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1 Chapitre 5 - Socialisation et Famille, Rapports sociaux de sexe et de génération S1 – De l’individu à la société : la socialisation Introduction : La société n’existe qu’à travers des individus. => la socialisation « façon dont la société forme et transforme les individus ». L’individu intériorise des manières de faire, de penser, de sentir qui sont socialement situées et qui vont lui permettre de se comporter de la bonne manière dans le groupe ou la sté auxquels il appartient. - Q importante car pose celle de l’influence sociale dans nos comportements : quel est le degré d’autonomie laissé aux individus par la socialisation ? => Pose des enjeux épistémologiques, conduit à des oppositions théoriques, qui pour une part recouvrent l’opposition entre individualisme et holisme par ex, pour laisser une marge d’autonomie ± importante. Les individus ont une marge de manœuvre, mais en même temps, ils agissent dans le cadre de rôles que leur assigne la société. Document 1 – Processus de socialisation Comment poser le problème en sociologie ? => La socialisation est un des concepts forgés pour conceptualiser la manière dont se noue le rapport individu/société. Mais attention à ne pas opposer de manière simpliste individu et société. Plusieurs pbs philosophiques se posent (distinction entre inné et acquis ; les rapports entre individu et société). => faux problème pour le sociologue Elias => fausse opposition que l’opposition individu/société. Car il n’y a pas de société sans individus pour la constituer, ni d’individus isolés de leur société. Le sociologue est là pour étudier ce qu’il y a de social chez les individus (il ne s’agit pas de dire que tout est société, tout est social, mais c’est ce qui intéresse le sociologue – qui n’est pas philosophe ou psychologue...). Il est là pour étudier « l’individu dans la société » (titre d’un ouvrage d’Abraham Kardiner, Gallimard, 1969). Elias => image du filet pour caractériser cetts sté : il ne tient que par les différents fils qui le constitue (comme les individus). => la sté est à la fois la matrice et le produit des actions des individus. Document 2 - La société n’existe qu’à travers des individus. Un filet est fait de multiples fils reliés entre eux. Toutefois ni l’ensemble de ce réseau, ni la forme qu’y prend chacun des fils ne s’expliquent à partir d’un seul de ces fils, ni de tous les différents fils en eux-mêmes ; ils s’expliquent uniquement par leur association, leur relation entre eux. Cette relation crée un champ de forces dont l’ordre se communique à chacun des fils, et se communique de façon plus ou moins différente selon la position et la Source : Ferréol G. et Noreck J.-P., Introduction à la sociologie, Armand Colin, 8 ème éd., 2011 => Socialisation souvent posée comme la façon dont une sté impose ses normes et valeurs aux individus.

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Chapitre 5 - Socialisation et Famille, Rapports sociaux de sexe et de génération

S1 – De l’individu à la société : la socialisation Introduction : La société n’existe qu’à travers des individus. => la socialisation → « façon dont la société forme et transforme les individus ».

L’individu intériorise des manières de faire, de penser, de sentir qui sont socialement situées et qui vont lui permettre de se comporter de la bonne manière dans le groupe ou la sté auxquels il appartient.

- Q importante car pose celle de l’influence sociale dans nos comportements : quel est le degré d’autonomie laissé aux individus par la socialisation ? => Pose des enjeux épistémologiques, conduit à des oppositions théoriques, qui pour une part recouvrent l’opposition entre individualisme et holisme par ex, pour laisser une marge d’autonomie ± importante.

Les individus ont une marge de manœuvre, mais en même temps, ils agissent dans le cadre de rôles que leur assigne la société.

Document 1 – Processus de socialisation

→ Comment poser le problème en sociologie ? => La socialisation est un des concepts forgés pour conceptualiser la manière dont se noue le rapport individu/société. Mais attention à ne pas opposer de manière simpliste individu et société. → Plusieurs pbs philosophiques se posent (distinction entre inné et acquis ; les rapports entre individu et société). => faux problème pour le sociologue Elias => fausse opposition que l’opposition individu/société.

Car il n’y a pas de société sans individus pour la constituer, ni d’individus isolés de leur société.

→ Le sociologue est là pour étudier ce qu’il y a de social chez les individus (il ne s’agit pas de dire que tout est société, tout est social, mais c’est ce qui intéresse le sociologue – qui n’est pas philosophe ou psychologue...). Il est là pour étudier « l’individu dans la société » (titre d’un ouvrage d’Abraham Kardiner, Gallimard, 1969).

→ Elias => image du filet pour caractériser cetts sté : il ne tient que par les différents fils qui le constitue (comme les individus). => la sté est à la fois la matrice et le produit des actions des individus. Document 2 - La société n’existe qu’à travers des individus. Un filet est fait de multiples fils reliés entre eux. Toutefois ni l’ensemble de ce réseau, ni la forme qu’y prend chacun des fils ne s’expliquent à partir d’un seul de ces fils, ni de tous les différents fils en eux-mêmes ; ils s’expliquent uniquement par leur association, leur relation entre eux. Cette relation crée un champ de forces dont l’ordre se communique à chacun des fils, et se communique de façon plus ou moins différente selon la position et la

Source : Ferréol G. et Noreck J.-P., Introduction à la sociologie, Armand Colin, 8ème éd., 2011 => Socialisation souvent posée comme la façon dont une sté impose ses normes et valeurs aux individus.

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fonction de chaque fil dans l’ensemble du filet. La forme du filet se modifie lorsque se modifient la tension et la structure de l’ensemble du réseau. Et pourtant, ce filet n’est rien d’autre que la réunion de différents fils ; et en même temps chaque fil forme à l’intérieur de ce tout une unité en soi ; il y occupe une place particulière et prend une forme spécifique [...] L’individu est à la fois la monnaie et le coin qui la frappe. [...] Ce que l’on sépare si souvent par la pensée comme deux substances différentes [...] son individualité et son conditionnement social, ne sont en vérité rien d’autre que deux fonctions différentes des hommes dans leurs relations, dont aucune ne peut exister sans l’autre.

N. Elias, La société des individus, Fayard, 1987 pp. 70-71 et 103-104

=> il s’agit de comprendre les mécanismes par lesquels l’individu reçoit de la société des éléments de sa personnalité et ct la société impose ses contraintes aux membres qui la composent. Mais si l’individu apprend, intériorise, il est également en mesure d’agir sur le milieu auquel il appartient. Ainsi, de nombreux auteurs insistent sur le fait que l’enfant/l’individu ne se contente pas d’imiter ou de se conformer : il est aussi acteur de sa socialisation, et il modifie la sté, la culture.

=> Quelle place donner à la socialisation pour expliquer les phénomènes sociaux ? Quelle est la part du processus de socialisation et de ses résultats pour comprendre les comportements des individus : pour expliquer les phénomènes sociaux mais aussi penser le changement social ?

Il faut comprendre à la fois ct la socialisation permet la perpétuation de la société et la reproduction des normes et des structures (la division entre les sexes, la division en classes par ex) mais aussi dépasser un déterminisme total. L’individu n’est pas prisonnier de sa culture, il n’est pas entièrement soumis à une contrainte absolue, il peut résister … et le processus de socialisation n’est pas une simple inculcation arbitraire de règles intangibles, un simple conditionnement.

=> La socialisation est à la fois un processus d’apprentissage et un processus d’adaptation sociale => ce qui permet d’envisager l’individu autrement que comme un être purement passif (adaptation au milieu passant aussi par l’innovation ou le désir de le modifier). => 2 dimensions de la socialisation :

• Apprentissage des règles et des normes • Processus par lesquels se construit l’identité sociale des individus (dans l’interaction avec la

famille, l’environnement, les autres).

Thème de la transmission de la culture : comment l’individu apprend et intériorise les élts de culture de son groupe, les fait siens, ce qui lui permet de former sa propre personnalité et de s’intégrer, de s’adapter au milieu dans lequel il vit.

=> dépasser conception strictement fonctionnaliste ou culturaliste de la socialisation : penser en terme de reproduction exclusivement mais penser aussi le changement social. => Socialisation = notion ambiguë aux sens multiples => Les familles théoriques la conçoivent différemment : entre le courant culturaliste qui met l’accent sur les contraintes, imposition normes ± inconsciente ; la tradition interactionniste ou constructiviste met l’accent sur l’interaction, la façon dont les individus s’adaptent aux situations, et sur l’interprétation que les acteurs sociaux font du monde social. II.

I. La socialisation ou comment vivre en société s’apprend

A) Comment l’individu devient-il un être social ?

Comment l’enfant devient-il un être social ? L’est-il de manière inné, à sa naissance ? Quel rôle joue la socialisation dans la construction de sa personnalité, dans ses comportements ? Ce rôle varie-t-il selon les cultures, les classes ? => Définir la socialisation comme le processus par lequel nous devenons progressivement des êtres sociaux.

Nous devons nous plier à certaines règles, normes, valeurs. L’ordre social s’impose et nous devons nous y conformer (prescriptions). L’acquisition de ces normes n’est pas spontanée mais fait l’objet d’un apprentissage et d’une intériorisation progressive. => Cet apprentissage est organisé dans toutes les stés.

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1) La socialisation permet à l’homme de vivre en société a) 1er exemple : Robinson Pourquoi Robinson échoué sur son île prend-il le risque d’aller chercher dans l’épave des couverts pour manger ? => Norbert Elias (La société des individus (1983, écrit en 1939) prend l’exemple de Robinson et de Vendredi qui isolés, loin de toute vie sociale et pourtant portent en eux la marque de la société qui les a façonnés (D. Defoe, Robinson Crusoé, 1719). Document 3 – Extraits choisis de Vendredi ou la vie sauvage de Michel Tournier (1971)

Questions : Q1) Par quels moyens Robinson cherche-t-il à « civiliser » Speranza ? Quels exemples sont caractéristiques d’une démarche d’homme « civilisé » dans l’extrait ? Q2) Montrer que le rapport à l’espace et au temps de Robinson traduisent la marque de la société dans laquelle il a été élevé et a vécu ?

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→ Robinson (avant sa rencontre avec Vendredi) établit une charte, le règlement de Speranza (le nom qu’il donne à l’île sur laquelle il se retrouve) => il rédige une série d’articles de lois (il se nomme gouverneur dans l’article 1) et prévoit même un code pénal… les punitions en cas de manquements aux règles, par ex en cas de manquement à la pudeur (excréments). Le vendredi est jeuné, le dimanche est chômé et travail doit cesser la veille à 19h … => sont définies à la fois les normes et la transgression de ces normes, la déviance et la sanction. → Il entreprend de civiliser Speranza. C’est en fait organiser un monde à l’image de l’Angleterre qu’il a quittée = île administrée comme une colonie anglaise, où l’on voit les habitudes européennes un peu déplacées sur cette île sauvage mais qui montrent comment pour Robinson, ces valeurs et ces normes font partie de sa culture et de ce qui le définit comme un homme (pas comme un sauvage) => vaisselle, beaux habits du dimanche, … → Il s’impose une discipline, organise et cultive l’île comme une colonie anglaise : valeurs d’effort, de travail, de discipline qu’il va s’imposer (récit début 18ème/ éthique calviniste … : période où les puritains anglais envahissent et colonisent le nouveau monde). le Robinson de l’île administrée ne voit son salut que dans le travail et la production (cf Franklin).

→ Il veut maîtriser l’espace et le temps : il écrit un journal, il fabrique une clepsydre, beaucoup d’éléments marquent le souci du temps : en réglant précisément son emploi du temps (jour chômé …), ses temps de travail et de repos. De même, il structure son nouvel espace à l’européenne (maison qu’il se fabrique… se constitue une chambre, un cellier, un enclos pour ses chèvres, une prison). Il se construit une table).

=> tout dans ses attitudes traduit un rapport au monde, un rapport au temps, à l’espace, au corps… qui lui ont été inculqués et qui lui sont complètement naturels : le fait de s’en trouver privés lui procure une vraie gêne. Il ne se comporte pas en sauvage même isolé et loin de la civilisation... Il porte la marque de la société dans laquelle il a été élevé.

=> illustre le travail de « mise en forme » de l’individu par la sté.

« Robinson porte la marque d’une certaine société, d’un certain peuple, d’une certaine catégorie sociale. Coupé de toute relation avec eux, perdu sur son île, il adopte donc des comportements, forme des souhaits et conçoit des projets conformes à leurs normes ; il adopte donc ses comportements, forme ses souhaits et conçoit ses projets tout autrement que Vendredi, même si sous la pression de la situation nouvelle, ils font tout pour s’adapter l’un à l’autre et se transforment mutuellement pour se rapprocher. » (Elias, La société des individus, 1991, pp. 64-65)

Document 4 – Une première approche de la socialisation La socialisation, c'est donc en ce sens l'ensemble des processus par lesquels l'individu est construit - on dira aussi « formé », « modelé », « façonné », « fabriqué », « conditionné » - par la société globale et locale dans laquelle il vit, processus au cours desquels l'individu acquiert - « apprend », « intériorise », « incorpore », « intègre» - des façons de faire, de penser et d'être qui sont situées socialement. La définition la plus simple de la socialisation que nous pouvons proposer (…) est donc la suivante: « façon dont la société forme et transforme les individus ». Une telle définition pose plus de problèmes qu'elle n'en résout et donne une [idée] de la tâche à laquelle sont confrontées les analyses de la socialisation : substituer au terme vague de « façon » des processus réels et déterminés, (comment la socialisation s'opère-t-elle ?), au terme abstrait et global de « société » des agents ou instances précis (« qui » ou « qu'est-ce qui » socialise ?), à la désignation générique de l'action de la socialisation sur les individus l'analyse de ses effets, de ses produits, de ses résultats spécifiques (qu'est-ce qui est intériorisé par l'individu socialisé ?).

Darmon M., La socialisation, coll 128, Armand Colin, 2010, p. 6

Q3) Préciser les sens de apprendre/intérioriser/incorporer Q4) De quelles traditions sociologiques cette définition rapproche-t-elle l’étude de la socialisation ? En quel sens du terme culture est-il question dans cette approche qui fait de la socialisation le processus par lequel on intériorise la culture d’un groupe ou d’une société ?

→ Apprendre : acte volontaire et conscient par lequel ont acquiert un savoir / savoir-faire, une règle … → Intérioriser revient à faire de ce qui est appris une disposition réflexe (± inconsciemment ou non

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pensée) : l’intégrer à sa personnalité (ses normes, ses valeurs). → Incorporer revient à en faire une disposition réflexe qui se traduit par un acte du corps (rougir, rire, pleurer, se tenir droit …). Ex : la honte, la pudeur ou le plaisir, les pleurs sont des émotions apprises, intériorisées et incorporées. → Tradition durkheimienne, culturaliste, fonctionnaliste (≠ interactionniste) qui insiste sur la manière dont la société conforme l’individu, comment il intériorise la culture de la société ou du groupe auquel il appartient … => Chez Robinson / pour la civilisation, c’est la seule qu’il connaît => rencontre avec Vendredi où il va tenter de le civiliser, i.e. de le transformer à son image… mais justement ce n’est pas un processus qui se joue dans un sel sens (changements de Robinson). → Culture (kulture en Allemand) au sens de Tylor (sens ethnographique large) : « la Culture ou civilisation [...] est ce tout complexe qui inclut la connaissance, la croyance, l’art, les choses morales, la loi, la coutume et toutes les autres aptitudes et habitudes acquises par l’homme en tant que membre de la société. » (E. B. Tylor, Primitive Culture, 1871) → manières de vivre, des civilisations, des modèles culturels propres à une sté ou à un groupe/

=> Ici, la socialisation comme un processus par lequel l’individu est façonné par la société dans laquelle il vit. Mais concrètement, derrière « la » société, il y a des agents qui socialisent : des groupes intermédiaires qui font la liaison entre individus et société. (groupes primaires / secondaires). b) 2ème exemple : Les enfants sauvages Enfant sauvage : enfant perdu ou abandonné dès son plus jeune âge, qui a grandi à l’écart de tout contact humain (seul ou élevé par des animaux) => ex de littérature comme Tarzan ou le livre de la jungle, nombreux mythes et légendes (Zeus, Romulus et Remus…), ms aussi un certain nombre de vrais cas signalés : attention des savants au 18è Q sur l’homme à l’état naturel, sauvage (état de nature, âge d’or perdu ou âge violent)… 1er cas qui a vraiment fait l’objet de descriptions méticuleuses => Victor fin 18ème.

Un exemple très célèbre est donné par Victor de l’Aveyron (Cf. le film L’enfant sauvage (1969) de Truffaut, adaptation du livre de Lucien Malson (Les enfants sauvages, Mythes et réalités, 1964), enfant sauvage, abandonné et retrouvé dans une forêt, qui a une dizaine d’années, et qui a vécu seul très jeune et semble totalement désocialisé (ou non socialisé) => on le prend pour un sourd-muet et idiot au départ … ce qu’il n’est pas. C’est une histoire vraie et on connaît plusieurs récits du même type. → ils sont le symbole de travaux qui visent à montrer la prééminence de l’environnement social sur la nature et l’inné (le primat de l’acquis sur l’inné). L’exemple des enfants sauvages montre que la vie en société nécessite la maîtrise du langage et de certains codes sociaux. Il montre l’importance des apprentissages réalisés au cours des premières années de la vie qui marquent très fortement les comportements futurs. C’est lors de cet apprentissage appelé socialisation que l’homme devient un être social, qu’il intériorise les normes et valeurs de son groupe, construit son identité et peut ensuite s’adapter et s’intégrer à son milieu social, à sa société. => a contrario /

→ … La vie en sté n’est pas innée, naturelle, mais n’est possible que s’il y a eu un apprentissage préalable qu’on appelle socialisation.

=> Victor : c’est un garçon d’une dizaine d’années recueilli par un jeune médecin, Jean Itard, en 1800 et qui vient d’être retrouvé nu et sale dans la forêt (et qu’il appellera Victor de l’Aveyron). Sans doute abandonné très jeune par sa famille, il a perdu tout contact avec les hommes et a vécu des années seul dans la forêt.

=> Il a un comportement animal (il ne regarde jamais dans les yeux, ne sait pas parler, il pousse des cris, a le sens de l’odorat très dvlpé et au contraire ne pleure jamais etc.), refuse toute alimentation élaborée ou la viande (noix, pommes de terre, lait). Il n’a aucune conscience de lui-même dans la glace il ne se reconnaît pas et cherche derrière le miroir quel est le personnage caché...

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Itard va s’efforcer de rééduquer cet « enfant sauvage » comme on l’appelle alors. Il n’y parviendra pas : il arrive à lui faire modifier quelques comportements (se tenir debout et non plus à quatre pattes) mais ne parviendra pas par ex à lui apprendre à parler.

→ Montre que ce qui semble être réflexe, instinct naturel est en fait modelé par le social => y c dans la manière de tenir son corps, de regarder ou de pleurer, de ce qui semble agréable ou non, douloureux etc.

Nombreux autres récits comme / Gaspar Hauser à Nuremberg, les filles louves retrouvées en Inde en 1920 (Amala et Kamala) qui ont passé leurs premières années d’existence loin des hommes. Il s’agit d’un cas de zoanthropie : deux fillettes qui dans leur jeune âge n’ont connu que la compagnie de loups et qui sont retrouvées.

Document 5 – les filles louves Amala et Kamala retrouvées en Inde dans les années 1920.

Source : Malson L., Les enfants sauvages, 10/18, 1964, pp. 84-88

Q5) Qu’est-ce qui dans le comportement des deux fillettes apparait comme le résultat d’une socialisation animale ? (doc 5) En quoi cela remet-il en question l’idée d’une transmission héréditaire ou instinctuelle ? Q6) En quoi cet exemple montre que la socialisation est à la fois un processus « formateur » et « transformateur » (doc 4) ?

→ Nombreux éléments qui les rapprochent des loups : épaisses callosités aux mains coudes genoux et pieds ; elles laissent pendre leur langue à travers des lèvres épaisses et ourlées, elles imitent le halètement ey ouvrent grand la mâchoire… elles manifestent une photophobie et une nyctalopie accusée, elles hurlent la nuit, dorment peu, ne se déplacent pas en marchant mais à quatre pattes, elles lapent pour boire et n’ont de goût que pour la viande… Résultats de la socialisation animale → Travaux qui visent à montrer l’importance de l’acquis au delà de l’inné, de la transmission génétique pour faire de certains comportements, certaines pratiques une seconde nature (le fait de marcher par ex). Importance de la culture, de ce qui est appris, par imitation (deuxième paragraphe : progrès accomplis très

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lentement mais sûrement : éveil de la sensibilité, apprentissage de la pudeur (refus de sortir sans robe-, l’apprentissage de la marche etc Q6) En quoi cet exemple montre que la socialisation est à la fois un processus « formateur » et « transformateur » (doc 4) ? → Bonne illustration de l’idée que la socialisation forme et transforme l’individu. Puissance formatrice de la socialisation qui modèle … mais aussi transformatrice => on voit les efforts qu’il faut pour défaire ce qui a été intériorisé et réapprendre, se resocialiser différemment…→ force de la socialisation initiale qui marque profondément et l’existence de socialisation secondaires qui peuvent compléter, renforcer ou contredire certains apprentissages initiaux.

→ Ces récits décrivent des comportements sauvages i.e. en creux, tout ce que l’on doit à notre éducation, à la culture et non à ce qui serait de l’instinct... y compris les choses les plus apparemment naturelles comme la vue, l’ouïe, l’odorat ou le toucher, ou la manière de se tenir, de manger ….

- Par ex, la pudeur ou le ressenti et l’expression de la douleur par ex ne sont pas instinctuels mais bien le produit d’une éducation. Idem, on apprend à se servir d’une certaine façon de ses sens (odorat ± développé par ex, attention à certains sons et pas à d’autres, bonne vue de nuit ou pas…).

Victor a l’odorat développé, mais il ne sait pas regarder, il voit, mais ne regarde pas, il entend sans être capable d’écouter, ou en tout cas il n’est sensible qu’à certains sons et pas à d’autres etc. Les fillettes voient très bien la nuit, mais ne supportent pas la lumière du jour.

→ Tout cela rappelle que nos comportements, même ceux qui nous semblent les plus naturels, sont fortement influencés par des apprentissages sociaux, ils sont codifiés par des règles. Même des besoins physiologiques, comme manger, dormir ne sont pas accomplis de manière naturelle, mais sont fortement conditionnés par le milieu social et culturel. => Sortir d’une vision ethnocentriste qui renverrait la culture occidentale, de l’homme européen du 19ème siècle comme la culture, la civilisation (idée dune culture supérieure, degré suprême de civilisation) ac justement une opposition entre les sauvages (Vendredi) et les civilisés => Regard ethnographique / montre justement la relativité des normes et des valeurs… et une gde diversité culturelle.

2) Une très grande diversité culturelle

=> Les manières de manger, de dormir, de respirer, de marcher ou de nager, d’exprimer ses émotions varient ainsi fortement selon les sociétés, dans l’espace, mais aussi dans le temps. Ces pratiques sont orientées par des normes et des valeurs très variables.

Exemples => Doc 5 + Doc 6 / → M. Mauss : « Les techniques du corps1 » : i.e. les « façons dont les hommes, société par société, d’une façon traditionnelle, savent se servir de leur corps ». → elles varient, sont diverses et spécifiques à telle ou telle sté, ont une histoire et s’apprennent (par imitation ± consciente). Il y a ainsi, selon les stés, selon les époques, des façons différentes d’accoucher, de dormir, de faire l’amour ou de manger, de nager => MAussi donne une série d’exemple dans le doc 6.

Document 5 Les données physiologiques sont certes incontournables mais les seuils de résistance ou d’excitabilité sont affaire de culture. La maîtrise de la respiration est vécue différemment. La puberté est d’autant plus précoce que le niveau de vie est élevé. Les Américains ont une démarche nonchalante ; à l’inverse, les Français ont tendance à se déplacer comme s’ils descendaient un corridor étroit : leur espace personnel est beaucoup plus restreint, le torse est bombé, les épaules hautes et carrées. (...) Les sensations de plaisir, de colère, ou de peur peuvent être elles-mêmes déclenchées par des circonstances qui laisseraient insensibles quiconque n’a pas été élevé dans le même milieu. L’impassibilité du visage serait une curiosité

1 Elles ne st pas accomplies de manière naturelle même si elles sont ressenties souvent comme telles (d’où le terme de techniques ressenti par l’individu comme un acte d’ordre mécanique, physique…).

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en Afrique, c’est la moindre des politesses pour un Japonais. Fixer son interlocuteur dans les yeux est un signe d’irrespect chez les Minyankas du Mali ; fuir le regard d’autrui est perçu négativement par un européen : on parlera alors de dissimulation ou d’hypocrisie. Toutes les expressions sont ici concevables : les habitants du Bali chantent et poussent des cris de joie lors des funérailles, les indiens Karankawa pleurent à chaudes larmes lorsqu’ils saluent un ami. G. Ferréol (Dir.), Exercices d’analyses sociologiques, Armand Colin, 1992

Pour exprimer sa douleur ou sa tristesse : pleureuses en Orient ou impassibilité au Japon.

Document 6 – Les techniques du corps [M. Mauss] […] J'ai assisté au changement des techniques de la nage, du vivant de notre génération. […] Autrefois on

nous apprenait à plonger après avoir nagé. Et quand on nous apprenait à plonger, on nous apprenait à fermer les yeux, puis à les ouvrir dans l'eau. Aujourd'hui la technique est inverse. On commence tout l'apprentissage en habituant l'enfant à se tenir dans l'eau les yeux ouverts. Ainsi, avant même qu'ils nagent, on exerce les enfants surtout à dompter des réflexes dangereux mais instinctifs des yeux, on les familiarise avant tout avec l'eau, on inhibe des peurs, on crée une certaine assurance, on sélectionne des arrêts et des mouvements. Il y a donc une technique de la plongée et une technique de l'éducation de la plongée qui ont été trouvées de mon temps. Et vous voyez qu'il s'agit bien d'un enseignement technique et qu'il y a, comme pour toute technique, un apprentissage de la nage. D'autre part, notre génération, ici, a assisté à un changement complet de technique : nous avons vu remplacer par les différentes sortes de crawl la nage à brasse et à tête hors de l'eau. De plus, on a perdu l'usage d'avaler de l'eau et de la cracher. Car les nageurs se considéraient, de mon temps, comme des espèces de bateaux à vapeur. C'était stupide, mais enfin je fais encore ce geste : je ne peux pas me débarrasser de ma technique. Voilà donc une technique du corps spécifique, un art gymnique perfectionné de notre temps.

Mais cette spécificité est le caractère de toutes les techniques. Un exemple : pendant la guerre j'ai pu faire des observations nombreuses sur cette spécificité des techniques. Ainsi celle de bêcher. Les troupes anglaises avec lesquelles j'étais ne savaient pas se servir de bêches françaises, ce qui obligeait à changer 8 000 bêches par division quand nous relevions une division française, et inversement. Voilà à l'évidence comment un tour de main ne s'apprend que lentement. Toute technique proprement dite a sa forme. [...]

J'ai donc eu pendant de nombreuses années cette notion de la nature sociale de l' « habitus ». Je vous prie de remarquer que je dis en bon latin, compris en France, « habitus ». Le mot traduit, infiniment mieux qu' « habitude », l' « exis », l' « acquis » et la « faculté » d'Aristote (qui était un psychologue). Il ne désigne pas ces habitudes métaphysiques, cette « mémoire » mystérieuse, sujets de volumes ou de courtes et fameuses thèses. Ces « habitudes» varient non pas simplement avec les individus et leurs imitations, elles varient surtout avec les sociétés, les éducations, les convenances et les modes, les prestiges. Il faut y voir des techniques et l'ouvrage de la raison pratique collective et individuelle, là où on ne voit d'ordinaire que l'âme et ses facultés de répétition.

Ce qui est très simple, c'est que l'on peut distinguer les sociétés qui n'ont rien pour dormir, sauf « la dure », et les autres qui s'aident d'instrument. Là « civilisation par 150 de latitude » dont parle Graebner se caractérise entre autres par l'usage pour dormir d'un banc pour la nuque. L'accoudoir est souvent un totem, quelquefois sculpté de figures accroupies d'hommes, d'animaux totémiques. - Il y a les gens à natte et les gens sans natte (Asie, Océanie, une partie de l'Amérique). - Il y a les gens à oreillers et les gens sans oreillers. - Il y a les populations qui se mettent très serrées en rond pour dormir, autour d'un feu, ou même sans feu. Il y a des façons primitives de se réchauffer et de chauffer les pieds. Les Fuégiens, qui vivent dans un endroit très froid, ne savent que se chauffer les pieds au moment où ils dorment, n'ayant qu'une seule couverture de peau (guanaco). - Il y a enfin le sommeil debout. Les Masaï peuvent dormir debout. J'ai dormi debout en montagne. J'ai dormi souvent à cheval, même en marche quelquefois : le cheval était plus intelligent que moi. Les vieux historiens des invasions nous représentent Huns et Mongols dormant, à cheval. C'est encore vrai, et leurs cavaliers dormant n'arrêtant pas la marche des chevaux. Il y a l'usage de la couverture. Gens qui dorment couverts et non couverts. Il y a le hamac et la façon de dormir suspendu. [...] Source : M. Mauss, « Les techniques du corps », 1934

→ Divers travaux / par ex sur la proxémie (la distance spatiale) acceptée ds différentes cultures (anglais, américains, français et arabes) de E. T. Hall => il insiste sur cette « dimension cachée » (1966) justement qui est la dimension culturelle et qui peut conduire à des incompréhensions… [cf article dist.]

E. T. Hall, « Proxémie comparée des cultures », in La dimension cachée, Seuil, Points Essais, 1971 (1ère éd. 1966), pp. 163 sq.

→ Laurence Wylie raconte que le rythme de conversation entre un américain et un français est très différent : le français attend rarement que son interlocuteur ait fini de parler avant de lui répondre ou de

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poursuivre la conversation quand l’américain attend patiemment la fin de la phrase avant de regarder son interlocuteur dans les yeux pour lui répondre. Q7) En quoi ces différents exemples (docs 5-6) montrent-ils qu’il y a une « construction sociale » du corps ? => L’exemple du corps illustre au mieux comment l’influence de la société se lit déjà dans ce qui nous semble être un donné biologique, naturel. Il y a une construction sociale du corps, il est aussi produit de la socialisation. Le corps est « cultivé, interprété, redressé au travers de normes plus ou moins conscientes : les attitudes et les comportements les plus privés, d’hygiène, de santé, de sexualité se trouvent ainsi conditionnés, déterminés, englobés dans des dimensions symboliques, productions historiques et sociales ». (C. Détrez, La construction sociale du corps, p. 110) - Autre ex : les manières de manger. Rien ne peut paraître plus naturel que de manger (il faut bien se nourrir !). Pourtant, les manières de bien se comporter pour manger sont fortement variables selon les époques, et les cultures2. 3) Un « processus de civilisation » : individuation et auto-contrainte Norbert Elias, à partir de l’analyse de manuels de savoir-vivre, de civilité et notamment d’Erasme3 depuis le Moyen-âge, du 17ème, 18ème et 19ème → analyse ct les mœurs de la civilisation4 occidentale ont évolué. => Ces manuels de savoir-vivre révèlent les normes que la société, à chaque époque, s’efforce d’imposer aux individus. Par ex comment l’on se tenait à table au Moyen-âge ou à la Renaissance.

=> Extrait de N. Elias, La civilisation des mœurs (1939). N. Elias, « De quelques fonctions naturelles », in La civilisation des mœurs, Calmann Lévy, 1973 (1ère éd. 1939), pp. 209-213

Il montre comment les gestes les plus simples (tousser, se moucher, se tenir à table, les fonctions naturelles et la sexualité) s’inscrivent dans un processus général de civilisation. La civilisation en vient à contrôler nos pratiques les plus intimes…

Exemple 1 : Comment se moucher. (1729 et 1774)

→ Les bonnes manières qui nous semblent les plus normales et évidentes ont été historiquement construites. Les manières de se tenir correctement à table, de servir la soupe ou de manger sont le produit d’un long processus de civilisation.

=> elles nous paraissent naturelles car on les a tellement intériorisées que le fait de ne pas s’y conformer nous procure de la gêne, du déplaisir, du dégoût par exemple : on trouve ça sale, dégoûtant …

Mais il s’agit bien de normes de comportements acquises par l’éducation, et non innées (Cf. d’ailleurs les efforts des parents pour apprendre à manger correctement aux enfants) et historiquement déterminées (à partir de la Renaissance).

=> la définition du goût et du dégoût, du sale et du propre par ex, de l’agréable et du désagréable se forgent dans la socialisation.

2 (et même les milieux sociaux, comme l’a montré Bourdieu). En Occident, on mange avec une fourchette, à table, avec un rituel précis. Dans d’autres pays, on utilise des baguettes, ou encore on mange assis par terre, avec un plat commun et en mangeant avec les doigts (mais, selon l’islam avec la main droite, et surtout pas la main gauche qui est sale, car consacrée à d’autres tâches.) Des interdits alimentaires existent dans beaucoup de cultures : les agriculteurs du nord de l’Angola refusent de manger du lait. Interdits religieux : le porc (islam et judaïsme) par exemple. 3 De civilitate morum puerilium 4 Elias définit la civilisation comme l’expression de la conscience occidentale. Il montre qu’elle est en fait l’incarnation d’une classe, la bourgeoisie montante en opposition à la noblesse de cour en Europe occidentale. La bourgeoisie français incarne les vertus de l’homme civilisé authentique ((par opposition à la sté de cour , civilité inauthentique). → vertus sensible, franc, sincère…

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Exemple 2 : les manières de table => Doc 7 Document 7 - Les manières de table dans les manuels de savoir-vivre Extrait 1 - Au début, on boit souvent la soupe, soit dans la soupière commune, soit dans des louches utilisées par plusieurs convives. Les traités courtois prescrivent de se servir de la cuiller. Il est probable que plusieurs personnes se partageaient la même cuiller. La citation de Calviac de l'année 1560 marque un autre progrès. L'auteur explique qu'il est d'usage, chez les Allemands, de remettre à chaque convive une cuiller. La communication de Courtin de l'année 1672 indique un nouveau pas en avant : on ne mange plus la soupe dans la soupière commune, mais on verse - d'abord avec sa propre cuiller - une certaine quantité de soupe dans son assiette personnelle. Il y a même des gens, y lisons-nous, si délicats qu'ils refusent de manger dans un plat où d'autres ont plongé leurs cuillers souillées. Il est donc indispensable de l'essuyer avec la serviette. Mais c'est là une règle que quelques personnes n'acceptent plus : selon elles, il ne faut plus jamais replonger une cuiller dans le plat commun, mais il faut en demander une autre. Ces remarques montrent non seulement que le rituel de la vie en commun est en train de se transformer, mais que les hommes commencent à en prendre conscience. On assiste ainsi à la mise en place progressive d'une nouvelle manière de manger la soupe qui passe aujourd'hui pour la seule convenable : chaque convive a une assiette, une cuiller personnelle : le potage est servi avec un instrument spécialement conçu pour cet usage.

Source : Elias N., La civilisation des mœurs, 1973

Q7) Comment ont évolué les manières de servir et manger la soupe au fil du temps ? Que nous inspirent les pratiques médiévales ? (doc 7)

→ Pratiques médiévales : boire dans la soupière commune ou partager sa cuillère inspire un certain dégoût, le fait que ce n’est pas propre, pas très hygiénique… On voit qu’il y a progressivement une distanciation vis à vis des autres convives, une individualisation de la pratique, des couverts pour servir et se servir… On incorpore (on apprend par corps dit Bourdieu) certaines manières de manger, seules correctes… à Extrait 2

2 manuels de savoir-vivre à deux époques différentes et consacrées à la façon de se tenir à table. Le premier écrit par JB de la Salle date du début du 18ème et le second de la fin 19ème (la baronne de Staffe).

1. Un manuel de civilité en 1703 « On doit se servir à table d’une serviette, d’une assiette, d’un couteau, d’une cuillère et d’une fourchette, et il seroit tout à fait contre l’honnêteté de se passer de quelques unes de toutes ces choses en mangeant. C’est à la personne la plus qualifiée de la compagnie de déplier sa serviette la première, et les autres doivent attendre qu’elle ait déplié la sienne, pour déplier la leur. Lorsque les personnes sont à peu près égales, tous la déplient ensemble sans cérémonies. En dépliant sa serviette, il faut la bien étendre sur ses habits pour ne pas gaster en mangeant, et il est à propos qu’elle couvre les habits jusqu’à la poitrine. Il est mal honnête de se servir de sa serviette pour s’essuyer le visage ; il l’est encore bien plus de s’en frotter les dents, et il seroit une faute des plus grossières contre la civilité, de s’en servir pour se moucher. C’est aussi une chose indécente de nettoyer les assiettes et les plats avec la serviette. » Saint J.-B. de la Salle, Les règles de la bienséance et de la civilité chrestienne, 1703 Cité dans J.-C. Lebensztejn, Manières de table, Bayard, 2004 2. Règles du savoir-vivre à la fin du 19ème « On ne déplie jamais entièrement sa serviette. On l’étend sur ses genoux dans la longueur, la laissant pliée en trois. On ne l’attache ni à sa boutonnière, ni à son corsage, cela découle de ce qui précède. A la fin du dîner, l’invité dépose sa serviette auprès de son assiette sans la replier, mais il n’en forme pas pour cela un monceau trop volumineux. » Baronne Staffe, Usages du monde, Règles de savoir-vivre dans la société moderne, Victor-Harvard, Paris, 1889 ; 13ème édition augmentée, Flammarion, 1899. Cité dans J.-C. Lebensztejn, op. cit.

Q8) Pourquoi J.-B. de la Salle précise-t-il que l’on ne doit pas se moucher dans sa serviette ? Et pourquoi la Baronne de Staffe ne prend plus cette peine ? (doc 7)

=> Les manuels du Moyen–âge ou de la Renaissance ont besoin de préciser que certaines choses ne sont font pas (comme se moucher dans ses doigts ou dans la nappe par ex, avant de se servir dans le plat collectif avec la main, en remettant des morceaux entamés …) ce qui induit qu’il était courant encore à l’époque (début 18ème) de le faire.

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Le fait même que ces manuels abordent sans détour les pratiques les plus crues (le rot à table, le pet en bonne compagnie) qui nous font même rougir/rire de gêne simplement en les évoquant, montre que ces pratiques étaient alors courantes et pas encore empreintes de pudeur, de honte … Plus tard, ces mêmes manuels de civilité n’en parlent plus, preuve non pas que ces pratiques sont désormais acceptées mais au contraire qu’elles ont disparu des mœurs et qu’il n’est plus besoin de rappeler qu’elles st inconvenantes : la façon de bien se comporter est entrée dans les mœurs.

Q9) Comment expliquer cette évolution ? Pourquoi l’argument hygiéniste n’est pas convaincant ? Q10) En quoi ce processus est-il à relier au processus d’individuation ? En quoi peut-on parler d’autocontrainte ?

=> Ces comportements nous semblent naturels (mettre la main devant sa bouche en toussant) tant on les a complètement intériorisés, mais le naturel ici n’est pas inné, mais acquis, construit... → La civilisation vient contrôler nos pratiques les plus intimes5.

=> Ce texte d’Elias montre que le seuil de sensibilité, ce qui se fait à table ou ne se fait pas, car on le considère comme sale, dégoûtant, est le produit d’un processus de civilisation.

« Des comportements qui n’étaient nullement ressentis comme pénibles au MA éveillent de plus en plus des réflexes de déplaisir. » (Elias, p. 180).

=> Ce sentiment de gêne ou de honte (être gêné quand quelqu’un devant nous fait certaines choses, ou même à leur simple évocation – parler de pets, de rots, de fonctions naturelles par ex) est directement lié au processus de civilisation qui lui-même est indissociable d’un processus d’individuation (Elias, p. 101).

=> Le processus historique individualise le sujet, le place sous les regards des autres, qui sont intériorisés et transformés en discipline personnelle => autocontrainte, autocontrôle, forme suprême de civilisation (incorporé => corps lui même se discipline).

Individuation* : processus par lequel l’individu se constitue dans un double mouvement de socialisation (intériorisation des normes sociales) et de subjectivation (constitution comme sujet autonome).

Aujourd'hui, mal se comporter nous procure du dégout de la part des autres et de nous même (on se comporte bien même quand on est tout seul). Aujourd'hui, c’est nous-même que cela dégoûte : c’est automatiquement qu’on agit correctement, même lorsque l’on est seul… → autocontrôle forme suprême de civilisation. L’autocontrainte devient mécanique, comme « une seconde nature », un « allant de soi » (Elias & Dunning, 1986). => Elias montre ainsi la progressive régulation des émotions, contrôle des pulsions qui devient un automatisme.

C’est la Renaissance que peu à peu la civilité se substitue à la courtoisie, caractéristique de la civilité médiévale de la société de cour. La civilité médiévale ne passait pas par un contrôle des pulsions ou des émotions. Il n’y avait pas de « contrôle émotionnel » régissant nos comportements et « se dressant entre les corps » (Elias). Avec la Renaissance, c’est l’apparition d’un nouveau code de savoir-vivre : se dvlpe une sensibilité plus prononcée, qui s’accompagne d’une régulation de l’affect, d’une plus grande maîtrise de soi, une certaine rationalisation des comportements (prévision à long terme…). Ce code s’impose d’abord au nom des convenances sociales, d’un regard extérieur (le manque de respect aux autres).

5 [On le retrouve aussi dans les pratiques artistiques : cf. Jérôme Bosch : on voit des corps monstrueux, des protubérances, des orifices etc. tout au long du Moyen-âge]. Cf le Jardin des délices, ou la tentation de Saint Antoine

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A partir du 18ème siècle, peu à peu: « on obtient l’attitude sociale désirée par une sorte d’automatisme, d’autocontrainte qui fait apparaître à l’individu telle manière d’agir comme sa propre initiative dans l’intérêt de sa santé ou pour sauvegarder sa dignité. » (p. 214). , c’est l’autocontrainte . Le concept de civilité est alors remplacé par celui de civilisation, qui se généralise à toutes les couches sociales.

=> Pourquoi l’argument hygiéniste n’est pas convaincant ? Les manuels de civilité précisaient encore avant le 18ème ce qu’il faut faire par égard à leur voisin, par politesse, par respect d’autrui.

=> L’individu a l’impression d’agir de sa propre initiative, pour des raisons hygiéniques ou morales. Mais il ne s’agit pas d’un processus rationnel. L’argument hygiéniste est fallacieux. C’est peu à peu seulement que du regard de l’autre on en vient à intégrer l’argument hygiénique ou de la gène qu’on ressent soi-même.

→ C’est ce que montre l’ex de l’introduction de la fourchette, qui ne date que de la fin du Moyen-âge (XVème), comme l’explique Elias dans l’extrait. Il montre la tendance croissante à éloigner le mets du convive (avec l’assiette, la fourchette). Avant, on découpait l’animal sur la table (le porc ou le demi-veau). Aujourd'hui, voir une bête tuée et son dépeçage sur la table ne nous serait pas très agréable … le seuil de sensibilité, ce qui nous paraît sale, dégoûtant varie avec le temps. (certains groupes qui ont introduit la fourchette à travers des exigences puis devient évident (plus besoin de le rappeler).

« Notre sensibilité nous dit qu’il est peu hygiénique de manger à plusieurs, avec les doigts, dans le même plat, puisque le contact avec les autres peut nous communiquer une maladie contagieuse. Mais cette explication est boiteuse [...] Pourquoi faut-il donc une fourchette ? Parce que nous éprouvons un sentiment de malaise quand nous salissons nos doigts [...] La fourchette n’est que la concrétisation d’une norme déterminée de ce que nous ressentons comme « pénible ». » (Elias, pp. 179-180).

- Il ne faudrait pas croire qu’il s’agit d’un processus rationnel : « le savoir rationnel n’intervient que tardivement et a posteriori, sous la forme de la justification médicale » (Detrez, p 112). L’argument de l’hygiène par ex, qui nous semble évident, pour les pratiques alimentaires (comme l’usage de la fourchette au lieu de se servir avec les mains dans le plat) n’intervient pas avant la moitié du 18ème s. d’après Elias i.e. qu’il s’agit d’une rationalisation a posteriori6.

Ce qui justifie d’adopter telle pratique ou de prohiber telle autre n’a rien à voir (au début en tout cas) avec un argument rationnel de type ce n’est pas hygiénique, ce n’est pas sain, ce n’est pas propre … … mais au nom de ce que ce comportement est grossier, « dépourvu de civilisation » (Elias, ou non « courtois » et peut se voir et gêner l’autre « ne te gratte pas avec la main – que tu plonges ensuite dans le plat commun – puisque tes compagnons pourraient s’en apercevoir. » (extrait de Elias) => D’abord le regard de l’autre, qui compte (curialisation). Le processus de civilisation est au principe de l’œuvre de N. Elias. Il passe par le regard, et Elias le rattache à la société de cour, où tout un chacun observe, surveille et imite (curialisation). C’est par le regard que s’intériorise la contrainte. Processus de civilisation fondé sur le regard et l’autocontrainte.

C’est peu à peu seulement que du regard de l’autre => on en vient à intégrer l’argument hygiénique ou de la gène qu’on ressent soi-même.

→ Les goûts et dégoûts, le confort et l’inconfort, sont appris (et donc variable d’un groupe à un autre et d’un milieu social à un autre (Bourdieu) et ne sont pas des évidences naturelles, ni personnelles propres à la personnalité individuelle. Mais si intériorisées => gêne face à un enfant ou un individu qui transgresse ces règles (issu d’une autre culture que la culture occidentale).

6 même chose pour les interdits alimentaires, qui peuvent faire l’objet de rationalisation a posteriori (le porc est une viande très vite avariée).

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Cela montre l’intériorisation progressive des contraintes i.e. le passage de la contrainte externe qui s’exerce (par le regard des autres) à l’autocontrainte : i.e. à une intériorisation de la contrainte externe qui devient une seconde nature. On invoquer désormais des arguments hygiénistes (et plus les effets sur les autres), on rejette certaines pratiques comme telles, sans références à autrui (qui pourrait voir, être gêné …).

« Cette nouvelle méthode permet un refoulement plus radical des manifestations pulsionnelles et des tendances considérées comme socialement indésirables. On les charge d’un coefficient de gêne, d’angoisse, de pudeur ou de culpabilité qui a pour effet que l’homme les évite même quand il est seul. Ce que nous désignons par les termes de « morale » ou de « motivation morale » assume à un certain niveau social en tant que moyen de conditionnement des enfants la même fonction que l’hygiène et les motivations hygiéniques : le recours à de tels moyens vise simplement à obtenir l’attitude sociale désirée par une sorte d’automatisme, d’auto-contrainte, qui fait apparaître à l’individu telle manière d’agir comme sa propre initiative, prise dans l’intérêt de santé ou pour sauvegarder sa propre dignité. (p. 214) Manger avec une fourchette et un couteau est évident, et on oublie qu’on ne fait que se conformer à un usage social.

=> Le jeune enfant à qui ses parents impose de telles règles lui perçoit la contrainte… Ce qui est vrai du processus de socialisation du pt de vue global de la sté tout entière (et de ses transformations historiques) est aussi vrai à l’échelle de l’individu : du petit enfant jusqu’à l’adulte. => « chaque individu doit parcourir pour son propre compte en abrégé le processus de civilisation que la société a parcouru dans son ensemble » (Elias). Chacun au niveau de son histoire individuelle parcourt ce même chemin, par analogie → ex de la fourchette : On apprend à utiliser une fourchette qui n’a rien de spontané (les enfants aiment être sales…) jusqu’à trouver dégoûtant le fait de manger ou de voir manger qq’un avec ses doigts…). => Même si des sanctions sociales contribuent à faire respecter les normes, dans la plupart des cas, elles sont tellement intériorisées, qu’on les respecte par autocontrainte. Par exemple, il est malpoli de se curer le nez, de manger avec ses doigts ou de se moucher dans sa serviette, on ne le fait pas non pas simplement parce qu’on craint de se faire sanctionner (de se faire voir par quelqu’un), mais généralement, même seuls, on ne le fait pas, on se contraint soi-même à respecter ces normes. L’individu finit par complètement intérioriser, c'est-à-dire faire siennes les normes et valeurs de la société : on finit par les respecter sans plus y penser, tellement on les a intégré. On finit par oublier la dimension de contrainte qui pousse à les respecter. Elles n’ont plus besoin d’être rappelées pour être efficaces et respectées → seconde nature, inconsciemment. Un individu socialisé a fait siennes (intériorisé) ces normes et valeurs. Il se les est appropriées : elles sont partie prenante de sa personnalité, et elles orientent ses comportements de façon souvent inconsciente (« impensée » selon Bourdieu), d’où un sentiment de liberté.

Cette intériorisation des normes nous fait adopter des comportements conformes, et l’individu ne ressent aucun sentiment de contrainte : il croit exercer son libre-arbitre dans le choix de ses comportements. « L’individu aura le sentiment d’une totale liberté alors que (son) action sera le reflet de sa socialisation ». Ceci est illustré par une formule de Durkheim: « Les institutions nous obligent et nous les aimons. » B) Socialisation, intégration et cohésion sociale 1) Intériorisation des normes et valeurs, rôles et statut, déviance et variance

Quel est le contenu de ces apprentissages ? → Toute société se caractérise par un ensemble de normes et de valeurs, qui définissent les comportements acceptables des individus, dans cette société.

La socialisation consiste en l’intériorisation des normes et des valeurs dans une société donnée.

« Toute société définit ce qui est bien et mal, beau et laid, honorable et honteux, agréable et désagréable » (H. Mendras).

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Q13) Qu’est-ce qui distingue norme et valeur ? Donner des exemples de normes (explicites et implicites) et de valeurs. Q14) A quels types de sanctions s’exposent les déviants (doc 8). En quoi peut-on dire qu’il s’agit ici d’une approche holiste, déterministe et coercitive (doc 8) ? Q15) S’assurer de connaître les définitions sociologiques des termes suivants : rôles, statuts, déviance, variance. Valeurs : principes idéaux, manières considérées comme devant être respectées par la sté ; considérées comme idéales et désirables au sein d’une société ou d’un groupe, qui orientent les comportements des individus. Exemple : la solidarité, le courage, respect d’autrui… Elles sont incarnées dans les normes.

Normes : Manières de faire, d’être ou de penser propres à une société ou à un groupe : le langage, la manière de s’habiller ou de manger… .Les normes orientent les comportements conformément aux valeurs du groupe. Ce sont donc des règles de conduite qui traduisent concrètement les valeurs, sont propres à un groupe ou une société et dont le non-respect entraîne une sanction. => Les normes régulent les comportements des individus par des sanctions positives ou négatives, selon qu’ils les respectent ou les transgressent. Le non respect de ces normes entraîne une sanction (sanction officielle si norme juridique, sanction plus diffuse, comme la réprobation sociale, la moquerie… en cas de normes sociales). On appelle déviance un comportement non conforme aux normes en vigueur, susceptible d’entraîner des sanctions négatives. → Ces normes et valeurs sont variables selon les sociétés, selon les époques, selon les groupes sociaux mêmes pour certaines d’entre-elles. Dans certaines sociétés, l’honneur au-dessus de tout, dans d’autre ce peut être la réussite individuelle ou au contraire la solidarité… Exemples normes : se laver les dents, dire bonjour, traverser dans les clous… Normes qui correspondent à des valeurs (propreté, respect d’autrui, respect de la loi). → Les valeurs sont abstraites, mais elles nous offrent des repères (mais sans donner des indications précises sur ce qu’il faut faire) : elles se concrétisent dans des normes. Les normes sont des règles généralement non écrites, définies en fonction des valeurs qui déterminent les conduites des individus vivant en société.

À une valeur correspond plusieurs normes. Le respect d’autrui passe par la politesse (saluer quelqu’un que l’on connaît), mais aussi par l’interdiction du vol, du meurtre… (respecter sa vie, ses biens …).

Il y a des normes explicites (officielles, souvent écrites) comme les normes juridiques (règles de droit, comme un texte de loi, règlement intérieur du lycée...) et des normes qui restent implicites (règles qui sans être explicitement formulées, sont tacitement connues et acceptées : les règles de la politesse, mœurs, usages ... n’ont plus besoin d’être rappelées, manifestées pour être efficaces. Ex du portable : des règles se construisent : au volant, il est interdire de conduire en téléphonant... Au cinéma, il est attendu que le portable soit éteint... On appelle déviance : la transgression ou l’écart à la norme qui suscite une sanction, une réaction sociale : mais la relativité des normes selon les époques, les lieux mais aussi les groupes conduit à une définition assez extensive des phénomènes déviants, et mouvante (déviant hier, conforme aujourd'hui) même une fois qu’on a pris soin de les distinguer de la délinquance, qu’elle englobe (délits et crime appelant une sanction pénale) et de la variance, dont elle se démarque (comportements transgressifs mais tolérés par la société i.e. ne suscitant pas de réaction particulière, par exemple quand ils sont statistiquement nombreux ou passent pour une marque d’originalité...

Q14) A quels types de sanctions s’exposent les déviants (doc 8). En quoi peut-on dire qu’il s’agit ici d’une approche holiste, déterministe et coercitive (doc 8) ? Q15) S’assurer de connaître les définitions sociologiques des termes suivants : rôles, statuts, déviance, variance.

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Doc 8 – Les normes contraignent les individus « Si je ne me soumets pas aux conventions du monde, si en m’habillant, je ne tiens aucun compte des usages suivis dans mon pays et dans ma classe (sociale), le rire que je provoque, l’éloignement où l’on me tient produisent, quoi que d’une manière plus atténuée, les mêmes effets qu’une peine proprement dite. Ailleurs, la contrainte, pour n’être qu’indirecte n’en est pas moins efficace. Je ne suis pas obligé de parler français avec mes compatriotes, ni d’employer les monnaies légales, mais il est impossible que je fasse autrement. »

E. Durkheim, Les règles de la méthode sociologique, 1895

→ L’approche de D considère la socialisation comme un processus coercitif, de contrainte que la société exerce sur l’individu. C’est une approche holiste et déterministe car le groupe exerce une contrainte sur l’individu : influence de la société sur l’individu qui a peu de marge d’autonomie. => La transgression des normes entraîne généralement une sanction. On retrouve la notion de contrôle social : dispositifs employés dans une société pour assurer la cohésion sociale et assurer le respect des règles. → Ce contrôle social s’exerce à plusieurs niveaux (diffuse ou spécialisée, ac sanctions formelles ou informelles… ( : de façon diffuse ou par une instance spécialisée (la mère qui surveille son enfant, le policier qui fait un contrôle de papier du véhicule). → des sanctions officiellement organisées, par des institutions spécialisées (police, tribunaux) en cas de transgression. (→ L’existence de normes juridiquement sanctionnées et de corps spécialisés (police, justice) suppose un certain développement de la DST (une différenciation) des activités sociales qui conduit à l’apparition d’organes spécialisés chargés de définir les règles communes et de les faire respecter... = société à sdté organique).

=> Le respect des normes s’obtient aussi par la pression du groupe, c'est-à-dire par un ensemble de sanctions positives qui récompensent les comportements attendus (sourire, encouragement, « bons points » à l’école, décoration ...) et de sanctions négatives réprouvant les comportements indésirables (réprobation diffuse, moquerie, dédain, blâme, isolement...).

=> Selon Durkheim, ces normes s’imposent à nous, elles sont un fait extérieur et contraignant : autrement dit, ces types de conduite attendus sont impératifs : si on ne s’y conforme pas, si on tente de résister, ils se rappellent à nous, et la sté se venge… Exemples : la langue, la manière de s’habiller… Si j’essaie de violer les règles du droit, elles réagissent contre moi pour empêcher l’acte, ou le punir, (pression sociale…). Le corps social réagit (exclusion du groupe...). Malinowski / récit d’un jeune homme qui a épousé qqun de son groupe (et transgresse donc la règle d’exogamie). Mis à l’écart par le groupe (l’amoureux de la jeune fille réclame l’application de la règle) il finit par se suicider. Néanmoins, les normes ne s’imposent pas d’elles-mêmes : nécessite l’action d’agents plus ou moins institutionnalisés qui rappellent à la collectivité l’existence de la norme. Et d’agents qui prennent en charge et établissent les normes → tradition interactionniste par ex (Becker) / entrepreneurs de morale et groupes qui veulent établir leurs propres règles de conduite et participent à les fabriquer et à les faire respecter... (marijuana act 1937). Et ce faisant, en imposant des normes, ces groupes étiquettent comme déviants ceux qui les enfreignent...

=> Dans une perspective fonctionnaliste, l’objectif de la socialisation est que chacun ait sa place et soit en mesure d’endosser les rôles et statuts attendus... La socialisation est vue ici comme l’apprentissage des rôles, des modèles sociaux. => rôles, statuts, variance de rôle (rechercher).

Le statut* est la place, la position occupée par un individu dans un groupe social (en fonction de critères sociaux comme sexe, profession ...). Selon son statut, on peut s’attendre à un ensemble de comportements de la part des autres.

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Par exemple, le statut de prof donne droit à un traitement, à des garanties statutaires en matière de carrière, à un comportement poli de la part des élèves… et on sanctionne les comportements contraires au statut : un élève qui est insolent, qui ne rend pas un devoir par exemple, peut être sanctionné.

- Ce statut lui confère un rôle, i.e. qu’on attend de lui un certain type de comportements (droits et devoirs). Rôles : modèles de comportements attendus d’une personne occupant un statut donné. Ils sont définis et organisés par une série de normes, de règles que l’individu doit respecter en l’endossant. La personne qui endosse bien son rôle satisfait donc les attentes...

Dans un lycée : rôle du proviseur, du professeur ou des élèves. Donc les rôles sont plus ou moins institutionnalisés (le rôle de mère et le rôle de prof).

3) Intégration et cohésion : L’exemple des rites de passage dans les stés traditionnelles => La société encadre le comportement de ses membres. La socialisation sert à assurer la cohésion de la société en intégrant les individus. La socialisation a plusieurs fonctions : -- Permettre à l’individu de s’intégrer à un groupe ou à une société. En ayant intériorisé les normes et valeurs de son groupe, l’individu va agir avec des comportements appropriés, ceux que la société (et son milieu) attendent de lui. Le groupe va reconnaître l’individu comme étant l’un des siens, et l’intègre. L’intégration est un processus par lequel un groupe, une collectivité s’approprie un individu qui a intériorisé la culture (rôles, valeurs, normes) de ce groupe. -- Assurer la cohésion sociale. Elle renforce l’homogénéité de la société. Si tous partagent les mêmes valeurs, cela renforce la cohésion du groupe. C’est ce qui garantit la cohésion sociale.

=> La société encadre le comportement de ses membres. La socialisation sert à assurer la cohésion de la société en intégrant les individus. Transmission de traits culturels => Ces traits culturels sont intégrés à la personnalité si bien que l’on adopte des comportements conformes au milieu social sans même que cela soit conscient = comme une seconde nature…

La société tout entière se manifeste finalement dans cette transmission des règles sociales. => Durkheim a d’ailleurs fortement insisté sur son importance dans le maintien de l’ordre et de la solidarité de la société. → DEFINITION EDUCATION = il s’agit d’inculquer à la jeune génération les comportements conformes à la morale sociale, susciter et dvlper un certain nombre d’états physiques, intellectuels, moraux que réclament d’elle et la société dans son ensemble et le milieu spécial auquel il est destiné. La socialisation est alors l’apprentissage des règles et des normes permettant de renforcer l’unité, l’homogénéité de la société. L’exemple des rites de passage dans les sociétés traditionnelles Q16) A quoi servent les rites de passage ? Quels en sont les 3 moments ? Q17) Quel est le sens du rite décrit par P. Clastres ? (doc 9) Q18) Existe-t-il des rites de passage dans les stés contemporaines ?

C’est particulièrement le cas dans les sociétés primitives, sans dispositifs institutionnels forts (lois écrites). D’où des pratiques très fortes, à haute portée symbolique qui doivent rappeler (yc sur le corps) à leurs membres les principes et valeurs essentielles de la société à laquelle ils appartiennent. Moments forts de l’existence que la société va marquer d’une manière particulière : => rites de passage => il en va ainsi de la naissance, du mariage ou de la mort… mais aussi de l’accès à un nouveau statut religieux ou professionnel par ex. => rites de passage.

Q15) A quoi servent les rites de passage ? Quels en sont les 3 moments ? Q16) Pourquoi sont-ils particulièrement importants dans les stés primitives ? Q17) Quel est le sens du rite décrit par P. Clastres ? (doc 9) Q18) Existe-t-il des rites de passage dans les stés contemporaines ?

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→ Rites de passage analysés par A. Van Gennep en 1909 (Cf. Encyclopedia Universalis). Ils accompagnent des chgts de statuts (état, âge…) au cours de la vie, comme par ex le passage de l’enfance au monde adulte. Ils ont pour enjeu la perpétuation de la société. Ces rites st destinés à reconnaître les individus dans un nveau statut et comportent 3 moments :

• phase de séparation (l’individu sort état antérieur) • phase de latence, de marge (intermédiaire entre deux états). • phase d’agrégation (nveau statut et réintégration dans le groupe après avoir été séparé).

Intégration au tout social, qui va assurer en retour la cohésion de la société. Ex des rites d’initiation… → Nombreuses descriptions par les anthropologues de ces rites de passage dans les sociétés primitives. Par ex, Pierre Clastres (1934-1977) décrit des rites d’initiation des jeunes indiens, allant jusqu’à des sévices physiques très durs, de véritables tortures au sein d’un tribu amérindienne (Guayaki / Paraguay et d’autres comme les Mbyas). On lacère le corps des adolescents avec une pierre tranchante. Il s’agit de laisser une marque indélébile sur le corps, la marque de la loi dans ces sociétés sans écriture (Cf. La colonie pénitentiaire de Kafka).

Document 9 Voilà donc le secret que dans l’initiation le groupe révèle aux jeunes gens : vous êtes des nôtres. Chacun de vous est semblable à nous, chacun de vous est semblable aux autres. Vous portez même nom et n’en changerez pas. Chacun de vous occupe parmi nous même espace et même lieu : vous les conserverez. Aucun de vous n’est moins que nous, aucun de vous n’est plus que nous. Et vous ne pourrez pas l’oublier. Sans cesse, les mêmes marques que nous avons laissées sur votre corps vous le rappelleront.

P. Clastres, La société contre l’Etat, Minuit, 1974

=> Ces sévices doivent faire comprendre au jeune adolescent l’importance des devoirs qui s’imposent désormais à lui comme adulte : il doit se soumettre aux obligations sociales de la tribu, très fortes qui pèsent sur lui (et il s’en rappellera). La souffrance est supportée par les jeunes car aucun ne voudrait ne pas être comme les autres (l’égal de ts les autres). Il s’agit d’un signe d’appartenance à la tribu, signe définitif puisqu’il est inscrit à jamais sur le corps) => traduit le refus de l’Etat et de sa loi supérieure : c’est la loi de la tribu, il n’y a rien au-dessus d’elle).

→ Dans nos sociétés contemporaines, à forte division du travail et donc différenciation, avec Etat et rationalisation, des instances spécialisées chargées de la socialisation (et du contrôle social) comme l’école par ex … ces rites ont perdu de leur importance, de leur utilité (Cf. désinstitutionalisation du mariage etc.).

→ ex de ces espaces, comme les grandes écoles par ex, qui cherchent justement à créer et renforcer la cohésion en leur sein : on parle d’ailleurs d’esprit de corps (propre à l’institution et à ses principes), qui doit être créé par ex lors des rites de bizutage, qui perdurent dans les classes prépas ou les écoles, même sous des formes atténuées (WE d’intégration). Cf. les Gadzarts par ex. Il s’agit à la fois de rappeler aux bizuts, aux bleus leur place inférieure, la hiérarchie mais aussi à créer une forte cohésion au sein de la promo (on se serre les coudes) → Passe parfois là aussi sur le corps (Cf. avaler des potions infâmes, farine …) Cf. La noblesse d’Etat de Bourdieu. → Bourdieu / rite d’institution : instituer, c’est sanctionner un ordre établi. Rite qui légitime une différence. (circoncision, ordination du prêtre...p) : ou soutenance de thèse, cérémonies de passation de pouvoir ... sont des rites d’institution. Ils dissimulent le caractère arbitraire des différences instituées (Cf. entre le dernier reçu et collé à l’agrégation... : la différence a un impact considérable 3) Vers une première approche de la socialisation

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Qu’est-ce que la socialisation ? C’est l’ensemble des apprentissages auxquels sont soumis les individus dès leur plus jeune âge et tout au long de leur vie … et par lesquels ils st formés, façonnés par la société dans laquelle ils vivent.

=> apprentissages (au sens large) qui permettent la vie en société. = les processus par lesquels les individus intériorisent les éléments socioculturels de leur milieu, les normes et valeurs de la société, et qui leur permettent de s’y intégrer, en les intégrant à leur personnalité, mais aussi de s’y adapter (y compris en modifiant ce milieu, en agissant sur lui).

Document 10 – Une définition classique de la socialisation (Guy Rocher) : « C’est le processus par lequel la personne humaine apprend et intériorise tout au cours de sa vie les éléments socioculturels de son milieu, les intègre à la structure de sa personnalité, sous l’influence d’expériences, et d’agents sociaux significatifs et par là s’adapte à l’environnement social où il doit vivre ».

Source : Rocher G., Introduction à la sociologie générale, 1968

Q19) Commenter la définition de G. Rocher. Pourquoi la socialisation permet l’intégration de l’individu ? Q20) En quoi est-elle indissociable de la notion de contrôle social ? Q21) En quoi peut-on considérer que l’individu est à la fois objet de socialisation /agent de socialisation /sujet de sa socialisation ? Q22) Montrer que dans nos stés modernes, la socialisation fait de nous des êtres sociaux mais aussi des êtres autonomes.

A p. partir de cette définition, dégager un certain nombre d’aspects importants, que l’on va développer. On retrouve l’idée à la fois d’un apprentissage et d’une adaptation.

→ Acquisition de la culture ( normes, valeurs, rôles sociaux propres au groupe d’appartenance) = « processus d’apprentissage » : d’acquisition de la culture, i.e. de normes et de valeurs, de rôles sociaux propre au groupe d’appartenance et qui deviennent ceux de l’individu. → L’individu est inséré dans des groupes qui vont prendre en charge ces apprentissages (agents sociaux significatifs) de manière concomitante, successive...

« éléments socioculturel de son milieu » / = société globale mais aussi la société locale, les groupes auxquels l’individu appartient (groupes primaires et secondaires). Cet apprentissage est essentiel et toutes les sociétés vont l’organiser d’une certaine façon. → processus de socialisation permanent continu : il débute à la naissance et se poursuit jusqu’à la mort même s’il y a des périodes de socialisation + intensive et systématique que d’autres (socialisation primaire) donc qui peuvent durablement exercer des effets y compris sur les socialisations postérieures. (habitus). A chaque nouvelle étape (entrée dans la vie professionnelle, mise en couple, retraite, nouvel emploi etc face à de nouvelles exigences, l’individu va acquérir d’autres normes, valeurs propres de nouveaux rôles et systèmes de normes (nouvelles méthodes de travail, nouvelles conditions de vie, rôle de père etc. ) Q20 → Indissociable d’un processus de contrôle social, assorti de récompenses et de sanctions sociales = Régulation qui permet de rendre conformes aux normes les conduites des individus. La norme par définition peut être transgressée (déviance) et cette transgression donner lieu à sanction. => Idée de contrainte, d’influence sociale. « ces éléments socioculturels deviennent partie intégrante de la structure de la personnalité » : → Les individus assimilent ces rôles et modèles sociaux et les incorporent à leur personnalité, en font des règles de conduite personnelle. En conséquence, le contrôle social est moins ressenti . => Les agents recherchent eux même l’adéquation, la correspondance de leurs conduites aux normes. = Cf. Elias et le dégoût de se moucher dans ses doigts.

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→ La personne « s’adapte », et s’intègre à son milieu : « appartenir à la collectivité, c’est partager avec les autres membres suffisamment de traits en commun pour se reconnaître dans le Nous qu’elle forme [...], c’est s’identifier assez à ce nous pour y puiser, du moins pour une partie sa propre identité psychique et sociale » (G. Rocher) → La socialisation participe à l’intégration et à la cohésion de la société. parce que l’individu socialisé a suffisamment de chose en commun à partager qu’il est membre de la collectivité → Néanmoins, dans toute sté, il y a des écarts à la norme, des conduites déviantes / variantes (plus ou mois bien tolérées) et dc une certaine marge d’autonomie. → « L’adaptation » peut signifier aussi désir d’innover, de changer de milieu ou de changer le milieu… => Cf Merton => comportements ritualistes, conformistes, escapistes, rebelles …

=> Ds ce double mvt d’apprentissage et d’adaptation sociale, chq individu est donc à la fois :

• Objet de socialisation : soumis à une contrainte exercée par les autres • Agent de socialisation : il exerce lui-même une contrainte, une influence sur les autres • sujet de sa propre socialisation : il s’impose lui-même une contrainte, autocontrainte mais

n’est pas passif et acteur de sa socialisation et de l’autre qui agit sur lui.

On voit finalement qu’on peut mettre l’accent sur telle ou telle dimension de la socialisation. => d’où Traditions théoriques bien différentes qui mettent l’accent sur des dimensions différentes (cf. II). → Partage d’une culture commune, ajustement des attentes, production d’ordre social et d’intégration… Socialisation comme un conditionnement, une contrainte. (Durkheim, culturalistes…). → Processus interactif => accent sur la construction permanente des identités qui se fait au travers de la socialisation et qui ne se fait pas à sens unique, ni de manière contrainte … (courants interactionnistes, constructivistes…). => Comprendre comment un individu (en tout cas dans la sté moderne, dont le propre est d’être une société d’individus) se construit à la fois comme être social et être autonome. Dans la première tradition, celle de Durkheim par ex, ou des culturalistes, il y a l’idée de partage d’une culture commune, qui permet l’ajustement des conduites, des attentes → la socialisation ici produit de l’ordre social. C’est par la socialisation que passe l’intégration. Et c’est ce qui explique les comportements individuels et qu’il convient d’expliquer... La socialisation est vue comme un conditionnement, une contrainte essentiellement et essentielle → « La socialisation devient un équivalent général de la sociologie elle-même ». Mais on peut l’envisager comme un processus interactif : d’autres courants mettent au contraire l’accent sur la construction permanente des identités qui se fait au travers de la socialisation et qui ne se fait pas à sens unique, ni de manière contrainte … La socialisation est aussi un processus où le socialisé joue un rôle actif. L’enfant ne se contente pas de se conformer mais il est aussi acteur de sa propre socialisation et socialise ses parents...

=> Le fait de concevoir la socialisation comme une inculcation, une contrainte est remise en cause par certains courants (Les courants interactionnistes et constructivistes par ex). On ne peut pas uniquement la voir comme participant de l’intégration. Avec les sociétés postmodernes, la montée de l’individualisme, la socialisation a affaire à des individus qui sont des acteurs autonomes, des sujets.

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=> Comprendre comment un individu (en tout cas dans la sté moderne, dont le propre est d’être une société d’individus) se construit à la fois comme être social et être autonome.

F. Dubet et Martuccelli définissent ainsi la socialisation comme « le double mouvement par lequel une société se dote d’acteurs capables d’assurer son intégration, et d’individus, de sujets, susceptibles de produire une action autonome ». Elle produit des individus membres de la société (ayant intériorisé N et V) et en même temps, des acteurs autonomes capables de réflexivité (surtout avec la montée de l’individualisme comme valeur). → Met l’accent sur le processus de subjectivation, i.e. comment les individus deviennent des sujets autonomes, pas entièrement déterminés, soumis aux influences sociales (Cf. habitus individuel ≠ de classe). Il y a une tension entre intériorisation normative, apprentissage de règles et de normes, et distanciation critique. → Lire l’article dans le dossier. Relier au II. Théories de la socialisation.

4/ F. Dubet et D. Martuccelli, « Théories de la socialisation et définitions sociologiques de l’école », Revue Française de sociologie, XXXVII, 1996, pp. 511-512, et 522-527

5) Quels types d’apprentissage ? Plusieurs modes de socialisation a) Apprentissage et intériorisation d’autrui 2 mécanismes président à la socialisation : apprentissage et intériorisation d’autrui.

• Apprentissage qui repose sur 4 procédés : → Répétition → Imitation → Sanctions → Tâtonnement

= concerne tt ce qui est acquisition des comportements élémentaires : façons de dormir, de s’habiller, de parler, de manger, de saluer (embrasser, saluer, serrer la main…).

• Intériorisation d’autrui = Pour construire l’individu comme sujet, comme Soi (je) l’individu doit nécessairement s’appuyer sur le regard des autres, qui lui renvoient une image de lui et qui est à l’origine de sa prise de conscience de sa spécificité.

→ mécanisme mis en avant par Charles H. Cooley en 1912 (sociologue américain). La psychologie sociale (Jean Piaget, Le jugement moral chez l’enfant) ou la psychanalyse ont analysé ce processus.

* Piaget montre les étapes de ce processus dans le dvlpt de l’enfant : égocentrique d’abord (3 ans) ; l’enfant accepte ensuite de façon passive les jugements de ses parents (jusqu’à 7 ans environ), puis commence à dvlper une pensée autonome en coopération (discussion et critique) avec des égaux, i.e. des pairs du même âge. Il y a un double mouvement, à la fois d’assimilation et d’accomodation (pour reprendre des termes de Jean Piaget – dvlpt de la psychologie de l’enfant). Assimilation par laquelle l’individu cherche à modifier son environnement et à se l’approprier (Cf. succion …). Accomodation par laquelle l’individu s’ajuste pour répondre aux pressions de l’environnement extérieur.

* G.H. Mead (fondateur de l’interactionnisme symbolique) (L’esprit, le Soi et la Société (1934, trad. Fr. 1963) => la personnalité individuelle se construit au contact d’autrui, à travers l’assimilation des autres. L’interaction est ici fondamentale, et pas dans un seul sens. La socialisation passe par l’intériorisation d’autrui :

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• à la fois regard des autres (source de construction de l’identité) • et identification aux autres (ex le jeune garçon s’identifie d’abord à sa mère, puis à son père dt la

virilité lui semble être au ppe de son autorité, ce qu’il retrouve dans ses jeux, ses lectures, les médias…

→ la personnalité (psychique) est alors un phénomène social. Le Soi de l’enfant se dvlpe par l’identification à d’autres personnes (et de leurs rôles), d’abord à ses parents (Autrui significatif : ceux qui entourent directement l’enfant) puis l’intériorisation de l’Autrui généralisé (groupe social qui donne à l’individu l’unité de soi : en clair comportements qui ne sont plus directement de l’imitation mais marqués par les attitudes sociales organisées du groupe d’appartenance).

Cela ne veut pas dire qu’elle est un pur reflet du milieu social ambiant, car il y a toujours adaptation, reconstruction active du milieu… → On voit que toute interaction / renvoie à une possibilité de socialisation mais c’est lui donner une grande extension. → tradition interactionniste. b) 2 types d’apprentissage : inculcation et familiarisation. → socialisation verticale et horizontale ...

Q24) Quelle différence faites-vous entre inculcation et familiarisation ? A quel type d’apprentissage renvoient les paroles de la chanson ci-dessous ? Q25) Pourquoi peut-on dire que le socialisé n’est pas passif dans sa propre socialisation ?

On parle d’inculcation, quand il y a l’objectif affiché de socialiser, d’obtenir de l’individu à un comportement particulier. Il s’agit d’imposer méthodiquement des normes exprimées explicitement (souvent par la sanction). On explicite les règles. Ce sont des situations d’apprentissage explicites, dont l’objectif est celui là. à Dans le cas de l’inculcation, l’échange entre socialisateur et socialisé est limité, car le socialisé est contraint de se conformer strictement à ce qu’on lui apprend. Et les relations sont hiérarchiques et vues unilatéralement. Dans les rapports verticaux comme celui du maître et de l’élève, du père e de l’enfant → inculcation : fais pas ci, fais pas ça Ex de la chanson de Dutronc, fais pas ci fais pas ça… Si l’enfant ne respecte pas les règles de la politesse, désobéit, se fera réprimander, voire punir (remarques verbales, punitions, reprise…).

Fais pas ci, fais pas ça Viens ici, mets toi là Attention prends pas froid Ou sinon gare à toi Mange ta soupe, allez, brosse toi les dents Touche pas ça, fais dodo Dis papa, dis maman Mets pas tes doigts dans le nez Tu suces encore ton pouce Qu'est-ce que t'as renversé Ferme les yeux ouvre la bouche Mange pas tes ongles vilain Va te laver les mains Ne traverse pas la rue ...

=> L’intériorisation de la culture se fait d’abord par l’apprentissage assuré par la répétition d’actes stimulés par les agents socialisateurs (famille, école, entreprises). Cela passe par des sanctions (+ ou -) qui définissent le champ des possibilités.

- Mais beaucoup d’apprentissages se font de manière plus diffuse, et non intentionnelle ou même consciente : on apprend par imprégnation, familiarisation, notamment dans l’interaction : en reproduisant, par imitation de comportements valorisés, par simple observation. Les normes restent implicites et les sanctions sont ici informelles. Les amis, à l’école par exemple, vont participer à l’apprentissage, de manière informelle, dans l’interaction avec les autres, avec le regard des autres. Qd les choses st moins délimitées et certaines, le socialisé comme un apprenti procède par essais et erreurs (en testant les zones d’acceptation ou de tolérance). → On parle de socialisation latente interactions qui n’ont pas ce but, mais qui participent grandement à socialiser l’individu à des normes et valeurs..

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→ Et là, les relations peuvent être des relations d’égal à égal, entre camarade du même âge, sans qu’il y ait nécessairement une relation verticale (sans l’exclure non plus). Cela renvoie à ce que l’on disait plus haut sur G. H. Mead (la confrontation aux autruis significatifs puis généralisés). L’enfant reproduit d’abord en imitant la façon dont ses parents par ex ou grand frère agissent (les enfants imitent téléphonant, prenant des poses). Exemple l’apprentissage des rôles féminins : il y a des choses de l’ordre de l’inculcation (quand on porte une jupe serrer les jambes, ne pas s’asseoir comme un garçon), et surtout reste souvent dans l’implicite : on apprend en imitant les personnages féminins qu’on voit (sa mère, sa sœur, telle actrice etc.), en feuilletant les magazines etc

c) un processus interactif entre socialisé et socialisateurs … La socialisation pas à seule destination des socialisés = vision imprégnée de culturalisme ou de l’influence de Durkheim. Bourdieu a tenté de la nuancer mais l’intégration de l’habitus ne parvient pas à en modifier la logique, l’agent ne fait que reproduire dans son expérience quotidienne les structures sociales dans lesquelles il a été socialisé. Rôle assez passif. Pour d’autres courants, le socialisé n’est pas un agent passif, il entre en relation avec les socialisateurs. La naissance d’un enfant contribue aussi à socialiser le couple au rôle de parents justement ! La socialisation n’est pas toujours une simple transmission dans un seul sens : il y a souvent une coopération, un échange réciproque, une interaction. L’individu socialisé joue un rôle actif dans son apprentissage : il perçoit les règles et interprète les règles et valeurs plus qu’il ne les apprend… Les mécanismes de transmission culturelle durent toute la vie, mais l’être socialisé contribue aussi à modifier par interaction les règles transmises par les instances de socialisation dans les sociétés où le chgt social est important.

La socialisation considérée comme processus interactif trouve une plus grande validité ds les sociétés soumises à un chgt social important.

Certaines valeurs ou règles perdent leur fonction de référence dans les sociétés soumises à un chgt social intense … et les individus se voient obligés de tester de nouveaux comportements (qui vont déboucher sur de nouveaux traits culturels). Les socialisés deviennent socialisateurs. Si ces interactions st défaillantes, alors la société, faute de bornes, devient anomique au sens de Dkh. Cette opposition entre les deux approches de la socialisation (inculcation et interaction) doit être resitué historiquement → permet de mieux saisir le rapport entre générations à propos de la transmission de la culture (entre gds-parents, parents et enfants). → Importance de la tradition dans les sociétés de petite dimension et les sociétés européennes sous l’Ancien Régime, en tout cas, jusqu’à la Renaissance. Chgt social quasi inexistant et cs collective forte qui ne permet pas une individuation et l’émergence de la personnalité. Dans ce cadre, les valeurs et normes st inculquées aux enfants par les aînés. Ils n’ont pas vraiment de statut à part (adultes en miniature). Notamment, gds-parents garants et vecteurs de la transmission de la tradition, de l’expérience (mais aussi détenteurs de la propriété). M. Mead (Le fossé des générations, 1979) parle de culture post-figurative. Dans cette culture → certitudes. → Dans les sociétés àp des transformations économiques et sociales fortes (16ème) et notamment la révolution industrielle → changements : Incertitudes d’une culture interactionniste... Les gds parents perdent leur pouvoir socialisateur : leur expérience, ne sert plus, les normes et valeurs ne st plus seulement héritées de la tradition, elles st plus souples (adaptation aux chgts). Les situations st moins prévisibles que par le passé : reproduire la tradition ne suffit plus (Cf. maitre et compagnons). Les interactions socialisatrices st plus fréquentes entre parents et enfants. → culture co-figurative. Cela est congruent avec le chgt de statut de l’enfant.

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P. Ariès a montré ct l’enfant devient digne d’une attention particulière, objet d’affection … Les interactions st fréquentes entre jeunes et adultes. Mais peut se creuser un fossé des générations, un décalage entre parents et enfants ce qui s’aggrave encore avec le dvlpt des médias (titre du livre de Mead) par manque de repères (Mai 68). → Enfin, culture préfigurative : socialisation des parents par les enfants (Mead très inquiète) quand normes et valeurs perdent leur fonction de réf ou leur efficacité : les adultes peuvent apprendre de personnes plus jeunes → ex rapport à l’ordinateur, lieu emblématique de ces transformations dans l’ordre de la transmission… à la maison comme le jeune cadre dans l’entreprise qui maîtrise mieux internet ou tels logiciels… On aurait donc un renversement dans le sens de la transmission, du fait d’une part de la montée de l’individualisme qui rend insupportable l’idée même de mort et même de vieillissement : d’où volonté de faire jeune, de se prolonger en faisant un enfant… Et les enfants participent plus qu’avant à la socialisation des adultes et parallèlement, sorte de réhabilitation du rôle éducatif des gds parents, avec leur position favorables, de retraités etc. C) Socialisation primaire et socialisation secondaire Si la famille est un agent de socialisation déterminant, elle n’est pas le seul. Les processus de socialisation sont pluriels et se poursuivent tout au long de la vie d’un individu. => distinction courante entre socialisation primaire et socialisation secondaire. 1) Une distinction courante mais ambiguë Opposition entre socialisation primaire et secondaire renvoie en fait à 2 significations différentes :

• ≠ agents de socialisation : on oppose alors la socialisation primaire qui se déroulerait au sein de la famille par opposition à la socialisation secondaire réalisée dans les autres instances socialisatrices. Pourtant d’autres instances interviennent dès la petite enfance…

• résultats de la socialisation : la socialisation primaire correspond alors aux processus qui inculquent à l’individu les connaissances et attitudes fondamentales par opposition à ;a socialisation secondaire (ajouts successifs).

• Selon le cycle de vie : la socialisation primaire ayant lieu pendant l’enfance et l’adolescence, la socialisation se poursuivant à l’âge adulte. Dans cette acception, la famille joue un rôle essentiel dans la socialisation primaire (enfance) mais aussi secondaire à travers par ex la socialisation conjugale. De même l’école peut jouer un rôle dans la socialisation secondaire par la formation professionnelle.

Les étapes de la socialisation : évidemment, l’enfance est la période de socialisation la plus intense, mais tout au long de sa vie d’adulte, l’individu va intégrer des normes et des valeurs.

Durkheim / socialisation comme éducation méthodique de la jeune génération par les générations adultes = susciter et développer un certain nombre d’états physiques, intellectuels, moraux que réclament de lui, et la société dans son ensemble et le milieu spécial auquel il est destiné.

Mais / considère que c’est le cas toute la vie : c’est la totalité des interactions adultes-enfants et intergénérationnelles qui agissent → toute une éducation inconsciente qui ne cesse jamais, pendant toute la période de la vie sociale... (Education et sociologie, 1922). Et pas forcément d’ailleurs explicite. (1) « Par notre exemple, par les paroles que nous prononçons, par les actes que nous accomplissons, nous façonnons d’une manière continue l’âme de nos enfants ». C’est pourquoi Peter Berger et T. Luckmann, dans La construction sociale de la réalité (1966) distinguent la socialisation primaire qui s’effectue pendant l’enfance (dès la naissance, d’abord par la famille) et la socialisation secondaire, qui s’opère à l’âge adulte et ne s’arrête jamais. La socialisation primaire est évidemment déterminante en ce qu’elle donne aux enfants les tous premiers repères sociaux qui vont le marquer toute sa vie.

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Lire Art. Dist. => 3/ P. Berger et T. Luckmann, « La socialisation secondaire », in La construction sociale de la réalité, Méridiens Klincksieck, 1992, pp. 189-200

Q26) Pourquoi la socialisation primaire est-elle aussi déterminante et contraignante ? Q27) Pourquoi la socialisation ne s’arrête jamais ?

Cette force de la socialisation primaire / notamment de la famille -- agit sur être influençable (beaucoup prise), en plus dans un contexte affectif -- influence imposée à l’enfant (on ne choisit pas ses parents), beaucoup plus que les expériences ultérieures

→ Même quand on considère que l’enfant n’est pas passif, il y a un caractère contraignant de la socialisation primaire : c’est l’adulte qui fixe les règles du jeu et l’enfant peut s’y prêter de plus ou moins bonne grâce, mais il n’y a pas d’autre jeu. (2) « Comme l’enfant ne dispose pas du moindre choix en ce qui concerne ses autrui significatifs, son intériorisation de leur réalité particulière est quasi inévitable. L’enfant n’intériorise pas le monde de ses autrui significatifs comme un monde possible parmi beaucoup d’autres. Il l’intériorise comme le monde, le seul monde existant et concevable, le monde tout court. » (p. 231). => jeu contraint dans ses principes (la contrainte n’est pas seulement dans la méthode).

Mais à chq nouveau contexte social, pour endosser un nveau rôle ou un nveau statut, l’individu doit se socialiser (ou être socialisé). Par ex, l’entrée dans un nouvel emploi → apprentissage de nouvelles méthodes de travail, de valeurs du groupe professionnel (instit) etc. (l’arrivée d’un enfant socialise le couple à leur rôle de parents).

Il faudra s’interroger sur ces processus de socialisation tout au long de la vie, qui peuvent engendrer des contradictions, être contradictoires et en même temps, les effets de la socialisation primaire influencent très durablement toutes les autres expériences et donc les socialisations ultérieures.

2) Des influences plurielles et contradictoires ? => divers agents de socialisation. Ils peuvent être analysés sous plusieurs angles : -- des agents qui ont pour but explicite et reconnu de socialiser ou qu’à titre indirect e, vue d’autres buts explicites (école/famille versus entreprise/syndicat...). -- visent une socialisation de la totalité de la personne ; ou bien qui ne s’intéressent qu’à un segment de la personnalité comme les entreprises, les syndicats, les partis politiques… Enfin, les mass media proposent des valeurs qui permettent l’identification de ts à des modèles semblables. -- des agents bien identifiés ou des processus plus diffus (médias, pairs). -- Les groupes d’âges homogènes (amis) ou non (église, famille), ou les deux (école).

- Les effets de la socialisation primaire ne sont donc pas irréversibles mais influencent durablement les comportements la vie des individus.

Socialisation primaire et socialisation secondaire peuvent être contradictoires. La socialisation secondaire peut s’inscrire en rupture avec la socialisation primaire. Ex : C’est le cas par exemple de quelqu’un d’origine modeste qui connaît une forte ascension sociale : des contradictions peuvent apparaître. On va devoir s’adapter à un nouveau milieu, d’autres valeurs, d’autres règles … → Ernaux raconte les difficultés / son mari et ses parents. Ou décalage entre la maison et l’école (Cf. Ernaux et son père parlant mal, parlant le patois, elle le reprend et lui affecte de manière un peu provocante de se reprendre tout en marquant à quel point ça l’agace, il se moque des prétentions de sa fille en quelque sorte (La honte). Autre exemple : des individus qui connaissent des expériences fortes (guerre, immigration) qui peuvent exiger une resocialisation. Il peut donc y avoir décalage entre groupe d’appartenance et de référence, ce qui peut entraîner des difficultés d’adaptation, par incompréhension réciproque (c’est l’exemple du «parvenu»), ou parce que,

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en choisissant un groupe de référence autre que son groupe d’appartenance, on prend le risque de se faire rejeter par les membres du groupe d’origine et de ressentir de la culpabilité d’avoir fait ce choix (Cf. A. Ernaux) : sentiment de trahison… (j’avais oublié ce qu’était le sentiment de gêne, de pauvreté, d’absence de culture : elle dit ressentir un sentiment de trahison par rapport à son père d’extraction très pauvre... Cf. décalage chez certains jeunes dt les parents st immigrés (dans les références culturelles yc les gouts etc. Cf. S. Beaud). 3) Confirmations, transformations, conversions Berger et Luckmann : place essentielle à la socialisation secondaire : « la socialisation n’est jamais complètement réussie (…) jamais totale, ni terminée » . → Dans quelle mesure les socialisations successives transforment-elles l’individu et de quelle manière ?

• socialisation de renforcement ou de confirmation Ex : socialisation peut renforcer la socialisation initiale et en fixer les effets. Plusieurs exemples, notamment la socialisation de genre qui voit souvent ses effets renforcés. Sorte de vagues socialisatrices qui renforcent les effets par des rajouts successifs notamment dans la construction d’une identité virile (famille, école, armée, foot etc.).

• socialisation de transformation, voire de conversion (alternations). Ex : L’ex type est celui de la conversion religieuse (ou du lavage de cerveau) : i.e. qui conduit à une transformation radicale de l’individu et totale. → techniques de déculturation très poussées pour parvenir à produire un nouvel habitus : cas très particuliers. Alternations → l’individu change de monde, un processus de socialisation change l’individu de manière totale ou quasi totale : une sorte de désocialisation suivi d’une resocialisation (souvent de manière radicale et dans un contexte affectif). → Chocs biographiques (guerre, conversion religieuse, migration…) par lesquels les individus st en rupture avec l’identité sociale construite par la socialisation primaire. « l’enfant plus âgé en vient à reconnaître que le monde représenté par ses parents, ce même monde qu’il a précédemment considéré comme pré-donné est en fait le monde des gens sans éducation, des classes inférieures » (Berger et Luckmann) (C’est l’histoire d’Annie Ernaux).

Rupture aussi qd la socialisation primaire a été ratée et pas satisfaisante. Mais aussi qd l’identité antérieure devient problématique, fait pb (très fort changement, forte mobilité par ex). D’où l’importance de ce processus de socialisation secondaire qui devient un enjeu pour un changement social réussi.

→ Permet d’aborder la socialisation dans la perspective du changement social (pas uniquement de la reproduction).

II. La socialisation au cœur de l’opposition des paradigmes A) L’individu socialisé, reflet de sa société d’appartenance B) La socialisation comme formation de la personnalité dans l’interaction C) Approches constructivistes

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