berliner david - anthropologie et transmission (introduction au dossier terrain transmettre)

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4/3/2016 Anthropologie et transmission* http://terrain.revues.org/14035 1/15 Terrain Revue d’ethnologie de l’Europe Collection Ethnologie de la France Cahiers d'ethnologie de la France 55 | septembre 2010 : Transmettre Transmettre Anthropologie et transmission* DAVID BERLINER p. 419 Résumés Français English La transmission est une question très chère au cœur des anthropologues. Pourtant, rares sont les études qui prennent le transmettre comme point de départ, comme un objet d’étude « en luimême et pour luimême ». Dans cet article, je montre combien la transmission hante les fondements de notre discipline et comment elle continue d’animer la plupart des débats anthropologiques contemporains, notamment via le succès de notions comme « mémoire », « réinvention » ou « persistance ». Enfin, je me demande comment approcher ethnographiquement cette réalité insaisissable qu’est le transmettre. Anthropology and transmission Transmission is a topic of crucial importance for anthropologists. However few are the studies which make transmission their focal point, a subject for and in itself. In this paper I show how cases of transmission haunt the very foundations of our discipline and how they lie at the back of such notions as memory, reinvention and continuity. I conclude by asking how we can study ethnographically the fleeting reality that is the act of transmission. Entrées d’index Thèmes : transmission culturelle Motsclés : apprentissage, culte de la persistance, histoire de l’anthropologie, mémoire, transmission Keywords : apprenticeship, cult of continuity, history of anthropology, memory, transmission

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4/3/2016 Anthropologie et transmission*

http://terrain.revues.org/14035 1/15

TerrainRevue d’ethnologie de l’Europe

Collection Ethnologie de la FranceCahiers d'ethnologie de la France

55 | septembre 2010 :TransmettreTransmettre

Anthropologie et transmission*DAVID BERLINERp. 4­19

Résumés

Français EnglishLa transmission est une question très chère au cœur des anthropologues. Pourtant, raressont les études qui prennent le transmettre comme point de départ, comme un objetd’étude « en lui­même et pour lui­même ». Dans cet article, je montre combien latransmission hante les fondements de notre discipline et comment elle continue d’animerla plupart des débats anthropologiques contemporains, notamment via le succès de notionscomme « mémoire », « réinvention » ou « persistance ». Enfin, je me demande commentapprocher ethnographiquement cette réalité insaisissable qu’est le transmettre.

Anthropology and transmission

Transmission is a topic of crucial importance for anthropologists. However few are thestudies which make transmission their focal point, a subject for and in itself. In this paper Ishow how cases of transmission haunt the very foundations of our discipline and how theylie at the back of such notions as memory, re­invention and continuity. I conclude by askinghow we can study ethnographically the fleeting reality that is the act of transmission.

Entrées d’index

Thèmes : transmission culturelleMots­clés : apprentissage, culte de la persistance, histoire de l’anthropologie, mémoire,transmissionKeywords : apprenticeship, cult of continuity, history of anthropology, memory,transmission

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Texte intégral

* Je tiens à remercier chaleureusement Joël Noret, Benjamin Rubbers, LaurentLegrain, Arnaud Halloy et Anne­Laure Cromphout pour leurs commentaires

enthousiastes sur les ébauches préliminaires de ce texte.

S’il est une question aujourd’hui centrale dans les propos des acteurs auxquelsnous nous frottons à travers nos expériences d’anthropologues, c’est bien celle dela transmission. Transmettre, que l’on entendra comme le processus consistant à« faire passer quelque chose à quelqu’un » (Treps 2000 : 362) et qui contribue à lapersistance, souvent transformées, de représentations, de pratiques, d’émotions etd’institutions dans le présent (Olick & Robbins 1998), est en effet au cœur despréoccupations de nos interlocuteurs, principalement sous la forme de discourssur la « crise de la transmission ». Combien de fois n’ai­je pas été confronté surmon terrain guinéen (Berliner 2005a) ou, plus récemment, à l’Unesco, àl’omniprésence de propos nostalgiques sur la perte, l’oubli, la nécessité oul’impossibilité de transmettre ? De fait, partout à travers le globe se lisentaujourd’hui sur les lèvres de nos informateurs des discours « de crise1 » sur ladisparition des sociétés (la leur ou celle des autres), des formes de vie, des valeurs,des identités, des racines, des langues et j’en passe. À entendre nombre d’entreeux, transmettre est devenu une valeur aussi bien individuelle que politique, dontl’intention peut être l’affirmation de soi dans un contexte perçu commemondialisé et déracinant.

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Loin d’être d’insignifiantes plaintes, ces lamentos sur l’effacement du « soufflede l’air dans lequel vivaient les hommes d’hier » (pour reprendre la belle formulede Walter Benjamin) et sur l’absence d’un rendez­vous intergénérationnel tantattendu nous invitent à réfléchir sur la manière dont transmission, crise de latransmission, persistance et perte sont pensées et vécues par nos multiplesinterlocuteurs dans le tissu, aujourd’hui globalement interconnecté, de leursreprésentations et de leurs préoccupations locales. Bien qu’un espace considérablereste à défricher en ce domaine, certaines ethnographies ont commencé à nousfaire méditer sur ce besoin revendiqué et souvent politisé de racines et detransmission, forme nostalgique qui est maintenant en pleine expansionplanétaire (Ivy 1995 ; Harris 1995 ; Metcalf 2002).

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Dans ce recueil d’articles, il sera non seulement question des discours réflexifsdes acteurs et des collectifs sur les processus de passation, mais aussi des modèlesthéoriques que nous, anthropologues, sommes capables d’articuler sur letransmettre. Les six textes réunis dans ce volume cherchent à décrire et àexpliquer la transmission et l’apprentissage de pratiques, de représentations,d’émotions, en mettant en relief les processus subtils qui y président dans diverscontextes de vie. Un autre défi consiste en effet, pour le chercheur féru detransmission, à en comprendre les mécanismes. Pour cette matière, j’y reviendrai,on trouve une littérature riche, au croisement de plusieurs disciplines(anthropologie, sociologie, psychologie…), mais trop diffuse. Alors qu’existent deschamps disciplinaires qui prennent le rite, la culture matérielle, la mémoire, lesexe ou le transnationalisme pour des objets respectables, la transmission et sonmodus operandi sont rarement un point de départ, un sujet d’étude « en lui­même et pour lui­même ». Dans les pages à venir, je vais retracer l’histoired’amour discrète que file l’anthropologie avec le problème de la transmission etmontrer que les études sur le transmettre, loin de se référer à un programme derecherche spécifique, constituent surtout « une manière d’interroger le réel2 ».

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Une question vieille commel’anthropologieComprise au sens très large de ces processus qui, connectant les individus,

contribuent à la perpétuation du culturel, la transmission est avant tout unproblème vieux comme l’anthropologie que l’on retrouve dans les textes les plusdatés de notre discipline. Qu’il suffise de penser aux survivances (survivals)d’Edward Burnett Tylor qui, entouré il est vrai d’une épaisse fuméeévolutionniste, cherchait à penser la persistance du passé dans le présent, ledifficile travail de l’ethnographie consistant, à l’en croire, à exposer « les vestigesd’une vieille culture simpliste qui se sont graduellement transmis en de néfastessuperstitions » (Tylor 1994: 410). Survivances dont il fallait certes se débarrasseren vue de l’avènement triomphal de la Raison, mais qui témoignaient surtout del’évidence même de la « permanence de la culture » (ibid : 63). À cet égard, il fautrappeler que l’ambition de Tylor était de décrire la doctrine de l’animisme et demontrer « sa transmission dans l’évolution de la pensée religieuse » (ibid : 326).

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Quelques décennies plus tard, l’idée de « passation », ce passé qui « passe »dans le présent, se retrouve avec force dans la plupart des définitions classiques dela culture (tout particulièrement par l’école américaine), lesquelles sontquasiment toujours associées à la question de sa transmission et de sonapprentissage. Dans The Cultural Background of Personality paru en 1945,Ralph Linton caractérise la culture comme « la configuration des comportementsappris et de leurs résultats, dont les éléments composants sont partagés ettransmis par les membres d’une société donnée » (Linton 1945b : 32). Uneperspective partagée par Alfred Louis Kroeber et Clyde Kluckhohn, qui donneralieu à la célébrissime définition d’après laquelle « la culture consiste en formes etmodèles de comportement, explicites et implicites, acquis et transmis par dessymboles » (Kroeber & Kluckhohn 1952 : 357). Dans les années 1950, côté anglaiset dans un style très différent, Alfred Reginald Radcliffe­Brown (1952 : 5) suggèreque « c’est par l’existence de la culture et de traditions culturelles que la vie socialehumaine diffère fondamentalement de la vie sociale des autres espècesanimales », notamment par « la transmission de manières acquises de penser, desentir et d’agir qui constitue le processus culturel, trait spécifique de la vie socialede l’homme ». S’ensuivra, pour revenir à la lignée culturaliste américaine, laformulation geertzienne bien connue de la culture : « modèle de significationsincarnées dans des symboles qui sont transmis à travers l’histoire, un système deconceptions héritées qui s’expriment symboliquement, et au moyen desquelles leshommes communiquent, perpétuent et développent leur connaissance de la vie etleurs attitudes devant elle » (Geertz 1973 : 89). Et l’on pourrait multiplier lesexemples parmi les textes fondateurs, qui tous mettent l’accent sur le fait que laculture se transmet (non pas par des mécanismes biologiques, mais bien parl’apprentissage et l’éducation), et que la transmission contribue nécessairement àla perpétuation du culturel.

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Au regard de ce constat, le concept de « culture » n’est pas isolé. Il en va demême pour la notion de « tradition », une autre idée clé qui a occupé une place dechoix dans la panoplie conceptuelle de générations d’anthropologues. Oui, latradition aussi se transmet. Dans son indépassable article « Techniques ducorps » , Marcel Mauss (1971 : 115) souligne le lien naturel entre tradition ettransmission (« Une fois créée, la tradition est ce qui se transmet ») et affirme :« Il n’y a pas de technique et pas de transmission, s’il n’y a pas de tradition. C’esten quoi l’homme se distingue avant tout des animaux : par la transmission de sestechniques et très probablement par leur transmission orale » (Mauss 1950 : 134),une idée aujourd’hui contestée par les éthologues et les primatologues. Plus

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récemment, Jean Pouillon (1991 : 701) définit une tradition comme « ce qui d’unpassé persiste dans le présent où elle est transmise et demeure agissante etacceptée par ceux qui la reçoivent et qui, à leur tour, au fil des générations, latransmettent ». D’aucuns se risquent même à parler de « mémoire de latradition » (Becquelin & Molinié 1993), une formule résolument redondante. Etquand bien même certaines traditions peuvent être recréées et fictives, ellesn’impliquent pas moins la transmission d’éléments du passé dans le présent.Comme le signale Eric J. Hobsbawm (1983 : 1), les traditions inventées« impliquent automatiquement une continuité avec le passé. En fait, là où c’estpossible, elles tentent normalement d’établir une continuité avec un passéhistorique approprié ». Transmission quand tu nous tiens…Enfin, dans l’histoire de notre discipline, il est un lignage en particulier qui s’est

emparé très sérieusement de la transmission culturelle. Je pense à MelvilleHerskovits (1956), l’anthropologue américain établi à Northwestern, élève deFranz Boas qui avait développé, depuis le début des années 1930, un intérêtprononcé pour la transmission culturelle telle qu’elle se manifestait à travers lesprocessus d’» acculturation ». Bien qu’Herskovits se soit d’abord présenté commeun penseur du dynamisme et du contact des cultures, insistant sur la nécessité depenser dans le même mouvement stabilité et changement culturels, onremarquera sa volonté de montrer l’existence de continuités, de « rétentions »entre l’Afrique et les Amériques noires. Pour cela, Stefania Capone (2005 : 27) nousrappelle avec justesse que son Myth of the Negro « était consacré à la manièredont les Afro­américains avaient préservé leur culture malgré l’oppression et ladiscrimination des Blancs », à ces africanismes qui, bien qu’intégrés et adaptés àleur nouveau milieu, avaient été conservés outre­Atlantique. Ce faisant,Herskovits augurera du développement d’un champ de recherche entier sur lessurvivances africaines dans les Amériques, cette mémoire des esclaves africains,héritage culturel transatlantique inscrit dans le présent de leurs descendants afro­américains brésiliens, cubains. En prônant une posture épistémologiquerésolument historiciste, il nous invite surtout à « prendre le passé en compte dansl’étude de la culture » (Linton 1945a : 145), ce passé qui continue d’agir sur leprésent des groupes et des individus.

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Dans la même veine, Roger Bastide, lecteur assidu de Maurice Halbwachs et deClaude Lévi­Strauss, témoignera de son intérêt pour ces « centres de continuité etde conservation sociale » (Bastide 1970 : 87), notamment « ces initiés qui,d’Afrique en Amérique, ont porté sous cette forme de montages physiques, dansl’intimité de leurs muscles, les dieux et les ancêtres ethniques – de telle façon qu’ilsuffisait, sur la nouvelle terre, d’entendre à nouveau les leitmotivs musicaux desdivinités que l’on avait incarnées en leur chair, pour que l’Afrique se réveille ets’exprime à nouveau » (ibid. : 88). Pour ces deux auteurs, « transmission », qui serapporte aussi à la circulation ou à la diffusion géographique de traits culturelspar­delà l’Océan, rime toujours avec permanence du passé dans le présent. Car sila culture ou les traditions se transmettent jusqu’à ce jour, cela signifie égalementqu’elles résistent à des changements sociétaux et à des ruptures historiques,parfois traumatiques. Cette idée, on le verra, va faire son chemin chez lesanthropologues. Mais surtout, en essayant de comprendre comment et pourquoicertaines pratiques, certains rites ou certaines idées ont été transmis à travers lessiècles (et d’autres pas), Herskovits et Bastide ont tous deux proposé des modèlespertinents pour expliquer les phénomènes de persistance culturelle.

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Bref, à lire les textes fondateurs de l’anthropologie, on ne manquera pas d’êtrefrappé par l’une des questions fondamentales qu’ils donnent à penser : celle de lacontinuité, de la perpétuation du culturel, de sa transmission. Bien qu’elle n’aitpas occupé une place centrale dans les débats de notre discipline, la question de latransmission est néanmoins fondatrice du projet anthropologique lui­même, « en

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Le culte de la persistance

ce qu’elle représente l’instrument par excellence de la continuité sociale »(Choron­Baix 2000 : 357). Penser l’état d’une configuration ou d’un ordre socialou culturel et, corollairement, la persistance dans le temps de cet ordre (ou decertaines dimensions de cet ordre), du passé au présent, « stabiliser le social »,selon la formule de Bruno Latour (2006), et invoquer sa durabilité, sa solidité et,dirais­je, sa transmissibilité (ou celle de certains de ses traits) est en effet inscritau cœur même de notre démarche. Avec raison, quelques­uns voient dansl’anthropologie une « science de la continuité » (Robbins 2007) qui prend pourobjet ce qui dure et se constitue en formations stables, un point de vue déjàsoutenu en 1952 par Radcliffe­Brown pour qui « l’un des problèmes théoriquesfondamentaux […] est celui de la nature de la permanence sociale » (Radcliffe­Brown 1952 : 10).Qu’il suffise de penser à Pierre Bourdieu (1972), à Fredrik Barth (1987), à

Marshall Salhins (1981), à Jack Goody (1977) ou encore à Philippe Descola(2005), dont les théories respectives – l’habitus, l’approche générative de latransmission culturelle, la mythopraxis, la remémoration créatrice, les schèmesde la pratique – figurent parmi les plus emblématiques de l’anthropologiecontemporaine. N’incarnent­ils pas à l’envi cet impératif anthropologique quicommande de théoriser la persistance culturelle ? Comment donc ne pas voir latransmission comme l’impensé de ces textes qui, tous, donnent à réfléchir sur la« présence du passé dans le présent » ? Comme le résume très justement IsacChiva, « les ethnologues sont préoccupés par deux choses : comment les groupesdiffèrent entre eux et comment ils assurent leur continuité avec ces différences »(cité par Jeudy 1990 : 4). Je vais montrer maintenant comment cetteproblématique originelle continue de motiver nos préoccupationsanthropologiques les plus actuelles.

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Non contente de se révéler dans les couches stratigraphiques les plus anciennesde notre discipline, la vieille question de la transmission est aussi présente, sous­jacente dans la plupart des débats anthropologiques de notre temps. Plus encore,il semble qu’aujourd’hui l’anthropologie soit en proie à ce que j’appellerais unculte de la persistance, un culte dont témoigne avec force le premier sous­titre del’introduction du livre de Christian Højbjerg, « Things Do Not Always Fall Apart3 » (Højbjerg 2007). En effet, la persistance culturelle se retrouve maintenant soustous les noms, « les resistance studies ou l’étude des modernités postcoloniales,de l’ethnicité, du syncrétisme et de la résurgence religieuse » (Højbjerg 2002 : 63)ainsi que les études sur les mémoires qui, mettant l’accent sur leur natureintrinsèquement « transmissible », gravitent autour du problème de latransmission4. Prenons, par exemple, le texte Memories of the Slave Trade deRosalind Shaw (2002) relatif aux mémoires contemporaines de l’esclavage chez lespopulations temne de Sierra Leone. Pour résumer, l’auteure cherche à montrer quela traite des esclaves y a été oubliée en tant que réminiscence explicite et verbalisée(de fait, qui peut se souvenir de la traite atlantique ?), mais qu’elle a pourtant été« mémorisée » implicitement par le truchement d’esprits, de paysages, de séancesde divination, de la sorcellerie ou dans la vie politique postcoloniale. Des traces dupassé traumatique de l’esclavagisme (des traces mnésiques) ont été transmises,certes cachées et transformées jusqu’à ce jour. L’auteure met en lumière le résultatde cette transmission, qui est persistance culturelle mais aussi persistance dutrauma historique dans la modernité. Dans les écrits de Shaw, mais aussi dansceux de Paul Stoller sur les séances de possession Hauka (Stoller 1995) ou dansceux de Jennifer Cole (2001) relatifs aux rites sacrificiels de Madagascar,

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« mémoire » est avant tout un synonyme de « mémoire de la société » : la capacitéd’une société ou d’une culture à se reproduire dans le temps, d’une manièrecohérente, sa stabilité dans des mondes contemporains fragmentés, tout enpréservant en son sein les traces mnésiques des événements disruptifs du passé(voir aussi Argenti & Schramm 2009). En d’autres termes, parler ici de mémoiresignifie que le passé ne s’évapore pas : les anthropologues observent la continuitéde représentations – pratiques, émotions et institutions – malgré deschangements sociétaux parfois radicaux, qu’il s’agisse de colonialismes,globalisations, créolisations, migrations, urbanisations, industrialisations,socialismes, etc.Transmission dans des mondes en rupture, continuité dans le changement,

certes : on pensera évidemment ici à la notion de « structure of the conjuncture »inventée par Marshall Sahlins (1981) qui permet de penser comment les gensreproduisent leur culture tout en la transformant. Mais aussi continuité dansl’oubli, le silence. Alors que par­delà les vicissitudes de la modernité, dessouvenirs, des gestes, des paroles, des émotions ou des institutions setransmettent – cela paraît désormais incontestable – l’oubli, lui aussi, setransmet comme le montre Janet Carsten (1995) chez les Malais de l’île deLangkawi. Dans ce cas, il est devenu une composante nécessaire à la persistancede ces identités de migrants qui se construisent non par l’intermédiaire demémoires généalogiques élaborées, mais sur fond d’un oubli indispensable desliens anciens pour créer des relations de parenté entre nouveaux migrants. Demême, dans son texte superbe, Nicole Lapierre explique comment les juifs dePlock ont survécu à la Shoah entre parole impossible et oubli intolérable : c’estprécisément cet « entredeux douloureux, hanté » qui « seul se transmet »(Lapierre 2001 : 31). Toujours est­il que ce sont les questions de la permanence duculturel, de sa ténacité, de sa transmissibilité qui constituent les plaquestectoniques sur lesquelles s’articulent de tels débats. Car les oublis, les ruptures,les disjonctions, les traumas et les catastrophes sont autant de prismes à traverslesquels les anthropologues contemporains, affamés de longue durée (Harris2004) et colmateurs de brèches historiques, ne cessent de penser la persistancedes mondes sociaux et culturels dans les univers contemporains tourmentés qu’ilsanalysent. Et autant le dire clairement : mémoire, résurgence, résistance,réinvention, résilience, reproduction, patrimoine, persistance, syncrétisme,habitus, mythopraxis, néo­traditionalisme…, tous ces termes très en vogueaujourd’hui sont liés et renvoient, sans surprise, à la question de la transmission.

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Enfin, last but not least, ce culte de la persistance ne se donne pas uniquementà voir dans un intérêt prononcé pour les mémoires, les réinventions, les néo­traditionalismes… Avec un style bien différent, les nouvelles approchesnaturalistes qui investissent le champ des sciences cognitives (Bloch 1998, 2005 ;Boyer 1997, Whitehouse 2004) ont, elles aussi, contribué à revigorer lesquestionnements anthropologiques sur les phénomènes de transmissionculturelle. Au croisement de l’anthropologie religieuse et des dernières avancéesdans le domaine de la cognition, nombre de ces auteurs cherchent à expliquer lafaçon dont l’architecture cognitive humaine contribue à la génération, à latransmission et à la distribution des idées religieuses. C’est dans ce nouveauchamp disciplinaire, hérité de la lointaine psychologie des religions, que PascalBoyer a montré pourquoi certaines hypothèses religieuses seraient plustransmissibles que d’autres (Boyer 2001), tandis qu’Harvey Whitehouse distinguedeux types de transmission religieuse, avec chacune ses propriétés cognitives(Whitehouse 2004), et que Robert N. McCauley et E. Thomas Lawsons’interrogent sur la réalité de propriétés formelles du rite qui permettraient demieux le transmettre (McCauley & Lawson 2002). Alors, les héritiers de DanSperber, penseur emblématique de la transmission culturelle par son approche

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La transmission, entre grandesthéories et menus détails

épidémiologique (Sperber 1996), seraient­ils eux aussi obnubilés par la vieillequestion de la transmission ? Oui, répond très justement Tanya Luhrmann, carpour ces auteurs qui, la plupart, travaillent sur les phénomènes religieux, « leproblème de la religion est celui de sa transmission » (Berliner & Sarró 2007 : 98).

Dans son acception la plus large, je l’ai dit, le problème de la transmission estconsubstantiel au projet anthropologique et toujours déjà présent dans les débatscontemporains. Pourtant, si c’est un truisme, pour nos ancêtres comme pour noscontemporains, que la culture se transmet, on sera étonné par le relatif désintérêtpour les processus complexes et les modalités concrètes du transmettre. Parlantde la passation des savoirs, Carlo Severi (2007 : 330) remarque avec justesse que« la forme du processus de transmission des connaissances, d’habitude, intéressemoins ». Dans l’introduction de La Religion comme phénomène naturel, Boyer(1997 : 8) s’étonne également : « Plus complexes encore, et totalement incompris,sont les processus qui étayent la transmission culturelle. » À cet égard, on pourraassurément invoquer la marginalité disciplinaire de l’anthropologiepsychologique et de l’anthropologie de l’éducation, toutes deux d’inspirationaméricaine, mais aussi le manque d’intérêt historique des anthropologues pour lesenfants que, de longue date, ils « n’aiment pas » (Hirschfeld 2003). Peut­être nese sentent­ils pas très à l’aise sur ce terrain qu’ils pensent réservé auxpsychologues ? Mais encore, on pourrait se demander si certaines traditionsethnologiques, peu attentives aux évolutions historiques, ont ignoré letransmettre parce qu’il était censé aller de soi dans ces sociétés ditestraditionnelles et donc « hors du temps ».

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Certes, Margaret Mead avait ouvert une brèche avec son Growing Up in NewGuinea (1930), posant un regard nouveau sur les processus de transmission parlesquels les enfants manus deviennent des adultes socialisés. Dans un articlepublié en 1956, Edward Bruner, l’un des fondateurs de la « psychologicalanthropolog y », nous invitait à réfléchir sur la culture « du point de vue de latransmission culturelle, le processus par lequel le contenu de la culture est appriset communiqué aux membres de la société » (Smelser & Smelser 1970 : 565). Qu’ilsuffise aussi de penser aux textes cruciaux de Jack Goody (1977) et de RuthFinnegan (1977), relatifs aux arts de la récitation (oral arts), qui montrentcombien les processus de transmission ne fonctionnent jamais de façon identique,mais impliquent toujours une invention et une réappropriation de la part desorateurs.

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Avec bien d’autres, tous ces auteurs ont planté les graines d’une approche quis’appellera, au choix, « socialization », « education » ou encore « learningstudies » et se construira autour des textes de Jean Lave (Lave & Wenger 1991), deSolon Kimball (Kimball & Burnett 1972) et d’Harry Wolcott (1982),principalement publiés dans la revue plutôt marginale Anthropolog y andEducation Quarterly. Dans les années 1980, les anthropologues redécouvrentl’existence sociale des bambins (et l’apprentissage) et développent un corpusconsidérable sur les cultures enfantines (Toren 2007). Côté francophone, depuisles années 1970, on dispose aussi d’une littérature ethnologique abondante sur latransmission des savoirs naturalistes (Bromberger 1986), des savoir­faire(Chevallier 1991), des savoirs professionnels (Delbos & Jorion 2009), des savoirsinitiatiques (Jamin 1977 ; Déléage 2009) et de l’apprentissage musical (Cahiers…1988). Enfin, chez les sociologues, il existe de nombreux textes sur les

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Humaniser la transmission

phénomènes de socialisation, de l’apprentissage des fumeurs de marihuana(Becker 1953) aux théories de l’héritage familial (Lahire 1998), en passant par ledressage du corps des boxeurs (Wacquant 2002). Très riche, cette littérature n’endemeure pas moins éparse et forme une nébuleuse aux contours théoriquessouvent incertains. Pas de grand paradigme en la matière, donc. Comme LambrosComitas et Janet Dolgin le soulignent avec justesse, « la transmission culturelle,en tant qu’objet d’étude anthropologique […], ne constitue pas, à proprementparler, une école de recherche théorique » (Comitas & Dolgin 1978 : 171).

Prenant appui sur ces fondations diffuses, les contributions réunies icientendent poursuivre l’effort d’intelligibilité du transmettre, en complexifiant unevision parfois trop mécaniste et désincarnée. Tout d’abord, il s’agira de prendre ausérieux les propos que les acteurs et les collectifs tiennent sur les processus detransmission. Bien que la portée analytique du concept de transmission ait étémaintes fois critiquée (Lave & Wenger 1991 ; Lahire 1998 ; Ingold 2001), nouscontinuerons à l’utiliser tant elle fait sens pour les acteurs eux­mêmes. Dans tousles collectifs circulent et se stabilisent des représentations relatives autransmettre : ce qui doit être transmis, comment cela doit l’être et avec quellefinalité. Cette dimension est souvent ignorée par les théoriciens de la cognitionqui, en mettant l’accent sur la connaissance implicite des acteurs (Boyer 1997), enviennent aussi à minimiser les jeux d’influences complexes entre ce que cesderniers, de manière réflexive, disent et pensent transmettre et ce qu’ilstransmettent en réalité. L’article d’Arnaud Halloy (voir pages 40­53) sur le culteXangô à Recife (au Brésil) nous invite à nous livrer à une herméneutique serrée desthéories locales sur la transmission religieuse, et à prendre en compte le discoursréflexif des acteurs sur les conditions de la transmission (notamment sonvocabulaire). Halloy montre comment, au sein d’un même ensemble rituel, destensions peuvent surgir entre modèles opposés du transmettre.

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De tels problèmes d’ajustement entre différentes conceptions peuventégalement se poser dès lors qu’il est question de patrimonialisation. Dans monpropre article (voir pages 90­105), je décris à Luang Prabang (au Laos) une scènecomplexe où se déploie une diversité de discours sur la transmission et sa possiblecrise. Une situation qui révèle les conflits d’interprétation entre les discours et lespratiques nostalgiques des experts de l’Unesco et ceux des acteurs locaux,illustrant par là même la relativité historique et culturelle de l’obligation detransmettre. Jean­Louis Tornatore développe cette idée en indiquant combien laquestion de la transmission est omniprésente sur la scène patrimoniale, mobiliséepar des collectifs, des États et des instances globalisées (comme l’Unesco). Elleporte dorénavant aussi bien sur des monuments et sur des lieux que sur le« vivant » (naturel et culturel) que l’on cherche à protéger et à transmettre auxgénérations futures.

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Mais justement, comment approcher cette réalité insaisissable qu’est latransmission ? Où commence le transmettre ? Peut­on le décrire en­train­de­se­produire ou n’en relatera­t­on que les effets a posteriori ? Décrire les phénomènesde transmission, c’est reconnaître que des concepts, des pratiques et des émotionsdu passé ne s’invitent pas d’eux­mêmes dans le présent, dans l’esprit et dans lecorps de nos interlocuteurs. Et c’est se mettre en quête des longs processus parlesquels ces objets circulent entre les générations et sont recyclés par les acteursqui les acquièrent. La métaphore unidirectionnelle de la communication entre un« récepteur » et un « receveur » trouve ici ses limites. Jean Lave nous a appris àuser du concept de transmission avec prudence et à insister sur l’« agencéité »

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(agency) de celui qui apprend, toujours interprète actif de ce qui lui est transmisdans le cadre d’un apprentissage « situé » (Lave & Wenger 1991). Montrer le faire­passer, c’est en effet parvenir à déployer une scène très complexe et à en traquer lesmédiateurs (au sens de Bruno Latour) : les acteurs, les institutions, les gestes, lesinteractions, les lieux, les idéologies, les moments critiques, les odeurs, les textes,les silences, les temps ordinaires, les sons, les émotions, les objets et lestechnologies. Dans la durée, l’anthropologue spécialiste de la transmissioncherche les médias, les contextes, les types d’acteurs, les processus mentaux, lesinteractions et les matérialités par lesquels une telle opération de passation estrendue possible. Il se place du point de vue de l’effectuation même des pratiques,dans le tissu concret des interactions sociales et des faits de communication maisaussi des processus cognitifs, et tente de déterminer comment des manièresd’agir, de sentir ou de penser sont transmises et apprises.Qui transmet quoi ? Dans quels réseaux de transmission, formes d’organisation

et idéologies tel héritage s’est­il constitué ? En résumé, comment on transmet etcomment on reçoit ? À partir de son ethnographie chez les Darkhads de Mongolie,Laurent Legrain entreprend de décrire une telle « chaîne de transmission » (voirpages 54­71). Pour expliquer la naissance de l’amour du chant, il met en lumière ledispositif socialisateur auquel participent activement parents et enfants et parlequel l’attention des enfants pour la musique devient, petit à petit, sensibilitémusicale, une sensibilité qui porte certaines valeurs fondamentales de la sociétémongole contemporaine.

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Les enfants sont, de fait, des acteurs essentiels à prendre en compte dansl’analyse de cette chaîne. Dans sa contribution de type épidémiologique, OlivierMorin s’intéresse à la stabilité de certaines traditions enfantines, des populationspourtant très fréquemment renouvelées, et se demande pourquoi les groupesd’enfants sont tellement aptes à la transmission culturelle, la plupart du tempssans l’aide directe des adultes. Écartant les théories classiques sur la mémoire etla fidélité, Morin invoque la notion de « prolifération » pour expliquer une tellestabilité, soulignant combien certaines traditions donnent l’envie de lesreproduire et sont ainsi faites pour proliférer.

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Alors que le vif succès des théories de la cognition dans notre discipline acontribué à reformuler des questions fondamentales sur la transmission(notamment en se demandant pourquoi des concepts ou des actions sontformellement plus transmissibles que d’autres), il ne faudrait pas non plus nousenfermer dans le « tout­bio » et oblitérer les dimensions expérientielle, charnelle,sociale, interactive du transmettre. La « transmission s’impose à nous […] par soncaractère processuel et médiatisé », écrit le philosophe Régis Debray (1997 : 23).Et exposer la chaîne de la transmission, c’est se donner les moyens de retracer ceprocessus complexe et ses médiations multiples. Une scène qui, certes, fonctionneaussi de manière implicite, « hors des prises de la conscience » des acteurs,involontaire, « à l’abri même de l’explicitation » (Bourdieu 1972 : 197). Latransmission est « protomémorielle ». À travers la langue, les actions, les gestes,les émotions, elle « se fait sans penser » et « agit les individus à leur insu »(Candau 1998 : 115). Mais surtout, ce paysage est mouvant, étant lui­même lerésultat de processus historiques compliqués.

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Vlad Naumescu (voir page 72­89) nous invite, dans son étude, à resituer lachaîne de la transmission au sein même des mouvements historiques qui luiconfèrent son style. Prenant pour exemple l’histoire traumatique des orthodoxesvieux­croyants de Roumanie, séparés de l’Église orthodoxe russe au XVIIe siècle,l’auteur nous rappelle l’impérative nécessité de localiser le transmettre, sesdiscours et ses pratiques, dans les ontologies temporelles qui lui sont propres – iciun ensemble d’individus qui voient, dans la crise de la transmission qui toucheactuellement leur communauté, une confirmation de leurs croyances

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Bibliographie

apocalyptiques.Précisément : produit des aléas de l’histoire, la transmission ne s’opère jamais

de la même manière, et les phénomènes de passation sont hétérogènes etcréateurs. En ce domaine, les ratages, les blocages, les réinterprétations et lesrecréations sont légion. Comme l’écrit avec justesse Catherine Choron­Baix, latransmission agit telle une « dynamique subtile, traversée de contradictions,entravée par les obstacles, les interférences, les brouillages et autres ratages, maiscapable aussi d’engendrer de la création ou de la recréation » (Choron­Baix 2000 :359). Dans l’introduction de son Principe de la chimère, reprenant une histoire dela tradition hébraïque des Hassidim d’Europe orientale, Carlo Severi nous livre unbel exemple de ces accidents de la transmission. Tandis que le grand­père etl’arrière­grand­père du narrateur étaient de pieux hommes dotés d’un savoirjudaïque élaboré, et que son père était « un peu moins religieux », le jeunehomme, le petit­fils qui raconte cette histoire, ne prie plus et ne connaît mêmeplus le lieu des prières, mais continue pourtant de raconter cette histoire, sa« manière d’honorer Dieu » (Severi 2007 : 9). On comprend là, à mon sens, tout ceque la transmission comme « question » peut apporter à l’anthropologie. Situéeau cœur des processus historiques, mais aussi à l’intersection de plusieursdisciplines (la sociologie, la psychologie cognitive, la biologie ou encore les étudesmémorielles), la transmission nous invite à penser ces mécanismes complexes quilient les individus et rendent possible la perpétuation du culturel. Surtout, en tantque posture épistémologique, elle interroge la manière de décrire le réel et nourritles prémices d’une réflexion sur la continuité des sociétés humaines à l’épreuvedes ruptures de l’histoire.

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Notes

1 « Cette crise générale qui s’est abattue sur tout le monde moderne et qui atteint presquetoutes les branches de l’activité humaine », disait Hannah Arendt (1972 : 223).

2 Suivant la formule de Muriel Darmon (2007 : 6).

3 « Tout ne part pas toujours en lambeaux », comme par exemple ces rites observés parl’auteur en pays Loma (Guinée forestière) qui ont subi des campagnes iconoclastesrépétées, lancées par le gouvernement des Indépendances et qui, pourtant, se perpétuentjusqu’à ce jour. Un phénomène de résilience religieuse que Ramón Sarró et moi­mêmeavons pu étudier chez les Baga de la côte de Guinée (Berliner 2005a ; Sarró 2008).

4 La « mémoire » est devenue un concept envahissant, parfois abusif, dans la sphère dessciences sociales. Pour une critique de son usage « fourre­tout », voir Berliner (2005b).

Pour citer cet article

Référence papierBerliner D., 2010, « Anthropologie et transmission », Terrain, n° 55, pp. 4­19.

Référence électroniqueDavid Berliner, « Anthropologie et transmission* », Terrain [En ligne], 55 | septembre2010, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 04 mars 2016. URL :http://terrain.revues.org/14035

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Auteur

David BerlinerUniversité libre de Bruxelles,Laboratoire d’anthropologie des mondes contemporains

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