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TCA LE TRAITE SUR LE COMMERCE DES ARMES, UN TOURNANT HISTORIQUE
Dossier spécial de Sentinelle ISSN 2116-3634 http://www.sentinelle-droit-international.fr/
sous la direction d’Emmanuel MOUBITANG 20/04/2013
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DOSSIER SPECIAL du 20/04/2013
LE TRAITE SUR LE COMMERCE DES ARMES, UN TOURNANT HISTORIQUE
Sous la direction de Dr. Emmanuel MOUBITANG Chargé de Cours à l’Université de Yaoundé II- Cameroun Contact/mail : [email protected]
Sommaire
EDITORIAL : La responsabilisation des Etats exportateurs (Pr. Philippe WECKEL)
INTRODUCTION (Emmanuel MOUBITANG)
TITRE I : L’ELABORATION DU TCA
Chapitre 1 : Les défis du commerce international des armes (Emmanuel MOUBITANG)
Chapitre 2 : Historique et enjeux du processus d’élaboration du TCA (Emmanuel MOUBITANG)
Chapitre 3 : Les travaux du Comité préparatoire (Jérémy DRISCH)
TITRE II : LE CHAMP D’APPLICATION DU TCA
Chapitre 1 : Les armes classiques (Anne-Claire DUMOUCHEL)
Chapitre 2 : Exportation et importation des armes classiques (Anne-Claire DUMOUCHEL)
Chapitre 3 : Les transferts internationaux d’armes classiques (Emmanuel MOUBITANG)
TITRE III : LA MISE EN APPLICATION DU TCA
Chapitre 1 : Le rôle du Secrétariat dans la mise en œuvre du TCA (Hélène CHALAIN)
Chapitre 2 : La coopération internationale dans la mise en œuvre du TCA (Rostand BANZEU)
Chapitre 3 : L’assistance dans la mise en œuvre du TCA (Rostand BANZEU)
CONCLUSION (Emmanuel MOUBITANG)
ANNEXE 1 : Les dates clés sur le TCA
ANNEXE 2 : Texte du traité sur le commerce des armes
ANNEXE 3 : Sources documentaires
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EDITORIAL : La responsabilisation des Etats exportateurs Philippe WECKEL Professeur de droit international à l’Université de Nice Directeur de Sentinelle
Le commerce des armes conventionnelles n’est pas soumis au droit du commerce
international. Les Etats conservent intégralement leur pouvoir d’interdire ou d’autoriser les
importations et les exportations de ces biens. Plusieurs raisons fortes justifient cette exclusion.
Tout d’abord les Etats entendent préserver leur fonction inhérente de sauvegarde de la sécurité
publique. A cet égard le contrôle des opérations transfrontières complète la règlementation des
armes sur le territoire. Ensuite, des motifs de politique extérieure, des raisons stratégiques et de
défense - y compris des intérêts commerciaux - et des préoccupations politiques et diplomatiques
prédominent dans les choix des Etats en matière d’armement. Le commerce international légal des
armes est donc sous le contrôle des Etats. Ainsi en France (pour les Etats-Unis : 22 USC Chapter
39) l’exportation sans autorisation des armes de guerre est prohibée et l’autorisation prend la
forme d’une licence d’exportation (Articles L2335-2 et L2335-3 du Code de la défense, LOI n°2011-
702 du 22 juin 2011 - art. 1). Le contrôle est effectué à tous les niveaux, de la négociation, de la
vente et de l’exportation physique des biens.
Ministère de la Défense, Rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France 2012
Ainsi ce contrôle de l’exportation des armements est à la fois une prérogative souveraine
de l’Etat et une cause de responsabilité internationale de cet Etat, puisque l’activité privée de
l’exportateur est sous son contrôle effectif. Les exportations, légales il faut bien le souligner, qui
sont soumises à un régime d’autorisation engagent la responsabilité de l’Etat en question,
lorsqu’elles ne sont pas conformes à ce qui est requis de cet Etat par l’une de ses obligations
internationales. L’article 8 de l’acte de codification du droit international coutumier relatif à la
responsabilité internationale des Etats (appelé le Projet d’articles de 2001) adopté par l’Assemblée
http://www.law.cornell.edu/uscode/text/22/chapter-39http://www.law.cornell.edu/uscode/text/22/chapter-39http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006071307http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=88120A242BE950400100482E20CFA307.tpdjo10v_3?cidTexte=JORFTEXT000024228630&idArticle=LEGIARTI000024229630&dateTexte=20110624http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=88120A242BE950400100482E20CFA307.tpdjo10v_3?cidTexte=JORFTEXT000024228630&idArticle=LEGIARTI000024229630&dateTexte=20110624http://www.defense.gouv.fr/content/download/188581/2078724/file/Le%20Rapport%202012%20sur%20les%20exportations%20d%E2%80%99armement%20au%20Parlement.pdfhttp://untreaty.un.org/ilc/texts/instruments/francais/commentaires/9_6_2001_francais.pdf
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générale de l’ONU est très clair à ce sujet : « (Comportement sous la direction ou le contrôle de
l’État) - Le comportement d’une personne ou d’un groupe de personnes est considéré comme un
fait de l’État d’après le droit international si cette personne ou ce groupe de personnes, en
adoptant ce comportement, agit en fait sur les instructions ou les directives ou sous le contrôle de
cet État ». Cette attribution à l’Etat du comportement d’une personne ou d’une entité qui n’est pas
l’un de ses organes est d’autant plus certaine qu’elle a été confirmée par une solide jurisprudence
internationale qu’on ne détaillera pas ici.
Qu’un Etat n’ait pas l’intention de ratifier le Traité sur le commerce des armes adopté par
l’Assemblée générale ne lui permettrait donc pas de se dégager de sa responsabilité internationale
en vertu du droit international général et des instruments existants.
Ainsi le Traité sur le commerce des armes (TCA) ne réalise pas une progression du droit en
terra incognita. La plupart des Etats exportateurs (41 Etats) coordonnent leur politique depuis
longtemps dans le cadre de l’Arrangement de Waassenar. Restent à l’écart de cette coopération
multilatérale le Brésil, la Chine, l’Inde et Israël (l’Iran aussi, mais les exportations d’armes de ce
pays sont sous embargo). Plus de 80% des exportations mondiales entrent ainsi dans le champ de
cette coordination. Par ailleurs l’influence de la règlementation européenne relative à l’exportation
des armes conventionnelles sur la rédaction du TCA est manifeste (Position commune 2008/944 du
8 décembre 2008). La transformation du code de conduite européen en un instrument contraignant
était d’ailleurs destinée à soutenir le processus d’élaboration du TCA dans un moment crucial. Enfin
la création en 1992 par l’Assemblée générale du registre sur les armes classiques ne peut être
oubliée (UNODA, voir également SIPRI).
Le Traité sur le commerce des armes ne limite pas la compétence des Etats de règlementer
leur pratique en matière d’exportation d’armes. Il leur fait au contraire obligation d’élaborer une
telle règlementation et de la notifier au Secrétariat du Traité. Il ne les engage qu’à introduire dans
cette règlementation nationale les éléments nécessaires pour éviter d’exposer leur responsabilité
internationale. Le TCA est un instrument de mise en œuvre du droit international, notamment des
droits de l’homme. En clarifiant leurs obligations internationales qu’il précise de manière concrète,
il apporte la sécurité juridique aux Etats exportateurs. En effet, en ce qui concerne le génocide, la
jurisprudence de la Cour internationale de justice est évidemment transposable à l’exportation
d’armes (Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), Arrêt du 26 février 2007). Elle permet de distinguer
la complicité de l’Etat exportateur qui a une connaissance effective du génocide de l’obligation de
prévention du génocide qui pèse sur tous les Etats et leur impose un devoir de prudence et de
précaution dans l’octroi des licences d’armement. De même on ne doit pas douter de l’applicabilité
de la jurisprudence Soering c. Royaume-Uni (CeDH, 7 juillet 1989) à l’exportation d’armes et
l’extension de cette jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme aux autres
instruments de protection de ces droits. Pour échapper à cette construction du droit par voie
d’interprétation, il est préférable, au regard du principe de prévisibilité, de ratifier le TCA. Il est
plus généralement de l’intérêt des Etats exportateurs d’y procéder, parce qu’ils ne peuvent trouver
http://www.wassenaar.org/participants/index.htmlhttp://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2008:335:0099:0103:FR:PDFhttp://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2008:335:0099:0103:FR:PDFhttp://www.un.org/disarmament/convarms/Register/http://www.sipri.org/research/armaments/transfers/measuring/financial_values/databases/armstransfershttp://www.icj-cij.org/docket/files/91/13684.pdfhttp://www.icj-cij.org/docket/files/91/13684.pdfhttp://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/pages/search.aspx#{"dmdocnumber":["695496"],"itemid":["001-57619"]}
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que des avantages à la clarification des exportations légales. Le traité incite au dialogue avec les
Etats importateurs qui sont invités à fournir les éléments qui permettent de rassurer sur le risque
qu’entraîne l’autorisation d’exporter. Les grands perdants seront bien entendu les Etats
importateurs qui ont une conduite calamiteuse en matière de respect des droits de l’homme. Ne
pas ratifier le TCA ne leur évitera pas le désagrément qu’implique la responsabilisation des Etats
exportateurs.
En fixant à 50 Etats le seuil d’entrée en vigueur du TCA les rédacteurs se sont montrés
raisonnablement exigeants, puisque ce nombre est supérieur à ce qui est généralement requis pour
un instrument multilatéral à vocation universelle. Le seuil devrait être atteint assez rapidement.
Peut-on espérer l’adhésion de tous les Etats ? Ils sont tous concernés. Le transit et la réexportation
les placent tous en situation de devoir rendre des compte à raison de transferts d’armes.
Néanmoins il n’est pas forcément nécessaire de ratifier le TCA pour s’y conformer. On doute un peu
de la capacité de l’Exécutif américain à obtenir l’approbation du Congrès. Cet obstacle devrait à
première vue être aisément contourné, le cadre légal existant conférant au Président américain une
compétence pour la règlementation du commerce international des armes. Aussi, pour apprécier
l’effectivité du TCA il sera nécessaire de prendre en compte d’autres éléments que le nombre de
ratifications.
Le Traité sur le commerce des armes est un instrument technique qui ne réalise pas
d’avancée normative majeure, mais on peut le considérer comme un pas important vers une
effectivité vérifiée du droit international.
Un universitaire du Cameroun, Emmanuel MOUBITANG, a dirigé la réalisation de ce dossier
spécial.
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INTRODUCTION Emmanuel MOUBITANG
Plus d’un siècle après l’Acte général de la Conférence de Bruxelles de 1898 qui a tenté de
réglementer le transfert des armes vers les territoires coloniaux, l’Assemblée générale de l’ONU a
adopté, ce 02 avril 2013, par 154 voix pour, trois (03) contre et 23 abstentions, le premier Traité
sur le commerce des armes (TCA), rattrapant ainsi l’échec essuyé par la Conférence finale de
négociations qui s’est tenue du 18 au 28 mars 2013, à New York. Les 193 pays membres de l'ONU
n'avaient pu se mettre d'accord par consensus à New York sur ce texte de 14 pages, censé
moraliser les ventes d'armes. L'Iran, la Syrie et la Corée du Nord avaient bloqué le texte après dix
(10) jours de négociations. Une centaine de pays, dont la France, la Grande-Bretagne, les Etats-
Unis et de nombreux Etats africains et latino-américains, ont alors proposé que l'Assemblée
générale adopte une résolution reprenant le projet de traité et l'ouvre ainsi à la signature. La
résolution ouvrant le traité à la signature, à partir de juin 2013, ayant été adoptée, le texte doit à
présent être signé et ratifié par chacun des pays. Il entrera en vigueur à la 50ème ratification.
Pour les organisations non gouvernementales qui militent depuis quinze ans pour un
meilleur contrôle du trafic d’armes dans le monde, c’est « un accord historique ». La société civile
réclamait en effet à cor et à cri la régulation de ce marché sensible dont le montant global s’élève à
70 milliards de dollars (54 milliards d'euros) par an et qui représente un risque grave pour les
civils, victimes de transferts irresponsables d’armes, en particulier dans les zones de conflit.
L’objectif de ce traité est d’obliger chaque pays à évaluer, avant toute transaction, si les
armes vendues risquent d’être utilisées pour contourner un embargo international, pour commettre
un génocide et d’autres exactions contre la population civile, ou être détournées au profit des
terroristes ou des criminels. Les armements couverts vont du pistolet aux avions et navires de
guerre en passant par les missiles. Il s’agit là d’une première historique dans un domaine considéré
comme hautement sensible et réservé jusque-là aux prérogatives nationales, et dès lors privé de
réglementation internationale juridiquement contraignante.
Ce Traité génère beaucoup d’espoir, en particulier dans des pays et des régions durement
touchées par la violence armée. Certes, le TCA ne mettra pas un terme à cette violence.
Néanmoins, il représente une opportunité de mieux réglementer et contrôler les transferts d’armes
conventionnelles, les petites comme les grandes, ainsi que leurs munitions. Il permettrait ainsi de
réduire les trafics illicites et les transferts d’armes irresponsables qui causent de nombreux
dommages et alimentent la violence armée aussi bien dans les zones de conflit, que dans la
criminalité organisée ou la violence urbaine. Les États ont aujourd’hui une opportunité historique
de contribuer à un monde un peu plus sûr et (peut-être), plus responsable. L’adoption de ce traité
malgré le blocage tenté par certains Etats a été vite saluée par les grands de ce monde :
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Pour le Secrétaire général de l'ONU, BAN KI-MOON, il s'agit d'un « succès diplomatique
historique » qui devrait donner « un nouvel élan bienvenu à d'autres efforts de désarmement ».
Le Secrétaire d'Etat américain John KERRY a salué un traité qui « peut renforcer la sécurité
internationale ».
Le Premier Ministre britannique David CAMERON a salué « un accord historique qui va
sauver des vies et soulager les immenses souffrances provoquées par les conflits armés ».
Cependant, Il est encore trop tôt pour dire si le TCA répondra à ces attentes. Les positions
des États sur ses objectifs divergent toujours, à l’issue du processus de discussions préparatoires
de 2010-2012, préalable aux négociations officielles. Plusieurs points de désaccord sur des
éléments essentiels à un TCA « fort et robuste » et universel persistent.
Ce dossier spécial se propose d’analyser le processus qui a abouti à l’adoption d’un TCA aux
Nations Unies. Il tente de dresser un état des lieux des discussions préparatoires à la Conférence
finale et d’identifier les principaux enjeux desdites négociations.
La première partie donne un bref aperçu des défis actuels du commerce international des
armes conventionnelles, la nature mondiale de ce commerce et de ses acteurs, le caractère
sensible des intérêts qu’il véhicule, ses conséquences en termes de coût humain principalement.
Elle revient sur les initiatives à l’origine du TCA, l’historique du processus mené aux Nations Unies
en vue de son adoption, ainsi que sur l’examen des travaux du Comité préparatoire de la
Conférence de négociations, qui a tenu plusieurs sessions entre juillet 2010 et juillet 2012. Le
présent travail vise ainsi à identifier les tendances qui se dégagent autour des différents éléments
du TCA, avant d’analyser plus en détails, dans la deuxième partie, son champ d’application. Une
troisième partie est consacrée à l’examen des moyens de mise en application du TCA. Ainsi, le
Secrétariat, la coopération et l’assistance internationale institués par l’accord en question sont
passés au peigne fin par la fine crème des analystes de « Sentinelle ». Le rôle de certains États
étant déterminant pour aboutir à un TCA universel, il convient d’examiner en définitive la position
affichée par quelques-uns des principaux acteurs de ce commerce meurtrier.
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TITRE I : L’ELABORATION DU TCA
Ce premier temps fort de l’analyse comporte trois grandes articulations : les défis du
commerce international des armes (Chapitre 1) ; l’historique et les enjeux du processus
d’élaboration du TCA (Chapitre 2) et les travaux du Comité préparatoire (Chapitre 3).
Chapitre 1 : Les défis du commerce international des armes Emmanuel MOUBITANG
Le commerce des armes conventionnelles soulève de nombreux défis, en raison de sa
nature mondiale, du caractère sensible des intérêts qu’il véhicule et de ses multiples conséquences.
Il est donc interdépendant et touche tous les pays. Les entreprises de l’armement, acteurs
principaux de ce commerce, se sont elles-mêmes mondialisées, poursuivant de vastes programmes
de collaboration et fonctionnant avec de longues chaînes d’approvisionnement (de la fabrication de
composants, à l’assemblage, transfert, courtage, transport, livraison…). Si ce commerce, légal et
légitime à la base, peut avoir des effets positifs sur la sécurité et la paix lorsqu’il est autorisé de
manière responsable, ses conséquences peuvent être désastreuses, en particulier dans le cas de
trafics illicites et de transferts irresponsables. Ses conséquences se déclinent en termes de coût
humain (morts, blessés, handicaps, …), mais aussi en termes de développement socioéconomique
et humain, de stabilité internationale et régionale, de paix et de sécurité. Elles varient par ailleurs
d’une région à l’autre, en fonction des réalités de ce commerce qui sont propres à chaque zone du
monde. Ainsi, aux défis politiques et sécuritaires (section I), se succèdent les défis d’ordre
économique et social (section II).
Section I : Les défis au niveau politique et sécuritaire
Le commerce des armes constitue une sérieuse menace à la sécurité sous régionale et, en
particulier de celle des Etats voisins des foyers de tension. Pour s’en convaincre, nous allons
essayer de montrer les rapports entre le commerce des armes légères et la vie de l’Etat
(Paragraphe 1), c'est-à-dire, en quoi ces armes peuvent être un moyen de contestation de l’ordre
politico-social, comment elles peuvent être utilisées pour la destruction d’un Etat voisin. C’est dans
ce cadre qu’elles ont favorisé l’émergence et le développement de groupes armés non étatiques
(Paragraphe 2).
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Paragraphe 1 : Le commerce des armes légères et l’Etat
Le trafic et la circulation des armes légères en Afrique ont généré deux situations dont l’une
affecte la vie, son existence et son autorité et dont l’autre transforme la nature, l’image de la
coopération multilatérale qui préside à la création d’organisation internationale. Il s’agit de montrer
d’abord que le commerce des armes légères peut faciliter la contestation de l’autorité de l’Etat (A),
surtout lorsque celui-ci est en déliquescence. Il peut, ensuite, favoriser l’émergence du phénomène
« d’Etat criminel » (B).
A. Le commerce des armes légères et la contestation de l’autorité de l’Etat
La fin de la guerre froide n’a pas fait de l’Afrique un continent plus paisible. De fait, la
dissolution de l’ordre bipolaire s’est parfois accompagnée, ici comme dans d’autres régions
marginalisées, de l’effondrement de certains Etats. Le phénomène d’effondrement de l’Etat dépasse
le simple renversement d’un régime : il renvoie à la désintégration de la structure de l’Etat, à celle
de son autorité légitime, de son ordre légal et de son ordre politique. Dans ce contexte, d’autres
acteurs viennent occuper les vides laissés par l’effondrement de l’Etat. Il peut s’agir d’acteurs
locaux, défenseurs d’une cause ethnique ou simples seigneurs de guerre, ou d’acteurs étrangers,
qui en l’occurrence sont généralement des compagnies internationales prenant en charge leur
propre sécurité ou celle d’autres acteurs. S’ouvre alors une période au cours de laquelle les rivalités
de pouvoir s’opposent aux tentatives de rétablissement d’une autorité centrale. C’était la situation
au Libéria où l’autorité de l’Etat se limitait tout au plus à la capitale (Voir BOURGI Albert, « Les
groupes armés à l’assaut des Etats », in questions internationales, n°5, janvier –février 2004, p.39,
pp.35-43), où la controverse qui avait suivi les élections générales de 1985 avait sérieusement
sapé la légitimité du Sergent Président, jusqu’à ce que le Front National Patriotique du Libéria
(FNPL) décide d’utiliser la voie des armes pour conquérir le pouvoir.
Durant cette période d'intensification et d'amplification des conflits aux conséquences
humanitaires sans précédent, l’Etat, comme ordre légitime, n’existe plus. L'Etat lui-même (qui a
ses vertus remarquables) est affaibli : police privées, justice privée, zone de non droit, émeutes
urbaines de plus en plus fréquentes et meurtrières. Cette situation est facilitée par le commerce
d’armes légères en Afrique, lesquelles joue un rôle majeur en ce qui concerne l’entretien et
l’alimentation des conflits. Le trafic des armes légères entraîne la déliquescence de l'appareil
étatique qui se voit disputer son monopole de l'usage légitime de la violence selon les propos de
Max WEBER par des bandes lourdement armées. L'autorité de l'Etat et, notamment de ses services
de répression se voit altérer et s'installe progressivement une situation de vide institutionnel et
d'absence d'interlocuteur valable pour dialoguer.
Parallèlement à ce processus de contestation de l'Etat par la voie des armes et de son
effondrement progressif, se développe un phénomène nouveau dans les conflits africains, à savoir
celui de l'Etat criminel.
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B. Le commerce des armes légères et le phénomène de «l’Etat criminel»
L’ingérence de certains Chefs d’Etat et des membres des plus hautes instances de certains
Etats ; leur engagement direct dans des activités criminelles, peut conduire les observateurs à
employer des expressions suggestives telles que « l’Etat malfaiteur », « narco-Etat », « Etat
prédateur » ou « contrebandier », « Etat maffieux » et autres avatars de la notion plus générique
d’« Etat criminel ».
Les auteurs de « La criminalisation de l’Etat en Afrique » par exemple, décrivent de façon
précise les phénomènes justifiant, à leurs yeux, l’usage de ces notions inquiétantes (voir Bayart
Jean-François, Stephen Ellis, Béatrice Hibou, « La criminalisation de l’Etat en Afrique », Editions
Complexe, Paris 1997, p.167). D’autres montrent comment les représentants de certains Etats, sur
tous les continents (voir Samy Cohen, « Pourquoi les démocraties en guerre contre le terrorisme
violent-elles les droits de l’homme ? », Critique Internationale, octobre-décembre 2008, n°41,
pp.9-20), abusent de leur autorité pour contrôler et organiser eux-mêmes le trafic illégal d’armes,
de drogue, de main d’oeuvre ou la contrebande à l’échelle de leur pays. La notion d’« Etat criminel
» soulève pourtant de nombreuses questions, à commencer par l’identification de l’auteur véritable
du crime, de la contrebande, du trafic : s’agit-il de l’Etat lui-même, ou plutôt de certains, parmi ses
représentants, qui abusent de leurs fonctions dans l’Etat et s’en autorisent pour trafiquer et faire
de la contrebande ?
L’expression d’« Etat criminel » n’est pas anodine. En effet, elle est même grave et on peut
s’interroger sur le rapport existant, par exemple, entre les Etats répertoriés comme « trafiquants
d’armes », donc « criminels » et « malfaiteurs», et l’Etat nazi par exemple, dont la qualification
criminelle en tant qu’Etat ne fait de doute pour personne, et qui fut d’ailleurs jugé comme tel à
Nuremberg. Autrement dit, il s’agit de voir comment des Etats extérieurs à un conflit peuvent se
rendre coupables d’actes qui violent manifestement le droit international public en général et, les
exigences du droit des organisations régionales africaines en particulier.
Dans les conflits internes, les acteurs étatiques instrumentalisent souvent les acteurs
subordonnés d’un autre Etat et surajoutent leurs querelles (frontalières, idéologiques…) au conflit
interne (social, idéologique…), en lui donnant une dimension territoriale qui dépasse les frontières
de l’Etat concerné au premier chef : sanctuarisation des guérillas au-delà des frontières, utilisation
des camps de réfugiés pour recruter de nouveaux combattants, ventes d’armes qui modifient les
ressources et le profil militaire du conflit. Ainsi, dans les conflits ouest africains des années 1990,
les sanctuaires militaires dans lesquels un mouvement armé parvient à installer des bases arrière
dans un pays voisin (et le plus souvent complice) de celui où il opère militairement, se sont
multipliés, ainsi qu’en ont témoigné les bases dont disposaient les mouvements armés casamançais
en Gambie et en Guinée Bissau, ou encore les mouvements libériens et sierra léonais en Côte
d’Ivoire.
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Toutefois, le caractère multidimensionnel de la problématique des armes légères conduit à
s’interroger sur le rapport entre le commerce d’armes légères, l’émergence et le développement
des groupes armés non étatiques.
Paragraphe 2 : Le trafic des armes légères et les groupes armés non étatiques
La réflexion sur le commerce des armes légères offre un vaste champ d’études et
d’investigations permettant de mieux appréhender ce phénomène dans le contexte particulier des
conflits africains. Ainsi, nous examinerons comment les revendications identitaires s’opèrent grâce
au trafic d’armes légères (A), avant de voir en quoi le terrorisme et la criminalité nourrissent et
entretiennent la demande d’armes légères (B).
A. L’utilisation d’armes légères au service des revendications identitaires
Depuis la fin de la décennie 1980, pratiquement tous les conflits dans le monde ont été
beaucoup plus déterminés par les différences identitaires que par les différends interétatiques. Sur
la scène mondiale, les affrontements entre les États paraissent de plus en plus surannés, tandis
que ce sont les conflits intercommunautaires qui imposent leur présence tragique et qui font le plus
grand nombre de victimes, ainsi que le montre le bilan apocalyptique des génocides rwandais,
burundais, yougoslaves, congolais, pour ne citer que ces cas typiques. Et plus particulièrement en
Afrique, la guerre est essentiellement « civile ». Les ennemis, on ne les trouve pas en dehors des
frontières, mais à l'intérieur, et ils sont identifiables non pas à leurs uniformes, mais à leurs
appartenances ethniques, à leurs noms, parfois aussi à leurs visages (voir Chrétien, Jean-Pierre,
« Les racines de la violence contemporaine en Afrique », Politique Africaine, n° 42, 1991, p. 15-
27).
Cependant, le trafic des armes légères sert à développer la criminalité transfrontalière et à
semer de terreur qui est à l’origine des exodes massifs de populations à la recherche de la
tranquillité et de l’espoir de vivre.
B. L’utilisation d’armes légères au service de la criminalité transfrontalière
Le trafic illégal d’armes est une des composantes des activités criminelles qui s’opèrent
aujourd’hui. Transgressant ou déjouant les lois établies, il s’appuie sur des réseaux complexes et
s’articule souvent avec d’autres activités illicites (contrebande, trafic de drogue et de minerais
précieux…) dont il emprunte les mécanismes et les filières (routes géographiques, circuits de
blanchiment et de financement). Ainsi, le trafic d’armes légères est régulièrementdénoncé par les
gouvernements comme étant lié au crime organisé, au trafic de narcotique, de pierres précieuses,
etc. Dans de nombreux cas, le trafic d’armes légères et le commerce illégal de matières premières
sont étroitement liés. Non seulement les circuits utilisés par la contrebande de matières premières
comme les drogues, les diamants et autres sont analogues aux circuits où transitent les ventes
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illégales d’armes, mais les profits tirés par le pillage des ressources naturelles sont utilisées par des
acteurs non étatiques (mais aussi par des forces gouvernementales) pour financer leurs armement
aux dépens des embargos internationaux.
La priorité donnée à la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée, les trafics de
drogues et de minerais précieux conduit les Etats à tenir compte du trafic illicite d’armes afin
d’empêcher les organisations terroristes et autres entités criminelles d’acquérir des armes légères.
On voit donc qu’une approche de lutte globale contre la criminalité et le terrorisme impose aux
acteurs d’appréhender le trafic d’armes.
Toutefois, au-delà de la criminalité transfrontalière qu’il favorise et intensifie, le trafic des
armes légères entretient des rapports avec le volet économique et social.
Section 2 : Les défis d’ordre économique et social
Le trafic des armes légères en Afrique a permis de ressortir la dimension des ressources
naturelles dans le processus conflictuel. En effet, il a contribué à la recrudescence de la violence et
à l’aggravation des conséquences sociales. Pour s’en convaincre, il convient d’examiner le rapport
entre le commerce d’armes légères et la gestion des ressources naturelles (Paragraphe 1), avant
de voir l’impact dudit commerce sur la vie sociale (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Commerce d’armes légères et gestion des ressources naturelles
L’Afrique est devenue la région privilégiée des trafiquants d’armes. Ces derniers sont liés
au commerce des ressources du sol et sous-sol, attirés par un marché sans contrôle avec des
complicités locales. C’est ainsi que d’une économie réglementée on est passé à une économie
criminelle (A) dont le seul souci est la recherche de profits, peu importent que les moyens utilisés
violent ou non le droit. Cette recherche de profits alimentée et nourrie par lamondialisation va
entraîner une transformation des méthodes de gestion de la sécurité et des stratégies de guerre.
De cette nouvelle donne est née la privatisation de la sécurité internationale, laquelle a été possible
grâce au mercenariat (B).
A. Le passage d’une économie réglementée à une économie criminelle
Les achats d’armements, le recrutement et la rémunération des combattants, la formation
de cadres et l’entretien de relais à l’étranger, l’administration des territoires et l’encadrement des
populations civiles sont des impératifs qui impliquent la mobilisation des ressources considérables.
« Souligner et décrire la dimension économique des conflits contemporains ne signifie nullement
que l’on doive ou que l’on puisse réduire ces phénomènes à de simples enjeux d’intérêts entre des
acteurs qui seraient uniquement mus par des considérations matérielles ou déterminés par la
recherche de profit. Même si l’on ne peut exclure que, dans certains cas, la guerre soit perçue
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comme un mode de production de richesses ou devienne une activité économiquement orientée ; il
serait hasardeux de réduire les conflits à leur seule dimension économique. Les processus de
décision n’obéissent pas principalement à une logique économique et le primat, en la matière, reste
au politique. La rébellion armée reste une affaire de pouvoir. Le domaine économique est donc loin
de constituer le seul champ d’action. Pour autant, ce n’est pas un champ quelconque : outre qu’il
assure des ressources financières capitales pour la poursuite de la guerre, il permet un
encadrement des populations à travers notamment des mécanismes de mobilisation et de
redistribution essentiels à la légitimité des mouvements armés » (voir Rufin Jean-Christophe et
Jean François, « Avant propos », Economie des guerres civiles, Fondation pour les études de
défense, Collection Pluriel, Hachette, Paris, 1996, p.12).
L’une des particularités des mouvements insurrectionnels africains en général, est de
chercher à s’emparer des réseaux commerciaux dont dépend l’Etat qu’ils combattent et de les
utiliser afin d’alimenter leur propre combat. Le cas des ressources diamantifères est à cet égard
éloquent. Les guerres liées à la prédation de l’Etat, dans le cas de l’Afrique, deviennent non
seulement majoritaires mais aussi sont érigés en stratégie régionale d’accaparement du tissu
institutionnel et administratif de l’Etat. Cette prédation peut être définie comme la mise en oeuvre
de « méthodes d’appropriation destructrices qui ont pour résultat de soustraire à la population le
plus de ressources possible, sans se soucier des conséquences économiques de cette spoliation »
(voirRufin Jean-Christophe et Jean François, « Avant propos », Economie des guerres civiles,
Fondation pour les études de défense, op.cit, p.36). Les mouvements armés mettent en place de
véritables systèmes de racket et de pillage. La prédation se décline à la fois sur un mode local et
sur un mode humanitaire.
La criminalisation renvoie à « la production, l’exploitation ou la commercialisation illégale
de biens ou de services licites ou illicites. Contrairement à la prédation qui ne se préoccupe pas de
maintenir la machine en état de fonctionnement, les activités criminalisées marquent l’entrée d’un
mouvement armé dans un processus économique dont il tente de contrôler certains segments afin
de percevoir des profits ». Ainsi, peut-on évaluer le montant des taxes que percevaient
annuellement les talibans sur les drogues à une centaine de millions de dollars (voir L’Observatoire
géopolitique des drogues (OGD), Chapitre « Afghanistan » in Géopolitique mondiale des drogues
1998-1999). Ce chiffre peut être multiplié par trois ou par quatre dans les cas des FARC
(voirLabrousse Alain, « La guerre de la drogue dans l’impasse », in Enjeux diplomatiques et
stratégiques (dir.) de Pascal CHAIGNEAU, Economica, 2005, pp. 141-149). Il convient de distinguer
: les flux criminalisés de produits illicites ou dont la commercialisation est strictement réglementée
; les flux criminalisés de produits libres à la vente (matières précieuses, caoutchouc) que les
mouvements armés exploitent comme le ferait le gouvernement, mais en dehors de toute
contrainte légale : ce sont des modalités d’exploitation qui dans ce cas sont en contradiction avec
les contraintes locales et internationales.
Cette situation de conquête du pouvoir par les armes et grâce à l’exploitation des
ressources naturelles devenue essentielle à la poursuite de l’effort de guerre, a entraîné
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l’effondrement de l’Etat, et en particulier de ses structures de sécurité. Cet effondrement de l’ordre
politique et institutionnel a donné naissance à la privatisation de la sécurité et au développement
du mercenariat.
B.Trafic d’armes légères et mercenariat
L'affaiblissement de certains États, en particulier en Afrique, est une porte ouverte aux
acteurs privés, quelles que soient leurs motivations ou leur légitimité (firmes multinationales,
groupes mafieux, mercenaires, SMP...). Les pouvoirs de ces acteurs sont informels mais ils sont
réels. A la tête d'États faibles où tout soulèvement peut arriver sans prévenir, coincés entre un
système économique mondial privé (les multinationales) et public (les institutions financières
internationales), les dirigeants politiques cherchent la plupart du temps à profiter, en les
monnayant, des avantages offerts par la souveraineté dans le système international.
En dehors de l’assistance militaire et logistique provenant des États forts, les dirigeants des
États faibles cherchent souvent à s'appuyer sur des investisseurs privés. Dans certains cas, ils leur
abandonnent l'administration des populations locales, leur permettent d'assurer leur propre
sécurité et celle de leurs installations, bref de participer à l'utilisation de la puissance publique dans
leur pays. Face à une structure administrative nationale affaiblie, les gouvernants favorisent ainsi
parfois des réseaux de clientélisme. Même les réformes menées pour consolider les institutions de
l'État sont régulièrement détournées au profit d'intérêts privés. Ainsi, « les hommes forts » ne
s'appuient pas seulement sur les institutions pour assurer le contrôle politique de leurs pays, mais
font également appel à des intermédiaires privés. Aujourd'hui, les Sociétés militaires privées (SMP)
sont déjà, pour certains États, une réponse, parmi d'autres, à l'asymétrie des conflits. L'industrie
des SMP a montré sa capacité à satisfaire les besoins de pays-clients dans des opérations aussi
diverses que la production de sécurité au niveau local, la formation des armées ou même la
planification et la conduite d'opérations d'envergure limitée.
L’analyse du rapport entre le commerce des armes légères et la gestion des ressources
naturelles ne serait pas suffisamment exhaustive si on laisse de côté l’impact de ces armes sur la
vie sociale, en raison de l’interférence inévitable entre l’économie et le social.
Paragraphe 2 : L’impact du commerce des armes légères sur la vie sociale
La réflexion sur la problématique des armes légères se veut multidimensionnelle en raison
de la diversité et de l’hétérogénéité des acteurs qui interviennent dans leur commercialisation et
leur utilisation. Ainsi, l’observation des guerres africaines du début des années 1990 a permis de
constater malheureusement comment le trafic des armes légères a facilité l’enrôlement des enfants
dans les milices (A). Mais aussi, faudrait-il le souligner, que ces guerres ont été l’occasion pour les
militaires de se servir du viol comme une arme. Ce qui, sans doute, a permis la propagation de la
pandémie du SIDA dans certaines contrées (B).
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A. Trafic d’armes légères et enrôlement des enfants soldats
De nombreux conflits en Afrique évoquent des images d’enfants soldats arpentant les rues,
armés de fusils d’assaut Kalachnikov. La réflexion sur la corrélation entre disponibilité d’armes
légères et enfants soldats nous amène à nous interroger sur deux aspects principaux. Le premier
s’attache spécifiquement au recrutement et à l’intégration des enfants dans les unités armées et
réfléchit au rôle des armes légères dans ce processus. Le deuxième examine les différentes tâches
exécutées par les enfants afin de tenter de déterminer leur rôle et leur « utilité » pour les groupes
armés. Ainsi, « peuplées d’une cohorte d’enfants soldats, composants actifs de bon nombre
d’armées nationales, ou intégrées de gré ou de force au sein des milices, les troupes ne craignent
ni la mort, ni la souffrance qu’elles considèrent comme acquises ou inéluctables. Dès lors, ces
combattants de l’extrême, ces entrepreneurs de l’insécurité perdent toute référence d’ordre moral
ou éthique. C’est le triomphe absolu de l’animalité sur l’humanité et la faillite de l’Etat (voir Dupuy
Emmanuel, « Politiques et militaires face à la démocratie en Afrique », Revue politique et
parlementaire, n° 1023, mars-avril. 2003).
Selon les enquêtes réalisées par plusieurs ONG, la plupart des enfants se sont engagés
dans les conflits armés de manière volontaire, à la suite de la disparition de leurs repères
identitaires (famille, école et communautés villageoises …), optant pour la guerre comme moyen de
survie. Ainsi, entourés de violence et de chaos, ils se sentent plus sûrs une arme à la main. Les
enfants qui grandissent dans la violence permanente considèrent les armes comme un des
éléments naturels de leur mode de vie quotidien. Ils sont souvent grisés par cette possession
d’armes qui les fait accéder d’emblée au monde des adultes et leur confère une autorité sur les
populations civiles (voir WaneKhadidiatou, « La protection internationale des enfants dans les
conflits armés », Mémoire DEA droit public, Université de Reims Champagne-Ardenne, 1999, p.50).
Sur le plan pratique, le commerce des armes légères, extrêmement efficaces et
meurtrières, concourt grandement à l’utilisation des enfants dans les rangs des combattants. En
guise d’illustration, un fusil d’assaut M 16 américain et plus encore un AR 47 russe qui, dans la
plupart des pays d’Afrique, coûte moins de 10 dollars, peut être entretenu, démonté et remonté
sans difficulté par des gamins de 10 ans. Il en est de même pour les grenades ou les mines légères
facilement transportables. Dans l’ensemble, plus d’un tiers des enfants sondés (voir Rapport Small
Arms Survey, mars 2006, p.187) s’est déclaré enrôlé de force dans une unité armée. Pourtant, le
25 mai 2000, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté deux protocoles facultatifs à la
Convention sur les droits de l’enfant dont l’un relève l’âge minimum au-delà de 15 ans. L’objet de
ce protocole est d’interdire la participation active des enfants aux conflits armés (voir Cogliati
Isabelle, L’élimination du travail des enfants à l’heure de la mondialisation : l’édifice normatif érigé
par l’Organisation internationale du travail (OIT), Université de Reims, 2002, p. 214).
Ce contexte tendu de recrutement d’enfants soldats, de recrudescence de la violence et du
banditisme, va favoriser le développement de la pandémie du SIDA dont la transmission devient,
désormais, une arme de guerre.
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B. Trafic d’armes légères et développement de la pandémie du SIDA
Dans les pays en développement en général et en Afrique en particulier, la forme et
l'intensité de l'épidémie du Sida sont étroitement liées à la pauvreté, à l'inégalité, à la destruction
des structures sociales, au déracinement des personnes. Ces phénomènes sont souvent associés à
la violence et aux conflits. En effet, les conflits, la violence armée en général, s'accompagnent donc
de la propagation des maladies, des épidémies et d’un accroissement de la mortalité, aussi bien
infantile qu'adulte. La fermeture des centres de santé, la restriction de l'accès aux soins, aux
mesures de prévention et de vaccination, la violence sexuelle, la précarité des conditions de vie et
la malnutrition constituent un terreau fertile pour le développement des maladies et des épidémies.
Une vulnérabilité qui se répercute également sur les populations locales, comme l'illustre la
propagation du sida dans les situations de conflit.
L'ONUSIDA révèle qu'en 2003, sur 17 pays comptant plus de 100 000 orphelins du fait du
SIDA, treize de ces pays étaient en conflit ou frôlaient une situation d'urgence (voir UNAIDS,
HIV/AIDS and conflict, Bureau sur le SIDA, la sécurité et la réponse humanitaire, Copenhague,
2003, cité in PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 2005, p. 172). La situation de
certains pays d'Afrique, jusque-là relativement peu touchés par le SIDA et qui voient le problème
surgir à la suite du passage sur leur territoire de combattants atteints du SIDA, illustre cette
propagation des maladies dans un environnement conflictuel et/ou dominé par la violence armée.
En définitive, il est nécessaire de comprendre le SIDA en Afrique comme un problème, non
seulement de santé publique, mais aussi de sécurité internationale, moyennant quoi il serait
impératif que les forces armées soient résolument encouragées à participer à la lutte continentale
contre l'épidémie.
En somme, Les efforts de développement se voient ruiner par les conflits armés,
notamment par le commerce illicite d’armes légères. De ce point de vue, il est utile de montrer en
quoi le Traité sur le Commerce des Armes (TCA) « fort et robuste » constitue un tournant
historique du droit international, ceci, afin de mieux comprendre la mobilisation et l’intérêt que
suscite cet accord.
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Chapitre 2 : Historique et enjeux du processus d’élaboration du TCA
Emmanuel MOUBITANG
Le processus d’élaboration d’un Traité sur le commerce des armes trouve ses origines dans
l’appel lancé en 1997 par plusieurs lauréats au prix Nobel de la paix en faveur d’un Code de
conduite sur les transferts internationaux d’armements. Le lancement par plusieurs ONG de la
campagne « Contrôlez les armes », en 2003, a conduit l’Assemblée générale des Nations Unies à
voter massivement, trois ans plus tard, la résolution 61/89, qui a marqué le début des travaux
d’élaboration d’un (TCA) (Section 1)). Les enjeux dudit Traité sont énormes (Section 2).
Section 1 : Historique des tentatives de contrôle du commerce des armes
conventionnelles
L’élaboration des directives mondiales pour le transfert des armes conventionnelles figure
au programme de la communauté internationale depuis longtemps. En fait, il a été soutenu que la
pratique du contrôle des armes date de plusieurs milliers d’années, et que les accords de contrôle
des armes (Paragraphe 2) peuvent être identifiés non seulement au cours de la période d’inter-
guerre du vingtième siècle ou des siècles précédents, mais déjà au Moyen Age, voir même dans les
temps anciens (Paragraphe 1).
Paragraphe 1 : Des premières années de l’idée de TCA à la Résolution 61/89
A. L’émergence du projet de TCA
Il y a lieu de rechercher la paternité de l’idée de TCA (1), avant d’analyser ses difficultés
de gestation (2).
La paternité du projet
Le Traité sur le commerce des armes, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le
2 avril 2013, était à l’origine une initiative du Costa Rica, plus précisément de son ancien Président
Oscar ARIAS, Prix Nobel de la paix 1987. Ce petit pays d'Amérique centrale est un Etat démilitarisé
: les forces armées ont été dissoutes en 1948, après une guerre civile, au profit de l’éducation, de
la santé publique et du système de sécurité sociale, le plus performant des Amériques.
En 1995, Oscar ARIAS avait rassemblé un groupe de Prix Nobel de la paix qui avaient interpellé
l’ONU sur la question des armes conventionnelles (soit tout ce qui n’est pas armement nucléaire,
biologique ou chimique, objet d’autres textes ou instances internationaux).
En 2006, après une série de consultations informelles, une résolution intitulée « Vers un Traité sur
le Commerce des Armes » a été élaborée et soumis au Premier Comité de l’Assemblée générale des
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Nations Unies par un groupe de sept co-sponsors : Argentine, Australie, Costa Rica, Finlande,
Japon, Kenya, et Royaume Uni. La première résolution A/RES/61/89 sur le TCA a été adoptée par
une grande majorité au cours de la réunion de la Première Commission en octobre 2006, et par
une majorité encore plus grande de 153 voix pour, une contre, 24 abstentions lors de l’Assemblée
générale de décembre 2006. Cependant, des acteurs importants du commerce des armes se sont
abstenus, y compris la Russie, la Chine, l’Inde et l’Arabie Saoudite. Les Etats-Unis étaient le seul
pays à voter contre la résolution. Dans le premier paragraphe opérationnel de ladite résolution,
l’Assemblée générale demande au Secrétaire général de solliciter les opinions des Etats membres
sur la « faisabilité, le champ d’action et les projets de paramètres pour un instrument mondial qui a
force de loi et qui définit les normes internationales communes pour l’importation, l’exportation et
le transfert des armes conventionnelles et de soumettre un rapport à l’Assemblée générale au
cours de sa soixante deuxième session ».
En réponse au Secrétaire général, 101 Etats membres et l’Union européenne ont soumis
leurs opinions sur un TCA futur. C’était le nombre le plus élevé d’opinions jamais soumises sur une
question liée au désarmement. La grande majorité des Etats qui ont soumis leurs opinions avaient
la conviction que le TCA, tel que défini par la résolution 61/89, était faisable et souhaitable.
Plusieurs raisons ont été avancées pour étayer ces conclusions dont entre autre, le niveau de
soutien à la résolution 61/89, l’existence de plusieurs instruments internationaux et régionaux
relatifs au transfert des armes, et le soutien croissant de la société civile pour un TCA.
Cependant, une gamme d’obstacles à la négociation d’un TCA a été aussitôt identifiée.
Les difficultés de gestation du TCA
Parmi les principales difficultés recensées, on note, la capacité réduite de certains pays à
mettre en œuvre un tel accord et la diversité des intérêts et préoccupations des Etats.
En ce qui concerne le champ d’application et les paramètres d’un TCA, beaucoup ont
exprimé leur adhésion à l’inclusion de toutes les principales armes conventionnelles mentionnées
dans le Registre de l’ONU, ainsi que des SALW. Les Etats ont indiqué une gamme d’autres éléments
qui pourraient être inclus, sous réserve d’approfondissement des discussions. Les principales
activités à réglementer aux termes d’un TCA étaient l’importation et l’exportation des armes
conventionnelles, mais une gamme d’autres activités complémentaires ont aussi été soutenues.
Cependant, les Etats voulaient s’assurer que leur droit à la légitime défense et leur mainmise sur
les politiques intérieures en matière d’armement sont sauvegardés. Les Etats ont aussi soumis
leurs opinions sur les critères qui constitueraient les normes communes utilisées pour évaluer les
demandes d’exportation d’armes.
Un grand nombre de critères de transfert ont été suggérés et ont fait l’objet de
commentaires. En général, ces critères ont rapport aux considérations basées sur les obligations et
engagements existants, les considérations basées sur l’utilisateur probable, les considérations
basées sur l’impact probable et les considérations basées sur l’Etat bénéficiaire. Le niveau de
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/Resolution.pdf
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soutien exprimé variait considérablement selon les critères, bien que ceux qui sont liés aux
considérations basées sur l’Etat bénéficiaire aient été nettement les moins populaires.
Le soutien était aussi inégal en ce qui concerne les mécanismes opérationnels.
B. La Résolution 61/89
Dans son deuxième paragraphe opérationnel, ladite Résolution demande au Secrétaire
général des Nations Unies de mettre sur pied un Groupe d’Experts Gouvernementaux (GGE) pour
examiner la « faisabilité, le champ d’action et les projets de paramètres pour un instrument global
ayant force de loi qui définit les normes internationales communes pour l’importation, l’exportation,
et le transfert des armes conventionnelles ». Le GGE mis en place par les Nations Unies,
comprenait vingt-huit experts venus des Etats membres et était présidé par l’Ambassadeur Roberto
García MORITAN de l’Argentine. Le GGE a organisé trois sessions en 2008 et a présenté ses
conclusions au cours de la soixante troisième Assemblée générale. Dans son rapport, le GGE
reconnaît la complexité des questions liées au transfert des armes conventionnelles, qu’elle
attribue, en partie, à la multiplicité des motivations qui sous-tendent la fabrication et l’acquisition
des armes. Ledit rapport insiste sur le problème des transferts illicites d’armes et leur relation avec
le crime organisé. Par conséquent, la prévention du détournement des armes conventionnelles vers
le marché illicite est considérée comme un impératif. Le rapport concerné met l’accent sur les
responsabilités respectives des exportateurs et importateurs d’armes dans la prévention des
transferts irresponsables, et la responsabilité de Etats à mettre au point des systèmes de contrôle
efficaces au niveau national.
Paragraphe 2 : De la Résolution 63/240 à la Résolution 64/48
A. La résolution A/RES/63/240
Elle approuve le rapport du Secrétaire général et celui du GGE et met l’accent sur la
nécessité de prévenir le détournement des armes conventionnelles vers le marché illicite. La
résolution a été appuyée par 133 votes affirmatifs. Sur recommandation du GGE, elle a mis sur
pied un groupe de travail non restreint (OEWG) pour « étudier davantage ces éléments…s’il peut y
avoir consensus pour leur inclusion dans un traité éventuel ayant force de loi sur l’importation,
l’exportation, et le transfert des armes conventionnelles ». Comparativement au groupe d’experts
gouvernementaux, l’OEWG a élargi la participation au processus d’élaboration du TCA, en rendant
ses délibérations publiques, et en les ouvrant à tous les pays membres de l’ONU.
L’OEWG s’est réuni en mars et en juillet 2009, et les deux sessions ont donné l’occasion
aux Etats et autres participants de faire des déclarations sur les buts, les objectifs, le champ
d’action, les principes, les projets de paramètres et les autres aspects d’un TCA potentiel. Il y a eu
consensus sur le fait que l’absence d’une réglementation internationale sur le transfert des armes
conventionnelles représente un problème sérieux qui ne peut être sérieusement abordé qu’à
http://www.delegfrance-cd-geneve.org/spip.php?article495
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travers la négociation d’un TCA. Un rapport de consensus du groupe a été soumis à l’Assemblée
générale de l’ONU. Dans le rapport, l’OEWG a réitéré les responsabilités respectives des
importateurs et des exportateurs, ainsi que les dangers du détournement des armes vers le
marché illicite, là où les armes contribuent à l’instabilité, au terrorisme et au crime.
Nonobstant l’expression de ces points d’accord généraux, les Etats étaient divisés sur les
principales questions qui faisaient l’objet de leur rencontre, notamment en ce qui concerne le
champ d’action et les projets de paramètres d’un TCA. Les Etats plus sceptiques ont mis l’accent
sur les droits inhérents reconnus par le droit international, soutenant que les instruments
réglementaires existants étaient suffisants et ont demandé plus de temps pour la discussion avant
de prendre des engagements.
Toutefois, le processus ne s’est pas arrêté. D’où la résolution 64/48.
B. La Résolution 64/48
En décembre 2009, au cours de la soixante-quatrième session de l’Assemblée générale des
Nations Unies qui s’est tenue à New York, 151 Etats ont voté pour appuyer la résolution 64/48
décidant de « convoquer la Conférence des Nations Unies sur le traité sur le commerce des armes
pour se tenir pendant quatre semaines consécutives aux fins d’élaborer un instrument qui a force
de loi sur les normes internationales les plus strictes possibles pour le transfert des armes
conventionnelles ». Vingt Etats se sont abstenus et un a voté contre. Ce qui est plus important
c’est que les Etats Unis ont changé leur position qui a consisté à voter contre le TCA en 2006 et en
2008, et ont soutenu le processus. Ce soutient était conditionné par le fait que les futures
négociations soient conduites sur la base du consensus, pour aboutir à un instrument comportant
« les normes les plus strictes possibles ayant force de loi pour le transfert international des armes
conventionnelles ». Quoique les partisans d’un processus basé sur le consensus soutiennent qu’il
est nécessaire de promouvoir des normes universelles et d’assurer le soutien le plus large possible
au TCA, les détracteurs soutiennent qu’un tel processus pourrait donner aux Etats la capacité de
retarder les négociations et de diluer le traité final.
En vue de se préparer pour la Conférence de 2012 sur le TCA, l’Assemblée générale a
décidé, dans la Résolution 64/48, de transformer les sessions restantes de l’OEWG en 2010 et en
2011 en réunions d’un Comité Préparatoire. Selon ladite Résolution, le Comité Préparatoire était
chargé « de faire des recommandations à la Conférence des Nations Unies sur le traité sur le
commerce des armes par rapport aux éléments qui seraient nécessaires pour aboutir à un
instrument efficace et équilibré ayant force de loi ». Il était demandé au Comité en question de
prendre en compte les conclusions des rapports du GGE et de l’OEWG ainsi que les opinions
formellement exprimées par les Etats membres. Outre ses réunions prévues pour 2010 et 2011, le
Comité Préparatoire devait se réunir pendant trois jours en 2012, « pour délibérer sur toutes les
questions de procédure pertinentes, y compris la composition du Bureau, le projet de programme
et la soumission des documents ». En outre, la Résolution 64/48 demandait au Secrétaire général
http://www.delegfrance-cd-geneve.org/spip.php?article496
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de l’ONU de recueillir les opinions des Etats membres sur les éléments à inclure dans un TCA
possible, ainsi que d’autres questions y afférentes.
Section 2 : Les enjeux des négociations du TCA
Ces enjeux tournent essentiellement autour du champ d’application (Paragraphe 1) et
des critères d’application du TCA (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le champ d’application du TCA
En ce qui concerne la portée du Traité, on peut relever deux débats : le premier débat
porte sur les catégories d’armes à intégrer dans le TCA (A) ; le second sur les activités et
opérations de « transfert » qu’il faudrait y voir figurer (B).
A. Les catégories d’armes concernées
Il existe des régimes régionaux et internationaux en matière de transferts d’armements,
mais bien qu’ils « mettent en place des mécanismes de transparence et des critères conditionnant
les transferts d’armements », ils présentent aussi des « disparités et des discordances (…) quant à
leur application réelle, souvent faute de moyens suffisants ou de véritable volonté politique ». En
tant qu’instrument international, le Traité sur le commerce des armes doit harmoniser ces régimes
et supprimer les disparités. Les instruments existant se basent souvent sur des listes de matériels.
De nombreux États conviennent qu’il est nécessaire, pour qu’un Traité sur le commerce des armes
soit clair et efficace, qu’il dispose lui aussi d’une « liste » reprenant les catégories d’armes
concernées par le Traité. Mais, ainsi que le souligne le Groupe d’experts gouvernementaux dans
son rapport d’août 2008, « il n’existe pas d’instrument qui, à lui seul, contiendrait une liste
susceptible de couvrir l’ensemble des options évoquées dans les vues communiquées par les États
sur la portée d’un traité sur le commerce des armes ».
Parmi les instruments qu’évoque le Groupe d’experts gouvernementaux figure le Registre
des Nations Unies sur les armes conventionnelles. Ce Registre, auquel les États participent sur une
base volontaire, définit sept catégories d’armements et intègre également les armes légères et de
petit calibre (ALPC). La plupart des États sont d’accord pour utiliser les 7+1 catégories du Registre
de l’ONU comme liste minimale des armements concernés par un Traité sur le commerce des
armes, même si plusieurs d’entre eux trouvent ce Registre trop limité.
D’autres accords internationaux ont souvent été cités comme sources d’inspiration pour
rédiger le traité notamment : le régime de Wassenaar sur le contrôle des exportations d’armes
conventionnelles, des biens et des technologies à double usage ; la Position commune européenne
en matière d’exportation d’armements ; la Convention de la Communauté Économique des États
d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), entre autres.
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Un certain nombre de pays ont toutefois souhaité voir figurer dans le TCA, d’autres
éléments tels que les munitions, les explosifs, les composants et les pièces détachées, les services
de défense, les technologies associées à la fabrication d’armes et de munitions, y compris les
technologies à double usage. Un accord pour voir figurer les sept catégories d’armes
conventionnelles du Registre, plus les ALPC dans le Traité sur le commerce des armes paraissait
tout à fait réalisable, mais il n’en était pas de même pour les autres types de matériels. Preuve en
est que le Groupe d’experts gouvernementaux lui-même n’était parvenu à aucun consensus
concernant le type d’armes à inclure dans le Traité. Le TCA ne s’applique que de manière partielle
aux munitions.
B. Les activités et les opérations concernées
L’autre domaine du champ d’application du Traité sur lequel les États se sont penchés
touche aux activités et opérations qui devront en faire l’objet. Il était d’ores et déjà certain que le
Traité, par définition, ne concernerait que les transferts internationaux, tant d’un État à un autre
que d’une entreprise à une autre (y compris les transferts d’État à entreprise et d’entreprise à
État). Les transferts d’armes au sein d’un même État resteront quant à eux du domaine de la
souveraineté nationale.
Le terme « transfert », utilisé pour désigner les opérations couvertes par le Traité, permet
d’intégrer une large gamme d’activités. Si on suit les avis donnés par les États, un Traité étendu
pourrait prendre en compte de nombreuses formes de transfert : exportations et importations, bien
entendu, mais également «réexportations, passages en transit, transbordements, octrois de
licence, transports, transferts de technologies, productions sous licence, dons et cessions
gratuites ». Certains envisagent également d’introduire dans le Traité un chapitre sur le courtage
illicite, la réexportation illicite, la fabrication et le transfert sans licence, ainsi que le transfert
d’armes à des acteurs non étatiques. Membre fondateur de Control Arms, Amnesty International
encourage pour sa part à inclure dans la définition du transfert, les accords et transactions pour les
services et la maintenance des armes conventionnelles, ainsi que les opérations liées au courtage
et au commerce illicite, en particulier dans les domaines du transport, de la logistique, de la
finance et de l’expertise technique.
Reste que cette définition très étendue du terme « transfert » cache en réalité l’absence de
références dans ce domaine. Tout reste à faire en matière de définition des transferts d’armes1.
1 Observation (Philippe WECKEL). L’article 2 du TCA inclut bien le transbordement et le courtage dans les
transferts visés par le traité. Le transbordement n’implique pas le franchissement d’une frontière. Dans une opération de courtage les armes parviendront directement à l’Etat destinataire sans être importées et réexportées dans le pays de rattachement du contrat de courtage. La définition du transfert n’est pas en soi problématique, puisque le TCA a fait le choix de l’option large. La question est celle du contrôle effectif par un un Etat des opérations de transbordement et de courtage. Le choix de l’option large implique que l’Etat a l’obligation de se donner les moyens de contrôler effectivement ces opérations (Articles 9 et 10 du TCA).
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Paragraphe 2 : Les critères d’application du TCA
A. Les critères liés aux engagements internationaux, à l’utilisateur et à
l’utilisation, ainsi qu’à l’impact sur le développement durable
Le Traité sur le commerce des armes devait inévitablement être doté d’un cadre
permettant de déterminer si les conditions sont remplies pour accorder ou non une licence de
transfert. Comme le souligne Perrine Le MEUR, « il s’agirait de mettre en place des critères
fonctionnels et réalistes, là encore définis de manière claire et précise de façon à ce que la part
d’interprétation soit la plus réduite possible ». Ces paramètres sont, pour la plupart des États,
notamment l’objectif d’assurer que la stabilité régionale ne sera pas remise en cause. Pour
d’autres, des questions d’ordre éthique devaient également être prises en compte :
Premièrement, il va de soi que les États qui souscriront au Traité sur le commerce des
armes resteront dans l’obligation de respecter les engagements internationaux qu’ils ont pris
auparavant. On songe en particulier à la Charte des Nations Unies, aux Conventions de Genève de
1949, aux embargos décrétés par le Conseil de sécurité des Nations Unies, etc. ;
Deuxièmement, le TCA devait pousser les États à tenir compte de la destination finale des
armes qu’ils exportent. Il est indispensable qu’ils soient en mesure de déterminer si l’utilisateur
déclaré n’est pas lié à des activités terroristes ou criminelles ou si des risques de détournement
sont à craindre ; l’objectif étant de s’assurer que les armements exportés ne seront pas utilisés
pour offrir un soutien à des activités criminelles ou susceptibles d’entrainer une déstabilisation de
la région.
Troisièmement, le Traité devait conduire les États signataires à prendre en considération
l’utilisation potentielle des armements exportés. La question de la violation des droits de l’homme
vient immédiatement à l’esprit, mais d’autres paramètres (répression interne, violation du droit
international humanitaire, génocide, etc.) devaient être pris en compte.
Quatrièmement, parmi les critères d’application du Traité devait figurer l’impact d’un
transfert d’armements sur le développement durable du pays et/ou de la région de destination
finale. Les coûts d’opportunité liés aux achats de matériels militaires peuvent être relativement
élevés. Les dépenses en armements devraient aider les États à assurer leur sécurité et à leur
permettre de conserver le monopole de la force, conformément à l’article 51 de la Charte des
Nations Unies, sans toutefois dépasser un seuil raisonnable, au-delà duquel, d’autres domaines
d’investissements, tels que l’éducation, les soins de santé, la justice, en pâtiraient.
B. La question des droits de l’homme
Parmi les paramètres d’application autour desquels le débat a été très rude, figurent les
droits de l’homme. L’idée principale est que le Traité devrait inciter les États à considérer si
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l’exportation de matériels militaires vers un pays présente un « risque important de violations
graves et répétées des droits de l’homme ou du droit international humanitaire ».
Comme le remarque Clara da Silva dans un article du Forum du désarmement, « le fait
d’appliquer aux transferts d’armes classiques le droit relatif aux droits de l’homme est largement
admis ». Dans les 101 réponses données par les États sur ce qu’il convenait de voir apparaitre dans
le Traité, 72 avançaient l’idée d’y inclure le respect des droits de l’homme.
Dans un Traité sur le commerce des armes qui fait référence au respect des droits de
l’homme, tant le pays exportateur que le pays importateur devraient avoir une responsabilité. L’un
comme l’autre devraient pouvoir s’assurer que les armes ne seront pas utilisées en violation grave
des droits de l’homme (principalement « les attaques contre les civils, les privations de la
population en matière de besoins essentiels, les exécutions extrajudiciaires, le recours excessif à la
force, les déplacements forcés, les génocides, les viols systématiques, la torture »).
Dans ce domaine encore se pose la question de la définition. En effet, il est indispensable
que le Traité exprime clairement comment faire pour évaluer ce que sont des « risques de
violations graves et répétées des droits de l’homme », sous peine de le voir perdre son essence.
Pourtant, jusqu’à présent, personne ne semble être en mesure de définir un mécanisme qui
permette de mesurer ce risque le plus objectivement possible. Au mieux, on suggère de s’appuyer
sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, c’est-à-dire qu’il faut que« le
risque soit « réel » et « s’appuyer sur les faits connus à ce moment et sur des « éléments
pertinents ».
C. La question du consensus
Le Traité sur le commerce des armes qui devait être adopté lors de la Conférence des
Nations Unies en juillet 2012 devait être rédigé sur la base du consensus. Les avantages et
inconvénients de cette méthode ont longtemps divisés.
Les États-Unis, qui ont conditionné leur soutien au Traité au choix du consensus comme
mode de négociation, arguaient qu’il favoriserait une plus large adhésion et renforcerait par là-
même son efficacité. L’objectif déclaré de l’administration américaine était d’obtenir en 2012 un
Traité qui obligerait les États signataires à respecter les critères les plus stricts possibles. Deux
arguments venaient étayer cette position en faveur du consensus :
Le premier est celui de la transparence. Les États-Unis considèrent que certains pays
cherchent toujours, lors des négociations, à les faire échouer, ou à tout le moins à les orienter,
dans le but d’obtenir des concessions. L’avantage du consensus serait de rendre visible et de
dénoncer un tel comportement.
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Les États-Unis estiment également que la voie du consensus conduit tous les États à
participer aux négociations. En théorie, le consensus devait permettre à tous les participants d’y
trouver leur compte.
Le risque semblait en effet important que les pays qui se sont abstenus de voter en faveur
de la poursuite des préparatifs d’une conférence (qui jouent par ailleurs un rôle important dans les
transferts d’armements, en tant qu’acquéreurs, producteurs ou lieux de transit) ne signent pas un
Traité dans lequel ils ne se retrouvent pas. Celui-ci perdant alors tout son impact, permettant aux
pays principalement concernés par un Traité sur le commerce des armes d’y échapper. C’était un
pari risqué, dénoncé par les organisations non gouvernementales selon lesquelles : « la tentation
serait grande, pour certains pays, de détricoter petit à petit le futur Traité pour parvenir au plus
petit dénominateur commun. Le danger étant de voir l’espoir d’un Traité strict recueillant une large
adhésion, s’effacer devant un Traité faible, décroché par ceux qui profitent de l’absence de normes
internationales ». On risquait également de voir « ceux qui soutiennent un Traité sur le commerce
des armes faire de trop grandes concessions à ceux qui n’en veulent pas, dans le but de ne pas
rentrer bredouilles ».
En définitive, un traité international global sur le commerce des armes est une occasion
unique et inespérée de parvenir à un consensus au sein des gouvernements des pays du monde
entier sur les principes, le contenu et la portée d’un instrument juridiquement contraignant, visant
à enrayer les problèmes liés à la prolifération des armes classiques. Les discussions du Comité
préparatoire mandaté pour faire des recommandations dans ce sens, en est l’illustration parfaite.
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Chapitre 3 : Les travaux du Comité préparatoire Jérémy DRISCH2
Juriste, Ministère de la Défense
Contact/mail : [email protected]
Créé par la troisième résolution (64/48), le Comité préparatoire a été mandaté pour
recommander à la Conférence internationale de 2012 « les éléments à inclure dans un instrument
juridiquement contraignant efficace et équilibré qui établirait des normes internationales communes
les plus strictes pour le transfert d’armes conventionnelles ». Ce Comité est composé de
représentants de tous les États membres des Nations Unies et des organisations ayant le statut
d’observateur auprès de l’Organisation. Ouvert à la société civile, il a en outre permis à l’industrie,
aux ONG et autres observateurs de la société civile (tels que les associations de chasse et du tir
sportif) d’assister aux débats et même de prendre la parole. Bien que la première réunion, en
juillet 2010, ait fait craindre une remise en cause de sa présence au Comité préparatoire, la société
civile, y compris les ONG, a pu finalement assister à pratiquement toutes les discussions et
exprimer, à chacune des trois réunions, ses préoccupations et ses attentes sur un TCA. C’est
l’ambassadeur argentin Roberto Garcia MORITAN qui a présidé le Comité préparatoire. Ce rôle lui
est revenu pour avoir participé aux travaux du Groupe d’experts gouvernementaux puis conduit les
travaux du Groupe de travail à composition non limitée. Sa méthode de travail a permis de
stimuler les débats sur les questions substantielles d’un futur traité et d’aborder celui-ci plus en
détails. Il a basé sa méthode sur la transparence, une approche pas-à-pas ne préjugeant pas des
résultats, l’égalité des positions des États, l’entière responsabilité du Président pour tout document
présenté, et la nature évolutive du texte (voir Statement by Ambassador Roberto Garcia
Moritanbefore the First Committee, New York, 18 octobre, 2010). Il s’est ainsi attaché à rédiger,
lors de chaque session du Comité, des documents de travail « basés sur son interprétation
personnelle des discussions et qui ne lient juridiquement aucune délégation » (voir Ambassador
Roberto Garcia Moritan, Introduction by the Chair of the PreparatoryCommittee for the United
Nations Conference on the Arms Trade Treaty, First Committee of the General Assembly, October
17, 2011), et à les faire circuler parmi les participants afin de susciter des réactions et
commentaires. Il en résulte une série de documents informels dont le dernier, en date du 14 juillet
2011, est le plus complet (voir le site de la Campagne Contrôlez les armes pour accéder à ces
documents). En effet, ce texte reprend pour la première fois pratiquement tous les éléments d’un
TCA, ou au moins tous les éléments discutés au cours des réunions. Il permet d’avoir une idée de
l’architecture d’un futur traité : principes, buts, champ d’application, paramètres, mise en oeuvre
et application, dispositions finales et éventuelles annexes. Néanmoins, pas plus que les précédents,
ce document ne fait l’objet d’un consensus entre les délégations, comme plusieurs États n’ont pas
2 L’auteur s’exprime à titre personnel.
http://fr.mc1718.mail.yahoo.com/mc/[email protected]://www.controlarms.org/negotiations.php
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manqué de le faire remarquer lors de la dernière réunion du Comité. Ainsi que l’a fait ironiquement
remarquer le Président MORITAN lui-même, si consensus il y a eu, c’est sur l’insatisfaction générale
de tous les participants, générée par son document.
Ce chapitre donne un aperçu des discussions du Comité préparatoire (Section 1) et tente
d’identifier les tendances qui s’en dégagent (Section 2).
Section 1 : Les discussions du Comité préparatoire
Paragraphe 1 : La première réunion du Comité préparatoire(12 au 23 juillet 2010)
Lors de cette assise, les délégations ont exprimé de manière générale leurs attentes sur les
éléments à inclure dans un TCA : les principes, les buts et les objectifs, le champ d’application, les
paramètres et la mise en œuvre. Cette première réunion semblait ainsi répondre à une
recommandation faite par de nombreux États de continuer à approfondir le dialogue sur les
différents aspects d’un TCA. Elle a été saluée par l’ensemble des participants et observateurs car le
principe même d’un traité semblait réaffirmé par une grande majorité, malgré les réticences
affichées par certaines délégations (Pour plus de détails sur le déroulement de cette première
réunion du Comité, voir Virginie MOREAU, Traité sur le commerce des armes : Une première
réunion encourageante, Note d’Analyse du GRIP, 25 août 2010, Bruxelles).
Lors de son rapport à la première Commission de l’AGNU en octobre 2010, MORITAN a
déclaré qu’il y avait « consensus sur le fait que le traité devait être faisable, avoir des paramètres
et des définitions clairs, être à l’abri de tout abus politique sur son interprétation, équilibré et non
discriminatoire » (Statement by Ambassador Roberto Garcia MORITAN before the First Committee,
New York, 18 october, 20104). Ces déclarations générales n’ont été suivies d’aucune session
consacrée à une définition plus approfondie des buts et objectifs. Ceci est regrettable car au terme
des trois réunions, les États ne partageaient toujours pas la même vision d’un TCA. Or, des
objectifs attribués au traité dépendront la définition de son champ d’application, de ses paramètres
ainsi que celle de ses dispositions de mise en application.
Paragraphe 2 : La deuxième réunion du Comité préparatoire (28 février au 4 mars
2011)
Pendant cette réunion, les échanges de vues ont principalement porté sur le champ
d’application du traité, c’est-à-dire d’une part, les types d’armes
et équipements, et d’autre part, les activités et opérations du commerce des armes à
couvrir, mais aussi sur les critères sur la base desquels décider un transfert d’armes (également
appelés « paramètres » du TCA), et enfin sur les mécanismes de coopération et d’assistance
internationales. Malgré le consensus affiché sur la nécessité d’un instrument international, plusieurs
points de désaccord sont apparus clairement lors de cette réunion.
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La définition du champ d’application s’est avérée particulièrement difficile. La résolution
64/48 qui a lancé officiellement le processus d’adoption d’un TCA évoquait seulement un
instrument pour établir des normes internationales communes pour le « transfert des armes
classiques » (dites également « armes conventionnelles »). Cependant, comme l’avait déjà fait
remarquer le Groupe d’experts gouvernementaux sur la faisabilité d’un TCA, qui n’avait pas résolu
cette question, aucun instrument existant ne contient une liste d’armes qui pourrait constituer en
l’état le champ d’application d’un TCA. Des États ou des organisations multilatérales ou régionales
ont déjà défini des listes ou des catégories d’armes conventionnelles et équipements dans divers
documents. Par exemple, le Registre des Nations Unies sur les armes conventionnelles, les listes
militaires établies par l’Union européenne ou encore l’Arrangement de Wassenaar. Toutefois, ces
documents ne sont pas harmonisés au niveau international et tous les États n’y sont pas parties.
Ils ne concernent par conséquent que certains groupes d’États. Par ailleurs, il n’existe pas de
définition du terme « transfert » reconnue et acceptée de tous les États au niveau international.
De nombreuses délégations ont fait référence au Registre des Nations Unies sur les armes
conventionnelles comme point de départ pour définir les catégories d’armes conventionnelles. Cet
instrument définit en effet sept catégories d’armes classiques (les chars de combat, les avions de
combat, les navires de guerre, les hélicoptères d’attaque, les systèmes d’artillerie de gros calibre,
les véhicules blindés de combat, et les missiles et lanceurs de missiles); il présente en outre
l’avantage d’avoir déjà été accepté par les États membres des Nations Unies comme outil de
transparence dans les transferts d’armes conventionnelles et ce, depuis 1992. Cependant, les
catégories définies dans cet instrument sont loin d’être suffisantes et complètes, comme l’ont noté
de nombreuses délégations durant les discussions. En outre, le Registre ne tient pas compte de
l’évolution technologique dans le domaine des armes et équipements militaires et au regard des
définitions strictes qu’il en donne, il ne permet pas d’adapter facilement les catégories. C’est
pourquoi, si le Registre peut servir de base minimale pour la définition des armes du TCA, il doit
être complété. De nombreux États ont ainsi plaidé pour un champ d’application très large, qui
inclurait les armes légères et de petit calibre (ALPC), leurs munitions, les explosifs, les composants
et pièces détachées, les biens à double usage, ou encore les futurs développements
technologiques. Cependant, d’autres États voient plutôt un champ d’application plus sélectif, dans
lequel ne seraient pas reprises en particulier les ALPC et leurs munitions, voire les munitions de
manière générale.
Quant à la définition du champ d’application en termes d’activités et opérations du
comme