieure du travail.

Les exemples suivants sont plus difficiles et permettent paradoxalement d’observer les

caractères de la syllabations parlée à partir des « irrégularités » qu’imposent les contraintes de

la versification. Ce sont en outre des textes dont les vers sont impairs, respectivement des

pentasyllabes et des heptasyllabes, ce qui est moins familier à l’oreille que les précédents. Ils

présentent en outre des syllabes comportant un E instable, muet à l’oral, mais non dans la

métrique, ce qui permet d’en faire la remarque ; de même le mot violettes comporte deux

syllabes à l’oral, mais trois dans le vers, de même que mariage dans le texte de Lorca . On

peut lire, puis faire lire le texte en demandant aux élèves de repérer la différence de rythme ;

on peut aussi leur demander de repérer les « intrus » parmi les vers, ceux qui semblent

« boiteux » parmi les autres.

Le printemps Regardez les branches Comme elles sont blanches ! Il neige des fleurs ; Riant dans la pluie, Le soleil essuie

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Les saules en pleurs, Et le ciel reflète Dans la violette Ses pures couleurs Théophile Gautier, Premières poésies.

L’un de ces deux textes est en outre une traduction, où le traducteur a eu recours aux

assonances et à une sorte de néologisme (ce qui pose d’ailleurs un problème, quoique cela

nous soit indifférent ici, dans la mesure où lézarde existe en français avec un tout autre sens ;

cela peut ajouter des connotations absentes de l’original).

Le lézard et la lézarde Le lézard est tout en larmes La lézarde est tout en larmes. Le lézard et la lézarde en petits tabliers blancs. Ils ont perdu par mégarde Leur anneau de mariage. Hélas, leur anneau de plomb Leur joli anneau de plomb ! Personne dans le grand ciel Où monte un globe d’oiseaux. Le soleil, gros capitaine, Porte un gilet de satin. Regardez comme ils sont vieux ! Comme ils sont vieux les lézard ! Et comme ils pleurent, mon dieu, Et comme ils sont tout en larmes ! Federico Garcia Lorca, traduction de Jean Cassou

Un autre texte de Gautier, plus régulier que celui de Lorca, permet un travail assez facile sur

la syllabation, mais sa facture descriptive le rend moins attractif :

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 39

La bise Sur un ton monotone La bise hurle et tonne Dans le corridor noir ! C’est l’hiver, c’est décembre. Il faut garder la chambre Du matin jusqu’au soir Les fleurs de la gelée Sur la vitre étoilée Courent en rameaux blancs. Et mon chat qui grelotte Se ramasse en pelote Près des tisons brûlants. Théophile Gautier, Premières poésies

Bien que le texte présente peu de difficultés, il faudra expliciter quelques termes

aujourd’hui peu usités (corridor, tisons) par un synonyme ou une paraphrase. Ce qui

demandera une glose, et peut être mieux exploité par des dessins ou des photographies, est la

métaphore filée des fleurs de givre de la deuxième strophe.

Les deux exemples suivants ajoutent encore à la difficulté en variant les rythmes,

comme c’est le cas dans la poésie du XIXème siècle qui joue sur la tension entre le rythme

métrique et celui du discours ; c’est particulièrement sensible dans le texte de Gautier Quel

temps de chien !, où l’expression qui sert ici de titre relève de la parole orale quotidienne, et

donc du discours, qui suppose l’expression d’un sujet énonciateur, et non de la codification

visant à ciseler un objet sonore, comme c’est le principe du recueil dont le texte est tiré.

Certaines précisions seront nécessaires quant au vocabulaire et aux expressions imagées, de

même que sur les réalités de la vie du XIXème siècle (le cocher, par exemple) ; ce sera encore

plus vrai pour le texte de Victor Hugo que nous citons à la suite, dont les expressions imagées,

bien qu’elles soient devenues des clichés, ne seront pas forcément transparentes aux élèves.

Un commentaire de type paraphrastique sera nécessaire.

Quel temps de chien ! Quel temps de chien ! il pleut, il neige ; Les cochers, transis sur leur siège, Ont le nez bleu. Par ce vilain soir de décembre,

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Qu’il ferait bon garder la chambre, Devant son feu ! On n’entend rien dans le silence Que la pendule qui balance Son disque d’or, Et que le vent qui pleure et rôde, Parcourant, pour entrer en fraude, Le corridor. Théophile Gautier, Emaux et Camées.

Le texte de Hugo implique comme nous l’avons dit quelques élucidations du professeur ; il

faudra préciser, dans le langage le plus trivial, que le ciel est personnifié, ce que certains

élèves font parfois spontanément « le ciel a l’air d’être quelqu’un ». Certains élèves sauront

peut-être expliquer aussi ce que sont les étoiles filantes. Il faudra en outre écrire « encore »

dans une première version du texte avec l’orthographe normale, puis distribuer ou mettre au

tableau le texte authentique après avoir fait « trouver l’intrus » ; ne pas hésiter à dire que le

poète a un peu « triché » avec l’orthographe, et que cette sorte de « tricherie » est admise dans

ce cas, parce que « ça fait plus beau ».

Les étoiles filantes A qui donc le grand ciel sombre Jette-t-il ses astres d’or ? Pluie éclatante dans l’ombre, Ils tombent…Encor ! Encor ! De brume à demi noyée, Au centre de la forêt, La prairie est déployée, Et frissonne, et l’on dirait Que la terre, sous les voiles Des grands bois mouillés de pleurs, Pour recevoir les étoiles Tend son tablier de fleurs. Victor Hugo, Chansons des rues et des bois.

Nous avons pris soin dans ces exemples de choisir des textes dont les variations de ton

peuvent poser des difficultés ; dans ce cas, cette étape devra être retardée , et l’on trouvera

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d’autres activités, par exemple dans celles que nous proposons ensuite sur les sons du langage

et leur écriture.

Pour les exercices de syllabation, certains vers de mirliton, sont, avec les comptines

dont nos élèves ont un peu passé l’âge, le meilleur support. Le modèle du genre se trouve sans

doute dans les œuvres du Professeur Froeppel de Jean Tardieu, en particulier celle de ses

Œuvres pédagogiques intitulée Au chiffre des grands hommes, et qui porte en sous-titre ou

quelques biographies d’hommes célèbres mises en vers et en chiffres à l’intention des

écoliers ; c’est certainement le meilleur exemple de textes versifiés non poétiques, ce qui ne

leur ôte pas leur valeur littéraire, essentiellement dans la parodie, et qui n’est pas sans rappeler

le Flaubert de Bouvard et Pécuchet. Ces textes sont parus en édition de poche et pour la

jeunesse. L’ensemble peut être lu silencieusement à voix haute, par le maître d’abord, puis

commenté avec documents iconographiques à l’appui. La lecture des nombres (les dates)

écrits en chiffre, et respectant le mètre du texte, n’en forme pas le moindre intérêt.

Tout à l’opposé, le texte suivant de Victor Hugo, Gronderie, beaucoup plus intéressant

sur le plan poétique, présente de façon plus accentuée que celui de Gautier que nous venons

de voir, le caractère discursif qui a tendance à masquer le rythme métrique par celui de la

parole : bonne occasion pour que la découverte de la régularité syllabique fasse assez

problème pour nécessiter une recherche. Les vers sons d’autre part plus longs et de structure

plus complexe ; il suffit de demander aux élèves, après plusieurs lecture, la première faite par

le professeur, de vérifier la régularité des vers en indiquant le patron des douze syllabes

réparties en deux fois six. De toute évidence, dans ce cas, ce que les instructions officielles

nomment la lecture expressive du professeur a son rôle à jouer, les élèves en difficulté n’étant

guère capable de lire un tel texte seul au début. Mais après celle du professeur, ils ont envie de

le faire. On peut faire lire, par exemple, une phrase à chaque élève, après une imprégnation

silencieuse. En effet, la structure des phrases est parfois plus proches de l’oral, avec les

désignations en incise, mais aussi d’une syntaxe inhabituelle pour les élèves en difficultés, en

particulier les inversions interrogatives. On devra en outre faire distinguer les passage de

« gronderie », proprement dite, où la forme discursive mimant l’oral est la plus prononcée,

des trois premier vers qui sont narratifs. L’observation des tirets peuvent fournir l’occasion

d’un repérage, par les élèves, du passage au discours rapporté, que l’on ne désigne pas encore

sous ce nom (On ne doit pas hésiter, par quelque scrupule de puriste, de dire que « l’auteur

parle au lecteur » puis qu’il « parle à sa chienne » : au moment où nous nous situons dans

l’évolution des élèves, cette distinction est essentielle, et une terminologie plus rigoureuse

l’empêcherait).

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Gronderie Ma chienne, la Chougna, n’est pas certe, une bête ! Nous rentrons. Sous mes mains fourrant sa grosse tête, Elle sent un sermon venir, et se tient coi. Je la prends par l’oreille, et je lui dis : - Pourquoi Te comportes-tu mal, Chougna, devant le monde ? Pourquoi, quand nous sortons, - il faut que je te gronde ! – Cours-tu, jappant, hurlant, à travers les buissons, Après les jeunes chiens et les petits garçons ? Pourquoi ne vois-tu pas un coq sans le poursuivre ? Si bien que, moi, j’ai l’air d’avoir une chienne ivre ! Cela nous fait mal voir, les gens sont irrités. Je te connais beaucoup de bonnes qualités, Fidèle, réservée, intelligente, affable, Mais vraiment, quand tu sors, tu n’es pas raisonnable.

Ce texte se prête à une plus riche exploitation que celle que nous évoquons dans cette partie

de notre travail, en particulier à propos du vocabulaire, dont une partie peut être inférée du

contexte par les élèves, s’ils ne le connaissent pas (irrités, se tenir coi), même si certains mots

demandent une explication (sermon, dont il est inutile d’expliquer le sens propre originel, et

que l’on peut comprendre directement comme un synonyme du titre, affable, japper, et se

tenir coi). Malgré les quelques difficultés de lecture qu’il peut occasionner, surtout quand on

propose un réalisation à haute voix, ce texte mérite d’être retenu parce qu’il plaît beaucoup

aux élèves, parce qu’il témoigne d’un fort attachement du poète à son animal, qu’il conforte

leurs propres intuitions sur l’intelligence de bêtes et qu’il présente une situation très

importante de leur vie quotidienne sous une forme dédramatisée.

Les sons du langage et leur écriture

S’il est essentiel de faire la distinction son/phonème pour notre propre réflexion, nous

adopterons toujours avec les élèves la langage ordinaire, non sans remarquer chaque fois que

c'est possible, comme nous venons de le voir à propos des bruits, que la graphie ne représente

pas exactement le son mais le signifie. Il est indispensable de faire travailler les élèves sur

tous les phonèmes et leurs différentes graphies, et s’il convient que ce travail soit finalisé par

des lectures faisant du sens, une ou plusieurs étapes d'acquisition purement formelle, de façon

technique, est indispensable, puisque, comme nous l’avons vu, les difficultés majeures se

situent au niveau de la première articulation du langage, celle des phonèmes en syllabes, qui

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 43

ne fait pas sens (c’est au niveau de la deuxième articulation qu’apparaît le sens, mais avec

d’autres règles à intégrer, qui supposent l’acquisition des premières). Ce travail peut être fait

de façon ludique, à partir d’onomatopées de BD et de petits textes où la difficulté concernant

un phonème et ses diverses graphies est utilisée de façon systématique pour produire un effet,

ce qui peut être motivant. Mais il convient de ne pas se leurrer : une telle motivation reste

superficielle, et la véritable motivation, celle qui est propre à entraîner une véritable

mobilisation, reste le désir de s’en sortir, comme on dit familièrement ; celle-ci conduit à

accepter ce qu’il peut y avoir d’inévitablement contraignant et parfois ennuyeux dans les

situations d’apprentissage, même si on les élabore avec le plus grand soin.

« S’enfermer pour s’en sortir »

Pour s’en sortir, comme l’a montré Jean-Pierre Terrail dans Destins ouvriers, il faut parfois

s’enfermer :c’est le sous-titre d’une partie du livre où l’auteur envisage la stratégie de ce

qu’il appelle certains transfuges, c’est-à-dire des individus qui, par les stratégies du milieu

familial, sont parvenus à faire des études, et donc à sortir de leur milieu d’origine. On ne doit

pas se dissimuler ce qu’un tel parcours comporte d’arrachement, et que ce choix n’est pas

celui de toutes les familles, loin s’en faut. Mais la pression de l’évolution économique, qui

voit disparaître les emplois industriels, impose aujourd’hui des stratégies qui ont été autrefois

des choix exceptionnels. D’où ce qu’on appelle le manque de repères de certains élèves et de

leur famille, et leur absence de motivation réelle qui tient à l’absence de perspectives

concrètes, à l’impossibilité de se projeter dans des situations requérant des fonctionnements

auxquels on est totalement étranger, ce que présupposerait un véritable projet. Ces problèmes

excèdent la problématique qui est la nôtre dans ce livre, mais on ne peut pas l’ignorer ;

l’école a certes une responsabilité dans le devenir des jeunes, mais elle n’est pas toute

puissante et ne peut pallier tous les effets pervers des mutations socio-économiques en cours.

Cependant, la mobilisation de certains sujets et de leur entourage devient possible quand on

accompagne leur évolution en leur présentant des possibilités concrètes de réinsertion, ce qui

commence par l’obtention d’un minimum de qualification. Entre la culpabilisation des

enseignants face à l’échec scolaire, et l’idée d’une totale irresponsabilité de l’école face aux

problème sociaux, qui sont aussi socio-culturels, il y a une grande marge importante dans

laquelle on peut trouver des degrés, ou une échelle, où l’intervention de l’école peut avoir sa

place. Mais on ne peut accréditer ni l’optimisme pédagogique qui consisterait à croire que

l’on va effectivement trouver la solution d’un seul point de vue éducatif pour tous les élèves

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 44

en difficultés, ni le pessimisme qui aboutirait à un renoncement. On sait que l’éducation et la

formation seront l’un des enjeux majeurs du siècle qui commence, et cela peut constituer pour

tous une puissante motivation à s’y investir, même s’il serait utopique de vouloir des résultats

spectaculaires immédiats et généralisés. Notre propre expérience dans une région

connaissant de graves problèmes économiques et sociaux, auprès d’enfants de milieux très

défavorisés nous a convaincus que des solutions sont à inventer qui rendent des perspectives

d’amélioration possibles.

Nous avons repris avec nos élèves de 6ème toutes les règles de transcription de

phonèmes et d’assemblage des lettres qui font l’objet du programme du CP avec des

onomatopées de BD, de courts texte de facture dite conventionnellement « poétique », c’est-à-

dire où le phonétisme est très apparent, puis des textes de réelle valeur littéraires, empruntés

ou non à la littérature de jeunesse, permettant de travailler sur les phonèmes par leur facture

proprement poétique.

Les ressources de onomatopées de BD

Pour toute les raisons que nous avons déjà évoquées, la BD offre un support privilégié

pour travailler le phonétisme, parce qu’elle est amenée à adopter un graphie qui en fait

ressortir certains aspects. Nous étudions successivement les voyelles, les consonnes, les semi-

consonnes, la formation des syllabes et leur articulation à partir de vignettes sélectionnées

dans différents albums destinés à la jeunesse. Certaines règles complexes concernant les

graphèmes complexes, comme l’usage du c et du ç, du g et du digraphe ge devant différentes

catégories de voyelles seront abordée avec des textes, ce que nous exposerons plus bas, mais

qui n’implique pas forcément que les textes soit abordé plus tard que les graphies des BD.

Mais avant d’aborder les règles complexes, il convient de différencier consonnes et voyelles

orales et écrites, phonème et syllabes (les « sons » perçus sont généralement des syllabes), la

formation et l'articulation des syllabes. C'est cet ensemble de tâches qu'il nous a paru plus

simple et plus attrayant d'aborder avec le graphisme des onomatopées. Ces notions, qu’il ne

s’agit pas de transmettre comme un savoir, mais de faire intégrer dans des fonctionnements,

supposent une longue imprégnation, et donc de fréquentes répétitions, dont il faudra varier les

supports et les mises en situations pour ne pas lasser les élèves ; raison pour laquelle nous

retrouverons dans l’exploitation des courts textes les règles que nous venons de mentionner.

Le travail de découverte des « sons du langage » suppose la sélection et le classement

de vignettes présentant de telles onomatopées dans l’ordre croissant des difficultés que nous

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 45

avons rencontrées : ce seront d’abord les voyelles correspondant à un graphème simple, puis

celles représentées par un digraphe, les voyelles étant définies comme « sons que l’on peut

prononcer tout seuls ». Leur repérage dans les vignettes s’accompagne d’oralisation du

phonème d’une part, de réflexion sur sa notation de l’autre ; le « son » doit souvent être extrait

de la représentation graphique qui associe plusieurs cris ou bruits. Il va de soi que nous

choisissons pour commencer les représentations les plus simples, mais même celles-ci

associent au graphème simple une ou plusieurs lettres muettes, en particulier le H dont la BD

fait nous semble-t-il un usage plus fréquent que la langue écrite. Les voyelles sont

essentiellement utilisée dans la graphie des cris, alors que les consonnes le sont pour celle des

bruits, surtout quand elles sont isolées. Nous donnons ici quelques exemples de graphies de

voyelles, puis de consonnes ainsi observées, en décrivant rapidement la situation

correspondante, mais nous renvoyons le lecteur à nos publications au CRDP d’Amiens pour

des exemples assortis d’illustrations.

Onomatopées : les voyelles : les sons que l’on peut prononcer tout seuls

( Non seulement A E I O U, mais, é è EU OU IN AN ON )

• le personnage pousse un cri de détresse : AAAAAHHHH ! ! ! ! !…ou âââââââââ ! ! ! !

• Il rit : Ah ! Ah ! Ah ! Ah !……

• Il pousse un cri admiratif : OOOOOHHHHHH ! ! ! ! !…..ou ôhôhôhôhôhôhôhôh ! ! !

• Il pousse un cri indigné : OH ! Ho

• Il appelle quelqu’un : Hé ! hé !

• Il hésite ou bredouille : Euh…Euh…Euh…Euh….

• Il pleure (ou il rit de façon grotesque) : Hiiiiiiiiiiii ! ! ! Hi ! Hi ! Hi ! Hi !

• Un enfant braille : Hin, hin, hin….

• Il ne comprend pas ou est stupéfait : Hein ? Hein !

• Il braille : Honhonhonhonhon…..

• Idem : Hon ! Hon !

• Idem : Hanhanhanhan ! ! !

• Il a une sorte de hoquet ou de réaction de surprise : Hhan ! Hhan !

• Il émet un sifflement admiratif : Uhhhhhhhh !

• Il lance un cheval : Hue !

• Il veut faire peur à quelqu’un Ouhhhhhh ! ! ! !Ouhhhhh ! ! ! ! ! !

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 46

• Il interpelle quelqu’un : Ouh ouh !

Ces observations, pour permettre un véritable repérage et une véritable intégration

phonémique, supposent plusieurs exemples présentant si possible des graphies variées, pour

que l’élève puisse extraire la graphie invariable du phonème considéré.

Pour l’observation des occlusives, sourdes en particulier, on ne trouve pas d’exemple

isolé dans les onomatopées de BD, pour des raison évidentes, ces consonnes étant toujours

accompagnées de voyelles. Mais on peut imaginer des situations qui correspondent à leur

« bruit » : dans ce cas, il faut confectionner soi-même le matériel, qui ne présente pas la

qualité graphique de celui des professionnel, ce que les élèves ne manquent pas de remarquer.

C’est pourquoi il vaut peut-être mieux les inviter à dessiner les scènes correspondant aux

bruits que l’on aura noté au tableau par leur lettre, en ayant discuté avec les élèves des

situations dans lesquels ils peuvent se produire. Les sonores correspondent moins à des bruits,

puisque le voisement suppose une voix :

Les consonnes : des bruits que l’on ne peut pas prononcer tout seuls :

• Une moteur qui cale : PPPPPPPPPPPPP

• Idem : TTTTTTTT

• Un fort raclement KKKKKK

La tentation est forte, pour pouvoir oraliser ces phonèmes, de leur adjoindre une voyelle, ce

qui sert à montrer leur caractéristique qui est d’être imprononçables.

Les consonnes : des sons inarticulés (de quelqu’un qui n’arrive pas à prononcer) :

• Un personnage qui bégaie et n’arrive pas à articuler une syllabe: BBBBB

• Idem : DDDDDD

• Idem : GGGGGG

• Un gourmand se régale à l’avance : MMmmmmmmmm !

On peut aussi représenter par des occlusives sourdes certaines formes de dénégation

inarticulées, comme « tttttt » ou « bbbbbb », « pppppp », mais là encore la tentation est forte

de leur adjoindre une voyelle, ce que l’on trouve dans les BD : « tetetete ! ! » ou

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« bouboubou », « pou !pou !pou !pou ! ! ! ! ! ». Cette étape est cependant utile pour observer

la difficulté propre à l’isolement de ces phonèmes, qui rend leur identification difficile.

Les « fricatives », F et V, les sifflantes, S et Z, les chuintantes, Ch et J (ou ge), (et la

liquide R (mais pas le L) ne présentent pas cet inconvénient, et leur bruit peut être réalisé

phonétiquement. On en trouvera d’ailleurs de nombreux exemples dans les onomatopées de

BD.

Les consonnes qu’on peut prononcer seule en sifflant, en soufflant ou en imitant un

roulement :

• En sifflant : SSSSSSSS sssss SsSsSs

• En imitant un moustique : ZZZZZ zzzzzz ZzZzZzZz

• En imitant un autre genre d’insecte : JJJJJJJJJ jjjjjjjjj JjJjJjJjJj

• En soufflant : FFFFFF ffffff

• Idem, en imitant le vent : VVVVV vvvv VvvvVvVVv

• En voulant faire taire quelqu’un en chuchotant, sans dire « chut » en entier : Chhhhhhh !

• En imitant un roulement : RRRRRR rrrrrr RrRrRrRRrrrr

Les BD offrent en revanche de nombreux exemples de bruits utilisant des consonnes

accompagnées de voyelles déjà identifiées précédemment ; mais cela entraîne, non seulement

l’observation des consonnes, mais celle des syllabes, parfois relativement complexes, ce que

nous évoquerons plus bas. En revanche, on peut trouver des vignettes présentant certaines

onomatopées formées de plusieurs occlusives, que l’on interprète facilement à la lecture, mais

qu’il est difficile, voire impossible d’oraliser, ce qui permet d’en faire la remarque en

comparant ces onomatopées avec celles qui comportent des voyelles.

Onomatopées : des bruits composés de consonnes, que l’on comprend sans pouvoir les

prononcer, ou difficilement :

• Tktktktk

• Ptptptpt

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 48

Les onomatopées de BD associent parfois deus sifflantes ou un fricative et une sifflante, ce

qui permet une oralisation plus facile. Il est utile, là encore, de procéder à des comparaisons.

Onomatopées : des bruits formés de consonnes qu’on peut prononcer en soufflant ou on

sifflant :

• Un chat qui se hérisse et émet un sifflement de colère : Ffffchhhhhhh ! !

• Une glissade : Zzzvvvv… ! ! !

• Une vielle locomotive à vapeur : tch tch tch tch

Les groupes consonniques, dans la mesure où ils associent un occlusive et une vibrante,

offrent plus encore de possibilités d’oralisation :

Onomatopées : des bruits formés de groupes de consonnes :

• Un moteur : Br br br br br

• Idem : pr pr pr pr

• Un grognement : gr gr gr gr

• Un grattement : cr cr cr cr , ou gr gr gr gr

• Un instrument de percussion (de travail) : tr tr tr tr tr

• On engorgement de liquide : gl gl gl gl ou cl cl cl cl

Les groupe comportant une occlusive et une semi-consonne sont aussi exploitables. On en

trouve dans les BD, et on peut facilement en fabriquer en faisant dessiner les élèves La

difficulté pour les représenter tient à ce que les semi-consonnes peuvent toujours être

interprétées comme phonèmes vocaliques ; il faut faire remarquer aux élèves que dans TY

prononcé Ti, on entende le i, que cela ne correspond pas à la consigne de faire des bruits sans

voyelles, c’est-à-dire sans « voix».

Onomatopées : des bruits formés de groupes de consonne, avec le son « ill », le son « w » :

• un moteur qui s’essouffle : pw pw pw pw ou bw bw bw bw

• Un appareil qui fonctionne mal : tytytytyty ou dydydydy

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Mais ce sont les syllabes qui permettent le mieux d’étudier la propriété des consonnes. On

commencera par les syllabes les plus simples pour aller vers les plus complexes.

Onomatopées : des syllabes où l’on entend une consonne + une voyelle :

• Un bruit de mitraillette : ta ta ta ta ta

• Le cri du coq : cocorico ; il comporte 4 syllabes

• Le cri du coucou : coucou (les deux lettres ou ne font qu’un seul « son »)

• Un ronflement : Ronronronron

Les syllabes dont le structure est l’inverse de la précédente s’observent facilement dans des

mots connus (mais quelquefois inconnus des élèves) : or, art, happe (du verbe happer), aïl, air

ère, heure, honte, hante (du verbe hanter), Inde, houppe ; il convient de citer et de faire répéter

ces mots oralement sans les écrire dans un premier temps, puis de les mettre au tableau pour

repérer les lettres muettes. Les onomatopées de BD peuvent être vues avant ou après cet

exercice, mais pour une meilleure approche purement orale, il vaut mieux les voir après :

Onomatopées : des syllabes où l’on entend un voyelle + une consonne

• Un saut :Hop !

• Un appel : Hep !

• Un cri de quelqu’un qui a mal : Ail !

• Idem : Ouille !

• Un cri d’horreur : Arrrrhhhh !

Le cas particulier des syllabes comportant consonne + voyelle + semi-consonne demande un

traitement spécifique ; plusieurs monosyllabes et onomatopées permettent de les aborder,

ceux qui se terminent par ce que les anciens manuels de lecture nommaient les « sons » AIL,

EIL, EUIL…etc.. Les autres semi-consonnes ne se trouvent pas en finales, mais dans des

mots, et souvent dans des groupe consonniques, ce qui les rend plus difficiles à articuler

parfois, et à identifier ; nous les verrons plus loin.

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 50

Monosyllabes formés d’une consonne + une voyelle + une semi-consonne :

• ail, aille (verbe aller)

• œil

Onomatopées formées d’une consonne + une voyelle + une semi-consonne :

• aïl !

• ouille !

Les syllabes dites fermées, où la voyelle centrale est entourées par deux consonnes, sont très

fréquentes parmi les monosyllabes du français :

Monosyllabes formés d’une consonne + une voyelle + une consonne

• port, pore, pôle, Paule, Paul, bord, part, père, paire, peur,

• bac, bar, barre, baffe, bord, but, botte

• mère, mer, mort, mite, mal, mâle, molle, meule,

• nul, Nil, nord, narre,

• tort, tare, terre, taire, tire, tante,

• dard, dire, dort, donne, dur, dure,

• cor, corps, cale, car, conte, compte, quart, cure, comme, quinte, cap

• gare, gore, guerre,

• fort, faire, fer, ferre (verbe ferrer), fard, phare, firent, furent, folle, foc, figue,

• vol, val, veule, virent, Vire, Var,

• char, châle, cher, chaire, churent, chut !, chute,

• Gille, geôle, Jules,

• sur, sûr, serre, sert, saine, sire, cire, sort, sainte, cinq, saoule, saule,

• zut !

• rare, rire, ruse

• langue, lire, lard, leurre,

Mais là encore, pour faire reconnaître la figure orale des mots, il convient de les faire entendre

et répéter oralement, de donner tous les homonymes, et de regarder et commenter leur écriture

ensuite ; l’objectif n’est pas à ce niveau la mémorisation de l’orthographe, mais le maniement

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oral des unités phonémiques, mais dans la mesure où les enfants sont tous déjà alphabétisés,

on peut anticiper rapidement une étape ultérieure en évoquant les homophones non

homographes. On peut associer les mots par leur initiale ou par leur voyelle ; on les associe

moins spontanément par la consonne finale ; c’est une recherche qui peut être proposée :

chercher des mots d’une syllabe se terminant par le son r, par exemple (toujours à l’oral), en

ayant bien soin d’exclure tous les mots de plus d’une syllabe.

Compte tenu de la complexité orthographique de ces derniers, et la simplicité des

onomatopées, qui représentent généralement de façon exacte la structure syllabique, mieux

vaut commencer par ces dernières.

Onomatopées : les syllabes formée d’une consonne + une voyelle + une consonne :

• Un bruit (répété) ; Toc toc toc

• Idem : Tac tac tac tac tac …..

• Idem : Tic tac , tic tac…

• Le bruit d’une chute : Dong !

• Celui d’un coup : Bang !

• Un exclamation Bof !

• Une chute ou un coup : Paf ! ou Pof ! ou Pif !

Les syllabes formées d’un groupe consonnique et d’une voyelle sont également très fréquents

parmi les monosyllabes, avec des homophones non homographes également ; les

onomatopées de BD sont moins nombreuses, la plupart étant dans ce cas plus complexes

(terminées en outre par une consonne), ce que nous verrons ultérieurement :

Les monosyllabes formés d’un groupe consonnique et d’une voyelle :

• pré, prêt, près, pli, plan

• broc, bras, bru, blanc, bleu,

• tri, trop

• drap, dru, drain,

• cri, crue, creux,

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• gras, gris, gros, glauque, grue,

• flot, freux,

• vlan !

Les syllabes plus complexes sont difficiles à identifier dans les mots, qui sont pour cela

difficiles à segmenter (les trois syllabes de trimbaler, grelotter peuvent être difficiles à

dénombrer, par exemple) ; elles sont très nombreuses en revanche sous formes d’onomatopées

monosyllabiques dans les BD, et font l’objets d’une grande inventivité, de la part des auteurs,

comme dans la langue courante où la « culture BD » a rendu ces créations verbales banales.

Onomatopées formées d’un groupe consonnique + une voyelle + une consonne :

• Une chute : plouf !

• Un coup : plaf !

• Une chute : blof !

• Un craquement : crac !

• Un coup : clop !

• Un personnage ravale sa peur : gloc !

• Idem : glup !

• Un bruit sourd : drug !

• Idem : trong !

• Un giffle : vlan !

L’avantage des onomatopées est ici la simplicité de leur transcription graphique, qui ne

présente pas de problèmes d’orthographe, mais est conforme à la structure phonologique de la

syllabe (ce qui ne signifie pas que leur prononciation ne varie pas). De nombreux

monosyllabes existent également que l’on peut faire rechercher oralement d’abord, puis

observer dans leur transcription orthographique.

Monosyllabes formés d’un groupe consonnique + une voyelle + une consonne :

• Planche, plate,

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• Branche, blanche, blatte,

• Tranche, tronche, truc, truque, troc, troque, trac, traque,

• Drogue, drague, drape,

• Fric, froc, frappe, flippe, flotte,

• Vrac,

Les choses se compliquent avec les semi-consonnes, qui forment des groupes consonniques et

qui se trouvent aussi souvent en finales, mais dont l’articulation est moins perceptible ; s’il

importe de faire manipuler oralement ces syllabes pour une bonne imprégnation, et pour

améliorer la conscience phonologique, on n’insistera pas dans un premier temps sur la

transcription, ni sur le décompte de telles syllabes dans des mots plurisyllabiques qu’elles

rendent difficile à segmenter ; en revanche, on insistera sur la bonne articulation de tels mots,

quelquefois « écorchés », surtout quand s’y ajoute la difficulté d’un autre groupe

consonnique : treillis, attrayant, ébruiter, …etc.

Les monosyllabes formés d’une consonne + une voyelle + une semi-consonne :

• braille

• treille

• treuil

• Creil

• grouille

Les onomatopées formées d’une consonne + une voyelle + une semi-consonne :

• Un éclaboussement malpropre :Craïl !

• Un effondrement d’objets donnant un ensemble discordant :Traïl !

Les semi-consonnes entrent dans la formation de groupes consonniques dont certains peuvent

être observés dans des monosyllabes ou des onomatopées, mais plus fréquemment à l’initiale

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de mots plurisyllabiques : pied, nuit, poids, toi, comme nous l’avons vu supra , mais aussi

tiens !,viens, fier (le verbe); elles se conbinent aussi avec des vibrantes dans des groupes

formés de trois consonnes, difficiles à articuler parfois, à identifier plus encore ; mais, comme

nous l’avons dit, ces exercices ne visent pas la construction d’une connaissance linguistique

conceptuelle, nécessaire pour le maître et non pour l’élève, mais une familiarisation à l’oral

d’abord, à l’écrit ensuite, avec des structures syllabiques de plus en plus complexes ; la semi-

consonne W s’enchaîne très facilement avec un groupe consonnique en R, ce qui n’est pas le

cas de la semi-consonne Y qui, après TR ou CR, exige l’articulation de deux syllabes (raison

pour laquelle nous avons tant de mal à lire les vers du XVIIème siècle comportant le mot

meurtrier, que l’on articule avec trois syllabes, et qui n’en compte que deux dans la

versification de l’époque).

Monosyllabes formés d’un groupe consonnique, d’une semi-consonne et d’une voyelle :

• crois ; broie ; Troie

Mots de deux syllabes à l’oral formés de la même manière :

• trier,

• plier

Les syllabes analogues qui comportent en outre un e consonne finale ne présentent pas plus de

difficultés que les précédentes.

Monosyllabes formés d’un groupe consonnique + une semi-voyelle + une voyelle + une

consonne finale ou un groupe consonnique final :

• croire

• croître

Toutes les observations des syllabes complexes peuvent s’étaler sur un laps de temps plus ou

moins long et ne constituent pas une séquence suivie, à proprement parler, la répétition

risquant de lasser les élèves. La durée de chaque séquence consacrée aux « sons du langage »

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 55

est à déterminer en fonction du groupe, de la rapidité d’intégration des élèves, de leur capacité

de soutenir leur attention et de leurs réactions. D’autres activités plus « motivantes » sont en

cours parallèlement, comme nous l’avons indiqué dans notre introduction, et comme nous en

donnons des exemples dans les ouvrages que nous avons publié au CRDP d’Amiens, où le

lecteur trouvera à la fois des exemples se séquences fondées sur une œuvre de littérature de

jeunesse, et des « batteries » d’exercices ou des situations d’exploration de la langue, du type

de celles que nous évoquons ici, à effectuer en parallèle.

Les mêmes difficultés se rencontrent dans des mots plus longs comportant ce type de

syllabes (accroître, par exemple); qui ne demandent pas ici une présentation spécifique. En

revanche, l’articulation des syllabes, si elle ne présente pas de difficulté dans le cas des

syllabes les plus simples, peut en présenter dans le cas des syllabes de structure complexe que

nous venons d’évoquer. C’est le cas notamment avec la semi-consonne Y, comme nous

venons de le voir. Dans ces cas-là, la familiarisation ludique avec des onomatopées de BD

peut s’avérer très utile:

Onomatopées de BD articulant plusieurs syllabes avec une semi-consonne :

• grande glissade spectaculaire de Gaston Lagaffe : Hééiap ! (on prononce Hé – iap)

• bruit d’une sorte de grand souffle dû au passage d’un engin : Ouichouim ! ou

Ouisschwiim !

• gros éclats de rires de tout un groupe de personnes indistinctes : Wafwafwafwaf ! ! ou

Ouafouafouafouafouaf ! !

• gros bruit de moteurs très puissants :brouam-brouam-brouam-brouam ! ! ! !

• grondement effrayant d’un monstre : grouar-grouar !

Parallèlement à ces exercices se poursuivent des travaux de lecture de textes simples, de

préférence des œuvres intégrales pour la jeunesse, que les élèves en grande difficulté ne

peuvent lire seuls, même quand il s’agit d’ouvrages destinés à des enfants de 7/8 ans, et qu’ils

découvrent en classe en suivant tout d’abord la lecture orale du professeur qui doit souvent

être très lente. L’idéal est de disposer de K7 enregistrées pour pouvoir suivre leur lecture

silencieuse à l’écoute en déambulant dans la classe ; mais nous avons signalé en introduction

le problème réel de la rareté des textes de qualité écrits dans un langage très simple et adapté à

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la fois à la mentalité des préadolescents et au niveau de lecture et plus généralement de

langage des plus faibles d’entre eux.

La poésie populaire et les phonétines : la révision ou le réapprentissage des règles

d’écriture des phonèmes en particulier les graphèmes complexes :

La littérature populaire, et la littérature orale singulièrement, fournissent quelques

textes exploitables, mais qui renvoient à un type de civilisation qui n’est plus la nôtre.

Cependant, il s’agit là d’un patrimoine utile à transmettre et surtout exploitable. Nous y avons

eu recours particulièrement pour aborder les règles complexes régissant l’emploi de certaines

lettres et de certains graphèmes, ceux qui continuent de poser des problèmes d’orthographe

même à des élèves moyens : c, ç, ce, g, gu, ge. Ces textes sont soit des chansons soit des

dictons de forme stéréotypée qui permet également un travail sur la syllabation analogue à

celui que nous avons évoqué supra. Nous citons ci dessous des exemples de chansons

traditionnelles extraite du recueil déjà ancien de Claude Roy sur La poésie populaire ou de

notre propre mémoire familiale ; nous avons eu recours également à des recueils de textes où

la paronomase est systématiquement exploitée.

Le joli geai J’ai bien nourri le geai sept ans Dedans ma cage ronde ; Au bout de la septième année Mon geai a pris son vol, oh ! gai, Jamais je ne nourrirai de geai De geai jamais je ne nourrirai.

Compagnons de la marjolaine Qu’est-ce qui passe ici si tard, Compagnon de la marjolaine, Qu’est-ce qui passe ici si tard, Gai, gai, dessus le quai C’est le chevalier du guet, Compagnons de la marjolaine, C’est le compagnon du guet,

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Gai, gai, dessus le quai.

Ces deux textes, avec d’autres que nous citerons plus bas, permettent de revoir, ou de

s’approprier les règles concernant les graphèmes J , G avec la même prononciation que le

précédent, et GE. Il offre aussi l’occasion d’observer les différentes graphies des

homophones gai et guet .Il faut travailler plus complètement, sous l’angle de la

correspondance entre lettre, groupe de lettres et phonèmes, les graphèmes G et Gu Nous

avons à cet effet quelque peu modifié une vielle chanson française :

Compère Guilleri Il était un p’tit homme Qui s’appelait Guilleri, Carabi, Il était en guenilles, Il n’avait pas d’habits, Gare à lui.

Même chose pour les graphèmes C avec la prononciation sifflante, CE, C, avec celle de K, et

CU. Les chansons populaires offrent également des ressources, non sans quelques révisions.

Je suis allé dans mon jardin Je suis allé dans mon jardin (bis) Pour y cueillir du romarin ; Gentil coquelicot, mesdames Gentil coquelicot nouveau. Je suis allé dans mon cellier Pour y chercher de quoi goûter

Les Phonétines de Valls et Mc Kenzie permettent de revoir à peu près toutes les graphies d’un

même phonème et les règles qui y sont attachées. Ces textes permettent en outre de faire

travailler de bons élèves et des élèves moyens sur la « fonction poétique », au sens de

Jakobson, qui, si elle n’est pas propre au poème, permet tout de même de mieux aborder

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certains d’entre eux en développant une attention au phonétisme du texte ; en outre, c’est

effectivement une dimension importante du langage à laquelle on doit familiariser les élèves.

Nous citons un exemple

Une phonétine en S et Ch Dans un champ Plein de choux Un vieux chat Ni méchant Ni ronchon Bien caché Se léchait Il s’appelait Samson Et Sissi d’Annecy La sangsue sans le sou L’aperçut et pensa : « Ce sera mon taxi » Sans soucis ni façons Sur Samson elle s’assit. Mais le chat Pas si sot Sut chasser L’insensée Déchaîné Déhanché Il dansa Sans cesser La salsa Le cha-cha La samba Et déçue Amochée Avachie La sangsue Sans chichis Chut !

Ce texte peut être oralisé de diverses façon : ânonné de façon grotesque, scandé de façon à

faire ressortir les redondances phonétiques, voire sur un rythme de rap comme un élèves nous

l’a proposé. Il permet de travailler le décompte syllabique, par le repérage du changement de

mètre, et surtout les ressemblances (phonétiques) et différences essentielles (au point de vue

phonémique) entre S et Ch, sur lequel le texte joue de façon progressive : S dans la première

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strophe, Ch dans la seconde, et les deux dans la troisième. Les diverses graphies de ces deux

phonèmes sont aussi repérables ici. Le texte peut prendre par ailleurs un sens symbolique, un

peu comme les fables, et l’on peut en tirer une « moralité » sur les parasites. De nombreux

autres textes du même recueil permettent de travailler à tous les niveaux, du CE à la 6ème.

Un autre recueil, intitulé avec humour Ca rime et ça rame, est plein de ressources du

même type avec des textes de valeur diverses, dont certains sont de véritables poèmes (de

Norge par exemple) , à côté de jeux de langage plus modestes mais très utiles :

Le kaki et le kiwi Le kaki dit au kiwi, D’un petit ton réjoui, D’un petit ton délicat : « Nous portons des noms en ‘‘k’’. Soyez l’ami du kaki. » Et d’un petit air exquis, D’un petit air ébloui, Conquis, le kiwi dit oui.

Lucienne Desnoues, Le Compotier.

Ce texte permet de travailler, outre la syllabation les graphie du phonème K, l’homophonie

des graphèmes OU et W, dans des groupes consonniques en particulier, comme c’est le cas

dans ébloui.

La pluie La pluie Sur les feuilles douces de mai La pluie Sur les gazons et sur les haies Semble une amie Qui visite les clos et les jardins vermeils Et bellement les réconforte, Après chaque étreinte trop forte Des trop jeunes soleils Elle tombe, brusque et jolie, Précède ou suit une embellie ; Elle se hâte et dure peu ; Elle est la sœur de la rosée

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Et ses larmes cristallisées Mirent parfois tout le ciel bleu Emile Verhaeren, Toute la flandre.

Ce texte permet de nombreuse révisions ou consolidations, voire des vérifications des acquis

antérieurs : les groupes consonniques PL, BL, BR, CR et TR, et le groupe consonnique

complexe PLU, l’opposition S/Z, les finales en les structures inversées comme en « miroir »

des mots larmes et mirent…etc. Il permet en outre d’aborder les images, ce dont nous

parlerons dans notre troisième partie.

Le cri blanc de la craie Le cri blanc de la craie Le tableau noir Devenu vert, Les bureaux, les barreaux, Le passé, l’imparfait, A sans cesse effacer. (…) Robert-Lucien Geeraet, Des mots nature,

Nous ne citons pas en entier ce texte long qui le mériterait parce qu’il évoque bien le vécu de

certains élèves, le lecteur pouvant se reporter au recueil commenté dans notre bibliographie ;

on peut travailler ici à partir de la paronomase la distinction de mots très différents, mais

phonétiquement proches, ainsi que les groupes consonniques.

Le lecteur trouvera de nombreux textes offrant des ressources analogues dan le recueil

dont ce dernier est issu, ainsi que dans diverse anthologie. Nous pensons en particulier à

l’anthologie de la Poésie symboliste publiée autrefois chez Seghers, où l’on trouve un poème

de Fernand Gregh intitulé « La plus jeune fée », qui peut être exploité après l’étude du conte

merveilleux auquel il fait de multiples références, et pour les jeux de sonorités très nombreux

qu’il déploie. Ce texte peut plaire à certains élèves, en particulier les filles. Nous n’en citons

que deux passages pour montrer l’exploitation possible de la versification et de la rythmique

assez répétitives du poète, malgré la variation de son mètre, propre à faire apparaître les

récurrences de certaines syllabes, de certaine voyelles et de certaines consonnes comme

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rimesou assonances Il suffit de parler aux élèves de « répétition des mêmes sons » pour le

plaisir de l’oreille, de leur faire repérer les différences de longueur de vers…etc,

La plus jeune fée C’est la plus jeune fée. Blonde et blanche, de lis ou de lilas coiffée, Elle passe dans l’air Où sur les romarins et sur les renoncules Le sillage argenté de son char minuscule Laisse deux tourbillons d’éclairs. (…) Elle était là Et s’envola ; Où s’est elle échappée ? Quelle équipée ! La revoilà Toute trempée D’une averse attrapé, Désagrafée Par les ronce griffée, Ebouriffée, D’une brusque bouffée (…) Fernand Gregh, Les clartés humaines.

D’autres textes peuvent de la même façon être exploités pour renforcer les compétences de

déchiffrement et de reconnaissances des diverses graphie d’un même phonème. Nous pensons

tout particulièrement aux Histoires comme ça de Rudyard Kipling, dont nous avons fait le

support de deux séquences dans nos deux livres du CRDP d’Amiens destinés à l’amélioration

des habiletés de lecteurs. Ces textes demandent à être lus avec les élèves, parce qu’ils

présentent quelques petites difficultés. Il en existe d’ailleurs d’excellents enregistrements.

L’ensemble de ces textes a le mérite de ne pas séparer le son du sens que les termes prennent

dans le texte. En effet, il ne s’agit pas de revenir aux harmonies imitatives, mais de remarquer

comment le poète a travaillé le langage dans tous ses aspects pour le rendre le plus signifiant

possible.

Précisons que des exercices sur les difficultés d’enchaînement, d’ordre linéaire ou de

hiérarchisation des syllabes, particulièrement caractéristiques des dyslexiques, peuvent être

très utiles, mais sont à manier avec précaution ; nous avons utilisé ainsi avec profit les

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Histoires du prince de Motordu, dont les élèves aiment corriger les fautes, Le coupeur de

mots, dont nous reparlerons parce qu’il permet de travailler surtout sur les morphèmes (les

terminaisons, les préfixes et suffixes ainsi que tous les petits mots grammaticaux), et La vie

des mots l’ami des veaux, qui, comme son titre l’indique, porte sur les contrepèteries. Mais il

faut veiller, s’il y a des élèves dyslexiques, au sens strict du terme, dans la classe, qu’ils soient

parvenus au cours de la rééducation orthophonique entreprise parallèlement, à un stade de

conscience de leur difficulté, de reconnaissance des segments et capacité d’organisation

spatiale des syllabes qui leur permette de tirer profit de ces exercices, et que ceux-ci ne les

perturbe pas. Les contrepèteries en particulier, qui présuppose cette habileté, peuvent servir à

entraîner les élèves à intervertir l’ordre des syllabes pour vérifier la pertinence de cet ordre.

Encore faut-il que l’enfant n’ait pas ou n’ait plus de défaut de latéralisation majeur, et qu’il se

soit plus vraiment perturbé par ce handicap, mais soit en train de le surmonter, ce à quoi ces

exercices peuvent l’aider, faute de quoi ils pourraient le plonger dans une plus grande

perplexité.

Extraits de La vie des mots l’ami des veaux

• Quelques manchettes méchantes

• Lutte armée à l’Humanité

• Le loubard balourd de Vénissieux était né vicieux

• Quand ça pollue, ça pue, l’eau

• La sœur du notaire a volé la terre du noceur

• Invasion de rappeurs dans les studios : stupeur dans les radios

…etc

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Deuxième partie : Décoder , comprendre

Certains élèves, et ce sont les plus nombreux, comme le révèlent les tests faits au

niveau du cours élémentaire et de la 6ème, déchiffrent sans comprendre ; ils ne savent donc pas

réellement lire, même s’ils peuvent parfois restituer un texte oralement, ce que révèlent leurs

réponses aux questions de compréhension qu’on leur pose. Ces difficultés relèvent aussi de la

méconnaissance des fonctionnements de codes linguistiques, qui ne se situent plus au niveau

de la première articulation du langage, celui des lettres et des sons, mais au second niveau,

celui des mots, des formes grammaticales et de ce qu’on a appelé la « grammaire de texte »,

c’est-à-dire des modes d’organisation du discours (liens logiques, repérages spacio-

temporels…etc).

Chapitre I : Les difficultés de compréhension liées aux désignations et à l’organisation

des textes

Les tests d’entrée en 6ème révèlent des difficultés de compréhension dans un texte

simple quand celles-ci relèvent non du seul prélèvement de l’information, mais d’une

déduction logique simple, que les bons lecteurs font intuitivement, c’est-à-dire sans passer par

un raisonnement, raison pour laquelle on parle d’inférences dans ce cas et non de déduction.

Par exemple, si l’on demande, après lecture silencieuse de la première phrase du Petit

Chaperon Rouge quel est le nombre de personnages, un enfant qui déchiffre correctement

répond trois : le petit chaperon rouge, sa mère et sa grand-mère, parce que c’est ce que le texte

le dit explicitement. En revanche, si on lui fait la même demande après lecture du texte

suivant : « Une sorcière avait décidé de dévorer une fillette, qui passait régulièrement près de

chez elle, et pour cela elle avait préparé un piège. La bourrique était rusée, mais la gamine

avait plus d’un tour dans son sac, et elle ne se laissa pas prendre », le même enfant peut

répondre : « quatre », parce qu’il n’identifie pas le même personnage sous les deux

désignations de sorcière et de bourrique d’une part, et de fillette et gamine de l’autre. Inutile

de dire que la tâche devient pour lui impossible si on lui demande d’identifier le personnage

représenté par chacun des pronoms « elle » du petit texte : celui-ci s’avère dès lors

incompréhensible. La difficulté ne vient pas du vocabulaire, car on peut vérifier que l’enfant

connaît les mots employés, mais de sa méconnaissance d’un fonctionnement textuel, celui de

la reprise d’un mot par un substitut, qui peut être un synonyme ou un pronom, et qu’on

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appelle en grammaire aujourd’hui l’anaphore (ce terme de linguistique vient d’un mot grec,

qui désigne le fait de « porter plus loin » la signification, c’est-à-dire de la reprendre ou de la

rappeler sous une autre forme. Le même terme grec d’anaphore a un sens différent, quoique

assez proche en rhétorique, où il désigne un procédé de style consistant à reprendre le même

terme pour lancer une série de phrases, de manière insistante ou oratoire : « Vous qui aimez

les enfants, vous qui aimez l’école, vous qui êtes attachés à ses valeurs… ». Il ne s ‘agit

manifestement pas de la même chose, et les deux sens du mot doivent être soigneusement

distingués ; on voit bien en outre qu’enseigner un tel vocabulaire aux élèves ne les aiderait en

rien (et cela reste vrai aussi au lycée), ce qui ne signifie pas que les notions qu’il désignent ne

doivent pas être enseignées et expliquées, bien au contraire : on voit bien l’utilité de l’une

comme de l’autre : la première est une notion de grammaire fondamentale, la seconde une

observation de style très simple ; mais on peut parler dans l’un et l’autre cas de formes de

reprise : forme grammaticale ou lexicale pour les pronoms et les synonymes, forme de style

dans le second cas. En revanche il est essentiel pour les enseignants de connaître, avec ce

vocabulaire et ses dérivés les notions théoriques qui permettent de lire des articles des

grammairiens et des psycholinguistes pour s’informer. Et ces mots permettent de désigner

avec une grande économie de place (qui est toujours comptée dans les articles) des structures

linguistiques variées.

L’anaphore et la déixis. Anaphoriques et déictiques. La coréférence.

Ces deux termes grecs désignent deux fonctionnements langagiers très différents,

caractéristiques de formes de discours distinctes : la déixis ou monstration suppose, dans sa

définition la plus simple, une situation de communication immédiate ; les formes

grammaticales qui la caractérisent sont celles qui désignent des éléments présents dans la

dite situation, en particulier les locuteurs et les pronoms et déterminant personnels (dits aussi

« possessifs ») de première et de seconde personne qui servent à les désigner, mais aussi les

démonstratifs, déterminants et pronoms, dans leur emploi de « démonstratif », c’est-à-dire,

comme on dit à l’école, quand ils servent à montrer. L’anaphore est la reprise dans la suite du

discours d’un terme antérieur, ce qui contribue à assurer la cohérence de l’énoncé, parfois

par une simple répétition, mais aussi par un synonyme ou un pronom ; elle caractérise les

discours déconnectés de la situation de communication ( mais ne s’y réduit pas : les choses

dont on parle, et qui sont absentes de la situation, sont désignées par des anaphoriques) ; elle

fonctionne seulement de façon différente à l’oral, en situation de communication directe, et à

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l’écrit, en situation de communication différée. Les pronoms et déterminants personnels de

troisième personne (que l’on emploie bien sûr également dans la communication directe pour

parler, par exemple, d’un tiers) la caractérisent, mais aussi les démonstratifs quand ils

servent à désigner ce dont on vient de parler, comme c’est particulièrement le cas des formes

du type « celui-ci » ou « cette dernière ». On admet cependant qu’un démonstratif, même si

l’objet qu’il sert à désigner n’est pas présent, peut avoir sa valeur de déictique, c’est-à-dire

qu’il sert toujours à « montrer », mais c’est cette fois un objet que l’on à l’idée, ce qui

suppose chez les interlocuteurs une connivence, par exemple quand on dit : « Excellent, ce

repas ! », cela présuppose, non pas qu’on ait parlé du repas en question, mais que l’on se

souvient ensemble de l’avoir partagé. C’est ainsi que certains sujets habitués à des relations

de proximité supposent souvent à tort chez l’interlocuteur (ou le lecteur) une telle connivence

et ne savent communiquer que dans ce cadre.

On parle de chaîne anaphorique pour désigner la suite des mots, synonymes, pronoms

et déterminants personnels, qui renvoient au même nom antécédent. Si au contraire un

pronom est employé avant son antécédent, dans une phrase du type « elle savait ce qu’elle

faisait, la fille », on parle de cataphore. Dans les deux cas, on parle de coréférence pour

désigner cette forme de renvoi.

Les tests de CE et de 6ème présentent tous des exemples de ce type, et l’on peut

fabriquer de tels exercices de reconnaissance, non pour entraîner les élèves à identifier

correctement les formes et à induire correctement les information, ce qui fera l’objet de

véritables séquences d’apprentissage organisée autour de lectures motivantes, mais pour

permettre aux élèves de vérifier régulièrement leurs acquisitions et leurs progrès en « se

testant » sur des exemples analogues à ceux de l’évaluation d’arrivée.

Outre les problèmes liés aux anaphores, les difficultés de compréhension des textes

tiennent à l’ignorance de leurs divers modes d’organisation. On a parlé à ce propos de

grammaire de texte, parce que les enchaînements dont il s’agit dépassent le cadre de la phrase

et concernent la structuration logique de l’énoncé et sa cohérence. Cela va par exemple de

l’emploi des « mots de liaison » à celui des adverbes et compléments de temps, qui

n’obéissent pas seulement aux règles que l’on apprenait autrefois, et qui concernaient la

phrase, mais cela concerne également l’enchaînement des phrases et la construction des

paragraphes. L’emploi pertinent de ces formes, ainsi que leur reconnaissance, présuppose que

l’on maîtrise non seulement les règles qui les régissent, mais que l’on ait une idée claire de la

visée du texte qu’on lit ou qu’on écrit. Ainsi l’enchaînement des idées dans une argumentation

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ne mobilise pas les mêmes ressources linguistiques que celui des événements dans un récit, ou

l’énumération des éléments composant un ensemble dans une description.

Mais les difficultés de compréhension touchant au déroulement logique d’un texte ne

tient pas seulement à l’ignorance ou la maîtrise insuffisante des structures linguistiques , mais

peut provenir de problèmes cognitifs ou socio-culturels ; l’organisation logique d’un texte

suppose des capacités d’analyse et de synthèse, et celle d’un récit et de descriptions, la

capacité de se représenter une succession chronologique, de gérer éventuellement des retours

en arrière ou des projections dans l’avenir…etc, c’est-à-dire des compétences pour se repérer

dans le temps et l’espace et .pour organiser la réflexion. C’est pourquoi les difficultés de

lecture ne sont pas réductibles à la seule lecture, mais doivent être mises en relation avec les

déficits éventuels de l’environnement culturel, qui réduit l’univers de référence des sujets, et

avec la maîtrise de la langue écrite, ce qui implique l’écriture et la connaissance réflexive des

structures de la langue, c’est-à-dire ce qu’on nomme couramment la grammaire, l’orthographe

et le vocabulaire.

Maîtrise de la langue et appartenance socio-culturelle

C’est devenu une banalité de dire que la maîtrise du langage en général et de la

langue maternelle en particulier est très inégale dans la population scolaire, et que cette

inégalité reflète les disparités sociales comme le montrent les études sociolinguistiques. Mais

il faut distinguer, en syntaxe et en vocabulaire comme en phonétique, les variantes libres,

dont l’emploi peut relever de l’affirmation d’une identité sociale ou régionale, des erreurs,

parfois revendiquées comme coutumes par des élèves d’origine populaire. Ainsi est-ce un

handicap de confondre compréhensif (ou compréhensive) avec compréhensible, comme nous

l'avons non seulement observé chez nos élèves, mais entendu revendiquer au nom d’une

norme micro-sociale : « Nous, ici, c’est comme ça qu’on parle ; on parle pas comme à Paris,

on parle pas comme des profs. ». Seule l’intégration du paradigme qui rattache

compréhensible à audible, imperceptible…etc, et compréhensif à attentif, intensif…etc,

permet de construire un système de connaissance objectivée ou la parole de l’élève et celle du

professeur ne sont plus affrontées, mais ordonnées en fonction de critères pertinents. C’est

pourquoi il importe aussi d’introduire dans la formation des enseignants la composante

sociolinguistique, parce que le maître ne sera crédible quand il enseigne une règle que si l’on

sait qu’il respecte par ailleurs les normes du milieu socio-culturel de ses élèves. Cela

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n’implique aucune démagogie, le professeur garde ses idiotismes propres, ce qui permet aux

élèves de découvrir d’autres normes et d’apprendre à les reconnaître, dans les deux sens du

mots ; ce principe ne relève pas seulement d’une déontologie sociale, mais d’un souci de

véritable rigueur linguistique et pédagogique qui vise à amener les élèves à élaborer une

véritable connaissance des règles de la langue, distinctes des normes d’emploi, qui en font un

système structuré , donc une véritable conscience métalinguistique.

Nous allons présenter des situations permettant d’observer les difficultés des élèves

pour les analyser, de les entraîner au décodage pertinent des textes et des situations qu’ils

présupposent, et de leur faire découvrir de façon progressive et raisonnée les structures de

notre langue sans leur imposer un savoir théorique superflu ni un métalangage qu’ils

s’empressent généralement de retenir, croyant tenir là le savoir, sans en percevoir la

pertinence. Nous ne pensons pas seulement aux termes de la grammaire moderne, qui ont

envahi les manuels à la faveur de réformes qui ne l’impliquaient pas, mais aussi à la

terminologie de la grammaire traditionnelle, que nous ne percevons plus comme un jargon

parce que nous la maîtrisons, mais qui est un métalangage issu de la tradition gréco-latine et

non moins étrange que d’autres pour qui n’y est pas habitué. L’essentiel à nos yeux est que le

nom des notions ne soit jamais introduit sans une construction rigoureuse et raisonnée de la

notion, sans s’assurer de la compréhension dont elle fait l’objet et des manipulations concrètes

des formes linguistiques variées qu’elle permet d’éclairer.

Situations d’observation des désignations et de repérage au cours des lectures

Les questions de compréhension, orales ou écrites, les premières étant les seules

possibles au début sur une lecture longue, permettent de comprendre comment les « mauvais

compreneurs » (comme on les appelle pour les distinguer des mauvais déchiffreurs) peuvent

être rapidement perdus. Nous citons quelques exemples d’erreurs de lecture révélatrices. Nous

commençons par un extrait du Petit Nicolas, qui a le mérite d’être très populaire, et

l’inconvénient, que l’on peut inverser en l’exploitant, d’être parfois difficile pour de jeunes

lecteurs, parce qu’écrit dans un style faussement enfantin, qui est en réalité celui de l’écrivain.

Précisons que cet exercice est conçu comme un exercice d’évaluation, non noté, cela va de

soi, fait en classe, au moment d’aborder la lecture d’un fragment plus long du livre. Précisons

également que les tests nationaux, quand ils ont eu lieu, nous semblent devoir faire l’objet,

non d’un corrigé systématique et complet, ce qui serait fastidieux, mais d’une correction

partielle, non immédiate, mais au moment d’aborder une séquence consacrée à une difficulté

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ciblée ; le test suivant permet alors de mesurer l’évolution éventuelle accomplie depuis les

épreuves.

Le Bouillon

Aujourd’hui, à l’école, la maîtresse a manqué. Nous étions dans la cour, en rangs,

pour entrer en classe, quand le surveillant nous a dit : « Votre maîtresse est malade,

aujourd’hui. »

Et puis, monsieur Dubon, le surveillant, nous a conduits en classe. Le surveillant,

on l’appelle le Bouillon, quand il n’est pas là, bien sûr. On l’appelle comme ça, parce

qu’il dit tout le temps : « Regardez-moi dans les yeux », et dans le bouillon, il y a des

yeux. Moi non plus je n’avais pas compris tout de suite, c’est les grands qui me l’ont

expliqué. Le Bouillon a une grosse moustache et il punit souvent, avec lui, il ne faut pas

rigoler. C’est pour ça qu’on était embêtés qu’il vienne nous surveiller, mais,

heureusement, en arrivant en classe, il nous a dit : « Je ne peux pas rester avec vous, je

vais travailler avec monsieur le Directeur, alors, regardez-moi dans les yeux et

promettez-moi d’être sage. » Tous nos tas d’yeux ont regardé dans les siens et on a

promis. D’ailleurs, nous sommes toujours assez sages.

René Goscinny, Le petit Nicolas

Nous proposons la lecture des deux premiers paragraphes du chapitre, qui sont savoureux et

forment un ensemble, mais pour test analogue à ceux de l’évaluation d’entrée en 6ème, nous

ne retiendrons que le début du fragment, nous arrêtant après « c’est les grands qui m’ont

expliqué. » Il faut remarquer que la difficulté de compréhension, pour un lecteur moyen, est

signalée par l’incompréhension du narrateur ; à cette naïveté s’ajoute pour nos élèves la quasi

disparition du bouillon, remplacé par les potages, ce qui constitue un problème d’ordre, non

plus cognitif, mais culturel.

Test de compréhension

• sur le déroulement logique et chronologique d’un texte et sur le repérage des lieux :

Le surveillant a annoncé que le professeur était absent :

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 69

- dans la classe ……………………………………….V…….F

- dans la cour…………………………………………V……..F

- en arrivant………………………………………… .V …….F

- après avoir fait entrer les élèves………………….. V……..F

• sur les désignations des personnages :

- combien y a-t-il de personnages adultes ? ……..1….2…..3…..4

Beaucoup d’élèves répondent un peu au hasard au premier exercice, en particulier pour

le second item concernant le temps. Pour ce qui est des personnages, ils ne voient pas

l’identité du surveillant et du Bouillon, alors que c’est ce qui fait le sens du texte. Si le même

texte est fait sur l’ensemble du passage cité, les mêmes élèves identifient généralement trois

adultes (le surveillant, le Bouillon et le Directeur). Un tel exercice, suivi d’une explication,

permet d’identifier les difficultés et de repérer les petits progrès effectués depuis l’évaluation,

quand il y en a.

Un autre texte, plus difficile, mais fréquemment lu dans certains collèges, permet au

professeur de faire d’utiles observations, qu’il ne communiquera pas forcément à ses élèves ;

il s’agit d’un remarque du narrateur du Château de ma mère de Marcel Pagnol, dont on a lu

un passage en 5ème ; les difficultés de compréhension des élèves dans ce passage sont

révélatrices, non seulement sur les problèmes de coréférence qui nous occupent, mais sur des

problèmes d’interprétation. Le narrateur parle tout au long du fragment plus ample que nous

avons lu en classe de son ami Lili, de leur amitié et de ce qu’elle lui a apporté (ce fragment

fait suite à la fameuse lettre de Lili, bourrée de fautes de langue, qui est citée dans de

nombreux manuels, et qui a toujours beaucoup de succès pour cela même; e n outre les

histoires d’amitié plaisent aux élèves).

Un fragment de Pagnol

(…) J’avais constaté que dans son ignorance, il me considérait comme un savant : je

m’efforçais de justifier cette opinion – si opposée à celle de mon père – par des prouesses

de calcul mental, d’ailleurs soigneusement préparées : c’est à lui que je dois d’avoir

appris la table de multiplication jusqu’à treize fois treize.

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 70

Il n’est pas question d’évaluer les élèves sur leur compréhension de ce passage qui s’avère

énigmatique pour beaucoup (il est impossible à la plupart d’entre eux de percevoir d’emblée

le paradoxe qui consiste à devenir savant grâce à un ignorant ; la glose paraphrasante du

professeur est alors nécessaire, sans parler de l’élucidation inévitable des mots et expressions

prouesse et calcul mental, qui portent leur âge). Nous nous arrêterons ici aux seuls problèmes

de référence pronominale. Il faut identifier les référents des différents pronoms de troisième

personne renvoyant à Lili, à Marcel et à son père, qui n’est cité que dans une incidente et dont

le rôle est mal perçu par les élèves dans ce passage. Tout se passe comme s’il était inavouable

que Marcel, fils d’un instituteur, puisse être savant si son père pense le contraire, et bien plus,

qu’il puisse devoir sa science à un ignorant ; l’absence de ce père, référence à la fois familiale

et scolaire, ou sa présence seulement allusive dans un passage où les enjeux paraissent si

graves, puisque ce sont ceux-là même qui nous mobilisent, paraît rendre rédhibitoire

l’élucidation de l’énigme, du moins pour le moment .

Nous essayons de faire identifier les personnes représentées par des pronoms et

déterminants personnels, ainsi que les pronoms et déterminants démonstratifs, dont l’enjeu est

stratégique pour comprendre la pensée du narrateur qui se remémpore l’adolescent qu’il fut.

que nous soulignons ici

Les difficultés du fragment de Pagnol

(…) J’avais constaté que dans son ignorance, il me considérait comme un savant : je

m’efforçais de justifier cette opinion – si opposée à celle de mon père – par des prouesses de

calcul mental, d’ailleurs soigneusement préparées : c’est à lui que je dois d’avoir appris la

table de multiplication jusqu’à treize fois treize.

Nous avons fait des observations intéressantes à propros de ce passage, ce qui n’implique pas

que nous recommandons la lecture du livre dans le type de classe dont nous parlons.

• Les pronoms de première personne ne posent aucun problème ; ils désignent Marcel ;

• Les pronoms et déterminants personnels de troisième personne font parfois hésiter dans la

première phrase :

- « son ignorance », c’est celle de Lili, dont on a lu la lettre ;

- « il me considérait comme un savant », c’est Lili qui admire Marcel :

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• Les choses se gâtent quand il s’agit d’identifier les démonstratifs :

- « cette opinion », pour les élèves, c’est l’opinion de Marcel, puisqu’il est justement en

train de dire tout le bien qu’il pense de Lili ; alors qu’en fait c’est celle de ce dernier,

très valorisante, sur Marcel ;

- « celle de mon père » n’est pas compris : personne ne voit que le pronom démonstratif

reprend le groupe nominal dont le nom est précédé d’un déterminant démonstratif. A

partir de là, l’allusion au père perd tout son sens, et n’est plus qu’un vague référence

obligée, puisqu’on parle d’apprendre et que le père est instituteur.

En résumé, ce passage accumule plusieurs difficultés (raison pour laquelle c’est un bon

moyen d’observation, mais non un support d’apprentissage adapté) :

- celle de l’identification des substituts et de la référence à leur antécédent ;

- celle de l’implicite lié à la situation d’énonciation propre à l’autobiographie : le

narrateur âgé se remémore son enfance et porte un regard amusé sur l’enfant qu’il a

été ;

- l’allusion au père instituteur en incise ;

- l’image symbolique de ce père paré de prestige au temps dont parle le récit, dont

l’image s’est modifiée avec le temps (et ce n’est pas à lui que le narrateur doit tous ses

succès en arithmétique !)

Les élèves éprouvent le même type de difficultés quand dans un dialogue, il est fait

mention d’une tierce personne ; il s’agit alors de distinguer les interlocuteurs de celui dont on

parle. Nous le découvrons dans l’incipit du Chien du roi Arthur, roman dont nous aurons à

reparler dans notre troisième partie.

L’incipit du Chien du roi Arthur

Le forgeron Cadoc frappait fort pour clouer le fer sur le sabot du cheval.

- Et qu’est-ce qu’il t’a dit alors, le chevalier Gauvain ? demanda Oscar.

Le forgeron leva vers lui des yeux malicieux.

- Il m’a dit : « Je suis Gauvain, neveu du roi Arthur, et je te demande l’hospitalité

pour la nuit. »

- Et après, qu’a-t-il fait ?

- Il a dormi.

- Et le lendemain ?

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 72

- Il est parti en disant : « Je m’en vais délivrer une jeune fille. Car j’ai fait serment

de porter secours à toute dame ou demoiselle en détresse. »

- Il n’a rien dit d’autre ?

- Seulement : « Ami que Dieu te garde. » Puis il s’est éloigné au grand galop en

chantant : « Les chevaliers errants courent au quatre vents, l’aventure les

attend. »

Oscar baissa la tête, songeur. C’était un garçon de quinze ans, aux cheveux bouclés

et décolorés par la chaux. Il avait de grands yeux rêveurs.

- Moi aussi, un jour, je rencontrerai l’aventure, déclara-t-il fièrement.

Puis il sauta à cheval :

- Ami, que Dieu te garde, dit-il. Et il partit en chantant : « Les chevaliers errants

courent aus quatre vents, l’aventure les attend. »

Au contraire du précédent, ce passage permet un véritable apprentissage (comme tout le

récit très apprécié des élèves). Les difficultés rencontrées dans ce dernier exemple tiennent à

plusieurs paramètres :

- le discours rapporté dans un dialogue ;

- le retour en arrière : les personnages présents parlent d’un événement passé et d’un

personnage qui est parti ;

- la double répétition des paroles de Gauvain : Cadoc les rapporte d’abord pour informer

Oscar, et ce dernier les reprend ensuite à son compte.

Il s’agit d’un roman destiné à des enfants à partir de 9 ans, mais nos élèves ont parfois de

sérieuses difficultés à traiter les informations ainsi hiérarchisées : comme dans le passage de

Pagnol, il y a ici une sorte d’emboîtement de plusieurs niveaux d’énonciation (Gauvain a dit a

Cadoc, qui répète à Oscar ; Marcel Pagnol devenu vieux parle de Marcel Pagnol enfant, qui

parlait à Lili enfant); dans le texte de Pagnol s’ajoutent des implicites portant sur le statut du

discours, mis en perspective par la narration littéraire, et sur l’humour qui crée un e complicité

du narrateur avec son lecteur supposé (le vrai lecteur étant, dans les classes dont nous parlons,

passablement « largué », comme on dit vulgairement). Cette dimension n’existe pas dans le

second exemple, ce qui ne signifie pas qu’elle soit exclue de la littérature enfantine. Nous

avons eu recours à un roman d’Astrid Lindgren, Zozo la tornade, où une véritable mise en

perspective des points de vue existe bien, et où l’auteur joue avec les différentes dimensions

que nous venons d'évoquer pour amuser ses jeunes lecteurs et y parvient. Il s'agit pourtant

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d'un livre écrit pour des enfants à partir de 7 ans ; mais c’est une véritable écriture littéraire, et

pour les élèves une véritable initiation au discours romanesque et au jeu entre la fiction et la

réalité ; il s’agit en outre d’une narration linéaire, ce qui facilite la prise de repères temporels.

Malheureusement ce type de littérature ne convient pas à tous les publics, certains élèves

refusant d’entrer dans l’univers du récit trop daté, et dans le pacte de lecture, de style trop

enfantin.

Les difficultés de lecture tiennent à la diversité des niveaux de pertinence, où les mots

font sens, c’est-à-dire à la complexité textuelle

Si nous récapitulons les difficultés rencontrées dans les exemples précédents, sans

tenir compte de la dimension littéraire et des aspects sociaux que nous étudierons à la fin de

ce livre, nous voyons que les difficultés d’ordre psycholinguistiques que nous rencontrons

sont de trois ordres : celles qui relèvent du système de coréférence, celle qui tiennent à la

temporalité et aux retours en arrière, celles du discours rapporté. Nous considérons que ces

difficultés relèvent encore de codes linguistiques, propres à l’écrit, même si nous avons

conscience qu’ils ne s’y réduisent pas, raison pour laquelle nous nous réservons d’y revenir.

Les difficultés d’inférences relèvent de trois ordres de difficultés dans les textes

• le système de coréférence, qui implique que plusieurs systèmes de désignations peuvent

servir à viser la même chose :

- le même protagoniste peut être désigné par plusieurs expressions, son nom, d’autres

noms synonymes ou même des périphrases : Monsieur Triboulet ; un homme ; le

héros ; « le monsieur qui avait perdu son chapeau » ;

- les pronoms et déterminants personnels (ou possessifs) renvoient au même référent : il

a perdu son chapeau ;

- les déterminants et pronoms démonstratifs : cet homme ou ce monsieur ; celui-ci ;

celui qui avait perdu son chapeau ;

• la temporalité, c’est-à-dire l’organisation chronologique d’un récit qui n’est pas

forcément linéaire, surtout dans les textes les plus intéressants, même quand ils sont

destinés à un large public (comme c’est le cas du genre policier qui implique au moins

deux ordres de temporalité, celui des événements criminels, et celui de l’enquête) ; il faut

donc familiariser les élèves avec :

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 74

- le récit dans le récit (ou récit encadré ou « mise en abîme) avec le repérage des

moments, des contextes et des protagonistes spécifiques à chaque ligne de récit ;

- le retour en arrière, avec les expressions permettant de se situer dans le temps

(pendant ce temps-là, quelques années auparavant, ou quelques années plus tard), mais

aussi les formes grammaticales qui servent d’indicateurs, en particulier les formes

verbales, qui n’expriment pas seulement le temps, mais aussi l’aspect du processus

impliqué par le verbe ( il mourut désigne un fait accompli, il est mort le fait

également, mais on n’imagine pas la première expression dans le cadre d’un deuil,

mais bien la seconde, le passé composé pouvant exprimer un fait dont les effets se

prolongent dans le présent et impliquent les locuteurs) ;

• les plans de l’énonciation et les divers types de discours rapportés, ce qui ne se situe pas

tout à fait sur le même plan du point de vue linguistique que les notions précédentes, dans

la mesure où l’on envisage avec l’énonciation le discours, et non plus seulement

l’énoncé :

- le discours direct entre guillemets, ou dans un dialogue, présenté avec des retours à la

ligne et des tirets ; les locuteurs se désignent par la première personne et désignent

l’interlocuteur par la seconde ;

- le discours indirect, introduit par des verbes du type dire, demander ou répondre…etc,

et dont les indices personnels sont uniquement de troisième personne ;

- le discours indirect libre qui allie la distance du second avec la vivacité du premier (et

qui est particulièrement usité par les romanciers naturalistes pour exprimer la pensée

des personnages, sans que le décrochage avec celle du narrateur soit explicite).

• Les divers plans d’énonciation impliquent des fonctionnements différents de ce que l’on

appelle alors des indices d’énonciation, c’est-à-dire des mots ou des morphèmes qui

renvoient à l’énonciateur et au destinataire éventuel, comme les pronoms et déterminants

de première et deuxième personnes et les terminaisons verbales avec lesquelles ils

fonctionnent.

• Les pronoms et déterminants personnels sont donc envisagés sous deux angles :

- comme substitut dans une chaîne anaphorique dans la perspective de la coréférence

- comme indices d’énonciation dans le perspective de cette dernière

Nous devons donc initier progressivement nos élèves, et surtout de manière explicite, à des

modes d’expression complexes, là où nous sommes entrés sans en avoir une conscience

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 75

clairement articulée, mais de façon la plupart du temps implicite et intuitive ; la difficulté pour

nous est de ne pas postuler chez les élèves les mêmes intuitions que les nôtres, et de ne pas

réduire l’intelligence à nos propres fonctionnements cognitifs, qui relèvent d’une forme de

culture, mais n’en constitue pas le modèle universel, ce qui n’implique nullement qu’on

renonce à transmettre le patrimoine universel, mais vise à induire chez les élèves les

automatismes qui leur permettront d’y entrer (et qui peuvent faire l’objet, un peu comme une

langue, d’un apprentissage systématique, à défaut de l’imprégnation initiale dans la petite

enfance). Dans les pages qui suivent, nous avons cherché des situations de lecture et

d’écriture permettant cette initiation.

Chapitre II : Des situations où la difficulté est explicitée, où la complexité est

décomposée autant que possible, pour un apprentissage progressif

Nous allons envisager quelques démarches associant lecture, écriture et expression

écrite autour de textes de littérature de jeunesse pour la plupart, mais nous ne présentons pas

ici de séquences complètes, mais des exemples que le lecteur pourra compléter par la

consultation de nos livres du CRDP d’Amiens.

Quelques situations pour étudier en particulier les problèmes de coréférence et les

chaînes anaphoriques

Une courte nouvelle se prête très bien au travail avec les élèves sur les problèmes de

coréférence, il s’agit du Coupeur de mots, inspiré du thème du pacte avec le diable, qui plaît

beaucoup aux élèves et a l’avantage de pouvoir les faire travailler aussi sur les problèmes de

morphologie, comme nous le verrons un peu plus loin. Au contraire de celui du Chien du roi

Arthur que nous venons de voir, l’incipit de ce récit est très redondant et comporte tant de

répétitions que les élèves, mêmes faibles, en sont frappés ; ce n’est pas par hasard, et cette

« lourdeur » du style a un sens par rapport au quotidien d’un enfant qui vit mal, ce qui

apparaît aisément. Il n’est pas difficile ensuite de procéder à une réécriture du premier

chapitre, qui peut être morcelée entre différents membres de chaque groupe, afin que ceux-ci

puisse avoir en mettant leur travail en commun une nouvelle version.

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L’incipit du Coupeur de mots

Le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi, le vendredi et le samedi, à six heures

trente précises, le gros réveil sonne si fort juste à l’oreille de Paul, que Paul croit rêver

d’un gros réveil qui sonnerait très fort juste à son oreille. Mais comme c’est un rêve, ou

que tout au moins Paul le croit, il se tourne de l’autre côté pour se rendormir. Mais

comme le réveil sonnait si fort dans le rêve de Paul que Paul s’est éveillé, Paul s’éveille,

se retourne et regarde à six heures trente précises le gros réveil qui vient juste de sonner.

Ce réveil ne sonne décidément pas, se dit Paul, j’ai donc bien rêvé.

Qu’est-ce que Paul devrait faire, se demande Paul. Il réfléchit un moment, puis ça

lui revient : s’asseoir sur son lit, repousser la couverture, poser les pieds par terre.

Ouh !Quel froid ! Paul se recouvre jusqu’au menton.

L’ensemble du premier chapitre fait à peine plus du triple de ce passage et peut aisément être

transcrit en entier, à condition de répartir le travail. Celui-ci portera non seulement sur les

substituts, mais sur le discours rapporté et la ponctuation qui lui convient. On ne pourra éviter

toutes les répétitions, mais en supprimer la majeure partie. A la relecture, plusieurs élèves

disent préférer la version initiale, effectivement meilleure ; on peut alors expliquer, avec des

mots très simples, ce que sont des choix stylistiques, et qu’il convient avant tout d’avoir le

choix pour bien écrire, donc de connaître toutes les tournures que nous avons inventoriées au

cours de la transcription.

Les procédés mobilisés dans le travail sur le Coupeur de mots

• les hypéronymes ou termes génériques (ici les jours de la semaine à la place de

l’énumération ;

• les substituts : le petit garçon, l’enfant, le gamin, il, celui-ci ; le réveil, cet engin ;

retentir ;

• absence de guillemets à mettre au passage au discours direct ; repérage du discours

indirect, sa transcription au discours direct

L’incipit du conte de Grimm Rose-Neige et Rouge-Rose se prête à un travail complémentaire

sur les redondances et sur l’organisation d’un texte. Les répétitions et redondances n’ont en

effet pas la même fonction que précédemment, mais assurent la cohérence du texte.

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Rose-Neige et Rouge-Rose

Une pauvre veuve vivait seule dans sa petite maison. Devant la maison, il y avait

un petit jardin, et, dans le jardin, poussaient deux petits rosiers. L’un portait des roses

blanches, l’autre des roses rouges. La veuve avait deux filles qui ressemblaient aux deux

rosiers. L’une se nommait Rose-Neige, l’autre Rouge-Rose. Elles étaient (…), si bonnes

(…), que jamais on avait vu pareilles enfants au monde.

(…) Les deux enfants s’aimaient tant qu’elles se tenaient par la main lorsqu’elles

sortaient ensemble.(…)

Elles allaient souvent seules dans les bois pour cueillir des baies sauvages. Nul

animal ne leur faisait de mal. Le lièvre venait manger des feuilles de chou dans leur

main, le chevreuil broutait à leurs côtés, le cerf bondissait joyeusement à leur rencontre,

les oiseaux ne quittaient pas leur branches et chantaient à pleine voix. (…)

La cohérence est liée ici à l’enchaînement logique de l’information, dans l’exposition du récit

qui doit donner au lecteur les éléments de base pour se représenter l’univers du récit. Cela

permet donc d’aborder les notions concernant la progression de l’information dans un texte de

façon très simple (et sans user du vocabulaire, même simplifié, dont nous usons ici).

La cohérence d’un texte et la progression de l’information

La structure logique d’un texte n’est pas assurée seulement par des mots de liaison, mais

par un fin réseau de redondances organisées de façon à faire progresser l’information,

d’introduire des chose nouvelles en s’appuyant sur ce qui a été dit auparavant et que le

lecteur connaît déjà. Les spécialistes de la grammaire de texte distinguent trois types de

progression qui sont mises en œuvre ici successivement :

• la progression linéaire, où le début de chaque phrase reprend la fin de la précédente :

- dans sa petite maison. Devant la maison

- un petit jardin, et dans le jardin

- deux petits rosier (…) aux deux rosiers

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 78

• la progression constante où le groupe de nom initial est repris par un substitut, par

exemple un pronom :

- deux petits rosiers. L’un ( …), l’autre (…)

- deux filles (…) L’une (…), l’autre (…). Elles (…) Les deux enfants (…)

• la progression éclatée où un terme générique (ou hyperonyme) est repris dans une

énumération de noms désignant chacune de ses parties :

- Nul animal (…) : - le lièvre

- - le lièvre

- - le chevreuil

- - le cerf

- - les oiseaux

Il suffit de faire remarquer aux élèves l’économie de ces différentes répartitions et de reprises

en chaînes, et quand ils commencent à écrire de petits récits, de les leur faire imiter ; il s’agit

de leur présenter les textes aussi comme des réservoirs de ressources. Mais cela ne doit pas les

intimider : on peut comprendre et apprécier un texte sans être capable de l’imiter, du moins

pas tout de suite.

Le même conte offre la possibilité de différencier description et narration, l’exposition

du récit qui en décrit l’univers pour y faire pénétrer le lecteur, et le récit proprement dit qui

démarre quand un événement inhabituel survient.

Le démarrage du récit dans le conte :

Un jour qu’elles avaient passé la nuit dans le bois, elles aperçurent dès l’aurore un

bel enfant vêtu de blanc (…)

Un soir qu’elles étaient ainsi familièrement réunies, on frappa à la porte comme si

quelqu’un demandait à entrer (…)

Avec les indications de temps, on remarquera qu’alors le temps verbal change, et que

l’imparfait fait place au passé simple. On peut essayer de transposer ce passé simple au passé

composé : « Un jour qu’elle avaient passé la nuit dans le bois, elles ont aperçu un bel enfant

vêtu de blanc ». Mais beaucoup d’élèves disent alors que « cela ne colle « pas avec la suite du

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 79

texte » où le bel enfant s’avère être un ange. Le passé composé conviendrait dans le cadre

d’une histoire réaliste, d’une rencontre entre enfants ayant lieu de nos jours. Cependant, tous

les enfants ne ressentent pas cette valeur des temps. C’est l’abondance des lectures, lectures

orales du maître et lectures silencieuses, qui les sensibilisera peu à peu aux genres littéraires,

ici le conte réaliste ou merveilleux ; il existe certes des contes parodiques qui font du petit

Chaperon bleu marine une petite fille d’aujourd’hui en usant des formes du conte traditionnel,

tout en transgressant certaines règles. Mais le plaisir de cette transgression suppose que soit

intégrée la règle.

Le genre littéraire a, on le voit, une influence sur la composition du texte, et les

aptitudes d’un bon lecteur consistent aussi à le reconnaître afin d’entrer dans le « jeu » de la

lecture. Mais cette notion ne doit pas être confondue avec celle de type de texte, qui relève

plus directement de la grammaire de texte. Ainsi le conte enchaîne-t-il description et

narration, deux modes d’écriture qui ne sont pas spécifiquement littéraires mais se retrouvent

aussi dans les encyclopédies, en histoire…etc. La description, avec la narration et le dialogue,

sont des éléments importants du programme du CM et de la 6ème, tant en lecture qu’en

expression écrite, puisque la majorité des livres destinés à la jeunesse implique la maîtrise de

ces types de discours. Cela n’exclut nullement le texte documentaire qui permet de lire et

d’écrire en classe des textes qui intéressent les élèves et de leur faire ainsi acquérir ou de

renforcer des compétences utiles dans beaucoup d’autres disciplines. Nous n’insistons pas

davantage sur ces textes qui ne donnent pas lieux à des lectures longues, et qui sont abordés

dans des groupements de textes afin d’aider les élèves à identifier les différents types de textes

et les supports d’information dont ils peuvent disposer. Précisons seulement qu’un effort de

clarté didactique important a été fait dans l’édition d’encyclopédies populaires, en particulier

sous la forme de fiches qui sont souvent de bons supports pour l’étude en classe. Mais la

plupart suppose de bons lecteurs et la maîtrise d’un vocabulaire diversifié et quelque peu

spécialisé. Nous avons utilisé ces supports, et plusieurs séquences sont décrites à ce sujet dans

le livre écrit en collaboration avec Martine Molina et publié au CRDP d’Amiens.

Nous n’aborderons pas ici la description scientifique, mais quelques exemples de

descriptions tirées d’œuvres de littérature de jeunesse permettant de progresser dans la

maîtrise de la langue. Les exemples suivants sont tirés du Chien du roi Arthur.

Le pays des ombres

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Lorsqu’il sortit du brouillard, Oscar poussa un cri de surprise. Devant lui s’étendait

un étang couvert de nénuphars aux fleurs blanches. Au milieu, se dressait un château en

partie recouvert de lierre, dont les fenêtres étaient cachées sous les feuilles. Il faisait

extrêmement chaud, malgré l’absence de soleil. Sur l’étang, des hommes au teint gris,

aux yeux gris, aux habits gris, ressemblaient à des fantômes.

La description est précédée et présentée par une phrase de récit, de type donc narratif,

que l’on reconnaît en particulier au passé simple. Mais on peu montrer dans ce court passage

que le complément placé en tête de phrase (complément circonstanciel), que ce soit un groupe

de nom ou une phrase subordonnée, change de nature quand on passe du narratif au

descriptif : l’indications temporelle dans le premier cas fait place à des indications spatiales

dans le second. L’étude de la description permet en outre d’aborder ou de consolider les

connaissances sur les composantes du groupe nominal, en particulier les adjectifs et les

compléments du nom, comme cela apparaît nettement dans la description de Brisane.

La danse de Brisane

Alors apparut sur la tour une jeune fille aux joues éclatantes, aux cheveux d’or

noués en une longue tresse, portant des vêtements de jongleur. Elle dansait sur le haut de

la tour d’une manière mécanique et parfaite, comme un automate. Elle faisait la roue,

des cabrioles en avant, en arrière, des sauts périlleux, frôlant toujours la chute.

La même remarque que précédemment peut être faite sur les indicateurs de temps et de

lieu et sur les temps verbaux dans le passage de la narration à la description. La même

remarque également sur la progression constante que dans l’incipit du conte de Grimm.. Mais

on peut en outre insister sur l’importance des adjectifs. Plusieurs autres descriptions de

caractère simple et présentant beaucoup d’intérêt didactique peuvent être étudiées dans ce

roman, de façon à familiariser progressivement les élèves avec les fonctionnements que nous

venons d’évoquer ; le lecteur trouvera ces démarches exposées dans une séquence consacrée à

ce roman dans notre ouvrage Bâtir une progression en 6ème avec la littérature de jeunesse

pour des élèves en difficulté. Il s’agit en effet, à ce stade, bien plus d’une familiarisation que

d’un apprentissage notionnel, même s’il faut faire prendre conscience aux élèves qu’il y a là

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des fonctionnements construits qui relèvent de règles, au sens de régularités observables à la

lecture, et de régulations utiles dans l’écriture ; la conscience réflexive doit toujours être

sollicitée, sans que l’on attende des élèves en difficulté de lecture une véritable compétence

dans le maniement des notions, ce qui devra venir plus tard.

Travailler sur les déictiques et les anaphoriques, et sur l’indexation du discours à une

situation ou à des objets de perception

Dans un livre destiné au grand public De l’illettrisme en général et de l’école en

particulier, le linguiste Alain Bentolila insiste sur le fait que l’illettrisme est lié à la pauvreté

et à une sorte d’enfermement culturel qui rend les sujets incapables de se décentrer pour

comprendre la situation de leur interlocuteur ; nous aurons l’occasion de revenir sur cet aspect

difficile et important de la question, mais nous retiendrons pour ce qui fait notre objet présent

la difficulté, observée par cet auteur et par bien d’autres, de faire varier le degré d’indexation

de leur discours par rapport aux choses dont ils ont l’expérience immédiate, expérience qui

n’est pas forcément partagée. Laissant pour le moment de côté l’aspect psycho-social de la

question, pour le traiter plus tard, nous envisagerons essentiellement dans les situations que

nous proposons les aspects linguistiques, les connaissances et les habiletés à construire. Nous

avons choisi deux exemples d’activités autour de deux textes, un fragment des Histoires

comme ça de Rudyard Kipling et des extraits du Petit Prince propres à construire

l’apprentissage que nous avons en vue. Dans ces deux livres en effet, le narrateur semble

s’adresser directement au lecteur (nous disons bien semble, car c’est un effet d’écriture et de

lecture, pas une véritable situation de communication), ou à un autre destinataire, ce qui fait

apparaître au cours de la lecture une situation de communication explicite. Dans les deux cas,

le texte est illustré par les soins de l’auteur, et il est fait des références plus ou moins

explicites au dessin dans certaines parties descriptives du texte ; cela permet de différencier le

fonctionnement de ces description in praesentia, comme on dirait en rhétorique, des

descriptions in asbentia.

Les effets de communication dans la narration : narrateur et narrataire

C’est devenu une banalité dans les études littéraires de dire que ce n’est pas vraiment

l’auteur qui raconte l’histoire, mais une figure inventée par lui, chargée du rôle de conteur,

alors que l’écrivain écrit, ce qui suppose un travail généralement invisible pour le lecteur ; ce

véritable travail de l’écrivain fait désormais partie des sujets à enseigner aux élèves de lycée,

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 82

à qui l’on peut montrer des extraits de brouillons, par exemple, ou présenter un auteur vivant

pour leur parler de son travail. On peut facilement faire comprendre à un élève de 6ème qu’en

réalité Saint-Exupéry n’a jamais rencontré le Petit Prince puisqu’il l’a inventé. De même, ce

n’est pas vraiment au lecteur que s’adresse le narrateur, d’ailleurs les difficultés de

compréhension de nos élèves suffisent à prouver qu’en l’occurrence le texte ne s’adresse pas

à eux, mais à un interlocuteur imaginaire auquel on s’identifie le temps de la lecture, et qu’on

appelle narrataire ( terme qui n’a pas à figurer dans le vocabulaire des élèves).

Les effets de communication fictive sont particulièrement savoureux dans les ouvrages

que nous citons, ou le lecteur peut avoir l’impression d’une complicité avec l’auteur ; c’est

particulièrement évident dans « La baleine et son gosier », que nous ne citerons pas ici, où le

narrateur soutient l’attention de l’enfant à laquelle il est censé s’adresser par de fréquents

rappels humoristiques (« Ne pas oublier les bretelles ! ») ; ça l’est d’une toute autre manière,

plus pathétique, dans le texte de Saint-Exupéry où l’affectivité du narrateur s’exprime et

sollicite celle du lecteur à travers la fiction d’une situation de rencontre idéale.

Découvrir la déixis avec le commentaire d’un dessin illustrant L’Enfant d’éléphant.

Ceci C’est l’Enfant d’Eléphant, pendant que le Crocodile lui mange le nez. Il est aussi

surpris qu’étonné et cela l’incommode, et il parle du nez et il dit : « Laissez-boi aller !

Fous me faides bal ! » Il tire très fort, et de même fait le Crocodile ; mais le Serpent-

Python-Bicolore-de-Rocher arrive dare-dare, à la nage, au secours de l’Enfant

d’Eléphant. Tout ce noir, c’est les berges du grand fleuve Limpopo (il est comme de

l’huile tout vert, mais on ne me permet pas de peindre ces dessins avec des couleurs), et

l’arbre à gros collet avec les racines noueuses et les huit feuilles, ça n’est qu’un des

arbres à fièvre qui poussent là.

Il faut bien entendu une glose paraphrasante du professeur pour expliquer certaines

expressions, même après lecture intégrale du conte, accompagnée de l’écoute du merveilleux

enregistrement de Mickael Lonsdal. Il faut préciser à ce propos que la « magie » du conte

opère même si l’on ne saisit pas tous les détails de la narration, et que l’oralité du style fait

beaucoup pour cela. Il est hors de question de faire lire les contes de Kipling à nos élèves à la

maison, ni même silencieusement en classe ; il faut les aborder par l’oral, et le professeur peut

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 83

y prendre grand plaisir, jouant en quelque sorte le rôle qui est celui de beaucoup de jeunes

parents qui se transforment en conteurs pour leurs enfants en bas âge. Il en va de même pour

le livre de Saint-Exupéry, et comme pour celui de Kipling, il existe d’excellents

enregistrements, en particulier celui où Gérard Philippe est très bien entouré. Ces deux textes

permettent en outre de sensibiliser de très jeunes lecteurs ou auditeurs au plaisir du texte et à

ce qui fait la spécificité du texte littéraire, en l’occurrence le jeu de la parodie explicative du

mythe chez Kipling, le symbolisme et l’expression de réalités irreprésentables dans Le Petit

Prince (« on ne voit bien qu’avec le cœur », mais aussi la planète de chacun, chaque rose

unique alors qu’il y en a des milliers…etc).

Le passage permet de revenir sur les oppositions (et les correspondances)

phonématiques B/M , avec « laissez-boi aller », ainsi que F/V et T/D dans « fous be faides

bal ! ». Les déictique sont désignés comme «tous les mots qui servent à montrer », ce qui non

seulement ne se réduit pas aux démonstratifs, mais n’est pas toujours le cas, comme on le voit

avec cela, ici souligné de deux traits, qui renvoie à ce qui précède et fonctionne donc en

anaphorique, ainsi que ça, dont le fonctionnement est plus complexe puisqu’il renvoie à ce

qui précède et désigne en même temps un élément du dessin.

Ce travail peut (et à notre avis doit, si l’on veut que les notions s’imprègnent) être

réitéré avec d’autres supports ; nous en proposons plusieurs dans notre ouvrage Apprendre et

réapprendre à lire au collège, tous conçus à partir de dessins, dont certains peuvent être

réalisés par les élèves. On peut par exemple faire réaliser une illustration d’un conte de

Grimm, puis faire commenter ce dessin à la manière de Kipling. Beaucoup de dessins de la

presse offrent des supports privilégiés pour ce genre d’activité.

Le Petit Prince offre les mêmes avantages ; on devra préciser aux élèves les

circonstances dans lesquelles l’auteur a dédicacé son livre à Léon Werth ; au contraire des

autres situations d’interlocution narrateur-narrataire du texte, celle-ci fait référence à des faits

réels et tragiques (que l’on aura l’occasion d’aborder avec les élèves dèjà sensibilisés par la

télévision et par les cours d’histoire de l’école élémentaire).

Dédicace du Petit Prince

A Léon Werth.

Je demande pardon aux enfants d’avoir dédié ce livre à une grande personne.

J’ai une excuse sérieuse : cette grande personne est le meilleur ami que j’aie au monde.

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 84

J’ai une autre excuse : cette grande personne peut tout comprendre, même les livres

pour enfants. J’ai une troisième excuse cette grande personne habite la France où elle a

faim et froid. Elle a bien besoin d’être consolée. Si toutes ces excuses ne suffisent pas, je

veux bien dédier ce livre à l’enfant qu’a été autrefois cette grande personne. Toutes les

grandes personnes ont d’abord été des enfants. (Mais peu d’entre elles s’en

souviennent.) Je corrige donc ma dédicace :

A Léon Werth,

Quand il était petit garçon

Le texte de cette dédicace nous paraît aussi important que le reste du récit ; il offre en

outre l’opportunité d’observations utiles et peut faire l’objet d’imitations variée (tu dédicaces

ton histoire à ton meilleur ami, et tu expliques aux autres lecteurs – par exemple aux

autres élèves – pourquoi tu as fait ce choix). On remarquera la répétition de l’expression

« grande personne », sa reprise par le pronom elle, ainsi que l’accord grammatical d’autant

plus visible que la personne en question est un homme. On peut aussi faire débattre les élèves

de façon contradictoire sur le jugement entre parenthèses (dont il faudra pour certains

expliquer la signification).

Nous n’insisterons pas davantage sur le rapport texte/image dans ce livre, si ce n’est

pour signaler l’usage que l’on peut faire des nombreuses cartes postales éditées à partir de

ses illustrations ; on peut les utiliser pour un travail de remémoration du récit, à livre fermé,

en distribuant l’ensemble des illustration à différents groupes ou élèves de la classe, de façon

à faire reconstituer oralement l’ensemble de l’histoire, et de vérifier par là collectivement que

sa cohérence a bien été saisie. Version allégée (pour tout le monde) de la fastidieuse fiche de

lecture. En revanche, nous nous attarderons quelque peu sur l’épilogue, où la situation

d’interlocution, totalement fictive celle-là, outre son caractère émouvant pour les lecteurs, en

particulier les enfants, offre plusieurs possibilités.

L’épilogue du Petit Prince

Ca, c’est pour moi le plus beau et le plus triste paysage du monde. C’est le même paysage

que celui de la page précédente, mais je l’ai dessiné encore une fois pour bien vous le

montrer. C’est ici que le petit prince a apparu sur terre, puis disparu. Regardez

attentivement ce paysage afin d’être sûr de le reconnaître, si vous voyagez un jour en

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 85

Afrique, dans le désert. Et s’il vous arrive de passer par là, je vous en supplie, ne vous

pressez pas, attendez un peu juste sous l’étoile ! Si alors un enfant vient à vous, s’il rit, s’il

a des cheveux d’or, s’il ne répond pas quand on l’interroge, vous devinerez bien qui il

est. Alors soyez gentil ! Ne me laissez pas tellement triste : écrivez-moi vite qu’il est

revenu…

Rappelons que le livre a été publié en 1943, alors que beaucoup disparaissaient sans

qu’on sache quand ni s’ils reviendraient.

On peut choisir de ne pas faire travailler les élèves sur l’anaphore et la déixis au cours

de la même séance ni sur le même support, bien que le texte s’y prête ; les chaînes

anaphoriques sont ici signalées par le double soulignement, alors que les déictiques sont en

italiques soulignés d’un seul trait. On peut faire un schéma représentant les trois pôles de la

communication et demander éventuellement aux élèves de le compléter :

La communication

Les gens ou les choses dont il parle (il les nomme, puis les désigne par « il » ou par des démonstratifs……………… le paysage……………………………………… le petit prince……………………………………

Celui qui dit « je »………………….……………………………………ceux à qui il parlent (il leur dit « vous »)

Ce schéma est très simplifié par rapport à celui des manuels, mais il s’adresse à des

élèves et non à des enseignants (qui semblent être les vrais destinataires de bien des

manuels) ; il est fonctionnel (et le schéma de Jakobson étant en grande partie obsolète, nous

ne voyons pas l’utilité d’en encombrer les mémoires d’élèves).

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 86

Chapitre III : les apprentissages fondamentaux en grammaire

Le raisonnement grammatical fait défaut à beaucoup d’élèves, même moyens, et le

métalangage encombre dans ce cas inutilement la mémoire des élèves : ils confondent

proposition et préposition, les déterminants et les pronoms, les conjonctions avec tous les

autres petits mots grammaticaux et sortent au hasard un mot du panier, puis un autre, et ainsi

jusqu’à épuisement, chaque fois qu’on les interroge. Une fonction essentielle du métalangage

est d’éviter de longues périphrase : les mots et morphèmes directement indexés sur la

situation de communication ou sur un objet de perception étant plus économiquement désigné

ici par déictiques ; encore faut-il que la notion ait un sens pour le lecteur, en l’occurrence

comprendre un fonctionnement linguistique difficile et source d’erreurs pour les élèves ; bien

plus, cette notion sert, comme nous l’avons indiqué en faisant référence à un livre d’Alain

Bentolila, à comprendre les lacunes langagières des sujets dont l’enfermement social implique

un mode de communication très généralement indexé sur des objets de perception, réels ou

représentés mentalement, quand on a le même univers de référence (« quel bon vin nous

avons bu » ou « tu sais, le mec, ben il… ». Si ce genre de problème n’intéressait pas nos

lecteurs, nous enverrions tous les déictiques et autres anaphoriques au diable. C’est pourquoi

il me semble essentiel de construire les notions par l’observation et le raisonnement, d’user le

plus possible du langage courant, de périphrases au besoin pour récapituler les observations

faites, et de n’introduire le métalangage qu’après une imprégnation suffisante, quand la notion

est articulée sur un raisonnement et illustrée, dans la mémoire de élèves, d’exemples

pertinents.

Le développement métaminguistique

La compétence métasyntaxique est complexe et ne se réduit pas aux savoirs grammaticaux

répertoriés par les grammaires scolaires ; dans un perspective rigoureuse à la fois

scientifiquement et pédagogiquement, on parlera de capacités des sujets à reconnaître la

correction d’une phrase ou d’un énoncé, à en produire de corrects, mais aussi à considérer

d’un œil critique sa propre production et à se corriger. Nous n’entrons pas ici dans le détail

des analyses psycholinguistiques, ce que nous ferions dans un livre destiné à l’amélioration

des capacités d’expression écrite ; mais il faut savoir que les deux types de capacité, lecture,

ou compréhension, et écriture, ou production, pour être distinctes ne sont pas séparées.

Précisons donc que les élèves sont parfois capables d’utiliser une tournure dans un langage

courant, comme les propositions relatives avec qui ou que, sans pour autant être capables de

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 87

les reconnaître comme telles : la conscience métalinguistique n’accompagne pas

nécessairement la compétence langagière empirique. D’autre part, certaines formes

syntaxiques peuvent être comprises à la lecture ou à l’audition, sans que les élèves soient

capables de les utiliser en parlant ou en écrivant, comme c’est le cas des phrases avec dont :

les élèves disent « c’est celui que j’t’ai dit », mais ils comprennent « c’est celui dont je t’ai

parlé».

Nous avons donc essayé de bâtir des exercices, pour la plupart directement lié à des

situations de lecture ou d’écriture, où les élèves sont amené à construire des phrases, à

réfléchir sur cette construction de façon d’abord empirique, puis à identifier et à varier

progressivement les tournures adoptées.

Il faut distinguer, comme on le fait généralement en grammaire, la morphologie de la

syntaxe, et celles–ci de l’énonciation et de la grammaire de textes, mais sans les séparer. Ainsi

un travail systématique de reconnaissance des formes grammaticales, les déterminants et

pronoms en particulier, sont inséparables des structures syntaxiques où on les emploie, en

l’occurrence les divers types de groupes de nom ; c’est pourquoi on parle de morphosyntaxe

pour désigner l’étude des particules ou petit mots grammaticaux qui relèvent à la fois de la

mémorisation des formes et des structures et fonctionnement dans lesquels elles interviennent.

Un exemple de travail sur les anaphoriques pour distinguer les divers niveaux d’habileté

des élèves dans la compréhension

Nous commencerons par un exercice qui n’appartient pas au type de séquence que nous

avons définie, mais qui nous permettra de faire le lien avec les difficultés évoquées dans le

chapitre précédent. Il s’agit d’un texte élaboré à partir d’un conte par une équipe de

psycholinguistes appartenant à un laboratoire de psychologie expérimentale rattaché l’Ecole

Pratique des Hautes Etudes de la Sorbonne, au CNRS et à l’INRP, (M.-F. Ehrlich, M ;

Rémond et H. Tardieu) qui ont participé au colloque organisé à la Villette en novenbre 1992

Lecture-écriture : acquisition. Ce texte entrait dans une batterie de tests qu’il n’est de notre

propos d’exposer, mais nous citons, avec le texte, la présentation qu’en font les auteurs :

Présentation du fragment Les souris plus malignes que le chat par des psycholinguistes

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 88

« Deux textes narratifs (…) ont été rédigés à partir de récits existants. Ils comportent une

introduction, deux paragraphes et une conclusion ; ils mettent en scène un personnage

central et des personnages secondaires, et l’organisation des événements est conforme à la

structure narrative (ici, les auteurs renvoient aux livres de J.-M. Adam et de M. Fayol,

respectivement de 1984 et 85). Construits pour répondre aux objectifs de cette (…)

expérience, les deux textes présentent néanmoins un caractère naturel. Ils comportent divers

types de reprises anaphorisues. Toutefois (…), nous nous intéressons uniquement au

traitement de certaines d’entre elles, (…) qui permettent d’étudier le rôle de trois facteurs : le

type de reprise : reprise nominale (nom plus général) ou pronominale, la fonction syntaxique

de la reprise : sujet ou objet, et le distance entre la reprise et son antécédent : proche ou

lointaine. (…).

Les auteurs ne citent pas intégralement les textes ainsi constitués, mais un seul paragraphe

de l’un d’entre eux. Ce paragraphe, comme les problèmes posés dans leur présentation, nous a

paru utile, à la fois pour la réflexion didactique sur la grammaire, et le traitement de

l’information qu’elle véhicule au cours de la lecture, puisque tel est le propos des auteurs, et

pour construire des exercices, que l’on concevra différemment en fonction des publics

auxquels on a à faire.

Propositions pour un travail en groupes de niveaux différents sur un même texte avec

des tâches distinctes

En l’occurrence, le travail peut être effectué dans une classe relativement hétérogène, où le

même texte sera donné à tous avec des consignes spécifiques aux besoins et au niveau de

chaque groupe d’élèves.

Les souris plus malignes que le chat

Le meunier savait que les souris étaient là bien qu’il ne les ait jamais vues. Un jour,

exaspéré, il acheta un gros chat tigré pour se débarrasser d’elles. Mais le vieillard ne lui

donnait rien à manger et il le frappait souvent car il n’était pas bon chasseur. Les

rongeurs étaient fort chagrinés de voir cet animal si malheureux. Leur chef les

rassembla et leur dit : « Vous avez vu comme ce chat est triste, il s’ennuie et il a besoin

de prendre un peu d’exercice. Il faut l’aider à nous chasser. » Une petite souris toute

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 89

dodue s’inquiéta. Elle demanda à quoi cela pourrait bien servir. « Il sera en meilleure

santé, plus heureux, et nous donnera de bonnes occasions de nous amuser » lui répondit

la souris blanche. L’assistance applaudit. Les souris commencèrent alors à lui rendre la

vie plus mouvementée. Parfois, les chipies s’asseyaient sur les ailes du moulin et elles

faisaient des grimaces en passant devant la fenêtre où le chat aimait se réfugier. Il leur

arrivait aussi de couvrir l’animal de farine. Et souvent les plus jeunes se laissaient

pourchasser en faisant semblant d’être terrorisées. Tous ces jeux ne tardèrent pas à

avoir de l’effet. Un jour, la souris blanche le surprit en train de s’entraîner devant un

miroir. Puis il s’exerça à recevoir les félicitations de son maître. Ravie de son succès, elle

alla raconter ce qu’elle venait de voir à ses amies.

Nous avons travaillé sur deux niveaux, avec deux séries de questions ou consignes, mais

on peut le faire sur quatre avec quatre versions du document ; un compte rendu effectué en fin

de séquence (ou à la séance suivante, le travail prenant parfois une bonne heure et devant être

terminé à la maison) permet de faire un bilan récapitulatif sur les types de reprises ; il sera

suivi (ou éventuellement précédé) d’exercices portant plus spécifiquement sur les difficultés

posées par les substituts, en particulier les pronoms et déterminants qui leur sont liés. Nous

pensons que leur fonction de reprise étant intrinsèque au fonctionnement de ces mots

grammaticaux, leur étude ne doit pas être séparée de celle de leur emploi ; certes, les élèves

doivent mémoriser les formes, mais ils ne le feront de façon pertinente, c’est-à-dire en prenant

progressivement conscience de la cohérence du système qui les organise (et que l’on visualise

généralement par un tableau) que s’ils en voient la finalité. On connaît d’ailleurs bien des cas

d’élèves capables de réciter par cœur les leçons apprises, sans pouvoir utiliser, faute de

« mode d’emploi », les formes ainsi mémorisées.

Nous avons élaboré un questionnaire visant à faire expliciter à des élèves déjà repérés

pour leurs difficultés de compréhension dans ce domaine, le sens des reprises, c’est-à-dire

l’antécédent auquel renvoient les pronoms ou déterminants concernés. Les élèves très faibles

peuvent éventuellement s’entraider à deux ; les réponses devront faire l’objet d’un

raisonnement (du type l’assistance, ça ne peut être que les souris, parce que le meunier et le

chat sont seuls de leur espèce).

Questionnaire de compréhension

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 90

1°) Combien y a-t-il de sortes différentes de personnages ?

2°) Combien y a-t-il de personnages principaux ?

3°) Qui est « le vieillard » (ligne 2) ?

4°) Qui est-ce qui n’est pas « bon chasseur » (ligne 3) ?

5°) Qui sont « les rongeurs » (ligne 4) ?

6°) Quels animaux composent « l’assistance » (ligne 9) ?

7°) Qui sont « les chipies » (ligne 10) ?

8°) Qui est « l’animal » (ligne 12) ?

9°) Qui est le « maître » (ligne 15) ?

10°) De qui est-il le maître ( le texte dit « son » maître) ?

11°) Qui sont « ses amies » (ligne 16) ?

Pour un autre groupe, composé d’élèves assez bons compreneurs, mais faibles en

grammaire, le texte peut être donné avec des trous à remplir.

Le meunier savait que les souris étaient là bien qu’il ne ……ait jamais vues. Un jour,

exaspéré, il acheta un gros chat tigré pour se débarrasser d’….…. Mais le vieillard ne

…….donnait rien à manger et il …..…frappait souvent car il n’était pas bon chasseur.

Les rongeurs étaient fort chagrinés de voir cet animal si malheureux. Leur chef …..…

rassembla et …..… dit : « …….. avez vu comme ce chat est triste, il s’ennuie et il a

besoin de prendre un peu d’exercice. Il faut l’aider à ……..chasser. » Un petite souris

toute dodue s’inquiéta. …….. demanda à quoi cela pouvait bien servir. « …….. sera plus

heureux, et il …….. donnera de bonnes occasions de nous amuser », ………. répondit la

souris blanche. L’assistance applaudit. Les souris commencèrent alors à ……….rendre

la vie plus mouvementée. Parfois, les chipies s’asseyaient sur les ailes du moulin et

……..faisaient des grimaces en passant devant la fenêtre où le chat aimait à se réfugier.

Il ……..arrivait aussi de couvrir l’animal de farine. Et souvent, les plus jeunes se

laissaient pourchasser en faisant semblant d’être terrorisées. Tous ces jeux ne tardèrent

pas à avoir de l’effet. Un jour, la souris blanche ……..surprit en train de s’entraîner

devant un miroir. Puis ……..s’exerça à recevoir les félicitations de son maître. Ravie de

ce succès, ……..alla raconter ……….qu’…….. venait de voir à ses amies.

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 91

Cet exercice porte exclusivement sur les substituts pronominaux . On peut faire le même

type de travail sur les déterminants, dont certains jouent un rôle dans la chaîne anaphorique ;

nous ne reproduisons que les passages du texte comportant les trous.

Autre exercice à trous sur le même texte

- de voir ……..animal si malheureux

- vous avez vu comme ……...chat est triste.

- ……..petite souris dodue

- …….souris blanche (on admettra ici une souris blanche, puisque c’en est la

première mention)

- ……..assistance applaudit

- ……souris commencèrent alors…

- Parfois, …….. chipies

- …sur ……..ailes du moulin

- …elles faisaient …….. grimaces

- …devant ……..fenêtre (on acceptera une)

- …couvrir ……animal de farine (on acceptera cet)

- et souvent, …… plus jeunes se laissaient pourchasser

- Tous ……..jeux ne tardèrent pas….

- …en train de s’entraîner devant ……..miroir (on acceptera le et son)

- …à recevoir ……..félicitations de …….. maître

- …raconter ce qu’…….. venait de voir à …….. amies.

Pour les élèves plus débrouillé, on peut construire un exercice analogue conjuguant les

deux difficultés, en se bornant à supprimer les déterminants qui ont une fonction anaphorique

(cet animal, son maître…), mais le texte se prête aussi à l’étude de l’opposition entre les

articles définis et indéfinis (« une souris blanche » est acceptable, et même préférable dans le

paragraphe que nous avons sous les yeux, lors de la première occurrence, « la souris

blanche » est obligatoire lors de la seconde.). Tout dépend du niveau des élèves. Enfin pour

les meilleurs élèves, on peut supprimer tous les pronoms et déterminants, ou demander

l’identification grammaticale de tous sur le texte complet.

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 92

Une variante de cet exercice, qui peut être présentée à la suite, consiste à prendre un conte

ou une fable connue et à en faire un résumé très redondant, en demandant aux élèves de

supprimer les répétitions en utilisant des substituts nominaux et grammaticaux. Le travail a

été fait par exemple à partir de la fable Le lion et le rat, que l’on a fait réécrire en prose après

avoir demandé aux élèves de rechercher tous les synonymes pouvant désigner les deux

personnages. De même, un résumé d’un conte a été présenté avec de nombreuses répétitions

en demandant aux élèves de les éviter par l’emploi de pronoms et de déterminants

personnels ; au contraire de ce qui a été fait sur l’incipit du Coupeur de mot, au stade où en

sont arrivés les élèves après un travail sur les pronoms et déterminants, il ne s’agit plus

seulement de faire trouver intuitivement les formes pertinentes, mais de les identifier.

Le groupe nominal. Revoir ou réapprendre à distinguer les différentes sortes de

pronoms et de déterminants

Pour cela, la révision systématique des formes est nécessaire, et comme nous l’avons dit,

elle ne doit pas se faire sur le plan de la seule mémorisation, et des exercices comme ceux que

nous venons de présenter, qui prennent pour support un texte complet, ne fournissent pas

l’occasion d’une révision systématique de toutes les formes considérées et la construction, ou

la reconstruction du système cohérent qui les organise. C’est pourquoi, nous semble-t-il, il ne

faut pas hésiter à avoir recours au tableau, que les élèves doivent élaborer dans leur cahier,

celui du manuel de 6ème étant pour la plupart trop complexe, et surtout non progressif (il

présente toutes les formes, ce qui suppose leur connaissance, et que le tableau ne sert qu’à les

retrouver) et que l’on élaborera avec eux en refaisant la découverte systématique de chaque

série dans des exercices fondés sur des groupes de phrases (les phrases isolée ne permettant

pas de faire apparaître les fonctionnements, en particulier celui des formes de reprise) ; nous

avons élaboré ces petits paragraphes à partir de l’expérience quotidienne de la vie de la classe,

de façon à éliminer les problèmes de contexte culturel. Afin de simplifier et de rationaliser au

maximum la terminologie grammaticale, de manière à éviter toute confusion, on évitera le

terme d’adjectif pour les possessifs et les démonstratif, ce terme étant réservé aux adjectifs

qualificatifs (définis de façon très simple comme mots qui disent comment est la personne ou

la chose nommée par le nom); on garde en revanche le terme d’article, très banalisé, et qui ne

présente pas de risques de confusion.. La présentation des personnages du premier récit lu en

classe offre en effet la possibilité des premières révisions de base ; on répertorie au tableau et

sur un tableau préalablement polycopié que les élèves remplissent au fur et à mesure que le

travaille progresse oralement et pendant que le professeur le fait au tableau, le nom propre de

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chaque personnage, ce qu’il est en employant un groupe nominal, ses principales

caractéristiques physiques et psychologiques par l’emploi d’adjectifs qualificatifs. Cela

permet d’aborder, avec le groupe nominal, ses constituants les plus faciles, et de faire une

première approche du déterminant, défini au départ de la façon la plus simple comme « petit

mot devant le nom commun »..

Exemple de tableau sur le groupe nominal fait à partir d’une lecture

Oscar Un garçon Jeune, blond, bouclé

Aux grands yeux rêveurs

Qui aime l’aventure

On ne fait apprendre au début que les seules désignations de nom propre et nom commun, les

différenciant par la majuscule du premier et le déterminant précédant le second, ainsi que

l’adjectif qualificatif. Cela n’empêche pas d’observer que le garçon peut être décrit à l’aide

d’un autre groupe de nom et d’une sorte de « petite phrase » dont l’étude est remise à plus

tard.

Première leçon de grammaire : les parties de la phrase

Phrase :

Groupe de nom : - déterminant

- nom

- adjectif qualificatif

Groupe du verbe : - verbe

- groupe de nom complément du verbe

Les constituants de la phrase doivent faire l’objet de nombreuses manipulations, et l’on

s’assure de l’intégration de ces premières notions avant d’en introduire de plus complexes.

Nous suivons en cette matière la doctrine d’Emile Genouvrier et Claudine Gruwez, qui nous

paraissent toujours valables ; les exercices structuraux en particulier, s’ils sont notoirement

insuffisants pour découvrir des aspects essentiels du langage, nous paraissent toujours propres

à faire identifier les segments de base de la proposition, en particulier par les opérations de

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 94

commutation et de transformation. Nous avons eu parfois tendance à adopter beaucoup trop

vite certaines procédures dans leur intégralité, en suivant de façon non pédagogique certaines

innovations théoriques, pour les abandonner comme passées de mode un peu trop vite après

déconvenue ; il convient de ne retenir des différents modèles théoriques que ce qui est

pertinent, et de l’adapter aux besoins de la classe. Nous suivons sur ce point les principes que

rappelle J.-L. Chiss au cours d’une intervention dans l’université d’automne que nous avons

organisée à Amiens en 1992, et dont on peut consulter les Actes.

On retiendra ici la notion de permutation qui permet de reconnaître un segment

grammatical en l’isolant de façon raisonnée, en essayant de voir avec quel type de mot il peut

permuter. C’est ainsi, en théorie, que sont rigoureusement identifiables tous les segments

grammaticaux, et la grammaire structurale consiste à faire toute les permutations possibles

pour parvenir à cette identification. Tel n’est pas notre propos ; encore une fois, il importe

pour nous de prendre à chaque méthode ce qu’elle a de bon ; en l’occurrence un apprentissage

raisonné de la grammaire ne vise pas seulement à faire apprendre la grammaire, mais à faire

apprendre intelligemment, donc à développer les capacités d’observation et de raisonnement

de nos élèves. Ainsi, on appelle déterminants tous les petits mots qui peuvent permuter avec

l’article : un homme, l’homme, cet homme, mon homme…etc ; on identifiera comme

substituts du nom les mots qui peuvent commuter avec lui (ou le remplacer), dans la même

fonction : ainsi les pronoms sujets sont ceux qui peuvent remplacer un nom sujet, les pronoms

compléments ceux qui peuvent remplacer un nom complément…etc. Il ne s’agit pas

d’enseigner la linguistique aux élèves, mais de développer un apprentissage rigoureux (ce que

la grammaire traditionnelle n’était qu’en partie, comme nous le verrons).

Nous procédons dans l’exercice qui suit avec des exercices à trous, après avoir fait repérer

dans les lectures les formes que nous allons chercher. Nous citons ici quelques exemples :

Les déterminants : chercher en vous aidant du cahier le déterminant qui convient

Les articles définis et indéfinis

1°) Nous avons acheté …… livre ; c’est …… livre que nous allons étudier

2°) Nous avons …… nouvelle camarade ; c’est ……fille qui nous a donné son journal

3°) Le professeur fait écrire un mot dans le carnet : ……élèves du premier groupe

iront au CDI le mardi

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 95

4°) Les élèves aiment généralement la lecture, mais il y a ……livres qui les ennuient.

…etc

Les déterminants démonstratifs

1°) J’ai lu un roman pendant les vacances ; c’est ……roman que nous allons étudier.

…etc

Les déterminants possessifs

1°) J’ai un camarade que je préfère ; c’est ……ami.

2°) Mon ami a une sœur qu’il ne supporte pas ; c’est ……bête noire

3°) Je ne veux pas qu’on fouille dans …… cartable ; ce sont ……affaires.

…etc.

Il importe comme nous l’avons dit que les exercices portent sur un minimum de deux

phrases enchaînées pour que leur fonction anaphorique apparaisse ; sans la nommer aux

élèves, on leur fait remarquer le lien, entre l’article indéfini de la première phrase et le défini

de la seconde (puisque l’on sait ici « de qui » ou de « quoi » on parle), entre le pronom et le

déterminant personnel (ou possessif) : « je » avec mon, ma, mes…etc. Cette recherche aboutit,

pour les articles et les démonstratifs, à une liste copiées dans le cahier avec la définition, ce

qui sera appris par cœur. Pour les possessifs, nombreux et dont l’organisation est un peu plus

complexe (avec la double relation sujet possesseur/ objet possédé), pour les élèves faibles ou

même moyens, il vaut mieux faire l’exercice en recherchant les formes dans un tableau du

manuel, quitte à en refaire un dans son cahier (à l’aide d’une grille du professeur, différente

de celle du livre, de façon que l’élève ait besoin de réfléchir pour faire une transposition).

Deux exemples de tableaux des déterminants possessifs

Possesseur(s) (personne(s) Une seule chose possédée Plusieurs choses possédées

Je Mon, ma mes

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Tu Ton, ta tes

Il, elle, Son, sa ses

Nous notre nos

Vous votre vos

Ils, elles leur leurs

Si les élèves disposent de ce tableau, le second sera à remplir, sinon, c’est l’inverse.

Personne(s je tu Il, elle nous vous Ils, elles

1 chose

+ de choses

Mais d’autres exercices seront sans doute nécessaire, observation au cours des lectures,

imprégnation par d’autres recherches du type de celle que nous venons de présenter, qui

peuvent être faites à partir de textes étudiés en classe, ou à étudier, préalablement transformés

par le professeur.

Le même travail doit être fait sur les pronoms, ce qui s’avère plus difficile. Les élèves

doivent avoir entièrement assimilé les connaissances présentées antérieurement sur le groupe

nominal pour pouvoir travailler sur ses substituts. Par ailleurs, les tableaux des manuels ne

sont pas toujours utilisables pour les élèves faibles, parce qu’ils répertorient toutes les formes

avec la mention de leur spécificité (pronom complément direct ou indirect, réfléchi, accentué

ou inaccentué…etc) ; il faudra simplifier ce tableau pour les élèves et s’entenir à l’opposition

sujet/complément dans un premier temps. Nous donnons quelques exemples de groupes de

phrases :.

Les pronoms : cherchez, en vous aidant du cahier, le pronom qui convient

Les pronoms personnels

1°) Lucie …… a téléphoné pendant mon absence ; je dois ……..rappeler.

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2°) Jean ne ……..a pas rendu le livre que tu …..….avais prêté ; ce n’est pas pratique

pour …….., car tu dois ……..lire pour dans quinze jours. ……..devrait se dépêcher de

………le rendre.

3°) Les deux groupes de la classe ont acheté des livres différents ; on va …….. étudier

tous les deux ; nous allons leur prêter le nôtre cette semaine, car ils ont apporté le leur la

semaine dernière, et ils ……… ……….ont prêté.

…etc.

les pronoms possessifs

1°) J’ai acheté des copies, ce sont ………..… ; tu es toujours en train de m’en

demander, mais maintenant tu dois avoir……………. ; c’est comme pour la règle : je te

prête toujours ……………, j’aimerais bien que tu aies …………….

2°) Ma copine Christine est sympa ; quand j’ai oublié mes affaires, elle me prête

………… ; par exemple, la règle, elle me prête …………., ou si je n’ai pas de stylo, elle

me prête ………….

3°) Les deux groupes de la classe ont acheté des livres différents. On va les étudier

tous les deux. Ceux du groupe 1 apporteront le…….le lundi, ceux du groupe 2

apporteront ……..le samedi.

…etc.

Le pronoms démonstratifs

1°) Nous écoutons parfois attentivement ……….que dit le professeur ; ………. nous

permet d’apprendre plus vite, et l’ambiance est sympa en classe. Mais quand nous ne

faisons pas attention, alors, là, ……….barde.

2°) Les élèves qui ont la moyenne corrigent leurs erreurs directement sur la copie,

………..qui ne l’ont pas refont tout le travail avec l’aide des autres.

3°) Les notes de lecture sont assez bonnes, mais ………de grammaire, c’est moins

bien.

4°) Les livres qui parlent de la nature m’intéressent ; par exemple ………qui parlent

de la vie des animaux, ou ………qui montrent ……….des plantes.

…etc.

Récapitulation des acquis de morphosyntaxe : Le coupeur de mots

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 98

Ce conte déjà cité à propos de l’anaphore permet un travail fructueux à plusieurs

niveaux : celui de la première articulation, puisque l’enfant « vend » progressivement au

« diable » nommé Filolog ses déterminants, ses terminaisons verbales, et même certains

phonèmes, ce qui crée, non seulement pour le personnage des difficultés analogues à celles de

nos élèves, mais pour ces derniers l’occasion d’une prise de conscience et d’exercices

constructifs. Nous ne citons qu’un exemple (le livre serait à citer en entier).

L’épreuve finale imposée à Paul par Filolog

Il y avoir un homme rosses oreilles. Homme aimer manger. Il rire ou aller romenade.

Il porter costume ris. Ses affaires être joliment rasseuses Il s’arrêter chaque maison et

tendre oreille. Il vouloir entendre enfants. Homme avoir toujours valise main. Souvent il

rentrer maison.

Précisons qu’avant d’en arriver là, notre jeune ami a perdu de façon très progressive des

mots, puis des morphèmes, enfin des phonèmes de sa langue, ce qui correspond aux niveaux

de difficultés que nous avons observés, raison pour laquelle nous n’abordons ce récit bref et

facile à lire qu’après plusieurs séquences, parce qu’il est plus complexe à étudier et constitue

une belle occasion de bilan. Le thème traité permet des rapprochements avec la littérature

romantique qu’il imite et dont les œuvres peuvent être racontées ou résumées aux élèves

(Peter Schlemilh de Chamisso, La nuit de la saint Sylvestre d’Hoffmann) ; le professeur tient

ici le rôle du conteur, et l’on sait l’importance de cette première approche de la littérature

comme invitation à des lectures ultérieures.

Initiation à la syntaxe : de la phrase simple à la phrase complexe

On saisit l’opportunité des lectures pour faire observer aux élèves les diverses formes

d’organisation des textes, en particulier les indicateurs de temps placés en tête de phrase dans

un texte narratif, mais aussi la construction et la cohérence des phrases ; ainsi dans Rose-neige

et Rouge–Rose, on peut observer divers types de compléments circonstanciels de temps placés

en tête de phrase, la structure de la proposition principale, …etc, ainsi qu’il est recommandé

dans les Instructions et Programmes.

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Un exemple d’analyse grammaticale faite dans un texte

En été, Rouge-Rose s’occupait de la maison, et chaque matin, avant que sa mère ne

s’éveille, elle disposait un bouquet de fleurs devant son lit (…). En hiver, Rose-Neige

allumait le feu et installait la marmite dans le foyer.

Un exemple d’analyse de la phrase

• en été, en hiver : compléments circonstanciels de temps qui organisent l’enchaînement

des phrases ;

• Rouge-Rose : groupe nominal sujet

• s’occupait de la maison :groupe verbal (la maison, groupe nominal complément)

• et : mot de liaison qui enchaîne les deux phrases

• chaque matin : groupe de nom complément circonstanciel de temps ;

• avant que sa mère ne s’éveille : phrase subordonnée complément circonstanciel de

temps ;

• elle : pronom qui remplace Rouge-Rose

• disposait un bouquet de fleurs devant son lit : groupe verbal (un bouquet de fleurs :

groupe nominal complément du verbe)

• en hiver : complément circonstanciel déjà signalé

• Rose-Neige : groupe nominal sujet

• allumait le feu : groupe verbal

• et : mot de liaison qui enchaîne les phrases

• (elle) : pronom remplaçant Rose-Neige sous-entendu

• installait la marmite dans le foyer : groupe verbal (la marmite : groupe du nom

complément du verbe)

Tout ceci est bien joli, mais outre que nous avons quelque peu simplifié le texte pour qu’il

se prête à l’analyse, quel élève de 6ème est vraiment capable de faire entièrement cette analyse

seul ? Celui que ses parents entraînent régulièrement, ce qui n’est pas le cas des nôtres. La

grammaire de texte, que nous avons définie brièvement supra comme l’étude de

l’organisation grammaticale d’un texte, cela n’implique pas nécessairement que tout

apprentissage grammatical soit fait dans les textes de lecture, souvent trop complexes pour

cela. Cela implique encore moins que la grammaire de phrase soit obsolète, l’analyse faite ci-

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 100

dessus en témoigne : elle n’a pas le même type d’utilité que les observations faites à propos de

l’organisation des textes, et ici, seule le soulignement de en été et en hiver relève de la

grammaire de textes. Il faut donc travailler également la grammaire de la phrase, non

seulement en analyse (qu’on appelait autrefois l’analyse logique, et qui est en réalité

syntaxique, la logique étant plutôt dans ce que nous avons vu à propos de la progression dans

les textes ; cette analyse n’a pas disparu comme on le dit souvent à tort) ; mais aussi sous

d’autres formes ; l’analyse suppose un certain type d’intelligence, qu’on appelle l’intelligence

analytique d’ailleurs, et ce n’est pas la seule à développer à l’école. Mais en outre,

l’expérience a montré que les élèves ont du mal à construire leurs propres phrases en

rédaction, à créer des phrases bien formées ; il ne suffit donc pas de reconnaître les formes, il

faut savoir les utiliser. Et dans ce domaine, ce qu’on a appelé d’un terme très général la

grammaire moderne a apporté des instruments de travail utiles : d’une part la notion de

permutation, que nous avons rencontrée à propos des déterminants, de l’autre celle de

transformation qui fonde les exercices que nous avons imaginés.

Le lecteur aura remarqué que nous n’avons pas relevé les groupes nominaux « devant son

lit » ni « dans le foyer », que l’on aurait analysé autrefois comme des compléments

circonstanciels de lieu ; on peut toujours les appeler complément de lieu, car tel est bien leur

sens, mais ce n’est pas ce qui importe : ils n’ont pas dans l’organisation du texte la fonction

des compléments que nous avons identifiés comme compléments circonstanciels ; c’est là que

la grammaire de texte interfère avec celle de la phrase. Une circonstance est un élément

important dans un récit, mais ce n’est pas au coeur du récit lui-même. De même les

compléments circonstanciels ne sont pas dans le noyau de la phrase, ils sont « autour »,

comme leur nom l’indique. Là encore, la méthode structurale permet d’identifier

rigoureusement le segment ; les commutation qui nous sont utiles ici sont celles qui font

changer le segment de place dans la phrase. Pourrait-on écrire :

• En été, Rouge-Rose s’occupait de la maison, et chaque matin, avant que sa mère ne

s’éveille, devant son lit, elle disposait un bouquet de fleurs.

• En hiver, Rose-Neige allumait le feu et, dans le foyer, elle installait la marmite .

La réponse est oui dans les deux cas, on peut donc considérer ces groupes comme des

compléments circonstanciels ; mais cela n’était pas apparent à première vue, sinon que nous

avons le réflexe d’identifier compléments de temps et lieu et compléments circonstanciels, ce

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 101

qu’ils ne sont pas toujours, comme nous allons le voir. On remarque ici la liberté que les

règles de la syntaxe laissent à celui qui écrit : en l’occurrence certains circonstanciels sont mis

en relief, pour permettre une certaine structuration logique du texte, et d’autres non. Tous les

compléments de lieux n’offrent pas cette latitude, et l’on trouve un peu plus bas dans le même

conte :

• Un soir qu’elles étaient ainsi familièrement réunies, on frappa à la porte comme si

quelqu’un demandait à entrer.

• Rouge-Rose courut vers la porte, tira le loquet, pensant qu’il s’agissait de quelque

malheureux.

Il est assez évident que les deux compléments ici soulignés, à la porte et vers la porte sont

directement liés au verbe et ne peuvent se déplacer comme ceux que nous avons vus

précédemment. L’identification du sens du complément, si elle n’est pas inutile à un jeune

enfant que des critères purement formels rebuteraient, n’est pas de grande utilité ici. Il va de

soi que se diriger vers appelle un complément de lieu et ne peut s’en passer (on dit toujours se

diriger vers quelque part ou quelque chose), ce complément est donc essentiel au verbe (et

non circonstanciel) qu’il accompagne. Il faut absolument que les enfants soient entraînés à

faire ces manipulations et ces comparaisons.

La construction de la phrase doit donc faire l’objet d’une approche progressive,

raisonnée, et décrite en termes simples, qui aident à en mémoriser le fonctionnement. Si l’on

peut se gausser à loisir du jargon qui a envahi certains manuels (en particulier le jargon

linguistique), il convient de se souvenir que le jargon grammatical n’a jamais fait défaut dans

les plus vieux manuels, et que les « propositions subordonnées conjonctives complétives

d’objet » ou « temporelles-causales » ou « conditionnelles-hypothétiques », ou « participiales-

concessives »…etc, n’étaient pas moins du jargon que nos actuels « indices d’énonciation » et

« situation de communication » qui n’ont effectivement pas leur place dans les manuels

d’élèves de 6ème, surtout quand ils y sont en kyrielle, comme c’est le cas. Si les notions sont

utiles, elles peuvent être enseignée d’autre manière (encore que situation et communication

soient du langage courant).

Nous avons essayé d’articuler lecture expression écrite et grammaire de la phrase en

fabriquant des exercices à base de textes en pièces détachées à reconstituer. Nous nous

sommes fondés là sur une autre méthode de la linguistique structurale, celle des

transformations. On la pratique couramment pour faire passer une phrase de la modalité

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déclarative, aux modalités interrogative, injonctive et exclamative, et de la forme active à la

forme passive, ou de la forme affirmative à la forme négative. On peut l’utiliser pour toutes

les transformations syntaxiques, en particulier le passage de la juxtaposition de phrases

indépendantes à la construction de phrases complexes. On parle dans ce cas de propositions,

mais ce terme induit la confusion dans l’esprit de beaucoup d’élèves, et rien n’empêche, dans

un premier temps de nommer ces propositions phrases, comme on dit phrases simples et

phrases complexes, phrase indépendante ; on dira donc « phrase principale », « phrase

subordonnée ». Ce dernier terme paraît inévitable, mais il est encore rédhibitoire pour certains

élèves qu’on peut entraîner à mettre une petite phrase dans une plus grande, jusqu’à ce que,

maîtrisant bien dans la pratique la fabrication de certaines phrases complexes, ils puissent en

apprendre la désignation spécifique. On peut faire comprendre aux élèves que chaque

domaine a son jargon, mais le jargon doit avoir une utilité (comme pour le terme auxiliaire,

qui pose des difficultés également, il faut apprendre aux élèves le sens trivial du mot, puis son

sens spécifiquement grammatical).

Nous proposons quelques exemples d’exercices d’initiation, où la construction de

phrases complexes et leur enchaînement aboutit à un petit résumé. Suite de phrases qui peuvent former le résumé du conte Consignes: - souligne en rouge le groupe du nom sujet - souligne en vert le verbe - souligne de deux traits rouges le GN complément - souligne en bleu l'adjectif qualificatif 1°) Un riche marchand avait trois filles. 2°) Les aînées maltraitaient la cadette. 3°) La cadette était la plus jolie. 4°) La cadette était appelée la Belle. 5°) Un jour, le marchand devin pauvre. 6°) La famille s'installa à la campagne. 7°) Une fois, le marchand se perdit dans la forêt. 8°) Dans la forêt, le marchant trouva un château. 9°) Dans le château, le marchand trouva un repas. 10) Le marchand dormit dans le château. 11) Le marchand cueillit une rose. 12) Une bête monstrueuse fit peur au marchand. 13) La bête voulut punir le marchand. 14) La Belle sacrifia sa vie pour son père. 15) La Belle alla vivre au château de la Bête. 16) La Bête proposa le mariage à la Belle. 17) Au début, la Belle n'accepta pas le mariage avec la Bête. 18) La Bête était désespérée. 19) La Belle accepta le mariage. 20) La Bête se transforma en un beau prince.

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Corrigé

Un riche marchand avait trois filles. Les aînées maltraitaient la cadette qui était

la plus jolie et qu’on appelait La Belle. Un jour, le marchand devint pauvre et la famille

s’installa à la campagne. Une fois, le marchand se perdit dans la forêt, et il y trouva un

château où il trouva un repas. Il y dormit. Le lendemain matin, il cueillit une rose ; alors

une bête monstrueuse lui fit peur et voulut le punir. Mais La Belle sacrifia sa vie pour

son père et alla vivre dans le château de La Bête qui lui proposa le mariage. Au début,

La Belle n’accepta pas, et La Bête était désespérée, mais à la fin, La Belle accepta et La

Bête se transforma en un beau prince.

On fera repérer aux élèves les formes de reprise, leurs antécédents et les enchaînements.

Les élèves en grande difficulté à l'écrit ont beaucoup de mal à apprendre à reconnaître

les segments syntaxiques de base. Il est donc indispensable de reprendre avec eux leur

apprentissage, de façon suffisamment répétitive pour permettre une intégration des

connaissances. A chaque étape, les observations, les exercices d'entraînement et les

raisonnements auxquels ils sont conviés doivent être enrichis d'une seule notion de façon à ne

pas leur demander un effort hors de leur portée. C'est pourquoi ces activités doivent être

fréquentes et assez brèves pour ne pas les lasser. Mais cette fréquence et cette répétitivité sont

bien acceptées quand les élèves ont conscience de l'utilité stratégique de cet apprentissage;

c'est pourquoi celui-ci est toujours finalisé par un exercice d'expression écrite. L'entraînement

fait à l'oral donne donc lieu à des explications notées dans le cahier et à la rédaction d'un

paragraphe. Cet exercice permet de revoir les fonctions sujet et complément, mais aussi de

commencer une première différenciation progressive des compléments. On fera observer ici la

différence entre compléments directs et indirects (sans faire apprendre encore

systématiquement les prépositions, en se contentant d'une identification paraphrastique du

type "petit mot placé devant"). On observera également la différence entre les compléments

mobiles et ceux qui restent étroitement arrachés au verbe. On peut accepter au début les

rédactions les plus simples, avec l'usage des pronoms personnels et des coordonnants. A la

suite d’autres lectures de semblables exercices, intégrant des structures et des notions de plus

en plus complexes, permettent de revoir ou de réapprendre tout ce qui n’a pas été acquis dans

ce domaine au cours des années antérieures. Nous avons construit une telle progression dans

notre livre Bâtir une progression en 6ème avec la littérature de jeunesse pour des élèves en

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difficulté, et nous donnons un autre exemple de matériau pour un entraînement grammatical

fondé sur la lecture d’un roman-photo pour la jeunesse :

1°) Manu est un jeune parisien. 2°) Ses parents se sont installés à Biarritz au Pays Basque. 3°) Manu aime beaucoup la mer et le surf. 4°) Manu s’adapte mal au collège. 5°) Manu n’a pas de copain. 6°) Manu écrit des poèmes. 7°) Ces poèmes sont anonymes. 8°) Ces poèmes sont pour une fille de sa classe. 9°) Cette fille s’appelle Marine. 10°) Un jour, Marine lit un poème en classe. 11°) Le professeur prend le poème des mains de Marine. 12°) Les élèves se moquent de Manu. 13°) Marine devine (quelque chose): 14°) Manu est l’auteur des poèmes.

1°) Un jour Manu fait du surf. 2°) Une vague renverse Manu ( ou : Manu est renversé par une vague) 3°) Marine est inquiète. 4°) Marine se rend vers la plage. 5°) Manu rejoint la plage à la nage. 6°) Manu rencontre Marine. 7°) Marine est rassurée. 8°) Marine dit (quelque chose) à Manu. 9°) Marine n’aime plus la mer. 10°) Un jour, Manu rencontre un hawaïen appelé Nalu. 11°) Nalu donne deux cailloux à Manu.

1°) Marine a un secret. 2°) Marine s’enferme dans son angoisse. 3°) Marine part. 4°) Manu cherche Marine. 5°) Elisa est la sœur de Marine. 6°) Elisa dit (quelque chose) à Manu : 7°) Marine est au musée. 8°) Manu rejoint Marine au bord de la mer. 9°) Marine raconte (quelque chose) à Manu : 10°) Le grand père de Marine était marin. 11°) Le grand père est mort en mer. 12°) Sa grand mère a parlé à Marine avant de mourir. 13°) Sa grand mère a dit ( quelque chose) à Marine : 14°) Sa grand mère voulait rejoindre le grand père.

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 105

1°) Manu donne un caillou à Marine. 2°) Marine met le caillou sous son oreiller. 3°) Manu met le caillou sous son oreiller. 4°) Nalu fait une cérémonie en mer. 5°) Cette cérémonie est pour Manu et Marine. 6°) Manu et Marine font le même rêve. 7°) Marine rencontre son grand père en mer. 8°) Le grand père dit (quelque chose) à Marine : 9°) La grand mère est avec lui.

Le travail peut être fait paragraphe par paragraphe lors de la lecture de chaque

chapitre. Le syntagme quelque chose ici entre parenthèse est un groupe complément que l’on

doit remplacer par une phrase qui aura la même fonction. Précisons que ce roman, qui ne

présente pas de qualité littéraire, est propre à faire découvrir à des lecteurs débutants et peu

motivés au départ l’intérêt de la lecture pour ce qui concerne l’introspection et l’exploration

de la vie intérieure des personnages. Cela donne lieu à la découverte, ou la consolidation du

vocabulaire qui l’exprime, en particulier les verbes de sentiment.

Exemple de corrigé

Manu est un jeune parisien dont les parents se sont installés à Biarritz dans le Pays

Basque. Il aime beaucoup le surf mais s’adapte mal au collège, parce qu’il n’a pas de copains.

Il écrit des poèmes anonymes pour une fille de sa classe appelée Marine. Un jour, elle lit un

poème en classe, et le professeur le lui prend des mains. Comme les élèves se moquent de

Manu, elle comprend qu’il est l’auteur des poèmes.

Un jour qu’il fait du surf, Manu est renversé par une vague. Pendant ce temps,

inquiète, Marine se rend à la plage au moment où Manu rejoint celle-ci à la nage. Ils se

rencontrent, et Marine, rassurée, dit à son ami qu’elle n’aime plus la mer. Quelques temps

plus tard, Manu rencontre un hawaïen nommé Nalu qui lui donne deux cailloux.

Marine a un secret et s’enferme dans son angoisse. Elle part et Manu la cherche.

Heureusement, Elisa, la sœur de Marine lui dit que celle-ci est au musée. Manu la rejoint au

bord de la mer, et elle lui raconte que son grand-père, qui était marin, est mort en mer. En

effet, sa grand-mère lui en a parlé avant de mourir, et elle lui a dit qu’elle voulait rejoindre le

grand-père.

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 106

Manu donne un cailloux à Marine pour qu’elle le mette sous son oreiller; il le

fait également. A ce moment, Nalu fait une cérémonie en mer pour eux, et ils font le même

rêve : Marine rencontre son grand-père qui lui dit que la grand-mère est avec lui.

1°) Dites à quel nom renvoie chaque pronom personnel

2°) A quelle sorte de pronoms appartiennent ceux qui sont en italiques ?

L’exemple de corrigé que nous donnons ici, et qui ne correspond pas à ce qui était

attendu des élèves, mais vise à leur faire faire de nouvelles observations, suppose plusieurs

exercices du même type qui correspondent aux étapes intermédiaires de la progression depuis

l’étude du conte. Nous avons donné dans notre compte-rendu de ce travail publié au CRDP

d’Amiens cité supra le descriptif détaillé de ces séquences. Mais la seule indication des

principes qui nous ont guidés peut suffire au professeur qui confectionnera de semblables

matériaux à partir des lectures qui conviennent à ses élèves. Ce travail a un impact sur la

lecture, car l’observation répétée de tels « corrigés » à la syntaxe plus complexe que celle que

les enfants peuvent spontanément produire les familiarise avec des tournures qui leur sont

étrangères et généralement incompréhensibles (c’est ici le cas de dont) ; en effet, ici leur

logique est éclairée, non par une explication du maître, mais par leur propre recherche qui les

a conduits à une reformulation syntaxiquement plus simple, mais cohérente ; ils sont donc

imprégnés par la logique de l’organisation de la phrase.

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 107

Troisième partie : Comprendre, interpréter Nous avons vu comment la compréhension en lecture présupposait le décodage des

unités de première articulation, et comment les autres aspects de la maîtrise de la langue

interféraient avec la lecture quand on aborde le second niveau d’articulation du langage, qui

est celui des mots et des formes grammaticales. Mais la compréhension ne se borne pas à un

décodage, comme nous allons le voir, elle suppose le plus souvent la faculté d’interpréter ;

l’interprétation elle-même, si elle ne se sépare pas de la compréhension avec laquelle elle se

confond souvent, s’en distingue, au moins au niveau théorique, et nous verrons pourquoi.

Chapitre I Les ambiguïtés ou les ambivalences du « sens »

La compréhension des textes se heurte souvent chez nos élèves au problème du

vocabulaire ; ils sont devant certains textes de leur langue supposée maternelle comme devant

une langue étrangère et doivent avoir recours à un lexique ou à des notes, ce qui est souvent

décourageant. On a à faire ici à une sorte de cercle vicieux, parce que l’enrichissement du

vocabulaire passe par la rencontre de discours où l’on découvre des mots nouveaux, et ce à

l’oral et à l’écrit. C’est ici qu’intervient ce que nous avons défini comme une sorte

d’enfermement social, d’origine socio-économique, qui prive nos élèves de la variété des

situations et des rencontres fournissant l’occasion d’enrichir à la fois son expérience du

monde et son langage. D’où l’avantage d’une relative hétérogénéité scolaire ; relative, parce

que de trop larges écarts rendent la convivialité très difficile, nous verrons en partie pourquoi.

Tous les apprentissages scolaires sont des moyens de rencontrer de nouveaux objets de savoir,

et partant d’enrichir sa vision du monde et son vocabulaire.

Apprendre à enrichir le vocabulaire et à découvrir le lexique du français

La lecture peut être aussi un moyen de découvrir des mots nouveaux en inférant leur

sens du contexte. Un exercice intelligent, que nous avons trouvé dans une revue pédagogique,

consiste à donner aux élèves des définitions de mots à chercher dans la page qu’il viennent de

lire et qu’ils sont ainsi appelés à relire. Nous avons ainsi fait chercher les mots nouveaux des

lectures proposées aux élèves en ayant préparé de longues listes de définitions, travail qui

serait fastidieux pour eux s’il n’était fait en groupe. Il ne remplace évidemment pas la

recherche dans le dictionnaire ; mais celle-ci suppose, non seulement que l’on sache

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 108

relativement bien lire, mais encore une initiation qui ne se borne pas à un mode de

documentation ; inutile d’envoyer, ou d’emmener les élèves au CDI, ni de leur mettre un

dictionnaire entre les mains, tant qu’ils n’ont pas acquis des rudiments de connaissance, non

seulement sur le classement, mais aussi sur la forme des mots. Or l’apprentissage des règles

du lexique est chose complexe et assez peu pratiquée. Les connaissances grammaticales

auxquelles nous avons fait allusion dans notre seconde partie sont indispensables, et un élève

doit savoir différencier un verbe d’un nom pour les chercher dans le dictionnaire, il doit

pouvoir inférer la forme non marquée, qui y est répertoriée, à partir de celle qu’il trouve dans

un texte (le masculin, servant de neutre en français, se trouve dans le dictionnaire où le

féminin n’est indiqué que par sa terminaison). Nous savons faire distinguer aux élèves le

radical du préfixe et du suffixe, nous savons leur apprendre des rudiments d’étymologie ; mais

le lexique pose d’autres problèmes, que nous ne ferons qu’évoquer, parce que, comme la

grammaire, il demanderait un plus long ouvrage.

Lexique et vocabulaire

On parle du lexique d’une langue et du vocabulaire d’une personne. C’est à partir de

l’observation du premier que l’on établit le second, en confrontant les usages et en faisant

varier les chaîne associatives de mots comme nous avons vu que l’on faisait commuter les

mots pour isoler les syntagmes et les formes grammaticales. Le vocabulaire est mis en

mémoire par le sujet et rappelé lors des emplois ; mais la compétence active, ou emploi des

mots dans la parole et l’écriture, vient plus tardivement que la compétence passive ou

compréhension (ce qui est vrai aussi des tournures syntaxiques). C’est par la fréquence des

occurrences d’un mot et par la variété des contextes dans lequel on le rencontre que l’on

apprend quels en sont les emplois pertinents.

L’apprentissage raisonné des différentes formes du lexique aide à la reconnaissance des

mots ; c’est pourquoi l’étude de la formation des mots, telle qu’elle est recommandée dans les

Instructions et Programmes, est indispensable ; il faut en particulier apprendre, non seulement

la différence préfixe/suffixes, mais les « familles » auxquelles ils appartiennent, comme les

familles de mots auxquelles nous sommes plus familiarisés : les suffixes en –able, en –ible, en

–asse, avec leurs valeurs, et les préfixes négatifs, privatifs…etc, toutes choses connues des

enseignants de français, mais dont l’intégration par les élèves s’avère difficile, parce qu’il

s’agit d’un apprentissage abstrait, même si nous l’intégrons dans des démarches actives ; il est

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 109

abstrait en lui-même, comme la syntaxe, et l’on peut former sans risque de se tromper

l’hypothèse que les élèves en échec sont ceux qui ne parviennent pas à franchir le pas

conduisant vers ce type d’abstraction. On dit cela de tous les enseignements, mais il nous

semble que c’est particulièrement difficile s’agissant de la langue maternelle.

Le nécessaire accès à l’abstraction ne signifie pas à nos yeux que l’on détache cet

apprentissage d’un contexte qui lui donne sens, ce qui serait particulièrement paradoxal

s’agissant justement du sens des mots. Cela signifie que l’on doit amener les élèves à une

petite révolution analogue à celle que nous avons évoquée s’agissant du passage de la sphère

sonore du langage à sa linéarité écrite. Nous vivons aujourd’hui dans un univers hyper

technologique où la rationalité est de type mécaniste ou digitale (binaire). Si les sciences du

langage, comme celles de la nature, sont passées de l’observation à la formalisation

conceptuelle et mathématique, il n’en reste pas moins que les modes de faire sens ne se

laissent pas réduire à un ou des systèmes de type structural, mais impliquent une diversité

d’approches. Ainsi Jacqueline Picoche, spécialiste de lexicologie, montre bien à la fois la

rentabilité et les limites de certaines de ces méthodes, parce que le langage a une dimension

historique et qu’il est lié à des visions du monde qui relèvent de la culture ; on parle ainsi de

l’encyclopédie liée à un langage, c’est-à-dire de l’ensemble des référents que les signifiés de

ses mots présupposent. Umberto Eco parle même de l’encyclopédie d’un locuteur, ce qui

revient à définir en terme de savoirs sur le monde, son univers de référence; cela correspond à

ce que Georges Mounin appelle grille d’interprétation du réel ; il parle aussi de découpage du

réel opéré par la langue. La réflexion sur le sens des mots fait donc interférer plusieurs

domaines ; l’histoire de la langue contribue à éclairer la formation des mots ; la méthode que

nous avons déjà rencontrée des commutation et permutation permet en l’occurrence de

distinguer les segments signifiants ; la sémantique structurale étudie la structuration du

signifié, ou des signifiés nombreux correspondant parfois à un seul vocable. Encore une fois,

il n’est pas question d’enseigner toutes ces subtilités à nos élèves, même bons ou moyens, qui

ne sont pas des étudiants, mais de les maîtriser suffisamment pour comprendre d’une part les

difficultés d’apprentissage, imaginer d’autre part des situations pédagogiques porteuses.

Un exemple de complexité sémantique :

A la suite d’autres linguistes, J. Picoche analyse une phrase banale :

« La fillette a jeté la petite glace » : chaque terme peut avoir plusieurs sens :

• fillette : 1°) petite fille, 2°) petite bouteille ;

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 110

• jeter : 1°) lancer, 2°) mettre au rebut ;

• petit(e) : 1°) contraire de grand, 2°) jeune, 3°) peu important, 4°) qu’on aime bien ;

• glace : 1°) eau gelée, 2°) crème glacée, 3°) miroir, 4°) vitre de voiture, …etc.

L’emploi de ces mots dans la même phrase permet de percevoir pour chacun quel est le bon ;

on dit que le sens de chaque mot est sélectionné par le contexte. Si l’on étudie de près cette

sélection, on peut analyser la signification de chaque termes en éléments de signification qui

excluent les significations rejetées ; ainsi le verbe jeter ne peut pas avoir un objet inanimé,

comme une bouteille, pour sujet grammatical, ce qui implique l’autre sens du mot ; de même

ce verbe ne peut avoir pour complément d’objet une matière de taille et de quantité

indéterminée, comme de la glace ; on dit que son objet doit être nombrable ; l’emploi de

l’article partitif est à cet égard révélateur : on dit de la glace du lait, mais un glaçon, un litre

de lait (et l’on peut dire jeter un glaçon ou un litre de lait); cela implique que la glace dont on

parle est un objet. Enfin, comme l’adjectif petite qualifie le nom glace, on écarte le sens de

très jeune, celui de bien aimé, et vraisemblablement celui de peu important, pour ne retenir

que l’idée d’un objet de petite taille.

Cet exemple permet d’aller plus loin dans la définition de ce qu’on nomme banalement

« sens » des mots.

Les éléments de signification

C’est par confrontations successives des « valences » d’un mot, au sens où l’on parle des

valences d’un atome, à l’aide des autres mots avec lequel ce mot peut s’associer, et qui ont

donc avec lui une ou des « valences » compatibles, que l’on arrive à déterminer ce qu’on

appelle le champ sémantique du mot, c’est-à-dire non seulement l’ensemble de ses

acceptions, mais l’ensemble des « atomes » de sens qui composent des diverses « valences »

possibles. On appelle sèmes ces éléments de signification, et l’on distingue des séries binaires

de sèmes :

• animé / non animé

• matériel / non matériel

• continu / discontinu

• nombrable ou non

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 111

• comestible ou nom

• abstrait / concret

….etc ; ainsi peut-on différencier des énoncé du type jeter un objet à la tête de quelqu’un et

jeter une injure à la tête de quelqu’un (jeter et tête ont un sens abstrait dans le second cas).

Mais J. Picoche montre que la réalité des emplois des mots dépasse souvent le cadre d’une

telle description formellement très rigoureuse, mais qui ne tient pas compte de la diversité des

situations d’emploi des termes, et elle remarque non sans humour que la laine est comestible

pour les mites, certaines sauterelles pour certaines populations, …etc, et que les notions

figurant dans la liste de traits pertinents établie pour définir les sèmes sont elles-mêmes

problématiques. Cette liste et ces notions correspondent à des représentations communes (on

imagine mal quelqu’un manger un pull-over), et ce qu’on appelle la signification d’un mot

n’est jamais que le résultat des emplois divers communément admis, ce qui n’exclut pas de

nouvelles configurations, puisque la langue évolue sans cesse (et ce qui ne permet pas d’en

appréhender les emplois les plus inventifs et les plus inhabituels, ceux des poètes en

particulier). Enfin le contexte situationnel a une part importante (et J. Picoche oppose « un

demi » au café et dans un jury d’examen).

La langue peut donner parfois le sentiment d’être capricieuse, en ce sens qu’elle paraît

dévier de ce qu’on avait pris pour ses propres règles ; J. Picoche donne l’exemple du mot sac,

qui peut être un sac à main, un sachet de plastique ou de kraft imprimé…etc, mais désigner

aussi le contenu de ces emballages ; de troublants malentendus peuvent naître de la diversité

de tels emplois qui paraît aller jusqu’à la bizarrerie, dont le dictionnaire ne donne qu’une pâle

idée ; ainsi une petite luxembourgeoise francophone eut-elle le désagrément de se voir

sanctionner dans une copie de français (cette matière est enseignée dans son pays, où l’on

parle luxembourgeois, mais où l’on apprend à lire en allemand, comme langue étrangère)

l’expression paquet de bonbons qu’elle dut à son corps défendant corriger en remplaçant le

mot paquet par sachet : effectivement, si l’on regarde la définition du mot paquet dans le

dictionnaire, l’emballage habituel des bonbons n’y correspond pas, mais semble lui convenir

en revanche le mot sachet. Mais une petite fille qui achète des bonbons en France n’aura

jamais l’idée d’user ainsi de ce mot.

La résistance à l’acculturation scolaire et les malentendus sur le sens des mots

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 112

Les questions portant sur le sens, bien plus que celles qui portent sur les syllabes ou sur la

structure des phrases, peut faire l’objet de véritables blocages, voire de résistances, parce

qu’elles touchent justement à l’univers de référence des sujets, et à la manière dont il se l’est

constitué, donc à son histoire et à sa subjectivité.

Nous avons connu bon nombre d’élèves que l’explication de ce qui différenciait le sens de

compréhensible et compréhensif (ou compréhensive) ne parvenait pas à convaincre : c’étaient

des subtilités de professeur de français. Il suffit pourtant, dirait-on, d’ouvrir le dictionnaire, et

dans d’autres milieux, un tel entêtement porte à rire : s’il est incontestable que les profs ont

des manies, il ne faut tout de même pas pousser ! Entendons-nous bien : il ne s’agit pas de

s’étonner qu’un élèves de lycée, ou un adulte, ignore cette différence ; nous avons constaté de

longue date que certains dialectes sociaux ne font pas la différence, perceptible simplement

grâce au contexte. Mais force est bien de reconnaître là une lacune, quand de l’usage oral

familier on passe à l’écrit, et que les élèves refusent d’admettre une quelconque pertinence à

la correction écrite de leur professeur. On comprend dans une telle situation, qui pour paraître

exceptionnelle, n’en est pas moins révélatrice, que les leçons et corrections portant sur la

langue semblent rester lettre morte ; la plupart des élèves en effet se garde bien de faire à ce

sujet leurs remarques à voix haute, et nous avons conscience d’avoir seulement bénéficié

d’une sorte d’excès de franchise de certains de nos élèves. Nous connaissons par ailleurs un

jeune adulte d’un trentaine d’années, issu d’un « bon milieu », comme on dit, titulaire d’un

baccalauréat littéraire qui ne lui sert qu’à titre personnel, dans sa « bonne volonté culturelle »

qui le pousse à fréquenter musées et spectacle avec les membres de sa famille ; il est

actuellement en formation par alternance pour devenir ouvrier qualifié, et non seulement dans

la conversation, il ne fait pas la différence entre les deux mots, mais quand on la fait devant

lui, il demande des précisions ; preuve que cela ne va pas de soi (et que l’acculturation

scolaire, même quand les élèves ne sont pas réellement « en échec », ne parvient pas à

modifier les usages sociaux).

La différence entre les suffixes –ible et –if est pourtant une régularité fondamentale de la

langue, non une règle normative, relevant d’un usage social ou régional, mais une structure

significative pour toute la communauté francophone. Il faut donc l’enseigner ; mais comment

convaincre celui qui résiste à cet enseignement, et pourquoi résiste-t-il ainsi ? La réponse à la

deuxième question est moins difficile à trouver que la solution de la première, mais elle n’est

pourtant pas évidente, et de telles résistances d’élèves ressemblent tellement à de la mauvaise

foi qu’elles renforcent dans la majorité des cas celle des enseignants, qui jugent semble-t-il à

bon droit qu’il y a là de la mauvaise volonté des élèves. Ces élèves manquent assurément de

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 113

la « bonne volonté culturelle » que nous avons reconnue au jeune adulte qui ne refuse pas de

s’enquérir de l’usage « normal », mais ne l’intègre pas à son idiome courant. C’est qu’il y a

pour les élèves de milieu très populaire (et notre jeune adulte est professionnellement intégré

à un milieu de ce type, même s’il a d’autres attaches sociales par le biais de la famille), une

sorte de point d’honneur à rester « comme on est » ; « nous, on est comme ça », « nous, ici, on

parle comme ça » avons nous souvent entendu dire. Il en va de la définition d’une identité, un

peu comme dans le port du foulard, et l’intégration linguistique est vécue comme une

intégration à la norme. C’est pourquoi il nous paraît tellement essentiel de faire

soigneusement la distinction entre règle et norme, parce que la préservation de l’identité sera

toujours plus forte que tous les apprentissages ; si les élèves ont conscience d’être acceptés

dans leur spécificité, avec ce qui les différencie, sans cesser d’appartenir à la communauté

linguistique, qui est une image de la communauté nationale, alors ils verrons peut-être

l’enrichissement de leurs moyens d’expression linguistique comme un plus. Car

incontestablement, l'absence de maîtrise du langage en général et du vocabulaire en

particulier, est un handicap, et relève d’une vraie carence socio-culturelle, d’une privation

sociale.

Nous avons fini par comprendre d’une part cette résistance, et par imaginer un exercice

susceptible d’éclairer les élèves, mais nous ne nous faisons guère d’illusions sur l’efficacité de

l’exercice tant que les clivages socio-culturels et le sentiment de la norme l’emportera sur une

appréhension équitable sociologiquement et rigoureuse linguistiquement de la langue. Une

vraie réflexion socioliguistique présuppose l’absence de préjugés (et l’on en est loin si l’on

considère les plaisanteries sur les accents, en particulier belge et suisse, comme si la définition

de la francophonie relevait des seuls usages hexagonaux). Quant aux régularités linguistiques,

leur valeur nous paraît plus aisée à défendre si l’on se fonde sur l’utilité de la maîtrise du

langage que sur des valeurs normatives, qui pour être fondées n’en paraissent pas moins

dominatrices à ceux qui les méconnaissent ; on n’impose pas dans ce domaine, nous semble-t-

il, l’universalité des valeurs, il faut la rendre souhaitable. Et en matière de langage, ce qui

légitime un usage est son efficacité communicationnelle et la reconnaissance socio-culturelle.

dont elle peut être à la fois le moyen et le signe. C’est dans un usage argumentatif, et dans une

situation où ils peuvent se reconnaître que les élèves peuvent être convaincus de l’utilité de la

maîtrise des règles. Nous avons donc progressivement appris à illustrer notre propos

d’exemples et d’exercices de ce type.

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Petite leçon de morale de classe pour distinguer les adjectifs en –if et en –ible (ou –able)

Nous étudions des textes difficiles qui ne sont pas tous intelligibles au premier abord;

c’est pourquoi nos difficultés sont compréhensibles, nous n’en sommes pas responsables

personnellement, le professeur doit être capable de nous aider. Bien sûr nous devons être

attentifs à ses consignes et à ses explications, sinon cela ne sert à rien. Mais tout le monde ne

réagit pas de la même manière ; par exemple, il y a des élèves très émotifs qui « craquent »

quand ils ont une mauvaise note, parce qu’ils s’imaginent qu’on les croie coupables de ne pas

faire d’efforts. Mais les efforts ne payent pas du premier coup. Ce sont des personnes

susceptibles, qui attachent une grande importance au jugement du professeur, c’est pourquoi

celui-ci doit se montrer compréhensif à leur égard.

Il ne suffit pas de s’exprimer correctement à l’écrit, il faut aussi apprendre à parler devant

les autres, ce n’est pas facile non plus ; il faut être audible jusqu’au fond de la classe quand

on fait un exposé. Certains élèves timides ont une voix imperceptible.

Tous ces apprentissages prennent du temps, le travail doit donc être progressif, et les

résultats évolutifs, sinon, on se décourage.

On aura remarqué que cette petite leçon de morale collective vaut plus pour le maître que

pour les élèves, et si nous adhérons à ces principes, nous reconnaissons bien volontiers le

caractère ennuyeux de toute leçon de morale ; mais nous n’avons jusqu’à présent rien trouvé

de mieux pour réunir les adjectifs concernés dans un texte susceptible d’être convaincant pour

les principaux intéressés ; celui-ci l’est, parce que pour une fois le professeur se fait surtout la

morale à lui-même. Il faut cependant expliquer ce vocabulaire aux élèves, en expliciter les

règles, et leur montrer que les « subtilités de prof de français » peuvent leur servir aussi à

argumenter leur propre point de vue. Précisons à ce sujet que si nous acquiesçons au principe

de « l’élève au centre », c’est toujours (et, à l’école, uniquement) en vue d’un apprentissage,

comme c’est le cas ici, ce qui suppose aussi une déontologie des élèves. Mais en exiger une de

leur part revient à les considérer responsables, donc à leur reconnaître une part d’autonomie,

qu’ils sont justement là pour développer (l’effet pervers de la formule tient à l’individualisme

excessif de notre société, et l’enseignant au centre a le même effet pervers si ce n’est pas

compris comme « l’enseignement au centre » ; dans ce cas, les deux formules nous semblent

se valoir, parce qu’on ne conçoit pas d’enseignement sans apprentissage ni l’inverse, et l’on

préférera toujours un enseignement efficace).

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Le langage peut être un objet de malentendus et d’affrontements parce qu’il engage le

sujet, ce qui est moins vrai d’autres apprentissages. Tous les linguistes insistent sur l’abandon

nécessaire du mythe de la transparence du langage, et sur l’espèce d’innocence qu’il suppose ;

J. Picoche dit que pour le locuteur naïf, le pain ne peut être que du pain, c’est-à-dire que

signifiant, signifié et référent sont confondus, et la découverte d’une langue étrangère est à cet

égard une épreuve utile. C’est pourquoi nous ne sommes pas sûr qu’il convient d’éviter

l’apprentissage d’une autre langue à ceux qui peinent déjà dans celui de leur langue

maternelle. Peut-être ne maîtriseront-ils jamais la langue seconde, mais au moins auront-ils

fait la découverte salutaire de la relativité des usages linguistiques (et cet apprentissage doit

aussi être pensé en termes spécifiques pour les élèves en grande difficulté, comme celui de

toutes les matières).

Les difficultés qui tiennent à la figuralité du langage dans les textes et à l’instabilité de

la représentativité que l’on attribue aux mots

Nous avons eu l’occasion d’analyser l’agressivité manifestée par certains lycéens et

lycéennes à propos d’expressions figurées, en particulier, dans la chanson de J. Brel « Mon

père disait », l’image des « carillons de bleu » ; nous avions préparé, avec un groupement de

textes sur la flandre, des reproductions de tableaux et des photographies sur les paysages du

Nord et les beffrois (cela se passait à Amiens, où le beffroi n’est pas élevé et où il n’y a pas de

carillon). L’image de Brel, comme c’est aussi le cas de certaines métaphores (ce qu’a bien

montré Gérard Genette dans « Métonymie chez Proust »), repose sur une série de métonymies

qu’il faut expliciter : le carillon retentit dans la tour du beffroi, qui elle-même se voit dans le

ciel, lequel est associé à la couleur bleu, d’où le « telescopage » des sensations associées dans

l’expression synthétique. Une élève a réagi alors sur un ton exaspéré : « Mais enfin, un

carillon, pour vous, c’est quoi ? Pour moi, c’est une horloge ! ». Il a fallu repréciser

l’association que nous avions crue banale entre l’horloge, l’heure qu’elle sonne, et la forme

particulière que ce signal sonore peut prendre. Le problème était de l’ordre de la culture

générale, et l’on ne s’attendait pas à la méconnaissance des élèves concernant les carillons du

Nord, dans une ville qui en était si proche. Mais le plus intéressant fut, avec l’agressivité de

l’élève, sa conclusion, après l’explication : « ’est tiré par les cheveux ». L’agressivité devient

intelligible, et n’atteint pas le professeur dans sa personne, malgré le « pour vous » associé au

sens de l’expression ; le professeur est effectivement, pour l’élève, au centre du procès

d’apprentissage (autre raison pour laquelle nous refusons l’opposition du maître ou de l’élève

au centre et le faux débat que cela suscite), mais cela relève non de sa personne, mais de son

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 116

rôle, ce que tout le monde, professeurs et élèves, oublie par moments. Le professeur incarne

aux yeux de l’élève le savoir qu’il semble détenir comme un attribut propre, alors que c’est un

bien social (en ce sens mettre la connaissance au centre du procès d’apprentissage serait

salutaire pour tout le monde, à condition de cesser de la penser en termes de contenus, ce qui

est un absurdité, non seulement du point de vue pédagogique, mais épistémologiquement). Le

mot carillon n’a pas un sens différents pour le maître et pour l’élève, il a des sens divers selon

les contextes.

Cette diversité, et la labilité du sens qu’elle révèle, peut s’avérer déstabilisante, c’est la

stabilité du système de représentation trivial qui se trouve remis en cause. Cela pose le

difficile problème de ce que l’on appelle vulgairement le sens propre et le sens figuré. En

l’occurrence, quel est le sens propre du nom carillon ? L’élève citée a été bien étonnée

d’apprendre, avec la référence au verbe carillonner, que ce sens « premier » était celui d’un

ensemble de cloche ou de clochettes (et le dictionnaire, par sa compacte objectivité matérielle,

offre ici un référence relativement rassurante). Mais peut-on considérer l’usage de l’élève

comme celui du sens « figuré » ? Le sens des mots, nous l’avons vu, est toujours abstrait et

évolutif, et l’origine de beaucoup de sens que l’on tient actuellement pour le sens propre est

due à une figure, comme notre tête, que l’on disait chef, du latin caput, et qui a son origine

dans l’argotique testa des troupes romaines; le petit morceau de bure, qui est le sens propre

originaire de notre bureau est bien loin de la bureautique actuelle ! Cela n’implique pas

l’abandon d’une distinction didactiquement commode, celle de sens propre/figuré, mais sa

relativisation. Et la relativité du savoir qu’ils sont chargés d’enseigner angoisse les

enseignants presque autant que leurs élèves, d’où la résistance au changement que l’on

observe dans ce métier comme partout, et l’agressivité ou la crispation de certaines réactions

d’enseignants face aux remises en question auxquelles les accule parfois les questions et les

attentes des élèves (pour ne rien dire de l’évolution rapide des savoirs eux-mêmes). Il faut une

grande sérénité pour prendre la distance raisonnable, et celle-ci nous paraît paradoxalement

facilitée par la maîtrise des savoirs, et leur actualisation, indexée sur les avancées de la

recherche, qui donne à l’enseignant l’assurance d’une parole autorisée, et la conscience de ne

pas être personnellement concerné par des remises en question qui dépassent de très loin sa

modeste personne. La passion de la connaissance est en outre une ouverture sur l’inconnu, et

nous ne pensons pas qu’une formation scientifique ou théorique de haut niveau enferme un

enseignant dans un point de vue étroitement didactique, au contraire ; c’est l’académisme du

savoir figé sous forme d’« acquis » qui est sclérosant, le contact authentique avec la recherche

la plus avancée, quand il est possible, rend modeste tout en conférant la légitimité d’une

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 117

véritable connaissance, dont l’assurance est toujours limitée à l’état actuel, au connu, quand

c’est vers l’inconnu que se tourne tout esprit de recherche. Dans ces conditions, les conflits

qui naissent inévitablement de toute découverte dérangeante, apparaissent comme des aléas

inévitables et transitoires.

Il convient cependant de travailler sur la figuralité du langage, sans s’enfermer dans une

rhétorique trop formelle, elle aussi sclérosante et académique (un article de Paul de Man

montre bien les limites de l’analyse de Genette à laquelle nous avons fait allusion). Nous

aurions les mêmes remarques à faire sur les figures de rhétorique que sur le sens dit propre,

mais nous renvoyons pour cela le lecteur à notre petit livre Poésie et poétiques.

Quand les mots se déguisent et déguisent les choses

Premier sourire du Printemps (il s’agit du mois de Mars)

(…)

Pour les petite pâquerette,

Sournoisement lorsque tout dort,

Il repasse les collerettes

Et cisèle les boutons d’or.

Dans la verger et dans la vigne,

Il s’en va, furtif perruquier,

Avec une houppe de cygne,

Poudrer à frimas l’amandier ;

La nature au lit se repose ;

Lui descend au jardin désert,

Et lace les boutons de rose

Dans leur corset de velours vert.

(…)

Sur le cresson de la fontaine

Où le cerf boit, l’oreille au guet,

De sa main cachée il égrène

Les grelots d’argent du muguet.

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 118

(…)

Théophile Gautier, Emaux et camées.

Ce texte se prête particulièrement à un travail qui peut être ludique en CM ou en 6ème,

même si son langage désuet, qui en fait aussi le charme, ne va pas sans poser quelques

problèmes. On n’hésitera pas à faire de la paraphrase quand c’est nécessaire. Mais l’essentiel

est peut-être de découvrir le texte au terme d’une activité sur l’image, et la transformation de

la réalité perçue qu’elle permet, qui peut passer aussi par des supports non textuels. Nous

pensons aux photos montages et aux collages que l’on peut montrer et faire réaliser aux

élèves. On peut utiliser certains de ceux de Prévert, parallèlement à ses textes, mais la

publicité est peut-être la première source d’exemples de jeux sur la représentation, qui

ressemblent parfois aux jeux de mots. On peut ensuite faire réaliser des images par découpage

et par collage. Nous avons fait un semblable travail dont nous avons rendu compte dans le

livre fait avec Martine Molina et publié au CRDP d’Amiens, sur le thème de l’animal

fabuleux qui se prête particulièrement à cette activité (on peut commencer par là avant

d’aborder la suivante).

Recette pour déguiser des personnages en fleurs et des fleurs en personnages

• matériel (outre ciseaux, colle…etc) : catalogues de mode, de jardinage, de bijoux, de

cosmétique…etc. Au besoin les demander assez longtemps à l’avance (alors que d’autres

travaux sont en cours) pour que les élèves aient le temps de les réunir ; le professeur peut

aussi constituer sa provision ;

• sélectionner des photographies de marguerites, de roses et de boutons de roses, d’arbres

en fleurs, de jardins vert (sans fleurs), de cresson (ou de tout autre genre de végétal vert

et bas),

• de collerettes, de boutons, de boucles d’oreille dorées, de broches en forme de clochettes,

de perruques, de houppettes de maquillage, de plumes, de vêtement de velours (ou de tout

autre tissus) vert ;

• demander aux élèves de découper et d’associer un élément végétal avec un élément

humain (ou de fabrication humaine);

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 119

• faire soi-même de telles images en essayant de constituer des corsets de boutons verts, des

collerettes de pétales…etc ; comparer, éventuellement afficher les productions ;

• lire les strophes citées ci-dessus et le poème entier ensuite.

De telles activités ludiques sont propre à aider les élèves à apprivoiser les jeux de langage,

mais il ne faut pas se faire trop d’illusions ; l’adolescence et son conformisme, le poids des

habitudes familiales feront revenir maints élèves à l’idée que tout cela, c’est bien joli pour les

gosses. Il est plus facile, comme nous l’expliquons dans l’ouvrage que nous venons de citer,

d’aborder des textes d’Henri Michaux avec des enfants qu’avec des adolescents. Cela ne

signifie pas que nous perdons notre temps, parce que les adolescents vieilliront et retrouveront

le sens de l’humour avec l’âge, et avec lui le sens de la relativité, et qu’en général les

bénéfices de l’enseignement ne se voient souvent qu’à moyen ou long terme.

Chapitre II : L’interprétation : discipline à la fois rigoureuse et indéfinie

Les difficultés de la lecture ne tiennent donc pas uniquement, comme on l’imagine, au

décodage de formes qu’il faudrait avoir mémorisées, mais à des formes de cultures qui sont

variables et auxquelles il faut s’adapter. Cela apparaît en particulier dans l’interprétation des

implicites, présupposés ou sous entendus.

Les implicites et les inférences ou les déductions qu’ils impliquent

La compréhension d’un énoncé ne tient pas en effet uniquement à ce qui est dit

explicitement, mais aussi à des éléments que le lecteur ou l’interlocuteur doit inférer de la

situation ou du texte. Comme nous l’avons vu avec les formes de reprise, la variété des

désignations présuppose que leur référent commun est présent dans le contexte, et que le

lecteur fait le lien entre ces termes différents. Un texte qui serait à tout moment entièrement

explicite serait à ce point redondant qu’il en deviendrait illisible (et les répétitions de l’incipit

du Coupeur de mots en donnent une idée).

Les implicites : présupposés et sous entendus

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 120

On parle de présupposés pour désigner des implicites qui tiennent à des règles

communicationnelles ou au sens de certains mots. On ne précise pas ce qui est évident, par

exemple que l’obscurité va se faire dans une salle de cinéma, que les personnages d’un film

ou d’un roman se nourrissent plusieurs fois par jours…etc. Nous avons vu cependant avec

l’exemple du carillon que de tels implicites peuvent être source de malentendus ; mais on

surprendrait, on vexerait même nombre de lycéens si on entreprenait de leur expliquer le sens

du mot carillon. Le sens de certains mots implique des présupposés ; le verbe cesser

présuppose une activité continue que l’on a interrompue ; son interruption seule constitue

l’information apportée par le verbe ; si l’on dit que Pierre a cessé de jouer du piano, cela

présuppose que Pierre jouait du piano, et que la personne à qui l’on s’adresse le sait, mais

ignore qu’il a arrêté cette activité. Dans le cas contraire, on peut s’attendre à s’entendre

répondre, de façon étonnée ou agacée, « Ah, mais, il jouait donc du piano ? » ou « Mais je le

sais bien ! » (la communication pédagogique n’est pas la seule communication difficile, c’est

seulement une situation qui rend plus évidents et plus douloureux parfois les malentendus

inhérents à le vie sociale et relationnelle).

On parle en revanche de sous entendus quand on formule volontairement un énoncé à

double sens qui doit être décodé sur deux niveaux par l’interlocuteur. « Pierre a emmené sa

femme en voyage » peut signifier « J’aimerai partir aussi ». Pour des situations pédagogiques

et des textes permettant d’approfondir ces questions, nous renvoyons le lecteurs à nos livres

sur l’enseignement du français au lycée ,en particulier Enonciation et argumentation et aux

références bibliographiques commentées qui y figurent.

Les implicites supposent de la part du lecteur la connaissance des éléments de référence,

et sa capacité à inférer avec justesse ; cela présuppose donc une culture qui fait souvent défaut

aux élèves, et avec elle l’aisance que donne l’habitude de jongler avec les références. On peut

entraîner les élèves à partir de textes allusifs, en leur apportant les éléments de savoir

encyclopédique. Plus généralement, c’est l’acquisition de savoirs diversifiés, avec la

conscience de l'étendue indéfinie des connaissances susceptibles d’être mises en œuvre dans

une communication, qui apaisera le climat des échanges, et tout en éveillant la curiosité,

sécurisera le sujet qui ne pourra effectivement jamais tout maîtriser. Mais on peut aussi

déduire logiquement des informations d’un texte en raisonnant à partir de ce qui est dit ; on

vérifiera la pertinence de ces déductions dans la suite du récit ; un lecteur entraîné infère sans

raisonner vraiment, là où nous devons construire un raisonnement avec les élèves ; c’est sur

ce type d’inférence hypothéto-déductive que repose l’intérêt du récit d’intrigue, en particulier

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 121

du policier (et l’on voit bien pourquoi les élèves en difficulté ont besoin de structures

relativement protectrices, au moins pendant un temps, puisqu’on doit expliciter avec eux ce

qu’un bon lecteur préfère inférer seul).

Un dialogue extrait du Chien du roi Arthur

- Sale bête, murmura l’un des hommes avec un fort accent saxon. Si elle gémit

ainsi chaque fois qu’on la nourrit, on la laissera mourir de faim.

- Je n’aurai pas dû faire cela, murmura l’autre homme qui était celte.

- C’est trop tard, Ifor, pour regretter. Ne te fais pas de souci, ta trahison sera bien

payée.

- J’espère que tu ne m’as pas menti ?

- Tout ira très bien. Les saxons débarqueront bientôt au sud de l’île de Bretagne.

Et là…

Le saxon eut un grand rire :

- Et là, à Mont-Badon, on tendra un piège à Arthur, et quand il viendra chercher

son chien…couic…

Il mima le geste de couper la gorge, et la lame de son couteau étincela dans le noir.

Le silence retomba entre les deux hommes. Le saxon reprit enfin :

- Une fois Arthur mort, nous envahirons facilement le royaume de Logres.

- Et si le roi ne vient pas chercher son chien ?

- Il viendra. Il y va de son honneur.

Ce texte permet à un bon lecteur d’inférer des informations qu’il vérifiera ensuite sur les

celtes et les saxons. Pour nos élèves, nous ferons ces déductions pas à pas. Encore faut-il

qu’ils soient familiarisés avec la présentation d’un dialogue, le repérage des antécédents des

pronoms…etc.

Ce qu’on apprend en lisant un dialogue de roman (questionnaire guide)

• Combien y a-t-il de personnages qui dialoguent ?

• Quel est le nom du celte ?

• Celui du saxon ? (on attend une réponse négative)

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 122

• De quel peuple Arthur est-il le roi ?

• Comment s’appelle son pays ?

• Où est-il situé ?

• Les saxons et les celtes sont-ils amis ?

• Sont-ils ennemis ?

• Le saxon et le celte qui parlent ici sont-ils amis ?

• Sont-ils ennemis ?

• Qui a trahi qui dans cette histoire ?

Les élèves ont parfois du mal à démêler les fils de cette intrigue. Le recours à la carte (qui

figure au début du roman) contribue à préciser de quelle Bretagne il s’agit. Le dictionnaire ou

une fiche extraite d’une encyclopédie pour la jeunesse permet d’identifier celtes et saxons.

Mais pour compliquer encore un peu les choses, toute cette scène est observée par Oscar,

caché dans l’ombre, et qui tient enfin l’aventure de sa vie.

Suite du dialogue ; Oscar ou la « Vengeance de Dieu »

Oscar n’en croyait pas ses oreilles. Ainsi c’était Kavall, le précieux chien du roi

Arthur, qui se trouvait dans le sac (…) ;

- Partons ! dit brusquement Ifor. Je me sens très nerveux ici.

- Attendons encore un moment, que tout le monde soit endormi.

Oscar décida d’agir. A pas de loup, il entra dans l’auberge (…) Il enleva

délicatement la couverture d’un dormeur et ressortit.

Une fois dehors, il déploya la couverture sur sa tête et ses épaules. Puis il attendit que

les nuages cachent la lune et longea le chemin en contrefaisant sa voix.

- Je suis la Vengeance de Dieu…Que le pêcheur se repente de sa faute, donne un

baiser à son ennemi, restitue ce qu’il a volé, sinon il brûlera dans les flammes de

l’enfer.

Les deux brigands sortirent prudemment de l’appentis et dévisagèrent la longue

silhouette brune qui, les bras tendus en avant, marchait le long de la route.

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 123

- Dieu tout-puissant, pardonnez-moi, murmura le celte Ifor en essuyant les gouttes

de sueur qui perlaient de son front.

- Qu’est-ce que tu racontes ? s’étonna le saxon qui ne croyait pas au dieu des

chrétiens.

- Je vais être maudit et jeté en enfer, bredouilla Ifor. Il faut réparer notre faute.

Le même type de questionnement, assorti d’une fiche ou d’un article sur la religion chrétienne

et son extension, peut dissiper les obscurités de ce texte.

Présupposés et attentes du lecteur

C’est devenu une banalité de dire que le lecteur anticipe sur ce qu’il va lire, et que ces

anticipations sont liées à ce que l’on a appelé un horizon d’attentes, lui-même largement

déterminé en général sur les lectures antérieurs ou les autres expériences faisant sens pour le

sujet. Or l’intérêt de la lecture réside dans la découverte d’éléments différents de ceux

auxquels on s’attendait, sinon on n’éprouve pas de surprise celle-ci déçoit. Les moments où le

texte s’oriente dans une direction différentes de celles que l’on pouvait logiquement attendre

sont des sortes de pivots où le lecteur doit se réorienter ; ce sont ces moments qui peuvent

s’avérer des chausse-trappes pour le lecteur débutant. Les attentes du lecteur étant liées à ses

expériences antérieures, elles sont liées aux genres littéraires que celui-ci a pu rencontrer ;

ainsi un meurtre au début d’un récit oriente la lecture vers une enquête policière, la jaquette

du livre jouant un rôle déterminant dans la préparation de la lecture par son effet d’accroche et

de mise en condition.

Deux petits récits nous ont paru propres à faire travailler les élèves sur leurs

anticipations et à les familiariser avec les changements d’orientation d’un récit inventif : il

s’agit de Deux fêlés et un pendu, publié dans la série des « mini Syros », et Bande à part de

Jérôme Charyn, publié en « Folio cadet ». Ces récits ont l’avantage de mettre en scène des

bandes de gamins de l’âge de nos élèves et de ne pas faire trop « bébé », surtout le second qui

se passe dans le Bronx. Nous avons procédé selon le schéma de la lecture découverte à

dévoilement progressif, en prenant soin de couper le texte aux moments stratégiques : dans le

premier récit, des enfants découvrent dans une grange un pendu…qui s’avère être en fait un

malfaiteur dont ils parviennent à déjouer les plans ; le récit commence dans un cadre à demi

campagnard qui ne correspond pas au stéréotypes du policier auxquels nos élèves sont

habitués par les séries télévisée. Dans Bande à part, les tournants du récits sont en outre

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 124

signalés par l’emploi d’un mais qui signale les changements d’orientation, ce qui constitue un

moyen d’initier les élèves à l’observation des enchaînements linguistiques caractéristique de

ces réorientations. Tout texte et tout discours a en effet, comme l’a montré Osvald Ducrot,

une dimension argumentative, et mais fait partie de ces « mots du discours » étudiés par le

grand linguiste qui caractérisent ce qu’il a appelé, dans l’un de ses titres, l’argumentation

dans la langue.

« Mais » entre logique et argumentation

On n’a qu’un mot en français, mais, là où d’autres langues en ont deux, mais on

distingue deux valeurs de mais, la valeur purement logique, et la valeur argumentative, cette

dernière impliquant des implicites :

• le « mais » logique oppose deux propositions négatives : il n’est pas fort, mais brutal ;

cette proposition se suffit à elle-même et n’implique pas forcément une relation

d’interlocution ;

• le « mais argumentatif suppose un dialogue, même implicite, et que le locuteur anticipe

sur ce que pourrait penser un interlocuteur éventuel ; les propositions qu’il oppose

peuvent être toutes deux positives, nous ne sommes plus dans une perspective d’opposition

vrai/faux, mais face à une échelle de valeurs : j’aime bien la mer, mais je préfère la

montagne ( la phrase anticipe sur une fausse inférence possible). Ce second « mais » peut

se trouver en tête de phrase, en particulier dans un dialogue :

- Pierre a cessé de fumer.

- Mais je ne l’ai jamais vu fumer !

Dans Les textes argumentatifs, Alain Boissinot a montré que les textes littéraires ont

toujours une dimension argumentative dans la mesure où ils cherchent à agir sur le lecteur.

Plus généralement, O. Ducrot a montré que l’argumentation est omniprésente dans le

langage. D’où la place privilégiée de mais dans certains récits, puisque comme d’autres

« mots du discours » étudiés par O. Ducrot, mais a pour fonction de changer l’orientation

argumentative du discours. C’est ce que nous avons remarqué à chaque tournant de

l’intrigue dans le texte (traduit) de Bande à part :

Un extrait du début de Bande à part

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 125

Il y avait une fois un garçon qui était né un peu trop gros. Sa mère l’appela Jumbo. (…)

Un jour que Jumbo jouait dans les gravats, une meute de chiens errants surgit de

nulle part. Leur chef était un gros chien noir qui avait l’air d’un loup affamé. (…)

Quand Agnès entendit le grondement des chiens, il était déjà trop tard. Ils

avaient déjà bondi sur Jumbo.(…)

• Consigne : imaginez la suite du récit ;

• Rédigez un paragraphe dans le même style que le début du texte.

(…) Mais Jumbo regarda le chien loup noir dans les yeux et dit : Baaabouuuu. Le

chien loup fut ébahi d’entendre un bébé parler de la sorte

Un autre récit bref, et qui pour s’adresser à de jeunes enfants, n’en aborde pas moins

de graves problèmes, permet de travailler de façon complémentaire à celle qui vient d’être

évoquée sur les implicites. il s’agit de Rose Blanche d’Innocenti. L’auteur a emprunté le nom

de son héroïne à celui d’un groupe d’étudiants allemands ayant été fusillés pour avoir tenté

d’organiser une résistance au nazisme. La guerre, la radicalisation du régime et la lâcheté des

populations qui l’a rendue possible sont vues par les yeux d’une enfant, l’équivalent du persan

de Montesquieu ou du Huron de Voltaire, dans une petite ville située proximité de ce qui

deviendra bientôt un camp dont l’enfant découvre l’existence après l’arrestation d’un jeune

garçon sous ses yeux comme sous ceux de toute la ville. Le point de vue narratif et le mode

d’énonciation change, sans être annoncé ni marqué dans la typographie, pour l’épilogue

tragique. L’innocence perdue et l’engagement de la fillette qui porte désormais son goûter aux

enfants derrière les barbelés sont rapportés par le narrateur de façon la plus elliptique possible,

et ces ellipses constituent autant de « trous » dans le récit que le jeune lecteur doit combler

(nous nous référons ici à L’Acte de lire de Wolgang Iser). Un dossier très succinct est donné à

la fin du récit, par ailleurs remarquablement illustré par l’auteur, dont l’image très

documentée se prête à de nombreux commentaires. Les élèves apprennent à reconstituer ce

qui est sous entendu et ce qui renvoie au contexte historique.

Des extraits de Rose Blanche

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 126

Je m’appelle Rose Blanche.

J’habite une petite ville d’Allemagne. Elle a des rues étroites, des fontaines, des

maisons hautes et des pigeons sur leurs toit. Mais un jour les premiers camions sont

arrivés, et beaucoup d’hommes sont partis. Ils étaient habillés en soldats.

L’hiver allait commencer.

(…)

J’ai marché longtemps. J’ai traversé la ville jusqu’au pré. La lumière était grise.

Par moments je courrais.

J’ai trouvé la forêt.

J’ai trouvé la clairière.

(…)

Puis les semaines ont passé dans le pâle hiver. L’appétit de Rose Blanche étonnait

sa mère : elle emportait à l’école plus qu’elle ne mangeait à la maison (…)

On aura remarqué la place stratégique de mais.

La lecture suppose donc, outre le décodage purement linguistique, celui de références

culturelles qu’elle permet aussi d’acquérir, quand on la maîtrise. La complexité de l’acte de

lire tient à ce que toutes les difficultés se présentent ensemble, et ce n’est que très

artificiellement, dans une démarche très didactique comme la nôtre, qui serait ennuyeuse si

elle n’était pas nécessaire pour comprendre des difficultés qui nous sont étrangères, que l’on

distingue des niveaux d’habitude confondus. Ce n’est pas le cas en revanche quand le texte

fait l’objet, dans la tradition qui l’a transmis, d’une pluralité d’interprétations.

L’allégorie et l’interprétation des textes

On tient généralement l’allégorie pour une figure de rhétorique assez stéréotypée, très

formelle et finalement pauvre poétiquement, qui est la personnification d’abstraction, comme

la Justice qui tient une balance, Marianne incarnant la République…etc. Mais c’est beaucoup

plus que cela. Dans un livre intitulé Allégories de la lecture, où il discute entre autres choses

l’interprétation de « Métonymie chez Proust » de G. Genette, Paul de Man montre comment le

texte crée sa propre figuralité. L’allégorie était par ailleurs dans la tradition néo-platonicienne

et au moyen âge un procédé d’interprétation, en particulier celle des textes bibliques, qui

impliquait quatre niveaux de sens ; on peut consulter à ce propos un dictionnaire spécialisé sur

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 127

le moyen âge à l’article Allégorie. Rappelons que la littérature du XIXème siècle a fait un

large usage de l’allégorie, et pas seulement sous la forme simplifiée que nous avons évoquée,

dont le discours politique en particulier a fait l’usage que l’on sait. On connaît bien le goût de

Baudelaire pour l’allégorie sous toutes ses formes, qui a fait l’objets de nombreuses études en

particulier celles de Walter Benjamin. Mais on ne pense pas toujours que La Comédie

humaine est une allégorie de la société, ce que Balzac signifie clairement dans son avant-

propos de 1842 , avec l’analyse de l’allégorie de Walter Scott, dont il met l’œuvre en parallèle

avec son propre projet ; c’est évident aussi pour le cycle des Rougon-Macquart, et

particulièrement, jusque dans le titre même, pour Germinal.

La théorie des « quatre sens de l’Ecriture » appliquée au dernier paragraphe de Germinal

Et sous ses pieds, les coups profonds, les coups obstinés des rivelaines

continuaient. Les camarades étaient tous là (…). Maintenant, en plein ciel, le soleil

d’avril rayonnait dans sa gloire, échauffant la terre qui enfantait. Du flanc nourricier

jaillissait la vie, les bourgeons crevaient en feuilles vertes, les champs tressaillaient de la

poussée des herbes. (…) Encore, encore, de plus en plus distinctement, comme s’ils se

fussent rapprochés du sol, les camarades tapaient. Aux rayons enflammés de l’astre, par

cette matinée de jeunesse, c’était de cette rumeur que la campagne était grosse. Des

hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons,

grandissant pour les récoltes du siècle futur, et dont la germination allait faire bientôt

éclater la terre.

• le sens « littéral » : celui du récit ; Etienne Lantier reprend la route de Marchiennes

qu’il a prise en arrivant au pays minier au début du roman, cette fois après avoir

connu le sort des mineurs.

(Notons que ce « sens littéral » ne se confond pas avec le « sens propre », mais que ce

peut être au contraire un « sens figuré ». Par exemple un texte parlant d’un homme rusé en

l’appelant un renard : le premier niveau de lecture, celui du sens littéral, est le sens « figuré »

d’homme rusé, l’image de l’animal n’étant qu’une métaphore usée et désémantisée. Il n’en va

pas de même pour les renardeaux du Cantique des Cantiques, qui gênent les amour des

époux, et représentent allégoriquement tout ce qui peut s’interposer entre l’âme et Dieu dans

la lecture religieuse traditionnelle)

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 128

• le sens « tropologique » ou moral : Etienne a muri, il a compris la souffrance et les

luttes ouvrières ; c’est le sens des paraboles évangéliques, qui constituent une sorte

de genre littéraire, ainsi que de nombreux contes exemplaires de la littérature

populaire ;

• le sens allégorique, au sens étroit du mot, évident dans ce paragraphe, qui éclaire le

sens du titre, avec sa référence révolutionnaire : les révoltes ouvrières doivent

déboucher sur un mouvement révolutionnaire ;

• mais cette interprétation, étroitement historique et politique, est réductrice par

rapport à la densité de la métaphore filée chargée de sensualité, mais aussi

d’espérance ; c’est le sens « anagogique » ou « mystique », qui anticipe sur les fins

dernières, ici sur un épanouissement intégral de l’être humain dans un « avenir

radieux » qui n’a de rapport avec les caricatures idéologiques que le XXème siècle a

connues que comme une chose a rapport avec sa caricature, qui donne la portée

proprement poétique du roman ; ce n’est pas le paradis, ni la fin de l’histoire, mais

c’est l’espoir et le rêve d’une vision prophétique, violente et poétique, qui fait la

dimension épique de l’œuvre, et ne peut s’enfermer dans un « sens » définitivement

clos. (Précisons que certains philosophes allemands, réfléchissant sur les totalitarismes et

leurs sources théoriques dans la philosophie de l’Histoire, ont vu dans les valeurs

universalistes issues des Lumières une laïcisation de valeurs chrétiennes, et dans la

philosophie de l’Histoire une laïcisation de la théologie de l’Histoire ; l’espérance qui

s’exprime à la fin du roman de Zola nous paraît relever d’un semblable processus).

Il n’est pas question d’initier nos jeunes lecteurs à la lecture exégétique de l’allégorèse (ou

exégèse allégorique), mais de saisir, en la replaçant dans une grande tradition partiellement

oubliée (que certains spécialistes de poétique, de Baudelaire en particulier, sont pratiquement

seuls à connaître), la complexité des divers niveaux d’interprétation d’un texte, ce qui fait de

la lecture, comme le dit la tradition juive de la lecture biblique, une découverte indéfinie de

sens nouveaux.

C’est cet indéfini qui nous semble le plus difficile à admettre pour les élèves, non

seulement à cause de leurs difficultés, mais aussi par la faute d’une conception réductrice du

sens et du savoir induite par la culture ambiante, dont on accuse un peu vite les médias, mais

que nous sécrétons tous. Nous avons connu un élève africain, qui avait vingt ans en seconde,

et qui n’étant pas francophone de langue maternelle, quoique parlant fort bien le français, ne

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 129

la maîtrisait pas à l’écrit. Il avait fait allusion à la poésie de Birago Diop apprise dans son

pays, et nous avons lu alors « Eclaircie », des Contemplations, qui au même moment donnait

pas mal de fil à retordre aux meilleurs élèves de première scientifique. Non seulement ce

garçon a compris le texte, mais cela fut pour lui, nous dit-il, une révélation : les occidentaux

étaient aussi capables de comprendre ces choses, que les « anciens » de son pays croyaient

propres à l’Afrique. Il ne s’agissait pas de métaphores ni de symboles, pour lui, mais de

réalités vivantes, et vraisemblablement pour Hugo aussi. Il a décidé d’emporter Les

Contemplations en Afrique, pour convaincre ses anciens. C’est bien d’une différence de

culture, et même de civilisation qu’il est question ici, et nos poètes sont effectivement plus

proches, par certains côtés, des peuples ayant gardé leur civilisation traditionnelle, que notre

société technologiquement avancée.

Difficultés de lecture et cadres de références

La lecture présuppose comme nous l’avons dit des références implicites et une culture

aux limites indéfinies, ce qui fait qu’on ne peut jamais garantir aux élèves qu’ils trouveront, à

l’examen par exemple, la reproduction à l’identique des situations vécues en classe. Dans ces

conditions, le bon élève n’est évidemment pas tellement celui qui sait, mais celui qui n’est pas

désarçonné par la nouveauté et qui sait chercher. Mais pour cela, il faut être capable de

s’émanciper des stéréotypes que diffuse sans qu’on en ait conscience la culture la plus

répandue dans le milieu où l’on vit, pas seulement la culture de masse que l’on incrimine sans

cesse aujourd’hui à travers le bouc émissaire de la télévision, mais les représentations

banalisées que l’on reproduit sans les interroger.

Quand on demande à des adolescents d’imaginer la fin de la légende de Tristan dont on

leur a donné à lire le début, ils font un conte conventionnel où le héros épouse Yseult. Le

roman les surprend et les déçoit parfois; pourtant, interroger ses péripéties conduit à remettre

en question celles qu’on avait cru imaginer, et qu’on s’était en fait borné à reproduire. Il n’est

pas toujours aisé de convaincre les élèves, et parfois même les autres, de l’intérêt d’une telle

remise en cause. Ce n’est pas le cas quand le lecteur est placé en situation d’exploration, et si

sa représentation de la lecture correspond à cette situation. Or le plus souvent, l’image que

l’on garde des lectures scolaires et des réussites qui les sanctionnent est celle d’un processus

aisé et linéaire, qui paraît aller de soi. Un personnage de la littérature très connu offre une

image convaincante de lecteur intelligent, dans une situation d’échec au premier abord ; il

s’agit d’Alice dans le pays du miroir (Lewis Caroll, Through the looking glass), quand elle

découvre le poème « Jabberwocky » traduit par Henri Parisot sous le titre de

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 130

« Bredoulocheux. ». C’est, comme toutes les aventures d’Alice, une réserve de situations

passionnantes, utilisable plutôt avec des élèves à l’aise ; nous citons ici les passages qui

peuvent nous éclairer sur les conditions qui permettent à un sujet de surmonter les difficultés

que nous venons d’évoquer.

« Bredoulocheux »

Il était reveneure ; les slictueux toves

Sur l’alloinde giraient et vriblaient ;

Tout flivoreux vaguaient les borogoves ;

Les verchons fourgus bourniflaient

(…)

Prends garde au Bredouloch, mon fils !

A sa gueule qui mord, à sa langue qui happe…

Un peu plus loin, Alice rencontre un étrange personnage, semblable à un œuf, et issu en

fait d’une comptine anglaise dépourvue de sens trivial, Humpty-Dumpty, à qui elle demande

des explications après lui avoir dit les vers. C’est là que les compétences de la petite fille

apparaissent.

Alice apprend à interpréter un texte

« (…) Ca a l’air très joli, dit Alice quand elle eut fini de lire, mais c’est assez

difficile à comprendre! » (Voyez-vous, elle ne voulait pas s’avouer qu’elle n’y

comprenait absolument rien.) « Ca me remplit la tête de toutes sortes d’idées,

mais...mais je ne sais pas exactement quelles sont ces idées! En tout cas, ce qu’il y a de

clair, c’est que quelqu’un a tué quelque chose... »

Alice s’avère bonne lectrice jusque dans la situation d’échec où elle se trouve, parce qu’elle

ne rejette pas le texte et ne se décourage pas; contrairement à ce qu’insinue ironiquement le

narrateur, elle a compris à quel type de discours elle avait affaire et quelles étaient les

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 131

fonctions principales des protagonistes, et sa reformulation, pour être vague sémantiquement,

n’en respecte pas moins la syntaxe et la logique du récit. Enfin quand elle rencontre Humpty-

Dumpty, elle est capable de lui restituer le texte de façon à ce qu’il éclaire pour elle certaines

de ses obscurités. Elle maîtrise donc non seulement la première étape de l’apprentissage de la

lecture, puisqu’elle a été capable de déchiffrer et de mémoriser des mots inconnus, mais

encore d’interroger avec pertinence son interlocuteur sur ses difficultés. Bien plus, elle

apprend rapidement avec lui, non seulement les explications qu’il lui donne, mais la méthode

qui lui permet d’expliquer les « mots-valises », de telle façon qu’elle peut faire une hypothèse

et une proposition sur le sens d’un mot:

« Et « l’ allouinde », c’est, je suppose, l’allée qui mène au cadran solaire? » dit Alice,

toute surprise de sa propre ingéniosité.

« Cela va de soi. On l’appelle allouinde, voyez-vous bien, parce qu’elle s’allonge loin

devant le cadran solaire, loin derrière lui… »

« Et loin de chaque côté de lui », ajouta Alice.

On remarque ici l’un des avantage de la maîtrise du déchiffrement, qui est l’acquisition d’un

nouveau vocabulaire dont le sens peut être déduit du contexte, à condition que l’on soit

capable comme Alice d’entrer dans l’univers du texte (ici le langage absurde que figure le

monde du miroir.)

Mais la compréhension du texte lui-même des « Aventures d’Alice » ne ressortit pas

aux procédés mis en œuvre par la petite fille. En effet celle-ci accepte sans autre forme de

procès l’étrangeté du monde du miroir, sans s’interroger sur sa signification, dont elle

comprend certes la cohérence, mais sans en analyser la portée. Cette analyse relève d’une

réflexion sur la notion logique d’absurde et sur ce qui en découle ; ce qui relève de

l’interprétation, parce que cela met explicitement en jeu les cadres de référence qui supportent

l’univers du texte ; on ne peut donc réduire le concept d’interprétation à celui de

compréhension comme on a été tenté de le faire parfois en pédagogie de la lecture.

Certes, ces deux notions se recouvrent partiellement, mais comprendre n’implique pas

forcément un changement de cadre interprétatif, ou une explicitation de ces cadres, ce

qu’imposent certaines situations où la compréhension bute justement sur le blocage de

ce jeu de cadres ( on tirerait profit à cet égard de la lecture du livre d’Irving Goffman, Les

cadres de l’expérience). C’est pourquoi nous ne souscrivons que partiellement aux

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 132

affirmations d’Isabelle Roumat Dembele et de Catherine Tauveron dans leurs articles « La

quête du sens, une nébuleuse dans l’activité de lecture » et « De jeunes chasseurs sur le pied

de guerre » publiés dans le n° 137 du Français Aujourd’hui consacré à L’attention au texte :

s’il est légitime en effet de cesser de cloisonner compréhension et interprétation, réservant la

première aux premiers apprentissages pour consacrer l’enseignement secondaire à la seconde,

il importe toutefois de distinguer les deux concepts et les attitudes mentales auxquels ils

renvoient, même si celles si se conjuguent bien souvent, de façon inextricable en particulier

chez les lecteurs habiles. Il est certes raisonnable, comme le font ces auteurs, de réhabiliter

également la paraphrase éclairant le sens obvie, même dans le secondaire, et le conflit

d’interprétation dès les classes enfantines ; mais il convient semble-t-il raisonnablement de ne

pas perdre de vue la nécessité d’une progression des apprentissages et de graduer des

difficultés qui dans la pratique lexique adulte sont mêlées.

Alice donne une idée assez éclairante de la façon dont un sujet intelligent s’aventure

dans ce jeu qui peut paraître périlleux ; il est en effet tout à fait remarquable, bien que le texte

n’en dise rien, qu’Alice parvienne à s’adapter au monde du miroir, assez du moins pour s’y

orienter. Cela l’oblige à effectuer en permanence la transposition de ses cadres habituels de

référence à ceux du nouveau monde qu’elle explore. On a vu dans cette aventure celle de la

croissance et de l’adolescence, ce qui est pertinent, mais réducteur par rapport à la portée du

texte, qui, ne l’oublions pas, est l’œuvre d’un logicien. Cette transposition impliquant un jeu

de cadres est à l’œuvre dans bon nombre d’opération d’intelligibilité, en particulier, en ce qui

nous concerne, dans la lecture, comme on le voit quand Alice parvient à déchiffrer le texte du

poème en le lisant face à un miroir du fait de son inversion typographique. Celle-ci symbolise

l’altérité et l’étrangeté du nouveau monde qu’elle explore. Avoir fait cette première

transposition la rend capable d’effectuer les autres de proche en proche. C’est la

difficulté majeure des adolescents, mais ce serait vrai aussi des adultes, pour entrer dans la

littérature et plus généralement les œuvres du patrimoine. « Cela n’a pas de sens » pour eux,

comme ils le disent, parce que cela ne fait pas sens immédiatement, comme la communication

à laquelle ils sont habitués.

On voit ici les limites des représentations courantes de la communication, qui

n’impliquent pas une recherche du sens. Tout se passe comme le dit A. Bentolila dans

l’ouvrage cité supra, comme si le même film devait se dérouler dans la tête de l’interlocuteur

pendant que les enquêtés font oralement un récit, leur parole restant toujours directement

indexée sur leur représentation. Mais les cas observés par le linguiste ne sont que des cas

limites de difficultés de communication au demeurant fort communes : tout le monde adhère

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 133

inconsciemment à des représentations induites par l’expérience, et ce n’est que la variété des

expériences qui peut induire la variation des cadres d’interprétation ; encore cela ne va-t-

il pas sans souffrance dans la mesure où c’est vécu le plus souvent comme une remise en

question. Au changement de cadre de référence est en effet associée un changement de

communauté de référence, c’est-à-dire un changement d’affiliation. La notion

d’acculturation est peut-être trop générale pour rendre compte avec précision de ce qui est en

jeu dans les changements de cadre. La notion d’affiliation fait entrer des paramètres plus

précis : être affilié, c’est appartenir à un groupe, faire partie d’une communauté, mais

aussi d’une histoire puisque cela implique la filiation (on peut lire l’article de Robert

Castel intitulé « Le roman de la désaffiliation A propos de Tristan et Yseult »). On aperçoit

bien alors ce que cela implique affectivement et inconsciemment, cet inconscient-là n’étant

pas réductible à celui de la psychanalyse, même si nous ne l’excluons pas, puisqu’avec

l’affiliation ce n’est pas seulement de filiation qu’il est question, mais de l’histoire et de la

sociologie des communautés. On voit bien aussi l’intérêt de la littérature dans la réflexion qui

nous occupe, et qu’il ne se réduit pas à celui d’un patrimoine ; l’exemple des aventures

d’Alice comme celui de Tristan pourrait suffire à le montrer. Mais s’agissant de la difficile

remise en cause des cadres habituels de l’expérience, la lecture littéraire, quand elle ne se

limite pas à la culture héritée, offre un terrain privilégié d’observation : ainsi les difficultés de

nos élèves sont-elles analogues aux nôtres quand nous abordons un texte très contemporain

qui nous désarçonne (les opération auxquelles est confronté le lecteur de littérature

contemporaine fait l’objet d’analyses très pertinentes, non seulement du point de vue de la

critique littéraire qui est son objet, mais aussi du point de vue cognitif, dans le livre de

Wolgang Iser L'acte de lire).

Les difficultés d’acculturation et d’affiliation ne peuvent se résoudre par une

intervention pédagogique, mais par une longue familiarisation avec des systèmes de

références différents de ceux du milieu d’origine ; c’est pourquoi l’hétérogénéité scolaire reste

indispensable, et l’on connaît bien des exemples d’individus pour qui la culture scolaire a été

une ouverture ; or l’homogénéité sociale des classes fait du professeur la seule personne

porteuse de références distinctes et focalise sur lui les effets déstabilisateurs de la différence.

Mais il faudrait moduler parfois l’hétérogénéité des classes de façon à permettre un approche

graduée de la nouveauté.

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 134

Les notions de réception et d'horizon d'attente, l'importance du genre littéraire pour la

posture du lecteur et du débat sur le conflit des interprétation

Il est difficile pour les jeunes scolarisés aujourd'hui jusqu'au baccalauréat d'entrer dans

les textes du patrimoine dont le fonctionnement leur est étranger. Nous avons vu comment les

textes littéraires, du fait même de cette difficulté, permettent un dépaysement formateur. Mais

cela suppose de la part du lecteur une conversion qui peut être douloureuse et paraître inutile

si l'on en perçoit pas les enjeux. Il est donc utile de faire prendre conscience aux élèves des

enjeux d'une lecture et de ses implications socioculturelle. On ne lit pas un roman de Flaubert

comme un roman policier, à sa table de travail comme sur la plage, on ne lit pas non plus au

XXIème siècle comme on le faisait par le passé. Il est difficile de faire connaître au grand

public les manières de lire de nos devanciers, car cela relève d'études spécialisées, mais on

trouve maintenant dans les manuels de littérature des classes de seconde et première des

extraits d'écrivains parlant de leurs lectures, comme le fait Sartre dans Les mots, ou, plus

proche de la situation de nos élèves, Vallès dans Le bachelier par exemple, ce qui permet de

relativiser les modes de lectures; ce dernier en particulier révèle chez le futur écrivain encore

adolescent des difficultés analogues à celles de nos élèves pour se mettre "dans la tête" de

personnages de l'Antiquité.

Théories de la réception et notion d’horizon d’attente

Depuis les travaux fondateurs de l’Ecole de Constance, de Hans-Robert Jauss en

particulier, on étudie le devenir du sens d’un texte dans l’histoire de ses lectures et

interprétations successives. Ce qu’on appelle assez grossièrement le « sens » d’un texte peut

évoluer en fonction des cadres de références des lecteurs à différentes époques et de leurs

pratiques de production de sens, ce que les théoriciens de la réception nomment « horizon

d’attente ». C’est ainsi que Freud s’empare du mythe d’Œdipe à des fins explicatives pour sa

théorie, sans avoir consciences des véritables enjeux de la tragédie grecque sur lesquels

insistent les hellénistes d’aujourd’hui.

Mais les textes que nous venons de citer ne suffisent pas toujours à faire prendre la

mesure de ce qui nous sépare des lecteurs des siècles passés. Il existe en revanche des oeuvres

qui mettent en perspective la réception des fictions qu'elles offrent au lecteur; c'est le cas de

L'Heptaméron de Marguerite de Navarre qui met en scène des conteurs qui discutent de cas

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 135

présentés par chacun d'entre eux dans des récits de fiction. Nous avons trouvé là matière à

créer une situation de recherche en classe de façon à amener les élèves à s'interroger sur les

valeurs diverses que peut prendre une lecture, à cesser de s'en tenir à leur première impression

et à tenter de modifier quelque peu leurs cadres de référence.

Il s'agit de la trente sixième nouvelle où il est question de ce que nous appelions

aujourd'hui "un crime parfait" ; le conte rapporte la façon dont un président du Parlement de

Grenoble a empoisonné sa femme qu'il avait surprise en flagrant délit d'adultère, non pas sur

le coup, ce qui aurait jeté le discrédit sur sa famille, mais après mûre réflexion et avec une

organisation élaborée. La lecture du texte, ou de l'un de ses fragment en version modernisée,

devra être précédée d'un travail d'invention proposé aux élèves à partir d'un libellé de fait

divers résumant l'intrigue, à peu près comme nous venons de le faire; la discussion s'engage

avec la classe sur le genre littéraire dont pourrait relever un tel récit et sur les contraintes de

narration que cela implique: un narrateur-enquêteur, par exemple, un retour en arrière après

découverte du décès, la présence de plusieurs suspects..., etc., et surtout, pour le lecteur, un

effet de suspens. Sans être capables généralement d'écrire un tel texte, ce qui relève

véritablement d'un métier, nos élèves sont tous capables d'imaginer et d'évoquer oralement ce

que cela pourrait donner pour une séance de téléfilm. La lecture du texte ne manque pas de les

surprendre par l'absence de suspens: le récit linéaire est fait par un narrateur omniscient qui

communique au lecteur tout ce qu'il sait des protagonistes au fur et à mesure du déroulement

de l'intrigue. Bien plus, le titre de la nouvelle en constitue le résumé (on peut ne le

communiquer qu'après lecture du texte). Le débat s'engage alors sur l'intérêt de ce dernier, que

d'aucuns trouvent "nul", mais qui n'en a pas moins franchi les siècles. Se pose alors le

problème de la diversité des attentes des lecteurs (ou auditeurs, dans le cas de L'heptaméron,

ou téléspectateur, dans le cas d'un téléfilm). Le débat qui suit la nouvelle (dont on ne citera

que des fragments en version modernisée) révèle des enjeux sans rapports avec ceux

qu'imaginent spontanément des lecteurs d'aujourd'hui, puisque dans le cadre de l'évangélisme

de l'auteur, c'est d'une discussion de théologie morale qu'il s'agit. Un tel débat paraît fort

éloigné des préoccupations actuelles, mais il l'est moins qu'il n'y paraît: le débat théologique

sur la question de savoir si le meurtrier peut ou non être sauvé correspond en effet à ce que

nous considérons comme un problème de justice: le Président pourrait-il ou non bénéficier de

"circonstances atténuantes »? Oui, répondent certains débatteurs, parce qu'il agit par passion,

non, répondent les autres, parce qu'il le fait avec préméditation. Dans tous les cas, la

personnalité du personnage paraît intéressante et son comportement surprenant; mais le plus

intéressant sur le plan pédagogique est la découverte que font les élèves de ce qu'on appelle

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 136

"conflit d'interprétations" à l'occasion de leurs propres divergences d'opinion, sur le

personnage, mais surtout sur le texte. Et cet exemple montre de façon évidente comment

l'interprétation que l'on croit faire spontanément d'un texte ou d'un fait est en grande partie

déterminée par des codes, qui sont en l'occurrence ceux des genres littéraires; les élèves

comprennent également comment leur première réaction était biaisée par une attitude de

départ, une posture de lecteur, dont il n'a pas conscience. On peut citer dans le même ordre

d'idée le contresens fait par certains élèves sur l'incipit de Germinal qu'ils lisent comme le

début d'un conte fantastique s'ils sont friands de ce genre de littérature, et donc en partie

conditionné par elle; l'erreur en l'occurrence peut être fructueuse en ce qu'elle fournit

l'occasion d'un débat que l'on se gardera de trancher sans avoir fait chercher les indices

permettant de défendre une interprétation plutôt qu'une autre, ce qui implique la lecture de la

suite du récit. Les premières inférences du lecteur apparaissent comme des anticipations

adaptées ou non sur la suite du roman.

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 137

Conclusion Nous avons conscience de n’avoir fait qu’effleurer les problèmes de la lecture, de son

acquisition et des difficultés que l’on peut observer au collège; beaucoup reste à faire et nos

travaux ne constituent qu’un début. Mais si la recherche nous livre aujourd’hui des résultats

objectifs sur lesquels on peut s’appuyer, ceux-ci sont encore peu vulgarisés, et dans la

formation des maîtres, tout spécialement la formation continue de ceux qui n’ont pas connu

l’IUFM, mais surtout celle des professeurs du secondaire, tout reste à faire. Il serait

souhaitable à cet égard que la formation des professeurs d’école et celle de ceux du secondaire

ne soient pas aussi radicalement séparées que c’est le plus souvent le cas.

Enfin, le travail esquissé ici ne peut se faire, du moins en ce qui concerne le

déchiffrement, dans les classes hétérogènes, ni sporadiquement dans des groupes de niveaux

prévus à cet effet ; ce type de mesure convient en effet pour des élèves ayant des lacunes,

même de sérieuses difficultés correspondant au second niveau d’articulation, c’est-à-dire à ce

que nous évoquons ici dans notre seconde partie. Mais pour ceux qui n’ont pas encore

surmonté les difficultés du déchiffrement, la confrontation avec les autres est vraiment

cruelle, et surtout génératrice d’échec, parce qu’il est impossible au maître de gérer de trop

grand écarts et de reprendre les acquisitions des correspondances grapho-phonémiques en

faisant pratiquer par ailleurs et en même temps la lecture courante à des élèves qui en sont

capables, même s’ils ont des lacunes dans la maîtrise de l’écrit. On sait par ailleurs, par des

études de psychosociologie, qu’il est difficile à des sujets de communiquer quand de trop

grands écarts de références culturelles les séparent, parce que cela demande un effort de

décentrement trop coûteux ; mais que si ceux-ci ne sont pas trop importants, chacun fait son

« bout de chemin » vers l’autre. Ces observations valent pour les enfants comme pour les

adultes, car si l’on peut demander les efforts même les plus coûteux à l’enseignant, qui est

dans le cadre de son travail un professionnel de la relation, on ne peut le faire à des élèves

sans les mettre en difficulté sur le plan psychologique et sans compromettre, non seulement

leurs chances d’apprentissage, mais leurs possibilités d’intégrations. L’insécurité affective que

fait naître la confrontation à des systèmes de références trop éloignés des normes du milieu

provoque en effet bien souvent des réactions de repliement sur ces normes.

Il y a dans l’égalitarisme pédagogique le plus radical une naïveté qui recouvre une

forme d’ethnocentrisme culturel analogue à celui des partisans des Lumières qui au nom des

valeurs républicaines ont voulu apprendre à lire la même histoire nationale (et nationaliste) à

tous les petits français d’alors, quelle que fût leur couleur et leur origine. Sans renoncer aux

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 138

valeurs d’universalité, il nous faut encore apprendre à nous méfier d’un universalisme abstrait

qui fait fi des particularités culturelles et s’y oppose ; il faut d’ailleurs cesser d’opposer

l’universel et le particulier, sinon, paradoxalement, les possibilités d’intégration se réduisent

dans une culture qui paraît trop normative et imposée de l’extérieur. Ce que nous appellerons

l’égalitarisme abstrait nous paraît constituer aujourd’hui un obstacle à l’égalité réelle, même

si nous ne méconnaissons pas le danger de relégation qui menace à coup sûr toute structure

particulièrement prévue pour une population scolaire en difficulté. Il faut une forte volonté

politique et pédagogique pour créer des structures de remédiation qui ne soient pas de filières

de relégation, et pour cela un changement des mentalités est aussi nécessaire que des

aménagements institutionnels ; les tâches des maîtres qui se consacrent aux plus démunis

doivent être valorisées et valorisantes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, et les moyens, en

termes de formation des maîtres et d’allégement des effectifs, doivent aller en priorité aux

élèves qui en ont le plus besoin (là aussi l’égalitarisme abstrait, qui consiste à distribuer à tous

et partout les mêmes moyens, paraît pernicieux).

Cela ne nous conduit pas à remettre en cause le principe du collège unique, parce que

l’école nous paraît à coup sûr constituer un des lieux d’intégration stratégiques de notre

société. Nous souhaitons seulement voir émerger, avec la volonté politique forte que nous

avons évoquée, une vraie lucidité sur les inégalités réelles dont souffre notre société, qui sont

aussi préjudiciable au plan culturel qu’au plan socio-économique.

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 139

Liste des notions théoriques et des réflexions pédagogiques encadrées

• Le double niveau de l’articulation du langage et les types de difficulté de lecture

• Les compétences métalinguistiques (et métaphonologiques)

• Le problème du rattrapage des élèves les plus en difficulté au collège

• Implication psychopédagogique de la dimension métalinguistique du travail

• Phonologie et phonétique, phonème et prononciation ; usage de l’API

• Les variantes phonologiques, les divers ordres de pertinence des variations phonétiques,

en particulier leur pertinence sociolinguistique

• Statut de la didactique par rapport aux sciences de la discipline et à la pédagogie

• Les fonctions du langage et la fonction poétique de Jakobson

• Le rythme n’est pas la mesure, la prosodie n’est pas la métrique

• « S’enfermer pour s’en sortir »

• L’anaphore et la déixis ; anaphoriques et déictiques ; la coréférence

• Maîtrise de la langue et appartenance socioculturelle

• Les difficultés d’inférences relèvent de trois ordres de difficulté dans les textes

• La cohérence des textes et la progression de l’information

• Les effets de communication dans la narration, narrateur et narrataire

• Présentation par des psycholinguistes d’un texte utilisé comme test

• Lexique et vocabulaire

• Un exemple de complexité sémantique

• Les éléments de signification

• Les implicites, présupposés et sous entendus

• « Mais » entre logique et argumentation

• Les quatre sens de l’Ecriture appliqués au dernier paragraphe de Germinal

• Les notions de réception et d’horizon d’attente

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 140

Documents pédagogiques encadrés

Petits textes de facture poétique pour travailler la syllabation

• Le chat et le soleil

• Le printemps

• Le lézard et la lézarde

• La bise

• Quel temps de chien !

• Les étoiles filantes

• Gronderie

Les sons et les syllabes ; onomatopées de BD et mots monosyllabiques

• onomatopées ; les voyelles : les sons que l’on peut prononcer tout seuls

• onomatopées: les consonnes : les sons qu’on ne peut pas prononcer tout seuls

• les consonnes : des sons inarticulés (de quelqu’un qui n’arrive pas à prononcer)

• les consonnes qu’on peut prononcer seules en soufflant ou en sifflant

• onomatopées : des bruits composés de consonnes que l’on comprend sans les prononcer

ou difficilement

• onomatopées : des bruits formés de consonnes qu’on peut prononce en soufflant ou en

sifflant

• onomatopées : des bruits formés de groupes de consonnes

• onomatopées : des bruits formés de groupes de consonnes avec le son « ill » ou le sons

« w »

• onomatopées : des syllabes où l’on entend une consonne + une voyelle

• onomatopées : des syllabes où l’on entend une voyelle + une consonne

• monosyllabes formés d’une consonne + une voyelle + une consonne

• onomatopées formées d’une consonne + une voyelle + une consonne

• monosyllabes formés d’un groupe consonnique + une voyelle

• onomatopées formées d’un groupe consonnique + une voyelle + une consonne

• monosyllabes formés d’un groupe consonnique + une voyelle + une consonne

• monosyllabes formés d’un groupe consonnique + une voyelle + une semi-consonne

• onomatopées formées d’une consonne + une voyelle + une semi-consonne

• monosyllabes et mots de deux syllabes formés d’un groupe consonnique + un voyelle

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 141

• monosyllabes et mots de deux syllabes formés d’un groupe consonnique + une semi-

consonne + un voyelle + une consonne finale ou un groupe consonnique final

• onomatopées de BD articulant plusieurs syllabes

Chansons populaires et « phonétines » ; quelques graphèmes complexes

• Le joli geai

• Compagnons de la marjolaine

• Compère Guilleri

• Je suis allé dans mon jardin

• Le chat Samson et Sissy d’Annecy (phonétine en S et Ch)

• Le kaki et le kiwi

• La pluie

• Le cri blanc de la craie

• La plus jeune fée

• Quelques « manchettes méchantes » extraites de La vie des mots l’ami des veaux

Textes permettant de comprendre les difficultés d’inférences et d’améliorer cette

compétence

• « Le Bouillon »

• Test de compréhension

• Un fragment de Pagnol

• Les difficultés de ce fragment

• L’incipit du Chien du roi Arthur

• L’incipit du Coupeur de mots

• Les procédés mobilisés dans Le Coupeur de mots

• Rose-Neige et Rouge–Rose

• Le démarrage du récit dans un conte

• Le pays des ombres

• La danse de Brisane

• Découvrir la déixis dans le commentaire d’une illustration de Kipling

• La dédicace du Petit Prince

• L’épilogue du Petit Prince

• La communication dans l’épilogue du Petit Prince

• Les souris plus malignes que le chat

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 142

Exercices destinés à construire des compétences grammaticales

• Questionnaire de compréhension (sur le texte précédent)

• Texte à trous (le même, pour des élèves différents)

• Autre exercice à trous sur le même texte

• Exemple de tableau sur le groupe nominal fait à partir d’une lecture

• Première leçon de syntaxe : les parties de la phrase simple

• Les déterminants : cherchez en vous aidant du cahier les déterminants qui conviennent

• Deux exemples de tableaux de déterminants possessifs à remplir en raisonnant

• Les pronoms : cherchez en vous aidant du cahier les pronoms qui conviennent

• Bilan : l’épreuve finale imposée à Paul par Filolog

• Un exemple d’analyse grammaticale faite dans un texte

• Suite de phrases simples à transformer pour former le résumé d’un conte

• Corrigé du résumé avec consignes d’observation

• Même exercice à partir d’un roman-photo pour la jeunesse

• Corrigé du résumé avec consignes d’observation

• Petite leçon de morale de classe pour distinguer les adjectifs en –if , en –ible et en –able

Activités destinées à faire apprivoiser la diversité déstabilisante du sens

• Quand les mots se déguisent et déguisent les choses : « Premier sourire du printemps »

• Recette pour déguiser des personnages en en fleurs et des fleurs en personnages

• Un dialogue extrait du Chien du roi Arthur

• Ce qu’on apprend un lisant « entre les lignes » un dialogue de roman (questionnaire-

guide)

• Suite du dialogue : Oscar ou la « Vengeance de Dieu »

• Des extraits de Rose Blanche

• « Bredoulocheux »

• Alice apprend à interpréter un texte

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 143

Bibliographie raisonnée Sur l’acquisition de la lecture et ses difficultés:

• Observatoire national de la lecture, Apprendre à lire, CNDP, éditions Odile Jacob, 1998 ;

• Id. Maîtriser la lecture, mêmes éditeurs, 2000 ;(deux ouvrages essentiels et accessibles)

• Collectif : Les entretiens Nathan sur la lecture, Nathan, 1991 ;

• Collectif, dirigé par Pierre Lecocq, La lecture, processus, apprentissages, troubles, PU de

Lille, 1992 ;

• Collectif : Lecture, écriture acquisition, les actes de la villette, dirigés par J.-P. Jaffré, L.

Sprenger-Charolles et M. Fayol, Nathan, 1993 ;

• José Morais, L’art de lire, Odile Jacob, 1994 ;

• Liliane Sprenger-Charolles et Séverine Casalis, Lire, lecture et écriture, acquisition et

troubles du développement, PUF, 1996

• Jean-Emile Gombert, Le développement métalinguistique, PUF, 1990 ;

• C. Golder et D. Gaonac’h, Lire et comprendre Psychologie de la lecture, collection

« Profession enseignant », Hachette Education, 1998, un manuel très bien fait sur les

questions évoquées par les ouvrages cités supra ;

• Christine Egaud, Les troubles spécifiques du langage oral et écrit Les comprendre, les

prévenir et les dépister, CRDP de Lyon, 2001 ; l’auteur est médecin et présente les

troubles du langage qu’il ne revient pas à l’enseignement de guérir mais que l’on doit

connaître ;

• Jacques Crinon et Denis Legros (sous la direction de), Lecture et écriture à l’école Tome 1

cycles 1 et 2, CRDP de Créteil, 1999.

Sur l’illettrisme et les difficultés d’acquisition de la lecture

• Collectif, sous la direction de J.-M. Besse, M.-M. de Gaulmyn, D. Ginet, B. Lahire,

L’illettrisme en questions, PU de Lyon, 1992 ;

• Jean-Marie Besse, L’écrit, l’école et l’illettrisme, Magnard, 1992 ;

• Alain Bentolila, De l’illettrisme en général et de l’école en particulier, Plon, 1998 ;(un

ouvrage de vulgarisation qui pose de vrais problèmes mais dans des termes qui suscitent

parfois des réserves, notamment quand il parle d’ »autisme social » pour l’enfermement

socio-culturel)

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 144

• Bernard Lahire, L’invention de l’illettrisme, La Découverte, 1999 ; (où l’on trouve une

analyse de sociologie critique des discours sur l’illettrisme, et notamment une critique

vigoureuse, mais parfois polémique du précédent)

Anthologies ou recueils de textes permettant de travailler les compétences

métaphonologiques

• Dominique Valls et Florence Mac Kenzie, Phonétines, Castor Poche, Flammarion, 1992 ;

(un outil de travail remarcable et souvent délicieux) ;

• Joël Martin et Rémi Le Goistre, La vie des mots, l’ami des veaux, Albin Michel ;

(beaucoup de trouvailles, à manier avec précautions) ;

• Claude Roy, La poésie populaire, Seghers, 1954 (un réservoir inépuisable,

malheureusement non réédité)

• Jacques Charpentreau et Georges Jean, Dictionnaire des poètes et de la poésie, Gallimard,

Folio junior, 1983 ; (un ouvrage très utile de l’école élémentaire au baccalauréat,

malheureusement épuisé) ;

• L. Wouters, Ca rime et ça rame, anthologie thématique des poètes francophones de

Belgique, Labor, Bruxelles, 1985 (le titre est révélateur des choix, souvent axés sur la

fabrication du texte par les jeux de langage, mais où l’on découvre aussi des poèmes

authentiques) ;

• Théophile Gautier, Emaux et camées, NRF Poésie Gallimard, 1981 ;

• Jean Tardieu, Au chiffre des grands hommes, in Œuvres posthumes du professeur

Froeppel, Gallimard, 1978, réédité en collection de poche L’imaginaire ;

• Marie-Claire et Serge Martin, Les poèmes à l’école, Bertrand-Lacoste, 1997 ; (une

véritable initiation à la poésie, ce qui n’est pas ici notre objet, mais n’en est pas moins

essentiel à nos yeux, où l’on trouvera également de petits textes utiles pour notre travail) ;

• Anne-Marie Hubat-Blanc, Poésie et poétiques, CRDP d’Amiens, 1998 (pour une mise au

point sur les notions de rythme et de fonction poétique) ;

• Id, Réapprendre à lire au collège : déchiffrer, décoder, raisonner, à paraître au CRDP

d’Amiens;

Ouvrages de référence sur le langage :

• Alfred Tomatis, L’oreille et le langage, collection Point sciences, Seuil, 1978 ; (un livre

essentiel, un peu oublié)

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 145

• Roman Jacobson, Essais de linguistique générale, Poit, Seuil, 1963 ; (en particulier pour

les « fonctions poétiques ») ;

• Emile Benveniste, Problèmes de linguistique générale, deux tomes, collection Tel,

Gallimard, 1966 et 1974 ;(en particulier pour l’énonciation) ;

• Henri Meschonnic, Critique du rythme, Verdier, 1982 ; (sur la différence entre rythme et

mètre notamment ; un livre essentiel mais difficile et dérangeant, qui sans avoir une

incidence directe sur le présent travail, a été déterminant pour toute notre réflexion) ;

Article, manuels de grammaire moderne et recueils de séquences pédagogiques :

• J.-L. Chiss, « La didactique du français et la linguistique appliquée », in La méthode et les

méthodes : didactiques et pédagogie, Actes de l’Université d’automne, CRDP d’Amiens,

1995 ;

• Collectif, sous la direction d’A. Bentolila, Maîtrise de l’écrit, Nathan, 6ème et 5ème (des

manuels qui sont aussi des recueils de textes et de documents, et qui intègrent sous une

forme pédagogique les acquis récents);

• Jean-Louis Chiss et Jacques David, Grammaire et orthographe, collection « le Robert et

nathan », Nathan, 2000 ;

• Emile Genouvrier et Claudine Gruwez, Français et exercices structuraux, quatre volumes

(du CE 1 au CM 2, Larousse, 1773 ; ces ouvrages anciens restent en partie utilisables

(sans l’appareil trop lourd des schémas en arborescence et de la terminologie de l’époque).

• Anne-Marie Hubat-Blanc, Bâtir une progression en 6ème pour la littérature de jeunesse

pour des élèves en difficulté, CRDP d’Amiens, 2003 ;

• Id. Articuler le travail sur la langue et les textes en 3ème, CRDP d’Amiens, 1999 ;

Ouvrages de référence en sémantique et lexicologie :

• Jacqueline Picoche, Lexicologie française L’étude et l’enseignement du vocabulaire,

Nathan Université, 1992 ;

• Georges Mounin, Clefs pour la sémantique, Seghers, 1972 ;

• Osvald Ducrot, Les mots du discours , Minuit, 1980 ;

• Id., Le dire et le dit, Minuit, 1984 ;

Ouvrages de sémiotique, de grammaire textuelle et sur le récit :

• Umberto Eco, Sémiotique et philosophie du langage, PUF, 1988 pour la traduction

française ;

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 146

• Jean-Michel Adam, Le récit, Que sais-je, PUF, 1984 ;

• Michel Fayol, Le récit et sa construction, une approche de psychologie cognitive,

Delachaux et Niestlé, 1885 ;

• Bernard Combettes, Pour une grammaire textuelle, la progression thématique, De Boeck-

Duculot, 1988 ;

Articles de vulgarisation et de didactique :

• Serge Evrard, « Un apprentissage continu de la lecture au service de la lecture littéraire »

(sur les implicites en particulier), in Pour une lecture littéraire, Actes du colloque de

Louvain-la-Neuve, De Boeck-Duculot, 1996 ;

• Anne-Marie Hubat-Blanc, « Quelques exemples et quelques analyses de résistances

d’élèves à l’étude littéraire », in Pour une lecture littéraire, op. cit. ; (où l’on a croisé les

modèles théoriques des cadres de l’expérience de Goffman et ceux de l’acte de lire de W.

Iser, deux ouvrages cités ci-dessous, pour comprendre l’agressivité des élèves devant des

faits de langage ou de littérature) ;

• Id., « Comprendre les résistances à l’acculturation scolaire », in Le Français Aujourd’hui,

n° 100, Langue et culture, décembre 1992 ;

• Id., Lire et raisonner avec méthode en français, CRDP d’Amiens, 1995 ; (réflexion sur la

didactique du français au lycée liée en partie aux I.O. d’avant 2000)

• Id., Enonciation et argumentation, CRDP d’Amiens, 1998 ; (pour une initiation

linguistique et pragmatique) ;

Ouvrages de réflexion sociologique et sociolinguistique

• Henriette Walter, Le français dans tous les sens, Robert Laffont, 1988, réédition en livre

de poche ; (une réserve d’informations passionnantes sur la diversité de notre langue) ;

• Robert Castel, « Le roman de la désaffiliation A propos de Tristan et Iseult », in Le débat,

n° 61, septembre-octobre 1990 ; (une notion essentielle et insuffisamment exploitée en

sciences de l’éducation) ;

• Jean-Pierre Terrail, Destins ouvriers La fin d’une classe ?, PUF, 1990 ;

• Erving Goffmann, Les cadres de l’expérience, Minuit, 1991 ; (une étude bien connue des

linguistes et psycholinguistes, sur le fonctionnement de nos références inconscientes dans

l’expérience quotidienne) ;

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 147

Ouvrages sur la lecture, la littérature :

• Vincent Jouve, La lecture, Hachette supérieur, 1993 ; (ouvrage d’introduction à la critique

littéraire sur la lecture, où il est notamment question des quatre niveaux de l’interprétation

allégorique) ;

• Pierre Monet, article « Allégorie » in Dictionnaire du Moyen Age, dirigé par Cl. Gauvard,

A. de Libéra et M. Zink, PUF collection « Quadrige », 2002

• Wolgang Iser, L’acte de lire Théorie de l’effet esthétique, Mardaga, 1985 ;

• Hans-Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, Gallimard, 1978, réédition en

collection « Tel » ;

• Jean-Pierre Vernant, « Œdipe sans complexe », in Mythe et tragédie en Grèce ancienne,

Maspéro, 1982, réédité en Poche La Découverte, 2001 ;

• Gérard Genette, « Métonymie chez Proust », in Figure III, Seuil, 1972, réédité en

collection Point ;

• Paul de Man, Allégories de la lecture, Galilée, 1989 ;

• Karl Löwith, Histoire et salut, présupposés théologiques de la philosophie de l’histoire,

NRF Gallimard, 2002 ; (le premier ouvrage sur la notion de « laïcisation » des valeurs

théologiques, où il est question, entre autres, des conception de Bossuet et de Voltaire) ;

• Collectif, Tristan et Iseult, les poèmes français et la saga noroise, Livre de poche,

collection Lettres gothiques, 1989 ;

• Lewis Carroll, De l’autre côté du miroir in « Tout Alice », traduction d’H. Parisot

Flammarion, 2000 .

• Marguerite de Navarre, L’Heptaméron, Garnier-Flammarion, 1982.

Ouvrages de littérature de jeunesse utilisés

• Innocenti, Rose Blanche, Gallimard, 1990 ;

• Rudyard Kipling, Histoires comme ça, Gallimard

• Joël Martin, Contrepétarades, Seuil, 1994 (contrepèteries adaptés aux élèves) ;

• J.-H. Oppel, Trois fêlés et un pendu, Syros, 1994 un « polard » adapté à des lecteurs

débutants et dont le genre est assez ambigu, du moins au début, pour faire chercher les

élèves) ;

• H.-J. Schlädlich, Le coupeur de mots, Castor Poche, Flammarion,1990 (une sorte de

« remake » des contes romantiques allemands sur le thème du pacte démoniaque, écrit

dans un langage très simple, qui permet à la fois des travaux sur les deux niveaux

d’articulation et une initiation littéraire) ;

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 148

• Jean Tardieu, Je m’amuse en rimant, 2 volumes, Gallimard, 1992 (édition pour la jeunesse

des textes en vers de mirliton du professeur Froeppel) ;

• Odile Weulersse, Le chien du roi Arthur, Kid Pocket, 1994 (une délicieuse fantaisie sur le

thème arthurien, où l’on ne fait que croiser les chevaliers de la Table Ronde, mais où l’on

apprend à lire intelligemment).

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 149

Table des matières Introduction

Première partie : déchiffrer, décoder

Chapitre I : les difficultés d’apprentissage

• Les étapes de l’apprentissage

• Les élèves non lecteurs ou très faibles lecteurs en 6ème

Chapitre II : Les compétences métaphonologiques

• les caractéristiques du codage alphabétique, le rôle de la lettre et les difficultés du système

graphique du français

• les voyelles et les semi-consonnes

• les consonnes

• les principaux phonèmes du français

• les divers types de syllabes

Chapitre II : développer des habiletés

• développer les compétences métalinguistiques : la syllabation

• les sons du langage et leur écriture

• les ressources des onomatopées de BD

• la poésie populaire et les « phonétines » : la révision ou le réapprentissage des règles

d’écriture des phonèmes, en particulier des graphèmes complexes

Deuxième partie : décoder, comprendre

Chapitre I : les difficulté de compréhension liées aux désignations et à l’organisation des

textes

• situations d’observation des désignations et de repérage au cours des lectures

• les difficultés de lecture tiennent à la diversité des niveaux de pertinence où les mots font

sens, c’est-à-dire à la complexité textuelle

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 150

Chapitre II : des situations où la difficulté est explicitée, où la complexité est décomposée

autant que possible, pour un apprentissage progressif

• quelques situations pour étudier en particulier les problèmes de coréférence et les chaîne

anaphoriques

• travailler sur les déictiques et les anaphoriques, et sur l’indexation du discours à une

situation ou à des objets de perception

Chapitre III : les apprentissages fondamentaux en grammaire

• un exemple de travail sur les anaphoriques pour distinguer les divers niveaux d’habileté

des élèves dans la compréhension

• proposition pour un travail en groupes de niveaux différents sur un même texte avec des

tâches distinctes

• le groupe nominal : réviser ou réapprendre à distinguer les différentes formes de pronoms

et de déterminants

• récapitulation des acquis en morphosyntaxe : Le coupeur de mots

• initiation à la syntaxe : de la phrase simple à la phrase complexe

Troisième partie : comprendre, interpréter

Chapitre I : les ambiguïtés et les ambivalences du « sens »

• apprendre à enrichir le vocabulaire et à découvrir le lexique du français

• la résistance à l’acculturation scolaire et les malentendus sur le sens des mots

• les difficultés qui tiennent à la figuralité du langage et à l’instabilité de la représentativité

que l’on attribue aux mots

Chapitre II : l’interprétation, discipline rigoureuse et indéfinie

• les implicites ou les inférences ou les déductions qu’ils impliquent

• présupposés et attentes du lecteur

• l’allégorie et l’interprétation des textes

• difficultés de lecture et cadres de références

• notion de réception et d’horizon d’attente, l’importance du genre littéraire et du conflit

d’interprétation

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Anne-Marie Hubat-Blanc. Comprendre les difficultés de lecture des élèves et y remédier. CRDP de l’académie d’Amiens, 2009. 151

Conclusion

Liste des encadrés sur des notions théoriques et documents pédagogiques

Bibliographie commentée