sebastiāo salgado genesis - elysee.ch du regard dossier pédagogique sebastiāo salgado genesis....
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ECOLE DU REGARD Dossier pédagogique
Sebastiāo SALGADO GENESIS
Sebastião Sakgado, Participant au singsing de Mount Hagen, Provence des Hautes-Terres occidentales, Papouasie/Nouvelle Guinée, 2008 © Sebastião Salgado/Amazonas Images
Musée de l’Elysée Un musée pour la photographie 18, avenue de l’Elysée ch–1006 lausanne
T + 41 21 316 99 11 F + 41 21 316 99 12 [email protected] www.elysee.ch
TABLE DES MATIÈRES Informations pratiques 3 Spécial enfants 4
Chronologie 6
Genesis 8
Propositions d’activités pédagogiques 19
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INFORMATIONS PRATIQUES Heures d’ouverture Le Musée de l’Elysée est ouvert du mardi au dimanche de 11 h à 18 h,
ainsi que les jours fériés Adresse 18, avenue de l’Elysée, 1014 Lausanne T + 41 21 316 99 11 F + 41 21 316 99 12 E [email protected] www.elysee.ch Transports Bus n°4 et n°8, Montchoisi / Musée Olympique ; n°2, Croix-
d’Ouchy ; n° 25, Elysée. Métro M2, Délices. Visites L’entrée au musée est gratuite pour les élèves et leur
enseignant/e. Ce dernier bénéficie de la gratuité s’il souhaite préparer sa visite.
Ce dossier est téléchargeable sur www.elysee.ch, rubrique
médiation culturelle. Des visites commentées – en français, allemand ou anglais – sont
proposées aux groupes (maximum 25 personnes). La visite est facturée CHF 60.- (au lieu de 85.-) pour les écoles.
Prière de s’inscrire à l'accueil 10 jours à l’avance, par téléphone au 021 316 99 11 ou par e-mail à l’adresse [email protected]
Visites Guidées Dimanche 29 septembre 16 h Visite guidée par un guide du musée Dimanche 27 octobre 16 h Visite guidée par un guide du musée Dimanche 10 novembre 16 h Visite guidée par un guide du musée Dimanche 24 novembre 16 h Visite guidée par un guide du musée Dimanche 8 décembre 6 h Visite guidée par un guide du musée
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Ecole du regard Conférences
Dimanche 3 novembre, 16 h, Salle Lumière Cycle L’Histoire de la photographie en dix leçons Manipulations I par Radu Stern Dimanche 17 novembre, 16 h, Salle Lumière Cycle L’Histoire de la photographie en dix leçons Manipulations II par Radu Stern Dimanche 1er décembre, 16 h, Salle Lumière Cycle L’Histoire de la photographie en dix leçons Manipulations III par Radu Stern
La photographie en questions Samedi 5 octobre, 16 h Samedi 2 novembre 16 h Samedi 7 décembre 16 h Les visiteurs peuvent poser des questions sur l'exposition ou sur la photographie en général au responsable des activités pédagogiques qui se tient à leur disposition. SPÉCIAL ENFANTS En famille au musée Pendant que les parents visitent l'exposition, les enfants la
découvrent à travers des propositions ludiques. Animation par Kathia Reymond, historienne d’art. Dimanche 29 septembre, 16 h Dimanche 27 octobre, 16 h Dimanche 10 novembre 16 h Dimanche 24 novembre, 16 h Dimanche 8 décembre, 16 h
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Atelier pour les enfants Mardi 15, mercredi 16 et jeudi 17 octobre, 14 h – 17 h "Jeux d’image" – Une introduction ludique à l’image photographique. Ces activités autour de l’image photographique sont destinées aux enfants de 6 à 12 ans. Elles durent trois jours. Prix : CHF 10.- (pour les trois jours) Sur inscription uniquement
Inscriptions et contact Radu Stern 021 316 99 11 [email protected]
Rédaction du dossier : Radu Stern, responsable des programmes éducatifs.
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CHRONOLOGIE
1944, le 8 février Naissance de Sebastiāo Ribeiro Salgado à
Aimorés, petite ville dans Etat de Minas Gerais, Brésil Il est le septième d'une fratrie de huit.
960-1964 Lycée à Vittoria. 1964-1967 Etudes de sciences économiques. Obtient une maîtrise en économie de l'Université
de Sao Paulo. 1967 Se marie avec Léila Deluiz Wanick. 1969-1971 Ecole nationale de la statistique et de l'administration économique, Paris Doctorat de troisième cycle. 1971-1973 Travaille pour l'Organisation mondiale du café. 1973 Devient photographe free lance. 1974 Fait partie de l'agence Sygma. 1975-1979 Fait partie de l'Agence Gamma. 1979-1994 Est membre de Magnum. 1986 Publie L'Autre Amérique. Publie Sahel : L'Homme en détresse, 1993 Publie La Main de l'Homme. 1994 Ensemble avec sa femme, Léila Wanick Salgado fonde l'agence Amazonas Images, qui distribue seulement son travail. 1997 Publie Ouvriers. Publie Terra. 1998 Fonde avec sa femme Léila Wanick Salgado l'Institut Terra, dont l'objectif est de gérer la réserve naturelle qu'ils ont créé dans la vallée du Rio Doce et de diffuser mondialement les conceptions du développement durable.
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2000 Publie Exodes. . 2004-2011 Travaille au projet Genesis. 2013 Publie Genesis
Sebastião Salgado, Iguane marin, Galápagos. Equateur 2004 ©Sebastião Salgado/Amazonas Images
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GENESIS
Très éprouvé par la violence des relations interhumaines et celle entre les hommes et
l'environnement qu'il avait rencontré tout au long du projet Exodes, (2000), un essai photographique
sur les flux de populations à la fin du 20ème siècle, Sebastiâo Salgado était au bord du désespoir :
Ce que j'ai pu voir tout au long de ma vie c'est cette incroyable relation entre la
dégradation humaine et la dégradation de l'environnement. Elles sont
complètement liées. Après de nombreuses années de voyage pendant lesquelles
j'ai vu le malheur, j'ai commencé à perdre confiance et j'ai cru que l'espèce
humaine fonçait droit dans le mur. A cause du fait que nous sommes des êtres
rationnels, nous oublions que nous sommes des animaux, que nous faisons partie
de la nature. Cette dichotomie des humains, l'éloignement du fait que nous
sommes réellement nature et que nous faisons partie de la planète, a créé une
grande complication pour les hommes.1
Cette conception, qui séparait l'homme de la nature a amené Salgado à considérer celle-ci comme
objectif à conquérir Pour lui, concevoir la civilisation comme une lutte de l'homme avec la nature,
définie comme étant le progrès, est quelque chose de contre nature, dans tous les sens de
l'expression. A ses yeux, l'opposition nature/culture n'a pas de sens. La nature n'est pas un milieu
hostile que l'homme doit vaincre afin de "progresser", mais un milieu naturel qui nous a généré et avec
lequel il faut être en osmose continuelle afin de survivre.
L'espoir est revenu à Salgado grâce à un projet pilote qu'il mène avec sa femme Lélia Wanick Salgado
depuis le début des années 1990. Né dans une ferme d'élevage, Salgado a pu observer la destruction
du milieu naturel du domaine de ses parents. Ce qui était à sa naissance un paradis dans lequel on
mangeait de bons produits, où on pouvait nager dans les rivières, voir des animaux étonnants ou faire
du cheval, s'est transformé en une région presque sans végétation. A l'époque, 70% du territoire était
1 http://www.forbes.com/2008/01/25/brazil-rainforest-ecosystems-pf-ii-in_ss_0125philantrophy_inl.html
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Sebastião Salgado, Iceberg, mer de Weddel, Péninsule antarctique, 2005 ©Sebastião Salgado/Amazonas Images
couvert par de la forêt. Au début des années 1990, seule une fraction, 0,3%, de cette forêt était là, à
cause d'une déforestation massive. Ceci était vrai non seulement pour le domaine familial, mais pour
toute la région. La forêt atlantique brésilienne, deuxième grand poumon après la forêt amazonienne,
avait au début du 20ème siècle une superficie de plus de deux fois la surface de la France. Aujourd'hui
elle n'occupe que 7 % de sa surface d'antan.
Pour remédier à cet état des choses, Salgado et sa femme Lélia ont racheté la ferme de ses parents
et ont commencé une vaste opération de reboisement. A terme, plus de deux millions d'arbres
devront être replantés, en recourant à plus de 300 espèces différentes, pour récréer la biodiversité.
L'opération, qui est en cours, est déjà un succès. Grâce à la reconstitution de la forêt, il y a à nouveau
de l'eau dans la région, l'érosion a été stoppée et les animaux sont de retour. Ce qui était presque
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devenu une région aride attire maintenant de nombreuses espèces d'oiseaux, d'insectes et même de
caïmans. En octobre 1998, la ferme familiale de 676 hectares est devenue la première réserve
naturelle du Brésil. La même année, Salgado fonde avec sa femme Léila l'Institut Terra, un centre
éducatif dont la vocation est de gérer la réserve naturelle et promouvoir les conceptions écologistes.
Cette magnifique réussite redonne espoir à Salgado, qui s'est rendu compte que la destruction de la
nature n'est pas déjà un phénomène irrémédiable et que si son couple a pu redonner vie à toute une
région, une action concertée au niveau planétaire pourrait encore sauver la terre entière. En agissant
maintenant, nous pouvons reconstruire ce qui a été détruit.
Il m'est venu l'idée que si l'on montrait non que la destruction qui a lieu, mais aussi
l'incroyable beauté de la nature, nous pouvons insuffler aux gens la volonté de
préserver la planète.2
Au lieu de photographier les effets de la pollution grandissante et d'autres désastres écologiques,
iSalgado décide de changer et entend photographier au contraire, ce qui est resté intact. C'est le point
de départ du projet Genesis, qui se veut aussi une évaluation du potentiel de survie de la Terre.
D'après Salgado, 46 % de notre planète est encore préservé de la folie des hommes. Si l'on finit de
guerroyer avec la nature et l'on accepte que nous sommes une partie d'elle, alors tout reste possible !
Mais il y a urgence, car nous sommes près du point de non-retour !
Afin de nous convaincre, Salgado a imaginé un des projets les plus ambitieux de l'histoire de la
photographie. Il a parcouru cinq continents pendant huit ans (2004-2011) en quête de jardins d'Eden
d'avant la chute, en voyageant à pied, à cheval, en voiture, en canoë, en bateau à moteur, mais aussi
en ballon et en avion. Je voulais donner aux autres la possibilité de voir la nature d'une planète vierge.
Il sillonne la planète de l'Arctique à l'Antarctique et de l'Afrique à la Sibérie, n'oubliant pas son
Amazonie natale, Ainsi, il identifie 32 lieux qu'il va photographier, en espérant que leur beauté va nous
inciter à les protéger. Je voulais montrer aux gens ce que nous sommes en train de perdre. Le long
2 Phil Coomes, "Sebastião Salgado's Genesis", BBC News in Pictures, http://www.bbc.co.uk/news/in-pictures-22080740
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Sebastião Salgado, Vue du confluent du Colorado et du Petit Colorado, Arizona, Etats-Unis, 2008 ©Sebastião Salgado/Amazonas Images
périple, qui inclut aussi trois treks éprouvants en Ethiopie, au Bhoutan et en Sibérie du nord, a
commencé aux îles Galápagos, en hommage à Charles Darwin, qui avait découvert là l'évolution des
espèces.
Le titre du projet, Genesis fait immédiatement penser à la Bible, mais Salgado, qui n'est pas croyant,
pense moins à Dieu qu'à l'élémentarité de la création, fût-elle divine ou non, quand les éléments vitaux
pour la vie, comme l'air et l'eau, ont fait leur apparition. Néanmoins, il décrit son projet comme une
incroyable excursion à travers l'Ancien Testament.3 Toutefois, il ne s'agit pas d'une véritable référence
à la religion, ni même à la religiosité. A l'instar des projets précédents, Salgado fait appel au
symbolisme religieux qu'il emploie d'une manière rhétorique en tant qu'outil de communication.
3 Kevin Edge, "Sebastião Salgado – Genesis*, On Landscape, April 13, 2013 http://www.onlandscape.co.uk/2013/04/sebastiao-salgado-genesis/
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Même si je n’ai jamais eu un engagement religieux, un certain symbolisme
religieux très fort a toujours été présent dans ma vie, car je viens de l’État le plus
baroque du Brésil.4
.L'allusion au récit biblique est plutôt l'utilisation d'une métaphore connue pour suggérer un temps
mythique, celui de "il fût en temps". Son voyage n'est donc pas qu'un voyage dans l'espace, mais
aussi un voyage dans le temps. Les images de Genesis entretiennent un rapport complexe avec le
temps. D'un côté, elles sont des images contemporaines qui inventorient l'état actuel de la planète.
De l'autre, elles évoquent aussi un autre temps, postulé par Salgado, un temps ahistorique,
immémorial, quand le cordon ombilical avec la mère nature n'avait pas encore coupé et quand
l'homme et la nature ne faisait qu'un.
La référence de Salgado est l'état supposé de la planète immédiatement après la Genèse, un
moment où, d'après lui, l'homme vivait encore en parfaite symbiose avec la nature. Afin de mettre en
images ce temps reculé du "premier homme", il cherche les choses les plus primitives : des "peuples
premiers" qui auraient conservé le même mode de vie qu'il y a cinq ou quinze mille ans, des animaux
qui n'ont pas été domestiqués et des paysages qui n'ont pas été touchés par la main dévastatrice de
l'homme,
Certains ont accusé Salgado d'avoir une vision idyllique et passéiste et de perpétuer le mythe
rousseauiste du "bon sauvage", en idéalisant les conditions de vie des peuplades qu'il a
photographiées.5. Pour sa défense, Salgado réplique qu'il n'est pas habité par une nostalgie
romantique. Son intention est plutôt de montrer que l'homme a vécu en communion avec la nature et
qu'un tel mode de vie subsiste jusqu'à présent. Qu'il s'agisse des Indiens Xingu du Brésil ou des
Nénétses de Sibérie, ces "premiers hommes", insiste Salgado, vivent en harmonie complète avec la
4 Joaquim Marcal F. de Andrade, "Entretiens avec Sebastião Salgado" in Anne Biroleau (ed.) Sebastião Salgado Territoires et Vies, Paris : BNF, 2005. 5 Benoît de l'Estoile "Images des paradis perdus : Mythes des "peuple premiers", photographie et anthropologie" Vibrant : Virtual Brazilian Anthropology, Vol.9 no 2, July-Dec 2012http://www.scielo.br/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S1809-43412012000200014
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Sebastião Salgado, Les Nenetses, Péninsule de Yamal, Sibérie, Russie, 2011 ©Sebastião Salgado/Amazonas Images. nature, ils en font partie. La rationalité, comprise comme une qualité spécifiquement humaine,
comme différence qui sépare 'homme de la nature, est contestée par Salgado. Le moment le plus
fabuleux du projet, dit le photographe, a été celui quand il a compris qu'on lui avait menti toute sa vie
en lui affirmant que l'homme était la seule espèce rationnelle qui existe sur terre6. En effet, Salgado
est persuadé que nous partageons la rationalité avec les autres animaux : tout ce qui est vivant a une
espèce de rationalité. Je la trouve dans le cormoran, dans l'albatros, dans chaque animal.
6 Sam Cotter, "Sebastião Salgado on the Genesis of…Genesis", Canadianart, May 2, 2013, http://www.canadianart.ca/features/2013/05/02/sebastiao-salgado-genesis/
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Sebastião Salgado, Eléphants, Parc national de Kafue, Zambie, 2010 ©Sebastião Salgado/Amazonas Images.
En comparaison avec d'autres animaux, bien plus anciens, l'homme est une présence
proportionnellement nouvelle sur terre, mais dans sa relativement brève existence il a commis des
déprédations qui mettent en danger la planète jusqu'au point de menacer sa survie. Il est essentiel
de nous rappeler que nous sommes aussi des animaux et, qu'en tant que tels, nous faisons
intégralement partie de la nature. Si les premiers projets de Salgado étaient concentrés sur l'homme,
Genesis contient, à côté d'images des humains, beaucoup de photographies d'animaux et de
paysages, afin de montrer l'unité de la nature :
Jusqu'à maintenant, je n'ai photographié qu'un seul animal : nous. Mais il n'y a
aucune différence. Quand on photographie les animaux, il faut les respecter de la
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même manière que notre propre l'espèce. D'ailleurs, c'est la même chose avec les
minéraux et les végétaux, tout est vivant et possède sa propre dignité.7
Sebastião Salgado, Baleines franches australes, Péninsule Valdes, Argentine, 2004 ©Sebastião Salgado/Amazonas Images
En conséquence, Salgado photographie des baleines et des lézards, des éléphants et des jaguars,
des gorilles, des manchots et des buffles, des tortues et des oiseaux divers ainsi que des
nombreuses espèces végétales, parmi lesquelles des arbres millénaires. Le projet Genesis a fait
aussi découvrir à Salgado que les paysages ont aussi une personnalité et une dignité et qu'ils sont
bien vivants.8 Le photographe ne recherche pas l'exotisme à tout prix. Sa vision est globale : pour lui,
tout est nature et mérite d'être traité de la même façon, car la Terre est vivante dans son intégralité.
7 Amy Dawson, "Photographer Sebastião Salgado captures areas of Earth untouched by modern life", Metro. April 3 2013, http://metro.co.uk/2013/04/04/sebastiao-salgado-the-photographers-uses-monochrome-skills-to-3581783/
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Sebastião Salgado, Femmes du village Towari Ypi, Etat de Para, Brésil, 2009 ©Sebastião Salgado/Amazonas Images
Pour Salgado, les "premiers hommes" qu'il a photographiés sont archaïques, mais non "primitifs", mot
qu'il n'aime pas. Ils ne sont pas non plus pauvres, car, dit Salgado :
Quand je photographie des gens à travers la planète, je respecte leur dignité. Etre
pauvre pour moi ne signifie pas la pauvreté en biens matériels. Etre pauvre signifie
pour moi quelqu'un qui n'appartient pas à une communauté. Etre riche signifie pour
moi quelqu'un qui a le sens de la solidarité et de la communauté9
8 Interview de Sebastião Salgado par Deepali Sewan, http://www.rom.on.ca/en/collections-research/centres-of-discovery/contemporary-culture/the-making-of-genesis-in-conversation 9 Idem
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Quoiqu'il admette que son discours a une évidente dimension politique, Salgado ne se considère pas
comme un militant d'un parti. Il ne se définit pas comme un agitateur, mais comme un photographe
qui, en raison de la nature même du médium, a une vision nécessairement subjective :
La photographie n'est pas objective. Elle est profondément subjective. Ma
photographie est cohérente éthiquement et idéologiquement avec la personne
que je suis.10
Cette subjectivité du créateur est opposée aux critiques qui l'accusent d'avoir une vision mythique qui
occulte la vraie histoire. Genesis n'a pas tété conçu et ne prétend pas être un manuel d'histoire ou de
géographie, mais un poème épique en honneur de la nature.
Salgado n'est pas non plus un doux rêveur habité par l'utopie. Même s'il lui arrive d'être enthousiasmé
par la vie des communautés indiennes d'Amazonie, qu'il idéalise parfois, Salgado est lui-même un
homme moderne, qui habite une grande capitale européenne, possède une voiture et prend l'avion
sans complexes. Il ne s'imagine pas que, après avoir vu les images de Genesis, ses contemporains
vont abandonner la civilisation moderne et vont se reconvertir brusquement à un mode de vie plus
respectueux de la nature. En même temps, il espère que ses images vont nous émouvoir et, surtout,
qu'elles vont nous faire réfléchir : Je voulais que l'environnement devienne un sujet de discussion.
Sans l'ombre d'un doute, il a atteint son but.
Les images de Salgado ont suscité d'âpres discussions dans le monde de la photographie, car elles
sont difficilement classables. On ne peut pas les ranger dans les catégories traditionnelles. Si ses
premiers travaux étaient encore du photojournalisme, ses derniers projets ne peuvent plus être
considérés comme des photoreportages, non seulement en raison de leur ampleur inhabituelle, mais
surtout à cause de leurs caractéristiques formelles, qui transgressent les anciens codes du
photojournalisme. En 1997 Salgado signe son dernier reportage couleur. Depuis, ses grands projets
10 Sarfraz Manzoor, "Sebastião Salgado: A God's View of the Planet – Interview", The Telegraph, April 12, 2013, http://www.telegraph.co.uk/culture/photography/9945900/Sebastiao-Salgado-A-Gods-eye-view-of-the-planet-interview.html
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ont été tous réalisés en noir et blanc, code traditionnel de la photographie artistique. Par conséquent,
son travail se délimite donc des images colorées d'un magazine comme The National Geographic.
Aucune photographie de Genesis n'est volée, ni même instantanée. Leur piqué est parfait. Afin
d'arriver à obtenir le détail qu'il voulait, Salgado a abandonné ses Leicas en faveur d'un appareil moyen
format. La mise en place des prises de vue est beaucoup plus longue. Se distanciant des pratiques
du photojournalisme, Salgado déclare qu'il adore attendre et que celui qu n'aime pas attendre ne peut
pas arriver à faire son genre de photographie. Aucune photographie n'est le résultat du hasard, elles
sont toutes posées et leur cadrage et leur composition ont été longuement pensés par Salgado. Avec
un rare sens de la lumière – il n'utilise que la lumière naturelle – le photographe utilise souvent le
contre-jour afin de dramatiser l'image. Sa maîtrise des valeurs est impressionnante : rares sont les
photographes qui arrivent à une telle variation de gris. Avec une telle richesse tonale, Salgado parvient
à une vision qui a été décrite par le critique américain A.D. Coleman comme sculpturale. D'autres l'ont
comparé avec les grands maîtres du clair-obscur comme Rembrandt ou Georges de la Tour.
Pour les puristes, il s'agit d'une esthétisation de l'image qui ne respecte plus l'éthique du
photojournalisme. En réponse à ces critiques, Salgado revendique la beauté de ses images, qu'il
explique par la beauté des sujets photographiés. La beauté c'est la Beauté de la Nature que le projet
Genesis est censé célébrer. Cependant, il est évident que Salgado soigne à l'extrême le côté formel
de ses photographies. Chaque image arrive à posséder un degré de picturalité remarquable qui la
rapproche fortement de la photographie d'art. L'image conserve une valeur documentaire, un lien avec
une réalité immédiate, mais elle est réalisée d'après les codes formels de la photographie d'art., ce
qui lui permet de dépasser le contingent et d'acquérir une valeur universelle. Pour définir ce style,
Ingrid Sischy a proposé l'étiquette de lyrical documentary .
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PROPOSITIONS D'ACTIVITES PEDAGOGIQUES
1. L’ESTHETISATION DE L'IMAGE
Pour gymnasiens et dernière année du collège. Objectif pédagogique : comprendre le processus de création de Sebastião Salgado. Demandez aux élèves de choisir dans l’exposition t l’image la plus belle. Demandez leur d’expliciter leur choix. Continuer le débat, en utilisant les questions suivantes
‐‐ Pourquoi Salgado a-t-il pris ces images ? ‐‐ Est-ce qu’il e nécessaire qu’une image soit belle afin qu’elle soit considérée une œuvre d’art ? Quelles sont les qualités formelles pour qu'une image soit belle ?
Les photographies de Salgado ont été réalisées très soigneusement. A partir de quelques exemples, expliquez aux élèves :
- 'l'utilisation des codes de la photographies artistique : le choix du noir et blanc. - l''utilisation du grand format ‐‐ la composition le cadrage
- la richesse tonale, la gamme de gris - l'utilisation du contre-jour afin de dramatiser le sujet.
Sensibilisez les élèves à la double démarche de Salgado :
‐ une démarche documentaire : la réalisation d'un inventaire personnel des zones encore préservées de la planète.
La volonté de créer l'image la plus expressive possible.
Lancez le débat : Est qu’il a un conflit entre les deux ? Est-ce l’esthétisation : est compatible avec l’exigence de « vérité » de la photographie documentaire ?
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2. LES CHOIX DES SUJETS CHEZ SALGADO
Pour collégiens. Objectif pédagogique : comprendre le processus de création de Sebastiâo Salgado
Expliquez aux élèves la motivation de Salgado ;
répertorier les parties encore intactes de notre planète
Demander aux élèves de trouver des catégories pour classer les sujets de Salgado :
- personnes
certaines de ces photographies des personnes sont des portraits.
- paysages
- animaux
Demandez aux élèves de réfléchir sur les critères de choix des sujets pour chaque catégorie et
lancer le débat en confrontant les réponses.
Vous pouvez utiliser les questions suivantes : - Pourquoi Salgado t-il voyagé sur cinq continents ? - Pourquoi a-t-il choisi des sujets spectaculaires ? - Est-ce que le photographe recherche l'exotisme ? - Quels types de paysages choisit Salgado ? - Quels types d'animaux choisit Salgado ? -
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