rhinophyma et carcinomes cutanés associés : à propos d’un cas et revue de la littérature

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Page 1: Rhinophyma et carcinomes cutanés associés : à propos d’un cas et revue de la littérature

CAS CLINIQUE

Rhinophyma et carcinomes cutanés associés :à propos d’un cas et revue de la littératureRhinophyma and skin carcinoma: A case report and literature review

A. Qassemyar a,*, N. Corbisier a, G. Poiret a, L. Mortier b,V. Martinot-Duquennoy a, P. Guerreschi a

a Service de chirurgie plastique, reconstructrice et esthetique, hopital Roger-Salengro, rue Emile-Laine, 59037 Lille, Franceb Service de dermatologie, hopital Claude-Huriez, 1, place de Verdun, 59037 Lille cedex, France

Recu le 5 aout 2011 ; accepte le 9 octobre 2011

MOTS CLÉSCancer cutané ;Carcinomebasocellulaire ;Rhinophyma

Résumé Le rhinophyma, stade 4 et ultime de la rosacée est considéré comme une pathologiebénigne. Nous présentons le cas d’un patient présentant un carcinome basocellulaire biopsiésur un rhinophyma. L’exérèse de tout l’étui cutané nasal et son analyse a permis dediagnostiquer la présence de trois carcinomes basocellulaires et deux carcinomes épider-moïdes in situ. Une greffe de peau totale a permis la reconstruction. La littérature rapportequelques cas d’association entre rhinophyma et cancers cutanés, mais aucun ne rapportejamais la présence simultanée de carcinomes basocellulaires et de carcinomes épidermoïdes.La faible série des articles ne permet pas de mettre en évidence de relation statistiquementsignificative qui permettrait de considérer le rhinophyma comme facteur de risque. Lasurveillance de ces patients doit être la plus rigoureuse possible et la prise en chargechirurgicale doit exiger des résultats histologiques afin de ne pas omettre la présence delésions cancéreuses.# 2011 Publié par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDSSkin carcinoma;Basocellular carcinoma;Rhinophyma

Summary Rhinophyma, final stage of rosacea is considered as benign pathology. Wepresent the case of a patient with basal cell carcinoma diagnosed on rhinophyma. Theremoval of all cutaneous nasal unit and its analysis has diagnosed the presence of three basalcell carcinomas and two in situ squamous cell carcinomas. Reconstruction was performed byfull-thickness skin graft. The literature reports a few cases of association between rhino-phyma and skin cancers but none ever reported the simultaneous presence of basal cellcarcinoma and squamous cell carcinomas. The low number of articles does not revealstatistically significant relationship between rhinophyma and skin cancer, which wouldconsider the rhinophyma as a risk factor. Monitoring of these patients should be as rigorous

Annales de chirurgie plastique esthétique (2012) 57, 169—172

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (A. Qassemyar).

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

0294-1260/$ — see front matter # 2011 Publié par Elsevier Masson SAS.

doi:10.1016/j.anplas.2011.10.003
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as possible and surgical care requires histologic analysis not to omit the presence ofcancerous lesions.# 2011 Published by Elsevier Masson SAS.

170 A. Qassemyar et al.

Introduction

Le rhinophyma, stade 4 et ultime de la rosacée correspond àune hyperplasie sébacée associée à un certain degré defibrose dermique sans déformation de la structure ostéocar-tilagineuse sous-jacente [1]. Affection d’étiologie inconnueet observée quasi exclusivement chez l’homme à phototypeclair, ses principales conséquences sont d’ordre esthétiqueet psychosocial. Cependant, il ne faut pas considérer cettepathologie comme étant strictement bénigne (le cas illus-trant cet article en étant l’exemple). L’originalité de cetarticle est que nous décrivons ici le cas d’un patient présen-tant plusieurs carcinomes cutanés développés sur un rhino-phyma. À travers cette illustration, nous effectuerons unerevue de la littérature concernant cette association.

Cas clinique

Le cas rapporté est celui d’un patient de 82 ans, vu enréunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) d’oncologiecutanée pour la prise en charge d’une lésion de l’aile nari-naire droite développé sur un rhinophyma évoluant depuisplusieurs années.

Ce patient, ancien plombier chauffagiste, présentait pourprincipaux antécédents : un diabète de type 2, une goutte ainsiqu’une hypercholestérolémie. L’interrogatoire ne retrouvaitpas de notion d’éthylisme chronique, ni d’antécédents de

Figure 1 Vue préopératoire :

carcinomes cutanés. Il existait une notion d’exposition solaireimportante chez ce patient adepte du jardinage et originairedu sud de la France.

L’examen clinique montrait la présence d’un volumineuxnodule ulcéré, hémorragique de l’aile narinaire droite. Ilcoexistait sur l’aile narinaire gauche une autre lésion nodu-laire (Fig. 1). La palpation des aires ganglionnaires ne retro-uvait pas d’adénopathie.

La biopsie de la lésion à droite était en faveur d’uncarcinome basocellulaire de type nodulaire. À gauche, lesanalyses histologiques concluaient à une hyperplasie glan-dulaire sébacée entrant dans le cadre du rhinophyma.

Le premier temps chirurgical a permis la résection del’ensemble de l’étui cutané de la pyramide nasale envoyé enanalyse anatomopathologique. Le site d’exérèse fut laissé encicatrisation dirigée jusqu’à l’obtention des examens histo-logiques.

Les résultats anatomopathologiques concluaient enl’exérèse complète d’un carcinome basocellulaire nodulaireet ulcéré de l’aile narinaire droite. Cependant, il coexistaiten périphérie de la lésion une kératose actinique étendueaux annexes (carcinome épidermoïde in situ) d’exérèseincomplète sur l’aile narinaire droite ainsi que la présenced’un autre carcinome basocellulaire superficiel d’exérèsecomplète.

Autre fait marquant, un carcinome basocellulaire nodu-laire et infiltrant trabéculaire non diagnostiqué préalable-ment sur la face latérale du nez à gauche fut découvert lors

a : de face ; b : profil droit.

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Figure 2 Vue postopératoire de face à trois semaines.

Rhinophyma et carcinomes cutanés associés 171

de l’examen histologique et pour lequel l’exérèse futcomplète. À l’instar du côté controlatéral, il existait unekératose actinique étendue aux annexes et d’exérèseincomplète latéralement.

Au total, coexistaient sur ce rhinophyma trois carcinomesbasocellulaires et deux carcinomes épidermoïdes in situ.

La reprise chirurgicale a permis une recoupe des limiteslatérales ainsi qu’une reconstruction de l’ensemble del’unité nasale par une greffe de peau totale (Fig. 2), lepatient ne désirant pas de geste de reconstructioncomplexe.

Les suites furent simples avec un délai de cicatrisation detrois semaines, le patient satisfait du résultat ainsi quel’équipe chirurgicale malgré la présence d’une rétractioncutanée liée à la fois à la durée d’attente des résultatshistologiques et à l’interposition d’une greffe de peau totale.Une surveillance dermatologique fut instaurée tous les sixmois.

Tableau 1 Classification par stade de gravité de la rosacée et m

Stade Présentation clinique

Érythèmesparoxystiques

Bouffées vasomotrices ou « flush ». Elles

de température liés au climat ou à l’activ

Érythémato-télangiectasique

Les télangiectasies ou couperose sont situsur le nez, principalement sur les ailes dude la joue, atteignant la zone mandibulai

Papulo-pustuleux Fond vasculaire, sur lequel se développenpar poussées successives, de façon capricau contraire de l’érythème de fond qui re

Rhinophyma Epaississement du revêtement cutané. Leet de petites formations polypoïdes pseuds’installe progressivement.

D’après l’encyclopédie médico-chirurgicale de dermatologie.

Discussion

Le rhinophyma est une dermatose faciale correspondant austade final de la roscacée (Tableau 1). Il s’agit d’une patho-logie bénigne ayant principalement pour conséquence unretentissement sur la qualité de vie.

La coexistence d’un carcinome cutané développé sur unrhinophyma comme décrit dans notre cas est un fait rapportéde longue date. En 1955, Rees décrivait déjà la coexistenced’un carcinome basocellulaire avec un rhinophyma [2].

Cependant, la majorité des séries ne révèlent que des cassporadiques ne pouvant démontrer aucun lien de causalitéentre ces deux lésions [3—11], si bien que l’on ne puisseparler que d’une simple coincidence et non de« dégénérescence » malgré la présence d’éléments évoca-teurs dans notre cas qui sont la présence de carcinomesspinocellulaires, de prévalence rare dans la région nasale,ainsi que la localisation simultanée de deux types de cancerscutanés dans une même région anatomique, le reste dusystème tégumentaire en étant indemne.

Acker et Helwig ont montré une association statistique-ment significative entre carcinome basocellulaire et rhino-phyma comparé aux patients présentant un carcinomebasocellulaire sur nez « sain » [4]. Cependant, une analyseplus rigoureuse sur ces même patients, menée par Keeffe et al.n’a pas montré de différence statistiquement significative[11].

Outre les carcinomes basocellulaires, quelques auteursdécrivent l’association entre rhinophyma et carcinomeépidermoïde. Nous en avons recensé dix cas dans la littérature[1,12—14].

Quelques hypothèses ont été avancées pour tenterd’expliquer cette association : la fibrose dermique observéedans cette pathologie [15], les multiples traumatismescutanés représentés par cette pathologie [16], ainsi quel’inflammation et les remaniements hypertrophiquesobservés au niveau cellulaire [4].

Il nous apparaît de ce fait indispensable que tout gestechirurgical nécessite chez ces patients une analyse histolo-gique, compte tenu de la possibilité de la coexistenceocculte de lésions tumorales.

anifestasions cliniques.

sont déclenchées principalement par les changementsité professionnelle, ou par l’absorption de boissons chaudes.

ées d’abord dans les régions malaires, mais aussi nez. Elles s’étendent très souvent sur l’ensemblere.

t des papules et des pustules. Ces éléments évoluentieuse, avec des phases d’amélioration spontanée,ste permanent.

s orifices folliculaires deviennent béants. La peau s’épaissitotumorales apparaissent progressivement. Une fibrose

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172 A. Qassemyar et al.

Ainsi, les traitements par décortication et excision tan-gentielle sont adaptés car il est possible d’obtenir uneanalyse anatomopathologique des pièces d’exérèse. Enrevanche, nous pensons que les traitements par laser, élec-trocoagulation, dermabrasion, voire Versajet1 [17] doiventbénéficier, avant leur réalisation, de biopsies étagées surtoutes zones suspectes permettant de ne pas omettre detelles lésions potentiellement à risque pour le patient.

Conclusion

Le rhinophyma est une pathologie bénigne. Pourtant sontraitement ne doit pas méconnaître des lésions malignesassociées même rares. Notre cas montre la possibilité dedévelopper une pathologie tumorale dont le diagnostic peutêtre rendu tardif par la déformation nasale masquant leslésions. La prise en charge de ces malades doit donc être leplus précoce possible et le suivi dermatologique rigoureux.Des résultats histologiques sont toujours nécessaires aprèstout geste chirurgical ou des biopsies multiples si le traite-ment ne le permet pas.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

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