subrogation personnelle et reelle

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Répertoire de droit civil Subrogation personnelle Éric SAVAUX Agrégé des Facultés de droit Professeur à l'Université de Poitiers avril 2008 (dernière mise à jour : septembre 2011) Table des matières Généralités, 1 - 8 Chapitre 1 - Cas de subrogation, 9 - 128 Section 1 - Conditions générales relatives au paiement, 10 - 30 Art. 1 - Nécessité d'un paiement, 12 - 15 Art. 2 - Auteur du paiement, 16 - 23 Art. 3 - Caractère direct du paiement, 24 - 30 § 1 - Fondement et domaine de l'exigence d'un paiement direct, 25 - 28 § 2 - Atténuations à l'exigence d'un paiement direct, 29 - 30 Section 2 - Subrogation conventionnelle, 31 - 72 Art. 1 - Subrogation consentie par le créancier ou subrogation ex parte creditoris, 32 - 53 § 1 - Parties à la subrogation « ex parte creditoris », 33 - 35 § 2 - Caractère exprès de la subrogation, 36 - 38 § 3 - Concomitance de la subrogation et du paiement, 39 - 48 § 4 - Preuve de la subrogation, 49 - 53 Art. 2 - Subrogation consentie par le débiteur ou subrogation ex parte debitoris, 54 - 72 § 1 - Parties à la subrogation « ex parte debitoris », 58 - 61 § 2 - Formalisme de la subrogation « ex parte debitoris », 62 - 72 Section 3 - Subrogation légale, 73 - 128 Art. 1 - Cas de subrogation de plein droit prévus par le code civil, 76 - 117 § 1 - Subrogation du « solvens » tenu avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette (C. civ. 1251, 3 o ), 77 - 89 § 2 - Autres cas de subrogation prévus par le code civil, 90 - 117 Art. 2 - Cas de subrogation de plein droit prévus par des lois spéciales, 118 - 128 § 1 - Subrogation légale, auxiliaire du crédit, 119 § 2 - Subrogation légale, auxiliaire de la garantie, 120 - 128 Chapitre 2 - Effets de la subrogation, 129 - 188 Section 1 - Effets à l'égard du subrogé, 131 - 174 Art. 1 - Acquisition des droits et actions du créancier, 132 - 171 § 1 - Nature des droits transmis au subrogé, 133 - 154 § 2 - Étendue de la transmission des droits au subrogé, 155 - 171 Art. 2 - Articulation du recours subrogatoire et du recours personnel du solvens, 172 - 174 Section 2 - Effets à l'égard de l'accipiens, 175 - 178 Section 3 - Effets à l'égard du débiteur, 179 - 185 Art. 1 - Opposabilité de la subrogation au débiteur, 180 - 181 Art. 2 - Opposabilité des exceptions par le débiteur, 182 - 185 Section 4 - Effets à l'égard des tiers, 186 - 188 Bibliographie AUBRY et RAU, Droit civil français, t. 4, 5 e éd., 1878, et 6 e éd., par BARTIN, 1942, Librairies techniques. - BÉNABENT, Droit civil, Les obligations, 11 e éd., 2007, Montchrestien. - BILLIAU, La transmission des créances et des dettes, 2002, LGDJ. - CARBONNIER, Droit civil, t. 2, Les biens, les obligations, 2004, PUF. - FABRE-MAGNAN, Les obligations, 2004, PUF. - FLOUR, AUBERT et SAVAUX, Droit civil, Les obligations, t. 3, Le rapport d'obligation, 5 e éd., 2007, Sirey Université. - FRANÇOIS, Droit civil, sous la dir. de Ch. LARROUMET, t. 4, Les obligations, régime général, 2000, Economica. - GHESTIN, BILLIAU et LOISEAU, Le régime des créances et des dettes, 2005, LGDJ. - MALAURIE, AYNÈS et STOFFEL-MUNCK, Droit civil. Les obligations, 3 e éd., 2007, Defrénois. - MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, Droit civil. Les obligations, t. 2, Le régime, 2 e éd., 1989, Sirey. - MAZEAUD et CHABAS, Leçons de droit civil, t. 2, 1 er vol., Obligations : théorie générale, 8 e éd., 1991, Montchrestien. - J. MESTRE, La subrogation personnelle, t. 160, préf. P. KAYSER, 1979, Bibl. dr. privé, LGDJ. - C. MOULOUNGUI, L'admissibilité du profit dans la subrogation, t. 251, préf. F. GRUA, 1995, Bibl. dr. privé, LGDJ. - PLANIOL et RIPERT, Traité pratique de droit civil français, t. 7, par RADOUANT, 1954, LGDJ. - SÉRIAUX, Droit des obligations, 2 e éd., 1998, PUF. - STARCK, ROLAND et BOYER, Obligations, t. 3, Régime général, 5 e éd., 1997, Litec. - TERRÉ, SIMLER et LEQUETTE, Droit civil, Les obligations , 9 e éd., 2005, Précis Dalloz. F. AUCKENTHALER, Le droit du subrogé aux intérêts de la créance, D. 2000. Chron. 171 . - P. CHAUMETTE, La subrogation personnelle sans paiement ?, RTD civ. 1986. 33. - H. GROUTEL, Réflexions sur la subrogation anticipée, D. 1987. Chron. 283. -

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Page 1: Subrogation Personnelle Et Reelle

Répertoire de droit civil

Subrogation personnelle

Éric SAVAUXAgrégé des Facultés de droit

Professeur à l'Université de Poitiers

avril 2008 (dernière mise à jour : septembre 2011)

Table des matières

Généralités, 1 - 8

Chapitre 1 - Cas de subrogation, 9 - 128

Section 1 - Conditions générales relatives au paiement, 10 - 30Art. 1 - Nécessité d'un paiement, 12 - 15Art. 2 - Auteur du paiement, 16 - 23Art. 3 - Caractère direct du paiement, 24 - 30

§ 1 - Fondement et domaine de l'exigence d'un paiement direct, 25 - 28§ 2 - Atténuations à l'exigence d'un paiement direct, 29 - 30

Section 2 - Subrogation conventionnelle, 31 - 72Art. 1 - Subrogation consentie par le créancier ou subrogation ex parte creditoris, 32 - 53

§ 1 - Parties à la subrogation « ex parte creditoris », 33 - 35§ 2 - Caractère exprès de la subrogation, 36 - 38§ 3 - Concomitance de la subrogation et du paiement, 39 - 48§ 4 - Preuve de la subrogation, 49 - 53

Art. 2 - Subrogation consentie par le débiteur ou subrogation ex parte debitoris, 54 - 72§ 1 - Parties à la subrogation « ex parte debitoris », 58 - 61§ 2 - Formalisme de la subrogation « ex parte debitoris », 62 - 72

Section 3 - Subrogation légale, 73 - 128Art. 1 - Cas de subrogation de plein droit prévus par le code civil, 76 - 117

§ 1 - Subrogation du « solvens » tenu avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette (C. civ. 1251, 3o), 77 -89§ 2 - Autres cas de subrogation prévus par le code civil, 90 - 117

Art. 2 - Cas de subrogation de plein droit prévus par des lois spéciales, 118 - 128§ 1 - Subrogation légale, auxiliaire du crédit, 119§ 2 - Subrogation légale, auxiliaire de la garantie, 120 - 128

Chapitre 2 - Effets de la subrogation, 129 - 188

Section 1 - Effets à l'égard du subrogé, 131 - 174Art. 1 - Acquisition des droits et actions du créancier, 132 - 171

§ 1 - Nature des droits transmis au subrogé, 133 - 154§ 2 - Étendue de la transmission des droits au subrogé, 155 - 171

Art. 2 - Articulation du recours subrogatoire et du recours personnel du solvens, 172 - 174Section 2 - Effets à l'égard de l'accipiens, 175 - 178Section 3 - Effets à l'égard du débiteur, 179 - 185

Art. 1 - Opposabilité de la subrogation au débiteur, 180 - 181Art. 2 - Opposabilité des exceptions par le débiteur, 182 - 185

Section 4 - Effets à l'égard des tiers, 186 - 188

Bibliographie

AUBRY et RAU, Droit civil français, t. 4, 5e éd., 1878, et 6e éd., par BARTIN, 1942, Librairies techniques. - BÉNABENT, Droit civil,Les obligations, 11e éd., 2007, Montchrestien. - BILLIAU, La transmission des créances et des dettes, 2002, LGDJ. -CARBONNIER, Droit civil, t. 2, Les biens, les obligations, 2004, PUF. - FABRE-MAGNAN, Les obligations, 2004, PUF. - FLOUR,AUBERT et SAVAUX, Droit civil, Les obligations, t. 3, Le rapport d'obligation, 5e éd., 2007, Sirey Université. - FRANÇOIS, Droitcivil, sous la dir. de Ch. LARROUMET, t. 4, Les obligations, régime général, 2000, Economica. - GHESTIN, BILLIAU et LOISEAU,Le régime des créances et des dettes, 2005, LGDJ. - MALAURIE, AYNÈS et STOFFEL-MUNCK, Droit civil. Les obligations, 3 e éd.,2007, Defrénois. - MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, Droit civil. Les obligations, t. 2, Le régime, 2 e éd., 1989, Sirey. - MAZEAUD etCHABAS, Leçons de droit civil, t. 2, 1er vol., Obligations : théorie générale, 8e éd., 1991, Montchrestien. - J. MESTRE, Lasubrogation personnelle, t. 160, préf. P. KAYSER, 1979, Bibl. dr. privé, LGDJ. - C. MOULOUNGUI, L'admissibilité du profit dans lasubrogation, t. 251, préf. F. GRUA, 1995, Bibl. dr. privé, LGDJ. - PLANIOL et RIPERT, Traité pratique de droit civil français, t. 7,par RADOUANT, 1954, LGDJ. - SÉRIAUX, Droit des obligations, 2 e éd., 1998, PUF. - STARCK, ROLAND et BOYER, Obligations, t. 3,Régime général, 5e éd., 1997, Litec. - TERRÉ, SIMLER et LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, 9e éd., 2005, Précis Dalloz.

F. AUCKENTHALER, Le droit du subrogé aux intérêts de la créance, D. 2000. Chron. 171 . - P. CHAUMETTE, La subrogationpersonnelle sans paiement ?, RTD civ. 1986. 33. - H. GROUTEL, Réflexions sur la subrogation anticipée, D. 1987. Chron. 283. -

Page 2: Subrogation Personnelle Et Reelle

J. HUET, Un bienfait de l'histoire : la subrogation opérée par le débiteur pour le remboursement anticipé d'un prêt d'argent encas de baisse des taux d'intérêt (C. civ., art. 1250, 2 o) , D. 1999. Chron. 303 . - Y. LAMBERT-FAIVRE, Le lien entre lasubrogation et le caractère indemnitaire des prestations des tiers payeurs, D. 1987. Chron. 97. - L. LORVELLEC et F. JACOB, J.-Cl. Civ., Art. 1249 à 1252, Fasc. 10 et 20 - L. LORVELLEC, J.-Cl. Civ., Art. 1249 à 1252, Fasc. 3 et 4 - C. MOULOUNGUI, Le reculde la règle subordonnant la subrogation à un paiement préalable, CCC 1996. Chron. 1. - M. VION, La renégociation des prêtsimmobiliers, Defrénois 1987. 1217.

Généralités

1. Du Traité de la subrogation de RENUSSON (Traité de la subrogation de ceux qui succèdent au lieu et place des créanciersoù sont traitées les questions ardues et difficiles de cette matière, 1re éd., 1743) au Vocabulaire juridique Capitant (CORNU[sous la dir. de], Vocabulaire juridique Capitant, 8 e éd., 2007, PUF, Vo Subrogation) en passant par la Jurisprudence généraleDalloz, la définition de la subrogation est restée la même. La subrogation, « c'est dans son sens le plus étendu, lasubstitution d'une chose ou d'une personne à une autre chose, ou à une autre personne ; il y a donc une subrogation dechose, ou subrogation réelle, et une subrogation de personne ou subrogation personnelle » (Jur. gén., Vo Subrogation). Il y asubrogation de personne « quand une personne est subrogée à une autre personne, quand l'une succède et entre au lieu etplace de l'autre pour exercer ses droits et actions, c'est-à-dire ses droits ou personnels, ou hypothécaires, ou privilégiés » ; ily a subrogation de chose « quand une chose est subrogée à une autre chose, c'est-à-dire, quand une chose prend la placede l'autre, et est réputée de même nature et qualité pour appartenir aux mêmes personnes auxquelles celle-là appartenait »(RENUSSON, op. cit. ; V. Subrogation réelle). La subrogation évoque donc toujours l'idée d'un remplacement. Mais les deuxformes de la subrogation sont très différentes. La subrogation réelle est une institution du droit des biens : c'est la « fictionde droit par laquelle [dans une universalité] un bien en remplace un autre en lui empruntant ses qualités » (Vocabulairejuridique Capitant, Vo Subrogation). La subrogation personnelle est une technique du droit des obligations : c'est unesubstitution de créancier intervenant sur le fondement d'un paiement (sur la nature juridique de la subrogation personnelle,V. infra, nos 4 et s.). Il s'agit là du sens précis, strict, du mot « subrogation ». Au sens large, il désigne toute « substitutiond'une personne à une autre dans un rapport de droit en vue de permettre à la première d'exercer tout ou partie des droitsqui appartiennent à la seconde » (Vocabulaire juridique Capitant, Vo Subrogation). Ainsi parle-t-on parfois de subrogation àl'hypothèque pour la cession des droits hypothécaires appartenant à un créancier inscrit (V. Hypothèque) ou d'actionsubrogatoire pour l'action oblique exercée par les créanciers (C. civ., art. 1166 ; V. Action oblique). Mais le terme« subrogation » est plus spécialement réservé à une forme particulière de substitution de personne : la substitution d'unepersonne dans la créance dont une autre était titulaire, par l'effet du paiement effectué par la première à la seconde.

2 . La subrogation personnelle puise ses origines loin dans l'histoire. Le droit romain, formaliste et accordant au liend'obligation un caractère personnel très marqué, ne la connaissait pas. Il n'admettait que deux cas particuliers d'acquisitionpar une personne des droits d'une autre : la cession d'actions qui permettait à la caution d'acquérir par convention les droitsdu créancier contre le débiteur principal, et la successio in locum creditoris qui permettait au tiers qui a payé le créancierhypothécaire de lui succéder dans son rang. La subrogation est née de la fusion et de la généralisation de ces deuxinstitutions dans l'Ancien droit, sous l'influence du droit canonique. Dans le cas où un tiers rend service au débiteur en payantà sa place, l'équité commande que l'auteur de ce paiement (le solvens) soit placé dans les droits du créancier contre ledébiteur sans qu'il soit nécessaire d'accomplir de formalité. Parallèlement, il fut admis que la subrogation peut êtrespécialement convenue entre le solvens et le créancier, voire entre le solvens et le débiteur. Malgré cette extension de sondomaine, la subrogation était ressentie comme une importante dérogation aux principes juridiques. En effet, contrairement àson effet normal, le paiement effectué par le tiers n'éteint pas la dette du débiteur ; il la laisse subsister au profit du subrogé.Seule l'équité peut fonder cette solution ; le solvens ayant entendu rendre service au débiteur en acquittant sa dette, il estjuste qu'il puisse récupérer contre lui les sommes qu'il a avancées (RENUSSON, op. cit., nos XI et XV).

3. C'est avec cet esprit que la subrogation a été accueillie par les rédacteurs du code civil aux articles 1249 à 1252. En dehorsdes cas où elle est expressément convenue entre les parties (subrogation conventionnelle de C. civ., art. 1250), elle estaccordée automatiquement par la loi à celui qui a rendu un service d'ami au débiteur en payant pour lui (subrogation légale del'art. 1251). Fidèles à la tradition, les rédacteurs du code civil ont rattaché la subrogation personnelle au paiement. Celaressort très nettement du plan du code. La subrogation est traitée au chapitre V du titre III du livre III : « De l'extinction desobligations », dans une section 1re consacrée au paiement. Or, la nature juridique de la subrogation est infiniment pluscomplexe que cela. Certes, elle repose sur un paiement. Mais la subrogation ne se réduit pas à cela. Elle emporte aussitransfert d'une créance de celui qui reçoit le paiement (l'accipiens) au solvens subrogé (sur l'effet translatif de la subrogation,V. infra, nos 129 et s.).

4 . La question de la nature juridique de la subrogation personnelle se réduit donc finalement à une option : est-elle unesimple modalité du paiement ou un mode de transfert des créances ? À la suite du code civil, les auteurs du XIXe sièclepercevaient la subrogation personnelle comme une modalité du paiement. Mais cette analyse suscite une interrogationessentielle : comment se peut-il qu'un paiement, dont l'effet normal est d'éteindre la dette, la laisse subsister ? Pour expliquercette énigme, les auteurs du XIXe siècle firent appel à l'idée de fiction, comme RENUSSON l'avait fait avant eux (op. cit., no X).Selon AUBRY et RAU, « la subrogation est une fiction juridique, admise ou établie par la loi, en vertu de laquelle une obligation,éteinte au regard du créancier originaire, par suite du paiement qu'il a reçu d'un tiers, ou du débiteur lui-même, mais avec desdeniers qu'un tiers lui a fournis à cet effet, est regardée comme continuant de subsister au profit de ce tiers » (Droit civilfrançais, t. 4, 6e éd., par BARTIN, 1942, Librairies techniques, p. 263). Quelques auteurs modernes rattachent encoreformellement la subrogation au paiement (CARBONNIER, Droit civil, t. 2, Les biens, les obligations, 2004, PUF, n os 1250 et s. ;MAZEAUD et CHABAS, Leçons de droit civil, t. 2, 1er vol., Obligations : théorie générale, 8e éd., 1991, Montchrestien, nos 841 ets. ; TERRÉ, SIMLER et LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, 9e éd., 2005, Précis Dalloz, nos 1361 et s.). Mais à la suite destravaux de J. MESTRE (La subrogation personnelle, préf. P. KAYSER, 1979, LGDJ), tous s'accordent à reconnaître qu'il s'agitplutôt d'un transfert de créance intervenant sur le fondement d'un paiement (TERRÉ, SIMLER et LEQUETTE, op. cit., no 1361),et la plupart en traitent donc avec la circulation de l'obligation (BÉNABENT, Droit civil, Les obligations, 11 e éd., 2007,

Page 3: Subrogation Personnelle Et Reelle

Montchrestien, nos 739 et s. ; FLOUR, AUBERT et SAVAUX, Droit civil, Les obligations, t. 3, Le rapport d'obligation, 5e éd., 2007,Sirey Université, nos 367 et s. ; FRANCOIS, Droit civil, Les obligations, régime général, 2000, Economica, nos 440 et s. ;GHESTIN, BILLIAU et LOISEAU, Le régime des créances et des dettes, 2005, LGDJ, nos 353 et s. ; MALAURIE, AYNÈS etSTOFFEL-MUNCK, Droit civil. Les obligations, 3e éd., 2007, Defrénois, nos 1295 et s. ; MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, Droit civil. Lesobligations, t. 2, Le régime, 2e éd., 1989, Sirey, n os 381 et s. ; STARCK, ROLAND et BOYER, Obligations, t. 3, Régime général,5e éd., 1997, Litec, nos 59 et s. ; SÉRIAUX, Droit des obligations, 2e éd., 1998, PUF, nos 171 et s.).

5 . Cette analyse renouvelée de la subrogation personnelle est la seule fidèle à son régime actuel. Depuis le code civil, lasubrogation a en effet connu un formidable développement qui interdit de la traiter comme une exception au principe de l'effetextinctif du paiement fondée sur une fiction et comme un simple service d'ami (J. MESTRE, op. cit., nos 6, 635 et s.). Dans detrès nombreuses hypothèses, c'est l'acquisition de la créance qui est déterminante, et le solvens n'intervient pas toujours demanière altruiste (V. infra, no 160). La subrogation personnelle est ainsi devenue un élément essentiel du crédit. Lasubrogation conventionnelle permet à celui qui prête au débiteur les deniers nécessaires à l'acquittement de sa dette,d'acquérir la créance originelle avec les sûretés qui la garantissent (V. infra, no 157). Elle fonde aussi les contratsd'affacturage, conventions par lesquelles un établissement de crédit paye à son client les créances dont il est titulaire contreses débiteurs, moyennant subrogation conventionnelle dans ses droits et perception d'une commission (V. infra, nos 160 et181). La subrogation légale est quant à elle devenue un rouage essentiel de la garantie. De nombreux textes postérieurs aucode civil ont utilisé ce mécanisme pour fonder le recours des organismes qui assurent l'indemnisation des victimes contre lesresponsables (V. infra, nos 124 et s.). La jurisprudence a également contribué de manière très importante à la transformationde la subrogation personnelle. Elle a élargi le domaine d'application de la plupart des cas de subrogation. Surtout, elle adonné une grande portée à l'effet translatif de la subrogation dont elle a fait le coeur de l'institution (sur la faveur de la loi etde la jurisprudence pour la subrogation, V. J. MESTRE, op. cit., nos 34 et s.).

6 . En jugeant que la subrogation ne transmet pas seulement les accessoires de la créance (sûretés, garanties…) mais lacréance elle-même avec ses modalités, ses caractères, ses qualités et ses vices, la jurisprudence a considérablementaccentué l'aspect transfert de créance de la subrogation. Cette évolution de la subrogation personnelle l'oppose nettement àla novation et à la délégation, mais elle la rapproche de la cession de créance. La subrogation se distingue de la novation parchangement de créancier et de la délégation parfaite puisque c'est la créance même dont l'accipiens était titulaire qui esttransmise au subrogé, alors que la novation et la délégation parfaite entraînent l'extinction de la créance primitive et lanaissance d'une nouvelle obligation. Elle s'oppose aussi à la délégation imparfaite puisque cette dernière laisse subsisterl'obligation initiale du délégant à l'égard du délégataire et ajoute une nouvelle obligation du délégué. En revanche, lasubrogation personnelle ressemble à la cession de créance (V. Cession de créance) puisqu'elle entraîne comme elle untransfert de la créance initiale. Le rapprochement des deux mécanismes est d'ailleurs tout à fait classique, la doctrines'efforçant de cerner leurs ressemblances et leurs différences (FLOUR, AUBERT et SAVAUX, op. cit., nos 391 et 392 ; MAZEAUDet CHABAS, op. cit., t. 2, 1er vol., no 1276 ; TERRÉ, SIMLER et LEQUETTE, op. cit., no 1388). Les deux institutions se rapprochentpar l'effet translatif et par l'opposabilité des exceptions, son corollaire. Elles se différencient par l'esprit intéressé de la cessionde créance, altruiste du paiement avec subrogation, par l'étendue de l'effet translatif et l'exclusion de l'enrichissement dusubrogé, par les conditions d'opposabilité aux tiers. En réalité, certaines de ces différences tendent à s'estomper,particulièrement celles tenant à l'esprit des deux institutions et à l'étendue de l'effet translatif (V. infra, nos 133 et s.). Lacomparaison des deux institutions ne peut être approfondie qu'à l'occasion de l'étude du régime de la subrogation, mais onpeut déjà relever que la cession de créance et la subrogation personnelle se ressemblent de plus en plus. Elles constituentaujourd'hui, avec la cession de créances professionnelles, les principaux modes de transmission de l'obligation. L'avant-projetde réforme du droit des obligations et de la prescription consacre cette mutation de la subrogation en la détachant dupaiement pour en traiter dans le chapitre VI consacré aux opérations sur créances (art. 1258 à 1264-2).

7. La faveur que la loi et la jurisprudence témoignent à la subrogation s'explique fort bien. C'est un mécanisme extrêmementutile qui ne présente en règle générale que des avantages. Certes, à défaut de subrogation, le tiers qui a payé la detted'autrui dispose d'une action personnelle qu'il tire, soit du contrat de prêt s'il a avancé l'argent au débiteur qui a payé, soit ducontrat de mandat s'il a payé directement le créancier avec l'accord du débiteur, soit de la gestion d'affaires ou del'enrichissement sans cause s'il a payé spontanément le créancier (V. infra, no 172). Mais, en l'absence de conventionparticulière, ce recours est en principe simplement chirographaire. La subrogation du solvens dans les droits de l'accipiens luipermet au contraire d'invoquer à son profit toutes les garanties qui accompagnent la créance. À cet intérêt évident pour lesubrogé, s'en ajoutent d'autres pour le débiteur et pour le créancier. La possibilité de le faire bénéficier de la subrogationpermet au débiteur de trouver plus aisément un tiers qui effectue le paiement à sa place et d'éviter ainsi des poursuites. Lecréancier reçoit son dû sans avoir à entamer de procédure contre un débiteur défaillant. Quant aux tiers, ils ne souffrent pasde l'opération, seule la personne du créancier ayant changé (J. MESTRE, op. cit., nos 25 et s.). La jurisprudence récente amême sensiblement accru l'intérêt de la subrogation. En effet, la Cour de cassation avait jugé, par un arrêt du 15 mai 1990,que « le tiers qui, sans y être tenu, a payé la dette d'autrui de ses propres deniers, a, bien que non subrogé aux droits ducréancier, un recours contre le débiteur… » ; ce recours a « sa cause dans le seul fait du paiement, générateur d'uneobligation nouvelle distincte de celle éteinte par ledit paiement » (Civ. 1 re, 15 mai 1990, no 88-17.572 , Bull. civ. I, no 106,D. 1991. 538, note G. Virassamy , JCP 1991. II. 21628, note B. Petit, RTD civ. 1990. 662, obs. J. Mestre ). Autrement dit,quand un tiers a acquitté une dette qui ne lui incombe pas, en l'absence de subrogation, il peut agir en remboursement contrele débiteur sans avoir à prouver le fondement juridique de son intervention ; c'est au débiteur qui refuse de le rembourserqu'il appartient d'établir que le solvens était animé d'une intention libérale en effectuant le paiement. Or, cette jurisprudencefavorable au solvens a été abandonnée par un arrêt du 2 juin 1992. La Cour de cassation juge désormais qu'« il incombe àcelui qui a sciemment acquitté la dette d'autrui, sans être subrogé dans les droits du créancier, de démontrer que la causedont procédait ce payement impliquait, pour le débiteur, l'obligation de lui rembourser les sommes ainsi versées » (Civ. 1 re,2 juin 1992, no 90-19.374 , Bull. civ. I, no 167, D. 1992. Somm. 407, obs. Ph. Delebecque , JCP 1992. I. 3632, obs.M. Billiau, RTD civ. 1993. 130, obs. J. Mestre ). La charge de la preuve est donc inversée. C'est au solvens qu'il incombedésormais d'établir qu'il n'a pas été animé d'une intention libérale en payant pour le débiteur (V. égal. : Civ. 1 re, 6 mai 1997,

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no 95-11.151 , Bull. civ. I, no 144 ; 23 janv. 1996, JCP 1996. II. 22638, note Piedelièvre ; 28 févr. 1995, D. 1995. Somm. 228,obs. Libchaber ). Il est donc beaucoup plus difficile de faire admettre le bien-fondé de l'action personnelle en l'absence desubrogation. D'où l'intérêt accru de prévoir celle-ci.

8. Malgré la faveur que lui témoignent la jurisprudence et la loi, il n'existe pas de principe général selon lequel celui qui paie ladette d'autrui est subrogé dans les droits du créancier. Selon l'article 1249 du code civil, « la subrogation dans les droits ducréancier au profit d'une tierce personne qui le paye, est ou conventionnelle ou légale ». La subrogation personnelle doit êtreexpressément convenue ou formellement prévue par la loi. En dehors de ces hypothèses, le paiement effectué par un tiers nelui fait pas acquérir les droits et actions dont le créancier était titulaire. Il appartient donc au juge qui admet l'existence d'unesubrogation de constater que les conditions posées par la loi sont remplies. Manque donc de base légale le jugement quiaccueille une demande de remboursement en se fondant d'office sur la subrogation, « sans relever la présence des exigencesconventionnelles ou légales requises » (Civ. 1 re, 25 mars 2003, no 00-14.873 , Defrénois 2003, art. 37767, no 57, obs. J.-L. Aubert ; V. égal. : Civ. 23 févr. 1897, DP 1900. 1. 597, qui casse un arrêt ayant admis la subrogation d'un tiers dans lesdroits du créancier, sans relever que ce dernier avait subrogé le tiers dans ses droits et actions par une convention expresseen recevant le paiement ou que le tiers se trouvait à la date du paiement dans l'un des cas prévus par les textes pour seprévaloir de la subrogation légale). Il convient donc de rechercher quels sont les différents cas de subrogation personnelle(V. infra, nos 9 s.) avant d'en étudier les effets (V. infra, nos 129 s.).

Chapitre 1 - Cas de subrogation

9 . Les conditions requises pour que la subrogation conventionnelle ou la subrogation légale puissent s'appliquer sontprécisées respectivement par les articles 1250 et 1251. En outre, une condition commune à tous les cas de subrogationressort de l'article 1249. Il résulte de ce texte que la substitution du tiers solvens dans les droits du créancier ne peut seproduire qu'à l'occasion d'un paiement. Il convient donc d'examiner les conditions générales relatives au paiement (V. infra,nos 10 s.) avant d'étudier les conditions de la subrogation conventionnelle (V. infra, nos 31 s.) puis celles de la subrogationlégale (V. infra, nos 73 s.).

Section 1 - Conditions générales relatives au paiement

10. Les principes qui régissent l'intervention d'un tiers dans le règlement de la dette d'autrui sont contenus dans les textesrelatifs au paiement (sur la question, V. V. PERRUCHOT-TRIBOULET, Le droit de payer pour autrui, LPA 2001, n o 166, p. 12). Lapersonnalité du solvens étant en principe indifférente au créancier, le paiement peut être effectué, soit par le débiteur lui-même, soit par un tiers. C'est ce qu'exprime l'article 1236 du code civil selon lequel « une obligation peut être acquittée partoute personne qui y est intéressée, telle qu'un coobligé ou une caution. L'obligation peut même être acquittée par un tiersqui n'y est point intéressé, pourvu que ce tiers agisse au nom et en l'acquit du débiteur, ou que, s'il agit en son nom propre, ilne soit pas subrogé aux droits du créancier ». Selon les cas, le tiers effectue donc le paiement comme mandataire, commegérant d'affaires ou comme auteur d'une libéralité indirecte. La disposition finale de l'article 1236 paraît interdire lasubrogation lorsque le tiers agit en son propre nom. Cependant, comme l'article 1250, 1o prévoit formellement que lecréancier peut subroger le solvens dans ses droits, la formule est comprise comme interdisant simplement au tiers d'exigerd'être subrogé dans les droits du créancier (MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, t. 2, n o 195). En revanche, c'est le paiement lui-mêmeque le tiers ne peut imposer au créancier lorsque ce dernier a intérêt à ce que l'obligation soit remplie par le débiteur lui-même (C. civ., art. 1237). Enfin, lorsque l'obligation est une obligation à terme, il faut encore tenir compte des principes quirégissent la matière. Le tiers ne peut imposer le paiement avant le terme que si celui-ci a été stipulé dans l'intérêt dudébiteur.

11. Malgré les discussions qui se sont développées sur ce point, l'existence d'un paiement demeure une condition nécessairede la subrogation, assouplie, il est vrai, par la jurisprudence. Quant aux conditions générales relatives à ce paiement, ellessont au nombre de deux. La première découle de la loi, mais elle a été considérablement assouplie par la jurisprudence. Elleconcerne l'auteur du paiement, dont on dit habituellement et très approximativement qu'il doit être un tiers. La seconde a étéposée de manière apparemment critiquable par la jurisprudence. Il s'agit du caractère direct du paiement qui suppose que lepaiement soit effectué par le subrogé lui-même.

Art. 1 - Nécessité d'un paiement

12. La nécessité d'un paiement à l'origine de la subrogation personnelle a parfois été mise en doute. Il arrive en effet que lapratique ou la loi utilisent le mot « subrogation » pour désigner une substitution de personne dans un rapport juridique endehors de toute exécution d'une obligation. On parle ainsi parfois de subrogation à l'hypothèque à propos de la conventionpar laquelle un créancier hypothécaire qui conserve sa créance contre le débiteur transmet seulement son hypothèque à untiers. L'article 6 de la loi no 75-618 du 11 juillet 1975 (D. 1975. 253), relative au recouvrement public des pensionsalimentaires, dispose que « pour les sommes qu'il est chargé de recouvrer, le Trésor est subrogé dans les actions et garantiesdont dispose le créancier pour le recouvrement de sa pension alimentaire », alors que le Trésor n'a fait aucune avance defonds. L'article L. 412-5 du code rural prévoit que le preneur à bail rural titulaire du droit de préemption en cas de vente dufonds peut subroger dans l'exercice de ce droit son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil desolidarité participant à l'exploitation, ou un descendant majeur ou mineur émancipé. On s'est donc demandé si la subrogationpersonnelle ne pourrait pas intervenir en dehors de tout paiement (P. CHAUMETTE, La subrogation personnelle sanspaiement ?, RTD civ. 1986. 33 ; C. MOULOUNGUI, Le recul de la règle subordonnant la subrogation à un paiement préalable,CCC 1996. Chron. 1).

13. En réalité, la subrogation personnelle suppose nécessairement un paiement. Fidèles à la tradition, les rédacteurs du codecivil ont réservé le terme à un type particulier de substitution dans un rapport juridique : la substitution de celui qui paye (lesolvens) dans la créance et dans les droits de celui qui reçoit paiement (l'accipiens), sur le fondement d'un paiement effectuépar le premier entre les mains du second (J. MESTRE, op. cit., no 4). L'existence d'un paiement est une condition sine qua non

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de la subrogation. Cela ressort clairement des termes de l'article 1249 du code civil qui n'accorde la subrogation qu'« au profitd'une tierce personne qui (…) paye [le créancier] ». Les emplois du mot « subrogation » précédemment évoqués sont doncabusifs. Ils correspondent en fait à des institutions de nature différente (représentation, cession de créance, substitutiondans des prérogatives directes sur des biens… ; V. P. CHAUMETTE, article préc.).

14. L'exigence d'un paiement ressort clairement de la jurisprudence qui interdit à l'assureur de se prévaloir d'une subrogationdans les droits de l'assuré tant qu'il ne lui a pas versé d'indemnité (Civ. 1 re, 24 mars 1992, no 89-13.756 , Bull. civ. I, no 91).L'assureur ne peut donc se prévaloir de la subrogation légale prévue par l'article L. 121-12 du code des assurances (V. infra,no 125) s'il n'apporte pas la démonstration du paiement effectif de l'indemnité à l'assuré (Civ. 2e, 13 oct. 2005, no 04-16.139

, RCA 2005. Comm. 368, note H. Groutel). En revanche, il n'est pas indispensable que cette preuve soit rapportée par desquittances subrogatoires, le paiement de l'indemnité à l'assuré pouvant être établi par tout moyen (CE 5 oct. 2005,no 252317 , RCA 2005. Comm. 368, note H. Groutel). Cette condition du paiement présente cependant un certain nombred'inconvénients, et la jurisprudence l'a assouplie. Ainsi, le subrogé auquel le débiteur peut opposer les exceptions qu'ilpouvait invoquer contre le subrogeant (V. infra, nos 182 et s.) risque de se heurter à la prescription de l'action contre ledébiteur lorsqu'il n'a payé le créancier, en qualité d'obligé accessoire, que peu de temps avant l'écoulement du délai deprescription. Pour éviter ce résultat fâcheux, la Cour de cassation a jugé que le commissionnaire de transport (subrogé) peutagir contre l'assureur du transporteur (débiteur) en remboursement des sommes dues à la suite d'avaries, bien qu'il n'ait pasencore désintéressé le propriétaire des marchandises (créancier), dès lors qu'il s'est d'ores et déjà engagé à le payer et que« s'étant ainsi reconnu débiteur des indemnités réclamées, il en a définitivement grevé son patrimoine » (Com. 18 déc. 1978,Bull. civ. IV, no 315 ; 4 mai 1982, Bull. civ. IV, no 151). Par ailleurs, afin d'éviter une cascade de recours, la jurisprudence admetque le coauteur d'un dommage puisse appeler en garantie les autres coauteurs par voie subrogatoire bien qu'il n'ait pasencore désintéressé la victime (Civ. 2e, 20 juill. 1987, Bull. civ. II, no 164, RTD civ. 1988. 351, obs. J. Mestre ; H. GROUTEL,Réflexions sur la subrogation anticipée, D. 1987. Chron. 283). En matière d'assurance, la jurisprudence a parfois confondul'action directe exercée par l'assureur de la victime sur le fondement de la subrogation et l'appel en garantie formé par cedernier contre le responsable, et a refusé cet appel en garantie au motif que l'assureur n'avait pas préalablement indemniséla victime. Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 21 janvier 1997 a mis fin à cette confusion (citépar H. GROUTEL, Distinction de l'action directe et de l'appel en garantie, RCA 1997. Chron. 7). La condition de paiement aencore été considérablement assouplie par la jurisprudence en ayant recours aux règles de procédure. En se fondant surl'article 126 du nouveau code de procédure civile, la Cour de cassation a en effet considéré que l'absence de subrogation aumoment de la délivrance de l'assignation constitue un défaut de qualité à agir et que cette fin de non-recevoir peut êtrecouverte si sa cause a disparu au moment où il statue, c'est-à-dire si l'assureur a réglé l'indemnité à cette date (V. not.,Civ. 3e, 29 mars 2000, no 98-19.505 , Bull. civ. III, no 67, RD imm. 2000. 364 , RCA 2000. Comm. 210, note Groutel ;Civ. 1re, 9 oct. 2001, no 98-18.378 , Bull. civ. I, no 245, RCA 2001. Comm. 240, note Groutel ; Civ. 3e, 9 juill. 2003, RCA 2003.Comm. 276 ; CHÉTIVAUX, La subrogation rétroactive, RCA 2003. Chron. 31). En revanche, l'action subrogatoire de l'assureurdemeure irrecevable pour ce qui concerne des paiements futurs correspondant à la part d'indemnité qui n'a pas encore étéversée à l'assuré (Civ. 2e, 13 sept. 2007, no 06-15.159 , RCA 2007. Comm. 371, note H. Groutel, qui, dans l'hypothèseconsidérée de l'assurance valeur à neuf, est favorable à un assouplissement de l'exigence d'un paiement).

1 5 . Si la subrogation nécessite en principe un paiement, peu importe en revanche la forme qu'emprunte celui-ci. Lasubrogation d'une banque dans les droits d'un créancier peut ainsi se fonder sur l'inscription du montant des créances aucrédit d'un compte courant, dès lors qu'il s'agit d'un véritable paiement et non de simples avances. Cette dernière qualificationavait été retenue par les juges du fond dans une espèce où une banque avait inscrit au crédit du compte courant d'unesociété le montant de créances contre ses clients, moyennant souscription, par la société, de billets à ordre au profit de labanque. Selon les juges, en souscrivant ces billets, la société s'était obligée à rembourser les sommes inscrites au crédit deson compte et l'opération ainsi réalisée constituait une opération de crédit ne pouvant servir de fondement à unesubrogation. La chambre commerciale de la Cour de cassation a censuré cette décision aux motifs qu'il résultait desconstatations de l'arrêt que la banque avait versé à la société les sommes dues par les débiteurs de celle-ci en même tempsque la société la subrogeait. La subrogation ainsi expressément consentie devait produire effet, peu important qu'ensouscrivant des billets à ordre, le subrogeant ait entendu garantir le subrogé contre les risques d'une telle opération (Com.6 nov. 1990, RTD civ. 1991. 530, obs. J. Mestre, RTD com. 1991. 78, obs. M. Cabrillac et B. Teyssié ). La banque avait bienpayé les créances dont la société était titulaire, et la souscription des billets à ordre constituait une simple extensionconventionnelle de la garantie due par le subrogeant (J. MESTRE, obs. préc.).

Art. 2 - Auteur du paiement

16. Il ne peut y avoir de subrogation lorsque le paiement est effectué par la personne tenue de la dette. La règle paraîtévidente puisque la subrogation est une substitution de créancier. Néanmoins, le débiteur lui-même peut parfois avoir intérêtà acquérir les droits du créancier qu'il paie. Ainsi, un débiteur dont l'immeuble supporte plusieurs hypothèques primerait lescréanciers subséquents s'il pouvait se prévaloir de l'hypothèque du créancier de premier rang qu'il a désintéressé.Cependant, une telle substitution ne correspond pas à la nature de la subrogation, instrument d'équité permettant de faireprofiter celui qui a acquitté la dette d'autrui des droits et actions du créancier (V. supra, nos 1 et s.). La subrogation ne peutdonc jouer au bénéfice du débiteur qui acquitte sa propre dette. En application de ce principe, il a été jugé qu'un importateurde véhicules automobiles ayant payé les droits de douane afférents à un lot de voitures ne peut se prétendre subrogé dansles droits de l'administration des Douanes contre le commissionnaire en douane qu'il avait chargé d'effectuer les opérationsde dédouanement. En effet, s'il résulte de l'article 396 du code des douanes que le commissionnaire est réputé seul débiteurdes droits à l'égard de l'Administration, l'importateur qui paie directement ces droits ne fait en définitive que payer pour sonpropre compte des droits sur une marchandise dont il est seul propriétaire (Com. 4 nov. 1968, D. 1969. 505, noteD. Alexandre). De la même manière, la subrogation réservée par l'article 1250 du code civil à la tierce personne qui a payé uncréancier au lieu et place du débiteur ne peut bénéficier à une société de travail temporaire qui paie aux salariés intérimairesles salaires qu'elle leur doit et dont la société utilisatrice n'est pas débitrice (Versailles, 21 sept. 1989, D. 1990. Somm. 74,obs. A. Honorat ; Soc. 11 oct. 1989, Bull. civ. V, no 730).

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1 7 . Interprétée strictement, cette condition est de nature à empêcher la subrogation dans des hypothèses où elle estparticulièrement utile. Au lendemain du code civil, la question s'est ainsi posée de savoir si l'assureur de dommages qui paye àson assuré l'indemnité prévue au contrat d'assurance peut invoquer la subrogation légale de l'article 1251, 3o du code civilpour agir en remboursement contre le responsable tenu à réparation envers la victime. L'obstacle réside alors dans le fait qu'ilexiste deux dettes différentes : la dette de dommages-intérêts du responsable, qui a sa source dans les principes de laresponsabilité, et la dette de l'assureur qui découle du contrat d'assurance, et qu'en payant l'indemnité, l'assureur a acquittéune dette dont il est seul tenu. Appliquant strictement l'article 1251, 3o qui admet la subrogation en cas de paiement de « ladette » dont le solvens était tenu « avec d'autres ou pour d'autres », la Cour de cassation jugea donc que l'assureur dedommages qui acquitte sa propre dette ne peut invoquer le bénéfice de la subrogation légale (Civ. 2 mars 1829, DP 1829. 1.163 ; 2 juill. 1878, DP 1878. 1. 345). La solution avait l'inconvénient de libérer le responsable au détriment de l'assureur etd'entraîner une augmentation considérable des primes. Elle a été condamnée par l'article 36, alinéa 1er, de la loi du 13 juillet1930 (devenu C. assur., art. L. 121-12) qui dispose que « l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'àconcurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommageayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur » (V. Assurances de dommages). La question continuait cependant de seposer pour les assurances non soumises à la loi de 1930 (assurances maritimes, assurances crédit…) et pour le recours ducoobligé in solidum ayant désintéressé le créancier. Afin de permettre la subrogation, la jurisprudence a sensiblement atténuéla portée du principe en vertu duquel celui qui ne fait qu'acquitter une dette personnelle ne peut bénéficier de la subrogation.

18. Dès la fin du XIXe siècle, la Cour de cassation a admis, dans le domaine de la responsabilité professionnelle, le recourssubrogatoire de débiteurs ayant acquitté une dette personnelle. Dans une première espèce, la chambre civile a jugé qu'unagent de change, condamné à rembourser à une épouse le prix de cession d'une rente dotale qu'il avait remis au mari sanss'assurer qu'il en ferait remploi, peut bénéficier de la subrogation dans les droits de l'épouse contre le mari. Bien que l'agentde change se soit acquitté d'une dette personnelle distincte de celle du mari, son paiement avait eu pour effet de libérer lemari envers sa femme (Civ. 3 déc. 1888, DP 1890. 1. 71). Dans une seconde affaire, la chambre des requêtes autorisa lenotaire négociateur d'un prêt, jugé partiellement responsable de l'insuffisance du gage constitué par l'emprunteur, à agir parvoie de subrogation contre ce dernier après avoir indemnisé l'emprunteur (Req. 13 févr. 1899, DP 1899. 1. 246).

1 9 . Cependant, ce sont deux décisions fondamentales datant de 1943 qui ont orienté la jurisprudence vers unecompréhension plus large des conditions de la subrogation. Par un arrêt du 14 décembre 1943, la chambre civile cassa unedécision qui avait refusé à un assureur crédit, ayant désintéressé le porteur de traites impayées, d'agir par voie desubrogation dans les droits de ce dernier contre le tiré. Pour la Cour de cassation, le motif tiré de l'acquittement d'une dettepersonnelle est en soi inopérant pour écarter la subrogation (Civ. 14 déc. 1943, S. 1945. 1. 41, note Houin, DC 1944. 81, noteA. Besson). Quelques jours plus tard, la même formation jugea que le fait que le coobligé in solidum solvens acquitte sonobligation personnelle au tout en indemnisant la victime n'est pas une raison suffisante de lui refuser la subrogation.L'essentiel est que, par ce paiement, le solvens libère ses coobligés envers le créancier commun pour une part qui leurincombe à titre définitif (Civ. 21 déc. 1943, DC 1944. 38, note P. L.-P., JCP 1945. II. 2779, note A. Besson ; la solution estdésormais constante en jurisprudence ; V. not., Civ. 1 re, 23 oct. 1984, Bull. civ. I, no 276 ; 6 juill. 1988, Bull. civ. I, no 231 ;7 févr. 1989, RTD civ. 1989. 543, obs. J. Mestre).

20. De nombreuses décisions ultérieures ont confirmé que le paiement, par le solvens, d'une dette personnelle n'est pas unobstacle à la subrogation (V. not., Civ. 1 re, 7 juin 1978, D. 1979. 333, note J. Mestre, à propos du recours de l'assureur d'unnotaire ayant indemnisé les créanciers d'un débiteur auquel le notaire avait remis des fonds en violation d'une opposition ;4 avr. 1984, Bull. civ. I, n o 131, RTD civ. 1985. 383, obs J. Mestre, pour des mandataires professionnels ayant indemnisé uncréancier de la perte de la sûreté garantissant sa créance ; Versailles, 29 sept. 1989, D. 1992. 67, note T. Garé , à proposde l'action récursoire contre leur fils de grands-parents ayant subvenu aux besoins de leur petit-fils).

21. La Cour de cassation utilise désormais une motivation qui permet de comprendre comment la condition d'un paiementeffectué par un tiers doit aujourd'hui être interprétée. La formule met en évidence le rôle fondamental que joue la libérationde celui qui doit supporter la charge définitive de la dette dans l'admission ou le rejet de la subrogation. Selon la Cour decassation, « le débiteur qui s'acquitte d'une dette personnelle peut néanmoins prétendre bénéficier de la subrogation s'il a,par son paiement, libéré envers le créancier commun celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette » (Com. 2 mai2001, no 98-17.790 , RJDA 2001. Comm. 904 ; V. égal., avec des formulations proches : Civ. 1 re, 27 mars 2001, Bull. civ. I,no 90, RTD civ. 2001. 592, obs. Mestre et Fages , RJDA 2001. Comm. 903 ; 24 oct. 2000, RTD civ. 2001. 592, obs. Mestre etFages ; 22 juill. 1987, Bull. civ. I, no 257, RTD civ. 1988. 350, obs. J. Mestre ; Com. 9 mai 1990, RTD civ. 1990. 662, obs.J. Mestre ). Peu importe donc que le solvens ait acquitté une dette personnelle dès lors qu'il ne doit pas en supporter seulla charge définitive totale. La subrogation est admise lorsque deux conditions sont remplies. Il faut que le paiement émaned'un autre que le débiteur définitif et que par le paiement, le solvens ait libéré ce débiteur envers le créancier (J. MESTRE, op.cit., nos 188 et s.).

22. Cet assouplissement des conditions de la subrogation a profité essentiellement à la subrogation légale du débiteur tenu« avec d'autres ou pour d'autres » de l'article 1251, 3o (V. infra, nos 77 et s.). La subrogation légale peut désormais êtreinvoquée par le débiteur qui était tenu avec d'autres, dès lors qu'il a payé le créancier commun au-delà de sa partcontributive, même si l'obligation lui était personnelle, comme c'est le cas des coauteurs d'un délit civil tenus chacun à l'entièreréparation du préjudice subi par la victime (V. supra, no 19). Peu importe que l'obligation de celui qui doit supporter la chargedéfinitive de la dette n'ait pas encore été constatée par une décision de justice (Com. 24 juin 2003, no 01-15.496 , RJDA2003. Comm. 1239). La subrogation peut aussi profiter à celui qui était tenu pour d'autres dès lors qu'il a acquitté une dettequi ne lui incombe pas définitivement. La jurisprudence admet même que la subrogation puisse jouer au profit du débiteurseul obligé à la dette envers le créancier, dès lors qu'il ne doit pas supporter le poids définitif de cette dette. C'est ce que laCour de cassation avait jugé à propos du recours, contre les importateurs, des commissionnaires en douane, seuls tenus de

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l'acquittement des droits envers l'Administration (Civ. 23 mars 1915, DP 1917. 1. 63), avant que le décret-loi du 30 octobre1935 consacre la solution. La jurisprudence a également admis le recours subrogatoire des expéditeurs de boissons et desfournisseurs de produits pétroliers, seuls obligés envers le Trésor public (Paris, 14 déc. 1923, Gaz. Pal. 1923. 2. 330, et 9 déc.1937, Gaz. Pal. 1938. 1. 360). Ces solutions furent également confirmées par le législateur (sur cette question, V. J. MESTRE,op. cit., nos 182 et s.). Il existe cependant sur ce point des hésitations. La chambre commerciale de la Cour de cassation a eneffet jugé que la caution qui a payé les dettes fiscales d'une société civile immobilière ne peut invoquer la subrogation légaledans les droits du Trésor public pour agir contre un contre-garant au motif que le contre-garant n'était pas obligé envers leTrésor (Com. 3 déc. 1985, Bull. civ. IV, n o 288, RTD civ. 1986. 755, obs. J. Mestre). L'assouplissement vaut aussi pour lasubrogation conventionnelle. L'assureur d'un professionnel qui avait causé un préjudice à un créancier en l'empêchant par safaute de tirer profit de la vente des biens de son débiteur peut donc être subrogé par le créancier dans ses droits contre ledébiteur, peu important qu'il ait acquitté une dette personnelle en indemnisant ce créancier (Civ. 1 re, 22 juill. 1987, préc. ;V. égal. : Civ. 1 re, 19 déc. 1989, Bull. civ. I, no 400). Il en va de même lorsque l'assureur de responsabilité d'un notaireindemnise le prêteur du dommage causé, à la suite du non-remboursement de prêt, par la faute du notaire qui avait débloquéles fonds avant de recevoir l'état hypothécaire des biens donnés en garantie. L'emprunteur ne saurait tenir en échec l'actionsubrogatoire de l'assureur, fondée sur un accord entre ce dernier et le prêteur, en soutenant que l'assureur avait payé lacréance indemnitaire du prêteur contre le notaire et qu'il ne pouvait donc être subrogé que dans les droits du prêteur (Civ.1re, 24 oct. 2000, no 98-22.888 , RJDA 2001. Comm. 499 ; V. égal. : Civ. 1 re, 21 févr. 2006, D. 2006. 1873, note Gallmeister

; 17 juin 2003, no 01-01.018 , RGDA 2003. 710, note L. Mayaux).

2 3 . Finalement, la question essentielle qui demeure est de savoir si le solvens n'a pas acquitté une dette dont il doitfinalement supporter la charge définitive. Doit donc être cassé l'arrêt qui rejette l'action subrogatoire intentée, par l'exploitantd'une usine qui a indemnisé son propriétaire à la suite d'un incendie, contre l'assureur du propriétaire, au motif qu'une clausedu contrat d'exploitation prévoyait que l'exploitant devait faire seul son affaire du maintien en bon état des bâtiments, sansrechercher si, en considération de la clause de renonciation à tout recours contre les occupants et les utilisateurs, l'assureurn'était pas tenu de la charge définitive de la dette (Civ. 1re, 27 mars 2001, préc.).

Art. 3 - Caractère direct du paiement

24. La seconde condition générale de la subrogation relative au paiement a été forgée par la jurisprudence. Contrairement àla tendance générale qui consiste à faciliter le jeu de la subrogation, cette exigence en restreint à première vue l'applicationen imposant un paiement effectué directement par le subrogé. Les critiques dirigées contre ce principe, dont il faut préciser lefondement et le domaine, ont d'ailleurs conduit la jurisprudence à l'atténuer.

§ 1 - Fondement et domaine de l'exigence d'un paiement direct

25. Depuis un arrêt de la chambre des requêtes du 19 avril 1831, la Cour de cassation exige que le paiement ait été effectuédirectement par le tiers subrogé. Un créancier ne peut donc pas subroger valablement un prêteur de deniers lorsque laquittance mentionne que le paiement a été fait par le débiteur lui-même, avec les deniers empruntés (Req. 19 avr. 1831, Jur.gén., Vo Obligations, no 1878). De la même façon, la subrogation ne peut avoir lieu au profit de la personne qui a prêté lesdeniers à un tiers qui a désintéressé le créancier sans avoir reçu mandat de payer du prêteur (Civ. 13 juin 1914, DP 1916. 1.41, note M. Planiol). En revanche, lorsque le paiement est effectué directement par le subrogé, peu importe qu'il paye la dettedu débiteur au moyen de deniers propres ou de deniers empruntés. Il résulte en effet de l'article 1250, 1o que la subrogationconsentie par le créancier à un tiers qui lui remet les fonds est valable sans qu'il y ait lieu de rechercher l'origine des deniers.La subrogation d'un tiers dans les droits d'un vendeur d'immeubles ne peut donc être refusée au motif que la quittance neconstate pas que le paiement a été fait des deniers personnels du subrogé (Civ. 26 avr. 1899, DP 1899. 1. 377).

26. Le fondement de cette exigence d'un paiement effectué par le subrogé lui-même a été précisé par la chambre civile dansun arrêt du 13 juin 1914 (Civ. 13 juin 1914, préc.). Selon la Cour de cassation, la condition découle de l'article 1250, 1o ducode civil qui prévoit le cas d'un « créancier recevant son payement d'une tierce personne [qu'il] subroge dans ses droits,actions, privilèges ou hypothèques ». Prise à la lettre, la formule suppose que le paiement soit effectué par celui-là même quele créancier subroge. Cette interprétation littérale de l'article 1250, 1o n'est cependant conforme ni à la tradition historique(J. MESTRE, op. cit., no 58), ni à la volonté des rédacteurs du code civil qui ont seulement envisagé l'hypothèse la plus simple,celle dans laquelle la personne qui fournit l'argent paye elle-même le créancier (M. PLANIOL, note crit. sous Civ. 13 juin 1914,préc.). La jurisprudence ajoute donc à l'article 1250, 1o une condition qu'il ne contient pas. Elle ignore que l'essentiel est lafourniture de l'argent, non l'accomplissement matériel du paiement. La doctrine critique donc généralement cette exigencecomme étant d'un formalisme excessif.

27. Malgré ces critiques, la jurisprudence maintient cette exigence. Elle l'a même étendue à la subrogation légale de l'article1251, 1o du code civil. Par une interprétation littérale du texte qui accorde la subrogation de plein droit à « celui qui étant lui-même créancier, paye un autre créancier qui lui est préférable à raison de ses privilèges ou hypothèques », la Cour decassation exige que le créancier de rang inférieur ait effectué le paiement lui-même. En application de ce principe, elle a jadisjugé que la banque qui a avancé des sommes d'argent au liquidateur d'une société en faillite pour qu'elles soient affectées àla paye des ouvriers ne peut être subrogée dans les privilèges des salariés (Civ. 27 févr. 1939, DP 1940. 1. 24, noteL. Maguet, RTD civ. 1939. 771, obs. H. et L. Mazeaud). Cette solution a été condamnée par l'article 51, alinéa 4, de la loi no 67-563 du 13 juillet 1967 (D. 1967. 269) qui disposait qu'en cas de procédure collective, lorsque les créances résultant descontrats de travail sont payées au moyen d'une avance, le prêteur est de ce fait subrogé dans les droits des intéressés. Lasubrogation est aujourd'hui prévue expressément au profit de l'organisme chargé de garantir le paiement des salaires(V. infra, no 123).

28. Finalement, seule la subrogation conventionnelle ex parte debitoris échappe, par hypothèse, à l'exigence d'un paiementpar le subrogé lui-même. En effet, dans ce type de subrogation, c'est le débiteur qui paye sa dette au créancier à l'aide de

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fonds qui lui ont été avancés par un tiers, et qui subroge ce dernier dans les droits du créancier (V. infra, nos 54 et s.). Dansle domaine de la subrogation conventionnelle, on peut donc reconnaître au moins à la condition d'un paiement direct par lesubrogé le mérite de tracer une nette séparation entre la subrogation par le créancier et la subrogation par le débiteur. Lasubrogation par le créancier de l'article 1250, 1o ne peut s'appliquer que lorsque le subrogé paie directement le créancier.Lorsqu'il remet les fonds au débiteur, seul ce dernier peut le subroger en application de l'article 1250, 2 o (en ce sens :MAZEAUD et CHABAS, op. cit., t. 2, 1er vol., no 845 ; L. LORVELLEC et F. JACOB, J.-Cl. Civ., art. 1249 à 1252, fasc. 20, n o 35).L'exigence d'un paiement direct permet aussi de ne pas ignorer le contrat de prêt intervenu entre le solvens et le prêteur dedeniers (SÉRIAUX, op. cit., p. 555). L'avant-projet de réforme du droit des obligations condamne l'exigence d'un paiementdirect, ce qui le conduit à construire un système finalement assez peu clair distinguant trois types de subrogation : lessubrogations à l'initiative du créancier (art. 1260), à l'initiative du débiteur (art. 1261, al. 1er) et par le débiteur (art. 1261,al. 2 ; V. FLOUR, AUBERT et SAVAUX, op. cit., no 369).

§ 2 - Atténuations à l'exigence d'un paiement direct

2 9 . Les critiques doctrinales dirigées contre la condition d'un paiement direct par le subrogé ont néanmoins conduit lajurisprudence à en réduire considérablement la portée. Elle y est parvenue par une application large de la notion de mandatde payer donné par le subrogé au solvens. L'arrêt de principe du 13 juin 1914 (préc. supra, no 25) avait en effet pris soind'indiquer que la subrogation doit être refusée au tiers qui prête les fonds à la personne qui paie le créancier « sans mandatde son prêteur ». La subrogation peut donc jouer au profit de celui qui remet les fonds au solvens dès lors que ce dernier paiele créancier en qualité de mandataire du prêteur. Ainsi, un banquier ayant remis à un employeur les fonds nécessaires aupaiement des ouvriers peut être subrogé conventionnellement dans les droits de ces derniers, bien que les salariés aient étépayés par l'employeur lui-même grâce aux fonds prêtés, dès lors qu'en agissant ainsi, l'employeur ne se comportait quecomme mandataire de la banque (Req. 3 févr. 1936, S. 1936. 1. 128, RTD civ. 1936. 692, obs. R. Demogue). Le fait que lemandataire du subrogé puisse être le débiteur lui-même et que la qualité de mandataire puisse être établie par diversescirconstances de fait souverainement relevées par les juges du fond atténue considérablement l'exigence d'un paiementdirect par le subrogé (J. MESTRE, op. cit., no 60).

3 0 . Si, malgré cet assouplissement de la condition, l'exigence d'un paiement direct par le subrogé demeure, il n'est enrevanche pas nécessaire que le paiement soit effectué directement entre les mains du créancier subrogeant. C'est ce quiressort très nettement d'un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 27 novembre 1985, selon lequel ilsuffit que les sommes versées par l'assureur d'un maître de l'ouvrage aux entrepreneurs chargés d'effectuer des travaux deréparation d'un immeuble aient été payées pour le compte du maître de l'ouvrage créancier, pour que ce dernier puissevalablement subroger l'assureur dans ses droits contre le bureau chargé de l'étude du sol (Civ. 1 re, 27 nov. 1985, Bull. civ. I,no 326, RTD civ. 1986. 752, obs. J. Mestre). L'arrêt étend à la subrogation conventionnelle une solution valant depuis le débutdu XIXe siècle pour la subrogation légale de l'article 1251, 2o. La Cour de cassation a en effet jugé que la clause faisantobligation à l'acquéreur de verser le prix d'acquisition, non au vendeur, mais aux créanciers inscrits sur l'immeuble, ne fait pasobstacle à la subrogation de l'acquéreur dans les droits de ces derniers. On ne saurait objecter à cette subrogation que lepaiement des créanciers a lieu en vertu d'une obligation directe et personnelle contractée par l'acquéreur envers eux (Civ.18 janv. 1833, DP 1833. 1. 142 ; V. égal. : Civ. 24 févr. 1846, DP 1846. 1. 181 ; 28 déc. 1853, DP 1854. 1. 10).

Section 2 - Subrogation conventionnelle

31. Selon l'article 1250 du code civil, « [la] subrogation est conventionnelle : 1o lorsque le créancier recevant son payementd'une tierce personne la subroge dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur… ; 2 o lorsque ledébiteur emprunte une somme à l'effet de payer sa dette, et de subroger le prêteur dans les droits du créancier… ». Le textedistingue donc deux formes de subrogation conventionnelle en fonction de la personne qui l'accorde au solvens : lasubrogation consentie par le créancier ou subrogation ex parte creditoris, d'une part, la subrogation consentie par le débiteurou subrogation ex parte debitoris, d'autre part. Lorsque la subrogation dans le bénéfice d'une clause de réserve de propriétéest consentie au prêteur, non par l'acheteur à crédit, mais par le vendeur, seules les dispositions de l'article 1250, 1 o sontdonc applicables (Com. 8 janv. 2002, no 98-10.691 , RJDA 2002. Comm. 549). Les deux formes de subrogationconventionnelle prévues par l'article 1250 ne s'opposent pas par leurs effets, qui sont les mêmes (V. infra, no 129), mais parleurs conditions.

Art. 1 - Subrogation consentie par le créancier ou subrogation ex parte creditoris

32. La subrogation ex parte creditoris constitue la forme normale de la subrogation. C'est ce mécanisme qui est utilisé par lescréanciers qui souhaitent obtenir un paiement avant l'échéance et sur lequel repose l'affacturage (V. supra, no 5). En principe,seul le créancier peut disposer de ses droits et accepter d'être remplacé par un tiers qui le désintéresse. La subrogation exparte creditoris suppose donc avant tout un accord entre le créancier et le solvens qui sont les seules parties à cette forme desubrogation. L'article 1250, 1o précise en outre qu'« [elle] doit être expresse et faite en même temps que le payement ». Lecaractère exprès de la subrogation et la concomitance au paiement sont des conditions de fond. Quant à la preuve de lasubrogation dont les textes ne disent rien, elle demeure soumise au droit commun de la preuve des actes juridiques.

§ 1 - Parties à la subrogation « ex parte creditoris »

3 3 . La subrogation ex parte creditoris repose sur un accord entre le créancier qui reçoit paiement et le solvens. Leconsentement du créancier doit être exprès (V. infra, no 36). Il résulte en principe de sa participation à l'acte qui contient lasubrogation. Exceptionnellement, il peut découler d'un autre acte dès lors qu'il existe entre eux un lien d'indivisibilité. Telle estla signification d'un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 2 février 1993, rendu dans une espèce où lasubrogation dans les droits d'un constructeur automobile contre un concessionnaire figurait dans le contrat de financementconclu entre le concessionnaire et un établissement de crédit, filiale du constructeur. Le constructeur déniait à sa filiale lasubrogation dans la clause de réserve de propriété sur les véhicules vendus, au motif qu'il ne l'avait pas expressément

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subrogée au moment où il recevait paiement. Le pourvoi contre la décision qui avait admis la subrogation est rejeté au motifque si la subrogation a été prévue dans le contrat conclu par la filiale conformément à la volonté du créancier, ce contratformait dans la commune intention de toutes les parties un ensemble indivisible avec le contrat de concession conclu par leconstructeur (Com. 2 févr. 1993, no 91-11.569 , Bull. civ. IV, n o 38, JCP 1993. I. 3684, obs. M. Billiau ; rappr. : Com. 11 juill.1988, Bull. civ. IV, no 237).

34. Par application du droit commun, la subrogation peut également être consentie par tout mandataire conventionnel oulégal autorisé à recevoir le paiement pour le créancier. Le pouvoir de subroger le solvens dans les droits du créancier estcependant discuté pour les mandataires conventionnels qui n'ont pas reçu expressément mandat de subroger le solvens.D'anciens arrêts de cours d'appel ont admis jadis que le mandat de recouvrer une créance confié à un huissier lui confèreimplicitement le pouvoir de subroger un tiers dans les droits du créancier (Colmar, 21 déc. 1832, S. 1833. 2. 251 ; Nancy, 3 mai1856, DP 1856. 2. 261). Mais la Cour de cassation a également rejeté le pourvoi formé contre un arrêt qui a jugé que lemandat de recevoir paiement ne comportait pas le pouvoir de subroger dans les droits du créancier les tiers qui voudraientpayer la dette (Req. 2 août 1848, DP 1848. 1. 206). Finalement, tout paraît donc dépendre de l'interprétation de la volontédes parties. Par ailleurs, en admettant que le mandat ne comporte pas de pouvoir de subroger le tiers dans les droits ducréancier, la subrogation est quand même valable dès lors qu'elle est ratifiée par le créancier. Cette ratification peut résulterde la réception des fonds versés entre les mains du mandataire (Civ. 7 avr. 1858, DP 1858. 1. 155).

35. Si le consentement du créancier est indispensable, celui du débiteur n'est en revanche aucunement requis. La Cour decassation a jugé qu'il est de principe qui ni le consentement du débiteur, ni même son concours à l'acte de subrogation nesont nécessaires à la validité de cet acte (Civ. 1 re, 23 oct. 1984, Bull. civ. I, no 276). Aucune formalité particulière n'est mêmenécessaire à l'opposabilité de la subrogation conventionnelle au débiteur. Le transfert des droits et actions au solvens lui estopposable à la date du paiement subrogatoire (Com. 3 avr. 1990, D. 1991. 180, note Y. Dagorne-Labbe ; sur l'opposabilitéde la subrogation, V. infra, nos 180 et s.).

§ 2 - Caractère exprès de la subrogation

36. L'exigence d'une subrogation expresse formulée par l'article 1250, 1o du code civil est une dérogation à la règle selonlaquelle les manifestations de volonté tacite ont la même valeur que les manifestations de volonté expresse. Elle se justifiepar le fait que le paiement avec subrogation laisse exceptionnellement subsister la dette. Il convient donc d'être assuré del'existence et de la nature de cette opération et d'en informer les tiers (GHESTIN, BILLIAU et LOISEAU, op. cit., no 359 ; MARTY,RAYNAUD et JESTAZ, t. 2, n o 388 ; TERRÉ, SIMLER et LEQUETTE, op. cit., no 1367), l'intérêt commun du débiteur et de sescréanciers étant que la dette s'éteigne (FRANÇOIS, op. cit., no 452). L'article 1250, 1o a donc pour effet d'exclure lasubrogation tacite, comme celle que l'on prétendrait déduire du simple fait que le prêteur ne soit plus créancier del'emprunteur, lequel se reconnaît par ailleurs débiteur d'un tiers ayant remboursé l'emprunt (Civ. 1 re, 18 oct. 2005, no 04-12.513 , RTD civ. 2006. 317, obs. Mestre et Fages , Defrénois 2006, art. 38365, no 29, obs. Libchaber).

Lire la mise à jour36, 39 s., 49 s. Recours de l'assureur subrogé. - La subrogation conventionnelle de l'assureur dans les droits de l'assurérésulte de la volonté expresse de ce dernier, manifestée concomitamment ou antérieurement au paiement reçu de l'assureur,qui n'a pas à établir que ce règlement a été fait en exécution de son obligation contractuelle de garantie. Viole enconséquence l'article 1250, 1o, du code civil la cour d'appel qui, après avoir constaté que l'assureur se prévaut de la copie dela lettre-chèque, de la dispache et de la police d'assurance en vertu de laquelle il indique avoir procédé à l'indemnisation del'assuré ainsi que de l'acte de subrogation daté du même jour que le chèque, retient que l'assureur doit toutefois démontrerqu'il était tenu contractuellement de régler l'indemnité invoquée en exécution de la police (Com. 16 juin 2009, no 07-16.840 ).37. L'article 1250, 1o ne fait pas pour autant de la subrogation conventionnelle un contrat solennel. Il n'exige pas d'écrit pourla validité de l'opération. La subrogation peut être verbale, dès lors que l'intention des parties est certaine. Cependant, lesdifficultés de preuve conduisent généralement à constater la subrogation par un écrit (authentique ou sous seing privé) : laquittance subrogative ou quittance subrogatoire (V. infra, no 49). L'article 1250, 1o n'impose pas plus l'emploi de termessacramentels. L'utilisation du mot « subrogation » ou du verbe « subroger » n'est pas indispensable dès lors que l'expressionretenue permet d'exprimer clairement la volonté des parties (Paris, 23 janv. 1970, JCP 1971. II. 16837, note C. Gavalda).L'emploi de ces termes est néanmoins vivement conseillé puisqu'il n'en existe guère d'équivalent. En revanche, il convientd'exclure soigneusement toute formule ambiguë qui laisse planer un doute sur la nature de l'opération. Les clauses parlesquelles le créancier « cède, subroge et délègue » le solvens dans ses droits, parfois retenues par la pratique qui penseainsi accorder au solvens le maximum de garantie, sont particulièrement à exclure puisqu'elles se réfèrent à des opérations denature très différente.

38 . En cas de doute sur la nature de l'opération, c'est aux juges du fond qu'il appartient d'apprécier souverainement lavolonté des parties (Soc. 4 oct. 1962, Bull. civ. IV, n o 689 ; Com. 14 oct. 1975, JCP 1976. II. 18279, note C. Gavalda). Ainsi, lamention selon laquelle seul un paiement entre les mains d'une société, qui se prétendait subrogée en vertu d'un contratd'affacturage, sera considéré comme libératoire a été jugée insuffisante pour exprimer la volonté du créancier de subroger lesolvens dans ses droits (Paris, 23 janv. 1970, préc.). Lorsque la volonté des parties est certaine, il importe peu que le détailde l'opération ne soit pas décrit. Notamment, le créancier n'a pas besoin de préciser qu'il subroge le tiers « dans ses droits,actions, privilèges ou hypothèques », selon la formule de l'article 1250 (Civ. 25 févr. 1913, DP 1913. 1. 473). Mais laqualification donnée par les parties à l'opération ne lie pas le juge qui peut toujours la requalifier pour lui restituer sa véritablenature. La Cour de cassation avait ainsi jugé, avant que la loi ne consacre expressément la subrogation de l'assureur, que laclause par laquelle l'assuré « subroge » à l'avance l'assureur dans les droits et actions qu'il pourrait avoir contre les tiersconstitue une cession de créance éventuelle (ou une promesse de subrogation ; V. Civ. 13 avr. 1848, S. 1848. 1. 161).

§ 3 - Concomitance de la subrogation et du paiement

39. La condition de concomitance de la subrogation et du paiement ressort clairement de l'article 1250, 1o qui exige que la

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subrogation soit « faite en même temps que le paiement ». Les deux actes doivent donc coïncider, et il ne saurait y avoir desubrogation valable ni avant, ni après le paiement. Les juges du fond ne peuvent donc admettre la subrogation sans préciserà quelle date le paiement a eu lieu (Com. 14 mars 1965, Gaz. Pal. 1966. 1. 278). La Cour de cassation avait même jugéqu'une quittance subrogative doit être déclarée nulle dès lors que ses termes ne permettent pas de savoir si la subrogation aeu lieu en même temps que le paiement (Req. 13 août 1855, DP 1856. 1. 165). Mais elle a admis ultérieurement que lorsque lasimultanéité du paiement et de la subrogation ne ressort pas clairement des termes de l'acte, il appartient à celui qui invoquela subrogation de faire la preuve de cette simultanéité (Civ. 22 déc. 1902, DP 1904. 1. 280). La jurisprudence est constantesur le fait que la charge de la preuve de la concomitance pèse que celui qui se prétend subrogé, et que son appréciationrelève du pouvoir souverain des juges du fond (V. par ex. : Civ. 1 re, 12 juill. 2006, no 04-16.916 , Bull. civ. I, no 402, RJDA2007. Comm. 65 ; Civ. 2e, 10 nov. 2005, no 04-10.103 , RCA 2005. Comm. 368, note H. Groutel ; Civ. 1re, 23 mars 1999, Bull.civ. I, no 105, RTD civ. 2000. 330, obs. Mestre et Fages , Defrénois 1999, art. 37079, no 98, obs. Aubert, RCA 1999. Comm.199, obs. Groutel). Elle juge aussi régulièrement que la quittance subrogative ne fait pas preuve par elle-même de laconcomitance de la subrogation et du paiement, laquelle doit être, aux termes de l'article 1250, 1o du code civil, spécialementétablie (Civ. 2e, 10 nov. 2005, et Civ. 1re, 23 mars 1999, préc.).

Lire la mise à jour36, 39 s., 49 s. Recours de l'assureur subrogé. - La subrogation conventionnelle de l'assureur dans les droits de l'assurérésulte de la volonté expresse de ce dernier, manifestée concomitamment ou antérieurement au paiement reçu de l'assureur,qui n'a pas à établir que ce règlement a été fait en exécution de son obligation contractuelle de garantie. Viole enconséquence l'article 1250, 1o, du code civil la cour d'appel qui, après avoir constaté que l'assureur se prévaut de la copie dela lettre-chèque, de la dispache et de la police d'assurance en vertu de laquelle il indique avoir procédé à l'indemnisation del'assuré ainsi que de l'acte de subrogation daté du même jour que le chèque, retient que l'assureur doit toutefois démontrerqu'il était tenu contractuellement de régler l'indemnité invoquée en exécution de la police (Com. 16 juin 2009, no 07-16.840 ).40. Le fondement de l'interdiction des subrogations a posteriori est évident. Si le créancier ne manifeste pas son intention desubroger le solvens au moment du paiement, celui-ci éteint la créance et les accessoires qui la garantissent. Ils ne peuventdonc plus être transmis après-coup à un tiers. La raison de l'exclusion de la subrogation anticipée est en revanche moinsnette. L'idée classique selon laquelle il ne saurait être question de subrogation dans des droits qui n'existent pas encore(MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, t. 2, n o 389) ne paraît guère convaincante. Le créancier dispose déjà de droits contre le débiteurqu'il pourrait transmettre à un tiers. L'interdiction des subrogations anticipées s'explique donc plutôt par l'idée que lasubrogation repose nécessairement sur un paiement (V. supra, no 12) et qu'elle ne peut donc se produire antérieurement àcelui-ci. Quoi qu'il en soit, tout en veillant formellement au respect de la condition de concomitance, la jurisprudence a, enpratique, considérablement assoupli l'interdiction des subrogations anticipées et celle des subrogations a posteriori.

A. - Interdiction des subrogations anticipées

41. Puisque le paiement est une condition de la subrogation, en principe celle-ci ne peut pas avoir lieu avant qu'il ait étéeffectué. La règle a été appliquée à de nombreuses reprises par la jurisprudence. Dès la fin du XIXe siècle, la Cour decassation a déduit de ce principe que les clauses par lesquelles les compagnies d'assurances se font par avance « subroger »dans les droits et actions éventuels de l'assuré contre les tiers sont des cessions de droits éventuels et non de véritablessubrogations (J. MESTRE, op. cit., no 55). Elle juge encore aujourd'hui que l'assureur qui n'a pas versé l'indemnité d'assurancene peut se prévaloir d'une subrogation dans les droits de son assuré (Civ. 1 re, 24 mars 1992, préc. supra, no 14 ; sur ladistinction du recours subrogatoire et de l'appel en garantie, V. supra, no 14). La jurisprudence a également déduit de larègle qu'un banquier ne peut se prévaloir valablement d'une quittance subrogative précisant que le vendeur d'un véhiculeautomobile reconnaît avoir reçu d'une banque « à l'instant même » une lettre-chèque représentant le montant du solde duprix de vente, alors que le chèque n'a été émis en réalité que plusieurs jours plus tard. Une telle quittance « ne répondmanifestement pas aux conditions édictées par l'article 1250, 1o du code civil » (Dijon, 12 mars 1987, JCP 1988. II. 20859,note Y. Chaput).

42 . Si une manifestation de volonté antérieure au paiement ne peut fonder une véritable subrogation, rien n'interdit enrevanche d'y voir une simple promesse de subrogation valable. Ainsi, la clause d'un document antérieur au règlement del'indemnité à l'assuré, par laquelle ce dernier déclare « subroger » l'assureur dans tous ses droits et recours, peut valoircomme promesse de subrogation. Cependant, puisque la subrogation conventionnelle exige un paiement, encore faut-il que lecréancier réitère sa volonté ou que les parties se réfèrent à la promesse antérieure au moment du versement des fonds(Paris, 13 déc. 1965, JCP 1966. II. 14784, note R. Rodière).

43 . C'est cette notion de promesse de subrogation qui a été utilisée par la jurisprudence pour assouplir la condition deconcomitance de la subrogation et du paiement dans le domaine de l'affacturage. Elle a admis que la subrogation peutvalablement résulter de l'inscription du montant des factures au crédit du compte courant unissant l'affactureur à l'adhérent,la volonté de l'adhérent ayant été manifestée antérieurement dans une quittance subrogative remise en même temps que lesfactures présentées à l'approbation de l'affactureur. La quittance subrogative remise antérieurement au paiement vautcomme « promesse anticipée de subrogation régulière », et il est « nécessaire mais suffisant pour la validité de la subrogationque celle-ci se réalise… en même temps que le paiement » (Paris, 23 janv. 1970, préc. supra, no 37). La cour d'appel, qui arelevé qu'il ressort des actes passés entre les parties, d'après lesquels la subrogation convenue se produirait « dès l'instantque le paiement aura été effectué par [l'affactureur] », que le créancier avait manifesté expressément sa volonté de subrogerl'affactureur dans ses créances à l'instant même du paiement, en a déduit à bon droit que la condition de concomitanceimposée par l'article 1250, 1o du code civil est ainsi remplie (Com. 6 nov. 1990, RTD civ. 1991. 530, obs. J. Mestre ).

44. La possibilité d'un consentement du créancier antérieur au paiement a ensuite été généralisée par la Cour de cassation.Dans un attendu de principe la chambre commerciale a jugé que « la condition de concomitance de la subrogation aupaiement, exigée par l'article 1250, 1o du code civil, peut être remplie lorsque le subrogeant a manifesté expressément, fût-cedans un document antérieur, sa volonté de subroger son cocontractant dans ses créances à l'instant même du paiement »(Com. 29 janv. 1991, RTD civ. 1991. 531, obs. J. Mestre ). En l'espèce, la subrogation conventionnelle a donc pu bénéficier à

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(Com. 29 janv. 1991, RTD civ. 1991. 531, obs. J. Mestre ). En l'espèce, la subrogation conventionnelle a donc pu bénéficier àune société ayant indemnisé une autre société d'un dommage causé par un tiers dès lors que la seconde société avait écritdans une lettre adressée à la première que le paiement emporterait subrogation dans ses droits (V. égal. : Civ. 1 re, 28 mai2002, no 99-17.733 , Bull. civ. I, no 154, RJDA 2002. Comm. 1182 ; Com. 8 janv. 2002, no 98-10.691 , RJDA 2002. Comm.549, qui admettent la subrogation du prêteur en vertu d'une stipulation de la clause de réserve de propriété convenue auprofit du vendeur à crédit d'un engin agricole, subrogation devant devenir effective « à l'instant même du paiement » ; Com.3 mars 1992, no 90-17.249 , CCC 1992. 135, obs. L. Leveneur, qui admet la subrogation sur le fondement d'un acte desubrogation résultant d'une transaction antérieure aux règlements effectués par l'assureur ; 2 févr. 1993, préc. supra, no 33,qui reconnaît la validité d'une subrogation consentie « à l'avance » dans un contrat de financement entre un concessionnaireautomobile et un établissement de crédit chargé de régler le prix des véhicules livrés par le constructeur).

45. Dans son dernier état, la jurisprudence a donc considérablement atténué la condition de concomitance de la subrogationet du paiement. Certes, la subrogation ne peut toujours pas se produire avant que le paiement ait eu lieu. Ce dernier reste lacondition sine qua non de la subrogation et il détermine le moment où elle se produit. En revanche, rien n'empêche que leconsentement du créancier à la subrogation soit donné avant le paiement. Le principe formulé désormais en termes trèsgénéraux « permet donc concrètement de consentir en quelque sorte des subrogations par anticipation » (J. MESTRE, obs.préc.).

B. - Interdiction des subrogations a posteriori

4 6 . L'interdiction des subrogations a posteriori est tout à fait classique. Ainsi, une cour d'appel ne peut admettre lasubrogation d'un assureur dans les droits de son assuré contre un transporteur sans préciser la date à laquelle l'assureur apayé l'indemnité à l'assuré et en relevant dans le même temps que la quittance subrogative a été établie postérieurement àla prescription de l'action pour avaries (Com. 14 déc. 1965, Bull. civ. III, no 647, Gaz. Pal. 1966. 1. 278, RTD civ. 1966. 795,obs. J. Chevallier). De la même manière, la subrogation ne peut être admise lorsque, dans un premier temps, le créancier s'estborné à délivrer quittance, la volonté de subroger le solvens n'apparaissant que dans un acte établi plusieurs années après(Civ. 1re, 12 juill. 2006, préc. supra, no 39). Mais sur ce point aussi la condition de concomitance de la subrogation et dupaiement a été considérablement assouplie par la jurisprudence grâce à deux moyens (J. MESTRE, op. cit., no 55).

47. Le premier procédé consiste à considérer que les versements effectués antérieurement à la subrogation ne constituentpas un véritable paiement libérant le débiteur et éteignant la dette. Depuis la fin du XIXe siècle, la Cour de cassation jugeainsi que le fait que le paiement ait été antérieur à la quittance subrogative n'empêche pas la subrogation d'être valable dèslors que le versement n'a constitué qu'un paiement provisoire, effectué sous réserve de délivrance de cette quittance (Req.6 nov. 1854, DP 1854. 1. 428 ; 14 déc. 1858, DP 1859. 1. 150 ; 20 nov. 1865, DP 1866. 1. 161). Elle admet aussi que lasubrogation est valable lorsque les versements antérieurs n'ont été effectués qu'à titre de dépôt (Angers, 7 juill. 1897, DP1900. 2. 472). Dans le même esprit, la jurisprudence a admis que lorsque des paiements partiels ont été effectuésantérieurement à la quittance subrogative délivrée lors du paiement du solde, la condition de concomitance peut êtreconsidérée comme remplie pour l'intégralité de la dette dès lors qu'il résulte des circonstances que « l'intention manifeste dusubrogeant et du subrogé était que les paiements partiels […] ne devaient avoir leur effet définitif et libératoire que du jouroù ils seraient régulièrement constatés par une quittance définitive » (Dijon, 30 juill. 1897, sous Civ. 10 janv. 1900, DP 1901.1. 89, note L. Sarrut, S. 1901. 1. 34, note A. Wahl). La subrogation conventionnelle d'un assureur dans les droits du maître del'ouvrage contre les responsables d'un dommage au gros oeuvre peut donc être admise pour le tout, bien qu'elle ne soitintervenue que lors du règlement du solde, dès lors que les divers règlements faits par l'assureur l'avaient été, non au titrede créances distinctes, mais à celui d'une créance globale ne pouvant être estimée et déterminée qu'à l'achèvement destravaux (Civ. 1re, 27 nov. 1985, Bull. civ. I, no 326, RTD civ. 1986. 753, obs. J. Mestre).

48. Le second moyen, adopté par la jurisprudence pour atténuer l'exigence de concomitance, a consisté à utiliser les règlesde preuve. Considérant que le caractère exprès exigé par l'article 1250, 1o ne transforme pas la subrogation ex parte creditorisen contrat solennel (V. supra, no 37) et qu'elle reste un contrat consensuel soumis au droit commun de la preuve (V. infra, no 49), la jurisprudence a admis que la subrogation est valable dès lors qu'il est établi que les parties avaient donné leurconsentement au moment du paiement. Peu importe que cette intention n'ait été formulée qu'ultérieurement parl'établissement d'une quittance subrogative postérieure au paiement (Pau, 7 déc. 1891, DP 1893. 2. 91 ; Grenoble, 19 mai1914, DP 1917. 2. 28).

§ 4 - Preuve de la subrogation

49. L'exigence d'une subrogation expresse formulée par l'article 1250, 1o impose seulement une manifestation de volontéclaire du créancier. Elle n'a pas pour effet de soustraire la subrogation ex parte creditoris aux règles générales de la preuvedes actes juridiques. Par application du droit commun, la preuve de la subrogation est donc libre en dessous de 1 500 €(C. civ., art. 1341 ; Décr. n o 80-533 du 15 juill. 1980, mod. par Décr. n o 2001-476 du 30 mai 2001 et par Décr. 2004-836 du20 août 2004) et en matière commerciale (C. com., art. L. 110-3, anc. art. 109). Lorsque les parties doivent ou lorsqu'ellessouhaitent recourir à un écrit pour la preuve de la subrogation, elles peuvent utiliser indifféremment la forme authentique ousous seing privé (Req. 16 mai 1855, DP 1855. 1. 245 ; 20 janv. 1857, DP 1857. 1. 309). En général, l'écrit considéré prend laforme d'une quittance subrogative rédigée en termes simples : « Reçu de X… [solvens subrogé] la somme de… F en acquit dela dette de Y… [débiteur] moyennant la subrogation dans tous mes droits et actions contre Y… en faveur de X… [daté et signédu créancier] ». En matière d'affacturage, il s'agit généralement d'une mention figurant sur l'imprimé remis par l'adhérent enmême temps que les factures présentées à l'affactureur (pour un ex., V. Paris, 23 janv. 1970, préc. supra, no 37 : « Nousentendons expressément que la présente demande de règlement, dûment signée par nos soins, constitue à elle seule àl'instant de votre paiement, valable et suffisante quittance vous subrogeant dans tous nos droits attachés aux créancesindividuellement énumérées sur le bordereau et pour un montant égal au total des créances approuvées »).

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36, 39 s., 49 s. Recours de l'assureur subrogé. - La subrogation conventionnelle de l'assureur dans les droits de l'assurérésulte de la volonté expresse de ce dernier, manifestée concomitamment ou antérieurement au paiement reçu de l'assureur,qui n'a pas à établir que ce règlement a été fait en exécution de son obligation contractuelle de garantie. Viole enconséquence l'article 1250, 1o, du code civil la cour d'appel qui, après avoir constaté que l'assureur se prévaut de la copie dela lettre-chèque, de la dispache et de la police d'assurance en vertu de laquelle il indique avoir procédé à l'indemnisation del'assuré ainsi que de l'acte de subrogation daté du même jour que le chèque, retient que l'assureur doit toutefois démontrerqu'il était tenu contractuellement de régler l'indemnité invoquée en exécution de la police (Com. 16 juin 2009, no 07-16.840 ).50. Bien souvent, les difficultés de preuve ne concernent pas l'existence même de la subrogation, mais seulement sa date. Eneffet, la subrogation n'est valable que lorsqu'elle est concomitante au paiement (V. supra, no 39). En cas de contestation, ilest donc indispensable d'établir le moment auquel elle a eu lieu. Par ailleurs, le subrogé peut entrer en conflit avec des tiersqui prétendent avoir acquis des droits sur la créance (V. infra, no 186). La solution de cette opposition dépend alors desmodalités et de la date de l'opposabilité de la subrogation aux tiers.

51. Il existe sur la question de la preuve de la date de la subrogation des divergences et des hésitations. Pour la plupart desauteurs, qui suivent en cela la doctrine classique, il convient de distinguer selon que la question de la date de la subrogationest liée ou non à l'opposabilité de l'opération aux tiers. En effet, lorsqu'il s'agit d'opposer la subrogation aux tiers, la doctrinedominante enseigne, en se fondant sur une ancienne jurisprudence (Civ. 31 janv. 1843, DP 1843. 1. 616), que, par applicationde l'article 1328 du code civil, la subrogation constatée par acte sous seing privé ne peut faire foi de sa date à leur égard quelorsqu'elle a acquis date certaine par l'effet de l'enregistrement, de la mort de l'une des parties ou de sa constatation dans unacte dressé par un officier public (FRANÇOIS, op. cit., no 457 ; MALAURIE, AYNÈS et STOFFEL-MUNCK, op. cit., no 1297 ; MARTY,RAYNAUD et JESTAZ, t. 2, no 390 ; TERRÉ, SIMLER et LEQUETTE, op. cit., no 1367). La solution déroge à la règle selon laquelle laquittance fait foi de sa date contre les tiers, même en l'absence de date certaine (FLOUR, AUBERT et SAVAUX, op. cit., no 139 ;MALAURIE et AYNÈS, op. cit., no 1088 ; TERRÉ, SIMLER et LEQUETTE, op. cit., no 1355). Elle s'explique par le fait que la quittancesubrogative ne se borne pas à constater un paiement. Elle fait également preuve d'un transfert de créance au subrogé(FRANÇOIS, ibid. ; PLANIOL et RIPERT, Traité pratique de droit civil français, t. 7, par RADOUANT, 1954, LGDJ, n o 1123). Enl'occurrence, les tiers peuvent être des cessionnaires de la créance, des créanciers saisissants ou d'autres subrogés. Enrevanche, bien qu'il ne soit pas partie à la subrogation ex parte creditoris, la jurisprudence refuse de considérer le débiteurcomme un tiers au sens de l'article 1328 du code civil. Le débiteur et ses ayants cause ne peuvent donc se prévaloir du défautde date certaine de l'acte sous seing privé constatant la subrogation (Civ. 8 août 1877, S. 1878. 1. 120). À leur égard, laquittance subrogative fait foi par elle-même de sa date.

52. Cependant, cette distinction fondée sur la finalité de la détermination de la date de la subrogation a été condamnée pardes décisions qui ont jugé que la mention du paiement et celle de la subrogation sont indivisibles et qui n'exigent de datecertaine pour aucune d'elles (Civ. 8 août 1877, préc. ; Dijon, 30 juill. 1897, préc. supra, no 47). Cette solution a été clairementaffirmée par un arrêt récent de la Cour de cassation. La cour d'appel de Paris avait rejeté la demande de collocation d'uncréancier invoquant sa qualité de subrogé au motif que si la quittance est opposable aux tiers à la date de l'acte sous seingprivé qui la constate, la subrogation n'a acquis date certaine à leur égard qu'au jour du dépôt de l'acte au rang des minutesdu notaire. La troisième chambre civile a cassé cette décision en jugeant que « la quittance subrogative, qui constate à la foisun paiement et une subrogation, a des effets indivisibles à l'égard des tiers » (Civ. 3e, 16 juill. 1987, Bull. civ. III, no 145, JCP N1989. II. 267).

53. Ces incertitudes relatives à la preuve de la date de la quittance subrogative sont l'écho de celles qui affectent la preuvede la date des quittances ordinaires (M.-J. PIERRARD, Les procédés de preuve du paiement, RTD civ. 1948. 429). La règlegénéralement affirmée en doctrine (FLOUR, AUBERT et SAVAUX, op. cit., no 139 ; MALAURIE, AYNÈS et STOFFEL-MUNCK, op. cit.,no 1088 ; STARCK, ROLAND et BOYER, t. 3, no 215) est que, selon la jurisprudence (Civ. 11 févr. 1946, D. 1946. 389), cesdernières font foi par elles-mêmes de leur date. Mais certains auteurs regrettent cette solution (TERRÉ, SIMLER et LEQUETTE,op. cit., no 1355 ; MARTY et RAYNAUD, Droit civil. Introduction générale à l'étude du droit, 2e éd., 1976, Sirey, n o 234) et ilexiste quelques décisions qui ont appliqué aux quittances ordinaires l'article 1328 du code civil (Req. 12 avr. 1907, S. 1908. 1.161, note Chavegrain). Pour les quittances subrogatives, la difficulté est renforcée par le fait qu'elles constatent à la foisl'exécution d'une obligation et la transmission de la créance et de ses accessoires à un tiers. Cela augmente les risques defraude par antidate qui fondent la critique de l'abandon des formalités de l'article 1328. Si l'on veut éviter toute difficulté, il estdonc souhaitable d'enregistrer la quittance, même si cela ne semble plus être une condition d'opposabilité aux tiers depuisl'arrêt du 16 juillet 1987 (Civ. 3e, 16 juill. 1987, préc.). Cependant, l'application systématique de l'article 1328 du code civilcomplique la subrogation conventionnelle et risque d'en freiner le développement. Elle n'est heureusement pas nécessairedans les domaines où s'applique le principe de la liberté de la preuve entre commerçants, et notamment en matièred'affacturage (Paris, 14 avr. 1975, RTD com. 1975. 342, obs. M. Cabrillac et J.-L. Rives-Lange). Au demeurant, elle pourrait êtreremise en cause, indirectement, par l'affirmation selon laquelle la preuve du paiement, qui est un fait, peut être rapportée partous moyens (Civ. 1 re, 6 juill. 2004, Bull. civ. I, no 2002, D. 2004. Actu. 2498, obs. C. Rondey , RDC 2005. 286, obs. Stoffel-Munck), mais la portée de l'arrêt est incertaine.

Art. 2 - Subrogation consentie par le débiteur ou subrogation ex parte debitoris

54. L'article 1250, 2o du code civil prévoit une seconde forme de subrogation conventionnelle : la subrogation consentie par ledébiteur ou subrogation ex parte debitoris. Elle intervient « lorsque le débiteur emprunte une somme à l'effet de payer sadette, et de subroger le prêteur dans les droits du créancier » (C. civ., art. 1250, 2 o). Ce changement de créancier à l'initiativedu débiteur est à première vue insolite. En effet, le débiteur prend la créance dans le patrimoine du créancier sans leconsentement de celui-ci afin de la transporter avec ses accessoires dans le patrimoine d'un tiers. Certains auteurs ont doncparfois vu, dans la subrogation ex parte debitoris, une sorte d'expropriation des créances pour cause d'utilité privée. L'analyseest cependant excessive au regard des principes qui régissent le paiement (V. supra, no 10). Comme toute subrogation, lasubrogation ex parte debitoris suppose un paiement. La question, controversée, est donc finalement de savoir si le débiteurpeut imposer dans tous les cas ce paiement au créancier.

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55. Ses origines historiques démontrent que la subrogation ex parte debitoris est une opération effectivement conçue dansl'intérêt du débiteur. Elles remontent à un édit de Henri IV de mai 1609, complété par un arrêt de règlement du Parlement deParis du 6 juillet 1690, appelé arrêté des subrogations. À l'époque, le roi avait ramené du denier douze (8,33 %) au denierseize (6,25 %) le taux maximum des rentes constituées qui étaient alors le moyen usuel de placement des capitaux, comptetenu de la prohibition du prêt à intérêts. Les débiteurs de rentes constituées à l'ancien taux avaient donc intérêt à lesracheter pour en constituer de nouvelles à taux réduit. Mais les crédirentiers refusaient généralement la subrogation dansleurs droits que réclamaient les détenteurs de capitaux prêts à fournir les fonds pour le rachat des rentes. Afin de vaincre leurrésistance, l'édit de 1609 permit aux débirentiers de consentir une subrogation des nouveaux bailleurs de fonds dans lesgaranties dont disposaient les anciens, sans avoir besoin d'obtenir le consentement des créanciers. Reste cependant à savoirsi la subrogation par le débiteur ne suppose quand même pas que ce dernier soit autorisé, par les règles du paiement, àpayer par anticipation le créancier. Sur ce point, les avis divergent. Une partie de la doctrine soutient que le créancier peutvalablement refuser le paiement, et donc empêcher la subrogation par le débiteur, tant que la dette n'est pas échue, si leterme n'a pas été stipulé dans l'intérêt exclusif du débiteur (FLOUR, AUBERT et SAVAUX, op. cit., no 373 ; MALAURIE, AYNÈS etSTOFFEL-MUNCK, op. cit., no 1298 ; MALAURIE, Baisse des taux d'intérêts, prêts à long terme et renégociation, D. 1998. Chron.317 ). D'autres auteurs prétendent au contraire que la nature du terme assortissant la dette est indifférente et que lasubrogation par le débiteur peut priver le créancier du bénéfice d'un terme convenu dans l'intérêt commun des parties, alorsqu'en principe, une partie ne peut renoncer unilatéralement au terme que s'il a été convenu dans son intérêt exclusif(GHESTIN, BILLIAU et LOISEAU, op. cit., no 361 ; TERRÉ, SIMLER et LEQUETTE, op. cit., no 1370 ; J. HUET, Un bienfait del'histoire : la subrogation opérée par le débiteur pour le remboursement anticipé d'un prêt d'argent en cas de baisse des tauxd'intérêt [art. 1250, 2o c. civ.], D. 1999. Chron. 303 ). Cette seconde analyse semble bien avoir été condamnée par un arrêtde la première chambre civile qui a jugé sans fondement un pourvoi reprochant à des juges du fond de ne pas avoir considéréqu'il résulte de l'article 1250, 2o, que le remboursement anticipé est de droit pour le débiteur (Civ. 1 re, 27 sept. 2005, no 02-13.935 , Bull. civ. I, no 347, Defrénois 2005, art. 38301, no 94, obs. Savaux). Elle est clairement écartée par l'avant-projetde réforme du droit des obligations (art. 1261, al. 2).

56. Malgré son utilité, la subrogation par le débiteur n'a pas connu le développement dont a bénéficié la subrogation par lecréancier. Bien qu'elle ne soit plus une condition d'obtention du privilège du prêteur de deniers dans les ventes d'immeubles(V. C. civ., art. 2374, 2 o, anc. art. 2103, 2o, réd. L. 16 juill. 1971), on la trouve encore dans ces ventes afin de permettre aufournisseur des capitaux de recevoir l'action en résolution dont le vendeur était titulaire (J. MESTRE, op. cit., nos 206 et s.).Pour la même raison, elle est aussi utilisée dans les ventes de fonds de commerce (J. MESTRE, op. cit., no 214). Larenégociation des prêts immobiliers lui a même donné une nouvelle actualité (HUET et MALAURIE, articles préc.). La pratiquenotariale la conseille afin de transférer les droits du premier prêteur à l'établissement bancaire qui consent à un client un prêtà moindre taux afin de rembourser par anticipation un emprunt antérieur plus coûteux (M. VION, La renégociation des prêtsimmobiliers, Defrénois 1987. 1217). Néanmoins, la subrogation émane rarement du débiteur. L'intérêt essentiel du créancierest d'être payé et, sachant que le débiteur pourrait la lui imposer, au moins quand il peut lui imposer le paiement (V. supra, no 55), il accorde généralement la subrogation au tiers qui a fourni les fonds.

57. Le fait que la subrogation ex parte debitoris résulte d'une convention entre le débiteur et le tiers qui fournit les fonds faitcourir aux tiers un risque évident de fraude. Un débiteur dont les biens sont grevés d'hypothèques au-delà de leur valeurpeut avoir besoin de se procurer à nouveau du crédit après avoir payé le créancier de premier rang. Cependant, l'existence decréanciers hypothécaires non désintéressés risque de dissuader les prêteurs éventuels qui ne trouvent pas de garantiesuffisante. Pour leur conférer cette certitude de paiement, le débiteur pourrait faire revivre l'hypothèque de premier rang et latransmettre par subrogation au nouveau prêteur en antidatant l'acte de prêt, au détriment des autres créanciershypothécaires. Les rédacteurs du code civil ont prévenu ce risque en imposant un formalisme strict emprunté à l'arrêté dessubrogations de 1690.

§ 1 - Parties à la subrogation « ex parte debitoris »

58. La subrogation ex parte debitoris résulte d'un accord entre le débiteur qui acquitte sa dette et le tiers qui a fourni les fondsnécessaires au paiement. S'agissant du tiers subrogé, il faut observer que, contrairement à ce qui se produit en matière desubrogation par le créancier où la jurisprudence exige un paiement direct (V. supra, nos 25 et s.), en matière de subrogationex parte debitoris, le subrogé n'a pas la qualité de solvens. Ce n'est pas lui qui paie le créancier ; c'est le débiteur. En généralle tiers intervient en qualité de prêteur de deniers, comme la lettre de l'article 1250, 2o du code civil le suggère. Cependant ladoctrine moderne exclut toute interprétation restrictive du texte. Elle juge que rien ne s'oppose à ce que la subrogation jouevalablement lorsque les fonds sont remis au débiteur à un autre titre. Les anciens auteurs l'admettaient déjà à propos de laremise de fonds à titre de dot avec la stipulation qu'ils seront employés à l'extinction de certaines dettes et sous la conditionde la subrogation au profit de la femme (AUBRY et RAU, op. cit., 5e éd., t. 4, § 321, note 29 ; PLANIOL et RIPERT, op. cit., t. 7,no 1225, note 1). La jurisprudence semble l'avoir confirmé par un arrêt de la chambre des requêtes du 25 novembre 1940 quia admis la subrogation du fournisseur de deniers dans les droits du créancier malgré la nullité du prêt consenti au débiteur(Req. 25 nov. 1940, JCP 1941. II. 1618, note E. Becqué). Selon la Cour de cassation, s'il était porté atteinte aux effets de lasubrogation, il en résulterait un enrichissement injuste et sans cause des emprunteurs qui retrouveraient leur immeuble libred'hypothèque sans rien avoir payé de leurs deniers.

59. Quant au débiteur qui consent la subrogation, il s'agit le plus souvent du débiteur principal. Mais sur ce point aussi, lajurisprudence a admis une interprétation large du texte. Influencée par la doctrine, elle a jugé que la subrogation peut êtreconsentie non seulement par le débiteur, mais également par toute personne qui, étant tenue au paiement de la dette ouayant intérêt à l'acquitter, serait subrogée légalement si elle effectuait le paiement de ses propres deniers (J. MESTRE, op. cit.,no 67). Autrement dit, la jurisprudence admet une application cumulative de la subrogation légale et de la subrogationconventionnelle ex parte debitoris. La personne ayant intérêt à acquitter une dette, qui serait personnellement subrogée si ellela payait de ses propres deniers, peut transférer le bénéfice des droits et actions du créancier au fournisseur des deniers qui

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lui permettent d'acquitter la dette. Cette faculté a ainsi été reconnue au débiteur accessoire, telle la caution, qui empruntepour acquitter la dette (Toulouse, 27 déc. 1911, DP 1913. 2. 65, note H. Donnedieu de Vabres, RTD civ. 1912. 509, obs.R. Demogue), au codébiteur solidaire qui a recours au même procédé (Civ. 28 avr. 1942, JCP 1942. II. 1988, note R. Houin,S. 1942. 1. 70), ou encore au créancier qui emprunte pour payer un autre créancier préférable en rang (Civ. 7 nov. 1854, DP1854. 1. 409), ou au tiers saisi condamné comme débiteur pur et simple, faute d'avoir fait la déclaration et d'avoir donné lesjustifications prescrites par la loi (Dijon, 30 mars 1911, DP 1913. 2. 97, note E. Faye, RTD civ. 1912. 744, obs. R. Demogue). LaCour de cassation a même admis la subrogation dans les droits des créanciers hypothécaires du prêteur de deniers àl'acquéreur d'un immeuble hypothéqué qui emprunte à l'effet de payer le prix à ces créanciers (Req. 28 avr. 1863, DP 1863. 1.329, sur pourvoi contre Nîmes, 29 janv. 1861, DP 1863. 2. 21). Pour cela, la Cour de cassation a dû écarter l'objection selonlaquelle l'acquéreur de l'immeuble n'est débiteur que de son vendeur ; il ne pourrait donc subroger le prêteur de deniers quedans les droits du vendeur, et pas dans ceux des créanciers hypothécaires. Selon la Cour de cassation, « si l'acquéreur esttenu personnellement envers le précédent propriétaire, sa qualité de tiers détenteur l'oblige à payer les créanciers inscrits encapital et intérêts jusqu'à concurrence de son prix d'acquisition… l'acquéreur étant débiteur du prix envers les créanciersinscrits peut, par cela même, emprunter avec subrogation aux droits des créanciers payés, aux termes et suivant lesconditions prescrites par l'article 1250, 2o du code civil (Req. 28 avr. 1863, préc.). La subrogation du prêteur de deniers résultedonc de deux arguments cumulés. D'une part, l'acquéreur de l'immeuble hypothéqué est bien tenu propter rem à l'égard descréanciers inscrits. D'autre part, l'acquéreur qui paie le prix d'acquisition aux créanciers inscrits est subrogé aux droits de cesderniers en vertu de l'article 1250, 2o, et pas aux droits du vendeur.

60. Le débiteur et le fournisseur de deniers sont les seules parties à la subrogation ex parte debitoris. Le créancier demeurequant à lui totalement étranger à l'opération. Son consentement n'est pas requis (Req. 12 mars 1889, DP 1890. 1. 207,S. 1889. 1. 176 ; Civ. 1 re, 13 févr. 1963, D. 1963. 316, note P. Voirin). L'article 1250, 2 o du code civil l'indique d'ailleursexpressément : « Cette subrogation s'opère sans le concours de la volonté du créancier ». Son intervention éventuelle àl'acte de subrogation ne change pas la nature de l'opération, qui demeure une subrogation ex parte debitoris (Nîmes, 29 janv.1861, préc. ; Lyon, 24 nov. 1896, sous Req. 12 déc. 1898, DP 1899. 1. 345, spéc. p. 347). La subrogation ex parte creditoris nepeut en effet intervenir que lorsque le subrogé effectue lui-même directement le paiement (V. supra, no 25) ce qui, parhypothèse, n'est pas le cas lorsque les parties envisagent de recourir à la subrogation par le débiteur.

61. Si le créancier n'a pas à consentir à la subrogation ex parte debitoris, il joue cependant un certain rôle dans la réalisationde l'opération. En effet, la subrogation par le débiteur suppose la confection de deux actes : un acte de prêt et une quittance,dont la seconde doit normalement être signée par le créancier (V. infra, no 69). Si celui-ci refuse sa collaboration, c'est-à-dires'il refuse de recevoir le paiement ou s'il refuse de laisser insérer dans la quittance que les deniers proviennent d'un emprunt,le débiteur doit en principe recourir à la procédure des offres réelles de paiement et consigner la somme (Req. 12 mars 1889,préc.). Les offres peuvent même être faites à la demande du prêteur des deniers (Req. 11 juill. 1843, S. 1844. 1. 379). Lareconnaissance de consignation doit alors mentionner la déclaration d'emploi des fonds exigée par l'article 1250, 2o. Il estadmis que cette déclaration a le même effet que si elle était faite devant notaire, le receveur de la Caisse des dépôts etconsignations ayant la qualité d'officier public (AUBRY et RAU, op. cit., 5e éd., t. 4, § 321 ; PLANIOL et RIPERT, op. cit., t. 7,no 1226).

§ 2 - Formalisme de la subrogation « ex parte debitoris »

62. C'est le risque de fraude aux droits des tiers par antidate de l'acte de prêt emportant subrogation (V. supra, no 57) quiexplique à la fois le contenu du formalisme dont l'article 1250, 2o entoure la subrogation ex parte debitoris et sa sanction. Ceformalisme ne s'applique pas lorsque la subrogation est consentie par le créancier et non par le débiteur, comme c'est la casde la subrogation d'un prêteur dans la clause de réserve de propriété consentie, non par l'acheteur à crédit, mais par levendeur (Com. 8 janv. 2002, préc. supra, no 44).

A. - Contenu du formalisme

63 . Selon l'article 1250, 2o, « il faut, pour que cette subrogation soit valable, que l'acte d'emprunt et la quittance soientpassés devant notaires ; que dans l'acte d'emprunt il soit déclaré que la somme a été empruntée pour faire le payement, etque dans la quittance il soit déclaré que le payement a été fait des deniers fournis à cet effet par le nouveau créancier ». Leformalisme de la subrogation ex parte debitoris est donc double. D'une part, il faut que les actes qui la réalisent soient faits enla forme notariée. D'autre part, ces actes doivent contenir une double déclaration d'origine et d'emploi des fonds.

a. - Forme notariée

64. L'intervention d'un notaire pour la réalisation de la subrogation par le débiteur est évidemment de nature à écarter lerisque de fraude par antidate, l'officier ministériel devant refuser de prêter son concours à une telle opération. Pourtant,certains auteurs observent justement que ce risque aurait pu être évité par la simple exigence d'une date certaine (MARTY,RAYNAUD et JESTAZ, op. cit., t. 2, no 393). La forme authentique paraît donc destinée essentiellement à prévenir un autre typede fraude : celle du débiteur qui paye de ses propres deniers le créancier premier inscrit et qui, sachant qu'il risque d'avoirultérieurement besoin de crédit supplémentaire, obtient d'un tiers qu'il joue le rôle d'un prêteur fictif qu'il subroge dans lesdroits du créancier. Cette fraude permet au débiteur de laisser les autres créanciers hypothécaires à leur rang inférieur et derecouvrer par une collocation de premier ordre par l'intermédiaire du faux prêteur les deniers avec lesquels il a réalisé lepaiement. Le notaire percevant ce concert frauduleux refusera également de prêter son concours à l'opération (J. MESTRE, op.cit., no 78).

65. Puisque l'authenticité est uniquement destinée à assurer la sécurité des tiers, il est admis que cette exigence s'appliqueaussi bien en matière commerciale qu'en matière civile, le risque étant identique dans les deux cas (MARTY, RAYNAUD etJESTAZ, op. cit., t. 2, no 393 ; V. cep., les motifs d'Alger, 23 févr. 1892, DP 1893. 2. 544). La même idée explique par ailleursque contrairement au droit commun qui exige que le mandat donné pour la passation d'un acte authentique soit lui-même

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conclu en la forme authentique, celle-ci ne s'impose pas pour la procuration donnée par le débiteur en vue de la subrogationd'un tiers dans ses droits (Civ. 5 août 1891, DP 1892. 1. 217, S. 1892. 1. 57, note Garsonnet). En l'occurrence, la formeauthentique n'a pas pour but de protéger l'indépendance des parties ou d'assurer la liberté de leur consentement, maisseulement d'assurer la protection des tiers.

66. L'exigence de la forme notariée pour la réalisation d'une opération reposant sur un emprunt fait à un tiers et un paiementréalisé par le débiteur soulève toute une série de questions pratiques pour lesquelles le code civil ne fournit pas d'indicationprécise. D'abord, il faut déterminer si l'emprunt et le paiement doivent être simultanés. Sur ce point, la jurisprudence a jugéque la simultanéité des opérations n'est pas une condition de la subrogation ex parte debitoris ; il ne résulte du fait du délaiséparant l'emprunt des deniers et le paiement du créancier aucun empêchement à ce que la subrogation soit réalisée auprofit du prêteur, si les conditions fixées par l'article 1250, 2 o sont par ailleurs remplies (Paris, 30 juin 1853, DP 1854. 2. 108 ;Req. 14 févr. 1865, DP 1865. 1. 254, S. 1865. 1. 190). D'ailleurs, en admettant que l'emprunt et le paiement peuvent être faitspar des actes distincts (V. infra, no 67), le code civil reconnaît implicitement qu'ils peuvent être séparés par un certain laps detemps. Cependant, il existe un risque pour les parties à laisser s'écouler un trop long délai entre l'emprunt et le paiement. Eneffet, les juges peuvent en conclure que les deniers empruntés n'ont pas été utilisés pour le paiement, et refuser lasubrogation du prêteur dans les droits du créancier (Orléans, 3 avr. 1851, DP 1851. 2. 66 ; Req. 16 mars 1852, DP 1852. 1.102 ; sur l'emploi des fonds empruntés par le débiteur, V. infra, no 71).

67 . Ensuite, on s'est demandé s'il est indispensable de rédiger plusieurs actes notariés. Sur ce point, la lettre de l'article1250, 2o laisse supposer que l'emprunt et la quittance constatant le paiement constituent deux opérations séparées, qu'ellesdoivent être constatées par deux actes distincts. Le plus souvent, la subrogation ex parte debitoris résultera ainsi d'unepluralité d'actes. Mais la jurisprudence (Req. 9 nov. 1869, S. 1870. 1. 63, DP 1870. 1. 167 ; Req. 15 mars 1897, DP 1897. 1.364), approuvée par la doctrine (AUBRY et RAU, op. cit., 5e éd., t. 4, § 321 ; GHESTIN, BILLIAU et LOISEAU, op. cit., no 362),admet que rien ne s'oppose à ce que le prêt et le paiement soient constatés dans le même acte authentique puisque les deuxactes constituent dans l'esprit du législateur comme dans celui des parties une seule et même opération. C'est ce procédé quiest également conseillé par la pratique notariale afin de réduire les frais (M. VION, article préc., no 4, et les formules).

6 8 . Enfin, la question s'est posée de savoir si l'acte notarié doit être rédigé au moment même de l'opération ou desopérations qu'il constate. Une minorité d'auteurs classiques exigeait que le notaire atteste avoir vu passer les deniers desmains du prêteur dans celles du débiteur, puis des mains du débiteur dans celles du créancier (AUBRY et RAU, op. cit., 6e éd.,t. 4, p. 275, note 34). Selon eux, cette simultanéité des actes et des opérations qu'ils constatent serait le moyen inventé parle législateur pour éviter que, par des déclarations inexactes sur la destination de la somme empruntée ou sur l'origine desdeniers employés pour le paiement, on puisse réaliser une subrogation qui n'aurait pas été convenue au moment del'emprunt ou qui serait en réalité devenue impossible par un paiement pur et simple. Cependant, le fait, pour le notaire,d'attester du fait matériel de la remise des fonds ne permet pas pour autant d'établir la sincérité des déclarations etd'empêcher, par exemple, que le débiteur ait recours à un prêteur fictif qui lui remettra des fonds qui lui appartiennent enréalité (J. MESTRE, op. cit., no 81, et les réf.). La jurisprudence a donc renoncé à la condition de simultanéité des actes notariéset des opérations qu'ils constatent. La Cour de cassation a jugé qu'il importe peu que les deniers prêtés aient été remis audébiteur avant l'acte d'emprunt dès lors qu'ils ne l'ont été qu'à titre de consignation provisoire et en vue de la subrogationconvenue entre le prêteur et le débiteur (Req. 14 févr. 1865 et 15 mars 1897, préc.). Elle a également admis, à l'inverse, quel'acte notarié constatant l'emprunt et sa destination peut être dressé avant la réalisation du prêt, ce qui est le cas lorsque lesfonds sont avancés sous forme d'ouverture de crédit (Req. 28 avr. 1863, DP 1863. 1. 329). Il n'est pas indispensable non plusque l'acte notarié constatant le paiement et l'emploi des fonds empruntés soit dressé au moment même du paiement. Lasubrogation est valable alors même que le versement est antérieur à la quittance, dès lors qu'il ne constitue qu'un « paiementprovisoire, un véritable dépôt » (Angers, 7 juill. 1897, DP 1900. 2. 472). Dans cette hypothèse, le fait que le versement desfonds ne constitue qu'un dépôt est une exigence fondamentale. Elle évite que la subrogation soit rendue impossible par unpaiement pur et simple qui éteindrait la dette.

b. - Double déclaration d'origine et d'emploi des fonds

69. L'article 1250, 2o subordonne la subrogation par le débiteur à une double déclaration : une première faite dans l'acted'emprunt (traditionnellement appelée déclaration d'emploi) selon laquelle « la somme a été empruntée pour faire lepayement » ; une seconde faite dans la quittance subrogative (dénommée déclaration d'origine) attestant « que le payementa été fait des deniers fournis à cet effet par le nouveau créancier ». L'article 1250, 2o ne précise pas la qualité de l'auteur deces déclarations. Le plus souvent, il s'agira évidemment du débiteur qui emprunte afin d'acquitter sa dette. La déclarationd'origine prend alors la forme d'une promesse d'emploi (pour des ex. de formule, V. M. VION, article préc. ; Promessed'emploi : « M. X… [emprunteur] promet d'employer la somme de… F qui vient de lui être prêtée par Y… [nouveau créanciersubrogé] au remboursement de pareille somme qu'il doit à Z… [premier créancier] en vertu de [description de l'acte ayantdonné naissance à la dette]. Lors de cet emploi, il s'engage à déclarer l'origine des deniers afin que Y… soit subrogé danstous les droits, actions et privilèges de Z…, en application de l'article 1250, 2o du code civil » ; Quittance subrogative : « M. X[emprunteur] déclare que la somme de… F qu'il vient de payer à Y… [créancier] provient de l'emprunt de même montant qu'il afait auprès de Z… [prêteur subrogé] »). Néanmoins, une ancienne jurisprudence a admis que ces déclarations pourraient êtrevalablement faites par un autre que le débiteur : la déclaration d'origine par le prêteur des deniers destinés à payer lecréancier, la déclaration d'emploi par le créancier qui reçoit le paiement des deniers fournis par le prêteur subrogé (Orléans,14 août 1845, DP 1846. 2. 72).

70. Comme en matière de subrogation par le créancier, la loi n'impose pas de formule sacramentelle. Il suffit que l'origine desfonds et leur emploi apparaissent de manière suffisamment claire. En revanche, contrairement à la subrogation ex partecreditoris, la loi n'exige pas non plus que la subrogation soit expressément stipulée. En effet, l'intention de subroger le prêteurdans les droits du créancier peut être ici aisément induite de la double déclaration d'origine et d'emploi des fonds qui ne peut

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avoir d'autre utilité (en ce sens, not. : PLANIOL et RIPERT, op. cit., t. 7, no 1225 ; AUBRY et RAU, op. cit., t. 4, 5e éd., 1878,§ 321).

71. Les fonds empruntés par le débiteur doivent servir à acquitter la dette désignée dans la déclaration d'origine. Mais lamonnaie constituant une chose fongible et l'identité entre les fonds prêtés et ceux utilisés pour payer pouvant êtreextrêmement difficile à prouver, il est communément admis qu'il n'est pas nécessaire que les deniers payés soientidentiquement ceux empruntés (J. MESTRE, op. cit., no 82). Il suffit que le paiement ait été effectué grâce aux fondsempruntés, même si ces derniers ont été confondus avec d'autres. En revanche, la subrogation ne peut se réaliser lorsque lesfonds prêtés n'ont pas servi au paiement. Tel est le cas lorsque l'emprunteur utilise les fonds qui lui ont été prêtés à un autreusage que le paiement et qu'il réalise ce dernier en se procurant par un autre moyen l'argent nécessaire pour acquitter sadette. À moins que le prêteur ne remette directement les fonds au créancier (ce que la subrogation ex parte debitoris autorise,contrairement à la subrogation par le créancier ; V. supra, no 28), la réalisation de la subrogation à son profit est doncincertaine. Quelles peuvent alors être les sanctions encourues par l'emprunteur qui avait promis de subroger le prêteur et quine paie pas le créancier, ou qui le paie avec d'autres deniers ou sans obtenir de quittance subrogative ? Le prêteur pourraitobtenir la résolution judiciaire du contrat de prêt sur le fondement de l'article 1184 du code civil (en ce sens : J. MESTRE, op.cit., no 83), bien que la promesse de subroger ne constitue pas l'obligation principale de l'emprunteur, à condition que le jugeestime que l'inexécution du contrat est suffisamment grave. Il pourrait aussi réclamer des dommages-intérêts destinés àréparer le préjudice que lui cause l'inexécution de l'obligation de faire souscrite par l'emprunteur (loc. cit.). L'objection tirée del'idée que la promesse de subrogation ne constitue pas l'objet direct de l'obligation de l'emprunteur (L. LORVELLEC et F.JACOB, article préc., fasc. 20, no 90) ne paraît pas déterminante. L'inexécution de toute obligation de faire, même accessoire,doit ouvrir droit à dommages-intérêts dès lors qu'elle a causé un préjudice au créancier. Au plan pénal, le mensonge del'emprunteur sur son intention de subroger le prêteur n'est pas à lui seul une manoeuvre constitutive d'escroquerie (C. pén.,art. 313-1). Il faut que s'y ajoute un fait extérieur, un acte matériel ou l'intervention d'un tiers (même de bonne foi) destinés àdonner force et crédit aux allégations mensongères. Quant à l'abus de confiance, depuis l'entrée en vigueur du nouveau codepénal, son application ne peut plus être écartée au motif que le prêt ne figure pas dans la liste des contrats pouvant donnerlieu à cette incrimination (en ce sens, avant la réforme : J. MESTRE, op. cit., no 84), l'article 314-1 ne se référant plus à aucuntype de contrat particulier. Elle devrait néanmoins être toujours exclue en raison de l'exigence d'une obligation de restituer lachose même qui a été confiée au prévenu. Cela suppose que celui qui a remis la chose en soit resté propriétaire, ce qui n'estpas le cas dans le prêt de somme d'argent, prêt de consommation dans lequel l'emprunteur devient propriétaire des biensprêtés (C. civ., art. 1893 et 1895).

B. - Sanction du formalisme

72. L'article 1250, 2o du code civil exige textuellement la forme notariée et la double déclaration pour que la subrogation exparte debitoris soit valable. La forme considérée est donc apparemment imposée à fin de validité, et la doctrine moderneprésente parfois la subrogation par le débiteur comme un contrat solennel (CARBONNIER, op. cit., t. 2, nos 1005 et 1250 ;GHESTIN, La formation du contrat, 3e éd., 1993, LGDJ, no 438). L'affirmation est critiquable au regard d'un ancien arrêt parlequel la Cour de cassation a jugé que « les formalités prescrites par l'article 1250 du code civil ont uniquement pour but deconstater avec certitude l'origine des deniers au regard des tiers afin de rendre opposable à ceux-ci la subrogation intervenueentre les parties » ; celles-ci ne peuvent pas se prévaloir dans leurs relations réciproques de l'omission de certaines formalitéspour demander la nullité de la subrogation (Civ. 11 janv. 1893, DP 1895. 1. 179). Il semble donc, au vu de cet arrêt que,contrairement à ce que suggère la lettre du texte, l'inobservation des formalités de l'article 1250, 2o ne soit sanctionnée quepar l'inopposabilité de la subrogation aux tiers, le prêt et le paiement continuant à produire leurs effets entre les parties (ence sens : GHESTIN, BILLIAU et LOISEAU, op. cit., no 363 ; MARTY, RAYNAUD et JESTAZ, op. cit., t. 2, no 394 ; TERRÉ, SIMLER etLEQUETTE, op. cit., no 1371). La solution est généralement jugée conforme au fondement du formalisme de la subrogation exparte debitoris uniquement destiné à protéger les tiers contre un risque de fraude (J. MESTRE, op. cit., no 77 ; MARTY, RAYNAUDet JESTAZ, op. et loc. cit. ; TERRÉ, SIMLER et LEQUETTE, op. et loc. cit.).

Section 3 - Subrogation légale

73. En l'absence de subrogation conventionnelle, le tiers qui paie la dette d'autrui ne peut invoquer sa substitution dans lesdroits du créancier que s'il entre dans l'un des cas prévus par la loi. À défaut, la subrogation doit être exclue, quelque grandeque puisse être l'analogie avec un cas expressément visé par la loi, les hypothèses de subrogation légale ayant un caractèrelimitatif (Civ. 3 juill. 1854, DP 1854. 1. 247 ; 4 mars 1901, DP 1905. 1. 11). En revanche, quand les conditions de lasubrogation légale sont réunies, celle-ci peut s'appliquer alors même que la subrogation conventionnelle serait exclue, fauted'en avoir respecté les conditions (Civ. 1re, 2 oct. 1985, RTD civ. 1986. 111, obs. J. Mestre, JCP 1986. II. 20687, note M. Dagot,qui admet implicitement qu'un notaire ayant indemnisé le prêteur du montant d'un prêt non remboursé à l'échéance parl'emprunteur peut être subrogé légalement dans les droits du créancier en application de l'art. 1251, 3o bien que lesquittances subrogatives aient été établies postérieurement au paiement). Et à l'inverse, lorsque les parties ont choisivalablement la voie de la subrogation conventionnelle, la substitution dans les droits du créancier ne saurait être refusée ausolvens au motif qu'il ne remplit pas les conditions de la subrogation légale (V. not., Civ. 1 re, 7 juin 1978, D. 1979. 333, noteJ. Mestre, qui casse une décision ayant écarté la subrogation conventionnelle de l'assureur d'un notaire qui avait remis desfonds aux vendeurs d'un fonds de commerce, malgré une opposition de leurs créanciers, aux motifs que la cause du paiementeffectué par l'assureur résidait non dans l'extinction de la dette d'autrui, mais dans le règlement de l'indemnité due enexécution du contrat d'assurance ; dans le même sens : Civ. 1 re, 27 janv. 1981, Gaz. Pal. 1981. 2. 740, note A. Plancqueel ;Com. 29 janv. 1985, Bull. civ. IV, n o 42 ; Civ. 1 re, 3 mars 1987, Bull. civ. I, no 83). Au vu de cette dernière jurisprudence, lasubrogation légale présente donc un caractère subsidiaire par rapport à la subrogation conventionnelle qui constitue enquelque sorte le droit commun. Ce caractère se manifeste notamment par le fait que les parties peuvent recourir à lasubrogation conventionnelle là où la subrogation légale ne peut pas jouer. La jurisprudence fournit de nombreux exemplesd'application de ce principe, particulièrement en matière d'assurance (Civ. 5 mars 1945, D. 1946. 1, note A. Besson, GADA,p. 22, note C. Berr et H. Groutel ; Civ. 1 re, 12 juin 1987, RGAT 1987. 409 ; 3 mars 1987, RGAT 1988. 28 ; 19 déc. 1989, RGAT

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1990. 107). Souvent, les assureurs préfèrent d'ailleurs recourir à la subrogation conventionnelle pour éviter les incertitudesqui règnent sur le domaine et les conditions de la subrogation légale.

74. Comme la subrogation conventionnelle, la subrogation légale repose nécessairement sur un paiement. Celui-ci doit êtreeffectué directement par le subrogé (Com. 3 janv. 1956, Bull. civ. III, n o 4), et, comme la subrogation conventionnelle, lasubrogation légale est en principe refusée à celui qui a seulement fourni les fonds au débiteur pour qu'il paie le créancier, àmoins que le débiteur ait reçu mandat de payer (V. supra, no 27). On retrouve également en ce domaine la tendance de lajurisprudence à assouplir la condition de concomitance de la subrogation et du paiement, déjà relevée à propos de lasubrogation conventionnelle (V. supra, nos 39 et s.). En effet, si l'on appliquait strictement cette exigence, le coauteur d'undommage poursuivi par la victime devrait attendre de l'avoir indemnisée pour pouvoir bénéficier d'une subrogation dans sesdroits en application de l'article 1251, 3o du code civil. Il ne devrait donc pas pouvoir former un appel incident en garantiecontre ses coobligés puisque son recours contre eux est fondé sur une subrogation dont les conditions ne sont pas encoreremplies. Or, malgré cet obstacle, les juridictions du fond (Nancy, 7 mars 1874, DP 1874. 2. 184 ; Dijon, 25 févr. 1898, DP1899. 2. 127), puis la Cour de cassation (Civ. 29 nov. 1948, D. 1949. 117, note H. Lalou ; Civ. 2 e, 16 févr. 1962, Bull. civ. II,no 208 ; 5 mars 1964, Bull. civ. II, no 214), ont autorisé le coauteur à appeler en garantie ses coobligés. La solution permetune économie de temps et de frais. Elle n'est pas contraire aux principes de la subrogation puisque la décision obtenue contreles coauteurs sur l'appel en garantie ne pourra évidemment être exécutée qu'autant que le coresponsable poursuivi auraindemnisé la victime (J. MESTRE, op. cit., nos 331 et s.).

75 . Classiquement, le code civil énumérait quatre cas de subrogation légale (C. civ., art. 1251, 1 o à 4o) qui s'expliquentglobalement par l'idée que le solvens était lui-même tenu de la dette ou qu'il avait un intérêt particulier à la payer. La loiconsidère alors qu'il est équitable qu'il soit substitué de plein droit dans les droits du créancier contre le débiteur. Cependant,en ce domaine comme en matière de subrogation conventionnelle, la jurisprudence a donné des textes une interprétationlarge qui a transformé le visage de la subrogation légale et en a sensiblement étendu le domaine (particulièrement en ce quiconcerne la subrogation du solvens « tenu avec d'autres ou pour d'autres » : C. civ., art. 1251, 3 o ; V. infra, nos 77 et s.). Laloi no 2006-728 du 23 janvier 2006 portant réforme des successions et des libéralités (JO 24 juin) a ajouté à l'article 1251 ducode civil un cinquième cas de subrogation légale bénéficiant à celui qui a payé de ses deniers les frais funéraires pour lecompte de la succession. En outre, de nombreux textes extérieurs au code civil ont multiplié les cas de subrogation légaledans des conditions qui ne correspondent pas toujours à la figure classique.

Art. 1 - Cas de subrogation de plein droit prévus par le code civil

76. Selon l'article 1251 du code civil, « la subrogation a lieu de plein droit : 1o au profit de celui qui étant lui-même créancier,paye un autre créancier qui lui est préférable à raison de ses privilèges et hypothèques ; 2o au profit de l'acquéreur d'unimmeuble, qui emploie le prix de son acquisition au payement des créanciers auxquels cet héritage était hypothéqué ; 3o auprofit de celui qui, étant tenu avec d'autres ou pour d'autres au payement de la dette, avait intérêt de l'acquitter ; 4o au profitde l'héritier acceptant à concurrence de l'actif net qui a payé de ses deniers les dettes de la succession ; 5o au profit de celuiqui a payé de ses deniers les frais funéraires pour le compte de la succession ». De ces cinq cas de subrogation légale, c'est letroisième qui est susceptible du plus grand nombre d'applications et qui a connu les plus importants développementsjurisprudentiels. Il est d'ailleurs considéré comme une hypothèse générale (une clausula generalis, selon le doyenCARBONNIER, op. cit., t. 2, no 1250) dont l'article 1251, 2o et divers textes spéciaux peuvent apparaître en quelque sortecomme des applications. La subrogation du solvens tenu avec d'autres ou pour d'autres sera donc examinée, en raison de sonimportance, avant les autres cas prévus par le code civil.

§ 1 - Subrogation du « solvens » tenu avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette (C. civ., 1251, 3o)

7 7 . La subrogation du solvens tenu avec d'autres ou pour d'autres paraît soumise à première vue à quatre conditionsspécifiques par l'article 1251, 3o. Il faut que le solvens soit obligé à la dette (« celui qui, étant tenu […] au paiement de ladette ») ; qu'il le soit en qualité de coobligé ou de garant (« tenu avec d'autres ou pour d'autres ») ; il faut qu'il soit tenu de lamême dette que les autres débiteurs (« tenu […] au payement de la dette ») ; et qu'il ait intérêt de l'acquitter. En réalité, ladernière de ces conditions n'est qu'apparente. En effet, la jurisprudence a très rapidement admis que l'intérêt du solvensd'acquitter la dette résulte de la seule existence de celle-ci (Civ. 29 août 1865, DP 1865. 1. 329 ; 5 juin 1896, sol. impl., DP1896. 1. 468). Il n'est donc pas nécessaire que le solvens ait payé la dette sur des poursuites ou des menaces de poursuitespour qu'il puisse bénéficier de la subrogation de l'article 1251, 3o (Amiens, 12 janv. 1970, JCP 1971. II. 16872, note M. Dagotet P. Spitéri). Par ailleurs, au terme d'une très importante évolution, la troisième condition - qu'on peut appeler conditiond'identité de dette - a également été supprimée par la jurisprudence. Désormais, il importe peu que le solvens ait acquitté ladette même dont les autres débiteurs (principaux ou adjoints) sont tenus ou une autre dette qui lui est personnelle. Ce quicompte, c'est la répartition de la charge définitive de la dette qui ne doit pas incomber en totalité au solvens. Cette évolutionrejaillit d'ailleurs sur l'appréciation de la qualité de codébiteur ou de garant du solvens qui doit désormais se comprendre demanière large. Des quatre conditions que suggère l'article 1251, 3o, le droit positif n'en retient donc finalement que deux.D'une part, il faut que le solvens ait été juridiquement obligé à la dette à l'égard de l'accipiens. D'autre part, il faut qu'il ait payéen qualité de codébiteur ou de garant, le poids définitif du paiement devant reposer au moins en partie sur un tiers.

Lire la mise à jour77 s. La subrogation légale est applicable aux obligations dont la cause est distincte. - Le débiteur qui s'acquitte d'une dette qui luiest personnelle peut prétendre bénéficier de la subrogation du code civil sans qu'il soit nécessaire que le solvens et l'accipienssoient tenus d'une obligation indivisible, solidaire ou in solidum (Civ. 1 re, 25 nov. 2009, no 08-20.438 , D. 2010. 802, noteHontebeyrie ; RLDC 2010/68. 3705, obs. Maugéri).A. - Obligation du solvens à la dette

78. Ce n'est que lorsque le solvens ne peut pas se soustraire juridiquement au paiement d'une dette qui ne lui incombe pasdéfinitivement qu'il est équitable de le subroger dans les droits du créancier. L'article 1251, 3 o réserve donc la subrogation deplein droit à celui qui est « tenu […] au payement de la dette ». Elle ne peut profiter à celui qui acquitte une dette à laquelle il

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était étranger (Civ. 5 juin 1896, DP 1896. 1. 468 ; Com. 3 janv. 1956, Bull. civ. III, n o 4), tel le solvens qui a payé en se croyantà tort responsable (Civ. 1re, 10 mai 1989, RCA 1989. 15). De la même manière, lorsqu'une personne a payé une dette au-delàdu plafond pour lequel elle était obligée, elle ne peut bénéficier de la subrogation légale pour le surplus des sommesdépassant ce plafond qu'elle a réglé sans y être tenue (Civ. 1 re, 13 nov. 1984, JCP 1985. IV. 35). La même idée se retrouvedans la subrogation légale de l'assureur de dommages dans les droits de la victime contre le responsable, prévue par l'articleL. 121-12 du code des assurances (V. infra, no 125), qui ne s'applique pas si l'indemnité n'a pas été payée en application ducontrat d'assurance, notamment si elle l'a été en méconnaissance d'une clause d'exclusion de garantie (Civ. 2e, 7 déc. 2006,RCA 2007. Comm. 101, obs. Groutel ; 19 sept. 2007, no 06-14.616 , RCA 2007. Comm. 372, obs. Groutel). Dans tous les cas,à défaut d'obligation au paiement, il appartient au solvens de sauvegarder ses intérêts en obtenant une subrogation par lecréancier ou par le débiteur.

79. Cependant, cette condition d'existence d'une obligation du solvens à la dette a été considérablement assouplie par lajurisprudence. Par deux arrêts fondamentaux des 2 et 9 octobre 1985 (Civ. 1 re, 2 oct. 1985 et Civ. 1 re, 9 oct. 1985, RTD civ.1986. 111, obs. J. Mestre), la première chambre civile de la Cour de cassation a en effet jugé que le solvens qui acquitte unedette avant d'y avoir été contraint par un jugement de condamnation peut néanmoins bénéficier de la subrogation de l'article1251, 3o, dès lors qu'il est établi que les conditions de sa responsabilité sont réunies (1re esp.) ou qu'il est exposé, en raisondes circonstances, à une condamnation in solidum (2e esp.). Autrement dit, le paiement spontané d'une dette qui n'a pasencore été judiciairement constatée n'est pas un obstacle à la subrogation légale du solvens (V. égal. : Civ. 1 re, 13 déc. 2001,D. 2002. 1312, obs. Jourdain ; 23 févr. 1988, Bull. civ. I, n o 50 ; la solution fait pendant à l'admission de la subrogation auprofit du coobligé qui a été seul condamné contre un coobligé qui ne l'a pas encore été ; V. infra, no 85).

80. À la suite de J. MESTRE, qui a commenté les arrêts de 1985, la plupart des auteurs modernes parlent désormais, paropposition aux obligations effectives, d'obligations (ou de dettes) virtuelles qui suffisent à fonder la subrogation du solvens(critiquant le terme au nom du caractère simplement déclaratif du jugement de condamnation, V. cep., MAZEAUD et CHABAS,op. cit., t. 2, 1er vol., no 855). Par opposition à l'obligation effective qui résulte « d'un contrat conclu, d'une loi ou d'une décisionjudiciaire intervenues » (J. MESTRE, obs. préc.), l'obligation virtuelle « menac[e] une personne qui, pour l'heure cependant, nepeut pas faire l'objet de poursuites particulières » (J. MESTRE, obs. préc.). Ce qui manque en toute hypothèse à la dettevirtuelle, c'est au moins l'exigibilité. Quant à la certitude et à la liquidité de la dette, on peut hésiter. Dans les espèces jugéespar la Cour de cassation et intéressant la responsabilité, la dette n'était en outre ni certaine ni liquide, faute de jugement decondamnation. Mais il pourrait en aller autrement, notamment en cas de dette découlant d'un contrat (admettant la certitudeet la liquidité - éventuelles - de la dette virtuelle : MAZEAUD et CHABAS, op. et loc. cit. ; excluant la liquidité de la dette virtuelleet la caractérisant comme existant seulement dans son principe : L. LORVELLEC, article préc., fasc. 3, no 20). Un arrêt de lapremière chambre civile du 12 juillet 2006 (Civ. 1 re, 12 juill. 2006, préc. supra, no 39) suggère cependant que l'obligationvirtuelle est peut-être celle à laquelle manque seulement la condition d'exigibilité. En effet, la Cour y approuve les juges dufond d'avoir considéré que l'associé d'une société civile immobilière qui avait acquitté des dettes souscrites par celle-ci ne peutinvoquer la subrogation de l'article 1251, 3o du code civil dès lors que ne sont établies, ni l'insuffisance de l'actif social, ni, parvoie de conséquence, la somme contributive mise à sa charge, « de sorte que son obligation n'est ni certaine ni liquide ».Même ainsi cantonné, l'élargissement du domaine de la subrogation légale est conforme à sa nature d'instrument d'équitépermettant de reporter le poids final de la dette sur celui qui est à l'origine directe de la créance de l'accipiens (J. MESTRE, obs.préc.). Il renforce également son rôle d'auxiliaire de la garantie (V. supra, no 5) en incitant le solvens à payer rapidement ladette, certain qu'il est de pouvoir agir par la suite contre le débiteur final en profitant des garanties de l'accipiens.

B. - Qualité de codébiteur ou de garant du solvens

81. Si le solvens doit être tenu à la dette pour pouvoir bénéficier de la subrogation de plein droit, en revanche, il ne doit pasêtre le seul obligé à la dette. Cela résulte très clairement de l'article 1251, 3o qui réserve la subrogation à celui qui est tenupour d'autres ou avec d'autres. Seuls les codébiteurs et les garants peuvent donc invoquer la substitution dans les droits ducréancier. Lorsqu'il est codébiteur, le solvens supportera une partie du poids final de la dette, mais pas tout ce poids. Lorsqu'ilest garant, il n'assumera en rien la charge définitive de la dette (V. infra, no 164). Dans l'esprit des rédacteurs de l'article1251, 3o, la dette payée par le solvens est donc, en tout ou en partie, la dette d'un tiers. La même idée était exprimée jadisen disant que la subrogation de l'article 1251, 3o est refusée à celui qui acquitte sa propre dette (Req. 22 août 1871, DP1871. 1. 165 ; Civ. 30 oct. 1905, DP 1908. 1. 510 ; Civ. 2 e, 12 juin 1970, D. 1970. Somm. 196). Compte tenu de l'évolution dela jurisprudence sur la question, cette dernière formule ne peut désormais être utilisée qu'avec la plus grande prudence. Lesolvens qui paye une dette qui est la sienne - même une dette qui n'est que la sienne - n'est pas forcément exclu du bénéficede l'article 1251, 3o. Par une interprétation large du texte, la jurisprudence a ajouté à la liste des bénéficiaires de lasubrogation, au solvens tenu de la même dette que le débiteur, celui tenu d'une dette personnelle à l'égard de l'accipiens.

a. - Subrogation du « solvens » tenu de la même dette que le débiteur

82. La subrogation de l'article 1251, 3o s'applique sans difficulté à toutes les hypothèses dans lesquelles le solvens a payéune dette dont il était entièrement tenu à l'égard de l'accipiens avec celui ou ceux contre lesquels il prétend agir. Tel est le casdes codébiteurs d'une obligation indivisible (Bordeaux, 24 janv. 1901, DP 1902. 2. 189) ou d'une obligation solidaire (Com.12 oct. 1976, Bull. civ. IV, n o 258). De la même manière, les diverses cautions garantissant une même dette dans leursrapports entre elles, et la caution solidaire dans ses rapports avec le débiteur, peuvent invoquer la subrogation de plein droitlorsqu'elles ont payé le créancier (Toulouse, 27 déc. 1911, DP 1913. 2. 65, note H. Donnedieu de Vabres). En revanche, lesdébiteurs conjoints d'une obligation divisible sont tenus chacun pour soi puisque la dette se divise entre eux. Ils ne peuventdonc bénéficier de la subrogation de plein droit de l'article 1251, 3o (Req. 9 janv. 1899, DP 1899. 1. 297, note T. P.).

83. Il est probable que, dans l'esprit de ses rédacteurs, l'article 1251, 3o du code civil ne devait s'appliquer qu'aux coobligéstenus ensemble de la même dette. La première interprétation du texte fut d'ailleurs restrictive. Sans doute influencée parl'analyse qui voyait dans la subrogation une fiction juridique devant être strictement cantonnée, la jurisprudence exigea que

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l'obligation du solvens eût la même source que celle du débiteur contre lequel il prétendait agir. La Cour de cassation déniaainsi à l'assureur de dommages qui avait indemnisé la victime le droit d'être subrogé légalement dans les droits de celle-cicontre le tiers responsable (Civ. 2 mars 1829, préc. ; sur cette jurispr., V. supra, no 17). L'assureur est tenu en vertu ducontrat d'assurance, et non comme le tiers en vertu des principes de la responsabilité. L'assureur n'est donc pas àproprement parler tenu « avec » le responsable et, en indemnisant la victime, il n'a fait que payer sa propre dette. Uneobjection de même ordre pouvait être faite à la subrogation du coobligé in solidum qui prétend recourir contre ses codébiteursaprès avoir payé le créancier. Chaque coobligé in solidum est personnellement tenu du tout à l'égard du créancier. Chacunsupporte donc une obligation personnelle qu'il exécute lorsqu'il paie ce dernier, et il ne devrait pas pouvoir être subrogé enapplication de l'article 1251, 3o. Quant aux garants, leur subrogation supposait à l'origine, comme celle des coobligés, que lesolvens soit tenu de la même dette que le débiteur (Com. 21 oct. 1953, Gaz. Pal. 1954. 1. 18). Mais la jurisprudence aconsidérablement élargi le champ d'application de l'article 1251, 3o en permettant au solvens qui a acquitté une dettepersonnelle de l'invoquer.

b. - Subrogation du « solvens » acquittant une dette qui lui est personnelle

84. Depuis 1943, la jurisprudence admet clairement la subrogation de plein droit de l'assureur sur le fondement de l'article1251, 3o (V. supra, no 19). Doit donc être cassé l'arrêt qui rejette la subrogation de l'assureur d'un avocat responsable del'inexécution d'une transaction survenue entre un créancier et un débiteur, au motif que le montant de la transaction payé parl'assureur l'a été, non pour acquitter partie de la dette du débiteur de la transaction au paiement de laquelle l'assureur n'étaittenu à aucun titre, mais pour indemniser le créancier, client de l'avocat, des conséquences de la faute de celui-ci. En versantau créancier, en exécution de la dette de réparation de son assuré, la somme prévue par la transaction, l'assureur a par làmême libéré le débiteur de la dette dont celui-ci demeurait tenu envers son créancier (Civ. 1 re, 7 nov. 1995, Bull. civ. I, n o 397,D. 1996. 335, obs. D. Mazeaud ). Il en va de même de l'assureur de responsabilité d'un notaire qui indemnise le prêteur dudommage causé, à la suite du non-remboursement de prêt, par la faute du notaire qui avait débloqué les fonds avant derecevoir l'état hypothécaire des biens donnés en garantie. L'emprunteur ne saurait tenir en échec l'action subrogatoire del'assureur, fondée sur un accord entre ce dernier et le prêteur, en soutenant que l'assureur avait payé la créance indemnitairedu prêteur contre le notaire et qu'il ne pouvait donc être subrogé que dans les droits du prêteur (Civ. 1 re, 24 oct. 2000, no 98-22.888 , RJDA 2001. Comm. 499). Quant à la subrogation du coobligé in solidum, elle est également désormais bien acquise(Civ. 1re, 3 nov. 1958, Gaz. Pal. 1959. 1. 13 ; 23 oct. 1984, Bull. civ. I, n o 276). Une grand-mère tenue, en vertu des articles205 et 207, alinéa 1er, à une obligation alimentaire à l'égard de son petit-fils dispose donc d'un recours fondé sur lasubrogation de plein droit de l'article 1251, 3o contre le père de l'enfant coobligé pour les sommes qu'elle a payées excédantsa part contributive, compte tenu des facultés respectives des codébiteurs (Versailles, 29 sept. 1989, 2e esp., D. 1992. 67,note T. Garé ). C'est entre coauteurs d'un même dommage que la subrogation de plein droit trouve le plus souvent às'appliquer. Elle vaut que les débiteurs soient tenus par application de la responsabilité délictuelle (Civ. 2 e, 11 févr. 1981,D. 1982. 255, note E. Agostini, dans le cas d'un accident de la circulation mettant en cause un cyclomoteur et un camion), oupar application de la responsabilité contractuelle (Civ. 1 re, 23 oct. 1984, préc. ; 6 juill. 1988, Bull. civ. I, no 231), ou encore quel'un d'entre eux soit tenu contractuellement et l'autre délictuellement (Civ. 16 mars et 21 déc. 1943, DC 1944. 38, note P. L.-P.). L'absence de liens contractuels entre les coauteurs du dommage ne peut donc constituer un obstacle à la subrogation.Doit être cassé l'arrêt qui a écarté le recours en garantie d'un médecin ayant indemnisé un patient de l'intégralité dudommage causé par la présence d'un corps étranger dans son abdomen contre deux de ses confrères sans se prononcer surleurs fautes éventuelles, au motif que ces trois médecins n'étaient pas unis par un lien contractuel (Civ. 1 re, 7 juin 1989, Bull.civ. I, no 231, D. 1989. IR. 204). Les recours subrogatoires se développent désormais dans le domaine des troubles duvoisinage liés aux opérations de construction, dans les rapports du maître de l'ouvrage avec les constructeurs, et dans lesrapports des constructeurs entre eux (V. not., Civ. 3 e, 20 déc. 2006, D. 2007. 148, obs. Gallmeister , et p. 1472, obs. Karila

, RTD civ. 2007. 360, obs. Jourdain ; 26 avr. 2006, D. 2006. 2504, note Karila ).

85. Le fondement de cette jurisprudence est connu (V. supra, no 21). Selon la Cour de cassation, « celui qui s'acquitte d'unedette qui lui est personnelle peut néanmoins prétendre bénéficier de la subrogation s'il a, par son paiement, libéré envers leurcréancier commun ceux sur qui doit peser la charge définitive de la dette » (Civ. 1 re, 22 juill. 1987, et Com. 9 mai 1990, préc.supra, no 21). Deux conditions sont donc aujourd'hui nécessaires et suffisantes pour l'application de l'article 1251, 3o. D'unepart, il faut que par son paiement le solvens ait libéré le débiteur de sa dette à l'égard de leur créancier commun. D'autre part,il faut que le solvens n'ait pas à supporter seul totalement la charge du paiement parce que le poids définitif doit s'en reporteren tout ou partie sur un tiers. À cet égard, il convient d'observer qu'il n'est pas nécessaire que ce tiers ait d'ores et déjà étécondamné pour que la subrogation de plein droit s'applique. La solution résulte d'un arrêt de la troisième chambre civile de laCour de cassation du 3 décembre 1985 (Bull. civ. IV, n o 288, RTD civ. 1986. 754, obs. J. Mestre) qui a censuré des juges dufond pour avoir refusé à un maître de l'ouvrage condamné à indemniser les propriétaires voisins des désordres liés à laconstruction d'un immeuble le droit de recourir ultérieurement contre l'entrepreneur responsable (V. égal., en matière deresponsabilité médicale : Civ. 1 re, 1er févr. 2005, no 03-18.052 , RGDA 2005. 406, obs. Vincent). Selon les premiers juges, ileût fallu que le maître de l'ouvrage ait été tenu avec l'entrepreneur au paiement de la dette, ce qui n'était pas le cas puisqueseul le maître de l'ouvrage avait été condamné (et pour non-respect de l'obligation de ne pas dépasser les inconvénientsnormaux de voisinage). En revanche - c'est la nouveauté -, peu importe que le solvens et le tiers ne soient pas tenus de lamême dette, mais de dettes différentes. C'est cette suppression de la condition d'identité de dette du solvens et du débiteurqui permet la subrogation de plein droit du solvens qui acquitte une dette qui lui est personnelle.

86. Le fait que le solvens ait acquitté une dette dont le tiers contre lequel il prétend agir n'est pas tenu à l'égard de l'accipiensn'est pas un obstacle à la subrogation de plein droit de l'article 1251, 3o du code civil. Viole donc ce texte la cour d'appel quirefuse le bénéfice de la subrogation à un transporteur ayant indemnisé l'expéditeur de marchandises du dommage résultantde la violation de l'obligation de vérifier l'octroi du crédit documentaire préalablement à la livraison, aux motifs que letransporteur lié à l'expéditeur par un contrat de transport n'est tenu ni avec les sociétés destinataires, ni pour elles, aupaiement du prix des marchandises, et que, s'il a été appelé à verser une somme équivalant à ce prix, c'est à titre dedommages-intérêts pour les fautes commises dans l'exécution de son mandat (Com. 9 mai 1990, Bull. civ. IV, n o 146 D. 1990.

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IR. 161, RTD civ. 1990. 662, obs. J. Mestre ).

8 7 . Certains auteurs relèvent le caractère insolite de cette subrogation. Dans ces hypothèses le solvens n'est pas àproprement parler tenu avec d'autres ou pour d'autres. Il paie une dette qui est exclusivement la sienne ; il ne paie pas pourautrui (SÉRIAUX, op. cit., p. 634). Il est vrai que la jurisprudence a considérablement élargi le champ d'application de l'article1251, 3o du code civil en ignorant quelque peu sa lettre. Alors que le texte suppose que le solvens et le débiteur sont tenusde la même dette, la jurisprudence moderne permet la subrogation alors qu'ils sont tenus à l'égard de l'accipiens par desobligations qui n'ont pas leur source dans le même acte ou dans le même fait. L'identité de dette n'est plus une condition dela subrogation légale. La condition d'intérêt au paiement ayant par ailleurs perdu depuis longtemps toute autonomie(V. supra, no 77), l'article 1251, 3o doit donc désormais s'entendre comme accordant la subrogation de plein droit « au profitde celui qui est tenu avec d'autres ou pour d'autres au payement », c'est-à-dire au profit de celui qui est obligé dedésintéresser le créancier alors qu'il ne doit pas supporter seul la charge définitive totale du paiement.

88. Quant à la formule « tenu avec d'autres ou pour d'autres », elle a aussi par voie de conséquence changé de sens sousl'influence de la jurisprudence. Elle ne veut plus dire que le poids total ou partiel de la dette même dont le solvens était tenudoit se reporter sur autrui. Elle signifie seulement que le solvens ne doit pas assumer totalement et définitivement la chargedu paiement parce qu'un tiers se trouve également obligé (éventuellement par l'effet d'un autre acte ou d'un autre fait) àl'égard de l'accipiens. Ce n'est donc que dans le cas où le solvens doit assumer définitivement et totalement le paiement qu'ilne peut invoquer utilement le bénéfice de l'article 1251, 3o du code civil. C'est uniquement avec ce sens que l'on peut encoredire que la subrogation ne peut pas jouer au profit de celui qui acquitte une dette personnelle (V. supra, no 22). Lasubrogation légale doit ainsi être refusée au solvens qui, bien que tenu avec d'autres, s'est engagé vis-à-vis de sescodébiteurs à supporter seul la charge de la dette (Req. 5 mai 1890, DP 1891. 1. 482). En revanche, peu importe que lesolvens ait exécuté une obligation qui lui était personnelle par sa source dès lors qu'il ne doit pas assumer seul la chargedéfinitive totale du paiement.

89 . Une autre extension de la subrogation légale consisterait à l'admettre au profit du solvens seul obligé à l'égard del'accipiens, mais qui a libéré par son paiement un tiers qui, bien que n'étant pas obligé par rapport à l'accipiens, doit quandmême supporter la charge définitive de la dette. Cette nouvelle conquête de l'article 1251, 3o du code civil a été écartée parun arrêt de la chambre commerciale du 3 décembre 1985 dans une espèce où une caution pour le règlement de diversesdettes fiscales de sociétés civiles immobilières s'était retournée, après paiement au Trésor public, contre un contre-garant. Ladécision qui avait admis la subrogation de la caution dans le privilège du Trésor est cassée au motif que la cour d'appel a violél'article 1251, 3o, dès lors que le contre-garant n'était pas obligé envers le Trésor (Com. 3 déc. 1985, préc. supra, no 85). Bienque l'on puisse faire état d'une jurisprudence contraire peu connue (J. MESTRE, obs. préc., RTD civ. 1986. 754, et op. cit.,p. 202 et s.), la solution paraît incontestable puisqu'une condition élémentaire de la subrogation fait défaut dans cettehypothèse. Le débiteur définitif de la dette n'étant pas obligé à l'égard de l'accipiens, celui-ci n'a pas de droits qui pourraientêtre transmis par subrogation au solvens (en ce sens : SÉRIAUX, op. cit., no 173, note 93).

§ 2 - Autres cas de subrogation prévus par le code civil

90. L'article 1251 du code civil contient désormais quatre autres cas de subrogation légale : celle du créancier qui paye unautre créancier qui lui est préférable à raison de ses privilèges ou hypothèques (C. civ., art. 1251, 1 o), celle de l'acquéreurd'un immeuble qui paye sur le prix les créanciers hypothécaires (C. civ., art. 1251, 2 o), celle de l'héritier acceptant àconcurrence de l'actif net qui paye de ses deniers les dettes de la succession (C. civ., art. 1251, 4 o) et, depuis la loi du 23 juin2006, la subrogation de celui qui a payé de ses deniers les frais funéraires pour le compte de la succession (C. civ., art. 1251,5o).

A. - Subrogation du créancier payant un autre créancier préférable en raison de ses privilèges ouhypothèques (C. civ., art. 1251, 1o)

91. Selon l'article 1251, 1o, du code civil, la subrogation a lieu de plein droit « au profit de celui qui étant lui-même créancier,paye un autre créancier qui lui est préférable à raison de ses hypothèques et privilèges ». Cette subrogation est destinée àpermettre à un créancier primé par un créancier de rang préférable d'empêcher ce dernier de poursuivre la vente forcée desbiens en temps inopportun, pour un prix suffisant à le payer, mais ne permettant pas de désintéresser les créanciers de ranginférieur. Elle permet aussi de diminuer les frais de distribution en réduisant le nombre des créanciers. Contrairement à lasubrogation de l'article 1251, 3o, la jurisprudence en a fait une application stricte en refusant d'en assouplir les conditions.Ces conditions tiennent, d'une part, à la qualité de l'auteur du paiement, d'autre part, à celle du créancier qui le reçoit.

a. - Conditions tenant au « solvens »

92. La subrogation de l'article 1251, 1o du code civil ne peut profiter qu'au solvens qui a une créance à faire valoir contre ledébiteur. Cela résulte clairement de la lettre du texte qui réserve la subrogation à celui qui est « lui-même créancier ». Mais ilimporte peu qu'il s'agisse d'un créancier privilégié ou hypothécaire de rang inférieur à l'accipiens ou d'un simple créancierchirographaire (Caen, 26 nov. 1870, DP 1873. 2. 181, S. 1871. 2. 263 ; Civ. 15 mars 1875, DP 1875. 1. 273, S. 1875. 1. 311).

93. L'origine des deniers grâce auxquels le solvens a payé le créancier de rang préférable est par ailleurs sans incidence. Lasubrogation joue que la créance ait été payée grâce à des fonds lui appartenant en propre ou grâce à des fonds empruntés(Civ. 22 déc. 1846, DP 1847. 1. 5 ; 7 nov. 1854, DP 1854. 1. 409, qui précisent en outre que peu importe que par l'effet d'unecession ou d'une subrogation conventionnelle ultérieure, le bénéfice de la subrogation légale arrive finalement au bailleur defonds au lieu de rester au créancier qui a payé). En revanche, la subrogation de l'article 1251, 1o du code civil ne peuts'appliquer lorsque le créancier a été désintéressé au moyen de fonds appartenant au débiteur lui-même. C'est ce qu'uneancienne jurisprudence a admis à propos du paiement d'un créancier privilégié par un syndic avec les deniers de la faillite.Selon la Cour, les deniers de la faillite demeurent la propriété du failli, et lorsque le syndic les emploie au nom de la masse à

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l'acquit de dettes privilégiées, c'est le failli lui-même qui en définitive paie sa propre dette avec les fonds qui lui appartiennent(Civ. 30 mars 1875, DP 1875. 1. 353, S. 1875. 1. 341).

94. Dans un domaine proche, la question s'est posée de savoir si le solvens peut prétendre à la subrogation dans les droitsdu créancier lorsqu'il acquitte la dette avec des fonds qu'il devait en principe verser au débiteur. La jurisprudence a eu à seprononcer dans des cas où un créancier de rang inférieur s'était porté acquéreur d'un immeuble hypothéqué appartenant audébiteur et où il avait employé le prix à désintéresser des créanciers préférables. La Cour de cassation avait admis que lesolvens peut invoquer la subrogation de plein droit de l'article 1251, 1o du code civil même lorsqu'il acquitte la dette avec leprix dû au vendeur (Civ. 7 nov. 1854, préc.). Mais plusieurs décisions ultérieures ont jugé que, dans ce cas, le solvens ne peutêtre subrogé qu'en application de l'article 1251, 2o et pas en vertu de l'article 1251, 1o (Req. 31 déc. 1861, DP 1862. 1. 481 ;T. civ. Toulouse, 15 juill. 1936, DP 1937. 2. 13 ; Toulouse, 16 juin 1938, Gaz. Pal. 1938. 2. 598). L'incertitude créée par cettedivergence ancienne n'offre plus guère d'inconvénient depuis que les effets de ces deux sortes de subrogation ont étérapprochés, l'acquéreur d'un immeuble hypothéqué qui désintéresse le créancier pouvant désormais se prévaloir des sûretésque ce dernier a sur d'autres immeubles (V. infra, no 112).

95 . L'étendue du paiement requis du solvens a également donné lieu à des controverses aujourd'hui apaisées. On s'estd'abord demandé si la subrogation de plein droit de l'article 1251, 1o du code civil peut se produire sur le fondement d'unpaiement partiel. La négative a parfois été soutenue au motif que, pour qu'il y ait paiement partiel, il faut que le créancier l'aitaccepté et qu'il ne peut donc y avoir dans ce cas qu'une subrogation conventionnelle ex parte creditoris. En réalité, l'article1251, 1o n'exige qu'un paiement fait par un créancier à un créancier préférable, sans préciser qu'il doit être total. Par ailleurs,l'article 1252 qui indique quels sont les effets de la subrogation en cas de paiement partiel (V. infra, no 166) vise lasubrogation « établie par les articles précédents ». Il permet donc d'envisager un paiement partiel dans le cadre de l'article1251, 1o. Enfin, si le consentement du créancier est nécessaire pour qu'un paiement partiel puisse être valablement effectué,le débiteur (ou un tiers) ne pouvant forcer à recevoir en partie le paiement d'une dette même divisible (C. civ., art. 1244), iln'en résulte pas pour autant que la subrogation repose sur le consentement du créancier. Elle a lieu de plein droit lorsque lesconditions de l'article 1251, 1o sont réunies (AUBRY et RAU, op. cit., t. 4, 5e éd., 1878, § 321). La subrogation doit donc jouerau profit du créancier qui paie partiellement avec son accord un créancier préférable, les effets de la subrogation étant alorsdéterminés par application de l'article 1252.

9 6 . Cependant, la principale difficulté concerne l'hypothèse d'un créancier titulaire de plusieurs créances dont l'une estpréférable à celle du solvens et une (ou plusieurs autres) lui est (sont) de rang inférieur. Pour bénéficier de la subrogation deplein droit, le créancier de rang intermédiaire doit-il payer toutes les créances ou lui suffit-il de payer la créance de rangpréférable ? La jurisprudence s'est en apparence divisée sur la question. Quelques décisions ont admis qu'il suffit au créancierqui veut obtenir la subrogation de l'article 1251, 1o de rembourser la créance qui le prime, sans que le créancier de rangpréférable puisse exiger le paiement d'une seconde créance dans laquelle le subrogé n'a aucun intérêt à se faire subroger(Douai, 11 avr. 1892, DP 1892. 2. 565 ; T. civ. Cambrai, 13 juin 1900, Gaz. Pal. 1901. 2. 411). Mais la jurisprudence dominantesubordonne la subrogation au paiement de toutes les créances afin d'éviter un circuit de subrogations inutiles (Civ. 2 août1870, DP 1870. 1. 346, S. 1871. 1. 25, note J.-E. Labbé ; T. civ. Lille, 21 févr. 1928, DH 1928. 248). Le créancier de premierrang, une fois payé de sa créance privilégiée, serait primé par le créancier intermédiaire pour les autres créances dont il esttitulaire. Il pourrait donc réclamer à son tour le bénéfice de la subrogation de l'article 1251, 1o dans les droits du créancierintermédiaire en désintéressant ce dernier, et ainsi de suite. En réalité, les premières décisions citées ne sont qu'enapparence contraires à cette solution de principe puisqu'elles avaient constaté que ce circuit de subrogation n'était pas àredouter compte tenu des particularités de l'espèce.

9 7 . L'attitude stricte de la jurisprudence à l'égard de la subrogation légale de l'article 1251, 1o se manifeste à traversl'exigence d'un paiement direct du subrogé au subrogeant que l'on retrouve ici (sur cette condition dans la subrogationconventionnelle par le créancier, V. supra, no 25). Par un arrêt du 27 février 1939 (Civ. 27 févr. 1939, DP 1940. 1. 24, noteL. Maguet), la chambre civile de la Cour de cassation a jugé qu'un créancier n'est subrogé de plein droit dans les sûretés d'unautre créancier qui lui est préférable en raison de ses privilèges ou hypothèques qu'à la condition que le créancier venant ausecond rang ait payé celui dont les droits le primaient. Un banquier qui a avancé au liquidateur d'une société en faillite lessommes nécessaires au paiement des salaires des ouvriers ne saurait donc être subrogé de plein droit dans leur privilège dèslors qu'il ne les a pas payés mais qu'il a seulement consenti un prêt à cet effet. Peu importe que l'emploi des sommesavancées ait été spécifié et qu'elles aient effectivement reçu la destination prévue (même arrêt ; V. égal. : Com. 3 janv. 1956,Bull. civ. III, no 4, pour des sommes avancées dans le même but par un créancier). Pour la même raison, la subrogation doitégalement être refusée au créancier qui se borne à verser au débiteur les fonds nécessaires au paiement du créancierpréférable (Douai, 1er mai 1905, DP 1906. 2. 219). Mais sans doute convient-il de réserver désormais l'hypothèse danslaquelle le paiement aurait été effectué par le débiteur lui-même en qualité de mandataire du prêteur des fonds (sur cetteatténuation de l'exigence du caractère direct du paiement, V. supra, no 29). Par ailleurs, l'exigence d'un paiement direct peutsans doute être tournée lorsque le paiement a été effectué par un créancier de rang inférieur grâce à des fonds empruntés.Les décisions qui ont admis que cette origine des fonds n'empêche pas la subrogation légale de jouer ont en effet précisé qu'ilimporte peu que par l'effet d'une cession ou d'une subrogation conventionnelle ultérieures, le bénéfice de la subrogationlégale arrive finalement au bailleur de fonds au lieu de rester au créancier qui a payé (Civ. 22 déc. 1846 et 7 nov. 1854, préc.supra, no 93). Bien que n'ayant pas payé directement le créancier préférable, le prêteur peut donc bénéficier de lasubrogation par l'effet combiné de la subrogation légale du solvens et d'une cession de créance ou d'une subrogationconventionnelle.

b. - Conditions tenant à l'« accipiens »

9 8 . La subrogation de l'article 1251, 1o s'applique sans difficultés lorsque le créancier désintéressé est un créancierhypothécaire ou privilégié de rang quelconque alors que le solvens est un créancier chirographaire, ou lorsqu'il est d'un rang

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préférable au solvens, lui-même créancier hypothécaire ou privilégié. Ces hypothèses entrent indiscutablement dans lesprévisions du texte qui vise le paiement d'un créancier « préférable à raison de ses privilèges ou hypothèques ». Mais lasubrogation peut-elle également s'appliquer lorsque le créancier est préférable au solvens à raison de sûretés d'une autrenature, voire à raison de simples garanties ? La question s'est posée jadis pour la subrogation du solvens dans l'action enrésolution de la vente pour non-paiement du prix. Il s'agissait de savoir si le créancier d'un acheteur d'immeuble peut imposerla subrogation légale de l'article 1251, 1o au vendeur qui n'entend pas se prévaloir de son privilège sur l'immeuble, maisseulement de son droit de demander la résolution de la vente. Depuis un arrêt de la chambre civile de la Cour de cassation du3 juillet 1854 (Civ. 3 juill. 1834, DP 1854. 1. 247, S. 1854. 1. 423), la jurisprudence répond à cette question par la négative(V. Civ. 4 mars 1901, DP 1905. 1. 11, S. 1904. 1. 129, note crit. P. Lacoste, RTD civ. 1904. 426, obs. R. Demogue ; Civ. 3 e,29 mai 1969, Bull. civ. III, no 431). Selon la Cour de cassation, la subrogation légale est une dérogation au principe généralqui ne permet d'acquérir les droits d'autrui que par un concours de volontés ; elle est donc de droit étroit et ne peut êtreexigée que dans les cas prévus par la loi et à la condition de ne pas nuire au créancier. Or, l'article 1251, 1 o suppose leconcours de divers créanciers qui ne différent entre eux que par leur rang ou ordre de préférence et qui sont dépourvus detout intérêt à refuser le paiement provenant d'un créancier auquel ils seraient préférables, plutôt que du débiteur lui-même. Ilexclut donc la subrogation d'un créancier prétendant se substituer par sa seule volonté à un autre créancier s'abstenant detoute cause de préférence et exerçant seulement un droit de résolution (Civ. 3 juill. 1854, préc.). Le droit d'intenter l'actionrésolutoire est distinct du privilège du vendeur (Civ. 4 mars 1901, préc.), et le vendeur qui poursuit la résolution de la ventene peut être assimilé à un créancier simplement hypothécaire ou privilégié qui poursuit le recouvrement de sa créance et nepeut en refuser le paiement par un autre créancier (Civ. 3e, 29 mai 1969, préc.).

99. La doctrine classique se montrait pour sa part plutôt hostile à la subrogation du créancier dans les sûretés d'une natureautre que l'hypothèque ou le privilège, ou dans un droit préférentiel autre qu'une sûreté stricto sensu. La subrogation dansles droits du rétenteur doit être exclue parce qu'il n'est pas préférable au solvens au sens de l'article 1251, 1o, et il en va demême de la subrogation dans un droit d'antichrèse qui confère, outre un droit de préférence limité aux fruits, un simple droitde rétention (AUBRY et RAU, op. cit., 6e éd., t. 4, § 321 ; contra : PLANIOL et RIPERT, op. cit., t. 7, no 1230, qui observent quel'antichrèse s'analyse en un nantissement des revenus). Quant à la subrogation dans les droits du créancier gagiste, elledevrait être admise puisque le gage procure au créancier un privilège sur le bien gagé (C. civ., anc. art. 2073, devenu C. civ.,art. 2333, Ord. no 2006-346, 23 mars 2006 ; en ce sens : BAUDRY-LACANTINERIE, Traité théorique et pratique de droit civil,t. 2, no 1546). Mais la remise du bien gagé entre les mains du créancier peut faire obstacle à la subrogation. En effet, si celle-ci s'opérait, il faudrait que le bien gagé soit remis au subrogé. Or, selon l'article 2076 ancien du code civil, le privilège nesubsiste sur le gage qu'autant qu'il est resté en la possession du créancier. Dans ce cas, la subrogation légale est doncimpossible, car elle ferait disparaître le droit de gage (AUBRY et RAU, op. et loc. cit.). Seule une subrogation conventionnelle parle débiteur serait possible, la subrogation légale ne pouvant avoir lieu qu'en cas de remise du bien à un tiers convenu.

Lire la mise à jour99. Simplification du droit : le terme « antichrèse » est remplacé par« gage immobilier ». - La loi no 2009-526 du 12 mai 2009 desimplification du droit (pour une présentation, V. D. 2009. 1332 ) a supprimé le mot « antichrèse ». Le chapitre II estrenommé : « Du gage immobilier ». Dans les articles 2387 à 2392 du code civil, le mot « antichrèse » est remplacé par les mots« gage immobilier » et les termes « créancier antichrésiste » sont remplacés par les mots : « créancier titulaire d'un droit degage immobilier ». L'article 2387 est rédigé ainsi : « Le gage immobilier est l'affectation d'un immeuble en garantie d'uneobligation ; il emporte dépossession de celui qui le constitue. ».Imputation des paiements : le privilège général mobilier des fournisseurs de tabac n'est pas un gage. - Le privilège général mobilierprévu par l'article 1928 du code général des impôts est distinct de la sûreté conventionnelle que constitue le gage et à proposduquel un arrêt d'assemblée plénière a pu affirmer que, lorsqu'un gage garantit partiellement une dette unique, le versementrésultant de sa réalisation s'impute sur le montant pour lequel la sûreté a été consentie (Com. 17 mai 2011, no 10-14.787 ,D. 2011. 1476, obs. Avena-Robardet ).

100. Cette limitation du domaine de l'article 1251, 1o est aujourd'hui fréquemment critiquée. Les sûretés autres que lesprivilèges et les hypothèques, et même les simples garanties, constituent des causes de préférence qui devraient pouvoir setransmettre à un créancier moins protégé contre l'insolvabilité du débiteur. Comme celle prévue en cas de paiement d'uncréancier hypothécaire ou privilégié de rang préférable, elle permet de réduire le nombre de créanciers, d'éviter une venteforcée réalisée dans de mauvaises conditions, voire d'éliminer un créancier hostile à un arrangement souhaité par les autres(TERRÉ, SIMLER et LEQUETTE, op. cit., no 1379). La plupart des auteurs contemporains souhaitent donc un assouplissement dela jurisprudence (FRANÇOIS, op. cit., no 472). Cependant, au moins pour ce qui concerne la subrogation dans les droits duvendeur d'immeuble exerçant l'action résolutoire, il faudrait encore lever l'objection tirée de l'intérêt du créancier à refuser lepaiement par un autre que le débiteur - qui lui permet de rentrer dans la propriété du bien - et de sa liberté de choix entrel'exécution forcée et la résolution de la vente.

B. - Subrogation de l'acquéreur d'un immeuble hypothéqué employant le prix au paiement des créanciershypothécaires (C. civ., art. 1251, 2o)

101. L'article 1251, 2o du code civil accorde la subrogation de plein droit « au profit de l'acquéreur d'un immeuble, qui emploiele prix de son acquisition au payement des créanciers auxquels cet héritage était hypothéqué ». La règle est évidemmentdestinée à protéger l'acquéreur qui est tenu en qualité de détenteur de payer toutes les créances garanties par unehypothèque sur l'immeuble. L'utilité de cette subrogation apparaît lorsque l'immeuble a été donné en garantie pour unmontant total qui dépasse le prix d'achat. Dans ce cas, lorsque l'acquéreur paie le prix aux premiers créanciers inscrits, il setrouve subrogé par l'effet de la loi dans leurs droits. Si d'autres créanciers de rang inférieur prétendent exercer leur droit desuite et faire vendre l'immeuble, l'acquéreur subrogé sur son propre immeuble dans les droits des créanciers préférablespourra les invoquer contre les poursuivants. La simple menace de l'exercice de ces droits privilégiés devrait dissuader lescréanciers de rang inférieur d'agir chaque fois que la vente sur saisie ne paraît pas susceptible de produire un prix plus élevéque celui payé par le solvens. Dans le cas contraire, l'exercice de ces droits par le solvens devrait au moins lui permettre de

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récupérer le prix qu'il a payé. De ce dernier point de vue, la subrogation légale de l'article 1251, 2o présente une inférioritéévidente sur la procédure de purge des hypothèques qui produit un effet définitif en éteignant toutes les hypothèquesinscrites sur l'immeuble, y compris celle des créanciers qui n'ont pas pu être payés en raison de l'insuffisance du prix. L'utilitépratique de la subrogation de l'article 1251, 2o est donc douteuse, même si elle peut être réalisée à un moindre coût que lapurge des hypothèques, et même si la jurisprudence a donné une interprétation libérale de ses conditions et de ses effets(J. MESTRE, op. cit., nos 119 et s.).

102 . L'articulation de ce cas de subrogation légale avec le cas général de l'article 1251, 3o du code civil est sujette àdiscussion. Une partie de la doctrine estime que la subrogation de l'acquéreur d'un immeuble hypothéqué peut êtreconsidérée comme un cas particulier de subrogation d'un solvens tenu avec d'autres ou pour d'autres (le vendeur, enl'espèce) au paiement de la dette (PLANIOL et RIPERT, op. cit., t. 7, no 1229 ; MAZEAUD et CHABAS, op. cit., t. 2, 1er vol.,no 855), et que la subrogation de l'article 1251, 3o pourrait donc s'appliquer quand celle de l'article 1251, 2o ne peut jouer.D'autres auteurs jugent, au contraire, que la subrogation de l'acquéreur de l'immeuble hypothéqué qui emploie le prix aupaiement des créanciers inscrits n'est pas une application de l'article 1251, 3o. Le solvens n'est pas à proprement parler tenuavec ou pour le vendeur, mais seulement propter rem en qualité de propriétaire de l'immeuble (MARTY, RAYNAUD et JESTAZ,t. 2, no 399, qui traitent l'hypothèse comme un cas où le solvens a acquitté une dette qui lui était étrangère). Cependant, lerapprochement avec le cas général de l'article 1251, 3o est beaucoup plus net depuis que la jurisprudence a élargi le domainede ce dernier texte en l'appliquant à toutes les hypothèses de paiement libérant un tiers à l'égard de l'accipiens, même s'ils'agit de dettes différentes (V. supra, nos 84 et s. ; en ce sens : TERRÉ, SIMLER et LEQUETTE, op. cit., no 1376 ; jugeant que lasubrogation de l'acquéreur de l'immeuble hypothéqué a une « double face » la rapprochant et l'éloignant à la fois del'art. 1251, 3o, V. FRANÇOIS, op. cit., no 475).

a. - Conditions de la subrogation de l'acquéreur

103 . La jurisprudence ancienne a été amenée à préciser les deux conditions auxquelles l'article 1251, 2o du code civilsubordonne la subrogation de l'acquéreur d'un immeuble hypothéqué. Il faut d'abord que le solvens ait payé un ou plusieurscréanciers hypothécaires. Il faut ensuite qu'il ait effectué ce paiement en qualité d'acquéreur d'un immeuble hypothéqué.

1° - Paiement des créanciers hypothécaires

104. L'article 1251, 2o du code civil réserve la subrogation de plein droit à celui qui emploie le prix « au payement descréanciers auxquels [l']héritage était hypothéqué ». Mais peu importe que le paiement ait eu lieu spontanément ou qu'il n'aitété effectué qu'après que l'acquéreur a été poursuivi par les créanciers, le texte ne faisant aucune distinction entre ces deuxhypothèses. La seule condition imposée par la loi est que le prix d'achat ait été réellement employé au paiement descréanciers hypothécaires. Le texte ne prévoit aucune formalité particulière destinée à constater cet emploi. La preuve peutdonc résulter d'une quittance authentique ou sous seing privé, ou même d'une déclaration faite par les créanciers enl'absence du débiteur (Bordeaux, 30 août 1854, DP 1855. 5. 424). Mais, comme il s'agit d'un cas de subrogation légale, celle-cijoue même si la quittance délivrée par les créanciers ne renferme aucune déclaration d'emploi ni de subrogation (Req. 11 août1852, DP 1854. 1. 318 ; Civ. 22 nov. 1893, DP 1894. 1. 153).

105. Conformément au principe général (V. supra, no 25), il importe peu que le paiement ait été effectué avec des deniersappartenant en propre au solvens ou avec des deniers empruntés. Il n'est pas non plus indispensable que l'acheteur paiedirectement le prix aux créanciers hypothécaires. Il peut le faire par l'intermédiaire d'un mandataire, notamment par le notaire,voire par le vendeur lui-même. Cependant, la subrogation ne peut jouer au profit de l'acquéreur si les créanciershypothécaires ont été payés par le vendeur avec des fonds lui appartenant. Il importe donc que l'acheteur donne clairementmandat au vendeur, auquel il verse le prix, d'utiliser celui-ci au paiement des créanciers hypothécaires. La preuve de cemandat peut résulter de la clause de l'acte de vente ou de la quittance suivant laquelle l'acquéreur n'a remis le prix auvendeur qu'à la charge de l'employer au paiement des créanciers (Agen, 7 mars 1887, DP 1888. 2. 17 ; Civ. 22 nov. 1893,préc.). En revanche, si l'acheteur a payé le vendeur sans lui donner mandat, il ne peut être subrogé aux droits des créanciershypothécaires, même si le vendeur a distribué le prix à ceux-ci (Aix-en-Provence, 21 nov. 1877, DP 1879. 2. 40).

106. L'application de ces principes a soulevé des difficultés dans le cas où le vendeur délègue l'acheteur dans le paiement duprix par une clause de l'acte de vente qui oblige l'acquéreur à payer le prix aux créanciers hypothécaires. Il a été jadis jugéqu'en adhérant à cette stipulation, l'acquéreur devient personnellement débiteur des créanciers, qu'en les payant il ne faitqu'acquitter sa propre dette et qu'il ne peut être subrogé contre lui-même (Amiens, 13 août 1824, S. Lois et arrêts, vol. 8,329). Mais cette solution a rapidement été condamnée. En acceptant la clause en question, l'acheteur manifeste au contraireclairement son intention d'employer le prix au paiement des créanciers hypothécaires et donc de bénéficier de la subrogationdans les conditions prévues par l'article 1251, 2o (Civ. 28 déc. 1853, DP 1854. 1. 10 ; 7 nov. 1854, DP 1854. 1. 409).

107. Le cas de revente de l'immeuble a aussi soulevé des difficultés lorsqu'elle intervient avant que l'acheteur intermédiaireait désintéressé les créanciers hypothécaires. Si le sous-acquéreur les paie, au profit de qui la subrogation doit-elle jouer :l'acquéreur primitif ou le sous-acquéreur ? La solution est simple lorsque le sous-acquéreur a payé en qualité de mandatairede l'acquéreur. Seul ce dernier peut alors se prétendre subrogé par application de l'article 1251, 2 o. La difficulté est plusgrande lorsque le sous-acquéreur paie pour son compte. Dans ce cas, la jurisprudence décide que c'est quand même lepremier acquéreur qui doit être subrogé dans les droits des créanciers, étant donné que le prix de revente lui appartient etque le paiement a donc été effectué de ses deniers (Civ. 29 août 1865, DP 1865. 1. 329 ; Chambéry, 13 mars 1874, sous Civ.24 janv. 1876, DP 1876. 1. 218). La solution est critiquée par certains auteurs au motif que c'est le sous-acquéreur quisupporterait en qualité de détenteur les recours des créanciers hypothécaires non désintéressés et que c'est lui qui devraitbénéficier de la subrogation puisqu'elle a justement pour objet de protéger contre l'exercice du droit de suite (L. LORVELLEC,article préc., fasc. 3, no 80).

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108. L'étendue du paiement requis de l'acheteur a également soulevé un certain nombre d'interrogations. D'abord, il estacquis que l'article 1251, 2o du code civil n'exige pas que la totalité du prix ait été employée au paiement des créanciershypothécaires. Si l'acquéreur n'a utilisé qu'une partie du prix pour payer les seules créances exigibles, par exemple, et qu'il aversé le solde au vendeur, il est subrogé dans les droits des créanciers qu'il a désintéressés. Ensuite, il a été jugé quel'acquéreur qui paie aux créanciers hypothécaires une somme supérieure au prix d'achat peut être subrogé pour l'excédent(Bourges, 20 déc. 1871, DP 1872. 2. 171 ; Douai, 16 déc. 1884, sous Civ. 28 déc. 1887, S. 1888. 1. 205 ; Req. 9 janv. 1899,sol. impl., DP 1899. 1. 297). Enfin, on s'est demandé à quelle condition la subrogation peut se produire au profit de l'acquéreurlorsqu'un créancier a plusieurs hypothèques sur l'immeuble dont une seule vient en rang utile. Faut-il que l'acquéreur paietoutes les créances garanties par une hypothèque ou suffit-il qu'il acquitte celle garantie par la première hypothèque ? C'estcette seconde solution qui paraît résulter d'un ancien arrêt qui a admis que l'acquéreur d'un immeuble peut être subrogé dansles droits d'un créancier hypothécaire qui avait été lui-même subrogé dans les droits d'un créancier préférable (C. civ.,art. 1251, 1o) en payant à ce créancier la même somme qu'il avait payée pour se faire subroger, sans avoir à régler en outrela créance garantie par l'hypothèque de rang inférieur (Caen, 7 févr. 1880, DP 1881. 2. 51).

2° - Un paiement fait en qualité de détenteur de l'Immeuble hypothéqué

109. Pris à la lettre, l'article 1251, 2o du code civil ne devrait profiter qu'à l'acquéreur d'un immeuble, mais la jurisprudence luia donné un champ d'application plus large. Il résulte d'abord d'un ancien arrêt qui a admis la subrogation de l'acquéreur d'undroit immobilier de fouille et d'extraction à perpétuité, que celle-ci ne s'applique pas uniquement à l'acquisition de la pleinepropriété, mais qu'elle s'étend à celle de tout droit réel immobilier susceptible d'hypothèque (Civ. 28 déc. 1853, préc. supra,no 106). Ensuite, peu importe le mode d'acquisition du droit considéré. L'article 1251, 2o peut être invoqué par unadjudicataire sur saisie (Caen, 21 déc. 1874, DP 1876. 2. 81 ; Req. 22 janv. 1877, DP 1877. 1. 249) ou par un adjudicatairesur surenchère (Req. 18 mars 1850, DP 1850. 1. 104 ; Angers, 7 déc. 1901, Gaz. Pal. 1902. 1. 473). Son application aégalement été admise au profit d'un acquéreur a non domino (Req. 18 mars 1850, préc.), de même qu'à celui d'un acheteurdont le titre a été ultérieurement résolu ou annulé (Req. 18 mars 1850, préc. ; 17 juill. 1861, DP 1861. 1. 480). D'un avisunanime, la subrogation doit également jouer au profit de l'échangiste, du donataire ou du légataire qui désintéresse uncréancier hypothécaire bien qu'il ne le fasse pas alors par emploi d'un prix d'acquisition.

110 . Malgré cet élargissement, la subrogation de l'article 1251, 2o du code civil demeure subordonnée à une conditionimportante. Le solvens ne peut être subrogé dans les droits des créanciers hypothécaires que s'il dispose lui-même d'unecréance à faire valoir contre le débiteur dont il a payé la dette, c'est-à-dire concrètement que s'il est évincé de l'immeuble.C'est ce qui ressort clairement d'un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation qui a censuré une décisionayant admis la subrogation conventionnelle d'un tiers dans les droits de l'acquéreur d'un immeuble hypothéqué qui avaitdésintéressé les créanciers inscrits, lui-même subrogé légalement. Ce tiers ne peut agir contre le vendeur en invoquant lasubrogation dans les droits des créanciers hypothécaires dès lors que les acquéreurs eux-mêmes ne disposaient pas de cerecours, faute d'avoir été évincés de l'immeuble (Civ. 1 re, 28 juin 1978, D. 1979. 333, note J. Mestre). La solution est conformeau fondement de l'article 1251, 2o qui tend à protéger l'acquéreur de l'immeuble hypothéqué contre un risque d'éviction.

111. Pour éviter cette condition, les acquéreurs d'immeuble hypothéqué ayant par ailleurs la qualité de créanciers inscritsavaient songé jadis à recourir à la subrogation de l'article 1251, 1o dont l'application n'est pas subordonnée à un risqued'éviction. Dans un premier temps, la jurisprudence a admis cette utilisation de l'article 1251, 1o du code civil (Civ. 7 nov. 1854,sol. impl., DP 1854. 1. 409). Mais elle l'a ensuite rapidement condamnée (Req. 31 déc. 1861, DP 1862. 1. 481, S. 1862. 1. 591).Cette subrogation permet en effet au subrogé d'invoquer les garanties prises par le créancier sur d'autres immeubles dudébiteur. L'acquéreur pourrait donc récupérer une partie du prix qu'il a payé sur les tiers détenteurs de ces immeubles (T. civ.Toulouse, 15 juill. 1936, DP 1937. 2. 13 ; Toulouse, 16 juin 1938, S. 1938. 2. 230, Gaz. Pal. 1938. 2. 598, RTD civ. 1939. 171,obs. H. et L. Mazeaud). À première vue, cette solution pourrait être aujourd'hui critiquée au motif que la subrogation del'article 1251, 2o permet aussi désormais au subrogé d'invoquer les autres garanties prises par le créancier hypothécaire(V. infra, no 112). Mais lorsque le créancier de rang inférieur est par ailleurs acquéreur de l'immeuble, il ne peut invoquer ceteffet de la subrogation pour reporter sur un tiers (le détenteur d'un autre immeuble donné en garantie) le poids de la dettedu prix d'achat qui doit lui incomber définitivement (en ce sens : J. MESTRE, note sous Civ. 1re, 28 juin 1978, préc.).

b. - Étendue de la subrogation de l'acquéreur

112. Dans un cas particulier, la subrogation de l'article 1251, 2 o du code civil soulève une importante question concernant seseffets. Il s'agit de savoir quelle est l'étendue exacte de la subrogation lorsque le créancier désintéressé par l'acheteur a inscritdes hypothèques sur d'autres immeubles appartenant au débiteur. L'acheteur est-il subrogé dans toutes ces garanties, ou lasubrogation est-elle limitée à l'hypothèque prise sur l'immeuble qu'il a acquis ? Le fondement de cette forme de subrogationparaît imposer son cantonnement aux seules garanties prises sur l'immeuble acheté. Puisqu'il s'agit de permettre àl'acquéreur évincé par l'exercice du droit de suite des créanciers hypothécaires de récupérer le prix qu'il a payé, la subrogationdans les seuls droits sur l'immeuble suffit en principe à atteindre ce résultat (T. civ. Toulouse, 15 juill. 1936, et Toulouse,16 juin 1938, préc.). Cependant, il en va différemment lorsque l'adjudication provoquée par les créanciers de rang subséquentproduit un prix moins élevé que celui payé par l'acheteur. Par ailleurs, la loi ne déroge pas expressément aux effets générauxde la subrogation pour ce cas particulier. La jurisprudence dominante paraît donc admettre que l'acheteur peut, comme lesautres subrogés, invoquer toutes les garanties dont le créancier désintéressé était titulaire, y compris celles inscrites surd'autres immeubles appartenant au débiteur (Civ. 15 janv. 1833 et Paris, 19 déc. 1835, Jur. gén., Vo Privilèges ethypothèques, no 1973 ; Paris, 20 déc. 1834, S. 1836. 2. 159 ; Civ. 21 déc. 1836, Jur. gén., Vo Obligations, no 1939 ; Req.15 avr. 1844, ibid.,eod. Vo, no 1938 ; 28 juin 1882, DP 1885. 5. 446). Cependant, en aucun cas la subrogation dans les droitsdu créancier sur les autres immeubles appartenant au débiteur ne peut être utilisée par l'acquéreur pour récupérer une partiedu prix lorsqu'il ne subit pas d'éviction, la subrogation ne pouvant jamais jouer au profit de celui qui doit supporter le poidsdéfinitif de la dette (V. supra, no 111).

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113. La subrogation de l'article 1251, 2o obéit pour le reste au principe général. L'acheteur peut invoquer tous les droitsattachés aux créances qu'il a payées, par exemple le bénéfice de l'obligation souscrite après la vente par le vendeur au profitdu créancier désintéressé, de rapporter la mainlevée des inscriptions sur l'immeuble (Civ. 3 avr. 1861, DP 1861. 1. 153), oucelui de l'action en déguerpissement résultant d'un acte authentique par lequel l'occupant de l'immeuble s'était engagé à lelaisser libre (Limoges, 25 juill. 1887, DP 1888. 2. 103). Il peut également être subrogé dans l'action paulienne exercée par lecréancier contre le vendeur (Civ. 1 re, 10 mai 1984, Bull. civ. I, no 155, RTD civ. 1985. 174, obs. J. Mestre), la disparition del'intérêt à agir du créancier postérieurement au paiement étant sans incidence sur ce transfert de l'action (Civ. 1 re, 13 janv.1993, Bull. civ. I, no 6, RTD civ. 1993. 822, obs. J. Mestre ).

C. - Subrogation de l'héritier acceptant à concurrence de l'actif net qui a payé de ses deniers les dettes de lasuccession (C. civ., art. 1251, 4o)

114. L'article 1251, 4o du code civil prévoit, dans sa rédaction issue de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successionset des libéralités, la subrogation « au profit de l'héritier acceptant à concurrence de l'actif net qui a payé de ses deniers lesdettes de la succession ». La lettre du texte a été modifiée pour tenir compte du remplacement de la notion d'acceptation dela succession sous bénéfice d'inventaire par celle d'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net. Les changementsqui ont atteint ce type d'option (V. not., SAGAUT, L'option successorale après la loi du 23 juin 2006, AJ fam. 2006. 310 ;MALAURIE, La réforme des successions et des libéralités, Defrénois 2006, art. 38482) ne paraissent pas susceptiblesd'affecter les solutions dégagées en matière de subrogation. Cette subrogation a un objet très proche de celle de l'article1251, 1o. Il s'agit de favoriser le paiement des dettes de la succession par l'héritier acceptant à concurrence de l'actif net(appelé précédemment héritier bénéficiaire) qui, contrairement à l'acceptant pur et simple, n'y est pas tenu afin d'éviter desfrais inutiles ou une exécution forcée dans des conditions défavorables. Le paiement fait par l'héritier de ses propres deniersest conforme aux intérêts du créancier, à ceux des cohéritiers et aux intérêts du solvens lui-même appelé à recueillir le reliquatd'actif de la succession.

115. Malgré la lettre du texte, cette subrogation n'est pas réservée au paiement des seules dettes de la succession. Elles'applique également au paiement des charges de la succession, notamment des droits de mutation et de délivrance des legssur son patrimoine personnel, par l'héritier bénéficiaire (Bordeaux, 15 févr. 1849, S. 1849. 2. 536). En revanche, l'héritier nepeut profiter de la subrogation que lorsqu'il a respecté l'ordre de paiement fixé par le juge en cas d'opposition des créanciers(Req. 4 juill. 1892, DP 1892. 1. 481).

116. Quant à l'étendue de la subrogation de l'héritier, il a été jugé qu'elle ne peut jouer que dans la mesure de sa parthéréditaire, même s'il a payé la totalité de la dette (Orléans, 18 avr. 1894, DP 1895. 2. 184). Au-delà de sa part, l'héritier apayé comme un tiers qui a acquitté sans y être obligé la dette d'un tiers. Cette limitation de la subrogation devrait cependantêtre écartée en cas de paiement d'une dette indivisible.

D. - Subrogation de celui qui a payé de ses deniers les frais funéraires pour le compte de la succession (C.civ., art. 1251, 5o)

117. Ce nouveau cas de subrogation légale a été introduit dans l'article 1251 du code civil par la loi du 23 juin 2006 portantréforme des successions et des libéralités. Conformément aux dispositions transitoires de la loi, il ne devrait s'appliquerqu'aux successions ouvertes après son entrée en vigueur, le 1 er janvier 2007 (L. 23 juin 2006, art. 47). Pour l'instant, il n'estpossible que d'en esquisser les grandes lignes probables, à partir d'une brève exégèse du texte. Selon les termes de la loi,cette subrogation joue « au profit de celui qui a payé de ses deniers les frais funéraires pour le compte de la succession ». Lesubrogé est défini en termes larges - « celui qui a payé » : a priori, toute personne devrait pouvoir l'invoquer, et passeulement les héritiers. Il faut, mais il suffit, qu'elle ait acquitté les frais funéraires pour le compte de la succession. Bien quel'article 1251, 5o vise un payement « de ses deniers », on peut penser qu'il importera peu que le solvens ait acquitté les fraisfunéraires avec des deniers lui appartenant en propre ou avec des fonds empruntés. En revanche, il apparaît nécessaire quece soit lui qui ait réglé la dette. La subrogation ne pourra vraisemblablement pas jouer à son profit s'il avance les fonds à lasuccession qui règle, elle-même, la dette. Quant aux effets de la subrogation, conformément aux principes généraux, elledevrait se produire automatiquement, au moment du paiement, et permettre au solvens d'invoquer à son profit l'ensembledes droits dont disposait le créancier désintéressé (V. infra, nos 129 et s.). Pour son remboursement, il pourra ainsi profiterdu privilège général mobilier prévu par l'article 2331-2o du code civil (Ord. 23 mars 2006). Ce privilège s'exercera surl'ensemble des meubles de la succession.

Art. 2 - Cas de subrogation de plein droit prévus par des lois spéciales

118. De très nombreuses dispositions extérieures au code civil prévoient une subrogation légale au profit de personnes oud'organismes ayant acquitté une dette dont elles ne doivent pas assumer la charge définitive. Certaines dispositionsspéciales ne constituent d'ailleurs que des applications de l'article 1251, 3o, le solvens pouvant être considéré comme tenuavec d'autres ou pour d'autres. Mais la loi utilise aussi ce mécanisme dans des cas où les conditions de l'article 1251, 3o nesont pas remplies (comme c'est le cas, par ex., de la subrogation du payeur par intervention d'une lettre de change ; V. infra,no 128). Le phénomène est ancien puisque la loi du 11 brumaire an VII prévoyait déjà que le conservateur des hypothèquesqui a été obligé de payer des créanciers à titre de sanction est subrogé dans les actions que ces derniers ont contre leurdébiteur. Mais l'utilisation systématique de la subrogation personnelle pour fonder le recours de ceux qui ont dû acquitter unedette ne leur incombant pas définitivement est une caractéristique de la législation moderne (J. MESTRE, op. cit., nos 234 et s.).Il est au demeurant impossible de rendre compte de manière exhaustive des textes utilisant cette technique tant lesapplications sont nombreuses. Nous ne retiendrons donc que les principales d'entre elles en observant que la subrogation estutilisée principalement à deux fins : soit comme un auxiliaire du crédit, soit, plus souvent, comme un auxiliaire de la garantie.

§ 1 - Subrogation légale, auxiliaire du crédit

119. C'est en matière d'effets de commerce et d'instruments de paiement que la subrogation joue comme auxiliaire du crédit

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119. C'est en matière d'effets de commerce et d'instruments de paiement que la subrogation joue comme auxiliaire du créditen favorisant le paiement par un autre que le débiteur. L'article L. 511-21, alinéa 9, du code de commerce (anc. art. 130, al. 9)indique ainsi que le donneur d'aval qui paye la lettre de change acquiert les droits résultant de celle-ci contre le garanti etcontre ceux qui sont tenus envers ce dernier en vertu de la lettre de change. L'article L. 512-4 (anc. art. 187) étend la règle àl'aval d'un billet à ordre, et l'article L. 131-30, alinéa 3, du code monétaire et financier (anc. art. 27, al. 3, Décr.-L. 30 oct.1935), à celui d'un chèque. De la même manière, le payeur par intervention d'une lettre de change ou d'un billet à ordreacquiert les droits résultant de la lettre de change contre celui pour lequel il a payé et contre ceux qui sont tenus vis-à-vis dece dernier en vertu de cette lettre ou de ce billet (C. com., art. L. 511-70 et L. 512-3, anc. art. 172 et 185). L'article L. 131-83du code monétaire et financier (anc. art. 73-2, Décr.-L. 30 oct. 1935) dispose que le tiré qui a payé un chèque en dépit del'absence, de l'insuffisance ou de l'indisponibilité de la provision est, sauf exception, subrogé dans les droits du porteur àconcurrence de la somme dont il a fait l'avance. Pour l'application des dispositions relatives au nantissement de l'outillage etdu matériel d'équipement, l'article L. 525-2, alinéa 6, du code de commerce assimile aux prêteurs de fonds les garants quiinterviennent en qualité de caution, de donneur d'aval ou d'endosseur dans l'octroi des crédits d'équipements. Ces personnessont subrogées de plein droit au créancier. Par ailleurs, il faut rappeler que la subrogation constitue une pièce essentielle ducautionnement. La caution qui a payé la dette est subrogée dans tous les droits du créancier contre le débiteur (C. civ.,art. 2306, Ord. 23 mars 2006 ; anc. art. 2029) et elle est déchargée de son obligation lorsque cette subrogation ne peut pass'opérer en sa faveur par le fait du créancier (C. civ., art. 2314, Ord. 23 mars 2006 ; anc. art. 2037 ; V. Cautionnement).

§ 2 - Subrogation légale, auxiliaire de la garantie

120. L'extension jurisprudentielle de la subrogation de l'article 1251, 3o (V. supra, nos 84 et s.) a démontré que celle-ciconstitue un auxiliaire irremplaçable de la garantie. Elle favorise le paiement par un autre que le débiteur grâce au transfertde la créance au solvens. Le recours ouvert à ce dernier permet en outre de reporter le poids définitif de la dette sur levéritable débiteur. Cela explique que le législateur moderne ait recours à la subrogation chaque fois qu'il faut garantir unpaiement sûr par un débiteur solvable, sans renoncer pour autant à faire supporter la charge définitive de la dette à celui quil'a fait naître. La technique concerne le paiement de toutes sortes de dettes dont le paiement doit être garanti en raison de laqualité du créancier ou de la nature de la créance (pour un panorama plus complet, V. J. MESTRE, op. cit., nos 235 et s.). Sondomaine privilégié reste quand même l'indemnisation des dommages.

A. - Garantie de paiement de créances non indemnitaires

121. La garantie de paiement d'un certain nombre de créances de l'État oblige des personnes autres que le débiteur à lesacquitter en contrepartie d'une subrogation aux droits de l'État contre le débiteur. L'article 1928 du code général des impôtsprévoit ainsi notamment la subrogation des fournisseurs de tabac, des fabricants de spiritueux et des expéditeurs deboissons dans le privilège du Trésor pour le recouvrement des droits qu'ils ont payés pour leurs clients. La loi utilise aussi lasubrogation pour la garantie de paiement de certaines cotisations sociales. Ainsi, en matière de travail temporaire, la sociétéde caution mutuelle qui garantit le paiement des cotisations obligatoires dues pour les salariés, ou, en cas d'insuffisance de lacaution, l'utilisateur des salariés qui doit payer ces cotisations, sont subrogés dans tous les droits des organismes de sécuritésociale contre l'entrepreneur de travail temporaire (C. trav., art. R. 1251-24 et R. 1251-28, renum. à compter du 1 er mai 2008,Ord. no 2007-329, 12 mars 2007 ; anc. art. R. 124-21 et R. 124-24).

122. L'aide sociale constitue aussi un domaine privilégié de la subrogation. La collectivité prend en charge les prestationsversées aux personnes nécessiteuses moyennant une subrogation légale dans leurs droits contre les débiteurs qui doiventen supporter le poids définitif. L'article L. 132-10 du code de l'action sociale et des familles prévoit que l'État ou ledépartement sont subrogés, dans la limite des prestations allouées, dans les droits de l'allocataire en ce qui concerne lescréances pécuniaires de ce dernier contre toute personne physique ou morale, en tant que ces créances sont incessibles etinsaisissables. L'article L. 262-35 dispose que l'organisme payeur du revenu minimum d'insertion est subrogé, pour le comptedu département, dans les droits du bénéficiaire vis-à-vis des organismes sociaux ou de ses débiteurs. Selon l'article L. 581-2du code de la sécurité sociale, les caisses d'allocations familiales sont subrogées pour le recouvrement de l'allocation desoutien familial dans les droits du créancier d'aliments contre les parents qui se soustraient au versement d'une pensionalimentaire fixée par décision de justice. L'article L. 524-4 (mod. L. 21 déc. 2006) accorde pareillement la subrogation dans lesdroits du bénéficiaire de l'allocation de parent isolé contre les débiteurs des droits aux prestations sociales légales,réglementaires ou conventionnelles.

123. Les créances salariales constituent une troisième grande catégorie de créances bénéficiant d'une garantie de paiementmettant en jeu la subrogation personnelle. Comme les cotisations sociales, le paiement du salaire des salariés mis à ladisposition d'utilisateurs par une entreprise de travail temporaire est garanti par un cautionnement et par la substitution del'utilisateur à l'employeur. La caution ou l'utilisateur qui a payé ces salaires est subrogé dans tous les droits des salariéscontre l'entreprise de travail temporaire (C. trav., art. R. 1251-24 et R. 1251-28 ; anc. art. R. 124-21 et R. 124-24). La garantiede paiement des salaires joue surtout en cas de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires des entreprises.La loi oblige tout employeur occupant un ou plusieurs salariés à les assurer contre le risque de non-paiement de leur salaire(C. trav., L. 3253-6 et L. 3253-8 ; anc. art. L. 143-11-1). Ce régime d'assurance est mis en oeuvre par une association crééepar les organisations nationales professionnelles d'employeurs les plus représentatives, et agréée par le ministère chargéedu travail (C. trav., art. L. 3253-14, anc. art. L. 143-11-4). Cet organisme est subrogé dans les droits des salariés pourlesquels il a effectué des avances. Cette subrogation s'opère pour l'ensemble des créances en cas de procédure desauvegarde de l'entreprise, seulement pour celles « garanties par le privilège prévu aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L.7313-8 du code du travail » (anc. art. L. 143-10, L. 143-11, L. 742-6 et L. 751-15) et « les créances avancées au titre du 3o del'article L. 3253-8 » (anc. art. L. 143-11-1, 3o), lors d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire (C. trav.,art. L. 3253-16, anc. art. L. 143-11-9, mod. par L. no 2008-126 du 13 févr. 2008 et renum. par Ord. n o 2007-329, 12 mars2007 ; l'art. L. 143-11-9 reste en vigueur « en tant qu'il s'applique aux marins » ; notons qu'il semble y avoir une erreur dansle texte de l'article L. 3253-16, ce dernier renvoyant au 3o de l'article L. 3253-8 - comme auparavant l'article L. 143-11-9renvoyait au 3o de l'article L. 143-11-1 - alors que le 3o de l'article L. 143-11-1 est devenu le 4o de l'article L. 3253-8).

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B. - Garantie de paiement de créances d'indemnisation

124. La nécessité d'une indemnisation rapide et sûre des victimes d'accident conduit aujourd'hui le plus souvent à la faireprendre en charge par un garant : État, assureur ou organisme social, qui ne doit pas en supporter le poids définitif. Grâce autransfert de créance qu'elle réalise, la subrogation légale permet alors de reporter la dette sur le responsable. L'article 1er del'ordonnance no 59-76 du 7 janvier 1959 (D. 1959. 219) prévoit ainsi que lorsque le décès, l'infirmité ou la maladie d'un agentde l'État est imputable à un tiers, l'État est subrogé de plein droit dans les droits de la victime ou de ses ayants droit pour lerecouvrement des prestations qu'il a versées.

125. L'un des textes fondamentaux en la matière fut l'article 36 de la loi du 13 juillet 1930, devenu l'article L. 121-12 du codedes assurances. Combattant la jurisprudence qui excluait l'assureur de la subrogation légale de l'article 1251, 3o (V. supra, no 17), la loi de 1930 consacra l'existence d'un recours subrogatoire de l'assureur de dommages contre le responsable :« L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits etactions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité del'assureur ». Ultérieurement, la jurisprudence a étendu cette subrogation à des assurances qui n'entraient pas dans le champd'application de la loi de 1930 (V. supra, no 19). Mais elle restait traditionnellement exclue en matière d'assurances depersonnes (vie-décès, accident corporel, maladie, invalidité…) dans lesquelles les prestations de l'assureur n'ont pas enprincipe de caractère indemnitaire. Cependant, même dans ce type d'assurances, il arrive que l'assureur serve desprestations calculées par référence au préjudice subi par l'assuré, évalué selon le droit commun. Fidèle à sa faveur pour lasubrogation, le législateur moderne l'a donc permise dans cette mesure. C'est d'abord la loi no 85-677 du 5 juillet 1985(D. 1985. 371, rect. 588), relative à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation, qui a admis lapossibilité d'aménager un recours subrogatoire de l'assureur ayant fait une avance sur recours dans le cadre d'une assuranceaccident corporel. Puis la loi du 16 juillet 1992 (art. 23) a généralisé cette possibilité en ajoutant à l'article L. 131-2 du codedes assurances un alinéa 2 qui dispose que « dans les contrats garantissant l'indemnisation des préjudices résultant d'uneatteinte à la personne, l'assureur peut être subrogé dans les droits du contractant ou des ayants droit contre le tiersresponsable, pour le remboursement des prestations à caractère indemnitaire prévues au contrat ». Cependant, le texte neprévoit encore qu'une faculté. La subrogation ne peut donc être qu'une subrogation conventionnelle reposant sur lesstipulations du contrat d'assurance. À l'inverse, c'est une véritable subrogation légale que la loi no 94-678 du 8 août 1994(art. 15, mod. L. 5 juill. 1985, art. 29) a consacrée en ajoutant les sociétés d'assurance à la liste des titulaires d'un recourssubrogatoire contre la personne tenue à réparation ou contre son assureur pour les prestations versées à la victime d'undommage résultant des atteintes à sa personne (sur le caractère indemnitaire des assurances de personnes, V. H. GROUTEL,À la recherche du caractère indemnitaire des assurances de personnes, RCA 1997. Chron. 5 ; sur l'étendue du recourssubrogatoire, V. infra, no 171).

126. Sur un plan plus général, la loi du 5 juillet 1985 (art. 28 à 34) a réglementé les relations entre les tiers payeurs et lapersonne tenue à réparation d'un dommage résultant d'une atteinte à la personne, quelle que soit la nature de l'événementayant occasionné le dommage. Destiné à éviter la prolifération des recours subrogatoires, le texte indique quels sont les tierspayeurs admis à agir (not., outre les sociétés d'assurance, les organismes gérant un régime obligatoire de sécurité sociale,l'État et les employeurs privés, les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité…) et quelles sont les prestationsouvrant droit à recours (les salaires et accessoires du salaire maintenus par l'employeur, ou les indemnités journalières et lesprestations d'invalidité versées par les groupements mutualistes, par ex.). Mettant fin à d'interminables controverses, l'article30 indique expressément que ces recours ont un caractère subrogatoire, et l'article 33 précise que, sauf exception, aucunversement effectué au profit d'une victime n'ouvre droit à une action personnelle contre la personne tenue à réparation ouson assureur (sur la mise en oeuvre de ces textes, V. Y. LAMBERT-FAIVRE, Les droits de la victime et les recours de la sécuritésociale, JCP 1998. I. 110). Afin de combattre une application jugée critiquable de ces dispositions aboutissant à permettre auxtiers payeurs de récupérer, contre le responsable, au détriment de la victime, des indemnités correspondant à des prestationsqu'elles n'avaient pas versées, la loi no 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 amodifié l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 et l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Désormais, les textes prévoientque les recours subrogatoires des caisses et des tiers payeurs « s'exercent poste par poste sur les seules indemnités quiréparent les préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel » (sur ces nouvellesdispositions, V. P. JOURDAIN, La réforme des recours des tiers payeurs : des victimes favorisées, D. 2007. Chron. 454 ;C. LIENHARD, Recours des tiers payeurs : une avancée législative significative, D. 2007. Chron. 452 ; GROUTEL, Le recoursdes tiers payeurs : une réforme bâclée, RCA 2007. Chron. 1 ; V. égal. infra, no 170).

1 2 7 . Lorsque l'indemnisation se fait par l'intermédiaire d'un fonds de garantie, celui-ci bénéficie généralement d'unesubrogation dans les droits de la victime. Tel est le cas pour le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages(ancien Fonds de garantie contre les accidents de circulation et de chasse, C. assur., art. L. 421-3) et pour le Fonds degarantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (C. assur., art. L. 422-1 ; C. pr. pén., art. 706-3 et s.). Lasubrogation dans les droits de la victime contre le responsable est également prévue au profit du Fonds d'indemnisation desvictimes de l'amiante (L. 23 déc. 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001, art. 55-VI, mod. par L. no 2002-1487du 20 déc. 2002). L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infectionsnosocomiales (CSP, art. L. 1142-22) est subrogé dans les droits du demandeur contre la personne responsable du dommageou son assureur pour la réparation intégrale des préjudices résultant des accidents médicaux, des affections iatrogènes etdes infections nosocomiales (CSP, art. L. 3131-4), dans les droits et actions des victimes contre les responsables despréjudices imputables à une vaccination obligatoire (CSP, art. L. 3111-9), dans les droits que possède la victime de préjudicesrésultant de la contamination par le virus d'immunodéficience humaine causée par une transfusion ou une injection deproduits dérivés, si ces préjudices résultent d'une faute (CSP, art. L. 3122-4). En cas de catastrophe technologique, l'assureurde dommages ou, à défaut, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, qui prend en chargel'indemnisation des préjudices est subrogé dans les droits de la victime contre le responsable de la catastrophe (C. assur.,art. L. 128-3 et L. 421-17, V. Fonds de garantie).

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128. De nombreux cas de subrogation instaurés par ces textes spéciaux (celle de l'assureur et celle des organismes sociaux,not.) constituent en réalité des applications du principe général de l'article 1251, 3o, plus certainement encore depuis que lesconditions d'application de ce dernier ont été assouplies (V. supra, nos 84 et s.). Mais certains d'entre eux ne peuvent pass'expliquer de cette manière. Ainsi, l'article L. 511-71 du code de commerce ne peut être analysé comme une application del'article 1251, 3o puisque le payeur par intervention d'une lettre de change qu'il subroge dans les droits du porteur n'est tenuni avec d'autres, ni pour d'autres. Mais même quand elles peuvent être rapprochées du principe général de l'article 1251, 3o,les subrogations spéciales s'en distinguent très fréquemment par leurs effets particuliers. Dans de nombreux cas, la loiprécise le régime de la subrogation qu'elle institue, en particulier en précisant quelle est l'étendue du recours subrogatoireouvert au solvens. Du point de vue de leurs effets, les subrogations spéciales dérogent assez souvent au droit commun de lasubrogation.

Chapitre 2 - Effets de la subrogation

129. Le code civil ne dit que très peu de choses des effets de la subrogation. De l'article 1249, on peut simplement déduirequ'elle place le subrogé « dans les droits du créancier ». Quant à l'article 1252, il indique que la subrogation a lieu tant contreles cautions que contre les débiteurs, et qu'elle ne peut nuire au créancier lorsqu'il n'a été payé que pour partie. Ces raresindications ne suffisent pas à fixer les effets de la subrogation que la jurisprudence a donc dû préciser. Elle a dans l'ensemblesoumis tous les cas de subrogation aux mêmes règles. De ce point de vue, il n'y a donc pas, en principe, à distinguer lasubrogation légale et la subrogation conventionnelle, ni, au sein de celle-ci, la subrogation ex parte debitoris et la subrogationex parte creditoris. Cette unité d'effets laisse néanmoins ici ou là la place à quelques particularités d'origine légale oujurisprudentielle.

130. Les effets de la subrogation personnelle sont commandés par un principe fondamental : le principe de l'effet translatif.C'est la créance même dont l'accipiens était titulaire contre le débiteur qui est transmise au subrogé. Le débiteur a désormaispour créancier le subrogé qui prend la place de l'accipiens dans le rapport d'obligation. L'autre idée qui commande les effets dela subrogation est que ce transfert intervient à l'occasion d'un paiement. Fondant la transmission de la créance, le paiementen détermine également l'étendue. Le solvens est subrogé dans les droits de l'accipiens dans la seule mesure où il l'a payé.Les effets de la subrogation les concernent donc au premier chef. Mais puisqu'elle comporte un transfert de créance, lasubrogation personnelle intéresse également le débiteur de la créance acquise par le subrogé et les tiers. Les effets de lasubrogation doivent donc être recherchés tant à l'égard du subrogé, que de l'accipiens, du débiteur et des tiers.

Section 1 - Effets à l'égard du subrogé

131. L'effet essentiel de la subrogation est de mettre le subrogé à la place du créancier dans le rapport d'obligation. Lesubrogé reçoit donc les droits et actions dont le solvens était titulaire contre le débiteur. Sur le fondement de cettetransmission, le subrogé peut exercer contre le débiteur un recours subrogatoire. Ce recours subrogatoire s'ajoute enprincipe à l'action personnelle dont le subrogé est par ailleurs titulaire contre le débiteur.

Art. 1 - Acquisition des droits et actions du créancier

132. Il convient d'abord d'observer que l'acquisition des droits et actions dont le créancier était titulaire n'est pas un effetobligé. Le solvens peut en principe renoncer à la subrogation. C'est ce qui ressort d'un ancien arrêt par lequel la Cour decassation a jugé qu'« aucune disposition de la loi ne s'oppose à ce que les effets de la subrogation s'éteignent etdisparaissent par l'abandon et la renonciation volontaires de celui au profit duquel ils étaient réservés », et que tel est le caslorsque le tiers qui a effectué le paiement a demandé la radiation des inscriptions des privilèges et hypothèques (Req. 1er juill.1857, DP 1857. 1. 438 ; la décision admet cette renonciation aussi bien pour la subrogation conventionnelle que pour lasubrogation légale ; pour une opinion plus nuancée n'admettant la renonciation que pour la subrogation légale et n'autorisantqu'une remise de dette avec l'accord du débiteur en matière de subrogation conventionnelle, V. J. MESTRE, op. cit., nos 350 ets.). Si la renonciation peut être tacite, du moins doit-elle être certaine, et l'acceptation d'un mandat par un coacquéreur d'unimmeuble donné par l'autre coacquéreur pour la conclusion du contrat n'implique pas nécessairement renonciation à lasubrogation de l'article 1251, 3o du code civil (Civ. 3e, 13 déc. 1968, Bull. civ. III, no 555, et sur renvoi, Amiens, 12 janv. 1970,JCP 1971. II. 16872, note M. Dagot et P. Spitéri). Lorsque la subrogation produit son effet normal, sa nature exacte semanifeste ici pleinement. Le fait qu'il s'agisse d'un transfert de créance permet de déterminer quels sont les droits transmis ausubrogé. Le fait que ce transfert intervienne sur le fondement d'un paiement explique l'étendue de cette transmission.

§ 1 - Nature des droits transmis au subrogé

133. Par hypothèse, la transmission, par voie de subrogation, d'un droit du subrogeant au subrogé suppose que ce derniersoit titulaire de la prérogative considérée, au plus tard au moment de la subrogation (Orléans, 8 mars 2001, RJDA 2001.Comm. 632 ; Com. 6 mai 1997, Bull. civ. IV, n o 126, RJDA 1997. Comm. 1074). C'est la nature des droits transmis parsubrogation au subrogé qui fut jadis très discutée. Selon une première opinion, le paiement effectué par le solvens éteint lacréance non seulement à l'égard de l'accipiens, mais également à l'égard du solvens ; seuls les accessoires en garantissant lepaiement sont transmis à ce dernier afin d'assurer le paiement d'une créance personnelle qu'il acquiert contre le débiteur(MARCADÉ, Explication théorique et pratique du code Napoléon, t. 4, no 704). Un tel système respecte parfaitement l'effetextinctif du paiement, mais il n'est pas favorable au subrogé qui ne peut exercer les droits inhérents à la créance elle-même.La majorité des auteurs classiques (DEMOLOMBE, Cours de Code Napoléon, t. 27, nos 320, 325 et s. ; LAURENT, Principes dedroit civil français, t. 18, no 3 et 5 ; AUBRY et RAU, op. cit., 6e éd., t. 4, p. 326) et la jurisprudence (Civ. 22 déc. 1846, DP 1847.1. 5 ; 9 déc. 1863, DP 1864. 1. 299, S. 1864. 1. 177) optèrent donc en faveur d'une compréhension large de l'effet translatif :le transfert des droits au subrogé porte non seulement sur les accessoires de la créance, mais également sur la créance elle-même. La seule limite concerne les prérogatives personnelles de l'accipiens intransmissibles au subrogé.

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A. - Transmission des accessoires de la créance

134 . La notion d'accessoire de la créance n'a été que récemment mise en lumière par la doctrine (M. CABRILLAC, Lesaccessoires de la créance, Études A. Weill, p. 107 et s.). Les textes du code civil en matière de subrogation ne l'utilisent pas,contrairement à la jurisprudence qui y a désormais fréquemment recours (Com. 3 juin 1982, Bull. civ. IV, n o 217 ; 15 mars1988, 2 arrêts, D. 1988. 330, note F. Pérochon, RTD civ. 1988. 791, obs. M. Bandrac, JCP 1989. II. 21348, note. M.-L. Morançais-Demeester). Selon le contenu qu'on lui donne, le transfert de certaines prérogatives appartenant au subrogeantpeut être rattaché soit à la transmission de la créance elle-même, soit à celle de ses accessoires, ce qui au demeurant n'a pasd'incidence (rattachant la transmission des actions en justice au transfert de la créance, V. par ex. : L. LORVELLEC et F. JACOB,article préc., fasc. 10, nos 33 et s. ; contra : J. MESTRE, op. cit., nos 483 et s.). En admettant que l'accessoire de la créance estun droit ou une action qui a pour finalité exclusive d'en renforcer la valeur ou d'en favoriser le recouvrement (M. CABRILLAC,article préc.), peuvent être rattachées au transfert des accessoires la transmission des sûretés, celle des garanties, desactions et des titres assortissant la créance (J. MESTRE, op. cit., nos 436 et s.). La transmission de ces accessoires constitueparfois un élément décisif du paiement avec subrogation.

a. - Sûretés

135. La transmission au subrogé des sûretés dont jouissait le subrogeant n'a jamais été discutée, l'article 1250, 1o du codecivil envisageant la subrogation du solvens dans les « droits, actions, privilèges ou hypothèques » du créancier. Seule latransmission des garanties liées à la qualité du créancier soulève des difficultés (V. infra, nos 149 et s.). Le transfert dessûretés concerne aussi bien les sûretés réelles que les sûretés personnelles, les sûretés mobilières que les sûretésimmobilières. Le subrogé recueille donc le bénéfice des hypothèques dont le subrogeant profitait (Req. 14 nov. 1893, DP1894. 1. 370 ; V. supra, nos 91 et s., la subrogation légale du créancier payant un autre créancier préférable en raison de sesprivilèges ou hypothèques), celui du privilège général mobilier du Trésor pour le recouvrement des contributions directes ouindirectes, des droits d'enregistrement et des taxes sur le chiffre d'affaires (Civ. 23 mars 1915, DP 1917. 1. 63), ou celui duprivilège du vendeur de fonds de commerce (Orléans, 14 nov. 1902, RTD civ. 1903. 167). Il peut également invoquer lecautionnement souscrit par un tiers au profit du créancier (Com. 17 déc. 1985, sol. impl., Bull. civ. IV, n o 296, RTD civ. 1987.319, obs. J. Mestre). La solution résulte clairement de l'article 1252 du code civil qui, mettant fin à une vive controverse quis'était développée sous l'Ancien Régime, dispose que « la subrogation établie par les articles précédents a lieu tant contre lescautions que contre les débiteurs ». Mais dans ce cas, le recours subrogatoire du solvens peut être paralysé s'il est lui-mêmeobligé principal (voire obligé accessoire), puisqu'au stade de la contribution à la dette, une hiérarchie doit être établie entre lacaution, simple obligé accessoire, et le solvens (J. MESTRE, obs. préc., et La pluralité d'obligés accessoires, RTD civ. 1981. 1,spéc., p. 36 ; cette hiérarchie peut aussi se retrouver dans les rapports entre plusieurs obligés accessoires : MESTRE etFAGES, obs. sous Com. 2 juin 2004, RTD civ. 2005. 398 ). Le subrogé peut également invoquer le nantissement ou le gageconsenti au profit du créancier, mais à condition que le bien lui soit remis lorsqu'il s'agit d'un gage avec dépossessionmatérielle (Req. 23 déc. 1879, DP 1880. 1. 453, S. 1881. 1. 149).

b. - Garanties

136. Au-delà des sûretés au sens strict, la subrogation permet également au subrogé d'invoquer les garanties dont lesubrogeant était titulaire (sur la distinction des sûretés et des garanties, V. not., P. CROCQ, Propriété et garantie, t. 248, Bibl.dr. privé, LGDJ, n os 262 et s. ; D. LEGEAIS, Sûretés et garanties du crédit, 6e éd., 2008, LGDJ, nos 20 et s.). La Cour decassation l'a clairement admis à propos de la clause de réserve de propriété (que l'art. 2329-4o c. civ., issu de l'Ord. 23 mars2006, qualifie pour sa part de sûreté). Par deux arrêts du 15 mars 1988 (préc. supra, no 134), la chambre commerciale a jugéque « la subrogation conventionnelle a pour effet d'investir le subrogé, non seulement de la créance primitive, mais aussi detous les avantages et accessoires de celle-ci ; qu'il en est ainsi de la réserve de propriété assortissant la créance du prix devente et affectée à son service pour en garantir le paiement ». La transmission au subrogé de la clause de réserve depropriété est clairement fondée sur le fait qu'elle constitue un accessoire de la créance. Cette nature d'accessoire de lacréance est confirmée par l'article 2367, alinéa 2, du code civil, issu de l'ordonnance du 23 mars 2006 portant réforme dessûretés, qui dispose que « la propriété ainsi réservée est l'accessoire de la créance dont elle garantit le paiement ». Le texteconfirme donc implicitement la possibilité de transmission par voie de subrogation de la clause de réserve de propriété. Laquestion se pose désormais pour la garantie autonome. Par un arrêt du 21 octobre 2004 (Com. 21 oct. 2004, Bull. civ. II,no 464, RTD civ. 2005. 398, obs. Mestre et Fages , Defrénois 2005, art. 38206, note Barthez), la chambre commerciale ajugé que l'autonomie de la garantie financière des courtiers d'assurance instituée par l'article L. 530-1 du code desassurances ne fait pas obstacle à la transmission par l'assuré qui en est le bénéficiaire, par l'effet d'une cession ou d'unesubrogation, du droit qui en est issu. Il n'est pas sûr qu'en dehors de ce cas particulier, la solution puisse être la même. Eneffet, il résulte des nouveaux textes du code civil issus de l'ordonnance du 23 mars 2006 portant réforme des sûretés, que lagarantie autonome, qu'elle introduit dans le code civil (C. civ., art. 2321) - en la qualifiant aussi de sûreté - ne devrait pas, enprincipe, être transmise par voie de subrogation. En effet, l'article 2321, alinéa 4, prévoit que « sauf convention contraire,cette sûreté ne suit pas l'obligation garantie ». Il ne pourrait donc en aller autrement qu'en vertu d'une stipulation del'engagement du garant autonome ou d'une convention souscrite au moment de la subrogation, à laquelle le garant devraitévidemment consentir.

137. Dans les arrêts du 15 mars 1988, la Cour de cassation a fourni une précision essentielle concernant le régime de lasubrogation. Elle a en effet jugé que « si le paiement avec subrogation a pour effet d'éteindre la créance à l'égard dusubrogeant, il la laisse subsister au profit du subrogé qui dispose de toutes les actions qui appartenaient au créancier et quise rattachaient à cette créance avant le paiement ». En effet, pour résister à la revendication des biens par le subrogé, lesyndic de la faillite de l'acheteur prétendait que le paiement effectué par le subrogé avait éteint la réserve de propriété ettransféré les biens à l'acheteur. Une telle analyse ruinerait évidemment la subrogation personnelle puisque toutes lesgaranties s'éteignent en principe avec le paiement ; plus aucun droit ne pourrait être transmis au subrogé. La Cour decassation l'a donc justement condamnée (dans le même sens : Civ. 1 re, 17 déc. 1983, Bull. civ. I, no 291, RTD civ. 1984. 717,obs. J. Mestre). Sur le même fondement, le subrogé devrait profiter d'autres garanties qui constituent aussi des accessoires

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de la créance, telles les « sûretés négatives » (engagement de ne pas aliéner un bien ou de ne pas constituer de sûreté), àmoins qu'elles ne constituent une prérogative attachée à la personne du subrogeant. Plusieurs de ces garanties sonttransmises sans difficulté au subrogé, car elles constituent en fait des actions assortissant la créance.

c. - Actions

138 . En principe, les actions sanctionnant la créance ou découlant de celle-ci sont également transmises au subrogé(critiquant l'idée d'une véritable transmission des actions en se fondant sur le fait que l'action n'est pas un bien qui circule, etjugeant que l'action naît en réalité en la personne du subrogé qui acquiert par le fait de la subrogation intérêt et qualité pouragir, V. J. HÉRON, note sous Civ. 1 re, 28 févr. 1995, no 93-11.310 , Justices 1996, no 3, p. 375). Le principe est mêmequ'après la subrogation, le subrogeant n'a plus qualité pour agir. Il ne peut le faire que sur le fondement d'une conventionexpresse ou tacite, dont l'existence est souverainement appréciée par les juges du fond, l'habilitant à agir en justice dansl'intérêt du subrogé (Civ. 1 re, 4 févr. 2003, no 99-15.717 , RTD civ. 2003. 298, obs. Mestre et Fages , Procédures 2003.Comm. 117, note Croze et Fradin, RCA 2003. Comm. 154, note Groutel ; V. infra, no 148). Le subrogé peut ainsi exercerl'action en responsabilité ou en garantie dont le subrogeant disposait contre un tiers (Civ. 9 déc. 1863, DP 1864. 1. 299 ;Orléans, 6 nov. 1891, DP 1893. 2. 33 ; Civ. 1re, 7 déc. 1983, Bull. civ. I, no 291, RTD civ. 1984. 717, obs. J. Mestre ; 6 juill. 1988,Bull. civ. I, no 231, RTD civ. 1989. 320, obs. J. Mestre). L'assureur ayant indemnisé le sous-acquéreur d'un bien dispose donc,contre le vendeur, de l'action en responsabilité contractuelle dont l'assuré jouit en tant que droits et actions attachés à lachose qui appartenait à son auteur (Civ. 1re, 21 janv. 2003, no 00-15.781 , Bull. civ. I, no 18, RTD civ. 2003. 298, obs. Mestreet Fages ). En matière de simulation, il peut invoquer l'acte apparent, comme l'avait fait le subrogeant, en se fondant sur saqualité de tiers à l'opération (Civ. 1 re, 31 janv. 1989, RTD civ. 1989. 544, obs. J. Mestre). La jurisprudence admet égalementavec une grande constance que le tiers subrogé dans les droits du vendeur peut agir en résolution de la vente bien que larésolution entraîne alors la restitution de la chose au subrogé et non au vendeur (Req. 28 févr. 1894, S. 1895. 1. 321, noteLacoste ; Civ. 22 oct. 1894, DP 1896. 1. 585, note P. de Loynes ; 13 févr. 1963, D. 1963. 316, note P. Voirin). Elle lui permetaussi d'exercer l'action paulienne contre le débiteur qui s'appauvrit en fraude de ses droits (Req. 25 juin 1895, DP 1895. 1.486 ; Civ. 1 re, 10 mai 1984, Bull. civ. I, no 155, RTD civ. 1985. 174, obs. J. Mestre ; 13 janv. 1993, Bull. civ. I, n o 6, RTD civ.1993. 822, obs. J. Mestre ), à la condition cependant que la subrogation soit antérieure à l'acte frauduleux (Civ. 3e, 4 févr.1971, JCP 1972. II. 16980, note M. Dagot et P. Spitéri). Elle lui ouvre également l'action oblique lorsque le débiteur négliged'exercer les droits dont il dispose contre ses propres débiteurs (Civ. 1 re, 2 déc. 1992, Bull. civ. I, no 294, RTD civ. 1993. 824,obs. J. Mestre ). Malgré le principe de l'effet translatif, il faut admettre que le subrogé peut exercer ces différentes actionsdès lors qu'elles permettent de préserver les droits qu'il recueille, même si le créancier n'a jamais eu d'intérêt à les exercer ousi cet intérêt a disparu avant le paiement (en ce sens : J. MESTRE, obs. préc., RTD civ. 1993. 822 ). Des actions, on peutrapprocher la déclaration de créances dans les procédures collectives atteignant le débiteur. Par un arrêt du 2 mai 2001 (Com.2 mai 2001, no 98-16.503 , RJDA 2001. Comm. 904), la chambre commerciale a jugé qu'une société d'affacturage, subrogéedans les droits d'une banque créancière, bénéficie de la déclaration de la créance effectuée par cette dernière dans leredressement judiciaire du débiteur.

139. Il existe cependant des hésitations pour un certain nombre d'actions (V. égal. infra, nos 152 et s.). Un arrêt de lachambre commerciale du 13 novembre 2007 (Com. 13 nov. 2007, no 06-18.978 , D. 2007. 3004, obs. Delpech ) a dénié àl'expéditeur de marchandises, subrogé dans les droits du transporteur substitué (sous-traitant) pour l'avoir payé de son fret,la garantie de paiement exclusivement réservée au transporteur (C. com., art. L. 132-8). La chambre commerciale a jugé lecontraire à l'égard du commissionnaire de transport qui a payé le voiturier et qui est subrogé dans ses droits contrel'expéditeur (Com. 2 juin 2004, Bull. civ. IV, n o 114, D. 2004. 2492, note Bon-Garcin , RTD civ. 2005. 398, obs. Mestre etFages , JCP 2004. II. 10185, note Planckeel). Par ailleurs, par un arrêt du 18 octobre 2005 (Civ. 3e, 18 oct. 2005, no 04-16.832 , Bull. civ. III, no 197, RTD civ. 2006. 317, obs. Mestre et Fages ), la troisième chambre civile de la Cour decassation a jugé que l'action en nullité relative pour dol étant réservée à celui des contractants dont le consentement a étévicié, elle ne peut être exercée par l'acquéreur d'un immeuble malgré la subrogation générale que ce dernier détenait dans lesdroits et actions du vendeur en vertu d'une clause de l'acte. La portée de l'arrêt est incertaine, car il ne s'agissait pas, enl'espèce, d'une subrogation au sens technique des articles 1249 et suivants du code civil, mais de cette sorte de substitutiongénérale dans un rapport de droit qu'envisagent parfois les parties à un acte de vente, d'une « subrogation » au sens large,donc (V. supra, no 1). Reste à savoir si dans une véritable subrogation, ce genre d'action ne pourrait pas être déniée ausubrogé sur le fondement de son caractère personnel (V. infra, nos 152 et s.).

140. Selon la jurisprudence, la subrogation du solvens dans les actions de l'accipiens connaît une limite en matière de saisieimmobilière. Elle a en effet jugé à plusieurs reprises que, si la subrogation met la tierce personne qui paie au lieu et place ducréancier pour l'exercice de ses droits de créance, le principe subit une restriction en ce qui concerne les poursuites de saisieimmobilière, la subrogation n'ayant lieu qu'en vertu d'un jugement du tribunal (Civ. 2e, 1er mars 1973, Bull. civ. II, no 87 ;21 janv. 1987, Bull. civ. II, n o 23). La solution était fondée sur les anciens articles 721 et 722 du code de procédure civile(anc.) qui disposent que « faute par le premier saisissant d'avoir poursuivi sur la seconde saisie à lui dénoncée […] le secondsaisissant pourra, par un simple acte, demander la subrogation » ; « la subrogation pourra également être demandée s'il y acollusion, fraude, négligence ou autre cause de retard procédant du saisissant » (sur ces textes, V. D. TALON, La subrogationdans les poursuites, Gaz. Pal. 2002. 1. 86). Les arrêts précités présentent cette exigence d'un jugement de subrogationcomme une exception à l'effet translatif. Le rapprochement est pourtant a priori discutable. Les articles 721 et 722 susvisésutilisaient la notion de subrogation dans un sens qui n'a rien à voir avec celui des articles 1249 et suivants du code civil. Lasubrogation du code civil est la subrogation au sens strict, c'est-à-dire la substitution d'une personne à une autre dans unrapport d'obligation sur le fondement d'un paiement. La subrogation du code de procédure civile (anc.) est le remplacementd'une personne par une autre dans l'exercice d'une action intervenant en dehors de tout paiement ; c'est de la subrogationau sens large (V. supra, no 1). Il s'agit de deux techniques très différentes. Ce n'est donc que dans le cas où le secondcréancier saisissant a désintéressé le premier (parce qu'il lui est préférable en raison de ses privilèges ou hypothèques, parex. ; C. civ., art. 1251, 1 o), où il peut bénéficier d'une véritable subrogation et exercer en principe librement les droits et

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actions du créancier, que les articles 721 et 722 susvisés entraînent une atténuation à l'effet translatif. Ces dispositions ontété abrogées par l'ordonnance no 2006-461 du 21 avril 2006 réformant la saisie immobilière. Les solutions précédemmentdégagées par la jurisprudence paraissent néanmoins susceptibles de se maintenir par application combinée des articles 10 et21 du décret no 2006-936 du 27 juillet 2006 relatif aux procédures de saisie immobilière et de distribution du prix d'unimmeuble. Le second de ces textes dispose en effet que « faute pour le précédent créancier de poursuivre la nouvelle saisie àlui dénoncée, le nouveau créancier pourra demander la subrogation dans les conditions fixées à l'article 10 », lequel exige unedécision du juge de l'exécution.

d. - Titres

141. Enfin, le subrogé peut invoquer les titres constatant la créance et se fonder sur l'existence d'un acte authentique pourreprendre une saisie (T. civ. Fontainebleau, 6 févr. 1908, DP 1908. 2. 369) ou agir en déguerpissement contre un vendeur(Limoges, 25 juill. 1887, DP 1888. 1. 103), ou sur le titre exécutoire dont dispose l'Administration pour procéder directement àl'exécution sans avoir à obtenir de jugement préalable (Caen, 4 nov. 1963, Gaz. Pal. 1964. 2. 148). La caisse d'allocationsfamiliales ayant versé l'allocation de soutien familial à titre d'avance sur le paiement de la pension alimentaire, subrogée dansles droits du créancier, peut donc saisir les rémunérations du débiteur sans avoir à obtenir un titre exécutoire pour son proprecompte, en se fondant sur celui obtenu par le créancier (Civ. 2e, 9 déc. 2003, no 02-30.647 , Bull. civ. II, no 375, Dr. et proc.2003. Comm. 167, obs. Putman). Le subrogé peut même utiliser les procédures particulières de recouvrement accordées àune catégorie spéciale de créanciers, telle la procédure de recouvrement des frais dus aux notaires, aux avocats et auxhuissiers (Civ. 30 juill. 1912, S. 1914. 1. 353), à moins qu'il ne s'agisse de procédures exceptionnelles étroitement attachées àla personne du subrogeant, comme le droit de poursuite individuelle réservé au Trésor dans l'ancienne loi du 13 juillet 1967en raison de son caractère de prérogative de puissance publique (Com. 9 févr. 1971, Bull. civ. IV, no 39).

B. - Transmission de la créance

142. Selon une formule désormais classique, c'est la créance même dont l'accipiens était titulaire contre le débiteur qui esttransmise avec ses qualités et ses vices au subrogé. Le fait que la créance soit transmise avec ses vices explique que ledébiteur puisse opposer au subrogé les exceptions qu'il pouvait faire valoir contre le subrogeant (V. infra, nos 182 et s.). Àl'inverse, le fait qu'elle soit transmise avec ses qualités permet au subrogé d'invoquer des droits inhérents à la créance elle-même, ce qui rapproche d'ailleurs de ce point de vue la subrogation personnelle de la cession de créance.

143. D'abord, il est unanimement admis que la créance est transmise avec les caractères qui sont les siens. Sur le planprocédural, la transmission des caractères (civil ou commercial, not.) de la créance se traduit principalement à l'égard dusubrogé par un maintien de la compétence des juridictions qui pouvaient connaître initialement des litiges auxquels elle peutdonner naissance. Le Tribunal des conflits a jugé, dans une formulation de principe, « qu'une action subrogatoire ne sauraitêtre portée par le subrogé devant un ordre de juridiction autre que celui appelé à connaître de l'action qui aurait été engagéepar le subrogeant » (T. confl., 4 mars 2002, no 02-03.279 , Lebon ; T. confl., 6 mai 2002, RTD civ. 2003. 298, obs. Mestreet Fages ). Ainsi, les tribunaux judiciaires sont compétents pour juger l'action exercée par l'État à l'encontre de l'un de sesagents responsable d'un dommage causé à un autre agent, dès lors que l'action qui lui est conférée par l'ordonnance no 59-76 du 7 janvier 1959 (préc. supra, no 124) pour obtenir du tiers responsable le remboursement des prestations versées à lavictime est une action subrogatoire et relève en conséquence des tribunaux judiciaires, quelle que soit la qualité de ce tiers(Civ. 1re, 18 oct. 1989, Bull. civ. I, no 324). Le tribunal de grande instance a été jugé compétent pour connaître de l'action enremboursement intentée contre le directeur d'une agence bancaire, licencié pour avoir organisé irrégulièrement desopérations de prêt entre particuliers, par la banque subrogée dans les droits des prêteurs qu'elle a remboursés (Soc. 20 nov.1991, no 89-18.217 , Bull. civ. IV, no 520). Mais, désormais, le commettant ne dispose plus d'aucune action récursoire contreson salarié devant la juridiction de droit commun, dès lors qu'il ne peut se prévaloir d'une subrogation dans les droits de lavictime, laquelle ne dispose d'aucune action contre le préposé qui a agi dans les limites de la mission qui lui était impartie,hors le cas où le préjudice de la victime résulte d'une infraction pénale ou d'une faute intentionnelle. L'action du commettantqui nécessite l'appréciation de l'existence d'une faute dans l'exécution du contrat de travail relève de la compétence de lajuridiction prud'homale (Civ. 2e, 20 déc. 2007, D. 2008. 657, obs. Sommer et Nicoletis ). Il n'existe guère qu'une exception àla détermination de la compétence en considération de la créance du subrogeant. Elle concerne la compétence internationaleet le privilège de juridiction de l'article 14 du code civil. La jurisprudence juge en effet que le subrogé français qui vient auxdroits d'un créancier étranger peut saisir les juridictions françaises sur le fondement de l'article 14 du code civil, ce que lesubrogeant étranger ne peut pas faire (Civ. 1re, 21 mars 1966, JCP 1966. II. 14646).

144. La créance est également transmise au subrogé avec sa nature contractuelle ou délictuelle, ce qui peut avoir desconséquences extrêmement importantes. Dans le domaine de la construction, la Cour de cassation a admis que le maître del'ouvrage qui a indemnisé un tiers du dommage causé par un vice de la construction peut se retourner contre le constructeuraprès expiration de la garantie décennale, en exerçant par la voie subrogatoire l'action délictuelle qui appartenait à la victime(Civ. 3e, 8 mai 1969, D. 1969. 666 ; 5 mai 1970, sol. impl., Bull. civ. III, n o 305 ; 10 janv. et 21 févr. 1984, RTD civ. 1984. 740,obs. Ph. Rémy). Le jeu de la subrogation ouvre donc ici au subrogé un véritable choix d'actions en violation du principe dunon-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, ce qui explique les critiques doctrinales de cette solution(J. MESTRE,obs. RTD civ. 1988. 353 ; G. VINEY, La responsabilité : conditions, 1982, LGDJ, n o 225 ; écartant tout cumul, V. cep., Ph. RÉMY,obs. préc.). Le Conseil d'État retient d'ailleurs une solution contraire (CE 29 avr. 1987, SIEPARG, D. 1987. Somm. 436, obs.Ph. Terneyre ; J. MESTRE, obs. préc.).

145. Les modalités qui assortissent la créance s'imposent également au subrogé et lui profitent. Le subrogé qui a acquittéune dette solidaire ou indivisible profite de ces garanties pour obtenir le remboursement des sommes qu'il a payées. Ainsi, lacaution qui avait garanti un seul des codébiteurs solidaires peut-elle en principe recourir pour le tout contre l'un quelconquedes autres débiteurs (Civ. 6 juill. 1896, DP 1896. 1. 455, S. 1897. 1. 5, note Lyon-Caen ; 26 mai 1936, DH 1936. 379 ; 28 avr.1942, JCP 1942. II. 1988, note R. Houin). La créance est également transmise au subrogé avec sa date et son délai de

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prescription (Civ. 2e, 22 oct. 1975, JCP 1977. II. 18517, note F. Chabas et M. Saluden). La première chambre civile a ainsi jugé,au visa des articles 1251 du code civil, L. 110-4 du code de commerce et L. 124-3 du code des assurances que « celui qui estsubrogé dans les droits de la victime d'un dommage ne dispose que des actions bénéficiant à celle-ci, de sorte que son actioncontre l'assureur du responsable est soumise à la prescription applicable à l'action directe de la victime » (Civ. 1 re, 4 févr.2003, no 99-15.717 , Bull. civ. I, no 30, RTD civ. 2003. 298, obs. Mestre et Fages ). Quant à l'action de l'assureur subrogécontre le responsable, elle n'est pas soumise à la prescription biennale des actions découlant du contrat d'assurance, mais àla prescription applicable à l'action de droit commun de la victime contre le responsable (Civ. 2e, 13 mai 2004, no 03-13.126 , RCA 2004. Comm. 275), ce qui désigne, non pas le délai de droit commun de trente ans mais, précisément, le délai applicableà la prescription de l'action dont dispose la victime contre le responsable (Civ. 2e, 15 mars 2007, no 06-11.509 , RCA 2007.Comm. 201, note Groutel, où l'assureur se heurte ainsi finalement à l'ancien bref délai de l'action en garantie des vicescachés). La jurisprudence admettait aussi que le subrogé peut invoquer à son profit la stipulation d'intérêts figurant dans lecontrat unissant le créancier au débiteur, de même que les clauses d'anatocisme ou d'indexation (Civ. 1 re, 3 mai 1978, Bull.civ. I, no 173, D. 1980. 107, note M. Poulnais). Mais cette solution problématique au regard de l'étendue de la subrogation aété abandonnée (V. infra, nos 157 et s.).

146. S'agissant des clauses attributives de compétence, la Cour de cassation a jugé que « l'insertion d'une clause attributivede compétence dans un contrat international fait partie de l'économie de la convention et emporte renonciation à toutprivilège de juridiction ». Elle en a déduit que cette clause s'impose aussi bien à l'égard de l'ancien titulaire du droit qu'àl'assureur français subrogé (Civ. 1re, 25 nov. 1986, RTD civ. 1987. 547, obs. J. Mestre).

Lire la mise à jour146. Transmission de la clause de conciliation préalable. - Les demandeurs agissant, par subrogation dans les droits et actionsdu vendeur d'un immeuble à l'égard de l'architecte, sur le fondement contractuel à l'encontre de ce dernier, la clause deconciliation préalable figurant au contrat d'architecte leur est opposable, en dépit du fait qu'ils n'en auraient pas eupersonnellement connaissance, de sorte que leur action, engagée avant toute saisine du conseil de l'ordre des architectes,est irrecevable (Civ. 3e, 28 avr. 2011, no 10-30.721 , Dalloz actualité, 23 mai 2011, obs. Dreveau).147. Finalement, tous les droits et actions attachés à la créance sont susceptibles d'être transmis au subrogé dès lors qu'ilsne s'agit pas de prérogatives personnelles réservées au créancier (sur l'étendue des droits transmis à l'acquéreur d'unimmeuble employant le prix à désintéresser les créanciers hypothécaires, V. supra, nos 112 et s.). Encore faut-il que cesdroits existent au moment de la subrogation ; ceux qui ont cessé d'appartenir au subrogeant ou dont la cause a cesséd'exister à son profit ne passent pas au subrogé (Req. 12 déc. 1898, DP 1899. 1. 345). Tel est notamment le cas lorsque lesubrogeant a valablement renoncé avant le paiement à un privilège ou à une hypothèque garantissant la créance (Civ.29 janv. 1855, DP 1855. 1. 172). En outre, le subrogé ne profite des droits et actions du subrogeant qu'en respectant leslimites qui les affectent. Comme l'a très bien dit la Cour de cassation, « si la subrogation investit le subrogé de la créanceprimitive avec tous ses avantages et accessoires, le subrogé n'a pas plus de droits que le subrogeant au lieu et place duquelil agit » (Com. 27 juin 1989, Bull. civ. IV, no 205, RTD civ. 1990. 76, obs. J. Mestre) . Par conséquent si une clause de réservede propriété avait été stipulée par un vendeur de marchandises, elle est opposable à l'affactureur subrogé dans les droits del'acquéreur comme elle l'était à celui-ci (même arrêt).

148. En revanche, rien n'oblige le subrogé à exercer par lui-même les droits et actions qu'il a acquis par subrogation. Il peutles mettre en oeuvre par l'intermédiaire d'un tiers et donc les laisser exercer par le subrogeant. C'est ce qui résulte clairementd'un arrêt du 17 décembre 1985 (Com. 17 déc. 1985, Bull. civ. IV, n o 296, RTD civ. 1987. 319, obs. J. Mestre) par lequel lachambre commerciale de la Cour de cassation a jugé qu'« aucune disposition n'oblige le subrogé à faire valoir les droits qu'il aacquis et qu'il peut laisser exercer par le subrogeant ». La Cour reconnaît ainsi que le subrogeant peut agir non seulement enqualité de mandataire du subrogé, mais également en qualité de prête-nom, mettant fin ainsi à une longue controverse(J. MESTRE, obs. préc.). La solution a été réaffirmée par un arrêt de la chambre commerciale du 23 janvier 2001 (Com. 23 janv.2001, D. 2001. 858, obs. Lienhard , RTD civ. 2001. 592, obs. Mestre et Fages , RJDA 2001. Comm. 606) qui en déduit quele subrogeant peut déclarer la créance dans la procédure de redressement judiciaire du débiteur (il semble en allerdifféremment en cas de subrogation légale qui, par son effet automatique, fait sortir la créance du patrimoine du subrogeantet oblige le subrogé à déclarer la créance : Com. 13 avr. 1999, RJDA 1999. Comm. 695). Cependant, le principe demeurequ'après la subrogation, le subrogeant n'a plus qualité pour agir (V. supra, no 138). Il ne peut donc le faire que sur lefondement d'une convention expresse ou tacite, dont l'existence est souverainement appréciée par les juges du fond,l'habilitant à agir en justice dans l'intérêt du subrogé (Civ. 1 re, 4 févr. 2003, no 99-15.717 , RTD civ. 2003. 298, obs. Mestreet Fages , Porcédures 2003. Comm. 117, note Croze et Fradin, RCA 2003. Comm. 154, note Groutel). En revanche, lesubrogeant conserve intérêt et qualité pour interjeter appel, même après la subrogation, dès lors qu'il a été condamné enpremière instance et qu'il n'a pas renoncé à l'appel (Civ. 1 re, 28 févr. 1995, no 93-11.310, Bull. civ. I, no 102, Justices 1996,no 3, p. 375, note J. Héron). Dans l'hypothèse où l'appel a ainsi été formé par le subrogeant, le subrogé peut intervenir encause d'appel dès lors qu'il y a intérêt. Néanmoins, après la subrogation, le subrogé devrait pouvoir former appel pourdéfendre ses intérêts lorsque le subrogeant ne le fait pas (J. HÉRON, note préc.).

C. - Exclusion des prérogatives personnelles de l'accipiens

149. De manière tout à fait traditionnelle, l'effet translatif de la subrogation connaît une limite pour ce qui concerne lesavantages considérés comme purement personnels au subrogeant. Par faveur pour l'effet translatif, la jurisprudence tend àrestreindre le nombre de ces prérogatives (aux ex. cités infra, ne s'ajoutent guère, en vertu d'une ancienne jurisprudence,quela procédure spéciale permettant à l'État d'agir en résolution d'une vente de biens domaniaux et l'ancien droit depoursuite individuelle du Trésor en cas de faillite : J. MESTRE, op. cit., nos 526 et s.). Mais ses solutions sont difficiles àsynthétiser, et une assez grande incertitude règne sur les critères qui permettent de dire si telle ou telle prérogative esttransmissible ou non par voie de subrogation.

150. L'hypothèse la plus claire est celle dans laquelle les parties ont fixé elles-mêmes le sort des avantages accordés aucréancier. Lorsqu'elles les lui ont réservés exclusivement, qu'elles ont conféré au droit considéré un caractère intuitu personae,

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celui-ci ne peut être transmis au subrogé. Ainsi, la caution du locataire d'un matériel loué en crédit-bail, agissant contre levendeur en qualité de subrogé dans les droits de l'acheteur, ne peut réclamer au vendeur la reprise du matériel dès lors quel'engagement de reprise souscrit par celui-ci l'a été au profit exclusif du bailleur (Com. 25 avr. 1983, D. 1984. 417, notePh. Delebecque).

151. La solution est encore relativement simple lorsque la prérogative considérée est à l'évidence intimement liée à desqualités personnelles du subrogeant qu'on ne retrouve pas chez le subrogé. La Cour de cassation a ainsi justement jugé, àplusieurs reprises, que la suspension de la prescription dont bénéficie un mineur sur le fondement de l'article 2252 du codecivil lui est purement personnelle et cesse de produire effet à l'égard de la partie subrogée dans ses droits à partir du jour dela subrogation (Civ. 2e, 25 nov. 1992, Bull. civ. II, n o 277, RTD civ. 1993. 128 , obs. J. Mestre ; 31 janv. 1996, no 94-13.665

, RCA 1996, no 122). C'est également de cette manière que peut s'expliquer la jurisprudence qui, depuis 1956, interdit à lapersonne subrogée dans les droits de la victime de se constituer partie civile devant les juridictions répressives (Crim. 2 mai1956, JCP 1958. II. 10724, note J.-P. Brunet, RTD civ. 1958. 612, obs. crit. H. et L. Mazeaud ; 16 nov. 1956, Bull. crim., n o 747,RTD civ. 1957. 347, obs. H. et L. Mazeaud ; 9 févr. 1994, no 93-83.047 , Bull. crim., no 59, RCA 1994. Comm. 404, et Chron.38, par CONTE ; 26 sept. 1996, no 96-80.679 , Bull. crim., no 332, RCA 1997. Comm. 8). La constitution de partie civile quidéclenche l'action publique doit être réservée aux victimes ayant souffert de l'infraction (J. MESTRE, op. cit., no 532).

152. En revanche, dans d'assez nombreuses hypothèses, il est a priori difficile de dire si le droit ou l'action considéré estexclusivement attaché à la personne du subrogeant ou non (critiquant la jurisprudence pour l'insécurité qu'elle fait naître etpour le risque de décourager le paiement par autrui, V. J. MESTRE, obs. sous Com. 12 nov. 1985, RTD civ. 1986. 351). Il résulted'un arrêt de la chambre commerciale du 26 novembre 2002 (Com., 26 nov. 2002, Bull. civ. II, n o 179, RTD civ. 2003. 298, obs.Mestre et Fages , RJDA 2003. Comm. 430) que le droit de propriété que le code général des impôts réserve, jusqu'à leurvente au détail par le débitant, au fournisseur de tabacs est une prérogative insusceptible de transmission par voie desubrogation, ce qui n'est pas une solution évidente. La question de la transmission des actions au subrogé se pose enparticulier pour certaines actions en responsabilité ou en indemnité. Une jurisprudence classique juge ainsi que laresponsabilité de plein droit édictée par l'article 1384, alinéa 1er, du code civil l'a été en faveur des victimes du dommage quipeuvent seules en invoquer le bénéfice. Le coauteur du dommage qui a indemnisé la victime ne peut donc l'invoquer par lavoie de la subrogation contre les autres coauteurs (Civ. 2e, 10 nov. 1965, Bull. civ. II, n o 867 ; 19 nov. 1970, JCP 1971. II.16748). Mais, en réalité, ce refus n'est opposé qu'au subrogé qui a été condamné sur le fondement des articles 1382 et 1383du code civil pour avoir commis une faute, et non à celui condamné sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er (Civ. 2e,19 mai 1969, Bull. civ. II, no 162 ; 2 juill. 1969, RTD civ. 1970. 177, obs. G. Durry ; 22 oct. 1975, JCP 1977. II. 18517, noteF. Chabas et M. Saluden) ou sur celui de la violation de ses obligations contractuelles (Civ. 2 e, 11 juill. 1983, Bull. civ. II,no 152). La solution s'explique donc plutôt par la hiérarchie qui doit s'établir entre coauteurs au stade de la contribution à ladette que par une limitation de l'effet translatif (J. MESTRE, op. cit., no 537).

153. L'action en indemnisation que la victime d'un accident de la circulation tire des dispositions de la loi du 5 juillet 1985(préc. supra, no 125) suscite des difficultés. Dans un premier temps, la Cour de cassation a jugé que le conducteur d'unvéhicule impliqué dans un accident de la circulation ne peut invoquer par la voie de la subrogation les dispositions de la loi de1985 contre les coauteurs (Civ. 2e, 20 juin 1990, no 89-10.996 , Bull. civ. II, no 134 ; 20 juill. 1987, Bull. civ. II, no 164, RTDciv. 1988. 351, obs. J. Mestre). La solution pouvait s'expliquer par l'idée que le droit à indemnisation créé par la loi est uneprérogative exclusivement attachée à la personne de la victime. Néanmoins, la Cour de cassation a admis dans un deuxièmetemps que le conducteur qui a indemnisé la victime peut se prévaloir des articles 1er à 6 de la loi en tant que subrogé dansses droits (Civ. 2e, 6 mars 1991, no 89-15.697 , Bull. civ. II, no 70). Cette solution a à son tour été abandonnée par deuxarrêts du 14 janvier 1998 (Civ. 2e, 14 janv. 1998, nos 95-18.617 et 96-13.059, Bull. civ. II, nos 6 et 8, JCP 1998. II. 10045,note P. Jourdain, RCA 1998. Chron. 156, par GROUTEL ; V. égal. : Civ. 2 e, 29 avr. 1998, n o 96-17-994, Bull. civ. II, no 128). Parces décisions, la deuxième chambre civile juge, au visa des articles 1382 et 1251, que le conducteur d'un véhicule terrestre àmoteur, impliqué dans un accident de la circulation et condamné à réparer les dommages causés à un tiers, ne peut exercerun recours contre un autre conducteur impliqué que sur le fondement de ces textes. Cela implique que le conducteur ne peutinvoquer par voie subrogatoire que le seul droit commun de la responsabilité. La solution est difficilement justifiable dès lorsque la victime elle-même ne dispose pas de cette action en raison du caractère exclusif de la loi de 1985 (P. JOURDAIN, notepréc.). Elle a pourtant été réaffirmée (Civ. 2e, 20 juin 2002, no 00-20.996 , Bull. civ. II, no 136 ; 1er mars 2001, Bull. civ. II,no 31, RTD civ. 2001. 609, obs. Jourdain ), après qu'un arrêt eut fait douter de sa pérennité (Civ. 2e, 13 juill. 2000, RTD civ.2000. 855, obs. Jourdain , qui, abandonnant toute référence à la subrogation, suggérait que le recours ne pouvait êtrefondé que sur le droit commun, au titre d'une action personnelle entre codébiteurs).

154. La question de la transmission de droits et actions du créancier au subrogé a également été naguère discutée pour lesuperprivilège des salaires. La cour d'appel d'Aix-en-Provence avait jugé qu'il s'agit d'une exception au principe du classementdes privilèges, dictée dans un souci de protection des travailleurs et fondée sur le caractère alimentaire de leur rémunération.Il constitue donc une mesure attachée à la personne même des bénéficiaires que ne peut invoquer la banque ayant réglé auxsalariés le montant de leurs salaires moyennant subrogation dans leurs droits (13 oct. 1981, JCP 1982. II. 19860, noteJ. Mestre). La Cour de cassation a au contraire admis la transmission du superprivilège au banquier (Com. 3 juin 1982,D. 1982. 483, note A. Honorat) et à l'Assedic (Com. 6 juill. 1993, no 91-14.269 , Bull. civ. IV, n o 285, RTD civ. 1994. 358 ,obs. J. Mestre), puis, ultérieurement, celle du bénéfice de la garantie du paiement des salaires (AGS ; Soc. 25 avr. 1984, Bull.civ. V, n o 141, RTD civ. 1985. 383, obs. J. Mestre). Les mêmes hésitations se sont produites pour l'action tendant à faireprononcer le règlement judiciaire ou la liquidation des biens des dirigeants condamnés à combler le passif et qui nes'acquittent pas de cette dette (L. 13 juill. 1967, art. 100 anc.). Certains juges du fond avaient admis le transfert de cetteaction par voie de subrogation au banquier condamné solidairement avec les dirigeants sociaux et ayant acquitté totalementla dette (Bordeaux, 5 juill. 1984, Rev. soc. 1984. 827, note P. Le Cannu, RTD civ. 1985. 384, obs. J. Mestre). La Cour decassation refusa au contraire cette transmission de l'action au motif que le droit de faire mettre personnellement en règlementjudiciaire ou en liquidation des biens le dirigeant social est une prérogative réservée au syndic dans le seul but de faciliter

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l'apurement des dettes sociales et ne peut donc être transférée par voie de subrogation (Com. 12 nov. 1985, RTD civ. 1986.351, obs. J. Mestre). Cette décision, dont la solution pouvait valoir pour l'application de l'article 181 de la loi no 85-98 du25 janvier 1985 (J. MESTRE, obs. préc.) et, désormais, pour celle des articles L. 653-1 et suivants du code de commerce,fournit d'utiles indications sur les éléments qui devraient permettre de juger de la transmission des actions au subrogé. Ellerefuse la transmission au banquier de l'action parce que la loi l'a réservée au syndic. Le transfert au subrogé d'une actionappartenant au créancier devrait ainsi être exclue chaque fois qu'il s'agit d'une action attitrée, c'est-à-dire d'une action dont laloi réserve l'exercice aux catégories de personnes qu'elle détermine. Ce monopole devrait constituer une limite à l'effettranslatif de la subrogation et interdire l'exercice de l'action par le subrogé (sur la notion d'action attitrée, V. CORNU et FOYER,Procédure civile, 1996, nos 77 et 80).

§ 2 - Étendue de la transmission des droits au subrogé

155. Selon une solution tout à fait traditionnelle, c'est le paiement effectué par le solvens qui détermine l'étendue des droitsqu'il reçoit de l'accipiens. Le premier est subrogé au second dans la mesure où il l'a payé ; il n'a de recours subrogatoire contrele débiteur que jusqu'à concurrence des sommes qu'il a versées au subrogeant. La règle d'or en matière d'étendue de latransmission des droits de l'accipiens au solvens pourrait donc être : « Tout le paiement, rien que le paiement ». Ce principen'est pas énoncé par le code civil. C'est la doctrine du XIXe siècle qui en a fait un élément essentiel de la subrogation(J. MESTRE, op. cit., nos 553 et s.), avant que la jurisprudence le consacre (Req. 21 mars 1810, S. 1811. 1. 6 ; Civ. 30 oct. 1895,S. 1897. 1. 394). Son fondement classique repose sur l'esprit de l'institution qui l'opposerait radicalement de ce point de vue àla cession de créance. Contrairement au cessionnaire d'une créance qui recherche un profit, le subrogé entend seulementrendre un service d'ami au débiteur pour lequel il paie. Il en résulte que le subrogé ne peut réclamer au débiteur que ce qu'il aavancé pour lui, contrairement au cessionnaire de la créance qui peut agir pour le montant total de la créance, même s'il l'aacquise pour un prix moindre. En aucun cas, le subrogé ne saurait s'enrichir en réclamant plus qu'il n'a payé. La doctrinedominante et la jurisprudence restent fidèles à ce principe. De nombreuses dispositions légales l'appliquent en limitant lerecours subrogatoire au montant des sommes payées par le solvens (C. assur., art. L. 121-12 ; CASF, art. L. 132-10 ; art. L.262-35). Mais une opinion minoritaire l'a toujours contesté (TOULLIER, Droit civil français, suivant l'ordre du code civil, t. 4,no 119 ; PLANIOL et RIPERT, op. cit., t. 7, no 1245 ; C. MOULOUNGUI, L'admissibilité du profit dans la subrogation, préf.F. GRUA, 1995, LGDJ), et une partie de plus en plus importante de la doctrine moderne la critique, du moins pour ce quiconcerne la subrogation conventionnelle (V. not., TERRÉ, SIMLER et LEQUETTE, op. cit., nos 1383 et les réf. citées infra, nos 158 et 159). La jurisprudence contient quant à elle des solutions qui conduisent à nuancer le principe, même si elle paraîtdésormais décidée à le faire respecter plus strictement. Il convient donc d'essayer de mesurer la portée exacte de ce principe,dont on constate par ailleurs qu'il est écarté dans un certain nombre de cas particuliers.

A. - Principe général de subrogation à la mesure du paiement

156. La règle qui limite la subrogation au montant du paiement se manifeste essentiellement en cas de paiement partiel de lacréance par le solvens. La doctrine dominante enseigne que dans ce cas, si le créancier a délivré une quittance pour le tout, cen'est pas le subrogé qui en profite, mais le débiteur. Le subrogé ne peut recourir contre le débiteur que pour le montant dupaiement qu'il a effectué, et le débiteur bénéficie alors d'une remise de dette pour le montant resté impayé (Civ. 1 re, 13 janv.1981, Bull. civ. I, no 12 ; FLOUR, AUBERT et SAVAUX, op. cit., no 385 ; GHESTIN, BILLIAU et LOISEAU, op. cit., no 368 ; MALAURIE,AYNÈS et STOFFEL-MUNCK, op. cit., no 1304 ; STARCK, ROLAND et BOYER, t. 3, no 85 ; plus nuancé, V. FRANÇOIS, op. cit.,no 491, qui juge la solution discutable en matière de subrogation conventionnelle). Certains auteurs rattachent aussi à ceprincipe l'interdiction faite aux organismes servant une rente à une victime de réclamer par la voie subrogatoire leremboursement du capital représentatif de la rente au responsable (MALAURIE, AYNÈS et STOFFEL-MUNCK, loc. cit. ; STARCK,ROLAND et BOYER, loc. cit.). La solution s'explique plutôt par l'exigence d'un paiement préalable (J. MESTRE, op. cit., nos 324 ets.).

1 5 7 . De nombreux arrêts de la Cour de cassation énoncent régulièrement que « la subrogation est à la mesure dupaiement » (Civ. 1 re, 21 févr. 2006, D. 2006. 1873, note Gallmeister ; 15 févr. 2005, no 03-11.141 , Bull. civ. I, no 87,Defrénois 2005, art. 38207, no 53, obs. Libchaber ; 18 mars 2003, no 00-12.209 , Bull. civ. I, no 86, JCP 2003. II. 10105,note Billiau ; 29 oct. 2002, no 00-12.703 , Bull. civ. I, no 257, D. 2003. 1092, obs. Avena-Robardet , RTD civ. 2003. 298,obs. Mestre et Fages ). Il en résulte, par exemple, que l'assureur d'un notaire ne peut prétendre exercer un recourssubrogatoire contre le débiteur, pour le remboursement du montant total d'une soulte, dès lors qu'il n'a indemnisé lecréancier, victime de la faute du notaire qui en a empêché le paiement, que pour un montant inférieur (Civ. 1 re, 21 févr. 2006,préc.). Néanmoins, la jurisprudence consacre parfois des solutions qui ne sont pas absolument conformes au principed'interdiction de l'enrichissement du subrogé puisqu'elles lui permettent en réalité de réclamer plus qu'il n'a payé. Il en vaainsi, dans certains cas, en raison de la nature du droit transmis au subrogé. Le banquier qui a payé seulement le solde duprix d'une marchandise a ainsi été autorisé à revendiquer l'intégralité de celle-ci sur le fondement d'une clause de réserve depropriété dont bénéficiait le vendeur, au motif que « la revendication portait sur un corps certain, de sorte que l'obligation derestitution n'était pas susceptible d'exécution partielle » (Com. 15 mars 1988, Bull. civ. IV, n o 106, RTD civ. 1988. 794, obs.M. Bandrac).

158. Surtout, c'est à ce résultat qu'ont longtemps abouti les arrêts qui admettaient que le subrogé peut bénéficier desintérêts conventionnels échus depuis le jour du paiement subrogatoire, de même que des clauses d'anatocisme et d'échellemobile (Civ. 1 re, 3 mai 1978, D. 1980. 107, note M. Poulnais ; a contrario : Civ. 1 re, 4 avr. 1984, Bull. civ. I, n o 131). Lajurisprudence fondait la solution sur l'effet translatif de la subrogation qui « a pour effet d'investir le subrogé de la créanceprimitive, avec tous ses avantages et accessoires » (Civ. 1 re, 3 mai 1978, préc.). Il n'empêche qu'en invoquant la subrogation,le solvens pouvait réclamer au débiteur, outre le remboursement des sommes qu'il avait payées, le paiement des intérêts oude la dette réévaluée par application de la clause d'indexation. Le droit aux clauses d'indexation pouvait à la rigueur seconcilier avec l'esprit supposé altruiste du subrogé puisqu'il s'agissait au fond de lui éviter une perte due à l'érosionmonétaire. En revanche, le droit aux intérêts conventionnels de la créance pouvait favoriser l'esprit de spéculation, le solvens

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pouvant effectuer le paiement en vue d'acquérir une créance productive d'intérêts. Cette jurisprudence rapprochait donc lasubrogation personnelle de la cession de créance. Au demeurant, PLANIOL et RIPERT (op. cit., t. 7, no 1245) observaient déjàque « la subrogation conventionnelle sert fréquemment en fait de procédé de placement à un capitaliste ; et ainsi le motifdéterminant devient uniquement l'avantage de l'intérêt à percevoir, du terme de remboursement et de sa sécurité, ce quiimplique la recherche d'un profit » (jugeant néanmoins la solution conforme à la limitation des droits du subrogé au paiement,V. F. AUCKENTHALER, Le droit du subrogé aux intérêts de la créance, D. 2000. Chron. 171 ).

159. La jurisprudence paraît désormais encline à faire respecter plus strictement la subrogation à la mesure du paiement etl'interdiction de cette forme d'enrichissement du subrogé que paraît constituer la perception des intérêts conventionnels de ladette qu'il a acquittée. Par deux arrêts du 29 octobre 2002 (Civ. 1 re, 29 oct. 2002, no 00-12.703 , préc. supra, no 157 ; Civ.1re, 29 oct. 2002, Defrénois 2003, art. 37850, obs. Théry), la première chambre civile de la Cour de cassation a en effet jugé,au visa des articles 1252 et 2033 du code civil, que « selon le premier des textes […] la subrogation est à la mesure dupaiement » et que « le subrogé ne peut prétendre, en outre, qu'aux intérêts produits au taux légal par la dette qu'il aacquittée, lesquels, en vertu du second, courent de plein droit à compter du paiement ». Elle a donc cassé des décisions quiavaient permis à des cautions de réclamer au débiteur, outre le remboursement de la partie du capital qu'elles avaient versé,le paiement des intérêts conventionnels stipulés dans l'emprunt garanti (V. égal. : Civ. 1 re, 15 févr. 2005, no 03-11.141 ,D. 2005. 771, obs. Avena-Robardet , Defrénois 2005, art. 38207, no 53, obs. Libchaber ; 18 mars 2003, préc. et D. 2003.1092, obs. Avena-Robardet ). Il résulte de ces arrêts que le subrogé ne peut agir contre le débiteur qu'à la hauteur de cequ'il a effectivement payé pour lui. Pour le reste, il a droit aux intérêts uniquement dans les conditions fixées par la loi et paspar la convention unissant le subrogeant au débiteur. S'agissant d'un recours après paiement des cautions, les arrêtsprécités ont fixé le point de départ des intérêts au jour du paiement, par interprétation de l'article 2310 du code civil (anc.art. 2033). Cependant, à défaut de texte contraire, les intérêts moratoires ne courent, en principe, qu'à compter de lasommation de payer en application de l'article 1153, alinéa 3, du code civil. C'est ce que la Cour de cassation a fini par juger, àpropos du recours subrogatoire de l'assureur contre le responsable du dommage causé à la victime, en se fondant surl'argument discutable, destiné à écarter l'article 1153-1 qui peut l'être pour d'autres raisons, que la créance de l'assureur dontle recouvrement est poursuivi par subrogation n'est pas indemnitaire et se borne au paiement d'une somme d'argent(V. égal., à propos du recours des tiers payeurs : Ass. plén., 4 mars 2005, Bull. ass. plén., n o 3, D. 2006. 1929, obs. Jourdain

, RTD civ. 2005. 413, obs. Jourdain , JCP 2005. II. 10064, concl. Wolf et note Gréau, RCA 2005. Comm. 147, note Groutel).Violent donc l'article 1153 les décisions qui font courir les intérêts à la date à laquelle l'assuré a établi une quittancesubrogatoire au profit de l'assureur (Civ. 3e, 24 janv. 2007, D. 2007. 1297, note Monge et Nési ; Com. 5 déc. 2006, no 04-18.621 , D. 2007. 82, obs. Speroni , RCA 2007. Comm. 102, note Groutel ; Civ. 1 re, 7 mai 2002, RTD civ. 2002. 813, obs.Mestre et Fages , D. 2002. Somm. 3177, obs. Groutel , Defrénois 2002, art. 37607, no 72) ou à celle à laquelle la décisionest rendue (Com. 5 déc. 2006, no 05-16.462 , ibid.).

160. L'interdiction faite au subrogé de percevoir les intérêts conventionnels de la dette qu'il a acquittée n'est pas limitée auxcas de subrogation légale. Elle a en effet été également appliquée à la subrogation conventionnelle par un arrêt de lapremière chambre civile de la Cour de cassation du 15 février 2005 (Civ. 1 re, 15 févr. 2005, préc.). C'est en ce domaine qu'elleest l'objet des plus importantes critiques, notamment parce qu'elle libère indûment le débiteur des intérêts conventionnels, audétriment du subrogé qui consent une avance pour laquelle il devrait pouvoir profiter des droits du créancier dans lesquels lasubrogation le place, au moins si les parties en conviennent (V. part., LIBCHABER, note préc.). Appliquée strictement, la règlede l'interdiction du profit dans la subrogation interdirait d'ailleurs d'utiliser ce mécanisme à des fins professionnelles (TERRÉ,SIMLER et LEQUETTE, op. cit., no 1383). La pratique a donc développé, avec l'appui de la jurisprudence, des moyens de lacontourner. Ainsi, l'interdiction du profit dans la subrogation devrait en principe empêcher le recours à cette technique pourfonder l'affacturage. La subrogation n'intervenant que dans la limite du paiement, l'affactureur ne peut déduire aucun frais oucommission des sommes qu'il paye à l'adhérent. S'il le faisait, il ne pourrait pas recourir contre le débiteur pour le montantnominal de la créance et perdrait donc de la sorte le montant de la rémunération perçue de l'adhérent. Les affactureursrèglent donc à leurs adhérents le montant total de la créance, sans prélever de rémunération. Mais ils se font consentir unecommission par un article différent du compte les unissant à leurs adhérents, distinct de celui par lequel ils paient lescréances.

161. En réalité, les parties à une subrogation conventionnelle peuvent donc assurer une rémunération au subrogé dès lorsqu'elles respectent formellement la règle de l'interdiction du profit dans la subrogation en organisant cette rémunération parune convention distincte. Cela ressort très clairement d'un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 15 juin1993 (Com. 15 juin 1993, Bull. civ. IV, n o 256, RTD civ. 1994. 358 , obs. J. Mestre). En l'espèce, en application d'uneconvention-cadre, une banque créditait, contre subrogation conventionnelle, le compte courant de l'un de ses clients d'unmontant égal à la valeur en principal de contrats souscrits par les acquéreurs de livres vendus à crédit par celui-ci. Ce clientreprochait à la cour d'appel d'avoir admis que la banque pouvait conserver le montant de commissions et intérêts dus par lesacheteurs. Le pourvoi invoquait très clairement le principe d'interdiction de l'enrichissement du subrogé puisqu'il rappelait quela subrogation ne peut être le soutien d'une spéculation, que le solvens n'est subrogé que dans la mesure de ce qu'il a payé,et que la banque ne créditait justement le compte que du montant du principal des créances. Or, la chambre commercialerejette le pourvoi en observant qu'il ne résultait pas des conventions des parties que la conservation des intérêts était laconséquence de la subrogation et que c'est par une interprétation souveraine que la cour d'appel avait jugé que les partiesétaient convenues que la rémunération de la banque serait constituée par les intérêts et commissions dus par les acheteurs.

162 . Tout en maintenant formellement la prohibition de l'enrichissement du subrogé, la jurisprudence contemporaine luiapporte donc une atténuation résultant de la liberté des parties d'aménager contractuellement leurs relations extérieures à lasubrogation. Son évolution sur la question du droit aux intérêts conventionnels du subrogé (supra, nos 158 et s.) démontrecependant qu'elle entend appliquer strictement la règle au sein de la subrogation elle-même, même lorsqu'il s'agit desubrogation conventionnelle. Or, il existe d'importantes différences entre les deux procédés. Lorsque l'enrichissement dusubrogé découle de l'effet translatif, comme c'était autrefois le cas de la transmission du bénéfice des stipulations d'intérêts,

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cet effet est automatique et le solvens peut agir par voie subrogatoire, bénéficiant ainsi des garanties de paiement de lacréance originelle. En revanche, pour s'assurer une rémunération sous forme de commissions ou d'intérêts propres, il faut uneconvention spéciale. En outre, pour le paiement de cette rémunération extérieure à la subrogation, le solvens ne peut exercerun recours subrogatoire, mais seulement un recours personnel (J. MESTRE, obs. préc.). Les deux procédés ne sont pas du toutéquivalents, et la question du droit aux intérêts conventionnels, dans la subrogation conventionnelle, sur le fondement d'unaccord entre les parties, mériterait sans doute d'être reprise.

B. - Cas particuliers

163. Dans toute une série d'hypothèses, le solvens ne reçoit pas les droits et actions de l'accipiens à la mesure exacte de sonpaiement. Il en va ainsi en cas de paiement par un solvens personnellement tenu à la dette, en cas de paiement partiel etpour la subrogation acquise en application de certaines législations spéciales.

a. - Subrogation du « solvens » tenu avec d'autres

164. La qualité du solvens exerce une influence certaine sur l'étendue de la subrogation. L'intention libérale qui l'anime eneffectuant le paiement le prive évidemment de tout recours contre le débiteur (Civ. 1 re, 12 mai 1982, D. 1983. 320, noteJ. Mestre) ; la faute qu'il a commise peut également l'obliger à limiter son recours (Req. 5 août 1879, DP 1881. 1. 268).Surtout, il existe une différence fondamentale entre le solvens qui a acquitté une dette dont il ne doit aucunement supporterle poids définitif et le solvens qui a payé une dette dont il est tenu avec d'autres. Dans la première hypothèse, le solvens peuteffectivement exercer un recours subrogatoire pour le montant total des sommes qu'il a payées. En revanche, dans laseconde hypothèse, le solvens qui doit supporter en définitive une partie du poids de la dette ne peut naturellement agircontre les autres débiteurs que pour une partie des sommes qu'il a payées, déduction faite de la part qui lui incombe. Lesmodalités de détermination de la répartition du poids définitif de la dette suscite parfois d'importantes difficultés,particulièrement dans le cas des coauteurs d'un dommage (sur la question, V. not., VINEY et JOURDAIN, Les conditions de laresponsabilité, LGDJ, no 424-1 ; BRUN, Responsabilité civile extra-contractuelle, Litec, no 718 ; FLOUR, AUBERT et SAVAUX, Droitcivil, Les obligations, le fait juridique, 12e éd., 2007, Sirey Université, nos 174, 358 et s.).

165. En outre, même ainsi limité, le recours du subrogé déroge au principe de l'effet translatif. En effet, lorsque le solvens aexécuté une obligation solidaire ou in solidum, la subrogation le plaçant dans les droits et actions du créancier devraitnormalement lui permettre d'invoquer cette modalité de la dette à son profit et d'agir pour réclamer le tout à l'un quelconquedes autres débiteurs. Or, cette possibilité lui est refusée et, contrairement à l'accipiens, il doit diviser ses poursuites. La règleest énoncée par l'article 875 du code civil (mod. par L. 23 juin 2006) pour les cohéritiers, par l'article 1214, alinéa 1er, pour lescodébiteurs d'une dette solidaire, et par l'article 2310 (anc. art. 2033) pour les cautions. L'explication parfois avancée à lasuite de POTHIER (Traité des obligations, no 281) selon laquelle il s'agit d'éviter un circuit indéfini d'actions (STARCK, ROLANDet BOYER, t. 3, no 86 ; TERRÉ, SIMLER et LEQUETTE, op. cit., no 1387) n'est pas déterminante. Il ne s'agit évidemment pas depermettre au subrogé d'agir pour le tout contre un codébiteur qui pourrait à son tour réclamer le tout à un autre débiteur etainsi de suite. Pour éviter ce cercle vicieux, il suffit de décider que chaque débiteur ne peut agir en invoquant la solidarité quecontre l'un de ceux qui n'ont pas encore payé pour lui réclamer la fraction totale de la dette qui doit lui incomber en définitive.L'obligation de diviser les recours est donc uniquement fondée sur la volonté d'éviter la multiplication des recours.

b. - Paiement partiel par le subrogé et application de la règle « Nemo contra se subrogasse censetur »

166. Lorsque le solvens n'a effectué qu'un paiement partiel et que le créancier a délivré une quittance pour le tout, la règlequi interdit en principe au subrogé de s'enrichir a pour effet que le débiteur bénéficie d'une remise de dette pour les sommesdemeurées impayées (V. supra, no 156). En revanche, lorsqu'en présence d'un paiement partiel l'accipiens ne délivre unequittance que pour le montant du paiement, il reste créancier pour le surplus. Désormais, le débiteur a donc deux créanciers :le solvens subrogé et l'accipiens. Le subrogé devrait normalement acquérir les droits et actions du subrogeant dans la mesurede son paiement et venir en concurrence avec lui. Or, telle n'est pas la solution. Dans ce cas, la créance ne lui est transmiseavec ses accessoires que dans la mesure compatible avec la préservation des droits du créancier. Tel est le sens de l'article1252 du code civil, qui dispose que la subrogation « ne peut nuire au créancier lorsqu'il n'a été payé qu'en partie ; en ce cas, ilpeut exercer ses droits, pour ce qui lui reste dû, par préférence à celui dont il n'a reçu qu'un payement partiel ». En applicationde ce principe, le créancier hypothécaire qui a reçu d'un tiers la moitié de ce qui lui est dû doit donc percevoir l'autre moitié parpréférence au subrogé dans l'ordre ouvert à la suite de l'expropriation de l'immeuble hypothéqué (Civ. 29 mai 1878, DP 1878.1. 427 ; 23 juill. 1883, DP 1884. 1. 180). De la même manière, l'assuré subrogeant qui n'a pas été complètement indemnisépar la compagnie d'assurances doit être payé avant l'assureur subrogé (Montpellier, 7 févr. 1966, JCP 1967. II. 15014, noteJ. Bigot). La jurisprudence exprime désormais la règle en jugeant que « dans le concours de l'assureur subrogé et de l'assurésubrogeant, ce dernier prime le premier jusqu'à concurrence de la réparation du préjudice garanti » (V. not., Civ. 1 re, 27 févr.2007, no 04-12.414 , RCA 2007. Comm. 171, note Groutel ; 4 juin 2002, no 99-13.002 , RCA 2002. Comm. 308, noteGroutel ; adde : LAURENT, Ombres et lumière sur la règle Nemo contra se… en droit des assurances, RGDA 2003. 23 ; V. égal.jugeant que le subrogé ne peut pas entrer en concours avec le subrogeant tant que la créance de ce dernier n'est paséteinte : Civ. 3e, 12 févr. 2003, no 01-12.234 , RJDA 2003. Comm. 632).

167. L'article 1252 consacre ainsi un principe classique exprimé sous forme d'adage : Nemo contra se subrogasse censetur.Comme l'indique la formule, la règle est traditionnellement fondée sur une présomption de volonté du créancier quin'autoriserait la subrogation qu'autant qu'elle ne porte pas atteinte à ses droits. Cette explication ne vaut au mieux que pourla subrogation conventionnelle ex parte creditoris, alors qu'elle s'applique en réalité à tous les cas de subrogation. Pour lesautres formes de subrogation, il vaut donc mieux l'expliquer par une idée d'équité : la subrogation étant imposée au créancierdans l'intérêt du débiteur ou du solvens ne saurait lui nuire. La jurisprudence interprète strictement l'article 1252 auquel elleapporte d'importantes limites. D'abord, elle décide que la préférence accordée au subrogeant concerne exclusivement lerecouvrement de ce qui reste dû sur la créance partiellement payée par le subrogé. Si l'accipiens a d'autres créances à fairevaloir contre le débiteur, il ne peut invoquer pour leur paiement aucun titre de préférence contre le subrogé avec qui il doit

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concourir. Ainsi, lorsqu'un créancier titulaire de plusieurs hypothèques relatives à des créances diverses a subrogé dans sesdroits un tiers qui l'a partiellement payé de la créance garantie par la meilleure hypothèque, il prime le subrogé pour lepaiement du solde de cette créance, mais il ne le prime pas pour celui des autres créances garanties par les hypothèques derang inférieur (Paris, 27 avr. 1888, DP 1888. 2. 306 ; Req. 12 mars 1889, DP 1890. 1. 207 ; Civ. 18 juin 1941, DA 1941. 273).Ensuite, elle juge que l'article 1252 ne s'applique pas lorsque le subrogeant se présente en qualité de créancierchirographaire pour se faire payer ce qui lui reste dû ; pour que la préférence accordée au subrogeant joue, il faut que « cequi lui reste dû [soit] protégé par un privilège ou une hypothèque antérieure à celle dont bénéficie le subrogé, ou parl'hypothèque primitive » (Req. 1er août 1860, DP 1860. 1. 502 ; 13 févr. 1899, DP 1899. 1. 246). La solution s'explique par lefait que le subrogé pourrait invoquer de toute manière l'action personnelle qui lui appartient et contre laquelle le subrogeantn'a pas de préférence, si on lui opposait cette préférence pour une subrogation dans une action chirographaire. Elle estcependant écartée en matière d'assurance où la jurisprudence accorde en toute hypothèse une préférence à l'assuré en casde concours avec l'assureur qui l'a indemnisé en partie contre un responsable partiellement insolvable (J. MESTRE, op. cit.,no 601, et jurispr. citée). Enfin, la jurisprudence juge que le droit de préférence accordé au créancier par l'article 1252 du codecivil en cas de paiement partiel est un avantage purement personnel et intransmissible. Un tiers qui paye le solde de lacréance en se faisant subroger dans les droits du créancier ne peut donc l'invoquer contre le premier subrogé (T. civ. Seine,4 févr. 1902, DP 1903. 2. 73, note Cézar-Bru, RTD civ. 1904. 877, obs. R. Demogue).

168. La préférence donnée au créancier en cas de paiement partiel risque d'entraver le paiement par un tiers. L'écueil peutcependant être évité en matière de subrogation conventionnelle. On considère, en effet, que la règle de l'article 1252 n'estpas d'ordre public et qu'elle peut être écartée par les parties. Celles-ci peuvent donc convenir soit que le créancier et lesubrogé exerceront leurs droits à égalité, soit que le subrogé les exercera par priorité au subrogeant. De telles stipulationsparaissent cependant exclues en matière d'assurances terrestres (Civ. 5 mars 1945, D. 1946. 1, note A. Besson, JCP 1945. II.2798, note P. L.-P. ; V. cep. les interrogations suscitées par Civ. 1 re, 9 déc. 1997, RCA 1998. Comm. 117, note Groutel, etCiv. 2e, 14 janv. 1999, RCA 1999. Chron. 7, note Groutel ; adde : GROUTEL, note sous Civ. 1re, 4 juin 2002, préc.).

169. Pour terminer, il faut observer que la loi n o 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour2007, qui a modifié les articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et 31 de la loi du 5 juillet 1985 pour ce qui concerne lerecours des tiers payeurs (V. supra, no 128, et infra, no 170), a conféré, en ce domaine, à la règle de l'article 1252, uneportée très singulière. Les textes disposent que « conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire àla victime subrogeante, créancière de l'indemnisation » lorsqu'elle n'a été indemnisée (ou prise en charge) que partiellement.En ce cas, la victime (ou l'assuré social) peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférenceau tiers payeur (ou à la caisse subrogée) dont elle n'a reçu qu'une indemnisation partielle. Par un renvoi explicite à l'article1152, ces dispositions ne font apparemment que rappeler la règles selon laquelle le subrogeant (victime) qui n'a étédésintéressé que partiellement par le subrogé (tiers payeur ou caisse) doit être préféré à ce dernier lorsqu'il agit contre leresponsable. Pourtant, les textes sont interprétés comme permettant à la victime qui a participé à son propre dommage, etqui subit donc un partage de responsabilité, de réclamer au responsable, dans la limite de sa dette, la part d'indemnité pourlaquelle elle n'a pas reçu de prestations, sans tenir compte du partage de responsabilité. Les tiers payeurs ne seront doncremboursés que de ce qui restera sur le montant de la dette du responsable (JOURDAIN et LIENHARD, chron. préc. supra, no 126). Dans cette hypothèse, l'article 1152 permet donc finalement à la victime subrogeante de réclamer au débiteur plus quece à quoi elle avait en réalité droit, au détriment du subrogé qui doit supporter la différence. La solution est contraire auxprincipes qui régissent la subrogation (JOURDAIN, ibid. ; FLOUR, AUBERT et SAVAUX, op. cit., no 386 ; Droit civil, Les obligations,le fait juridique, no 153-2).

c. - Limitation légale du recours subrogatoire

170. Lorsque le législateur moderne accorde un recours subrogatoire à un débiteur ayant payé une dette qu'il ne doit passupporter définitivement, il précise généralement l'étendue de ce recours. Ainsi, les textes qui accordent un recourssubrogatoire aux assureurs et aux tiers payeurs d'indemnités en matière d'accident corporel indiquent les sommes pourlesquelles ces organismes peuvent exercer un recours subrogatoire contre le responsable. L'article L. 131-2, alinéa 2, du codedes assurances (réd. L. 16 juill. 1992) qui permet la subrogation conventionnelle de l'assureur de personnes dans les droitsdu contractant ou de ses ayants droit limite cette faculté au remboursement des seules prestations à caractère indemnitaireprévues au contrat. Les autres sommes versées par l'assureur à l'assuré ayant un caractère forfaitaire ne peuvent donnerlieu à subrogation. De la même manière, l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 (préc. supra, no 125) énumère limitativement lesprestations qui donnent lieu à un recours subrogatoire : les prestations versées par les organismes, établissements etservices gérant un régime obligatoire de sécurité sociale, les prestations versées par l'État et certaines autres personnespubliques au fonctionnaire victime d'un accident, les sommes versées en remboursement de frais de traitement médical et derééducation, les salaires et accessoires du salaire maintenus par l'employeur pendant la période d'inactivité, les indemnitésjournalières de maladie et les prestations d'invalidité versées par les groupements mutualistes, les institutions de prévoyancerégies par le code de la sécurité sociale ou le code rural et les sociétés d'assurance. L'article 31, modifié par la loi no 2006-1640 du 21 décembre 2006, de financement de la sécurité sociale, précise que les recours subrogatoires des tiers payeurss'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion despréjudices à caractère personnel (al. 1er). Néanmoins, les tiers payeurs peuvent exercer leur recours sur un poste depréjudice personnel s'ils établissent qu'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation l'indemnisantde manière incontestable (al. 3 ; sur ces dispositions nouvelles, les difficultés d'indemnisation des victimes et d'exercice desrecours subrogatoires auxquels elles sont destinées à répondre, et sur celles qu'à leur tour elles suscitent, V. not., JOURDAINet LIENHARD, chron. préc. supra, no 126 ; GROUTEL, Le recours des tiers payeurs : une réforme bâclée, RCA 2007. Chron. 1 ;Le recours des tiers payeurs : rapport d'étape [déc. 2006-févr. 2008], RCA 2008. Chron. 2 ; GALLMEISTER, Recours des tierspayeurs : précisions sur l'application de la loi du 21 décembre 2006, D. 2007, Somm. 2801 ; JOURDAIN, L'imputation desprestations sociales après la loi du 21 décembre 2006, obs. sous CE, avis, 4 juin 2007, RTD civ. 2007. 577 ; adde :LAMBERT-FAIVRE, Avancées et trébuchements de la jurisprudence sur le recours des organismes sociaux, D. 2001. Chron. 248

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; L'indemnisation du dommage corporel : problèmes juridiques et économiques, D. 2004. 161 ). L'article L. 143-11-9 ducode du travail indique pareillement quelles sont les créances pour lesquelles l'organisme chargé de la garantie du paiementdes salaires est subrogé dans les droits des salariés (V. supra, no 123).

171. Il faut noter au passage qu'en matière d'assurance la loi limite le recours subrogatoire de l'assureur en assurant uneimmunité aux proches et aux préposés de la victime qu'il a indemnisée. Selon l'article L. 121-12, alinéa 3, du code desassurances, « l'assureur n'a aucun recours contre les enfants, descendants, ascendants, alliés en ligne directe, préposés,employés, ouvriers ou domestiques, et généralement toute personne vivant habituellement au foyer de l'assuré, sauf le casde malveillance commise par une de ces personnes ». La règle s'explique par le fait que la victime n'eût sans doute pas agicontre le responsable et que l'assureur pourrait ainsi récupérer indirectement ce qu'il a versé lorsque ce responsable est unepersonne dont la victime doit répondre (Y. LAMBERT-FAIVRE, Droit des assurances, 2005, Dalloz, n o 609). Après deshésitations, la jurisprudence a fini par décider que cette immunité ne s'étend pas à l'assureur de responsabilité de lapersonne qui en bénéficie (Civ. 2e, 8 janv. 1992, RTD civ. 1992. 574 , obs. P. Jourdain ; V. égal. : Civ. 1 re, 12 juill. 2007,no 06-12.624 , RCA 2007. Comm. 334, note Groutel). Au-delà de cette immunité légale, l'assureur peut accorder uneimmunité conventionnelle par une clause de renonciation à recours (Y. LAMBERT-FAIVRE, op. cit., no 611). S'inspirant sansdoute de l'article 1252 du code civil et, peut-être, de l'immunité accordée aux proches de l'assuré par l'article L. 121-12, alinéa6, du code des assurances, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a jugé que doit être exclu le recourssubrogatoire d'une caisse de sécurité sociale, exercé contre la victime, en qualité d'héritière de l'auteur du dommage, qui étaitde nature à priver celle-ci indirectement de prestations instituées en sa faveur par la législation sociale (Civ. 2e, 4 nov. 2003,RTD civ. 2004. 510, obs. Mestre et Fages , JCP 2004. II. 10094, note Dagorne-Labbe).

Art. 2 - Articulation du recours subrogatoire et du recours personnel du solvens

172. Contrairement au cessionnaire d'une créance qui ne peut exercer que les droits qu'il tient du cédant, le subrogé disposeen principe, outre le recours subrogatoire, d'un recours personnel contre le débiteur. Ce recours personnel a un fondementdifférent suivant les conditions dans lesquelles le paiement est intervenu. Le recours personnel du solvens découle du contratde prêt lorsqu'il a avancé au débiteur la somme nécessaire pour qu'il règle lui-même sa dette ; il naît du contrat de mandatlorsque le débiteur l'a chargé de payer le créancier, et de la gestion d'affaires ou de l'enrichissement sans cause lorsque letiers a payé spontanément le créancier (MAZEAUD et CHABAS, op. cit., t. 2, 1er vol., nos 842 et 859). Certes, ce recours est enprincipe chirographaire, mais il présente plusieurs intérêts pour le solvens (sur les conditions dans lesquelles un solvens nonsubrogé peut agir en remboursement contre le débiteur, V. supra, no 7). D'abord, il lui permet d'éviter la préférence quel'article 1252 accorde au subrogeant en cas de paiement partiel (V. supra, no 166). Il lui permet également d'échapper à laprescription qui risque d'éteindre la créance primitive.

173. Néanmoins, l'existence même d'une action personnelle en marge du recours subrogatoire a été très discutée pour unecatégorie importante de subrogés : les débiteurs de réparation (assureurs, Sécurité sociale, État, établissements publicsservant des prestations à leurs agents… ; sur cette question, V. J. MESTRE, op. cit., nos 270 et s.). Ces organismes sont dansune situation très originale pour ce qui concerne le recours personnel contre l'auteur du dommage. Ils ne peuvent invoqueraucune des actions précitées. Ils ne sont pas contractuellement liés à l'auteur du dommage et ne peuvent utiliser les actionsde mandat ou de prêt ; ils ne s'immiscent pas dans les affaires d'autrui puisqu'ils acquittent une dette qui leur incombe envertu de la loi ou du contrat qui les lient à la victime. Néanmoins, ces organismes ont songé à exercer un recours personnelcontre l'auteur du dommage pour obtenir le remboursement des frais pour lesquels ils ne peuvent invoquer la subrogation,car il ne s'agit pas de prestations à caractère indemnitaire : frais de gestion et de contrôle, prestations statutaires sansrapport avec le préjudice de la victime (pensions d'ancienneté, prestations de maternité…). Ce recours ne peut être fondé quesur les principes de la responsabilité civile délictuelle (C. civ., art. 1382) : l'auteur de l'accident a commis une faute qui aconduit le débiteur à verser des prestations à la victime et lui a ainsi causé préjudice. Cependant, la recevabilité de ce recourspersonnel fut jadis très discutée (J. MESTRE, op. cit., nos 274 et s.). En effet, il n'est pas sûr que les conditions d'une action enresponsabilité soient remplies. D'une part, l'existence d'un dommage est douteuse, les prestations versées par le débiteurétant compensées par les avantages qu'il retire du contrat ou du statut. D'autre part, en supposant même qu'il y ait uneperte, celle-ci trouve sa cause dans ce contrat ou ce statut et non dans le fait dommageable. Malgré ces objections et aprèsde longues controverses, la Cour de cassation a fini par admettre l'existence d'un recours personnel du Service national del'EDF et de la SNCF pour les prestations à caractère non indemnitaire versées à leurs agents à la suite d'un accident causé parun tiers (Cass. ass. plén., 30 juin 1960, D. 1961. 1, concl. Lindon, JCP 1960. II. 11814 ; Cass. ass. plén., 30 avr. 1964 ; Civ. 2 e,27 mai 1964, D. 1965. 149, note J.-D. Bredin). Par ces arrêts, la Cour de cassation a jugé que les établissements considéréspeuvent exercer un recours personnel contre le responsable pour obtenir le remboursement des charges sociales acquittéespendant la période d'inactivité de l'agent. Elle a considéré que « de leur paiement résulte un préjudice lorsque, par la fauted'un tiers, l'entreprise se trouve privée du travail qui en est la contrepartie », et que ce préjudice est en relation directe decause à effet avec la faute du tiers dès lors que ce sont les blessures dont l'agent a été victime qui ont motivé la cessation detravail. La jurisprudence a finalement adopté la même solution au profit de la Sécurité sociale pour le remboursement de sesfrais d'enquête et de contrôle médical (Civ. 2e, 16 juill. 1963, Bull. civ. II, no 544), contrairement aux compagnies d'assurancespour lesquelles elle jugeait qu'elles n'ont pas d'autre action que le recours subrogatoire qui leur est accordé par l'articleL. 121-12 du code des assurances (Civ. 1re, 9 juill. 1985, Bull. civ. I, no 213).

174 . Aux termes de cette jurisprudence, la plupart des débiteurs d'indemnités bénéficiaient donc d'un véritable cumuld'actions (J. MESTRE, loc. cit.). Ils pouvaient exercer un recours subrogatoire pour les prestations à caractère indemnitaire etun recours personnel, fondé sur les principes de la responsabilité civile, pour les prestations qui n'ont pas ce caractère. La loidu 5 juillet 1985 (préc. supra, no 125) a condamné cette jurisprudence. L'article 33 précise en effet, qu'hormis les prestationslimitativement énumérées par l'article 29 donnant lieu à recours subrogatoire, « aucun versement effectué au profit d'unevictime en vertu d'une obligation légale, conventionnelle ou statutaire n'ouvre droit à une action contre la personne tenue àréparation du dommage ou son assureur. Toute disposition contraire […] est réputée non écrite à moins qu'elle ne soit plusfavorable à la victime ». Il n'existe qu'une exception à l'interdiction des recours personnels en marge du recours subrogatoire.

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Elle concerne le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations versées à la victime pendant la périoded'indisponibilité de celle-ci que l'article 32 de la loi permet aux employeurs de poursuivre directement, c'est-à-dire horssubrogation, contre le responsable ou son assureur (Y. LAMBERT-FAIVRE, op. cit., no 623). En revanche, l'article R. 421-16 ducode des assurances accorde expressément au fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages une actionpersonnelle permettant de réclamer au débiteur de l'indemnité les intérêts au taux légal de cette indemnité ainsi qu'uneallocation forfaitaire destinée à couvrir les frais de recouvrement.

Section 2 - Effets à l'égard de l'accipiens

175. À l'égard de l'accipiens, le paiement effectué par le solvens produit son effet normal : il éteint la créance. Désormais, il nepeut plus rien réclamer au débiteur qui n'a plus que le subrogé comme créancier (sur les conditions d'opposabilité du transfertde créance au débiteur, V. infra, nos 180 et s.). Il n'en va différemment qu'en cas de paiement partiel par le solvens. Sil'accipiens ne délivre pas une quittance complète, il demeure créancier du débiteur pour le reliquat et prime en principe lesubrogé dans l'exercice de ses droits et actions (V. supra, nos 166 et s.).

176. La seule véritable question qui se pose à l'égard de l'accipiens est celle de la garantie. Comme le cédant d'une créance(C. civ., art. 1693), l'accipiens ne doit-il pas garantir la créance transmise au subrogé ? Il ne s'agit évidemment pas de garantirl'efficacité de la créance, le subrogé devant supporter le risque d'insolvabilité du débiteur en sa qualité de nouveau créancier,mais de garantir son existence même. Bien que le code civil n'en dise rien, les rédacteurs avaient entendu exclure cettegarantie. Quant à la jurisprudence, elle finit également par la rejeter (Req. 19 mars 1894, S. 1898. 1. 318, dont la motivationtraduit une grande réserve quant à l'existence d'une obligation de garantie ; Montpellier, 4 juill. 1910, DP 1912. 2. 358, RTDciv. 1911. 139, obs. R. Demogue), après l'avoir admise, dans un premier temps, en rapprochant la subrogation ex partecreditoris de la cession de créance (Civ. 4 févr. 1846, DP 1846. 1. 49 ; Montpellier, 15 déc. 1847, DP 1848. 2. 29). Lefondement traditionnel de la solution se trouve dans l'objet de la subrogation et son opposition à cet égard avec la cession decréance. Alors que dans la cession de créance le cédant aliène véritablement un droit dont il doit garantie au cessionnaire,dans la subrogation, le subrogeant ne procède pas véritablement à une aliénation ; il reçoit simplement le paiement de ce quilui est dû.

177. L'exclusion de la garantie de la créance réduit indiscutablement l'importance du transfert des droits dans la subrogationet l'oppose ainsi nettement à la cession de créance. Mais la différence est beaucoup plus sensible au plan théorique qu'auplan pratique. En effet, il est unanimement admis que si le subrogé n'a pas d'action en garantie contre le subrogeant en casd'inexistence de la créance, du moins peut-il agir en remboursement de ce qu'il a payé indûment en se fondant sur l'article1377 du code civil. Ainsi, l'assureur du responsable peut-il agir en répétition de l'indu contre la victime lorsque le préjudice estjudiciairement évalué à une somme inférieure à l'indemnité qu'il a versée (TI Rouen, 12 mai 1969, JCP 1969. II. 15991, obs.M. A.).

178. Il existe par ailleurs une importante limite à l'absence de garantie de la créance par l'accipiens tenant à l'obligation qui luiest faite de ne pas compromettre le recours subrogatoire du solvens (J. MESTRE, op. cit., nos 613 et s.). Certes, l'accipiens nedoit pas garantir l'existence de la créance, mais il doit s'abstenir de tout acte paralysant les recours du subrogé lorsque lacréance existe. Cette obligation résulte de plusieurs textes dont les plus importants sont l'article 2314 du code civil (anc.art. 2037) qui accorde à la caution le bénéfice de subrogation ou bénéfice de cession d'actions (« La caution est déchargée,lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier s'opérer enfaveur de la caution ») et l'article L. 121-12, alinéa 2, du code des assurances (« L'assureur peut être déchargé, en tout ou enpartie, de sa responsabilité envers l'assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur del'assureur »).

Section 3 - Effets à l'égard du débiteur

179. Bien qu'elle se produise fréquemment en l'absence de toute intervention du débiteur, la subrogation personnelle atoujours des effets extrêmement importants à son égard. Puisqu'elle emporte substitution du solvens à l'accipiens dans lerapport d'obligation, la subrogation donne au débiteur un nouveau créancier. Pour l'essentiel, ce rapport obligatoire estsoumis aux mêmes règles que l'ancien puisque c'est la créance même dont l'accipiens était titulaire qui est transmise ausubrogé (V. supra, nos 142 et s.). Néanmoins, ce transfert de créance crée un lien personnel nouveau entre le débiteur et lesubrogé qui pose deux questions d'ailleurs liées entre elles. D'une part, il faut établir les conditions dans lesquelles cettesubstitution de créancier devient opposable au débiteur. D'autre part, on peut se demander si le débiteur peut résister aunouveau créancier en lui opposant les exceptions qu'il pouvait invoquer contre l'ancien.

Art. 1 - Opposabilité de la subrogation au débiteur

180. En matière d'opposabilité au débiteur, la subrogation personnelle se différencie très nettement de la cession de créance.Pour cette dernière, « le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur » ou« par l'acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique » (C. civ., art. 1690). Parmi ces tiers figure ledébiteur cédé lui-même pour lequel la simple connaissance de la cession ne suffit pas à la rendre opposable (Ass. plén.,14 févr. 1975, Bull. ass. plén., no 1, D. 1975. 349 ; Com. 19 mars 1980, Bull. civ. IV, n o 137). En revanche, le code civil n'imposeaucune formalité particulière pour l'opposabilité de la subrogation personnelle au débiteur cédé. La jurisprudence juge doncque les formalités de l'article 1690 du code civil ne s'appliquent pas à la subrogation personnelle (Civ. 1 re, 5 avr. 1978, Bull.civ. I, no 144, à propos de la subrogation de l'assureur de responsabilité dans les droits de la victime contre le responsable).Cette souplesse de la subrogation personnelle par rapport à la cession de créance explique qu'elle ait été choisie commesupport de l'affacturage. Mais, en ce domaine, la tendance s'inverse puisque la subrogation est à son tour concurrencée parles formes simplifiées de cession de créance, particulièrement par la cession de créances professionnelles par bordereauDailly.

Page 40: Subrogation Personnelle Et Reelle

181. L'exclusion des formalités de l'article 1690 du code civil a pour conséquence que le transfert des droits et actions ducréancier contre le débiteur est opposable à celui-ci à la date du paiement subrogatoire (Com. 3 avr. 1990, Bull. civ. IV, no 116,D. 1991. 180, note Y. Dagorne-Labbe , à propos de la subrogation conventionnelle et d'un contrat d'affacturage).Désormais, il ne devrait plus pouvoir valablement s'acquitter de sa dette entre les mains du premier créancier. Or, cet effetnaturel de l'opposabilité de la subrogation au débiteur est écarté par application d'une règle générale du paiement. Selonl'article 1240 du code civil, « le payement fait de bonne foi à celui qui est en possession de la créance, est valable, encore quele possesseur en soit par la suite évincé ». La jurisprudence en a déduit que le paiement effectué par le débiteur entre lesmains du subrogeant, dans l'ignorance légitime de la subrogation, libère valablement le débiteur et peut être opposé ausubrogé (Paris, 23 janv. 1970, JCP 1971. II. 16837, note. C. Gavalda, RTD com. 1971. 1055, obs. M. Cabrillac et J.-L. Rives-Lange ; Com. 14 oct. 1975, JCP 1976. II. 18279, note C. Gavalda ; 26 avr. 2000, Bull. civ. IV, n o 88, D. 2000. 290, obs.Faddoul , Defrénois 2001, art. 37278, note Dagorne-Labbe, rendu en matière d'affacturage). Contrairement à ce qu'imposeapparemment l'opposabilité sans formalité de la subrogation personnelle, le débiteur peut donc encore payer valablement lesubrogeant après la date de la subrogation. La solution s'explique par la nécessité de protéger le débiteur de bonne foi,c'est-à-dire celui qui paie dans l'ignorance légitime du transfert de créance. Corrélativement, elle oblige le subrogé à prendredes précautions afin de rendre la subrogation opposable au débiteur, de l'informer de sa réalisation et de le constituer demauvaise foi. Peu importe la forme de l'information délivrée au débiteur dès lors que le subrogé peut en rapporter la preuve(Req. 20 juin 1869, DP 1870. 1. 69). La jurisprudence s'est divisée autrefois sur la question en matière d'affacturage.Certaines décisions ont jugé que la mention portée par tampon sur des factures indiquant que seul un paiement entre lesmains de l'affactureur serait libératoire suffit à constituer le débiteur de mauvaise foi (Paris, 23 janv. 1970, préc.), alors que lamention a été jugée insuffisante par d'autres au motif que le texte qui ne fait pas apparaître le mot subrogation est ambigu(Paris, 23 janv. 1970, préc.). Elle s'est fixée en ce sens que la subrogation conventionnelle est opposable au débiteur cédésans signification. Il suffit qu'il ait été avisé par tout moyen de cette subrogation, notamment, ce qui est d'usage, parl'apposition sur les factures d'une formule claire, lisible et explicite avisant le destinataire qu'il ne peut se libérer qu'en faveurde l'affactureur (Paris, 10 févr. 1994, D. 1994. IR. 99 ). Les paiements effectués entre les mains du créancier ne sont doncpas libératoires dès lors que le débiteur a connu l'existence du contrat d'affacturage par les cachets apposés sur les factureset les courriers de rappel qui lui ont été adressés par l'affactureur (Com. 15 oct. 1996, CCC 1997. 10). Afin d'éviter toutedifficulté, les contrats d'affacturage prévoient généralement que l'information se fera au moyen d'une mention que l'adhérents'engage à apposer sur les factures qu'il émet (GAVALDA et STOUFFLET, Droit bancaire, 6e éd., 2005, Litec, no 432).

Art. 2 - Opposabilité des exceptions par le débiteur

182. L'opposabilité des exceptions au subrogé est une conséquence naturelle de l'effet translatif. Puisque le subrogé acquiertla créance même dont le subrogeant était titulaire, il la recueille avec ses qualités et avec ses vices. Le débiteur peut donc lesinvoquer pour refuser le paiement, comme il pouvait le faire contre le subrogeant. Le principe est ancien, la Cour de cassationayant jugé dès la fin du XIXe siècle que « si la subrogation légale et conventionnelle investit le subrogé de tous les droits etactions du subrogateur, elle ne lui confère que les droits et actions qui appartenaient à ce dernier et dont la cause existait aumoment où la subrogation s'est opérée » (Req. 12 déc. 1898, DP 1899. 1. 345 ; pour une formulation plus moderne du mêmeprincipe, V. Com. 27 juin 1989, Bull. civ. IV, n o 209, RTD civ. 1990. 76 , obs. J. Mestre). De ce point de vue, il n'y a pas dedifférence entre la subrogation conventionnelle et la cession de créance qui obéit au même principe de l'opposabilité desexceptions.

183. Le débiteur peut donc opposer au subrogé la clause exonératoire de responsabilité qui figurait dans le contrat le liant ausubrogeant (Paris, 17 juin 1960, JCP 1961. II. 12158, note de Juglart, à propos de la subrogation de l'assureur dans les droitsd'un voyageur contre un transporteur aérien). Le débiteur peut également lui opposer la prescription acquise contre lesubrogeant (Com. 14 déc. 1965, Bull. civ. III, no 647 ; Civ. 2e, 4 oct. 1973, Bull. civ. II, no 244 ; 22 oct. 1975, JCP 1975. II.18517, note F. Chabas et M. Saluden), sans que le subrogé puisse invoquer la suspension de la prescription par applicationde la maxime Contra non valentem agere non currit praescriptio (Civ. 2e, 22 oct. 1975, préc.), ce qui est critiquable lorsqu'il s'agitd'un solvens tenu avec d'autres ou pour d'autres qui n'est poursuivi par le créancier que peu de temps avant l'expiration dudélai de prescription (J. MESTRE, obs. RTD civ. 1987. 105). L'affactureur subrogé dans les droits du sous-traitant d'un marchépublic n'a pas plus de droits que le subrogeant et peut donc se voir opposer le fait que les travaux n'aient pas réellement étéexécutés (CAA Nantes, 16 mai 2003, RJDA 2003. Comm. 1240). Naturellement, le débiteur peut aussi opposer au subrogé lefait qu'il ait valablement payé le subrogeant (V. supra, no 181, et infra, no 185 ; pour une application originale del'opposabilité des exceptions dans des rapports entre cofidéjusseurs, V. Civ. 1 re, 18 oct. 2005, no 04-15.295 , Bull. civ. I,no 375, Defrénois 2005, art. 38301, no 98, obs. Savaux).

184. Puisque la subrogation se produit au moment du paiement par le solvens (V. supra, no 45), les exceptions que ledébiteur prétend lui opposer doivent exister antérieurement au paiement dès lors qu'elles sont tirées de ses rapports avec lesubrogeant. Après le paiement subrogatoire, la créance est acquise au subrogé et les causes d'extinction ne peuvent venirque des rapports entre le débiteur et lui. Ainsi, le fait, pour un affactureur, de contre-passer au compte courant de l'adhérentune créance acquise de celui-ci et impayée à l'échéance équivaut à un paiement et prive donc l'affactureur de la subrogationqui lui avait été consentie (Com. 7 juin 1994, Bull. civ. IV, n o 200, RTD civ. 1995. 112 , obs. J. Mestre). En revanche, lesexceptions provenant des rapports entre le débiteur et le subrogeant ultérieurement à la subrogation sont inopposables ausubrogé. La règle a été appliquée à de multiples reprises à la compensation. La jurisprudence permet au débiteur d'opposerau subrogé la compensation de sa dette avec une créance dont il est titulaire contre le subrogeant. Mais il faut que lesconditions de la compensation (l'existence de créances réciproques, certaines, liquides et exigibles) soient réunies avant lepaiement subrogatoire (Com. 29 mai 1979, Bull. civ. IV, no 177 ; 9 juill. 1980, Bull. civ. IV, no 291). L'exception de compensationne peut donc être opposée à un affactureur au motif que cette limite au droit du débiteur d'opposer l'exception n'est effectivequ'autant que ce dernier a été informé du transfert de la propriété des créances à l'affactureur (Com. 3 avr. 1990, préc.). Ilexiste cependant une dérogation à cette condition d'antériorité de l'exception. Elle concerne justement la compensation pourlaquelle les conditions peuvent être remplies à l'égard du subrogeant même après le paiement subrogatoire dès lors qu'elle

Page 41: Subrogation Personnelle Et Reelle

intervient entre créances connexes (sur la notion de connexité, V. not., FRANÇOIS, op. cit., nos 89 et s.). Selon la Cour decassation, « si, en principe, la compensation légale ne joue qu'autant qu'elle s'est produite antérieurement à la subrogation,le débiteur peut opposer au créancier subrogé une créance postérieure dès lors qu'elle est connexe à celle que le créanciersubrogeant avait contre lui » (Soc. 7 mai 1987, RTD civ. 1988. 140, obs. J. Mestre). Encore faut-il qu'il s'agisse vraiment de lanaissance d'une créance du débiteur contre le subrogeant et pas seulement d'une remise de dette ou d'une révocationamiable d'un contrat qui ne peuvent intervenir après subrogation (Com. 22 oct. 1991, Bull. civ. IV, n o 299, D. 1992. Somm.408, obs. L. Aynès ; 9 nov. 1993, Bull. civ. IV, no 381). De la même manière, une compensation conventionnelle de créancesne peut valablement intervenir entre le débiteur et le subrogeant après que la créance a été acquise par le subrogépuisqu'elle implique l'existence d'obligations réciproques de parties (Com. 23 juin 1992, no 90-17.322 , Bull. civ. IV, no 246).

1 8 5 . En dehors de la compensation des créances connexes, l'exception doit donc être acquise contre le subrogeantantérieurement à la subrogation pour pouvoir être valablement opposée au subrogé. Le paiement effectué par le débiteur ausubrogeant paraît également faire exception à la règle. On sait en effet que ce paiement peut encore intervenir valablementaprès la subrogation dès lors que le débiteur n'a pas connaissance de celle-ci (V. supra, no 181). Le débiteur peut doncopposer ce paiement fait de bonne foi au subrogeant pour refuser de payer le subrogé. Certains auteurs, qui considèrent quela compensation constitue une forme de paiement, relèvent donc une contradiction dans la jurisprudence concernantl'opposabilité de la subrogation au débiteur (SÉRIAUX, op. cit., no 175). Cette opposabilité est acquise dès le paiementsubrogatoire pour ce qui concerne la compensation, sauf pour ce qui concerne les créances connexes ; en revanche lasubrogation ne devient opposable au débiteur qu'avec la connaissance qu'il en a pour ce qui concerne le paiement. Cettecontradiction disparaît si l'on considère que la compensation légale ne peut être assimilée à un paiement parce qu'elle opèrede plein droit et qu'il n'y a donc pas ici à tenir compte de la bonne foi du débiteur (C. LARROUMET, note sous Com. 14 déc.1993, D. 1994. 269 , statuant en matière de cession de créances professionnelles). En outre, les solutions ne se situentpas du tout sur le même terrain. S'agissant de la compensation, c'est bien l'opposabilité au subrogé des exceptions dont ledébiteur était titulaire contre le subrogeant qui est en cause. La compensation joue dans les rapports débiteur-subrogeant,et le débiteur entend l'utiliser pour refuser de payer le subrogé. En revanche, l'opposabilité des exceptions est hors de causelorsqu'il s'agit d'un paiement fait de bonne foi après subrogation. Par hypothèse, le refus de payer tiré du paiement antérieurde bonne foi ne pouvait pas être opposé au créancier originel puisqu'il suppose que la créance a été acquise par un tiers. Sil'on veut encore parler d'exception, il faut donc dire qu'il s'agit cette fois d'une exception propre aux relations débiteur-subrogé. Plusieurs auteurs proposent néanmoins d'étendre à la compensation la solution appliquée au paiement et del'autoriser tant que le débiteur est de bonne foi (SÉRIAUX, op. cit., no 175 ; STARCK, ROLAND et BOYER, t. 3, no 74).

Section 4 - Effets à l'égard des tiers

1 8 6 . Puisqu'elle emporte transfert de la créance du subrogeant au subrogé, la subrogation personnelle intéressenécessairement les tiers : pas les tiers absolus, c'est-à-dire les personnes qui n'ont aucun lien avec le subrogeant et lesubrogé, mais leurs créanciers et ayants cause. Les créanciers qui veulent exercer leurs droits sur une créance appartenant àleur débiteur peuvent ainsi se heurter à la prétention du solvens qui prétend l'avoir acquise par subrogation. Il est doncindispensable de déterminer les conditions dans lesquelles le subrogé acquiert des droits opposables aux tiers. À premièrevue, la solution est évidente. Puisque la subrogation personnelle n'est soumise à aucune condition particulière d'opposabilitécontrairement à la cession de créance (V. supra, no 180), la propriété de la créance doit être réputée acquise au subrogé àl'égard des tiers dès le moment de la subrogation, autrement dit dès le moment du paiement par le solvens. Pourtant, desdifficultés surgissent dans deux hypothèses particulières.

187. D'abord, il faut rappeler qu'il existe un problème en matière de subrogation conventionnelle ex parte creditoris liée à lapreuve de la date de la subrogation (V. supra, nos 50 et s.). La doctrine enseigne généralement que lorsqu'il s'agit d'opposerla subrogation aux tiers (cessionnaires de la créance, créanciers saisissants ou autres subrogés), la subrogation constatéepar acte sous seing privé ne fait foi de sa date que lorsqu'elle a acquis date certaine par l'enregistrement, la mort de l'une desparties ou sa constatation dans un acte authentique (C. civ., art. 1328). Néanmoins, cette solution paraît avoir étécondamnée par plusieurs arrêts qui ont jugé que la mention du paiement et celle de la subrogation sont indivisibles, et quin'exigent la date certaine pour aucune d'entre elles (V. jurispr. citée supra, no 52). La subrogation ex parte creditoris seraitdonc opposable aux tiers à la date du paiement figurant sur la quittance subrogative.

188. Ensuite, une jurisprudence classique décidait que la subrogation dans les privilèges immobiliers et les hypothèquesn'était opposable aux tiers, c'est-à-dire aux titulaires d'un droit réel sur l'immeuble, que par une mention en marge desinscriptions sur les registres de publicité foncière (Civ. 3e, 5 nov. 1970, D. 1971. 86, note E. Franck ; 2 févr. 1982, D. 1982.306, note E. Franck). La condition était fondée sur l'article 2149 ancien du code civil, qui dispose que « sont publiées par leconservateur sous forme de mentions en marge des inscriptions existantes, les subrogations aux privilèges et hypothèques,mainlevées, réductions […] et, d'une manière générale, toutes modifications, notamment dans la personne du créancierbénéficiaire de l'inscription, qui n'ont pas pour effet d'aggraver la situation du débiteur » (la règle est reprise par l'art. 2430,al. 1er, Ord. 23 mars 2006). Cependant, si le texte prévoit bien la mention en marge de la subrogation, il n'en indique pas lasanction. La solution était extrêmement sévère pour les subrogés et contraire à la faveur généralement marquée, par ailleurs,à l'effet translatif. Elle a été abandonnée par un revirement de jurisprudence remarqué. Par un arrêt du 16 juillet 1987 renduà propos d'une subrogation conventionnelle (Civ. 3e, 16 juill. 1987, Bull. civ. III, no 145, Defrénois 1987. 1488, obs. L. Aynès),la troisième chambre civile de la Cour de cassation a cassé une décision qui avait refusé la collocation d'un subrogé au motifque la subrogation n'avait été publiée que postérieurement à la publication d'un jugement d'adjudication de l'immeuble. Selonla Cour de cassation, la cour d'appel a violé l'article 2149 du code civil dès lors que la subrogation avait pour effet d'investir lesubrogé de la créance primitive avec tous ses avantages et accessoires. La même solution a été ultérieurement appliquée à lasubrogation légale (Civ. 3e, 20 déc. 1989, Bull. civ. III, no 246, D. 1990. Somm. 389, obs. L. Aynès , RTD civ. 1990. 314 ,obs. M. Bandrac).

Index alphabétique

Page 42: Subrogation Personnelle Et Reelle

Abus de confiance 71

Accessoires de la créance 134 s.

actions 138 s. V. Actionsgaranties 136 s.notion 134sûretés 135titres constatant la créance 141

Accident 124 s.

accident de la circulation 153agent de l'État 124assureur 125fonds de garantie 127

Acquéreur d'un immeuble hypothéqué 59, 94, 101 s.

acquisition, mode 109bénéficiaires 109conditions 103 s.créancier ayant plusieurs hypothèques sur l'immeuble 108délégation de l'acheteur dans le paiement du prix 106effets 112 s.emploi du prix d'achat 104étendue 112 s.

créancier ayant inscrit des hypothèques sur autres immeubles du débiteur 112mandat 105, 107a non domino 109paiement des créanciers hypothécaires 104 s.

étendue 108origine des deniers 105par mandataire 105en qualité de détenteur de l'immeuble hypothéqué 109 s.

revente 107solvens, éviction de l'immeuble 110 s.subrogation du solvens tenu avec d'autres ou pour d'autres, rapports 102utilité 101

Action oblique 1, 138

Action paulienne 113, 138

Actions

actions concernées 137en déguerpissement 113, 141limite à la subrogation, saisie immobilière 140non transmises au subrogé 149 s. V. Subrogeant)en résolution de vente 56, 98, 138en responsabilité ou en garantie 138transmises au subrogé 138 s.

Adjudicataire d'immeuble hypothéqué 109

V. Acquéreur d'un immeuble hypothéqué

Affacturage 160, 180, 184

exception de compensation 184information du débiteur 181notion 5preuve de la subrogation

date 53existence 49

promesse de subrogation 43

Agent de change 18

Aide médicale, sociale 122

Allocations de soutien familial, de parent isolé 122

Antichrèse 99

Appel 148

Page 43: Subrogation Personnelle Et Reelle

Assurances 23, 73, 84, 166, 173 s.

assurance construction 30, 47assureur de dommages 17, 83, 125assureur-crédit 19courtier 136décharge de l'assureur 178indemnité, paiement 14, 17, 19 s.

partiel 167 s.promesse de subrogation 42recours subrogatoire 168

limitation 170 s.répétition de l'indu 177subrogation après paiement 46subrogation avant paiement 41victimes, indemnisation 125

Avantages 7

Bail rural

droit de préemption 12 s.

Billet à ordre 119

Boissons (Expéditeurs) 22, 121

Caisses d'allocations familiales 122

Cas 9 s.

Caution 22, 59, 82, 89, 119, 135, 145, 150

décharge 119, 184travail temporaire 123

Cession de créance (Rapports) 6, 155, 158, 173, 176 s., 180 s., 182

Chèque 119

Coauteurs d'un dommage 14, 22, 74, 84 s., 152

Commissionnaire

en douane 16, 22de transport 14

Compensation 184 s.

Compétence 143

clause attributive de compétence 146

Compte courant 15, 43, 161, 184

Concessionnaire automobile 33, 44

Conditions 9 s.

Conservateur des hypothèques 118

Consignation 61, 68

Coobligé in solidum 19, 83, 84

Cotisations sociales 121

Créance (Transmission) 142 s.

accessoires 134 s. V. Accessoires de la créancecaractères 142clause attributive de compétence 146date 145indexation 145, 160, 162intérêts 145, 158, 162modalités 145nature contractuelle ou délictuelle 144prescription, délai 145

Créances

de l'État 121 s.

Page 44: Subrogation Personnelle Et Reelle

d'indemnisation 124 s.non indemnitaires 121 s.salariales 123

Créancier

chirographaire 167V. Créancier payant un autre créancier préférable, Subrogation par créancier

Créancier payant un autre créancier préférable 91 s.

accipiens 98 s.but 91concours entre créanciers 98créancier préférable ayant aussi un autre créance de rang inférieur à celle du solvens 96fonds destinés au débiteur 94origine des deniers 93paiement

débiteur mandataire 97direct, nécessité 27, 97étendue 95partiel 95

solvens, qualité de créancier 92sûretés autres que privilèges ou hypothèques 98 s., 100

Débiteur

V. Subrogation par débiteur

Définition 1

Délégation (Distinction) 6

Dépôt 68

Dommages-intérêts

subrogation par débiteur 71

Donataire 109

V. Acquéreur d'un immeuble hypothéqué

Échangiste 109

V. Acquéreur d'un immeuble hypothéqué

Effet translatif 6, 130, 131 s.

accessoires de la créance 134 s. V. Accessoires de la créanceactions 138 s. V. Actionscréance elle-même 142 s. V. Créance (transmission)droits transmis

existence au moment de la subrogation, nécessité 147nature 133 s.

étendue 133, 155 s.cas particuliers 163 s.paiement partiel 156 s., 166 s. V. Paiementprincipe de limitation au montant du paiement 155, 156 s.solvens tenu avec d'autres 164 s.

exercice des droits acquis par subrogation 148limitations 130, 147, 149 s., 155 s.

légale 170 s.prérogatives personnelles au subrogeant, non 147, 149 s. V. Subrogeant

Effets 129 s.

à l'égard de l'accipiens 175 s.garantie de la créance, non 176 s.paiement (extinction de la créance) 175

à l'égard du débiteur 179 s. V. Opposabilitéà l'égard du subrogé 130 s., 172 s.à l'égard des tiers 186 s.

subrogation (par créancier) 187subrogation dans les privilèges et hypothèques 188subrogé, date d'acquisition de la créance à l'égard des tiers 186tiers, notion 186

unité de principe entre les diverses catégories de subrogation 129

Emprunt 54

Page 45: Subrogation Personnelle Et Reelle

V. Subrogation par débiteur

Enrichissement du subrogé (Interdiction) 155, 156 s.

Équité 2

Escroquerie 71

Exceptions

opposabilité par débiteur au subrogé 182 s. V. Opposabilité

Fonds d'indemnisation

V. Fonds de garantie

Fonds de garantie 127, 174

Frais funéraires 117

Gage 99, 135

Garantie de la créance

par l'accipiens, non 176 s.limite 178

Garantie de paiement 120 s.

transmission au subrogé 136 s.V. Créances

Héritier bénéficiaire 114 s.

but 114étendue 116paiement des dettes et charges de la succession 115

Historique 2

Hypothèque

paiement partiel 167renonciation 147subrogation à l'hypothèque 1, 12 s.transmission au subrogé 135

V. Acquéreur d'un immeuble hypothéqué, Créancier payant un autre créancier préférable

Indemnisation des victimes d'accidents

V. Accident

Indivisibilité 33, 52, 82, 145

Intérêts conventionnels 159 s.

Légataire 109

V. Acquéreur d'un immeuble hypothéqué

Législation 3

Lettre de change 119, 128

Maître de l'ouvrage 30, 85, 144

Mandataire 29, 132, 148

subrogation légale 74, 97, 105, 107subrogation par créancier 34subrogation par débiteur 65

Nantissement 135

Nature juridique 4 s.

fiction juridique 4modalité de paiement 4transfert de créance 4 s.

« Nemo contra se subrogasse censatur » 166 s.

fondement 167V. Paiement (- partiel)

Courtier d'assurance 136

Page 46: Subrogation Personnelle Et Reelle

Notaire 18, 20, 73, 140

subrogation par débiteur 63, 64 s.

Novation (Distinction) 6

Obligation

indivisible 82, 145solidaire 82, 145, 165à terme 10, 54

Offres réelles 61

Opposabilité 180 s.

clause exonératoire de responsabilité 183compensation 184 s.des exceptions par le débiteur 182 s.paiement par débiteur au subrogeant 185

prescription 183de la subrogation au débiteur 35, 180 s.

date d'opposabilité 181formalités, absence 180

Ouverture de crédit 68

Paiement 10 s.

admission de la subrogation 19 s.agent de change 18assureur de dommages 17assureur-crédit 19auteur 10, 16 s.coobligé in solidum solvens 19débiteur acquittant sa propre dette 16 s., 19 s., 21dette d'autrui 10dette personnelle 20direct 25 s. V. Paiement directexclusion de la subrogation 16forme 15gérant d'affaires 10nécessité 11, 12 s.notaire 18par tiers 21

qualité du tiers 10partiel 156 s., 166 s.

quittance pour le montant du paiement 156, 166quittance pour le tout 166, 175

responsabilité professionnelle 18 s.tiers 10, 21

Paiement direct 11, 24 s.

atténuations au principe 29 s.contrat de travail 27deniers empruntés 25deniers propres 25exception 28fondement 26 s.nécessité 11, 24 s.procédure collective 27subrogation conventionnelle 28, 30subrogation légale 27, 30

Partie civile (Constitution de) 151

Pension alimentaire

recouvrement public 12 s.

Préemption (Droit de) 12

Préférence (Droit de) 99

Prescription

créance, transmission 145débiteur, exception de prescription acquise 183

Page 47: Subrogation Personnelle Et Reelle

suspension 151, 183

Prête-nom 148

Prêteur de deniers 25, 29, 73

mandataire 29subrogation par débiteur 54, 58. V. Subrogation par débiteur

Preuve

affacturage 49, 53subrogation par créancier 32, 49 s.

date de la subrogation 50 s.écrit 49existence de la subrogation 49liberté 49

Privilèges

renonciation 147transmission au subrogé 135

V. Créancier payant un autre créancier préférable

Procédure collective 27, 123, 154

déclaration de créances 138

Produits pétroliers (Fournisseurs) 22

Promesse de subrogation 42 s.

affacturage 43assurances 42subrogation par débiteur 71

Quittance subrogative 39, 49, 51 s.

Recours personnel du subrogé contre le débiteur 172 s.

débiteurs de réparation 173 s.existence de principe 172fondement 172intérêts du recours 172

Recours subrogatoire (Limitation) 170 s.

Remise de dette 132, 156, 166

Renonciation 132

Rente 156

Répétition de l'indu 177

Réserve de propriété (Clause de) 33, 136 s., 158

Responsabilité professionnelle 18 s.

Rétention (Droit de) 99

Saisie immobilière 140

Salaires 123, 170

superprivilège 154

Sécurité sociale 122, 173 s.

Simulation 138

Solidarité 59

V. Coobligé in solidum, Obligation

Solvens tenu avec d'autres ou pour d'autres 76, 77 s., 128

codébiteur 81, 82 s.caution 82engagement du solvens à supporter seul la charge de la dette 88obligation indivisible ou solidaire 82

conditions de la subrogation 77dette personnelle, acquittement 84 s.

conditions de la subrogation 85

Page 48: Subrogation Personnelle Et Reelle

identité de dette, suppression 85, 87étendue de la subrogation 164 s.formule « tenu avec d'autres ou pour d'autres », signification 88garant 81, 83identité de la dette avec celle des autres débiteurs 77intérêt à acquitter la dette 77même dette que débiteur 82 s.obligation à la dette 78 s.

absence d'obligation au paiement 78virtuelle 80

paiement au-delà du plafond d'obligation 78avant jugement de condamnation 79

qualité de codébiteur ou garant 81 s.

Sous-traitant 139

Subrogation conventionnelle 5, 8, 23, 31 s.

catégories 28, 31opposabilité au débiteur 35subrogation légale exclue 73

V. Subrogation par créancier, Subrogation par débiteur

Subrogation légale 5, 8, 73 s.

auxiliaire de crédit 119auxiliaire de la garantie 120 s.cas 75

prévus par le code civil 76 s.prévus par des lois spéciales 118 s.

caractère limitatif 73concomitance de la subrogation et du paiement 74débiteur tenu avec d'autres ou pour d'autres 22interprétation stricte 98paiement

direct du subrogé 74nécessité 74

subrogation conventionnelle exclue 73V. Acquéreur d'un immeuble hypothéqué, Créancier ayant payé autre créancier préférable, Héritier bénéficiaire, Solvenstenu avec d'autres ou pour d'autres

Subrogation par créancier 32 s.

accord entre créancier et solvens 32, 33anticipée 41 s.après paiement

consentement des parties au moment du paiement 48interdiction de principe 40, 46versements antérieurs au paiement, qualification 47

avant paiement, interdiction 40, 41 s.concomitance de la subrogation et du paiement 32, 39 s.

preuve de la concomitance, charge 39consentement

antérieur à paiement 44 s.du créancier 33du débiteur, non 35

écrit 37 s.appréciation souveraine du juge 38

exprès 32, 36 s.mandataire 34opposabilité au débiteur 35paiements partiels 47parties 32, 33 s.preuve 32, 37, 49 s. V. Preuvepromesse de subrogation 42 s.quittance subrogative 39, 49, 51 s.tacite, non 36verbale 37

Subrogation par débiteur 54 s.

accord entre débiteur et prêteur 58acte de prêt 61, 63actes notariés 63, 64 s.

Page 49: Subrogation Personnelle Et Reelle

date 68pluralité 67

cas 54concomitance de l'emprunt et du paiement, non-nécessité 66créancier 60 s.

consentement, non 59quittance, signature 61

domaine d'application 56dommages-intérêts 71double déclaration d'origine et d'emploi des fonds 69 s.

stipulation expresse de la subrogation, non-nécessité 70emprunt par débiteur avec subrogation du prêteur 54formalisme 62 s.

contenu 63 s.sanction, inopposabilité aux tiers 72

fraude, risque 57, 64 s.historique 55intérêt du débiteur 55mandataire 65paiement

avec fonds empruntés 71du créancier par débiteur 58provisoire 68

parties 58 s.créancier, non 60débiteur 59tiers subrogé, qualité 58

personne tenue au paiement de la dette ou ayant intérêt à l'acquitter 59prêt immobilier, renégociation 56prêt, résolution judiciaire 71prêteur, remise directe des fonds au créancier 71promesse de subrogation, inexécution 71quittance 61, 63stipulation expresse, non-nécessité 70

Subrogation réelle 1

Subrogé

enrichissement, interdiction 155, 156 s.information du débiteur de la subrogation 176

Subrogeant

mandataire ou prête-nom du subrogé 148prérogatives personnelles, non-transmission au subrogé 147, 149 s.actions attitrées 154actions en indemnisation 152 s.accident de la circulation 153actions en responsabilité 152caractère intuitu personae 150mineur, suspension de la prescription 151partie civile (constitution de) 151prérogative liée à des qualités personnelles du subrogeant qu'on ne retrouve pas chez le subrogé 151

Succession

acceptation à concurrence de l'actif net 114frais funéraires 117

Sûretés

transmission au subrogé 135

Terme (Obligation à) 10, 54

Tiers 186 s.

V. Effets

Tiers payeurs (Recours) 126, 169 s.

limitation 170

Tiers saisi 59

Transporteur 86, 139

Page 50: Subrogation Personnelle Et Reelle

Travail temporaire 16, 121, 123

Vente 98, 100

action en résolution 56, 98, 138

Mise à jour

36, 39 s., 49 s. Recours de l'assureur subrogé. - La subrogation conventionnelle de l'assureur dans les droits de l'assurérésulte de la volonté expresse de ce dernier, manifestée concomitamment ou antérieurement au paiement reçu de l'assureur,qui n'a pas à établir que ce règlement a été fait en exécution de son obligation contractuelle de garantie. Viole enconséquence l'article 1250, 1o, du code civil la cour d'appel qui, après avoir constaté que l'assureur se prévaut de la copie dela lettre-chèque, de la dispache et de la police d'assurance en vertu de laquelle il indique avoir procédé à l'indemnisation del'assuré ainsi que de l'acte de subrogation daté du même jour que le chèque, retient que l'assureur doit toutefois démontrerqu'il était tenu contractuellement de régler l'indemnité invoquée en exécution de la police (Com. 16 juin 2009, no 07-16.840 ).

77 s. La subrogation légale est applicable aux obligations dont la cause est distincte. - Le débiteur qui s'acquitte d'une dette qui luiest personnelle peut prétendre bénéficier de la subrogation du code civil sans qu'il soit nécessaire que le solvens et l'accipienssoient tenus d'une obligation indivisible, solidaire ou in solidum (Civ. 1 re, 25 nov. 2009, no 08-20.438 , D. 2010. 802, noteHontebeyrie ; RLDC 2010/68. 3705, obs. Maugéri).

99. Simplification du droit : le terme « antichrèse » est remplacé par« gage immobilier ». - La loi no 2009-526 du 12 mai 2009 desimplification du droit (pour une présentation, V. D. 2009. 1332 ) a supprimé le mot « antichrèse ». Le chapitre II estrenommé : « Du gage immobilier ». Dans les articles 2387 à 2392 du code civil, le mot « antichrèse » est remplacé par les mots« gage immobilier » et les termes « créancier antichrésiste » sont remplacés par les mots : « créancier titulaire d'un droit degage immobilier ». L'article 2387 est rédigé ainsi : « Le gage immobilier est l'affectation d'un immeuble en garantie d'uneobligation ; il emporte dépossession de celui qui le constitue. ».

Imputation des paiements : le privilège général mobilier des fournisseurs de tabac n'est pas un gage. - Le privilège général mobilierprévu par l'article 1928 du code général des impôts est distinct de la sûreté conventionnelle que constitue le gage et à proposduquel un arrêt d'assemblée plénière a pu affirmer que, lorsqu'un gage garantit partiellement une dette unique, le versementrésultant de sa réalisation s'impute sur le montant pour lequel la sûreté a été consentie (Com. 17 mai 2011, no 10-14.787 ,D. 2011. 1476, obs. Avena-Robardet ).

146. Transmission de la clause de conciliation préalable. - Les demandeurs agissant, par subrogation dans les droits et actionsdu vendeur d'un immeuble à l'égard de l'architecte, sur le fondement contractuel à l'encontre de ce dernier, la clause deconciliation préalable figurant au contrat d'architecte leur est opposable, en dépit du fait qu'ils n'en auraient pas eupersonnellement connaissance, de sorte que leur action, engagée avant toute saisine du conseil de l'ordre des architectes,est irrecevable (Civ. 3e, 28 avr. 2011, no 10-30.721 , Dalloz actualité, 23 mai 2011, obs. Dreveau).

Subrogation réelle

Éric SAVAUXAgrégé des Facultés de droit

Professeur à l'Université d'Angers

mars 1998 (dernière mise à jour : mars 2010)

Table des matières

Généralités, 1 - 11

Section 1 - Domaine de la subrogation réelle, 12 - 39

Art. 1 - Subrogation conventionnelle, 13 - 16Art. 2 - Subrogation légale, 17 - 32

§ 1 - Principaux cas de subrogation réelle prévus par les textes, 18 - 28§ 2 - Extension jurisprudentielle du domaine de la subrogation réelle, 29 - 32

Art. 3 - Question d'un principe général de subrogation réelle, 33 - 39

Section 2 - Régime de la subrogation réelle, 40 - 61

Art. 1 - Conditions de la subrogation réelle, 41 - 51§ 1 - Menace d'extinction d'un droit par disparition du bien sur lequel il s'exerce, 42 - 43§ 2 - Possibilité de report du droit sur un nouveau bien, 44 - 51

Art. 2 - Effets de la subrogation réelle, 52 - 61§ 1 - Effets à l'égard du bénéficiaire, 54 - 58§ 2 - Effets à l'égard des tiers, 59 - 61

Page 51: Subrogation Personnelle Et Reelle

Bibliographie

Beudant et Lerebours-Pigeonnière, Cours de droit civil français, t. 4, 2e éd., par Voirin, éd. Rousseau et Cie. - Bonnecase,Supplément au Traité théorique et pratique de droit civil, de Baudry-Lacantinerie, t. 3, 1926, Sirey. - Terré et Simler, Les biens,4e éd., 1992, Précis Dalloz. - Zénati, Les biens, 1re éd., 1988, PUF.

P. Crocq, Propriété et garantie, préf. M. Gobert, Bibl. dr. privé, t. 248, 1995, LGDJ. - S. Guinchard, L'affectation des biens en droitprivé français, préf. R. Nerson, Bibl. dr. privé, t. 145, 1976, LGDJ. - V. Ranouil, La subrogation réelle en droit civil français, préf.Ph. Malaurie, Bibl. dr. privé, t. 187, 1985, LGDJ. - H. Roland et L. Boyer, Adages du droit français, 3e éd., 1992, Litec. - G. W icker,Les fictions juridiques. Contribution à l'analyse de l'acte juridique, préf. J. Amiel-Donat, Bibl. dr. privé, t.253, 1997, LGDJ.

M. Cabrillac, Réserve de propriété, bordereau Dailly et créance du prix de revente, D. 1988, chron. 225. - H. Capitant, Essai surla subrogation réelle, RTD civ. 1919.391. - A. Cerban, Nature et domaine d'application de la subrogation réelle, ibid. 1939.47. -F. Chapuisat, Vers une utilisation extensive de la subrogation réelle. A propos des lois du 13 juillet 1965 et 3 juillet 1971, ibid.1973.643. - R. Demogue, Essai d'une théorie générale de la subrogation réelle, Rev. crit. législ. et jurispr. 1901.237. - G. Rives,Subrogation réelle à titre particulier et propriété immobilière, RTD civ. 1968.613. - P. Veaux-Fournerie, Fongibilité etsubrogation réelle en matière de gage commercial, in J. Hamel (sous la dir.), Le gage commercial, 1953. - G. W icker et P. Gaubil,L'efficacité du gage automobile non inscrit (à propos d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 20 sept. 1995),D. 1997, chron. 1 .

M. Lauriol, La subrogation réelle, thèse, Alger, 1952.

Généralités

1. La subrogation réelle recèle un paradoxe. Bien qu'elle ait été l'objet d'importants travaux, dont certains récents (V. Ranouil,La subrogation réelle en droit civil français, Bibl. dr. privé, t. 187, 1985, LGDJ), elle reste bien moins connue que la subrogationpersonnelle. Comme cette dernière elle évoque l'idée de remplacement, de substitution, plus précisément, puisqu'elle est dite« réelle », celle du remplacement d'un bien par un autre bien dans un rapport de droit. Mais, à la différence de la subrogationpersonnelle dont les principes sont désormais bien fixés, la nature, le fondement, le domaine et le régime de la subrogationréelle demeurent largement discutés. Certaines définitions traduisent même un important retard. Ainsi, l'idée selon laquelle lasubrogation réelle serait la « fiction de droit par laquelle (dans une universalité) un bien en remplace un autre en luiempruntant ses qualités » (G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association H. Capitant, 4e éd., 1994), directement inspirée desthèses classiques en la matière, ne reflète pas la nature, le domaine et les effets actuels de cette institution. En effet, lasubrogation réelle (au sens strict ; V. infra, no 10) constitue, en réalité, une technique permettant la conservation d'un droitdont l'existence est menacée par la disparition du bien sur lequel il porte (directement ou indirectement) par le report de cedroit sur un nouveau bien (le raisonnement à partir du droit, de préférence au bien, est un apport de la doctrine moderne,not. de M. Lauriol, La subrogation réelle, thèse, Alger, 1952, et de V. Ranouil, op. cit. ; mais R. Demogue avait déjà renversé laperspective, in Essai d'une théorie générale de la subrogation réelle, Rev. crit. législ. et jurispr. 1901.237, spéc. p. 303).

2 . Les origines de la subrogation réelle sont elles-mêmes floues. Selon certains auteurs, le droit romain en aurait connu aumoins trois applications (H. Roland et L. Boyer, Adages du droit français, 3e éd., 1992, Litec, p. 385, qui citent le fidéicommis deresiduo où le fidéicommissaire pouvait réclamer les biens achetés avec le prix des biens héréditaires, la pétition d'hérédité oùle possesseur devait rendre à l'héritier le prix des biens aliénés, et le pécule militaire où s'appliquait la même solution).D'autres pensent, au contraire, que même s'ils se sont fondés sur des textes du Digeste, la subrogation réelle est en réalitéune création des romanistes médiévaux (A. Colin, note sous Cass. ch. réunies 5 déc. 1907, DP 1908.1.113 ; F. Zénati, Lesbiens, 1re éd., 1988, PUF, n o 87). Sa naissance au Moyen Age serait liée à la pluralité des régimes des biens et à la nécessitéde préserver les patrimoines contre les effets des aliénations. Les post-glossateurs imaginent alors de dire que la choseacquise est subrogée à la chose cédée dont elle emprunte le statut. Pour fonder cet emprunt, ils ont recours à la théorie del'universalité. L'universalité constitue un bien distinct des biens qui la composent et elle reste intacte malgré l'aliénation de cesbiens qui sont automatiquement remplacés par leur prix. Dans les universalités, la subrogation réelle est donc un phénomènenaturel qui se produit de plein droit. En revanche, elle ne peut en principe jouer pour des biens isolés (F. Zénati, loc. cit.). D'oùl'apparition des deux adages qui ont fixé pour longtemps le domaine de la subrogation et dont on trouve aujourd'hui encoredes traces : in judiciis universalibus pretium succedit loco rei et res pretium ; in judiciis singularibus res non succedit loco pretii necpretium loco rei.

3 . C'est de cette manière que les auteurs de l'Ancien droit fixaient généralement le domaine de la subrogation, dont ilsconsidéraient par ailleurs qu'elle constitue une fiction ayant pour résultat de donner à un bien nouveau la nature ou lecaractère d'un bien ancien (sur la doctrine de l'Ancien droit, V. H. Roland et L. Boyer, op. cit. ; M. Planiol, note sous Cass. civ.29 avr. 1901, DP 1902.1.33 ; R. Demogue, article préc., p. 240 et s.). A la fin du XIXe siècle, cette conception devait conduireAubry et Rau à faire de la subrogation réelle un élément essentiel de leur théorie du patrimoine. Selon Aubry et Rau, quiexpriment parfaitement l'état de la doctrine classique, « la subrogation réelle… est une fiction par suite de laquelle un objetvient à en remplacer un autre, pour devenir la propriété de la personne à laquelle appartenait ce dernier, et pour revêtir sanature juridique. Le fondement de cette fiction se trouve… dans la fongibilité des objets que renferme une universalité dedroit ». En effet, selon Aubry et Rau, les éléments qui composent le patrimoine se ramènent tous à l'idée commune d'unevaleur pécuniaire et ont donc les uns à l'égard des autres le caractère de choses fongibles (Cours de droit civil français d'aprèsla méthode de Zachariæ, t. 6, 4e éd., 1873).

4. Toutes ces idées classiques ont été contestées à l'aube du XXe siècle par de grands auteurs (pour un exposé complet decette évolution, V. Bonnecase, Supplément au Traité théorique et pratique de droit civil, de Baudry-Lacantinerie, t. 3, 1926, Sirey,no 345 et s.). Élargissant la démonstration de R. Saleilles qui admettait qu'il n'y a de fiction que lorsque les conventionsprivées sont inaptes à produire l'effet de la subrogation réelle (note sous CA Dijon, 30 juin 1893, S. 94.2.185), R. Demogue

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juge qu'elle n'est pas une fiction car elle ne constitue que le respect de la volonté implicite du législateur ou des parties(article préc., spéc. p. 248 ; R. Saleilles lui-même finit par adhérer à cette idée : note sous Cass. civ. 29 avr. 1901,S. 1903.1.321). Quant à H. Capitant, il condamne les vieux brocards hérités des Bartolistes qui, selon lui, ne servent à rienpour déterminer le domaine de la subrogation réelle. Il est inutile d'avoir recours à la subrogation réelle dans les universalités,et particulièrement dans le patrimoine, pour expliquer le remplacement des biens les uns par les autres et le droit de gagegénéral des créanciers. La fongibilité des éléments du patrimoine suffit à expliquer le remplacement des biens et le droit degage général est la conséquence de la conception même du patrimoine. En outre, il est faux de dire que, pour les biens isolés,la subrogation réelle ne joue qu'exceptionnellement car, selon H. Capitant, le prix succède toujours à la chose (Essai sur lasubrogation réelle, RTD civ. 1919.391 ; V. égal. R. Demogue, article préc., spéc. p. 368 et s.).

5. Ces travaux sont également l'occasion de préciser le fondement de la subrogation réelle. Selon H. Capitant, elle aurait undouble rôle. D'une part, elle remplit un rôle technique lorsqu'elle empêche la confusion entre deux patrimoines se trouvantmomentanément entre les mains d'une seule personne, ou entre un groupe de biens et le reste du patrimoine. D'autre part,elle satisfait au besoin d'équité en sauvegardant les intérêts de ceux qui se trouvent dépouillés de leur droit de préférence oude propriété du fait d'une aliénation (H. Capitant, article préc., spéc. p. 394 et s. ; retenant un fondement général d'équité,V. A. Cerban, Nature et domaine d'application de la subrogation réelle, RTD civ. 1939.47). Surtout, R. Saleilles et R. Demoguefinissent par dégager l'idée que ce qui fonde en réalité la subrogation réelle, c'est l'affectation d'un bien, ou plus précisémentl'affectation d'une valeur à une destination spéciale (R. Saleilles, notes sous CA Dijon, 30 juin 1893 et Cass. civ. 29 avr. 1901,préc. ; R. Demogue, article préc.).

6. C'est ce fondement de la préservation de l'affectation d'une valeur à un but déterminé que retient généralement la doctrinemoderne (contra : M. Lauriol, thèse préc.). Selon P. Voirin, la subrogation réelle est « un procédé technique établi en vued'assurer la permanence d'une affectation et consistant en ce que le bien nouveau qui entre dans un patrimoine, enremplacement d'un autre bien grevé d'une affectation, est lui-même grevé de la même affectation et, par suite, prend la mêmecondition juridique » (in Beudant et Lerebours-Pigeonnière, Cours de droit civil français, t. 4, no 42). Plus précisément, lasubrogation réelle aurait pour objet principal d'assurer la permanence des affectations personnelles, c'est-à-dire cellesdestinées à assurer la protection des personnes en conservant un bien à leur profit, qu'il s'agisse de l'affectation d'un bienisolé comme en cas de report du droit du créancier hypothécaire sur l'indemnité d'assurance en cas de destruction del'immeuble, ou de l'affectation portant sur une masse de biens comme dans l'indivision ou dans les substitutions (S. Guinchard,L'affectation des biens en droit privé français, préf. R. Nerson, Bibl. dr. privé, t. 145, 1976, LGDJ, n o 338 et s.). Cependant, laplupart des auteurs jugent que l'affectation d'une valeur ne constitue pas le fondement unique de la subrogation réelle carelle ne permet pas d'expliquer toutes ses applications (S. Guinchard, loc. cit. ; contra : P. Voirin, loc. cit). Il faut encore ajouterque, dans certains cas, la subrogation réelle a pour objet d'assurer la restitution d'une masse de biens, en dehors de touteidée d'affectation. C'est alors l'origine des biens et non leur affectation qui fonde la subrogation réelle (M. Planiol, note sousCass. civ. 29 avr. 1901, préc. ; en ce sens, not. : Terré et Simler, Les biens, 4e éd., 1992, no 477 ; selon H. Roland et L. Boyer,op. cit, no 385, la restitution d'une masse de biens serait même historiquement le fondement premier ; pour une critique deces fondements, V. V. Ranouil, op. cit., p. 66 et s., qui considère que ces concepts peuvent expliquer a posteriori lareconnaissance de la subrogation dans tel ou tel cas spécial mais qu'ils ne peuvent fonder a priori un principe général, lasubrogation réelle n'étant qu'un procédé casuel).

7 . Ces deux idées sous-tendent effectivement la subrogation réelle qui est un système de conservation des droits menacésd'extinction par disparition de l'objet auxquels ils s'appliquent. Il faut simplement préciser que la subrogation réelle peut joueren cas de restitution d'un bien isolé, et surtout que si l'affectation d'un bien en nature l'empêche en principe de s'appliquer,elle ne l'interdit pas absolument (V. infra, no 19 et s). Elle apparaît donc à première vue comme un mécanisme conservatoire,statique et dérogatoire au droit commun (V. Ranouil, op. cit., spéc. p. 71 et s., et 171 et s.). Mais elle est aussi dynamiquepuisqu'elle permet d'assurer le remplacement des biens au sein d'une masse (en matière de gage portant sur desmarchandises, par ex., V. p. Veaux-Fournerie, Fongibilité et subrogation réelle en matière de gage commercial, in J. Hamel[sous la dir.], Le gage commercial, 1953 ; sur les avantages et les inconvénients de la subrogation réelle dans les régimesmatrimoniaux, V. Malaurie et Aynès, Les régimes matrimoniaux, 1994/1995, Cujas, no 313).

8. La délimitation de son domaine exact est la plus importante question posée par la subrogation. Schématiquement, il s'agitde savoir si elle doit être cantonnée aux hypothèses où elle a été voulue par les parties, ou imposée par la loi, ou si, aucontraire, elle peut être étendue hors de ces cas, voire érigée en principe général. Il est certain que la nature de lasubrogation réelle influence la délimitation de ce domaine. L'idée de fiction appelle ordinairement une interprétation stricte.Mais encore faut-il qu'il s'agisse vraiment d'une fiction juridique. Or il existe en la matière des confusions et la notion estparfois mal comprise. La fiction juridique ne se définit pas par sa fidélité à la réalité matérielle mais par les relations qu'elleentretient avec l'ensemble du système juridique. Plus précisément, « constitue une fiction juridique, toute solution de droitcompromettant la cohérence du système juridique tel qu'il est mis en forme techniquement par la définition d'un ensemble deconcepts juridiques et des relations qui les unissent ». C'est « l'altération d'un ou plusieurs concepts juridiques par laméconnaissance soit des conditions logiques, soit des effets logiques de leur application » (G. W icker, Les fictions juridiques.Contribution à l'analyse de l'acte juridique, préf. J. Amiel-Donat, Bibl. dr. privé, t. 253, 1997, n o 2-2). Or, contrairement à une idéereçue, la subrogation réelle ne comporte à l'analyse que rarement une telle altération des concepts, ce qui conduit sans douteà en repenser les applications (G. W icker, op. cit., no 348 et s.).

9 . L'origine des difficultés concernant le domaine de la subrogation réelle est bien connue. Contrairement à la subrogationpersonnelle, le code civil ne contient aucune disposition générale en la matière. Il énonce simplement une série de règles quipeuvent être analysées comme des applications de la subrogation réelle (les exemples les plus couramment cités sont lesart. 130, 1065 à 1068, 1303, 1406, al. 2, 1434…). La question est donc de savoir s'il s'agit de cas limitativement énumérés oude quelques manifestations d'un principe susceptible de recevoir d'autres applications. Une seconde difficulté s'est récemmentajoutée à ce premier problème. A l'occasion des différentes réformes des liquidations matrimoniales et successorales, le

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législateur a utilisé des techniques qui évoquent la subrogation réelle (F. Chapuisat, Vers une utilisation extensive de lasubrogation réelle. A propos des lois du 13 juillet 1965 et 3 juillet 1971, RTD civ. 1973.643). Ainsi, en matière de réduction deslibéralités, l'article 922, alinéa 2, du code civil prévoit, pour la détermination des masses de calcul de la réserve et de laquotité disponible, qu'il faut ajouter aux biens existant au décès du donateur la valeur à l'époque de leur alinéation des biensdonnés qui ont été aliénés par le donataire et « s'il y a eu subrogation, la valeur des nouveaux biens au jour de l'ouverturede la succession ». De la même manière l'article 860, alinéa 2, dispose que si le bien soumis à rapport a été aliéné avant lepartage, on tient compte de la valeur qu'il avait à l'époque de l'aliénation « et si un nouveau bien a été subrogé au bienaliéné, de la valeur de ce nouveau bien à l'époque du partage ». En matière de récompenses, l'article 1469, alinéa 3, disposeque « si un bien nouveau a été subrogé au bien aliéné » acquis, conservé ou amélioré grâce à un emprunt fait à un époux ouà la communauté, « le profit est évalué sur ce nouveau bien ». Dans le prolongement de ces textes, la doctrine moderne parledonc désormais de subrogation réelle liquidative ou de subrogation réelle imparfaite pour décrire ces règles intégrant lasubstitution d'un bien à un autre dans le calcul d'une dette de valeur (Malaurie et Aynès, Les régimes matrimoniaux, no 906).

10. Ces mécanismes peuvent sans aucun doute être rattachés à la subrogation réelle si on considère qu'il s'agit toujours,comme dans les cas de subrogation réelle parfaite, de conserver un droit sur un bien, ou plus précisément de conserver unevaleur incluse dans un bien (en ce sens : Ph. Rémy, note sous Cass. 1 re civ. 20 oct. 1987, JCP, éd. N, 1988.II.165). Néanmoinsla présente étude sera limitée à la seule subrogation réelle parfaite (ou subrogation réelle stricto sensu) car les techniquesconsidérées paraissent quand même différer par des traits essentiels. Dans la subrogation réelle imparfaite ou liquidative, iln'existe pas à proprement parler de droit dont l'existence est menacée par la disparition du bien sur lequel il porte. Lecréancier de la récompense, ou le bénéficiaire du rapport ou de la réduction, ont un droit portant uniquement et directementsur une valeur. Celle-ci se calcule simplement d'après des modalités différentes selon que le bien qui sert de référence seretrouve en nature, qu'il a été aliéné ou qu'il a été remplacé par un autre. Au contraire, dans la subrogation réelle parfaite ledroit de celui qui en bénéficie porte directement ou indirectement sur un bien et la disparition de celui-ci menace l'existence deson droit (en ce sens : F. Chapuisat, article préc., spéc. p. 652 ; Malaurie et Aynès, Les successions. Les libéralités, no 906 et918). V. infra, no 42.

11. Même limitée à la subrogation réelle parfaite, l'étude couvre un champ extrêmement vaste tant les applications de cettetechnique sont nombreuses et protéiformes (V. Ranouil, op. cit., p. 25 et s. ; G. W icker, op. cit., no 352). Nous ne saurions doncprétendre ici à l'exhaustivité. En revanche, à partir des principales applications positives de la subrogation réelle il est possibled'en esquisser, si ce n'est une théorie générale, du moins les principes fondamentaux. Cela suppose d'abord d'essayer derésoudre la question essentielle du domaine de la subrogation réelle, avant de tenter d'en cerner le régime.

Section 1 - Domaine de la subrogation réelle

12. Depuis le début du XXe siècle, le domaine de la subrogation réelle ne se trace plus en appliquant les vieux adages injudiciis universalibus… et in judiciis singularibus…, et en opposant subrogation à titre universel (ou subrogation générale) etsubrogation à titre particulier (ou subrogation spéciale). Tout le monde admet que la subrogation réelle peut se produire aussibien dans les universalités qu'à propos de biens isolés, même si c'est à des conditions et avec un rôle très différents (V. infra,no 54 et s.). La véritable question est de savoir si la subrogation réelle peut être admise en dehors des cas où elle estvoulue par les parties ou prévue spécialement par la loi (dans une certaine mesure, l'interrogation paraît éternelle puisqu'ellese posait déjà dans l'Ancien droit ; R. Demogue, article préc., spéc. p. 241). Il convient donc d'étudier successivement lasubrogation conventionnelle, puis la subrogation légale, avant de s'interroger sur l'existence d'un principe général desubrogation.

Art. 1 - Subrogation conventionnelle

13. La possibilité d'organiser la substitution d'un bien à un autre dans un rapport de droit par l'effet d'une convention paraîtavoir toujours été admise puisque Renusson jugeait déjà que « toute subrogation est une fiction qui vient de la loi ou de laconvention » (Traité des propres, chap. 1er, sect. X ; Traité de la subrogation, chap. 1er, no 3 et s., cité par R. Demogue, articlepréc., spéc. p. 241 ; considérant que toute subrogation est nécessairement légale, V. cep. Bonnecase, op. cit., p. 774). C'estd'ailleurs en se fondant essentiellement sur la volonté des parties que la jurisprudence a admis, à la fin du siècle dernier, lejeu de la subrogation réelle dans les donations faites à charge de fonder un établissement d'enseignement religieux pourordonner la restitution des biens acquis en remplacement des biens donnés à la suite de la révocation de la libéralité pourinexécution des charges du fait de la laïcisation de ces établissements (CA Dijon, 30 juin 1893 et Cass. civ. 29 avr. 1901, préc.supra, no 4 ; V. égal. Cass. civ. 26 juin 1918 et Cass. req. 10 janv. 1923, DP 1924.1.337, note R. Demogue). La pratique quiconsistait, avant la loi du 19 février 1899 qui a généralisé ce système (V. infra, no 30), à insérer dans l'acte constitutifd'hypothèque une clause permettant aux créanciers d'exercer leur droit sur l'indemnité d'assurance en cas de destruction del'immeuble, constituait jadis une autre application de la subrogation conventionnelle. Il en va de même aujourd'hui de celle quiconsiste à insérer, dans l'acte de vente amiable d'un immeuble hypothéqué, une clause de nantissement du prix auxcréanciers hypothécaires qui peuvent donc exercer leur droit de préférence sur celui-ci (V. Ranouil, op. cit., p. 72 et 79).Certains auteurs préconisent encore le recours à la subrogation conventionnelle dans les associations afin de régler la reprisedes apports consécutive à la dissolution du groupement (V. Ranouil, loc. cit.).

1 4 . Il serait d'ailleurs plus exact de parler de subrogation volontaire que de subrogation conventionnelle puisque lajurisprudence étend cette possibilité aux actes juridiques unilatéraux. Par un arrêt du 19 février 1991 (D. 1992.379. note J.-P. Couturier ), la cour d'appel de Rennes a, en effet, jugé qu'en présence d'un legs de residuo portant sur un portefeuille devaleurs mobilières le second gratifié peut prétendre, au décès du premier légataire, à la restitution des titres nouveaux quiont remplacé les titres légués dans ce portefeuille. La cour d'appel s'est fondée sur la disposition du testament prévoyant unetransmission des biens se retrouvant en créance ou en nature au décès du premier gratifié. Elle en a déduit que le testateuravait entendu procurer aux gratifiés le bénéfice d'une saine gestion impliquant des cessions de valeurs et le remplacement decertains titres et que limiter le residuum aux valeurs strictement identiques à celles du portefeuille d'origine aurait pour effet

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de réduire arbitrairement la portée de la libéralité au mépris de la volonté de son auteur.

1 5 . Malgré l'ancienneté de sa consécration, le régime de la subrogation conventionnelle demeure très flou. Les seulescertitudes concernent son domaine. D'abord, il apparaît qu'elle n'a de véritable utilité qu'en l'absence de texte (V. not. Cass.civ. 1er août 1910, S. 1913.1.361, note L. Hugueney, qui juge que l'affectation d'une somme d'argent à un objet déterminén'entre dans aucun des cas de subrogation établis par la loi, qu'elle n'emporte donc pas par elle-même substitution de l'objetà cette somme et que cet effet ne peut résulter que de la volonté des parties), sauf à préciser le jeu d'un cas de subrogationlégale dans le respect des principes qui le régissent. Ensuite, il est certain que la convention ou la volonté unilatérale nepeuvent organiser une subrogation réelle que dans le respect des règles impératives (Cass. req. 10 mars 1915, S. 1915.1.5,note Lyon-Caen, qui reconnaît la validité de la clause d'un warrant prévoyant le remplacement des marchandises warrantéespérissables en observant que cette stipulation n'a rien d'illicite), et de l'esprit de l'institution dans laquelle elle s'insère.L'admission de la subrogation réelle dans le legs de residuo d'un portefeuille de valeurs mobilières (V. supra, no 14) a ainsi étéjustement critiquée au motif qu'elle permet de garantir au second légataire la restitution de l'équivalent des biensoriginellement légués et non celle d'un residuum, ce qui le rapproche d'une substitution prohibée (J.-P. Couturier, note sousCA Rennes, 19 févr. 1991, préc.). C'est un obstacle de cet ordre qui est dressé par certains contre l'utilisation de lasubrogation réelle conventionnelle en cas d'apport à une holding de titres de société démembrés. En cas d'apport conjoint dela nue-propriété et de l'usufruit d'un titre, le démembrement ne pourrait être reporté par voie de subrogation conventionnellesur les nouveaux titres rémunérant ces apports. Si l'apporteur de l'usufruit ne recevait qu'un usufruit sur des droits sociaux,son apport serait nul car l'usufruitier de droits sociaux n'a pas la qualité d'associé (R. Gentilhomme, Apport de titres etdémembrement de propriété, JCP, éd. E, 1994.I.311).

16. Les conditions de la subrogation conventionnelle sont en revanche plus incertaines, notamment pour ce qui concerne lespersonnes dont le consentement est requis (R. Saleilles, note sous Cass. civ. 29 avr. 1901, préc. supra, no 4). Les arrêts de lafin du XIXe siècle ayant admis la subrogation réelle en matière de révocation des donations avec charge ont relevé qu'elleavait eu lieu avec le consentement de tous les intéressés, c'est-à-dire du donateur ou de ses héritiers, du donataire et dubénéficiaire de la charge. L'exigence du consentement de tous les intéressés à la subrogation a été justement critiquée(R. Saleilles, note préc.). Dans la rigueur des principes, seul celui de l'auteur ou des auteurs de l'acte contenant la clause desubrogation devrait être requis. Pour les tiers, c'est uniquement d'opposabilité de la stipulation qu'il s'agit. Celle-ci dépendessentiellement de la nature des biens considérés et de l'existence éventuelle de formalités de publicité (V. infra, no 59 et s.).Ils peuvent également être protégés, le cas échéant, par les actions du droit commun : action en déclaration de simulation,action paulienne… Quant au contenu des stipulations, il pourrait s'inspirer des déclarations d'emploi ou de remploi dans lesrégimes matrimoniaux (V. infra, no 51), bien que le respect de ces formalités ne soit évidemment pas obligatoire ici. L'actedevrait donc contenir une double déclaration : la déclaration d'origine qui indique la provenance du bien cédé ou celle desfonds employés, et la déclaration d'emploi qui précise qu'ils sont affectés à l'acquisition d'un bien destiné à les remplacer.

Art. 2 - Subrogation légale

17. Le législateur a assez souvent recours à la subrogation réelle afin de protéger un droit menacé de disparition. L'extrêmediversité des hypothèses concernées interdit même d'en donner une vue exhaustive (pour une vue plus complète,V. V. Ranouil, op. cit.). Seules ses principales applications seront donc présentées ici. Il conviendra ensuite d'indiquer commentla jurisprudence a étendu le champ d'application de la subrogation réelle à partir de ces textes.

§ 1 - Principaux cas de subrogation réelle prévus par les textes

18 . La doctrine moderne a mis en évidence que la subrogation réelle remplit deux fonctions. D'une part, elle permet deconserver à sa destination la valeur d'un bien soumis à affectation spéciale ; d'autre part, elle assure la restitution decertaines masses de biens (V. supra, no 5 et s.). Ces deux fondements sont exacts mais il doivent être précisés si l'on veutcouvrir l'ensemble des cas de subrogation réelle. A l'analyse on s'aperçoit, en effet, que la subrogation peut jouer,exceptionnellement, pour des biens dont l'affectation a lieu en nature et pour la restitution de biens qui n'appartiennent pas àune masse (G. W icker, op. cit., no 353 et s.). Il faut donc envisager globalement la subrogation réelle et l'affectation des biens,d'une part, la subrogation réelle et la restitution des biens, d'autre part.

A. - Subrogation réelle et affectation des biens

19. Les travaux du début du siècle ont mis en évidence le rôle essentiel que joue l'affectation en valeur des biens dans lasubrogation réelle (V. supra, no 5 et s.). Lorsqu'un bien n'est pas considéré dans son individualité, dans sa réalité matérielle,mais seulement pour la valeur qu'il représente, et lorsque cette valeur est affectée à la réalisation d'un but particulier, cetteaffectation explique qu'en cas de disparition du bien, celui qui apparaît en échange et qui constitue sa contre-valeur reçoive lamême affectation. En revanche, si le bien est considéré dans son individualité, il ne peut a priori être remplacé par un autredans un rapport de droit. Néanmoins, si l'affectation d'un bien repose sur son utilité particulière pour la réalisation d'un butdonné, cette utilité n'est pas nécessairement réduite à la valeur. Le bien peut être considéré en raison de son utilitématérielle, c'est-à-dire des services qu'il rend. La subrogation réelle peut donc être admise si un autre bien est susceptible derendre les mêmes services (G. W icker, op. cit., no 388, et 397 et s.).

a. - Affectation en valeur

20. Il y a affectation en valeur lorsqu'un bien n'est compris dans un rapport de droit qu'en raison de l'élément de richesse qu'ilreprésente. Dans ce cas, son individualisation ne sert en réalité qu'à appréhender une valeur au sein du patrimoine sur lequels'exerce le droit (G. W icker, op. cit., no 390). On comprend donc aisément que le droit des sûretés réelles soit souventprésenté comme le domaine d'élection de la subrogation puisque les biens n'y sont considérés qu'en raison de la garantie depaiement qu'ils offrent (Malaurie et Aynès, Les sûretés. La publicité foncière, 8e éd., 1997, no 403). Les applications de latechnique y sont en effet multiples. Parmi les dispositions les plus importantes, figure l'article L. 121-13 du code des

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assurances qui prévoit que les indemnités dues par suite d'assurance contre l'incendie, la grêle, la mortalité du bétail ou lesautres risques, de même que les indemnités dues en cas de sinistre par le locataire ou le voisin en application des articles1733 et 1382 du code civil, sont attribuées aux créanciers privilégiés ou hypothécaires selon leur rang. Une règle voisine estconsacrée (pour toute indemnité d'assurance, les textes ne distinguant pas) par : l'article L. 342-5, alinéa 3, du code ruralpour le warrant agricole, l'article 10 de la loi du 8 août 1913 (DP 1916.4.7) pour le warrant hôtelier, l'article 30 de l'ordonnanceno 45-1744 du 6 août 1945 (D. 1945.186) pour le warrant des marchandises déposées dans les magasins généraux, l'articleL. 122-6 du code de l'aviation civile pour l'hypothèque des aéronefs, l'article 47 de la loi no 67-5 du 3 janvier 1967 (D. 1967.53,rect. 200) pour les hypothèques maritimes… La subrogation s'étend aussi à des indemnités autres que d'assurance. Ainsi,l'article 35 de la loi no 46-2389 du 28 octobre 1946 (D. 1946.431) prévoit le report du droit de préférence des créanciers munisde sûretés sur les indemnités dues par l'État pour les dommages de guerre, et l'article 55 de la loi no 67-1253 du30 décembre 1967 (D. 1968.58) celui des droits des créanciers dont la sûreté est éteinte par la fin du contrat de concessionimmobilière sur l'indemnité éventuellement due par le propriétaire au concessionnaire. Plus exceptionnellement, le droit ducréancier titulaire d'une sûreté réelle peut se reporter sur un autre bien. C'est ce qui résulte de l'article L. 123-13, alinéa 1er,du code rural qui dispose que « les droits réels, autres que les servitudes, grevant les immeubles remembrés s'exercent surles immeubles attribués par le remembrement ».

21. En revanche, la subrogation réelle est en principe exclue en matière de gage et de droit de rétention qui supposent que lecréancier soit resté en possession de la chose (Malaurie et Aynès, op. cit., no 507, 512 et 444 et s.). Mais il existe en lamatière des exceptions. La loi prévoit de nombreux cas de subrogation dans les warrants qui sont des gages sansdépossession (V. supra, no 20). L'article 159, alinéa 4, de la loi no 85-98 du 25 janvier 1985 (D. 1985.147) organise un reportde plein droit du droit de rétention sur le prix en cas de vente de la chose retenue par le liquidateur. L'article 29 de la loino 83-1 du 3 janvier 1983 (D. 1983.89, rect. 168), sur le développement des investissements et la protection de l'épargne,modifié par la loi no 96-597 du 2 juillet 1996 (D. 1996.301, erratum 391), dispose que les instruments financiers figurant dansle compte d'instruments financiers donné en gage, « ceux qui leur sont substitués ou qui les complètent, de quelque manièreque ce soit… sont compris dans l'assiette du gage » (sur l'application de ce texte, V. M. Bandrac et P. Crocq , obs. sousCass. com. 10 janv. 1995, RTD civ. 1996.953 ). Par ailleurs, la jurisprudence accorde au créancier titulaire d'un gageautomobile le bénéfice de l'article L. 121-13 du code assurances (Cass. com. 18 févr. 1992, Bull. civ. IV, n o 81, RTDcom. 1992.860, no 21, obs. B. Bouloc ) et la doctrine propose son extension au titulaire d'un gage automobile non inscrit(G. W icker et P. Gaubil, L'efficacité du gage automobile non inscrit [à propos d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Versaillesle 20 sept. 1995], D. 1997, chron. 1 , no 18 et s.).

b. - Affectation en nature

22. Il y a affectation en nature d'un bien lorsque ce dernier est considéré pour son utilité matérielle, autrement dit lorsqu'il estintégré dans un rapport de droit en raison des services qu'il peut rendre (G. W icker, op. cit., no 397). Dans ce cas, même si lesconditions sont plus contraignantes (V. infra, no 49), la subrogation réelle peut jouer si le bien nouveau est suffisant à laréalisation du but poursuivi. La loi fournit effectivement des exemples de subrogation réelle en présence d'une affectation dece type (G. W icker, loc. cit.). L'article L. 123-15 du code rural prévoit que le locataire d'une parcelle atteinte par leremembrement a le choix entre le report du bail sur les parcelles acquises en échange par le bailleur et la résiliation du bailsans indemnité dans la mesure où l'étendue de sa jouissance est diminuée par l'effet du remembrement. L'article L. 124-1étend la règle au cas d'échange d'immeubles ruraux. Quant à l'article L. 123-13, alinéa 1er, qui prévoit l'exercice des droitsréels autres que les servitudes sur les immeubles acquis à la suite du remembrement, il permet le report de l'usufruit surceux-ci. Une autre illustration est fournie par l'article 900-4, alinéa 2, du code civil (réd. L. 4 juill. 1984). Le texte prévoit que lejuge saisi d'une demande de révision des conditions et charges grevant les donations ou les legs lorsque les circonstancesrendent leur exécution soit extrêmement difficile, soit sérieusement dommageable, peut autoriser l'aliénation de tout ou partiedes biens faisant l'objet de la libéralité en ordonnant que le prix sera employé à des fins en rapport avec la volonté dudisposant.

B. - Subrogation réelle et restitution des biens

23 . Il paraît désormais acquis que même élargie à celle qui se réalise en nature, l'affectation des biens ne suffit pas àexpliquer tous les cas de subrogation réelle. Il faut encore ajouter les hypothèses dans lesquelles elle intervient afind'assurer la restitution de certains biens. Cette fonction a d'abord été mise en évidence dans des groupements de biensqualifiés selon les cas universalités, masses ou patrimoines d'affectation. Mais elle existe aussi à propos de biens quin'appartiennent pas à de telles masses.

a. - Restitution des biens appartenant à une masse

24. Selon une idée désormais classique, la subrogation réelle peut avoir pour objet d'assurer la restitution d'une masse debiens donnée à son titulaire, ou d'éviter la confusion entre deux patrimoines momentanément réunis sur une même tête, ouentre un groupe de biens et le reste du patrimoine (Terré et Simler, op. cit., no 477 ; H. Capitant, article préc., spéc. p. 394).Une application se trouve à l'article 130 du code civil selon lequel « l'absent dont l'existence est judiciairement constatéerecouvre ses biens et ceux qu'il aurait dû recueillir pendant son absence dans l'état où ils se trouvent, le prix de ceux quiauraient été aliénés ou les biens acquis en emploi des capitaux ou des revenus échus à son profit ». La doctrine expliquehabituellement le droit de l'absent sur le prix des biens vendus ou sur les biens acquis en emploi par le jeu de la subrogationréelle (V. Ranouil, op. cit., p. 46). Au-delà de cette hypothèse formellement prévue par les textes, la doctrine fonde égalementsur la subrogation le remplacement d'un bien par un autre au sein d'une masse en matière de pétition d'hérédité et debénéfice d'inventaire. Par l'action en pétition d'hérédité, l'héritier agit contre le tiers qui prétend avoir cette même qualité afinde faire reconnaître sa qualité et de recouvrer le patrimoine successoral. Lorsque le défendeur a accompli des actes dedisposition sur les éléments de ce patrimoine et que les tiers peuvent invoquer l'apparence, la subrogation réelle doitpermettre à l'héritier de récupérer le patrimoine successoral dans son état actuel, comprenant les biens acquis enremplacement ou le prix de ceux vendus (G. W icker, op. cit., no 365 ; V. Ranouil, op. cit., p. 47 et 106, et les auteurs cités). En

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cas d'acceptation sous bénéfice d'inventaire, doivent figurer au crédit l'actif de la succession et les biens subrogés à ceuxaliénés ou disparus. La subrogation réelle doit jouer pour éviter que les biens successoraux se confondent avec les bienspersonnels de l'héritier (Malaurie et Aynès, Les successions. Les libéralités, no 261). Enfin, une autre application importante dela subrogation réelle destinée à préserver l'intégrité d'une masse de biens résulte de la jurisprudence qui, dès le XIXe siècle,l'a admise au sein de l'indivision (V. infra, no 31).

25. Dans une inspiration voisine, la loi utilise parfois la subrogation réelle afin de préserver l'intégrité de certaines masses debiens au sein du patrimoine. Il s'agit plus précisément d'éviter au titulaire de cette masse de perdre son droit par le fait de ladisparition juridique ou matérielle des éléments qui la composent. L'exemple le plus important est fourni par les régimesmatrimoniaux communautaires dont les règles utilisent largement la subrogation réelle afin de maintenir l'équilibre entre lesbiens propres et les biens communs. Selon l'article 1406, alinéa 2, du code civil, « forment aussi des propres, par l'effet de lasubrogation réelle, les créances et indemnités qui remplacent des propres, ainsi que les biens acquis en emploi ou remploi,conformément aux articles 1434 et 1435 ». Le texte indique expressément le fondement de l'acquisition de la qualité depropre, ce qui est assez rare. Il s'agit dans tous les cas de la subrogation réelle. Mais celle-ci se réalise selon des modalitésdifférentes selon les hypothèses concernées. Se produisant de plein droit pour les créances (de prix ou de soulte éventuelle)et les indemnités (d'assurance, d'expropriation, de responsabilité…) qui remplacent dans le patrimoine d'un époux les bienspropres qui en sont sortis, elle nécessite au contraire l'accomplissement de formalités particulières en cas d'emploi de fondsappartenant à l'époux pour l'acquisition d'un bien quelconque ou en cas de remploi, c'est-à-dire d'acquisition d'un bien avecdes fonds provenant de l'aliénation d'un propre. Bien que le texte ne le dise cette fois pas clairement, c'est aussi unesubrogation réelle de plein droit qui fonde la qualité de propre du bien acquis en échange d'un propre (C. civ., art. 1407).Dans ces hypothèses, la subrogation réelle permet au bien nouveau de demeurer propre alors que l'application des principesnormaux en aurait fait un bien commun en raison de la présomption d'acquêt qui s'applique à tout bien acquis à titre onéreuxpendant la durée du régime (C. civ., art. 1402). La doctrine dominante explique encore par la subrogation réelle la qualité debien commun des biens acquis en échange de biens appartenant à la communauté, de même que celle des créances ouindemnités les remplaçant (Terré et Simler, Les régimes matrimoniaux, 2e éd., 1994, no 299). Mais il s'agit d'une analysecontestable.

26. Dans toutes ces hypothèses, la doctrine dominante, et parfois le législateur lui-même, font appel à la subrogation réellepour fonder le remplacement d'un bien par un autre. Or cette explication est critiquable. Il semble, en effet, que l'on n'ait pastiré ici tous les enseignements qui pouvaient l'être de l'abandon de la subrogation réelle comme fondement du remplacementdes biens au sein du patrimoine. Contrairement à ce que pensaient Aubry et Rau, il est inutile de recourir à la subrogationréelle pour expliquer le remplacement des biens au sein du patrimoine car celui-ci découle naturellement de la fongibilité deses éléments (V. supra, no 4). Or, dans les hypothèses considérées les biens nouveaux ont de la même manière vocationnaturelle à remplacer les biens anciens (V. not., à propos de la subrogation dans les régimes matrimoniaux, Terré et Simler,op. cit., no 348). Mais alors le phénomène s'explique bien mieux par la fongibilité des éléments composant les masses de biensque par la subrogation réelle. Il suffit que la masse de biens considérée soit dotée d'une autonomie suffisante ou qu'elleconstitue un patrimoine d'affectation, c'est-à-dire « un ensemble cohérent de droits et d'obligations en rapport avec un intérêtspécifique » (G. W icker, op. cit., no 354 et s.). Dans ces hypothèses, la subrogation réelle n'a donc qu'une fonction purementdescriptive et non technique. En réalité, ce n'est pas elle qui fonde le remplacement d'un bien par un autre (G. W icker, loc.cit. ; excluant l'application de la subrogation en cas de remplacement d'un bien appartenant à une universalité, V. égal.F. Zénati, note sous Cass. 1re civ. 20 oct. 1987, RTD civ. 1989.581).

b. - Restitution d'un bien n'appartenant pas à une masse

27. Le code civil consacre toute une série de cas de subrogation réelle en matière de restitution d'un bien n'appartenant pasà une masse. Il s'agit d'abord de l'article 1380 relatif à la répétition de l'indu qui dispose : « Si celui qui a reçu de bonne foi avendu la chose, il ne doit restituer que le prix de la vente ». Il s'agit ensuite de l'article 1934 selon lequel « le dépositaireauquel la chose a été enlevée par une force majeure et qui a reçu un prix ou quelque chose à la place, doit restituer ce qu'il areçu en échange », et de l'article 1935 qui indique que « l'héritier du dépositaire, qui a vendu de bonne foi la chose dont ilignorait le dépôt, n'est tenu que de rendre le prix qu'il a reçu, ou de céder son action contre l'acheteur, s'il n'a pas touché leprix ». Contrairement aux apparences, il ne s'agit pas de subrogation réelle dans le droit de propriété mais seulement desubrogation réelle dans le droit personnel à restitution. La substitution automatique du prix perçu au bien se heurte à lafongibilité de l'argent, et les textes n'indiquent pas qu'il est devenu de plein droit la propriété du solvens, du déposant ou ducréancier au moment de la vente. Ils prévoient simplement le report de la créance de restitution du bien lui-même sur son prix(P. Crocq, Propriété et garantie, préf. M. Gobert, Bibl. dr. privé, t. 248, 1995, LGDJ, no 227).

28. Cependant, la principale application de la subrogation réelle en matière de restitution de biens n'appartenant pas à unemasse se trouve à l'article 122 de la loi du 25 janvier 1985 (réd. L. no 94-475 du 10 juin 1994, D. 1994.308, rect. 585). Letexte dispose : « Peut être revendiqué le prix ou la partie de prix des (marchandises consignées au débiteur, soit à titre dedépôt, soit pour être vendues pour le compte du propriétaire, et des biens vendus avec une clause de réserve de propriétésubordonnant le transfert de propriété au paiement intégral du prix, qui se retrouvent en nature au moment de l'ouverture dela procédure [art. 121]) qui n'a été ni payé, ni réglé en valeur, ni compensé en compte courant entre le débiteur et l'acheteurà la date du jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire ». La Cour de cassation a jugé qu'en utilisant le verbe« revendiquer », la loi indique que la créance de prix est devenue la propriété du vendeur des marchandises et quel'acquisition de cette propriété ne peut être le fait que d'une subrogation réelle qui se produit au moment de la revente(M. Cabrillac, Réserve de propriété, bordereau Dailly et créance du prix de revente, D. 1988, chron. 225 ; F. Perochon, Larevendication du prix de revente, D. aff. 1996.1402 ; la règle est souvent rattachée à l'idée d'affectation des biens puisque laclause de réserve de propriété constitue une garantie pour le vendeur ; mais il est plus exact d'y voir un cas de subrogationdans la restitution puisque le vendeur agit alors comme propriétaire : G. W icker, op. cit., no 371). C'est pour l'essentiell'application de ce texte qui a fourni à la jurisprudence moderne l'occasion d'étendre le domaine de la subrogation réelle.

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§ 2 - Extension jurisprudentielle du domaine de la subrogation réelle

29 . La nature de la subrogation réelle pèse évidemment sur son domaine. Ainsi doit-elle être normalement l'objet d'uneinterprétation stricte si elle constitue une fiction juridique, au moins en dehors des universalités selon la doctrine classique(L. Hugueney, note sous Cass. civ. 1 er août 1910, S. 1913.1.361 ; V. Ranouil, op. cit., p. 57 et s.). En revanche, rien n'interditson extension hors des cas prévus par la loi si elle n'a pas cette nature (G. W icker, op. cit., no 388 et s.). L'équité qui la fondepeut même suggérer de l'appliquer à tous les créanciers ayant sur un bien un droit de préférence non prolongé par le droit desuite (H. Capitant, article préc., spéc. p. 409). La jurisprudence ancienne s'est souvent inspirée de l'idée classique que lasubrogation réelle est une fiction pour en limiter le domaine, mais pas toujours. Quant à la jurisprudence moderne, elleexprime une faveur nettement plus marquée pour la subrogation réelle.

30. A plusieurs reprises au cours du XIXe siècle, la Cour de cassation a clairement jugé que « la subrogation réelle ne s'opèreque dans les cas spécialement déterminés par la loi » (Cass. req. 28 févr. 1899, S. 1901.1.31, DP 1905.1.28, à proposd'actions souscrites avec le prix de valeurs successorales indivises ; Cass. civ. 1er août 1910, préc., en matière d'affectationpar donation d'une somme d'argent à un but déterminé, qui subordonne donc la subrogation du bien acquis à la sommed'argent à la volonté des parties). Cela l'a notamment conduite à refuser toute préférence aux créanciers hypothécaires(Cass. civ. 28 juin 1831, S. 31.1.291) ou au bailleur d'immeuble (Cass. req. 20 déc. 1859, S. 60.1.24) sur l'indemnitéd'assurance en cas d'incendie de l'immeuble avant que la loi du 19 février 1889 ne pose la solution contraire. De la mêmemanière, elle a interprété strictement les textes admettant le report du droit des créanciers privilégiés sur l'indemnitéd'expropriation, refusant de l'appliquer à l'indemnité allouée au propriétaire d'un immeuble démoli par ordre de l'autoritémilitaire en cas de guerre (Cass. req. 12 mars 1877, DP 77.1.97), ou d'admettre l'exercice du droit de préférence d'uncréancier gagiste sur l'indemnité réparant le dommage résultant de la perte des marchandises au cours d'une insurrection enprésence d'un texte (l'art. 10 de la loi du 28 mai 1858) prévoyant seulement le report des droits des porteurs de warrants surles indemnités d'assurance dues en cas d'incendie (Cass. req. 2 août 1880, DP 81.1.227). La Cour de cassation a maintenucette orientation après que la loi du 13 juillet 1930 (art. 37, BLD 1930.512) eût repris le principe posé par la loi de 1889. Parun arrêt du 25 mai 1943, la chambre civile a en effet jugé que « le droit propre conféré aux créanciers privilégiés ouhypothécaires sur l'indemnité acquise à leur débiteur en cas de perte ou de détérioration de la chose spécialement affectée àla garantie de leur créance naît de la loi et ne peut, sous le prétexte d'une fausse analogie, être invoqué par le propriétaired'un camion sur l'indemnité stipulée par le locataire ayant contracté dans son intérêt exclusif une assurance des dommagesmenaçant la chose louée » (Cass. civ. 25 mai 1943, DC 1944.25, note A. Besson).

3 1 . Cependant, la jurisprudence ne s'est pas toujours tenue à cette limitation stricte des cas de subrogation réellequ'imposait l'idée de fiction. Elle en a élargi le champ d'application par deux procédés différents. Dans une première séried'hypothèses, elle a interprété largement des textes consacrant un cas de subrogation réelle. La jurisprudence a ainsi admisle report de l'ancien droit de retour de l'ascendant donateur sur les biens acquis en emploi des sommes données alors quel'article 747, alinéa 2 (anc.), du code civil) ne prévoyait ce report que sur la créance du prix de vente des biens donnés ou surl'action en reprise (Cass. civ. 30 juin 1817, S. 17.1.339 ; CA Lyon, 24 août 1871, S. 72.2.121). Dans une seconde série de cas,elle est allée plus loin encore, consacrant le jeu de la subrogation réelle en dehors de toute prévision de la loi. Elle l'a fait dèsle début de ce siècle en matière d'indivision par le célèbre arrêt Chollet c/Dumoulin du 5 décembre 1907. La Cour de cassationa en effet jugé qu'en cas d'adjudication sur licitation à un tiers d'un immeuble dépendant de l'hérédité, la vente est en réalitéfaite pour le compte de la masse successorale et que la créance du prix entre dans l'actif à partager pour y être soumise,comme l'aurait été l'immeuble qu'elle remplace, aux règles ordinaires du partage (Cass. ch. réunies 5 déc. 1907, DP1908.1.113, concl. Baudouin, note A. Colin, S. 1908.1.5. note Ch. Lyon-Caen). La solution a été étendue à l'acquisition d'unimmeuble en remploi d'un bien indivis (Cass. 1re civ. 9 janv. 1979, Bull. civ. I, no 13, D. 1979, IR 254, obs. D. Martin, RTD civ.1982.178, obs. J. Patarin, Defrénois 1979.1245, obs. G. Champenois) et au prix de vente d'un immeuble acquis en remploi d'unbien indivis (Cass. 1re civ. 6 nov. 1967, D. 1968.36, RTD civ. 1968.399, obs. R. Savatier). Elle est très généralement fondée surla subrogation réelle (Baudouin, concl. préc. ; Malaurie et Aynès, Les successions. Les libéralités, no 815, ; Grimaldi,Successions, 4e éd., 1996, no 859 ; contra : A. Colin, note préc.), mais elle s'explique sans doute mieux par l'autonomie de lamasse indivise (G. W icker, op. cit., no 358). En matière de successions, la jurisprudence a admis de la même manière le jeu dela subrogation réelle sans texte en cas de séparation des patrimoines (CA Nîmes, 21 juill. 1852, DP 54.2.206).

Lire la mise à jour31, 47. Indivision. - L'article 815-10, alinéa 1er du code civil, dans sa rédaction issue de la loi no 2006-728 du 23 juin 2006portant réforme des successions et des libéralités (art. 2, JO 24 juin), consacre le principe de la subrogation réelle au sein dela masse indivise en disposant que : « Sont de plein droit indivis, par l'effet d'une subrogation réelle, les créances etindemnités qui remplacent des biens indivis, ainsi que les biens acquis, avec le consentement de l'ensemble des indivisaires,en emploi ou remploi des biens indivis. ».32 . La jurisprudence récente en matière de clause de réserve de propriété fournit une illustration parfaite des méthodesd'extension de la subrogation réelle. Les articles 65 et 66 de la loi no 67-563 du 13 juillet 1967 (D. 1967.269) (dont lesdispositions sont aujourd'hui reprises par les art. 121 et 122 de la loi du 25 janv. 1985, préc. supra, no 21, mod. par la loi du10 juin 1994, préc. supra, no 28) prévoyaient le report du droit de propriété du vendeur de marchandises avec clause deréserve de propriété sur la créance du prix de revente. En se fondant sur ces textes, la Cour de cassation a admis le report dudroit de propriété du vendeur sur l'indemnité d'assurance due à l'acheteur à la suite de la perte des marchandises (Cass. com.1er oct. 1985, D. 1986.246, note M. Cabrillac, et IR 169, obs. F. Derrida, RTD com. 1986.544, obs. J. Hémard). Il s'agit d'uneapplication contestable de l'article 66 de la loi du 13 juillet 1967 qui ne prévoit que la subrogation de la créance du prix, et pascelle de l'indemnité d'assurance qui ne lui est pas assimilable (P. Crocq, op. cit., no 232). Cette référence a d'ailleurs étéultérieurement abandonnée par un arrêt du 6 juillet 1993 (Cass. com., Bull. civ. IV, n o 281, RTD civ. 1995.397, obs. F. Zénati

, D. 1994.somm.81, obs. A. Honorat , JCP 1993.II.22153, note Ch. Larroumet). En l'espèce, l'attribution de l'indemnitéd'assurance avait eu lieu avant l'ouverture du redressement judiciaire, ce qui interdisait de se fonder sur des dispositionsprévues pour cette seule hypothèse (F. Zénati, obs. préc.). Néanmoins, la chambre commerciale approuve la solution, sansviser aucun texte, en jugeant dans un attendu de principe qu'« en cas de perte de biens livrés sous le bénéfice d'une clausede réserve de propriété, l'indemnité d'assurance subrogée aux biens dont le vendeur était demeuré propriétaire n'entre pas

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dans le patrimoine de l'acheteur ». Cette application, détachée de tout fondement textuel, pose donc la question del'existence d'un principe général de subrogation réelle.

Art. 3 - Question d'un principe général de subrogation réelle

33. La question d'un principe général de subrogation, que pose notamment la jurisprudence moderne en matière de clausede réserve de propriété, n'est pas nouvelle (V. supra, no 12). Au début du siècle, H. Capitant proposait déjà d'admettre unprincipe général de substitution de la créance du prix à la chose aliénée au profit de tout créancier titulaire d'un droit depréférence non prolongé par le droit de suite et de tout propriétaire dépouillé de son droit par suite d'une aliénation (articlepréc., spéc. p. 409). La question est aujourd'hui encore très controversée. Certains auteurs jugent que la multiplication descas de subrogation réelle ne fait pas un principe général (Ph. Rémy, note sous Cass. 1 re civ. 20 oct. 1987, préc. supra, no 10)et que l'extrême diversité de ses applications interdit même toute généralisation (F. Chapuisat, article préc., spéc. p. 644 ;V. Ranouil, op. cit., p. 68 et s.). D'autres paraissent, au contraire, favorables à un principe général de subrogation du prix oude l'indemnité à la chose (F. Zénati, obs. sous Cass. com. 6 juil. 1993, RTD civ. 1995.399 ).

34. Lorsqu'on évoque un éventuel principe général de subrogation réelle, il faut bien comprendre le sens de la question. Il nes'agit évidemment pas d'admettre le remplacement de n'importe quel bien par n'importe quel autre dans n'importe quelrapport de droit. Outre qu'elle doit être soumise à des conditions particulières (V. infra, no 41 et s.), la subrogation réelle,même généralisée, ne peut être sérieusement envisagée que dans un domaine limité qu'il faut s'efforcer de circonscrire.Puisqu'elle a pour objet de reporter un droit d'un bien sur un autre bien, elle risque au moins de surprendre les tiers(particulièrement les créanciers des parties à l'opération ; R. Demogue, article préc., spéc. p. 308 ; P. Veaux-Fournerie, articlepréc., no 18 et s.), et elle doit donc être limitée.

3 5 . Il faut d'abord observer que l'application d'une subrogation réelle découlant d'un principe général est évidemmentimpossible lorsque la loi exclut clairement ce mécanisme. Tel est le cas, par exemple, pour le droit de retour légal dansl'adoption. L'article 368-1 du code civil dispose que « si l'adopté meurt sans descendants, les biens donnés par l'adoptant ourecueillis dans sa succession retournent à l'adoptant ou à ses descendants, s'ils existent encore en nature ». Ce texte interditque le droit de retour s'applique aux biens acquis en remplacement des biens reçus de l'adoptant.

3 6 . Il faut ensuite noter que la question d'un principe général de subrogation réelle ne concerne évidemment pas lasubrogation conventionnelle. Celle-ci nécessite évidemment une volonté particulière des parties et elle reçoit normalementeffet dès lors qu'elle respecte les dispositions légales impératives et les intérêts des tiers (V. supra, no 13 et s.). A l'inverse,un principe général de subrogation réelle la ferait jouer de plein droit, c'est-à-dire en dehors de toute manifestation devolonté.

37. Il apparaît encore que le recours à la subrogation réelle est inutile chaque fois que le remplacement d'un bien par unautre bien s'explique par la fongibilité naturelle des éléments qui composent le patrimoine (V. supra, no 4). Bien qu'on n'utiliseplus guère la distinction, la question d'un principe général de subrogation réelle ne se pose donc en réalité que pour lasubrogation à titre particulier, c'est-à-dire celle qui concerne un ou plusieurs biens isolés, et non pour la subrogation à titreuniversel, c'est-à-dire celle censée jouer au sein d'une universalité ou d'un patrimoine d'affectation. Pour cette formeprétendue de subrogation la seule question est d'identifier une masse de biens dotée d'une autonomie suffisante pourconstituer une universalité ou un patrimoine d'affectation. Ensuite, le remplacement des biens les uns par les autres en sonsein résulte de leur fongibilité naturelle et pas de la subrogation réelle. D'ailleurs, même hors des universalités ou despatrimoines d'affectation, la fongibilité des biens paraît exclusive de la subrogation réelle (sur les relations entre subrogationréelle et fongibilité, V. p. Veaux-Fournerie, article préc., spéc. n o 6 et s.). Comme l'a très bien vu jadis Ch. Lyon-Caen,lorsqu'une obligation a pour objet des choses fongibles (naturellement ou par l'effet de la convention), en cas deremplacement c'est malgré tout la chose objet de l'obligation même qui est rendue. En effet, l'obligation a pour objet unecertaine quantité de choses (une certaine valeur) et pas telles ou telles choses (note sous Cass. req. 10 mars 1915,S. 1916.1.5).

38 . Enfin, la subrogation réelle semble devoir être exclue en raison de son inutilité lorsque la préservation d'un droit estassurée par une autre voie (sur le caractère subsidiaire de la subrogation réelle, V. V. Ranouil, op. cit., p. 71 et s.). Deuxmécanismes paraissent ainsi a priori incompatibles avec la subrogation réelle : le droit de suite et l'action directe (on pourraitencore ajouter, dans les régimes matrimoniaux, la théorie des récompenses ; V. Ranouil, op. cit., p. 67), et le droit de rétentiondans les sûretés (V. Ranouil, op. cit., p. 78). L'existence d'un droit de suite rend à l'évidence la subrogation réelle sans objetpuisque le titulaire du droit continue à pouvoir l'exercer malgré l'aliénation du bien sur lequel il porte, entre les mains de sonnouveau propriétaire. La disparition (juridique) de la chose ne menace pas l'existence du droit, qu'il n'est pas nécessaire dereporter sur un autre bien (V. Ranouil, op. cit., p. 72, 78 et s. ; rappr. R. Demogue, article préc., spéc. p. 253, qui exclut lasubrogation réelle pour les qualités inhérentes au bien, qui le suivent en quelques mains qu'il passe). L'action directe enpaiement paraît également incompatible avec la subrogation réelle. En cas de subrogation de la créance du prix à un bien, lepropriétaire du bien devient propriétaire de la créance dès la revente du bien. En revanche, dans l'action directe en paiementle débiteur principal demeure titulaire de la créance jusqu'à l'exercice de l'action, même si celle-ci est immobilisée dans sonpatrimoine dès sa naissance dans le cas des actions directes parfaites (P. Crocq, op. cit., no 11 et 224, et les notes). Enprésence d'un texte accordant à un créancier le droit d'agir contre le débiteur de son débiteur en mettant en oeuvre à sonprofit sa créance, il convient donc de déterminer s'il s'agit d'action directe ou de subrogation réelle. C'est en faveur de cettedernière que la jurisprudence a finalement tranché en matière de clause de réserve de propriété en se fondant sur la notionde revendication utilisée par la loi, qui suppose le report du droit de propriété sur la créance (V. supra, no 28 ; F. Zénati, notesous Cass. com. 8 mars 1988, RTD civ. 1988.348).

39. Ces éliminations faites, la question de l'existence d'un principe général de subrogation réelle paraît finalement se réduire,

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comme H. Capitant l'avait vu, à celle de la subrogation de la créance de prix, ou de la créance d'indemnité d'assurance ou deresponsabilité au profit du propriétaire dépossédé, ou du titulaire d'une garantie dépourvue du droit de suite sur la chose (lepaiement du prix ou de l'indemnité fait en principe obstacle à la subrogation faute d'individualisation du bien deremplacement, les deniers payés se confondant avec les autres biens dans le patrimoine). S'agissant de la subrogation del'indemnité d'assurance ou de responsabilité à la chose grevée d'une sûreté réelle, bien que certains auteurs proposentd'appliquer ici le principe d'interprétation stricte des privilèges (D. Veaux et A. Honorat, J.-Cl. civ., art. 2102, fasc. 20, no 60, àpropos du privilège du bailleur d'immeuble ; R. Demogue, article préc., spéc. p. 301), on constate une multiplication desapplications légales de la règle dont on peut être tenté d'induire un principe général (G. W icker, op. cit., no 392). Mais c'estsurtout la jurisprudence récente de la Cour de cassation en matière de clause de réserve de propriété admettant cette formede subrogation réelle sans texte (V. supra, no 32) qui suggère la reconnaissance d'un tel principe, bénéficiant en l'occurrenceau propriétaire d'un bien dépossédé par sa revente. Certains auteurs y voient justement un pas décisif vers l'admission d'unprincipe général de subrogation du prix à la chose. Commentant l'arrêt de la chambre commerciale du 6 juillet 1993 (préc.supra, no 32), F. Zénati observe que « la subrogation réelle entre le prix et la chose et entre l'indemnité et la chose n'a riend'arbitraire. Elle s'impose objectivement… La créance monétaire est perçue par les tiers comme un substitut de la chose. C'estcette fongibilité objective qui constitue le fondement de la subrogation réelle et justifie qu'une personne dont le droit setrouve dépourvu d'assiette le reporte sur un autre bien. Pourquoi aller chercher dans la loi ce que dicte la nature deschoses ? ». Un tel principe ne devrait cependant être admis que dans le strict respect des intérêts des tiers, que le régime dela subrogation réelle doit donc s'efforcer de préserver.

Section 2 - Régime de la subrogation réelle

40. L'extrême diversité des applications de la subrogation réelle interdit de donner une vue complète de son régime. Il estseulement possible d'en esquisser les règles essentielles, dont un principe général de subrogation pourrait s'inspirer, ensignalant ici ou là les particularités les plus notables. De manière très classique, il faut rechercher à quelles conditions estsoumise la subrogation réelle, avant d'en préciser les effets.

Art. 1 - Conditions de la subrogation réelle

41. La subrogation réelle est soumise à deux sortes de conditions. D'abord, il faut qu'un droit soit menacé d'extinction par ladisparition du bien sur lequel il s'exerce. Ensuite, il est nécessaire que ce droit puisse se reporter sur un autre objet.

§ 1 - Menace d'extinction d'un droit par disparition du bien sur lequel il s'exerce

42. La subrogation réelle est une technique destinée à assurer la pérennité d'un droit (V. supra, no 1 et s.). Elle supposedonc d'abord l'existence d'un véritable droit. Son application dans le cadre du legs de residuo (V. supra, no 14) a ainsi étélégitimement critiquée au motif de l'absence de véritable droit du légataire à recueillir les biens objet du legs (J.-P. Couturier,note sous CA Rennes, 19 févr. 1991, préc. supra, no 14). En revanche, peu importe la nature du droit considéré. La plupartdes cas de subrogation réelle concernent des droits réels, et particulièrement des droits réels accessoires. Mais il ne s'agitpas d'une condition nécessaire. La subrogation réelle peut également s'appliquer à des droits de créance, du moins lorsque laprestation ne peut être fournie qu'au moyen d'une chose qui apparaît ainsi comme l'objet indirect du droit, telle la chose louéedans le bail (G. Rives, Subrogation réelle à titre particulier et propriété immobilière, RTD civ. 1968.613, spéc. no 11 et s.). Lasubrogation réelle nécessite donc simplement un droit portant directement ou indirectement sur un bien individualisé. Enrevanche, le recours à la subrogation réelle est inutile à l'intérieur du patrimoine ou lorsqu'il s'agit de biens fongibles, demême qu'en présence d'un droit de suite (V. supra, no 37 et s.).

43. Il faut, ensuite, que le droit considéré soit menacé d'extinction par la disparition du bien sur lequel il porte. Peu importequ'il s'agisse d'une disparition matérielle, telle la destruction du bien, ou d'une disparition juridique, comme son aliénation(G. Rives, article préc., spéc. no 17). Il suffit que cette disparition empêche l'exercice du droit considéré par application du droitcommun : l'indemnité d'assurance de l'immeuble hypothéqué entrerait dans le patrimoine de l'assuré pour devenir le gagecommun des créanciers alors que le bien est affecté au paiement du créancier hypothécaire ; le bien acquis avec le prix d'unpropre deviendrait commun par application de la présomption de communauté alors que le bien cédé était un propre… Enrevanche, la subrogation réelle est inutile quand l'application du droit commun n'entraîne pas la disparition du droit. Ainsi, bienqu'on y voit habituellement un cas de subrogation réelle (Terré et Simler, Les régimes matrimoniaux, no 299 et 348), la qualitéd'acquêts prise par les biens acquis en remplacement de biens communs paraît devoir s'expliquer plus simplement parl'application des règles ordinaires des régimes matrimoniaux et par la présomption de communauté.

§ 2 - Possibilité de report du droit sur un nouveau bien

44. La subrogation réelle ne s'applique que si le droit est susceptible d'être reporté sur un nouveau bien. Il faut donc que lanature du droit portant sur la chose remplacée et celle du bien de remplacement permettent le maintien ou l'exécution dudroit (éventuellement sous une autre forme, V. infra, no 55) sur la chose de remplacement : le droit de bail peut être reportéde l'immeuble détruit sur l'immeuble reconstruit (par ex., L. no 48-1360 du 1er sept. 1948, art. 70, D. 1948.300. rect. 395) ; ledroit de préférence peut s'exercer sur la créance du prix ou d'indemnité de remplacement du bien donné en garantie(C. assur., art. L. 121-13). En revanche, un droit de bail ne peut pas être reporté sur une indemnité. La subrogation réellepeut donc se heurter à deux obstacles : l'impossibilité pour le droit de se détacher de son objet initial et l'inaptitude du biennouveau à supporter le droit en raison de ses caractères matériels ou juridiques (G. Rives, article préc., spéc. no 26 et s.).Dans ces hypothèses, la subrogation ne peut être admise que moyennant une modification de la nature du droit considéré oudu bien de remplacement (G. Rives, article préc., spéc. no 12 et s., 19 et s., 23 et s.).

45. En matière de subrogation conventionnelle où la liberté n'est limitée que par les dispositions impératives de la loi, lesparties peuvent en principe prévoir la subrogation de n'importe quel bien à n'importe quel autre, dès lors qu'il permetl'exercice du droit considéré. En revanche, en dehors du domaine contractuel, la subrogation réelle paraît devoir être

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subordonnée, en raison de son caractère conservatoire et des dangers qu'elle présente pour les tiers, à l'existence d'un« rapport de provenance » du bien de remplacement (V. Ranouil, op. cit., p. 171 et s.). Il faut que l'apparition du bien nouveauait pour cause la disparition du bien ancien (V. Ranouil, op. cit., p. 172). En principe, le bien de remplacement doit doncapparaître dans le même patrimoine que le bien remplacé. Cependant cette condition est parfois écartée, notamment en casde report du droit du vendeur de marchandises avec clause de réserve de propriété sur leur prix de revente (V. supra, no 28).En effet, la créance du prix de revente des marchandises naît dans le patrimoine du premier acheteur alors que lesmarchandises elles-mêmes figuraient encore dans celui du vendeur par l'effet de la clause de réserve de propriété. Cettedérogation s'explique par le fait qu'il s'agit ici exceptionnellement de conserver un droit de propriété, ce qui suppose parhypothèse que les biens concernés figurent dans deux patrimoines distincts (P. Crocq, op. cit., no 226 et s.). Pour uneinterprétation stricte de cette condition de provenance en matière de gage sur valeurs mobilières, V. Cass. com. 10 janv. 1995(D. 1995.203, note A. Couret , JCP 1995.I.3851, no 20, obs. Ph. Delebecque), et sa modification par l'intervention de la loi du2 juillet 1996 (préc. supra, no 21) autorisant le nantissement de comptes d'instruments financiers, P. Crocq (obs. RTDciv. 1996.953 ).

4 6 . La condition de provenance est remplie en cas d'échange de biens, d'emploi ou de remploi de sommes d'argentreprésentant le bien remplacé, de substitution d'un prix, d'une indemnité ou d'une créance à un bien aliéné ou disparu… Dansces hypothèses, la provenance est « totale », le bien remplacé permettant l'acquisition du bien de remplacement pour latotalité de sa valeur (V. Ranouil, op. cit., p. 174). Mais il peut également arriver que la provenance ne soit que « partielle », lebien remplacé ne fournissant alors qu'une partie du prix du bien de remplacement (V. Ranouil, loc. cit.). Dans ce cas, lasubrogation n'est en principe elle-même que partielle (pour une application en matière de substitution fidéicommissaire,V. Cass. 1re civ. 1er oct. 1996, Bull. civ. I, no 337, D. 1996.somm.392, obs. M. Grimaldi , RTD civ. 1997.200, obs. J. Patarin ,qui juge que la restitution dont est tenu le grevé ne porte que sur la quote-part de la propriété de l'immeuble acquis enemploi de la somme léguée avec charge de restitution et pas sur celle acquise grâce à des sommes correspondant à sesdroits héréditaires légaux. Mais il faut tenir compte des textes qui admettent parfois, au moins implicitement, une subrogationtotale (C. civ., art. 1407, al. 1 er : « Le bien acquis en échange d'un bien qui appartenait en propre à l'un des époux est lui-même propre, sauf la récompense due à la communauté ou par elle, s'il y a soulte »), ou qui excluent au contraire toutesubrogation (art. 1407, al. 2 : « Toutefois, si la soulte mise à la charge de la communauté est supérieure à la valeur du biencédé, le bien acquis en échange tombe dans la masse commune, sauf récompense au profit du cédant » ; V. égal. C. civ.,art. 1436). Sur l'ensemble de la question, V. V. Ranouil, op. cit., p. 176 et s.

47. La loi indique généralement quels sont les biens qu'elle admet en remplacement de ceux sur lesquels le droit s'exerçaitinitialement : par exemple, l'immeuble attribué au propriétaire à la suite d'une opération de remembrement pour l'exercice desdroits réels qui grevaient l'immeuble remembré (C. rur., art. L. 123-13 ; C. urb., art. L. 322-6- b, al. 3), l'immeuble réparé oureconstruit pour l'exécution du bail portant sur un immeuble détruit ou endommagé par fait de guerre (L. 1er sept. 1948,art. 70, al. 1er, préc. supra, no 44 ; L. no 49-1096 du 2 août 1949, art. 1er, al. 1er, D. 1949.357), ou les indemnitésd'assurances de dommage et les indemnités de responsabilité en cas de dommage causé par un locataire ou par un voisinpour l'exercice des droits des créanciers privilégiés ou hypothécaires (C. assur., art. L. 121-13)… La question se pose alors desavoir si la subrogation peut s'appliquer à des biens autres que ceux prévus par la loi, particulièrement à la créance du prix devente du bien de remplacement, ou au prix lui-même à le supposer individualisé, ou au bien acquis en remploi. Cetteextension doit être exclue en raison de l'inutilité de la subrogation lorsque le titulaire du droit bénéficie d'un droit de suite oud'un droit de rétention, lorsque la loi fait obligation de consigner les sommes représentant le prix du bien considéré (C. expr.,art. R. 13-65), ou lorsque son énumération est limitative (V. Ranouil, op. cit., p. 78 et s.). En dehors de ces hypothèses, lajurisprudence semble assez favorable à l'extension de la subrogation. En certaines matières elle admet même unesubrogation à l'infini, notamment dans le domaine de l'indivision où elle juge indivis le bien acquis en emploi du prix de vented'un bien indivis (Cass. 1re civ. 9 janv. 1979, Bull. civ. I, no 13, D. 1979, IR 254, obs. D. Martin, RTD civ. 1982.178, obs.J. Patarin, Defrénois 1979.1245, obs. G. Champenois), de même que le prix de revente du bien acquis en remploi d'un bienindivis (Cass. 1re civ. 6 nov. 1967, D. 1968.36, RTD civ. 1968.399, obs. R. Savatier). Sur l'ensemble de la question,V. V. Ranouil, op. cit., p. 78 et s. ; H. Roland et L. Boyer, op. cit.).

Lire la mise à jour31, 47. Indivision. - L'article 815-10, alinéa 1er du code civil, dans sa rédaction issue de la loi no 2006-728 du 23 juin 2006portant réforme des successions et des libéralités (art. 2, JO 24 juin), consacre le principe de la subrogation réelle au sein dela masse indivise en disposant que : « Sont de plein droit indivis, par l'effet d'une subrogation réelle, les créances etindemnités qui remplacent des biens indivis, ainsi que les biens acquis, avec le consentement de l'ensemble des indivisaires,en emploi ou remploi des biens indivis. ».48. La possibilité de reporter le droit menacé de disparition du bien sur lequel il s'exerçait primitivement sur un autre biens'explique généralement par l'idée que le second constitue la contre-valeur du premier. En effet, lorsqu'un bien n'est pasintégré dans un rapport de droit en raison de son individualité mais seulement pour la valeur qu'il représente, ce droit peutêtre reporté sur un nouveau bien dès lors que ce dernier représente une valeur acquise en contrepartie du bien d'origine.Encore convient-il de ne pas commettre de confusion sur la notion de contre-valeur. Cela ne signifie pas que la subrogationréelle est subordonnée à une équivalence objective de valeur des biens. Cette équivalence est a priori réalisée en cas deremplacement d'un bien par son prix au terme d'une vente par autorité de justice, de remplacement par une indemnitéd'assurance ou de substitution de biens en nature sous le contrôle de l'autorité publique, comme en matière deremembrement rural ou urbain ou d'échange d'immeubles ruraux (V. Ranouil, op. cit., p. 198 et s.). Cependant, cetteéquivalence est incertaine en cas de substitution du prix au bien à l'issue d'une vente amiable ou d'emploi ou de remploi dedeniers, ce qui n'empêche pourtant pas la subrogation (V. Ranouil, loc. cit.). Au demeurant, l'admission de la subrogation réellepour le tout dans certains cas de « provenance partielle » (V. supra, no 46) démontre qu'elle n'est pas une condition de lasubrogation réelle.

49. En revanche, l'apparition d'une contre-valeur est insuffisante pour fonder la subrogation lorsque le bien fait l'objet d'uneaffectation en nature. Dans ce cas, le titulaire du droit n'a pas droit à la simple valeur du bien mais aux utilités matérielles de

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celui-ci. La subrogation réelle ne peut alors s'appliquer que si le bien nouveau permet la réalisation du but poursuivi par lemoyen du droit considéré et elle entraîne alors une modification de ce dernier par remplacement de l'objet sur lequel ils'exerce (G. W icker, op. cit., no 397). La modification peut être imposée par la loi, comme c'est le cas pour le report de l'usufruitou du bail sur l'immeuble remembré (C. rur., L. 123-13, al. 1 er, et L. 123-15, al. 1er), l'emploi et le remploi des deniers et desbiens meubles compris dans une substitution fidéicommissaire (C. civ., art. 1062 et 1065), ou simplement permise comme enmatière d'emploi autorisé par le juge du prix des biens affectés à l'exécution de la charge accompagnant une libéralité (C. civ.,art. 900-4, al. 2 ; sur cette question, V. G. W icker, op. cit., no 398 et s.).

50 . Lorsque ces conditions sont remplies, la subrogation réelle s'applique sans qu'aucune autre exigence soit en principerequise. Néanmoins, une question classique se pose en matière d'indivision où le jeu de la subrogation a été admis sanstexte par la jurisprudence (V. supra, no 31) : la subrogation réelle ne nécessite-t-elle pas l'intention de subroger de la part duou des coïndivisaires auteurs du remplacement de biens ? En réalité, la question ne se pose pas lorsque le remplacement aété fait de l'accord de tous les indivisaires mais seulement lorsqu'un (ou plusieurs d'entre eux) n'agit pas pour le compte detous (V. Ranouil, op. cit., p. 187). La jurisprudence ne lui donne pas de réponse nette. Certains arrêts d'appel ont clairementexigé l'intention de subroger et ont donc exclu la subrogation lorsque le coïndivisaire a agi pour son compte personnel (CABordeaux, 18 févr. 1954, D. 1955.151, note A. Weill). Mais la Cour de cassation n'a jamais consacré formellement cettecondition (pour une analyse des arrêts de la Cour, V. V. Ranouil, op. cit., p. 188 et s.). Elle n'est pas conforme à l'autonomie dela masse indivise et à sa nature d'universalité qui justifient a priori une subrogation automatique. Les inconvénients qu'ellepeut présenter pour les autres indivisaires qu'elle prive d'un recours contre l'auteur du remplacement peuvent être aisémentcombattus en exigeant que ce dernier ait agi conformément aux règles de gestion de l'indivision considérée (V. Indivision). Cen'est que lorsque cette condition n'a pas été respectée que la subrogation automatique devrait être exclue (écartant demanière générale la condition d'intention de subroger au motif qu'il n'est pas opportun d'abandonner la subrogation réelle àla discrétion de l'auteur du remplacement, V. cep. V. Ranouil, op. cit., p. 193).

51. En matière de régimes matrimoniaux, l'article 1434 du code civil subordonne l'emploi et le remploi de biens propres à unedouble déclaration d'origine des deniers et d'intention d'emploi. L'époux doit indiquer que l'acquisition est faite de denierspropres ou provenant de l'aliénation d'un propre et à titre d'emploi ou de remploi. En l'absence de cette déclaration dansl'acte d'acquisition, l'emploi ou le remploi n'a lieu que par l'accord des époux, et il ne produit ses effets que dans leursrapports réciproques. La portée de ce texte a été discutée. Il s'agit de savoir si, dans les relations entre époux, la doubledéclaration est une condition de fond de l'emploi ou un simple mode de preuve de la volonté d'effectuer l'emploi qui peut êtreremplacé par d'autres moyens. L'article 1434 qui n'autorise la subrogation que par l'accord des époux en l'absence dedéclaration exclut qu'elle puisse intervenir sur le seul fondement de la preuve de l'origine des fonds (Terré et Simler, Lesrégimes matrimoniaux, no 358). La double déclaration constitue donc une règle de fond et la jurisprudence exclut que laprésomption de communauté puisse être écartée par la preuve contraire (Cass. 1re civ. 5 mars 1991, D. 1991.565, note R. LeGuidec , et 1992.somm.221, obs. M. Grimaldi, RTD civ. 1992.439, obs. F. Lucet et B. Vareille ). En revanche, dans lesrapports des époux et des tiers, la double déclaration peut être considérée comme une condition d'opposabilité (Terré etSimler, op. cit., no 366).

Lire la mise à jour51. La double déclaration en matière de remploi est une règle de fond, rappelle par la Cour de cassation (Civ. 1 re, 25 févr.2009, no 08-12.137 ).Art. 2 - Effets de la subrogation réelle

52. Un ancien adage exprime la conception classique en matière d'effets de la subrogation réelle : subrogatum capit naturamsubrogati, la chose subrogée emprunte la nature de la chose qu'elle remplace. Cette conception était conforme à l'espritobjectiviste du droit médiéval qui ignorait en outre la notion de droit subjectif (Zénati, op. cit., no 87 et s.). Elle avait abouti,sous la plume de Dumoulin (Commentaire de la coutume de Paris), à la distinction de deux sortes de qualités des choses : lesqualités intrinsèques qui peuvent se transmettre d'une chose à l'autre, et les qualités extrinsèques qui ne le peuvent pas (surce système, V. not. R. Demogue, article préc., p. 241 et s.).

53 . Il arrive effectivement qu'un bien subrogé emprunte au bien qu'il remplace une nature ou un caractère qu'il n'a pasnaturellement, comme l'indemnité de dommages de guerre pour un immeuble considérée elle-même comme un immeuble parl'article 32 de la loi du 28 octobre 1946 (préc. supra, no 20). Mais cette acquisition de la nature ou de caractères spécifiquesdu bien remplacé n'est pas de l'essence de la subrogation réelle. Au demeurant, l'analyse de la subrogation réelle estdevenue subjectiviste ; elle est perçue bien plus comme le report d'un droit d'un objet sur un autre objet que comme leremplacement d'un bien par un autre bien (Zénati, op. cit., p. 101). C'est donc en termes de transfert de droits que les effetsde la subrogation réelle se définissent. Ils doivent être recherchés tant à l'égard du bénéficiaire de la subrogation qu'à l'égarddes tiers.

§ 1 - Effets à l'égard du bénéficiaire

54. La subrogation réelle produit des effets sensiblement différents selon qu'elle intervient au sein d'une universalité ou àpropos d'un ou plusieurs biens déterminés, qu'elle est générale ou spéciale (sur ces notions, V. supra, no 12). Lorsqu'ellejoue au sein d'une universalité, la subrogation a pour effet d'attraire le bien de remplacement dans une masse déterminée etde lui conférer la qualité de cette masse mais elle ne transfère pas sur le bien de remplacement les droits particuliers quigrevaient le bien remplacé (V. Ranouil, op. cit., p. 227 ; G. W icker, op. cit., no 354 ; G. Rives, article préc., spéc. p. 616). Ainsi, encas d'emploi ou de remploi dans les régimes de communauté, le bien acquis prend la qualité de propre du bien qu'il remplaceet demeure la propriété de l'époux considéré mais les privilèges et hypothèques qui portaient sur le bien aliéné ne sont pasreportés sur le bien acquis. Le bien de remplacement n'emprunte alors au bien remplacé que les caractères qu'il possédait duseul fait de son appartenance à l'ensemble dans lequel le changement s'est produit : le bien devient propre ou indivis(G. Rives, loc. cit.). On ne peut même pas dire qu'il y a report du droit de propriété d'un objet sur l'autre. Il n'y a pas àproprement parler de substitution du bien nouveau au bien ancien comme objet du même droit de propriété. Il y a

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remplacement au sein d'une même masse de la propriété du bien ancien par la propriété du bien nouveau. Ce sont deuxpropriétés qui se succèdent (G. W icker, loc. cit.).

55. La situation est totalement différente lorsque la subrogation joue en dehors d'une masse, à propos d'un ou plusieursbiens déterminés. Certes, le bien de remplacement prend toujours la place du bien remplacé dans un patrimoine donné. Maisce n'est pas l'effet unique, ni même l'effet principal de la subrogation. L'essentiel est alors que les droits qui grevaient le bienremplacé vont se reporter sur le bien de remplacement (V. Ranouil, op. cit., p. 228). Dans l'idéal la subrogation réelle devraitse produire sans modification du droit autre que celle du bien sur lequel il s'exerce, comme en cas de report du droit de bail oudes droits réels sur un immeuble restauré ou reconstruit (L. 1er sept. 1948, art. 70, préc. supra, no 44 ; L. 28 oct. 1946,art. 35, préc.) ou sur un immeuble remembré (C. rur., art. L. 123-13 et L. 123-15 ; C. urb., art. L. 322-6… ; pour d'autres ex.,V. G. Rives, article préc., n o 6 et s.). Mais, bien souvent, la nature ou les caractères du bien de remplacement interdisent cereport pur et simple. La subrogation ne peut alors se réaliser que moyennant une altération plus ou moins profonde du droitconcerné. Dans certains cas ce sont l'étendue du droit et les prérogatives de son titulaire qui sont modifiées. Ainsi, en cas detransfert du droit du titulaire d'une sûreté réelle sur une indemnité d'assurance, seul le droit de préférence est maintenu, pasle droit de suite. Dans d'autres hypothèses, c'est la nature même du droit qui est modifiée. Par exemple, en cas desubstitution d'une créance de deniers à un bien propre, le droit réel du propriétaire du bien se transforme en droit personnelcontre le débiteur. A l'inverse, la subrogation s'accompagne parfois d'un changement de nature du bien de remplacement,notamment lorsqu'une créance est dotée par le texte qui prévoit la subrogation d'un caractère immobilier (C. urb., art. L. 312-5 anc., par ex.). Sur l'effet novatoire de la subrogation, V. not. V. Ranouil, op. cit., p. 155 et s. ; G. Rives, article préc., no 19 ets.

5 6 . La jurisprudence récente en matière de clause de réserve de propriété fournit des indications extrêmement utilesconcernant les effets de la subrogation réelle spéciale. Elles résultent d'abord des arrêts qui ont tranché le conflit entre levendeur avec clause de réserve de propriété et le banquier cessionnaire de la créance du prix de revente en faveur dupremier. La cause de cette préférence est que la créance lui est acquise par subrogation réelle avant la cession de créance,au moment même de la revente (M. Cabrillac, chron. préc.), que le report du droit du vendeur avec clause de réserve depropriété sur la créance du prix de revente (et par extension sur la créance d'indemnité ; V. supra, no 32) joue dès lanaissance de celle-ci (P. Crocq, op. cit., no 224, et les réf.). Il faut donc admettre que, sauf exception (comme en matièred'emplo i a posteriori où la subrogation ne joue qu'au moment de l'accord des époux ; Terré et Simler, Les régimesmatrimoniaux, no 368), la subrogation réelle se produit automatiquement au moment de l'apparition du bien de remplacement.Mais en règle générale, la subrogation réelle n'est pas obligatoire et le bénéficiaire peut donc y renoncer (V. Ranouil, op. cit.,p. 126 et s.).

57. Ensuite, la jurisprudence a dégagé une solution très importante concernant la qualité des parties en cas de subrogationréelle spéciale : le titulaire d'un droit de propriété qui acquiert par voie de subrogation réelle un bien nouveau n'est pasl'ayant cause à titre particulier de l'ancien propriétaire de ce bien, la subrogation réelle constituant un mode originaired'acquisition de la propriété. Cela résulte clairement d'un arrêt du 3 janvier 1995 par lequel la chambre commerciale de la Courde cassation a jugé que le sous-acquéreur d'une marchandise vendue avec clause de réserve de propriété ne peutvalablement opposer l'exception d'inexécution au vendeur revendiquant le prix de la revente (Bull. civ. IV, n o 3,D. 1996.somm.221 , obs. F. Pérochon, RTD civ 1997.166, obs. F. Zénati, JCP 1995.I.3841, no 13, obs. M. Cabrillac etPh. Pétel). La solution ne peut s'expliquer que par l'idée que, contrairement à un cessionnaire, le vendeur avec réserve depropriété n'acquiert pas la créance du prix de revente de l'acheteur des marchandises. Elle entre directement dans sonpatrimoine par l'effet de la subrogation réelle (F. Zénati, obs. préc.).

58. La solution a des conséquences fondamentales en matière d'opposabilité des exceptions. Contrairement au cessionnaired'une créance qui n'a pas plus de droits que son auteur et qui peut donc se voir opposer par le débiteur les exceptions qu'iltient de ses relations avec le cédant, celui qui acquiert une créance par voie de subrogation reçoit un droit exempt de toutvice. Seules l'annulation ou la résolution du contrat ayant donné naissance à la créance peuvent faire disparaître le droit dusubrogé sur la créance par leur rétroactivité (F. Zénati, obs. préc.). Cette idée que la subrogation réelle est un mode originaired'acquisition de la propriété, que le subrogé n'est pas l'ayant cause du précédent propriétaire du bien de remplacement etque les tiers ne peuvent donc opposer les exceptions qu'ils tirent de leurs rapports avec celui-ci, peut être généralisée (saufen matière de subrogation conventionnelle où la subrogation repose sur un accord de volontés et où le subrogé tient sesdroits du cocontractant). Elle pourrait notamment justifier qu'un assureur ne puisse en principe opposer au bénéficiaire d'unesubrogation sur l'indemnité d'assurance les exceptions découlant de ses rapports avec l'assuré (F. Zénati, obs. préc.).

§ 2 - Effets à l'égard des tiers

59. Les tiers sont évidemment intéressés par la subrogation réelle, qu'il s'agisse, par exemple, des créanciers des époux oude ceux de la communauté en cas de subrogation affectant la composition des différentes masses de biens, ou de ceux desparties à une subrogation conventionnelle. Selon qu'elle leur est ou non opposable par les parties, ou qu'ils peuventl'invoquer à leur profit ou non, la subrogation réelle est susceptible d'accroître ou de réduire leurs droits en modifiant lacomposition du patrimoine de leur débiteur (sur les dangers de la subrogation réelle, V. Demogue, article préc., spéc. p. 508 ;P. Veaux-Fournerie, article préc., n o 18 et s.). Il s'agit donc de déterminer les conditions dans lesquelles la subrogation réellepeut être invoquée par les tiers ou contre eux, autrement dit de définir les conditions de son opposabilité. Sur cette question,V. V. Ranouil, op. cit., p. 132 et s.

60. Dans les relations entre les parties, la subrogation produit ses effets dès que les conditions en sont remplies (V. supra,no 57). En l'absence de disposition contraire exigeant l'accomplissement de formalités particulières, il en va de même, enprincipe, à l'égard des tiers auxquels elle est automatiquement opposable (V. Ranouil, op. cit., p. 132 et s.). Tel est le casnotamment de la subrogation réelle des créances et indemnités de remplacement des biens propres (C. civ., art. 1406, al. 2),et de celle des biens acquis en échange d'un bien propre (art. 1407), qui jouent automatiquement tant à l'égard des tiers que

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des parties. Mais il faut tenir compte de l'existence de textes subordonnant l'opposabilité de la subrogation aux tiers àl'accomplissement de certaines formalités. En précisant que les paiements faits de bonne foi avant opposition sont valables,l'article L. 121-13, alinéa 2, du code des assurances subordonne l'opposabilité à l'assureur de la subrogation de l'indemnité àla chose assurée à une opposition au paiement des créanciers hypothécaires ou privilégiés. Il résulte par ailleurs clairementde l'article 1434 du code civil que l'emploi ou le remploi de biens propres est inopposable aux tiers lorsque l'acte d'acquisitionne comporte pas la double déclaration exigée par ce texte, même si un accord est intervenu ultérieurement entre les épouxpour faire produire cet effet au remplacement du bien (Terré et Simler, op. cit., no 367). Faute de cette information, les tiers nepeuvent connaître le caractère particulier des fonds utilisés pour l'achat et ils risquent de se méprendre sur la qualité conféréeau nouveau bien.

61 . L'opposabilité aux tiers de la subrogation réelle est également susceptible d'être affectée par l'application de règlesgénérales, et en particulier par les principes de la publicité foncière lorsqu'elle concerne des immeubles. En matièred'indivision, la Cour de cassation a ainsi jugé qu'à supposer établi que l'acquisition d'immeubles effectuée en son nompersonnel par le gérant d'une indivision a été faite au moyen de fonds ou valeurs indivis, la subrogation invoquée par lesautres indivisaires pour obtenir la distraction de ces immeubles d'une vente judiciaire poursuivie contre le gérant n'en seraitpas moins inopposable aux tiers que sont les créanciers du propriétaire indiqué aux actes d'acquisition comme seul acquéreur(Cass. 1re civ. 4 janv. 1980, Bull. civ. I, no 10, D. 1980.425, note A. Breton, RTD civ. 1982.180, obs. J. Patarin). L'opposabilitéaux tiers de la subrogation réelle en matière d'indivision est donc subordonnée à la mention de l'emploi ou du remploi debiens indivis dans l'acte d'acquisition. En l'absence de règle spéciale concernant la subrogation réelle dans l'indivision, lasolution ne peut être fondée que sur les principes de la publicité foncière. Les tiers qui ont des droits concurrents à ceux del'acquéreur sur l'immeuble ne doivent s'incliner que devant les mentions des actes qui leur sont opposables (A. Breton, notepréc.). Il ne suffit donc pas que l'acte d'acquisition fasse mention de l'emploi ou du remploi de biens indivis. Il faut, en outre,que cet acte ait été régulièrement publié (A. Breton, note préc.).

Index alphabétique

Absence 24

Acte juridique unilatéral 14

Action directe 38

Adoption

droit de retour légal 35

Affectation des biens 5 s., 7, 19 s.

en nature 18, 19, 22 s., 49en valeur 19, 20 s.

Association

dissolution, reprise des apports 13

Assurances

indemnité 13, 20, 32, 39, 43, 47 s., 55, 58opposabilité à l'assureur 60

Bail

droit de bail, report 44

Biens isolés 2, 4, 7, 12, 37

effets à l'égard du bénéficiaire 55restitution 18, 27 s.

Caractère subsidiaire 38

Cession de créance 56

Clause de réserve de propriété 32, 38 s., 45

effets à l'égard du bénéficiaire 56 s.

Communauté 25, 43, 46

effets 60emploi, remploi 51, 54

opposabilité aux tiers 60récompenses 9 s., 38

Concession immobilière 20

Conditions 41 s.

menace d'extinction d'un droit par disparition du bien 42 s.disparition du bien 43droits concernés 42

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menace d'extinction 43rapport de provenance 45 s.

partiel ou total 46report du droit sur un nouveau bien 44 s.

biens de remplacement 47contre-valeur du bien d'origine 48

Consentement

subrogation conventionnelle 16

Déclaration double

communauté, emploi, remploi 51subrogation conventionnelle 16

Définitions 1, 3, 6

Dépôt 27

Domaine 8 s., 12 s.

Dommages de guerre 20, 47, 53

Donation

avec charges 13révision des charges 2révocation 16

Droit

de bail 44de préférence 29 s., 44, 55de retour 31, 35de suite 38, 47, 55

Échange 46

d'immeubles ruraux 22, 48

Effets 52 s., 60

à l'égard du bénéficiaire 54 s.biens isolés 55universalité 54

envers tiers 59 s.opposabilité 60

Équité 5, 29

Expropriation 30, 47

Fiction 1, 3, 8, 29

juridique, définition 8

Fondement 5 s., 18

Fongibilité 3 s., 26, 39

exclusion de la subrogation réelle 37

Gage 21, 45

Historique 2 s., 30

Hypothèque

destruction d'immeuble hypothéqué, clause d'exercice des droits des créanciers sur l'indemnité d'assurance 13vente d'immeuble hypothéqué, clause de nantissement 13

Indemnités 20, 25, 30, 47

d'assurance V. Assurances

Indivision 31, 47, 50

opposabilité aux tiers 61

« In judiciis singularibus res non succedit loco pretii nec pretium loco rei » 2, 12

« In judiciis universalibus pretium succedit loco rei et res pretium » 2, 12

Législation 9

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V. Subrogation légale

Legs de residuo 14 s.

Libéralités

avec charges 49révision des charges 22

réduction 9 s.V. Donation

Nantissement

vente d'immeuble hypothéqué, clause 13

Nature 29

Opposabilité aux tiers 59 s.

subrogation conventionnelle 16

Origine des biens 6

Patrimoine d'affectation 37

notion 26restitution 23 s.

Pétition d'hérédité 2, 24

Publicité foncière 61

Rapport successoral 9 s.

Récompenses 9 s., 38

Redressement et liquidation judiciaires 21, 28, 32

Réduction des libéralités 9 s.

Régime 40 s.

Remembrement 20, 22, 47 s.

Remplacement 1, 26

Remploi 31, 46

de deniers 48opposabilité aux tiers 60 s.

V. Communauté

Répétition de l'indu 27

Réserve de propriété

V. Clause de réserve

Restitution des biens 6, 23 s.

bien n'appartenant pas à une masse 7, 18, 27 s.universalités, masses, patrimoines d'affectation 23 s.

Rétention 21, 38, 47

Séparation des patrimoines 31

Société

titres démembrés, apport à une holding 15

Somme d'argent

affectation à un objet déterminé 15, 30

Subrogation

réelle imparfaite ou liquidative 9 s.à titre particulier 37. V. Biens isolésà titre universel 37. V. Universalitévolontaire 14

V. Subrogation conventionnelle, Subrogation légale

Subrogation conventionnelle 13 s., 36, 45

conditions 16consentement 16

Page 66: Subrogation Personnelle Et Reelle

domaine 13 s.opposabilité aux tiers 16stipulations, contenu 16

Subrogation légale 17 s.

affectation des biens 19 s. V. ce motcas 18 s.exclusion 35 s.extensions jurisprudentielles 31interprétation stricte 29 s.principe général 39

domaine 37existence 33 s.subrogation (conventionnelle, exclusion) 36

de plein droit 36restitution des biens 23 s. V. ce mot

« Subrogatum capit naturam subrogati » 52 s.

Substitution fidéicommissaire 2, 49

Succession

anomale 31, 35bénéfice d'inventaire 24rapport 9 s.

Sûretés 20, 55

Tiers (Effets envers) 59 s.

subrogation conventionnelle 16

Universalité 2 s., 12, 37

effets à l'égard du bénéficiaire 54restitution 23 s.

Valeurs mobilières 21, 45

Vente par autorité de justice 48

Warrant 15, 20 s., 30

Mise à jour

31, 47. Indivision. - L'article 815-10, alinéa 1er du code civil, dans sa rédaction issue de la loi no 2006-728 du 23 juin 2006portant réforme des successions et des libéralités (art. 2, JO 24 juin), consacre le principe de la subrogation réelle au sein dela masse indivise en disposant que : « Sont de plein droit indivis, par l'effet d'une subrogation réelle, les créances etindemnités qui remplacent des biens indivis, ainsi que les biens acquis, avec le consentement de l'ensemble des indivisaires,en emploi ou remploi des biens indivis. ».

51. La double déclaration en matière de remploi est une règle de fond, rappelle par la Cour de cassation (Civ. 1 re, 25 févr.2009, no 08-12.137 ).

145 s. Concomitance du paiement et de la subrogation personnelle. - Il a été jugé, à propos d'une assignation exercée à la suitede la perte de la marchandise transportée, que la subrogation transmet la créance au subrogé à la date du paiement qu'elleimplique (Civ. 1re, 11 juin 2008, no 06-20.104 ).

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