62suaraTrimestriel » 16ème année n°62 » décembre 2015 / janvier / février 2016

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le journal de l’église en mission

Portes ouvertes

» LA MISÉRICORDE EN COLOMBIE

» EN RD CONGO L’ÉGLISE S’ENGAGE

» CONTRE L’INDIFFÉRENCE

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Les portes de la miséricorde en Colombie » 3Ouvrir les portes aux plus vulnérables » 4Sr Gladys et les jeunes à Louvain-la-Neuve » 5 Voir avec les yeux de… » 6Contre l’indifférence, la compassion » 7 - 8Les enjeux de la Miséricorde » 9La miséricorde passe par le don » 10Billet » 11

DANS CE NUMÉRO

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FOTO: BORIS G

éditorialMiséricordeLa miséricorde. Comment ne pas y penser après le carnage des atten-tats terroristes du 13 novembre ? Spontanément, elle va aux familles des victimes. À ces vies bouleversées.

Mais quelle miséricorde pouvons-nous offrir à ces bouleverseurs de vie qui, croyant servir Dieu, tuent leurs frères humains ?

Il n’y a pas de réponse univoque. Etty Hillesum nous en livre une dans son journal, justement intitulé Une vie bou-leversée : «On a parfois du mal à concevoir et à admettre, mon Dieu, tout ce que tes créatures terrestres s’infligent les unes aux autres en ces temps déchaînés… j’essaie toujours de retrouver la trace de l’homme… enseveli parmi les ruines monstrueuses de ses actes absurdes.»

Et si le chemin de la miséricorde passait par là : trouver ou retrouver la trace de l’homme ? Au fil de ces pages, les auteurs vous donneront des clés pour ouvrir les portes de la miséricorde. Sur tous les continents, des voies sont explorées pour que nous nous fassions les relais du regard d’amour que Dieu porte sur nous quelles que soient nos faiblesses. Un regard que la bible nous invite à adopter dans nos actes concrets de charité en faisant du respect la personne l’élément-clé du don, comme nous l’explique le grand rabbin de Belgique, Albert Guigui.

Puissions-nous entrer dans cette Année Sainte avec le désir d’accomplir la mission que Jésus nous confie : soyez miséricor-dieux comme votre Père est miséricordieux. (Lc 6, 36-37)

PHOTO: SHUTTERSTOCK / HUDYMA NATALLIA

sommaire 62

«Notre communauté veut manifester la proximité de Dieu à chaque famille, chaque personne.»

» Lire en page 3.

«Le Christ voit avec les yeux d’Adam, Adam voit avec les yeux du Christ.»

» Lire en page 6.

«Pierre Teilhard de Chardin, Charles de Foucauld et Edith Stein : trois guides pour mettre l’action au cœur de l’engagement chrétien.»

» Lire en page 7 - 8.

La communauté paroissiale de «La Inmaculada Concepción», dans le diocèse de Istmina – Tadó, avait plus qu’une autre vocation à ouvrir en grand les portes de la miséricorde en ce 8 décembre 2015. Car dans cette région du Chocó, principalement habitée par des populations afro-colombiennes et amérindiennes, le visage du Christ miséricordieux se révèle de multiples façons.

» SAMIR GARCÍA VALENCIA

Le 11 avril 2015, par la Bulle Misericordiae Vultus*, le Saint Père nous invitait à entrer, ce 8 décembre, dans l’Année Sainte de la Miséricorde. Le Pape François nous le rappelait, «Jésus-Christ est le visage de la miséricorde du Père… Jésus de Nazareth, par sa Parole, ses actes et toute sa personne révèle la miséricorde de Dieu».

Les portes de la miséricordeNotre paroisse, dont la fête patronale a justement lieu le 8 décembre**, a ouvert ses portes pour cet événement de l’Église Universelle. Les enfants et les adolescents ont été les premiers à franchir ces «portes de la Miséricorde», car c’est par eux que se manifeste en priorité le règne de Dieu (Cf. Mt 19,14). Ils incarnent

la tendresse et l’amour de Dieu. Ils ne connaissent ni la rancune, ni la haine ni la vengeance et sont ouverts à l’amour, à la tendresse, au pardon et à la fraternité. C’est pour cela que nous appelons ces petits : «les grands missionnaires de la miséricorde de Dieu». Dieu se fait procheNous poursuivons notre chemin vers un nouveau modèle d’évangélisation qui se concrétise dans la proximité et la tendresse envers chaque famille, chaque enfant, jeune ou adulte. Pour apporter ensemble l’Évangile de maison en maison, de personne à personne, nous allons dans les coins les plus reculés de la paroisse en proclamant : «Dieu t’aime, Dieu te

pardonne, Dieu veut ton bonheur, Dieu est l’ami qui ne fait jamais défaut, Dieu est miséricorde». Se faire tout à tousEn tant que communauté paroissiale, notre mission est d’accompagner l’annonce de la miséricorde de Dieu par des signes concrets de charité, de proximité avec les souffrants, les affligés, les isolés ; avec ceux qui ont faim, sont rejetés ; avec les prisonniers, les pécheurs ; avec ceux qui n’ont plus ni espoir ni illusions. En définitive, il s’agit de nous faire «tout à tous» (Cf. 1Cor 9,22). Il nous reste alors, comme le dit le Saint Père, à «ouvrir nos yeux pour regarder la misère du monde, les bles-sures de tant de frères et de sœurs privés de dignité et à écouter leur appel au secours. Que nos mains serrent leurs mains et les attirent vers nous afin qu’ils sentent la chaleur de notre présence, de l’amitié et de la fraternité.» (Bulle Misericordiae Vultus, n. 15). •

* Le visage de la miséricorde** Fête de l’Immaculée Conception

Le Père Samir García Valencia est directeur de Missio dans le diocèse d’Istmina-Tadó dans l’ouest de la Colombie.

chrétiens dans le monde

En Colombie, l’Église ouvre ses portes

5 C’est en eux que se manifeste en priorité le Royaume de Dieu.

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Offrez une longue vie à votre générosité, pensez au legs ! Pour qu’après vous votre générosité demeure, choisissez dès maintenant la solidarité grâce à un legs mentionné dans votre testament. Vous pourrez ainsi continuer à aider les communautés locales qui, en Afrique, en Asie et en Amérique Latine annoncent l’Évangile. Ce testament peut être manuscrit (écrit de votre propre main, doit être daté et signé par vous) ou fait devant notaire. Vous y pensez?

Renseignez-vous auprès de votre notaire ou contactez le directeur de Missio Belgique, le Père Michel Coppin : 02 679 06 30 ou michel.coppin@missio.be.

projets

Zoom sur l’Église en AfriqueLa journée de l’Afrique a traditionnellement lieu dans l’Église lors de la fête de l’Épiphanie. Une occasion, cette année, de voir comment l’Église de RD Congo ouvre les portes de la miséricorde : un geste symbolique, qui n’a de sens que s’il débouche sur des actions concrètes. L’action de la Caritas en RD Congo nous fait voir un des visages de la miséricorde, dans un pays où la misère est omniprésente, auprès des plus vulnérables et démunis.

» JOSEPH KIALA

Par l’intermédiaire de Caritas, levier de sa pastorale sociale, l’Église catholique en RD Congo ouvre en effet ses portes aux plus déshérités, à travers tout le pays. Caritas s’appuie sur un réseau de bureaux diocésains et de relais paroissaiux. Une action sur le terrain, principa-lement dans trois domaines : les urgences (solidarité et partage), la santé et le développement.

Ouvrir les portes de la solidarité En 2015 l’action de Caritas-Congo a couvert plusieurs secteurs sensibles :• L’éducation et la sécurité alimentaire des

enfants (à Kisantu, Kindu et Kongolo). • La scolarisation des filles grâce au programme

«Vas-y fille» dans l’ex-Bandundu et l’ex-Équateur.

• L’aide aux réfugiés centrafricains (4.300 ménages) et à leurs familles d’accueil (dons d’outils agricoles, des vivres et des semences).

• La scolarisation des enfants vulnérables, en collaboration avec l’Unicef, à Kinshasa,

dans l’ex-Bandundu et dans l’ex-Bas-Congo. • Un projet de microfinance à Kinshasa et

dans l’ex-province de Bandundu.

Ouvrir les portes de la santéCaritas Congo vient aussi en aide à divers groupes par-ticulièrement fragiles : les tuberculeux, les enfants souf-frant de malnutrition et les malades, par un système de mutuelle de santé qui prend en charge 80 % des soins médicaux des patients de l’hôpital de Ciriri/Sud-Kivu.

Ouvrir les portes de l’Évangile Comme l ‘affirmait Mgr Janvier KATAKA Luvete, Président du C.A. de la Caritas Congo, au personnel de l’association : «Le travail que nous sommes appe-lés à réaliser pour les pauvres doit toujours s’inspirer de l’Évangile et de notre identité chrétienne.» •

Joseph Kiala est responsable de la com- munication de Caritas en République Démocratique du Congo.

POUR DONNER UN COUP DE POUCE SUPPLÉMENTAIRE Vous pouvez aider les communautés ecclésiales du Burundi, de RD Congo

et du Rwanda par un virement ou un don en ligne à Missio :

IBAN BE19 0000 0421 1012 • BIC BPOTBEB1 (Avec la communication ‘Suara Journée de l’Afrique’) ou sur www.missio.be

Pour les projets pastoraux, nous ne pouvons pas délivrer d’attestation fiscale.

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dans les coulisses de missio

Vendredi soir… jour de l’Oratoire!

Ce 2 octobre, le programme est un peu chamboulé : les témoins colombiens de Missio sont attendus ; les bouchons sur la route retardent leur arrivée ! Qu’importe, Noé, Louna, Lucas, Benita et les autres se prêtent de bonne grâce au changement des habitudes et on se retrouve tous d’abord dans la chapelle communautaire.

(S’appro)-prier la Parole de DieuLe temps de prière, c’est leur affaire aussi : invités par le Père Salvator, les jeunes jouent une saynète actualisant un extrait de l’évangile de Luc et l’appel des disciples. Sr Gladys et Père Mario, accompagnés de notre directeur Père Michel, rejoignent le groupe de l’Oratoire dans son temps de prière.

Un temps de convivialitéUn esprit de rencontre souffle, et c’est dans cette ambiance qu’une grande table nous rassemble pour un délicieux repas.

Chez les Salésiennes de Don Bosco à Louvain-la-Neuve, les portes de la maison sont ouvertes. Dès 17h, 15 à 20 jeunes de 12 à 17 ans arrivent, chacun à son rythme. Le 3 octobre, ils ont rencontré une invitée particulière : Sœur Gladys, témoin venue de Colombie qui travaille avec les jeunes dans les quartiers pauvres de Medellin.

» ANNE DUPONT

Un jeu de coopérationToute cette bonne énergie est ensuite mise à profit par Sr Gladys qui entraîne les jeunes dans un jeu d’action. Sauve qui peut ! À chaque fois que résonne «El barco», il faut former les équipes en suivant les instructions du capitaine, au risque de se noyer ! La coopération est donc de mise.

Du témoignage à l’engagementLe courant est passé, et ce n’est pas la barrière de la langue qui empêche la bonne humeur. Sr Gladys est donc bien écoutée quand, avec l’appui de Père Mario, elle apporte son témoignage sur la vie en Colombie et en particulier son action auprès des jeunes et des enfants à Medellín. Interpelé sur sa propre capacité à sengager, chacun, porteur d’une bougie, pose ensuite un geste d’engagement. C’est donc dans une ambiance recueillie que s’achève cette soirée… du moins avant la distribution des douceurs chocolatées de Medellin ! •

Anne Dupont est responsable francophone de Missio pour la formation.

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«Grâce à la présentation de Sr Gladys, j’ai appris que la

Colombie n’est pas un pays si pauvre mais que les richesses n’y sont pas bien réparties.

Cela m’a surpris.»

• Baptiste

«Sr Gladys a parlé de l’enga-gement. Comme elle, on croit que les jeunes peuvent s’enga-ger. Quand on a la volonté, on le peut. Comment ? En

s’engageant à faire de petites choses, chaque jour.»

• Louna et Noé 5 Soeur Gladys et des jeunes, en Colombie.

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pour aller plus loin

Voir avec les yeux de l’autreDieu est amour, par nature. Il nous a créés, vous et moi, «à son image et à sa ressemblance» (Genèse 1, 27) Il nous revient de révéler au monde l’image de Dieu en nous. «Miséricordieux comme le Père» est la devise de cette Année Sainte de la Miséricorde, fondée sur les paroles de Jésus «Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux» (Luc, 6, 36). Jésus de Nazareth est dé- signé par la bulle Misericordiae Vultus (MV) comme le visage-même de la miséricorde de Dieu, qu’il révèle par ses paroles, ses actes et toute sa personne.

L’homme porté par le Christ Le logo de cette année sainte rappelle la coexistence, dans le Christ, des deux natures, divine et humaine. Les trois formes ovales concentriques, dont les couleurs vont s’éclaircissant de l’intérieur vers l’extérieur, sug-gèrent le mouvement du Christ arrachant l’homme aux ténèbres du péché et de la mort. Inversement, la profondeur des couleurs sombres évoque l’insondable amour du Père qui pardonne tout. Le Fils charge sur ses épaules l’homme égaré, démontrant que c’est l’amour du Christ qui accomplit pleinement le mystère de l’in-carnation culminant dans la rédemption. La devise «Miséricordieux comme le Père» devient ainsi une invitation à imiter ce Père plein de miséricorde qui

nous demande non pas de juger et de condamner mais de pardonner et d’aimer sans mesure.

Un même regardNotons un détail particulièrement significatif : les yeux de Jésus se confondent avec ceux de l’homme. Le Christ voit avec les yeux d’Adam et Adam voit avec les yeux du Christ. Toute personne peut ainsi découvrir en Christ, nouvel Adam, sa propre humanité et l’avenir qui lui est promis. Dans le même temps, Jésus, en voyant avec les yeux de l’homme, s’identifie à l’humanité. C’est là tout le sens de l’incarnation. Comme l’affirme Thomas d’Aquin, la miséricorde de Dieu, loin d’être un signe de faiblesse, est la marque de sa toute-puissance.

Déjà, en prenant pour devise épiscopale, «Miserando atque eligendo», le Pape François faisait référence à l’appel de l’évangéliste Matthieu, tel que celui-ci, pécheur et pourtant choisi, le relate: «Jésus vit un publicain et, le regardant avec un sentiment d’amour le choisit, il lui dit : Suis-moi.» (Matthieu 9, 6-13). C’est d’ailleurs le jour de la Saint Matthieu que le jeune Jorge Bergoglio découvrait, en 1953, sa vocation sacerdotale.

Vivre la miséricordeIl est absolument essentiel pour l’Église et la crédibilité de son message de vivre elle-même la miséricorde et d’en témoigner. La miséricorde, dit le Pape, «est le cœur battant de l’Évangile» (MV). Aussi la bulle nous invite-t-elle à la vivre par nos paroles et nos actes, par notre écoute, notre compassion et notre solidarité concrète envers les plus pauvres, les étrangers, les malades, les isolés, les prisonniers, désignés comme ces petits en qui Jésus se rend présent. (Matthieu 25)

St Jean XXIII, lors de l’ouverture du Concile Vatican II, proclamait : «Aujourd’hui, l’Épouse du Christ, l’Église, préfère recourir au remède de la miséricorde plutôt que de brandir les armes de la sévérité.» Et nous avons bien besoin de l’entendre aujourd’hui. •

Promildon Lobo est un prêtre du Diocèse de Tuticorin dans le Tamil Nadu (Inde), doctorant à la KU Leuven. Il est également engagé à la paroisse anglophone ND de Grenade à Uccle et respon-sable des projets de Missio-Belgique en Asie.

Le logo de l’année jubilaire de la Miséricorde en dit beaucoup plus long qu’on ne l’imagine. On découvrira ici le sens de ce picto-gramme à la lumière de la bulle d’indiction Misericordiae Vultus.

» PROMILDON LOBO

«à l’exemple du père, pardonner et aimer

sans mesure.»

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Le métier de militaire, tourné vers l’ac-tion, m’a conduit à m’appuyer sur des guides spirituels qui mettent l’action au cœur de l’engagement chrétien. C’est ce que nous, militaires, appelons RLS : Real Live Support. Ces maîtres ont joué un rôle important dans mon cheminement. Trois guides tournés vers l’actionEdith Stein parce qu’elle engage à «vivre de plus en plus fidèlement et purement la vie que l’on a choisi». (Lettre du 11 janvier 1934 à soeur Adelgundis Jaegerschmid). Pierre Teilhard de Chardin parce qu’il affirme

qu’action et sanctification vont de pair. Charles de Foucaud parce que c’est un Homme (avec H) qui entre à plein dans ce qu’il voit ou écoute, dans ce qu’il décide et entreprend, dans ce qu’il comprend des questions qui arrivent. Laisse-toi faire par DieuTeilhard de Chardin me proposait trois balises essentielles : ne pas chercher la sécurité dans la religion en RÉDUISANT son univers ; faire de la religion un trem-plin pour RÉAGIR et JAILLIR ; mettre le CAP sur Dieu. Un programme synthétisé dans cet extrait de la correspondance de guerre de Teilhard (regardez page 8).

J’ai eu la chance de vivre une certaine similitude avec Charles de Foucauld. Comme lui, je me suis à un moment de ma vie éloigné de la religion et j’y

suis revenu. Le Père de Foucauld est un homme transformé et soulevé par le souffle et l’Esprit. Il a toujours cherché à sortir des sentiers battus. 4

Contre l’indifférence, la compassion

église en belgique

En tant qu’aumônier militaire, comment vivre la crise actuelle du Proche-Orient ? Comment se positionner comme chrétien face à l’engagement de l’armée, à la fois sur le terrain des hostilités et ici, dans l’accueil des réfugiés ? Le service diaconal pousse à s’immerger dans la compassion et à marcher contre l’indifférence.

» ERWIN VILAIN

Pierre Teilhard de Chardin PHOTO: ON BEING

Edith SteinEdith Stein, en religion sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix, née le 12 octobre 1891 à Breslau, dans l'Empire allemand, déportée le 2 août 1942, internée au camp d'extermination nazi d'Auschwitz, dans le territoire polonais occupé par le Troisième Reich où elle fut mise à mort le 9 août 1942, est une philosophe et théologienne allemande d'origine juive devenue religieuse carmélite. Elle a été canonisée par le pape Jean-Paul II le 11 octobre 1998. Lors de sa canonisation, le Pape Jean-Paul II affir-mait : «Thérèse-Bénédicte de la Croix … est devenue l’expression d’un pèlerinage humain, culturel et religieux qui incarne le noyau insondable de la tragédie et des espoirs… Juive et chrétienne, elle a chéri sa double appartenance, même si cela déconcerte les chrétiens et les juifs. Qu’une chrétienne meure comme juive ne lui a pas paru plus choquant qu’une juive vivant comme chrétienne. Elle nous est donnée par Dieu.»

Jean-Paul II, Lettre Apostolique «Spes aedificandi», du 1er octobre 1999, n° 3, in La Documentation Catholique, du 7 novembre 1999, N° 2213.

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Soulevé par l’EspritDans sa jeunesse il avait, comme moi, un goût certain pour la provocation. Peut-être Dieu est-il venu me provoquer comme Charles de Foucauld en se met-tant sur ma route. L’histoire des religions monothéistes et en particulier de l’Islam a produit en moi un profond bouleverse-

ment, une mystérieuse tension entre ces deux partenaires, l’homme et Dieu, qui devait ainsi marquer tout mon et son iti-néraire spirituel. Je devais découvrir plus tard le même itinéraire chez Edith Stein. Cette jeune femme Juive, convertie au catholicisme, s’est elle aussi éloignée de sa religion d’origine. Elle a redé-

«Je pense qu’il est inexact de dire, comme tu le fais, que, dans la vie religieuse, et la vie de tous les Chrétiens les hommes et les femmes cherchent plus de sécurité en «réduisant» leur activité ; s’ils le croyaient, ce serait très dommage, et peu honorable pour la Providence. Non, canaliser n’est pas réduire. Pose en principe, et ne te lasse pas de redire autour de toi ceci : une des marques les plus sûres de la vérité de la religion, en soi et dans une âme en particulier, c’est d’observer jusqu’à quel point elle fait agir, c’est-à-dire dans quelle mesure elle parvient à faire jaillir, des sources profondes qui sont en chacun de nous, un certain maximum d’énergie et d’effort. L’action et la sanctification vont de pair, et se soutiennent l’une par l’autre. Tu veux te sentir davantage en équilibre, au milieu des mille heurts de la vie libre : applique-toi à augmenter ton élan personnel, ta poussée vers le bien à réaliser autour de toi...»

(Pierre Teilhard de Chardin Genèse d’une pensée, lettres 1914-1919).

église en belgique

couvert Dieu après quelques détours : «J’avais cessé de pratiquer ma religion à l’âge de quatorze ans. Je ne me sen-tis à nouveau juive, qu’une fois renoués mes liens avec Dieu.» Et c’est à l’inté-rieur d’elle-même qu’elle l’a trouvé : «Je rencontre dans mon être, un autre Être qui n’est pas le mien, mais qui est le support et le fondement du mien, en soi inconsistant et instable. Au fond de mon être, là où je me rencontre moi-même, je puis, par la foi, reconnaître l’être éternel.» Edith Stein, Être fini et être éternel, Ed. Nauwelaert 1972. Le corps et l’esprit Comme aumônier militaire, je me sens particulièrement concerné la ques-tion de l’engagement qui est à la fois physique et spirituel. Notre mission, et celle de tous les chrétiens, est de faire quelque chose pour «les plus petits de nos frères» les aider à construire leur vie. Pour tous, cela implique des actions concrètes, mais pour nous il y a un engagement physique. Celui-ci se tra-duit beaucoup actuellement dans notre travail auprès des réfugiés. Il s’agit de les aider à construire un avenir meilleur, à retourner dans un pays sécurisé, dans la paix et la justice. Il nous faut aider à l’établissement de la paix et de la justice, car il n’y a pas de vraie paix sans justice.

Non à l’indifférenceIl y a un cap à garder pour y parvenir, et cela suppose deux attitudes :

• Ne pas rester indifférent, car il y a une bonne nouvelle de Dieu destinée à tous : Je suis

là et serai là pour vous• Scruter notre propre vie pour

voir ce que nous pouvons faire pour changer les choses au lieu de se plaindre.

Et ne jamais oublier cette phrase du Christ : «Je vous le dis, tout ce que vous avez fait pour l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est pour moi que vous l’avez fait» ; tout ce que vous avez fait pour ces réfugiés c’est pour LUI que vous l’avez fait.

Appréhender toutes les véritésReste donc la tâche la plus difficile : appréhender toutes les vérités en même temps. Aller vers cet autre, au-delà des frontières, afin de pouvoir comprendre aussi sa vérité à lui. La compassion, c’est aussi cela. •

Erwin Vilain est aumônier militaire dans l’armée Belge, diacre permanent dans le diocèse de Bruges et père de cinq enfants.

6 Tout ce que vous avez fait à l’un de ces petits.PHOTO: THOMAS HAWK

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pour aller plus loin

«Après qu’Adam et Ève eurent péché, explique le pape, Dieu n’a pas voulu que l’humanité demeure seule et en proie au mal. C’est pourquoi Marie a été pensée et voulue sainte et imma-culée dans l’amour (Éphésiens 1,4), pour qu’elle devienne la Mère du Rédempteur de l’homme. Face à la gravité du péché, Dieu répond par la plénitude du par-don.» Le pape a donc ouvert la porte de la miséricorde pour que chaque peuple fasse l’expérience de l’amour de Dieu qui accueille, console et pardonne.

Une miséricorde sans frontièreLa miséricorde, c’est l’acte suprême par lequel Dieu vient à la rencontre de l’hu-manité. Il est «sans frontière» et nous appelle aussi à être des «frères univer-sels». Une MISÉRICORDE, source de la joie, de la sérénité et de la paix dont le monde d’aujourd’hui a tant besoin. L’année de la miséricorde vise à remettre au centre le sacrement du pardon et l’engagement en faveur de la Justice.

C’est pourquoi le pape veut faire du carême 2016 l’un des temps forts de l’année sainte. Il compte envoyer des prêtres appelés «missionnaires de la miséricorde» à travers le monde. Ils seront accueillis par chaque évêque. Dans nos paroisses, nous serons ainsi appelés à créer des oasis de miséricorde ouvertes à tous. Soucieux de l’universa-lité de cette année de la miséricorde, le pape demande que la porte sainte ne soit pas ouverte et franchie seulement à Rome, mais que dans toute cathédrale, en tout sanctuaire d’importance, s’ouvre une «porte de la miséricorde».

Être des acteurs de miséricordeCette miséricorde de Dieu, révélée dans le Christ crucifié et ressuscité, l’Église la proclame de différentes manières. Elle nous invite à être les uns envers les autres acteurs de cette miséricorde, pour un monde meilleur. «Miséricordieux comme le Père», telle est la devise de l’année jubilaire. Cette année, qui sera clôturée le 20 novembre 2016, fête du Christ- Roi, doit également servir à se rapprocher des Juifs et des Musulmans, dont la miséricorde est aussi au centre de la foi. Ensemble construisons le monde où règne la MISÉRICORDE. • 

Anastas Sabwe Kalenda est un prêtre d’origine congo-laise. Il est curé de la paroisse St Anastase à Gedinne, dans le diocèse de Namur.

La miséricorde, une mission pour l’ÉgliseC’est à Rome, le 8 décembre, en la fête de l’immaculée conception, que le pape François a ouvert la porte sainte pour l’année de la MISÉRICORDE. Pourquoi cette date ? Quels sont les enjeux de cette année jubilaire pour l’Église, pour nos communautés?

» ANASTAS SABWE KALENDA

3 Ce 8 décembre 2015, le Pape François à ouvert les portes de la Basilique Saint Pierre de Rome pour marquer l’entrée dans l’année sainte de la miséricorde. D’autres portes de la miséricorde s’ouvriront à Rome, en Italie et partout dans le monde.

PHOTO: DNALOR01

«la miséricorde est sans frontière.

Elle fait de nous des frères universels.»

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bible

La miséricorde passe aussi par le donDans la Bible, la miséricorde est indissociable du don et de la justice. Donner aux pauvres : un commandement important de la Torah que nos aînés pratiquaient spontanément mais que nos jeunes connaissent de moins en moins. Et pourtant! Cette Mitswah (prescription) a fait l’honneur du peuple juif, admiré pour la soli-darité que nous manifestons vis-à-vis de ceux qui sont dans la détresse. Rien de tel qu’une petite histoire pour le découvrir !

» ALBERT GUIGUI

Si un pauvre se trouve en ton sein… «Donner, tu lui donneras». Le texte, nous dit le Midrach (tradition d’inter-prétation de la Torah), répète à deux reprises le verbe «donner.» Pourquoi cette répétition ? Pour nous enseigner à donner non pas une fois, mais jusqu’à cent fois, s’il le faut. Ce n’est qu’en don-

nant sans compter que nous pouvons donner avec le cœur.

Tu lui donneras«Donner, tu lui donneras». Ici, le mot ‘’lui’’ («lo» en hébreu) nous enseigne que le don ne se réduit pas à un apport en argent mais vise en premier lieu le res-pect de la personne. Dans le temple, il

existait deux pièces qu’on appelait «Lichkath Ha Chain». Dans l’une se trouvaient des caisses où les donateurs déposaient leurs dons. Dans l’autre, les nécessiteux venaient se servir.

Respecter la dignitéLe Talmud raconte: Rabbi Yannai vit un jour un homme donner une aumône en

public. Il lui dit alors : «Il eut mieux valu épargner la dignité de ce pauvre en ne lui donnant pas cet argent.» Seul un don qui provoque un rapproche-ment et qui évite de toucher la sensi-bilité des indigents est appelé Tsedaka (en hébreu, l’aumône et la justice).

Donner en secretLe don en secret est d’une très grande importance. Et la tradition juive avait bien compris qu’en ce domaine, les apparences peuvent être trompeuses, comme l’indique le récit suivant : Il y avait dans une ville un homme appelé Hershel. Cet homme était peintre, céli-bataire et sans enfants, et gagnait bien sa vie. Hershel n’avait jamais donné un franc pour la Tsedaka. Quand on s’adressait à lui, il répondait : je n’ai pas d’argent. Il vivait chichement, au point de prendre les repas de Chabbath chez un ami, moyennant une petite somme d’argent qu’il payait le dimanche matin. Les gens étaient effarés du comporte-ment de Hershel : qu’allait-il donc faire de tout l’argent qu’il amassait ? Il y avait dans la même ville deux hommes exemplaires. Gabriel le boucher et Chemariahou l’épicier. Les indigents pou-vaient venir chaque jeudi et vendredi se servir chez eux à leur guise. Certes, les deux bienfaiteurs tenaient des registres où ils notaient tout ce que les indigents prenaient. Mais tout le monde savait que ces registres ne servaient à rien.

La vraie miséricordeUn jour, on trouva Hershel gisant dans sa chambre. La société d’inhumation de la communauté ne voulait pas s’occu-per d’un homme qui n’avait jamais rien donné. Mais la loi juive les obligeait à l’inhumer comme tout juif. À son enter-rement on ne dit que du mal de lui. Ainsi Hershel fut enterré dans l’opprobre et la disgrâce. Le jeudi, lorsque les indi-gents vinrent comme se servir chez le boucher et l’épicier, il n’y avait rien pour eux. C’était Hershel qui payait tout. Il n’avait jamais voulu qu’on le sache pour ne pas tirer gloire de son acte de charité et surtout pour ne pas indisposer les indigents qu’il aidait chaque semaine. •

Albert Guigui est le Grand Rabbin de Belgique.

PHOTO: STEVEN DEPOLO

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billetCe numéro de Suara est consacré à la miséricorde. C’est dans cette perspective que je voudrais évo-quer une situation d’actualité : l’ar-rivée massive des réfugiés. Cela est dû au fait que certains dirigeants ont été soutenus par les grandes puissances, ayant des intérêts directs dans ces petits pays. Ces nations puis-santes sont aussi les plus grands producteurs d’armes du monde et les fabricants d’armes ont des groupes de pres-sion de forte influence. Ils soutiennent les leaders locaux en leur offrant des armes de façon à garder la mainmise sur la gestion des matières premières et à éliminer les partis d’opposition. La Russie, par exemple, cherche ainsi à recouvrer sa gloire d’antan. Les pays pétroliers arabes veulent dominer le marché du pétrole. L’Occident, quant à lui, ne veut pas perdre la face. On met le feu aux poudres en attisant les conflits internes : chiites contre sunnites pour s’assurer les ressources pétrolières.

La religion devient un instrument de domination. Elle devient pour quelques-uns le prétexte de s’attribuer le pouvoir de Dieu et ces conflits n’ont d’autre but que de concentrer tous les pouvoirs aux mains d’une élite. Plus le peuple se tourne vers Dieu, plus les puissants s’en éloignent. Se «connecter» à Dieu est pourtant le meilleur moyen d’éviter la guerre. Les Chrétiens, Juifs et Musulmans, qui s’efforcent de vivre profondément leur foi, cherchent vraiment à faire la volonté de Dieu malgré les difficultés. Ils peuvent, pour un temps, chercher à imposer leur foi par la force, mais cela ne dure jamais longtemps.

Au cours de notre campagne, j’ai visité un camp de réfugiés à Spa. La langue a été un obstacle. On commu-niquait par un peu de foot. Mais je pouvais percevoir leur joie de ne plus être sous la menace des armes. Beaucoup de gens craignent la présence de ces réfugiés. Pendant ces échanges, j’ai pourtant remarqué que la plupart d’entre eux sont profondément croyants et reconnais-sants pour notre accueil. Ils souhaiteraient retourner le plus vite possible dans leur pays qui était autrefois pros-père. De la qualité de notre accueil dépendra notre capa-cité à faire de ces personnes nos amis pour longtemps ou des ennemis pour les générations à venir.

Directeur de Missio Belgique

C’est avec joie que nous avons accueilli en Belgique le Père Mario et sœur Gladys de Colombie. Pendant deux semaines ils ont parlé de l’Eglise et du peuple colombien. Insistant particulièrement sur l’engagement de l’Église pour la paix et auprès des pauvres, ils ont lancé notre campagne d’octobre.

Le 12 octobre 2015, la journéeTransmission Trassemblait 400

enfants de la catéchèse du Brabant Wallon à Braine l’Alleud.

Journée Missionnaire des Enfants à Rochefort).

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