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©Juritravail 2006 - www.juritravail.com : L'info pratique en droit du travail (convention collective, code du travail et toutes les réponses à vos questions par des avocats et juristes). COMMENT FAIRE FACE AU HARCELEMENT MORAL ET SEXUEL Guide pratique L'info pratique en droit du travail.

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©Juritravail 2006 - www.juritravail.com : L'info pratique en droit du travail

(convention collective, code du travail et toutes les réponses à vos questions par des avocats et juristes).

COMMENT FAIRE FACE AU HARCELEMENT MORAL ET SEXUEL

Guide pratique

″L'info pratique en droit du travail.″

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(convention collective, code du travail et toutes les réponses à vos questions par des avocats et juristes).

Sommaire I.- LE HARCELEMENT SEXUEL. COMMENT AGIR EN JUSTICE ?

1. Agir devant le Conseil des Prud’hommes 2. Agir devant les juridictions pénales

COMMENT PROUVER LE HARCELEMENT SEXUEL ?

1. Du nouveau quant à la preuve : c’est essentiellement à l’employeur de se justifier

2. Quel type de preuve apporter ? o Le « harceleur » est un collègue de travail o Le « harceleur » est votre employeur

II.- LE HARCELEMENT MORAL. A PARTIR DE QUAND PARLE-T-ON DE HARCELEMENT MORAL ?

1. Définition du harcèlement moral selon votre situation

Le harcèlement des salariés Le harcèlement dans la fonction publique Le harcèlement pour les non salariés Les juges se prononcent en fonction de votre situation

particulière

2. Comment être sûr que vous subissez un harcèlement moral ?

Les multiples visages du harcèlement On porte atteinte à vos droits On porte atteinte à votre dignité On porte atteinte à votre santé physique et morale

Exemples de situations qualifiées de harcèlement

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COMMENT FAIRE CESSER LE HARCELEMENT ?

1. La phase pré-contentieuse. 2. Comment agir en justice ?

► Que vous soyez salarié ou non

La juridiction civile o Engager la responsabilité contractuelle du « harceleur » o Engager la responsabilité délictuelle du « harceleur »

La juridiction pénale ► Si vous êtes salarié

Agir vite par la voie du référé

o Vous estimez que votre employeur n’a pas exécuté son contrat de bonne foi o Vous estimez que vous avez été victime de discrimination o Ou encore …

Augmentez vos chances de gagner en préparant la

procédure contentieuse

Comment prouver votre harcèlement ? COMPRENDRE LE HARCELEMENT MORAL

1. Qu’est ce qui motive le harcèlement moral ? Le harcèlement pervers Le harcèlement démissionnaire Le harcèlement stratégique

2. Le harcèlement dans la fonction publique 3. Le rôle de l’organisation de l’entreprise dans les cas de harcèlement 4. Existe-t-il une victime type ?

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III- PREVENTION ET SANCTION DU HARCELEMENT MORAL ET SEXUEL.

COMMENT EVITER UNE SITUATION DE HARCELEMENT ?

1. Le rôle de l’employeur 2. Le rôle des représentants du personnel

Le CHSCT Les délégués du personnel Le médecin du travail

3. En cas de harcèlement quand doit-on se tourner vers la médiation ?

COMMENT SERA SANCTIONNE VOTRE HARCELEUR ?

1. Sanctions disciplinaires. 2. Sanctions civiles. 3. Sanctions pénales.

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AVERTISSEMENT :

Ce document ne dispense en rien de consulter un spécialiste pour adapter au besoin les règles au cas par cas.

Il résulte de ce qui précède que la responsabilité de l’auteur ne saurait être

recherchée du fait de l’utilisation du guide et des modèles ci-après sans qu’il n’ait été fait appel à une analyse au cas par cas de la situation.

Les exemples de jurisprudence sont donnés à titre purement indicatif et ne

sauraient en aucun cas constituer une garantie de l’orientation de la jurisprudence.

Toujours garder à l’esprit le principe de l’appréciation souveraine des juges du

fond, in concreto, variable d’un Conseil de Prud’Hommes à l’autre.

Par conséquent, il est en toutes circonstances impératif de solliciter les conseils d’un professionnel, avant toute action.

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COMMENT FAIRE FACE AU HARCELEMENT MORAL ET SEXUEL

Harcèlement sexuel (I) et moral (II) sont deux formes distinctes d’agression du travailleur mais qui se rapprochent dans les modalités de leur prévention et sanction (III). I.- LE HARCELEMENT SEXUEL.

Dans le Code du Travail, le harcèlement concerne les « agissements de toute personne dont le but est d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers » (art. L. 122-46 du Code du travail).

Un seul acte peut constituer un harcèlement sexuel alors qu’il faut des agissements répétés en matière de harcèlement moral.

Le harcèlement sexuel met en cause deux personnes :

- un salarié, homme ou femme ; il est à noter que sont concernés non

seulement les victimes « salariées » mais aussi les marins, les employés de maison, les concierges et employés d’immeubles ainsi que les agents de la fonction publique; il subsiste toutefois certaines incohérences dans le droit positif : ainsi, par exemple, un professionnel de santé harcelé par un client n’entre pas dans le champ de la loi et n’est donc pas protégé.

- une personne, homme ou femme, qui exerce une pression d’ordre

sexuel ; il peut s’agir de toute personne, employeur, personne qui se substitue à lui, collègues de travail… ;

Jusqu'à la loi de modernisation sociale, le harcèlement n’était retenu que s’il était lié à un « rapport d’autorité », ce qui excluait précisément le harcèlement entre collègues ou « harcèlement horizontal » ; Il est désormais admis « qu’aucun salarié », sans considération de lien de subordination, « ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral (ou sexuel) » (art. L. 122-49 du Code du Travail). Dans la pratique, le harcèlement sexuel prend diverses formes :

- chantage à la promotion, - chantage à l’embauche, - avances sexuelles physiques ou verbales, - menaces de représailles en cas de refus de se soumettre à une

sollicitation d’ordre sexuel ... . Ce harcèlement, de par sa nature même, est particulièrement insidieux : il s’exerce

de manière discrète, voire honteuse, son auteur mettant le plus souvent à profit sa relation d’autorité.

ATTENTION

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Enfin, en règle générale et pour des raisons évidentes, cette forme de harcèlement

ne cherche pas le départ du salarié. Les candidats à un emploi et les salariés sont protégés à l’occasion de l’embauche,

un stage, une période de formation de l’entreprise, au cours du contrat de travail et lors de sa rupture et contre toute décision discriminatoire s’ils ont subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement (cf. art. L.122-46 Code Travail). Toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit.

Cette protection est également étendue aux fonctionnaires (art. 6 ter précité de la loi du 13 juillet 1983).

COMMENT AGIR EN JUSTICE ? Avant d’agir en justice, il est toujours conseillé à la victime du harcèlement d’adresser à l’employeur une lettre recommandée avec accusé de réception faisant état des agissements ; une copie doit être envoyée à l’Inspecteur du Travail qui doit tenir pour confidentielle la source de la plainte. Les agents du secteur public s’adresseront directement à leurs chefs de service ou à leurs syndicats.

1. Agir devant le Conseil des Prud’hommes

La victime salariée peut également engager une action devant le Conseil de Prud’Hommes (C.P.H.) et demander des dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité civile ; elle peut agir éventuellement par la voie du référé prud’homal, le juge pouvant ordonner de faire cesser immédiatement le trouble manifestement illicite.

Si les agissements sont le fait d’un groupe de salariés (« harcèlement horizontal »),

l’action sera plus délicate car la Cour de cassation ne retient plus la théorie de l’action in solidum en présence d’actes illicites commis à l’occasion de conflits collectifs ; il faudra alors démontrer un dommage réparable causé personnellement par l’auteur, le préjudice résultant du « comportement incriminé » ;

Dans un tel cas, il sera alors préférable de demander aux organisations syndicales représentatives ou au délégué du personnel d’exercer leur action de substitution (cf. art. L. 123-6 Code Travail)

En effet, par dérogation au principe « nul ne plaide par procureur », la victime qui ne

s’est pas opposée dans les 15 jours à l’intention écrite du syndicat d’agir pour elle, peut se faire substituer par ledit syndicat qui va exercer une action devant les juridictions pénales avec une restriction de la publicité des débats selon les dispositions du Code de Procédure Pénale (art. 2-6) ; le syndicat n’a pas alors à justifier d’un mandat spécial et la victime pourra toujours intervenir à l’instance qui a été engagée.

Par ailleurs, toute association régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans à la

date des faits qui se propose par ses statuts de combattre les discriminations fondées sur

RAPPEL

CONSEIL

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le sexe ou les mœurs peut également exercer les droits reconnus à la partie civile ; elle doit alors justifier avoir reçu l’accord écrit de la personne intéressée.

2. Agir devant les juridictions pénales

Au pénal, la victime agira sur le fondement de l’article 222-33 du Code Pénal qui

réprime le « fait de harceler autrui en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle » ; elle procédera par voie de citation directe contre l’auteur, en déposant, le cas échéant, une consignation, ou déposera une plainte auprès du Procureur de la République ou du commissariat de police, de la gendarmerie ou du Doyen des Juges d’Instruction près le Tribunal de Grande Instance ; l’auteur encourt alors une peine d’un an d’emprisonnement ainsi qu’une amende de 15.000 € ; il doit être démontré qu’il a usé d’ordre, de menaces ou de contrainte par abus de l’autorité que lui conférait ses fonctions ; la victime qui a mis en œuvre l’action civile pourra obtenir des dommages-intérêts.

Les débats auront lieu à huis clos ou en Chambre du conseil à la demande de l’une des parties ; cette mesure permet souvent à l’auteur du harcèlement d’éviter une publicité de l’affaire.

COMMENT PROUVER LE HARCELEMENT SEXUEL ?

Du nouveau quant à la preuve : c’est essentiellement à l’employeur de se justifier

En Droit du travail, l’administration de la preuve est beaucoup plus complexe qu’en droit commun où c’est en principe le demandeur (donc vous), selon l’article 1315 du Code Civil, qui doit apporter la preuve de ce qu’il avance.

Le régime de la charge de la preuve varie en fait selon la nature du litige ; ainsi, en matière de harcèlement sexuel, la Cour de cassation a estimé récemment que le salarié doit « soumettre au juge les éléments de fait susceptible de caractériser une atteinte au principe d’égalité de traitement » et qu’il « incombe à l’employeur [...] d’établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments subjectifs étrangers à toute discrimination ». Autrement dit, le salarié doit exposer au juge les événements et actions qu’il considère comme étant caractéristique du harcèlement. Face à cela, l’employeur doit démontrer qu’il a agit en toute objectivité sans intention discriminatoire.

La juridiction suprême, en s’inspirant de directives européennes sur les

discriminations, met donc fin à une jurisprudence constante qui obligeait la victime à faire la preuve des faits de harcèlement sexuel, de l’acte discriminatoire et de montrer le lien de causalité entre les deux, ce qui réduisait considérablement les chances de voir sa demande prospérer.

On peut se féliciter évidemment que la Chambre sociale vienne au secours des

salariés mais l’allègement « du fardeau probatoire du demandeur victime » qu’elle autorise met aussi l’employeur dans une situation délicate dans la mesure où il doit apporter la preuve « d’un fait négatif » et qu’il doit fonder sa défense sur des éléments

REMARQUE

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« objectifs » et non « subjectifs » comme « l’intuition, la sympathie ou le dynamisme » ; on sait le rôle souvent déterminant que jouent ces éléments dans les relations du travail.

Quel type de preuve apporter ?

La preuve résulte d’un faisceau d’indices concordants, de plaintes convergentes concernant la même entreprise ou la même personne, d’une rupture inexplicable dans la carrière d’un salarié ou d’un fonctionnaire bien noté et bien apprécié. C’est une accumulation de faits qui va donner du poids à la demande de la victime.

Il est à noter que la jurisprudence rejette le témoignage d’un enfant de la victime, d’un salarié de la même entreprise ou encore l’attestation fournie par la compagne de la victime.

o Le « harceleur » est un collègue de travail Lorsque l’action est dirigée contre des salariés de l’entreprise (« harcèlement horizontal »), le régime de la preuve répond aux dispositions de l’article L. 122-52 du Code du Travail : il incombe à la partie défenderesse (le « harceleur ») de prouver que les agissements incriminés ne sont pas constitutifs d’un harcèlement mais justifiés par « des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement » ; le juge formera sa conviction après avoir, ordonné, le cas échéant, toutes mesures utiles d’instruction.

o Le « harceleur » est votre employeur

Les difficultés probatoires s’ajoutent alors au problème de la détermination de l’auteur responsable qui peut être l’employeur en fonction de la responsabilité civile du commettant ou en fonction d’une négligence ou d’une faute dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire ; dans ce dernier cas, on appliquera le régime de preuve prévu en matière de droit disciplinaire selon les dispositions de l’art. L. 122-43 du Code du Travail ; l’employeur et le salariés présentent des éléments à l’appui de leurs allégations et le conseil de Prud’Hommes forme sa conviction ;

Face au juge, le doute profite au salarié.

ATTENTION

REMARQUE

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La nécessité d’un faisceau d'indices concordants suffisants pour établir la réalité des faits : L’accusé avait été en contact régulier avec la victime à l'occasion d'audits, de séminaires et de diverses rencontres professionnelles ainsi que par téléphone. Il avait commencé par des compliments qui visaient à créer avec elle un climat de confiance. Par la suite, au travers de propos graveleux orientés sur son physique, il lui faisait comprendre son souhait d'avoir avec elle des relations sexuelles, souhait réitéré de façon plus précise et insistante auprès d'elle, après qu'il lui ait proposé des enquêtes supplémentaires. Il lui avait signifié qu’elle pourrait bénéficier d'un avantage pour son travail en la faisant venir dans sa chambre lors d’un séminaire. Ainsi, l’accusé avait exploité la vulnérabilité de la victime du fait de ses résultats jugés insuffisants. Il avait utilisé la situation de contrainte psychologique dans laquelle il l'avait placée pour obtenir ses faveurs sexuelles et à cette fin avait abusé de son autorité. Les juges ont estimé que le harcèlement sexuel était caractérisé du fait du faisceau d’indices. (Témoignages de personne de l’entreprise et extérieur à l’entreprise) (Arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 23 octobre 2002) Les éléments de fait présentés au juge doivent être en relation directe avec la victime : La salariée avait présenté aux juges des attestations de salariés ayant surpris l’accusé au cours de gestes déplacés à l’encontre de deux autres salariés. Cependant, les juges ne peuvent pas fonder leur décision sur des faits concernant d’autres salariés de l’entreprise. En effet, le fait que l’accusé ait déjà harcelé d’autres salariées ne suffit pas à prouver que la victime ait elle-même était harcelée. (Arrêt de la 2ème chambre civile de la cour de cassation du 13 janvier 2005) Licenciement suite à des faits de harcèlement sexuel : Une salariée estimait avoir été licenciée suite à son refus de céder à des avances de nature sexuelle. Elle souhaité obtenir l’annulation de son licenciement. Dans un tel cas, même si le harcèlement sexuel est prouvé, il est nécessaire de faire le lien entre le licenciement et ce harcèlement sexuel. Autrement dit, le lien ne sera pas d’office fait par les juges. (Arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 20 avril 2005)

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II.- LE HARCELEMENT MORAL. A PARTIR DE QUAND PARLE-T-ON DE HARCELEMENT MORAL

1. Définition du harcèlement moral selon votre situation

Le harcèlement des salariés Le harcèlement moral ou « psycho-terreur » a toujours existé dans le monde du travail mais il n’a été réellement identifié et dénoncé que récemment par la communauté intellectuelle et scientifique.

La jurisprudence prendra ensuite le relais en considérant que cette forme

particulièrement odieuse de harcèlement repose « sur de multiples faits qui peuvent paraître insignifiants, difficilement prouvables et apparaissant comme subjectifs, qui se retournent souvent sur la victime (...) présentée et considérée, par celui ou ceux qu’elle accuse, comme obsédée et délirante (...) » ; c’est la répétition de ces faits qui font que « l’empiétement sur le psychisme d’autrui devient une agression qui finit par être acceptée par ceux qui en sont le témoin (...) ».

Finalement, après une longue gestation et avec la conviction qu’il était opportun de légiférer sur un phénomène aux contours « nécessairement imprécis », la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 (art. 169) intégrait le harcèlement moral dans le Code du Travail avec une définition très large :

« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement

moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel »1.

Le terme « salarié » employé par la loi peut prêter à confusion. En effet, il semble exiger l’existence d’un lien juridique (contrat de travail) entre la

victime et l’auteur du harcèlement, ce qui revient à écarter du champ d’application de la protection les « non-salariés » ou, même si c’est plus rare, l’employeur lui-même victime d’actes de harcèlement (c’est ce que les auteurs appellent le « harcèlement vertical ascendant »).

Il appartiendra à la jurisprudence de se prononcer sur l’interprétation extensive ou

restrictive de l’article L. 122-49.

Le harcèlement dans la fonction publique

1 Art. L.122-49 alinéa 1 du Code du Travail.

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Une définition du harcèlement est désormais appliquée aux fonctionnaires : « aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ;

Le harcèlement pour les non salariés Pour les « non salariés », il sera toujours préférable de recourir à l’action pénale, le

Code Pénal ne faisant nullement référence au statut de la victime pour fonder la répression d’agissements de harcèlement moral.

Les juges se prononcent en fonction de votre situation particulière

La loi donne au juge plein pouvoir d’appréciation ; les tribunaux devront là encore se

prononcer, probablement « en fonction de la gravité et de l’intensité des agissements » ; il a été récemment jugé que deux sanctions disciplinaires irrégulières ne constituent pas un harcèlement moral.

Il faut rappeler que, pendant longtemps, les agissements de « harcèlement » ont été

considérés par les tribunaux français comme un comportement fautif, excessif, agressif, abusif ou vexatoire qui n’avait pas un contour juridique précis ; la loi de modernisation sociale apporte désormais au harcèlement moral un contours plus net mais qui laisse encore aux tribunaux un pouvoir d’interprétation important en ce qui concerne des faits qui revêtent un aspect psychologique, donc propices à une grande subjectivité.

2. Comment être sûr que vous subissez un harcèlement moral ?

Les multiples visages du harcèlement Le harcèlement moral recouvre une multitude de situations visant toutes à déstabiliser le salarié, à dégrader les conditions humaines, relationnelles et matérielles de son travail ; les agissements pris isolément peuvent sembler anodins mais leur répétition génère pour les victimes des troubles psychologiques graves qui les conduisent parfois à des actes irréversibles.

Le harcèlement peut être le fait de toute personne, qu’il s’agisse d’un supérieur hiérarchique, disposant d’une quelconque autorité, ou d’un collègue, ce qui inclut dans le champ de la loi le harcèlement dit « horizontal » ; il ne concerne toutefois que des agissements « répétés », un acte isolé, même grave, n’entrant pas dans le cadre de l’incrimination2 ; de même, le harcèlement ne peut intervenir que dans le cadre professionnel, du fait et à l’occasion du travail. Les indices du harcèlement moral.

Il y a atteinte à la « dignité » et aux « droits » de la personne par des moyens d’ordre matériel ou psychologique qui sont aggravés par une absence de soutien des collègues ou de la hiérarchie.

2 C’est une différence essentielle avec le harcèlement sexuel ou la répétition des agissements n’est pas exigée par la loi.

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On porte atteinte à vos droits Par « droits » de la victime, il faut entendre « les droits des personnes » et les

« libertés individuelles et collectives » protégés par l’article L. 120-2 du Code du Travail.

On porte atteinte à votre dignité Quant à la dignité c’est un concept développé depuis longtemps par le Droit français

qui a donné lieu à une littérature et une jurisprudence des plus abondantes ; pour synthétiser, selon le Conseil Economique et Social, l’atteinte à la dignité de la personne suppose la négation de « ce qui la constitue comme une personne à part entière, c’est à dire reconnue dans sa réalité humaine ».

On porte atteinte à votre santé physique et morale

Enfin, ce qui ne pose pas de difficulté particulière d’interprétation, l’article L. 122-49

et l’article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 couvrent également les dommages sur la santé physique et morale de la victime et ceux qui compromettent son avenir professionnel.

Exemples de situations qualifiées de harcèlement

Le contentieux relatif à des situations de harcèlement moral se développe et certains

indices peuvent déjà être relevés ; ils caractérisent par des situations de fait objectives la « dégradation des conditions de travail » :

- agressions verbales ou propos calomnieux ; - refus de toute communication ; - brimades (bullying dans les pays anglo-saxons), humiliations, critiques

incessantes, comportements vexatoires ou méprisants, mauvais traitements et insultes ;

- pressions diverses exercées au moyen du travail fourni : mise à l’écart, fourniture de tâches sans intérêt ou dégradantes entraînant la dévalorisation du salarié ou de l’agent, surcharge de travail ou attribution de tâches trop difficiles le poussant à la faute.

La conjonction et la répétition de faits peuvent constituer un harcèlement moral : La salariée avait fait l'objet d'un retrait sans motif de son téléphone portable à usage professionnel. On avait instauré une nouvelle obligation, et ceci sans justification, de se présenter tous les matins au bureau de sa supérieure hiérarchique. On lui avait attribué des tâches sans rapport avec ses fonctions. Tous ces faits avaient été générateurs d'un état dépressif médicalement constaté nécessitant des arrêts de travail. Les juges, par une appréciation souveraine, ont estimé que la conjonction et la répétition de ces faits constituaient un harcèlement moral. (Arrêt de la Chambre Sociale de la cour de cassation du 27 octobre 2004)

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Infliger deux sanctions n’est pas en soit constitutif d’un harcèlement moral : Le fait pour un employeur d’infliger deux sanctions disciplinaires irrégulières en l'espace d'un mois et 4 jours n’est pas en lui seul constitutif d’un harcèlement moral dans la mesure où les juges rappellent que les sanctions relèvent de l'exercice de son pouvoir disciplinaire. Par conséquent, le harcèlement moral ne peut pas être caractérisé par ces seuls faits. (Arrêt de la Chambre Sociale de la cour de cassation du 16 juin 2004)

L’isolement de la personne harcelée dans son cadre professionnel demeure un critère essentiel pour la jurisprudence.

D’autres indices de harcèlement moral ont été reconnus par les Tribunaux tels que :

- l’impossible évolution de poste,

- la rétrogradation professionnelle progressive effectuée par un processus d’exclusion entraînant un état dépressif grave du salarié accompagné d’une période d’arrêt de travail particulièrement longue,

- une ambiance de travail exécrable.

La jurisprudence insiste sur l’obligation de la hiérarchie de faire cesser le harcèlement.

La victime n’a pas à démontrer qu’elle a subi un dommage, l’existence seule des actes entraînant une dégradation des conditions de travail étant suffisante pour constituer le harcèlement moral.

Dans la pratique, les tribunaux sont saisis le plus souvent après que le salarié ait quitté son poste de travail, suite à un départ volontaire, pour fuir des conditions de travail devenues intolérables, ou à cause d’un licenciement pour faute.

COMMENT FAIRE CESSER LE HARCELEMENT ?

1. La phase pré-contentieuse.

A NOTER

A NOTER

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Le salarié qui s’estime victime d’un acte de harcèlement peut s’engager dans une phase pré-contentieuse qui aura pour objectif de faire cesser le trouble occasionné. La phase pré-contentieuse comporte plusieurs étapes :

- prise de contact avec les institutions représentatives du personnel, si elles existent, qui ont un pouvoir d’interpellation de l’employeur ; à défaut de délégués, la personne peut contacter l’union locale des syndicats ;

- lettre à l’Inspecteur du Travail qui précise les faits et invite la victime à

mener une enquête ;

- saisine du Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (C.H.S.C.T.), dont la mission est de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des salariés de l’entreprise, qui peut procéder à des enquêtes (art. L. 236-2 Code du Travail) ;

- lettre au Médecin du travail qui a une mission de prévention ; celui-ci

pourra proposer des mutations ou des transformations de poste ; son avis pris en compte par l’Inspecteur du Travail s’imposera à l’employeur en cas de désaccord (cf. art. L.241-1 et s. du code du Travail).

- répertorier tous les propos blessants et offensants et, au besoin,

demander le témoignage des collègues.

Le fonctionnaire, quant à lui, pourra saisir son autorité hiérarchique qui diligentera une enquête au sein du service, entendra les parties et, le cas échéant, prendra les mesures appropriées.

2. Comment agir en justice ? Plusieurs voies de droit s’offrent à la victime d’un harcèlement moral dans le cadre d’une action en justice. ► Que vous soyez salarié ou non

La juridiction civile

o Engager la responsabilité contractuelle du « harceleur »

Selon les dispositions du droit commun, il est toujours possible pour le salarié de saisir la juridiction civile sur le fondement de l’art. 1134 du Code Civil (respect de la « bonne foi contractuelle » dans l’exécution du contrat) ; en effet, l’employeur est tenu à une obligation de loyauté et de correction dans l’exercice de son autorité et il doit respecter la moralité et la dignité du salarié.

o Engager la responsabilité délictuelle du « harceleur »

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La victime peut également, cette fois sur les fondements des articles 1382 et 1383 du même code, invoquer la responsabilité civile délictuelle et quasi-délictuelle pour demander réparation du dommage qu’elle a subi.

La juridiction pénale

Mais la victime salariée ou non peut aussi saisir la juridiction pénale sur le fondement de l’art. 222-33-2 du Code Pénal qui réprime « le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ; il est à noter que la jurisprudence a fait également application de l’art. 225-14 du Code Pénal pour qualifier des faits relevant d’un processus de harcèlement moral.

D’autres dispositions pénales pourront être soulevées sur le fondement des violences volontaires :

- psychologiques (art. 222-13 du Code Pénal), - de la provocation au suicide (art. 223-13), - de la non-assistance à une personne en péril à l’encontre, par exemple, de

témoins passifs du harcèlement (art. 223-6 al. 2). L’action vise avant tout à faire condamner pénalement les actes répréhensibles de

l’employeur même si elle permet aussi aux parties civiles d’obtenir une réparation financière des préjudices subis ;

Toutefois, il vaut mieux éviter ces procédures pénales, d’une trop grande lourdeur et qui se révèlent finalement peu adaptées aux dossiers de harcèlement moral ; en effet, le droit pénal a des exigences de preuves qui lui sont propres et qui peuvent rendre inefficace l’action ainsi mise en œuvre.

► Si vous êtes salarié Pour les salariés, c’est le droit du travail qui offre le plus grand nombre de voies

d’actions ; certaines de ces voies pourront être également utilement exercées dans le cadre d’un harcèlement sexuel.

Agir vite par la voie du référé

La victime, comme d’ailleurs en matière de harcèlement sexuel, peut recourir au

référé prud’homal en rappelant que le Conseil des Prud’Hommes a le pouvoir, afin de prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite, de prononcer la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.

Dans le Code du Travail, les possibilités d’action sont variées :

o Vous estimez que l’on a porté atteinte à vos droits et libertés

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L’art. L.120-2, en disposant que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché », permet à la victime de démontrer l’usage abusif et détourné du pouvoir de direction de l’employeur ; cet article L.120-2, issu de la loi n° 92-446 du 31 décembre 1992, est proche dans son esprit de l’art. 225-14 précité du Code pénal qui protège les personnes vulnérables ou dépendantes de conditions de travail ou d’hébergement indignes.

o Vous estimez que votre employeur n’a pas exécuté son contrat de bonne foi L’art. L.120-4, s’inspirant de l’esprit de l’article 1134 du Code Civil, pose de manière très claire le principe de l’exécution de bonne foi du contrat de travail ; cet article entérine une jurisprudence constante de la Chambre sociale de la cour de cassation qui insiste sur la loyauté contractuelle dans l’exécution des contrats, tant de la part des salariés que des employeurs ; en matière de harcèlement moral, la violation de la loyauté contractuelle sera fondée, comme l’art. L.120-2 précité, sur un exercice abusif des droits de l’employeur.

o Vous estimez que vous avez été victime de discrimination

L’art. L. 122-45 interdit toute discrimination en fonction des origines, du sexe ou de son orientation sexuelle, des opinions, des mœurs, de la situation de famille, de ses caractéristiques génétiques... ;

o Ou encore …

- l’art. L. 230-2 oblige l’employeur à prendre « les mesures nécessaires pour

assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs de l’établissement » ;

- l’art. L. 241-10-1 permet au Médecin du Travail de proposer des

« mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes » en fonction de l’altération de l’état de santé physique et mentale du salarié ;

- l’art. L. 422-1-1 octroie un droit d’alerte au délégué du personnel qui

constate une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique ou morale ; l’employeur ou son représentant sera alors tenu de procéder sans délai à une enquête et de prendre les dispositions nécessaires pour remédier à la situation.

- Enfin, de nombreuses dispositions du Code du Travail permettent de

réprimer les fautes graves ;

3. Augmentez vos chances de gagner en préparant la procédure contentieuse

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Avant d’engager la procédure contentieuse, la victime devra effectuer certaines démarches pour augmenter les chances de voir sa demande prospérer.

Elle devra notamment :

- essayer de retrouver d’anciennes victimes qui pourront apporter des témoignages précieux ;

- avertir les institutions représentatives du personnel, si cela n’a pas été fait

dans la phase pré-contentieuse ;

- diligenter une enquête sur la personnalité de « l’agresseur » ;

- faire état, par des courriers précis, des agissements, des attitudes, comportements et de la dégradation des conditions de travail ; le cas échéant, apporter les témoignages des collègues, les procès-verbaux du C.H.S.C.T., les écrits de l’employeur lui-même... ;

- rechercher les violations directes de l’employeur aux droits des salariés

(non respect des jours de congé, sanctions disciplinaires injustifiées...) ;

- établir la relation de cause à effet entre la dégradation de l’état de santé et les conditions de travail : conduites d’évitement, pensées envahissantes ; l’avis d’un médecin ou d’un psychiatre pourra conforter cette situation de détresse psychologique.

Enfin, pour terminer sur les possibilités d’action en justice offertes à la victime de harcèlement moral, il est intéressant de noter que les juridictions de la sécurité sociale ont reconnu récemment que le suicide d’un salarié dû à une dégradation de ses conditions d’emploi par des agissements de harcèlement moral était considéré comme un accident du travail.

4. Comment prouver votre harcèlement ?

Devant les juridictions prud’homales, le mécanisme de la preuve est prévu par

l’article L. 122-52 du Code du Travail. La victime doit établir des « faits qui permettent de présumer l’existence d’un

harcèlement » ; il faut démontrer que ces faits sont durables, répétitifs et systématiques ; il n’est pas nécessaire toutefois de prouver l’existence d’un dommage.

Il appartiendra ensuite à la partie défenderesse (le « harceleur ») de prouver que les agissements invoqués ne sont pas « constitutifs » de harcèlement et qu’elle a agit en fonction d’ « éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ». Comme pour le harcèlement sexuel, les tribunaux assoient leur conviction sur un « faisceau d’éléments » convergents tels que certificats médicaux, notes de service, attestations ou autres éléments de fait; ils peuvent ordonner toutes mesures d’instruction utiles.

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L’ « allègement » de la charge de la preuve sur le défendeur a déjà été discuté ; il n’est pas anti-constitutionnel dès lors qu’il ne s’exerce pas devant le juge pénal et que le demandeur apporte des faits précis et concordants ;

Dans les cas de harcèlement particulièrement insidieux, donc difficiles à prouver, la victime aura donc tout intérêt à choisir la voie civile devant le Conseil des Prud’Hommes pour contourner les problèmes de preuve.

A ce titre, l’inégalité de traitement dans le régime de la preuve entre salariés et

non salariés mérite d’être dénoncée et corrigée.

Dans la formation de sa conviction, le juge pourra se fonder sur la théorie de la causa proxima ou « théorie de la proximité temporelle de la cause » pour établir un lien de causalité entre le harcèlement et l’état dépressif de la victime attesté par les médecins ou entre un harcèlement et un changement des conditions de travail. Dans les cas où le processus de causalité est difficilement saisissable, le juge pourra aussi recourir à la « causalité adéquate », peu employée il est vrai en Droit français. Enfin, quand les causes du litige sont insondables, les juges se référeront en dernière analyse à la notion de probabilité ou de « prévisibilité objective ».

COMPRENDRE LE HARCELEMENT MORAL

1. Qu’est ce qui motive le harcèlement moral ?

• Le harcèlement pervers Selon un avis rendu par la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme, le 29 juin 2000, le harcèlement dans l’entreprise est exercé à des fins professionnelles ou dans un « but purement gratuit de destruction d’autrui ».

• Le harcèlement démissionnaire Le harcèlement professionnel a pour objectif de pousser le salarié à la démission, pour contourner les difficultés d’une procédure légale de licenciement.

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• Le harcèlement stratégique Le harcèlement professionnel a pour objectif de « durcir » les méthodes de gestion ou les conditions de travail pour mettre en concurrence les salariés afin d’améliorer leur productivité, l’objectif étant, à terme, d’éliminer de l’entreprise les éléments les moins « efficaces » (harcèlement « stratégique » ou « institutionnel »).

2. Le harcèlement dans la fonction publique Dans la fonction publique, le harcèlement visera à contraindre l’agent à demander sa mutation ou, mieux, le pousser à la démission ; ce harcèlement moral est souvent le fait de « petits chefs » qui veulent imposer à leurs subordonnés leur propres conceptions de travail ; il est parfois aussi le fruit d’une lente mais réelle dégradation des rapports personnels entre agents d’un même service.

3. Le rôle de l’organisation de l’entreprise dans les cas de harcèlement

Très souvent, aussi bien dans l’entreprise que dans les administrations, le harcèlement est lié à des dysfonctionnements ou des problèmes d’organisation qui s’amplifient avec l’insuffisance des institutions représentatives et collectives du travail et le silence de l’autorité hiérarchique (absence de concertation dans la conception et l’organisation des tâches) ; il n’est donc pas toujours le résultat d’une situation conflictuelle entre certaines personnes qui s’est ensuite lentement mais sûrement dégradée.

4. Existe-t-il une victime type ? Il n’y a pas de « victime-type » du harcèlement moral, contrairement à certaines idées reçues : il peut s’agir autant de personnes fragiles psychologiquement que de fortes personnalités qui résistent à leur hiérarchie ou, même, d’employeurs qui doivent résister aux pressions de leurs subordonnés ; parfois, le harcèlement est exercé par un groupe qui se constitue à l’intérieur de l’entreprise ou du service et qui cherche à s’imposer sur un ou plusieurs membres du collectif de travail. La victime se sent dévalorisée, rejetée, mise à l’écart, isolée, exclue, « placardisée » ; elle peut développer des troubles psychiques, une nervosité ou une anxiété anormale, des troubles du sommeil... ; certaines s’isolent dans une « hyper-combatitivé » tendant à la paranoïa ou sombrent rapidement dans la dépression.

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III- PREVENTION ET SANCTION DU HARCELEMENT MORAL ET SEXUEL.

Le législateur s’est efforcé de prévenir le développement de situations de

harcèlement et de prévoir des possibilités de règlement à l’amiable des conflits qui ont déjà éclaté.

Il va sans dire que la prévention du harcèlement est un enjeu très important pour les

entreprises ou les administrations car les conséquences directe et indirectes des agissements de harcèlements (perte de confiance, absentéisme, permanence de conflits...) représentent un coût et une perte non négligeable de productivité. COMMENT EVITER UNE SITUATION DE HARCELEMENT ?

1. Le rôle de l’employeur Pour les salariés, le système préventif repose en premier lieu sur l’intervention de l’employeur : le Code du Travail (art. L.122-48) impose à l’employeur de prendre toutes mesures afin d’assurer la protection de la « santé physique et mentale » de ses salariés (en cas de harcèlement sexuel) ; dans le même esprit, l’art. L. 122-51 l’oblige à « prendre toutes dispositions nécessaires » en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Il ne faut pas oublier également que c’est l’employeur qui répond des actes des personnes qui exercent de fait ou de droit une autorité sur les salariés. Le règlement intérieur de l’établissement doit rappeler expressément les consignes en la matière.

Le problème, c’est que le Code ne prévoit pas de sanction en cas d’inexécution de

ces obligations. En ce qui concerne le secteur public, le rôle de l’autorité hiérarchique sera

déterminant : il incombe au supérieur hiérarchique de faire régner l’ordre dans son service et de prévenir par tous moyens les dégradations dans les relations du travail, dans l’intérêt du service public et des usagers.

2. Le rôle des représentants du personnel Le système préventif fait aussi appel, après l’employeur, aux institutions représentatives du personnel pour tenter de purger le conflit qui s’annonce au sein de l’entreprise.

Le CHSCT

C’est ainsi que le C.H.S.C.T. peut prendre toutes initiatives pour mettre en œuvre des actions d’information et de prévention du harcèlement susceptibles de contribuer à l’amélioration des conditions de travail des salariés ; il peut aussi missionner un expert

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lorsqu’il est établi que les conditions de travail font courir aux salariés un risque grave pour leur santé.

Les délégués du personnel

Les délégués du personnel ont vu également leur droit d’alerte s’étendre aux

atteintes à la santé des personnes : ils peuvent ainsi saisir directement l’employeur ou son représentant pour le contraindre à faire procéder sans délai à une enquête.

En cas de carence de l’employeur, toujours dans l’objectif de prévenir un dommage

imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite, le Délégué du personnel peut saisir, avec l’autorisation écrite du salarié, le bureau de jugement du Conseil de Prud’hommes ; ce dernier pourra prendre toute mesure pour faire cesser le trouble ou statuer en référé prud’homal pour ordonner la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur ; le juge pourra lui-même ordonner toutes mesures pour faire cesser les agissements, s’il le faut au moyen d’astreintes.

Le médecin du travail

Il ne faut pas négliger également le rôle du Médecin du Travail. Le salarié coupable d’actes de harcèlement peut se voir appliquer des sanctions

disciplinaires (art. L. 122-47 du Code du Travail), celles-ci trouvant leur « justification dans le souci d’assurer le bon fonctionnement de l’entreprise dont l’employeur est responsable ».

Le harcèlement peut être un motif de sanction disciplinaire, une cause réelle et

sérieuse de licenciement ou une faute grave privative des indemnités de licenciement. A l’opposé, un employeur ne peut sanctionner ou licencier, à peine de nullité, un

salarié qui a subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel, qui a témoigné ou qui en a fait état. On a vu que des dispositions analogues s’appliquaient à la fonction publique.

3. En cas de harcèlement quand doit-on se tourner vers la médiation ? L’art. 5 de la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003, modifiant l’art. L. 122-54, limite cette procédure au seul harcèlement moral. Il s’agit de permettre un règlement à l’amiable du conflit pour éviter une instance devant les tribunaux mais cela ne signifie pas que la médiation est un préalable nécessaire à l’action en justice. La question qui se pose est de savoir si cette procédure entre en concurrence avec la procédure de conciliation qui est un préalable obligatoire dans le contentieux prud’homal.

En fait, le législateur a pris conscience que, dans la pratique, en matière de harcèlement, les Prud’Hommes sont saisis presque toujours après la rupture unilatérale du contrat de travail (départ volontaire du salarié qui ne supporte plus ses conditions de travail ou licenciement pour faute).

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La médiation permettra donc au salarié encore en activité de faire état des agissements répréhensibles en vue de « mettre fin au harcèlement » et ne devrait pas gêner la conciliation sur le terrain des litiges liés directement au contrat de travail comme les indemnisations ou les ruptures. La procédure de médiation peut être mise en œuvre par « toute personne de l’entreprise s’estimant victime de harcèlement moral » ou par « la personne mise en cause » (art. L.122-54 al. 1). Le choix du médiateur fait l’objet d’un accord entre les parties (art. L. 122-54, al. 1) ; il pourra s’agir de personnes reconnues pour leurs compétences et présentées par les syndicats professionnels représentatifs ou des associations de défense de victimes de harcèlement sexuel ou moral. Le médiateur s’informe de « l’état des relations entre les parties », tente de les concilier et leur soumet des « propositions » en vue de mettre un terme au conflit. En cas d’échec de la conciliation, il informe les parties « des éventuelles sanctions encourues et des garanties procédurales prévues en faveur de la victime » (art. L.122-54 al. 3). COMMENT SERA SANCTIONNE VOTRE HARCELEUR ? Le législateur a ouvert plusieurs voies de sanction en allégeant, rappelons-le, le fardeau de la preuve pour les victimes salariées. Il convient de rappeler qu’en matière de harcèlement sexuel ou moral, les dispositions pénales s’appliquent aussi bien aux salariés du secteur privé qu’aux agents de la fonction publique ; rappelons également à ce titre que le secteur public est soumis à un statut dérogatoire du droit commun qui se révèle encore particulièrement pauvre dans le domaine de la prévention et le contrôle des agissements de harcèlement.

1. Sanctions disciplinaires.

L’employeur peut sanctionner par la voie disciplinaire tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral (art. L. 122-50 Code du Travail) ou sexuel (art. L. 122-47).

Selon la jurisprudence, rappelons qu’il lui appartient de faire cesser immédiatement

de tels agissements en vertu de son pouvoir disciplinaire. Dans la fonction publique, le chef de service, dans le respect des procédures

propres au droit public, pourra prendre toutes mesures disciplinaires à l’encontre de l’agent fautif.

2. Sanctions civiles.

Toutes mesures résultant du harcèlement, qu’il s’agisse d’un licenciement ou de

toutes autres mesures défavorables au salarié sur sa formation, son reclassement ou sa promotion, seront nulles de plein droit.

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En cas de licenciement, le salarié pourra opter soit pour une réintégration dans

l’entreprise, soit, ce qui semble plus judicieux, pour le versement d’une indemnité après rupture judiciaire de son contrat de travail; selon une décision récente de la Cour de Cassation, « le salarié victime d’un licenciement nul et qui ne demande pas sa réintégration a droit, d’une part, aux indemnités de rupture, d’autre part, à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue à l’article L. 122-14-4 [soit 6 mois de salaire] ».

La loi oblige certes l’employeur à réintégrer le salarié licencié ou sanctionné dans son emploi et dans ses droits (salaires et avantages perdus) mais la poursuite du contrat de travail, pour des raisons évidentes, n’est souvent pas souhaitable.

Le salarié a toujours droit à des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral qu’il a subi.

3. Sanctions pénales. Devant les juridictions répressives, les actes de harcèlement moral et sexuels

sont punis d’une peine d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 15.000 €. A titre subsidiaire, le Code du Travail prévoit que les violations des dispositions des

articles L.122-46, L. 122-49 et L.123-1 sur le harcèlement moral, sexuel et l’égalité professionnelle entre hommes et femmes sont punies d’une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende de 3.750 € ou de l’une des deux peines seulement (art. L. 152-1-1).

Une personne peut donc être poursuivie sur le double fondement des dispositions du

Code Pénal (art. 222-33) et du Code du Travail (art. L.152-1-1). En application du principe dit de « proportionnalité » et selon la Déclaration des

Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, qui imposent que la loi ne doit établir que des peines « strictement et évidemment nécessaires » (art.8), les faits incriminés n’encourront que le maximum légal, c’est à dire les peines d’un an d’emprisonnement et de 15.000 € d’amende prévues par les articles 222-33 et 222-33-2 du Code pénal.

Le tribunal peut ajourner le prononcé de la peine dans l’attente du rétablissement d’une situation normale par l’employeur

Dossier rédigé par :

Maître Christophe AUBERT AVOCAT, Docteur en droit Maître de Conférences –

Chercheur à l’Institut de l’Ouest Droit et Europe (Université de Rennes I)

REMARQUE

REMARQUE

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ANNEXES

Le fondement juridique du harcèlement

Par Maître Christophe AUBERT

La lutte contre toutes formes de discrimination est un objectif fondamental du droit français depuis la grande Révolution française ; dans le monde du travail, elle a même acquis une valeur constitutionnelle : « nul ne peut être lésé dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances ».

La liste des motifs discriminatoires a été étendue afin de protéger plus efficacement les salariés dans toutes les composantes de la relation du travail et tout au long de leur carrière professionnelle.

Les agents du secteur public sont également protégés contre toute forme de

discrimination : « aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faites entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur appartenance physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race ».

Les normes internationales.

La prohibition des pratiques discriminatoires procède de la protection de la dignité de la personne humaine, reconnue depuis longtemps en droit international : la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 dispose en effet dans son article premier, en paraphrasant un texte non moins célèbre, que « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit » ; dans son Préambule, elle précise que « la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine [...] constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ».

Plus récemment, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (Conseil européen de Nice des 6 et 7 décembre 2000) a indiqué que la « dignité humaine est inviolable » et qu’elle « doit être respectée et protégée ».

Le Droit français.

Le Droit français fait aujourd’hui également et clairement référence au respect de la « dignité humaine » ; le Conseil constitutionnel, à l’occasion d’une saisine sur les lois concernant la bioéthique, a reconnu l’existence « du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine » et le nouveau Code Pénal, promulgué le 11 mars 1994, contient désormais un chapitre consacré aux « atteintes à la dignité de la personne » ; de même, une loi d’orientation de lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 réaffirme le principe du « respect de l’égale dignité de tous les êtres humains ».

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La jurisprudence sociale s’est associée à ce mouvement en considérant que « si le contrat de travail se définit par l’existence d’un lien de subordination, cela ne signifie pas que le salarié soit sous sa dépendance ; dans l’exercice de son autorité, l’employeur est tenu d’une obligation de loyauté et de correction, qu’il doit respecter la moralité et la dignité de ses salariés » ; en matière de cause réelle et sérieuse du licenciement, elle sanctionne depuis de nombreuses années les comportements déloyaux, méprisants ou tyranniques qui portent atteinte à la « dignité » du salarié tel que les enregistrements faits à son insu.

La dignité suppose que l’individu, dans les relations du travail, ne soit pas utilisé

comme un simple « moyen », un « pur instrument [...] dénué de tout droit et de toute autonomie ».

L’employeur ne doit pas utiliser son pouvoir légitime de direction, de gestion et de sanction dans un but autre que celui de l’intérêt de l’entreprise et toujours en conformité avec les stipulations contractuelles qui le lient au salarié.

La base fondamentale de la condamnation de l’employeur, dans les cas de

harcèlement qui feront l’objet de la présente étude, sera donc le détournement de pouvoir et l’abus du droit dont il dispose.

Toute la difficulté sera pour les tribunaux de faire la distinction entre les contraintes

« normales » des activités professionnelles, qui s’imposent au travailleur, et « l’autorité pervertie » qui poursuit d’autres objectifs que la bonne et saine exécution du travail.

Il appartiendra dès lors aux juges de dissocier clairement les comportements

agressifs ou les pressions diverses qui s’exercent souvent dans l’entreprise ou dans les administrations des véritables agissements de harcèlement sexuel ou moral. La « dignité de la personne humaine » est à rapprocher d’un autre concept, souvent invoqué en justice, qui est celui de la « bonne foi » dans les relations individuelles de travail : la « bonne foi contractuelle exige des sujets de droit une conduite loyale et honnête qui s’apprécie de façon objective lors de l’exécution du contrat, mais également lors de sa formation » ; elle implique une certaine loyauté dans l’exécution des obligations contractuelles, l’employeur devant notamment confier au salarié des tâches qui correspondent à ses capacités et éviter les attitudes de désinvolture.

Refus des discriminations, protection de la dignité, bonne foi et loyauté dans l’exécution du contrat montrent un certain retour de l’éthique dans les relations du travail avec un renouveau des principes contractuels et des concepts moraux dans les rapports entre salariés et employeurs.

Cette « moralisation » du droit du travail a fait naître dans les années 90 un droit

nouveau, celui du harcèlement. Ce droit s’est affirmé sous la pression de l’opinion publique et de certaines

associations, avec la multiplication et la médiatisation des affaires de harcèlement au travail.

Les pratiques de harcèlement se sont développées considérablement ces dernières

années, notamment dans l’Administration et les secteurs de l’hôtellerie-restauration, des commerces et services ; dans les cas les plus graves, elles ont pu conduire les victimes à de graves troubles psychologiques, parfois même au suicide ; c’est pourquoi, afin de pallier

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à l’insuffisance des structures de défenses collectives et de prendre en considération ce qui est devenu un véritable phénomène de société, le législateur français a décidé d’intervenir.

Le harcèlement sexuel a fait l’objet d’une première loi spécifique en 1992. La loi dite

de « modernisation sociale » du 17 janvier 2002 a ensuite eu pour objectif la protection l’adaptation et la préservation de l’emploi ; à cette fin, elle a introduit la notion de harcèlement moral dans le Code Pénal et dans le Code du Travail.

La loi de janvier 2002 répondait à une réelle attente des justiciables ; elle est le fruit

d’un ensemble d’études et de réflexions et s’efforce de mettre en conformité le Droit Français avec le Droit européen, notamment eu égard à une directive du 29 juin 2000 (2000/43/CE) qui considère le harcèlement comme une forme de discrimination « lorsque se manifeste un comportement indésirable lié à la race ou à l’origine ethnique qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant humiliant ou offensant ».

Les points communs des deux types de harcèlement, sexuel et moral, qui ont déjà fait l’objet d’une abondante littérature juridique, résident essentiellement dans la difficulté de prouver les faits reprochés et dans leur particulière subjectivité ; c’est la victime, dans son individualité, qui détermine seule, et elle seule, quels comportements elle peut accepter, quelles sont les frontières du tolérable.