régiments suisses à la bataille de baylen

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Histoire des Régiments suisses à la bataille de Baylen

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  • Les rgiments suisses et la bataille de Baylen

    19 juillet 1808 Louiselle de RIEDMATTEN

    Introduction

    Aprs la terrible bataille d'Eylau et la victoire franaise de Friedland, le trait de Tilsit scella, le 7 juillet 1807, la paix avec la Russie. Le Tsar Alexandre Ier acceptait de collaborer au Blocus Continental contre l'Angleterre et abandonnait ses vues sur l'Europe occidentale; Napolon, en change, lui promettait son aide contre la Turquie. L'Europe gravitait autour de ces deux ples et plus rien ne sem-blait s'opposer une paix durable. L'Empereur tait au fate de sa puissance.

    Il reste difficile encore maintenant de percer les vritables motifs de l'inva-sion de l'Espagne par les armes napoloniennes. Toujours est-il que cette der-nire s'opra dans ce climat de paix toute relative et de la manire la plus brutale et la plus sournoise qui ft.

    Le 27 octobre 1807, un trait prvoyant le dmembrement du Portugal fut sign Fontainebleau entre la France et l'Espagne; il s'agissait d'en finir une fois pour toutes avec l'insolente maison de Bragance qui, malgr les menaces, conti-nuait de commercer avec l'Angleterre. Mais ce pacte permettait surtout de couvrir la Pninsule de lgions impriales sous prtexte de soutenir l'expdition du Portugal et, peu peu, les plans de l'Empereur se rvlrent bien plus redoutables qu'il n'y avait d'abord paru; en effet, les forces franaises, au lieu de se diriger sur Lisbonne, comme prvu, reurent l'ordre de marcher sur Madrid. Napolon esp-rait ainsi se dbarrasser de ces Bourbons d'Espagne qu'il mprisait tant - Charles IV et son fils Ferdinand VII - et s'emparer du pays par la ruse en vitant soigneuse-ment tout coup de force.

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  • Dans la logique de cette politique, on assista le 20 avril 1808 l'entrevue de Bayonne, vritable guet-apens, o l'Empereur n'hsita pas dpossder purement et simplement le roi d'Espagne de sa couronne, pour la donner son frre an Joseph Bonaparte. Le peuple espagnol n'allait jamais pardonner cette trahison; bientt eut lieu le soulvement madrilne du 2 mai 1808 - rprim dans le sang par Murt, gnral des forces franaises en Espagne - suivi trs rapidement de l'insur-rection de tout le pays. Ainsi dbuta une guerre sans piti o les armes franaises allaient s'enliser jusqu'en 1814.

    C'est dans ce climat sanglant de vengeance et de gurilla que prend place la bataille de Baylen. Le 15 mai 1808 le 2e Corps de la Gironde, conduit par le brillant comte Pierre-Antoine Dupont de l'Etang1, reut l'ordre de quitter Madrid - centre nvralgique de l'occupation franaise - pour aller soumettre l'Andalousie (carte n 1). Cette province s'organisa rapidement pour affronter les Franais et leur bar-rer la route; et c'est Baylen, sous le soleil torride et meurtrier de ce mois de juillet 1808, que le gnral Castanos2, la tte des forces espagnoles, remporta une vic-toire retentissante sur ces lgions impriales rputes invincibles.

    Aux cts des Espagnols et des Franais qui s'affrontrent sur le sol brlant d'Andalousie se trouvaient aussi des rgiments suisses; mais certains s'taient engags au service de l'Espagne alors que d'autres avaient jur fidlit l'Empereur. Le brusque soulvement de la Pninsule allait donc engendrer de ter-ribles dilemmes et la bataille de Baylen devait envenimer srieusement cette situa-tion puisque, au cours de l'action, les rgiments suisses se rencontrrent par deux fois.

    Le statut des forces helvtiques, du ct franais comme du ct espagnol, retiendra tout d'abord notre attention et c'est avec grand soin que nous nous pen-cherons sur le rgiment valaisan qui, plusieurs gards, fait figure d'exception. Puis nous tenterons d'expliquer le droulement de la bataille elle-mme l'aide de deux documents totalement indits, trouvs dans les archives de la famille Reding Schwytz, et dont l'importance est capitale pour expliquer le rle des troupes suisses dans l'issue du combat. Enfin, nous nous attarderons quelque peu sur les tribulations des rgiments captifs.

    * ABRVIATIONS. AF: Archives fdrales (Berne), AN: Archives nationales (Paris), AEV: Archives de l'Etat du Valais (Sion), SE: Service Etranger, SHM: Servicio historico Militr (Madrid), SHVR: Socit d'Histoire du Valais Romand (Sion).

    1 Le comte Pierre-Antoine Dupont de l'Etang est n le 4 juillet 1765 Chabanais en Charente.

    Il se signale lors de plusieurs batailles et notamment Marengo en 1800, Haslach en 1805 et sur-tout Friedland en 1807. Grand aigle de la Lgion d'honneur, il est envoy en Espagne la tte du 2e Corps d'Observation de la Gironde; ses hauts faits d'armes font de lui l'un des divisionnaires les plus en vue, et il pense obtenir son bton de marchal en Andalousie. Mais, bless la bataille de Baylen le 19 juillet 1808, il se voit oblig de capituler le 22 et tombe en disgrce ds son retour en France, en septembre. L, il est enferm dans la prison de l'Abbaye Paris puis destitu et transfr au fort de Joux en 1812. L'arrive de Louis XVIII interrompt son procs. En 1814 il est ministre de la guerre durant huit mois puis commande la 22e division militaire. Il meurt Paris en 1840.

    2 Don Francisco Javier Castanos y Aragorri est n Madrid le 22 avril 1758. En 1793 il est

    colonel du rgiment Africa et se voit grivement bless la bataille de San Marcial contre les Franais. En 1802 il est nomm commandant gnral du camp de Gibraltar et devient, en juin 1808, le gnral en chef de l'arme d'Andalousie avec laquelle il bat le 19 juillet les forces du gnral Dupont Baylen. En 1810 il est dsign comme prsident de la Junte centrale et en 1812 il est nom-m capitaine gnral de Catalogne. Il meurt le 21 septembre 1852.

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  • CARTE N 1 : SITUATION MILITAIRE DE L'ESPAGNE AU DBUT DE LA GUERRE D'INDPENDANCE ET DTAIL DES OPRATIONS EN ANDALOUSIE

    100 Km

    1 : 5 0 0 0 000

    Carte tire de l'ouvrage de Juan Priego Lopez, "(iuerra de la Independencia Vol. II, SHM. Madrid 1972.

    Principales concentrations espagnoles.

    Principales concentrations franaises.

    Mouvements des forces espagnoles.

    Mouvements des forces franaises. J * Dfil du Despena Perros dans la Sierra Morena.

  • Outre les annexes qui reproduisent les lettres indites dont nous allons lon-guement parler, nous avons insr dans cette tude des outils d'ordre plus gnral, tels qu'une chronologie (Annexe I) qui replace la bataille dans un contexte plus vaste, un tableau rcapitulatif, qui donne un aperu schmatique des rgiments suisses prsents Baylen, et quelques cartes, pour mieux situer l'action et clarifier une situation par moment complexe et confuse.

    1. Les Suisses au service de la France

    Aprs le massacre des Suisses en 1792 et la priode trouble de la Rpublique Helvtique3 les relations taient pour le moins tendues et le service tranger en France, sans cesser d'exister, n'avait pas trs bonne presse.

    Cependant ds 1803, la Suisse dsirait oublier ces tristes annes et retrouver une paix durable. Le Premier Consul Bonaparte la lui accorda le 2 fvrier; en acceptant l'Acte de Mdiation il dota la Confdration d'un nouveau gouverne-ment, la Dite, qui reprsentait l'autorit fdrale, mais il conserva un droit de regard sur la politique helvtique. Il est vrai que le futur Empereur avait toujours plus besoin d'hommes pour ses campagnes et il connaissait trop la valeur militaire des troupes helvtiques pour ne pas dsirer une Suisse tranquille; ainsi en 1803, une alliance dfensive en mme temps qu'une capitulation militaire taient signes Fribourg par les commissaires de la nouvelle Dite suisse, dont le landammann Louis d'Affry, et par le gnral Ney, ministre plnipotentiaire de la Rpublique franaise.

    Par l'alliance dfensive, la France se portait garante de l'indpendance de la Suisse; de son ct, la Confdration promettait son allie 16 000 hommes de troupe dont le sort tait minutieusement rgl par la capitulation militaire, signe pour une dure de 25 ans et contenant 25 articles. Selon les art. 1 et 2, les 16 000 hommes taient organiss en quatre rgiments de 4000 hommes chacun, chaque rgiment comprenant quatre bataillons.

    Le recrutement devait s'effectuer sur tout le territoire helvtique, dans les cantons catholiques comme protestants, avec pour condition que ces hommes, gs de 18 40 ans et mesurant au moins lm 67, fussent de nationalit suisse. Pour ce

    3 Ds 1798 les armes franaises envahirent la Suisse et prirent Berne ainsi que son fabuleux

    trsor valu 15 millions de francs. La chute de Berne amena celle de la Confdration tout entire et les Franais, matres de la Suisse, s'empressrent de changer son gouvernement. A l'ancienne Confdration des Treize Cantons, ils substiturent la Rpublique Helvtique: les cantons furent dpouills de leur autonomie et la Suisse ne forma plus qu'un seul Etat divis en 19 dpartements. Un gouvernement unique prit la tte du pays et le pouvoir excutif fut exerc par un Directoire de cinq membres. Le Canton du Valais, jusqu'alors pays alli, fut incorpor de force la Rpublique Helvtique.

    Cependant cette nouvelle constitution fut rejete par les cantons primitifs (Uri, Schwytz, Unterwald) et le Haut-Valais; ces deux rbellions furent crases dans le sang par les armes fran-aises. Le calme ne revint qu'en 1803 avec la chute de la Rpublique Helvtique et la proclamation de l'Acte de Mdiation.

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  • qui regardait la solde, elle n'tait pas prcise dans la capitulation elle-mme puisqu'elle correspondait celle de l'infanterie franaise. Il est difficile de dire ce qu'elle reprsentait rellement; les salaires des militaires n'taient sans doute pas trs importants, bien que certaines jeunes recrues suisses se trouvassent plutt satisfaites de leur solde. Il ne faut pas oublier non plus que les soldats de l'Empire avaient droit des parts de butin en complment.

    L'art. 11 ritrait le principe de l'anciennet, si cher aux soldats car il ne mar-quait aucune prfrence cantonale et respectait le droit helvtique en la matire. De plus le libre exercice de la religion et de la justice tait assur par l'art. 19. Quant au choix de l'uniforme, la France restait fidle au traditionnel rouge garance qu'avaient toujours port les Suisses son service, et seuls les revers, collets et parements devaient permettre de distinguer les diffrents rgiments. D'ailleurs, le tableau suivant illustre l'uniforme des deux rgiments suisses au service de France, qui participrent la bataille de Baylen:

    Habit Distinctives Liser Boutons

    3e rg. suisse: rouge garance noires blanc 4e rg. suisse: rouge garance bleu cleste noir

    jaunes jaunes

    Les troupes du centre et les voltigeurs portaient le shako et les grenadiers le bonnet poil. Les pantalons taient blancs, les gutres noires et les paulettes de couleur jaune pour les voltigeurs et rouge pour les grenadiers.

    ? A gauche: voltigeur portant le shako et l'uniforme distinctives bleu cleste du 4e rgiment suisse. A droite: grenadier portant le bonnet d'ours et l'uniforme distinctives noires du 3e rgiment suisse.

    Tir de: H. de Schaller, Histoire des troupes suisses au service de France, p. 48.

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  • Enfin, les Confdrs ne pouvaient combattre hors du territoire continental de l'Europe, ils avaient accs aux charges et dignits militaires franaises ainsi qu' l'cole polytechnique et, en cas de pril sur son propre territoire, la Suisse se rser-vait le droit de rappeler ses rgiments capitules.

    Cette capitulation prsentait un certain nombre d'avantages, car la France, non contente de recevoir 16 000 hommes de bonnes troupes, fixait aussi leur statut de manire trs prcise. Quant la Suisse, elle voyait le principe de l'anciennet respect et la prime que l'art. 7 accordait tout capitaine qui obtenait un rengage-ment allait faire natre beaucoup de vocations parmi les soldats cherchant fortune.

    Les rgiments suisses aux ordres du gnral Dupont Lorsque le 2e Corps d'Observation de la Gironde entra en Espagne, le 19 d-

    cembre 1807, il tait compos de trois divisions d'infanterie, d'une division de cavalerie et d'environ 1200 hommes d'artillerie et de gnie, soit 24 000 hommes et 38 bouches feu.

    La cavalerie aux ordres du gnral Fresia tait essentiellement forme de rgiments provisoires, ce qui signifiait que les compagnies provenaient de divers dpts de rgiments de cavalerie. Ces units manquaient donc d'esprit de corps mais jouissaient d'une rputation redoutable, surtout les cuirassiers dont le gnral Dupont allait hriter un rgiment provisoire au mois de juillet.

    Pour ce qui regardait l'infanterie, elle tait constitue de bataillons apparte-nant aux cinq lgions de rserves cantonnes Rennes, Versailles, Lille, Metz et Grenoble. Ces lgions - cres par dcret le 20 mars 1807 - taient censes assu-rer la dfense du territoire franais pendant que la Grande Arme se trouvait en Allemagne et en Pologne: ceci signifie en clair qu'elles taient composes de conscrits de 1808, considrs comme peu aptes faire la guerre et encadrs par des officiers soit trop gs, soit trop jeunes. Ces troupes n'taient pas formes pour combattre l'tranger, et elles demeurrent tout au long de la campagne d'Andalousie un souci constant.

    Bien videmment Dupont possdait quelques troupes d'lite, dont un bataillon des Marins de la Garde, une des meilleures units de la Grande Arme, ainsi que deux bataillons de la Garde de Paris. Mais cette unit s'tait particulire-ment distingue lors de la campagne de Pologne l'anne prcdente; aussi avait-on d combler les vides par des conscrits, si bien que son efficacit au combat s'en trouvait quelque peu amoindrie.

    Dans ce 2e Corps d'Observation de la Gironde, qui prsentait tous les aspects d'un savant amalgame, se trouvaient deux bataillons suisses d'infanterie. Le pre-mier bataillon du 3e rgiment suisse tait command par le colonel Louis de May, du canton de Berne, et servait sous les ordres du gnral Vedel dans la seconde division d'infanterie du 2e Corps de la Gironde. Il comprenait:

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  • le Colonel Louis de May (1766-1833), de Berne, le Chef de Bataillon Charles d'Affry (1772-1818), de Fribourg, l'Adjudant-major Charles-Emmanuel von der Weid ( 1786-1845), de Fribourg, le Capitaine Amde de Murait (1786-1854), de Berne.

    Le 3e rgiment avait t cr par le dcret du 12 septembre 1806, soit deux ans aprs la signature de la capitulation militaire entre la France et la Suisse. II s'tait constitu en Flandre et contenait quatre bataillons, mais seul le premier allait participer l'affrontement de Baylen, soit 1178 hommes. Les soldats portaient l'uniforme rouge garance distinctives noires, liser blanc et boutons jaunes. Quant au troisime bataillon du 4e rgiment suisse, il tait command par le colo-nel en second Freuler, de Glaris, et servait sous les ordres du gnral Barbou dans la premire division d'infanterie du Corps de la Gironde. Il comprenait:

    le Colonel en second Freuler, de Glaris, le Chef de Bataillon Christen, d'Unterwald, le Capitaine Jean Landolt (1779-1859), de Zurich, le Lieutenant Gaspard Schumacher (1776-1847), de Lucerne, le Sergent Georges Heidegger (1790-1825), de Zurich.

    Le 4e rgiment avait t cr au mme moment que le 3e rgiment, mais en Bretagne. Ce bataillon comprenait 709 hommes qui portaient l'uniforme rouge distinctives bleu cleste, liser noir et boutons jaunes.

    Le corps de Dupont possdait donc un total de 1887 soldats confdrs son service. Le recrutement de ces hommes s'tait avr difficile, si bien qu'il avait fal-lu parfois engager des recrues trangres, des Allemands le plus souvent, pour combler les rangs. Il est noter que le recrutement d'trangers au sein des rgi-ments suisses au service de France n'tait ni permis ni formellement interdit par la capitulation; il semble qu'en cas d'extrme ncessit il ait t tolr. Il devait en tre tout autrement pour les rgiments suisses au service d'Espagne. Toujours est-il que ces recrues taient encadres par des officiers expriments, qui en gnral avaient dj servi, et instruites avec zle et discipline; elles formaient donc un noyau solide au sein de l'infanterie quelque peu htroclite du 2e Corps de la Gironde.

    Quelques tmoignages La nouvelle capitulation militaire passe avec la France allait soulever les

    espoirs les plus fous dans la jeunesse helvtique qui rvait d'aventure, de gloire et de fortune; certains soldats ont laiss des tmoignages vivants et prcis qui per-mettent de mieux saisir les motifs de leur dpart.

    Pour ce qui regarde le capitaine Amde de Murait, originaire de Berne et servant dans le premier bataillon du 3e rgiment suisse, c'est le prestige et la gloire de l'Empire qui allaient lui faire abandonner l'Autriche qu'il servait jusqu'alors. Son pre, fervent admirateur de Napolon, voyant la carrire peu heureuse de son

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  • fils, lui suggra de changer de camp et de s'engager au service de France. J'hsitais longtemps. Cela m'tait contraire de me mettre maintenant sous le dra-peau que je combattais jusqu'alors. Cependant, la passion de mon pre, l'espoir de faire en France une carrire plus rapide qu'en Autriche, ainsi que le dcouragement d'tre toujours dans le camp des vaincus m'amenrent enfin donner mon cong au service imprial et royal d'Autriche pour entrer au service de France.4 L'on ne peut s'empcher de penser en lisant ces lignes que les rves de gloire et d'honneur de cet officier devaient s'chouer sur les pontons pourris de la baie de Cadix qui allaient recevoir les vaincus de Baylen...

    Le tmoignage de Charles-Emmanuel von der Weid diffre passablement du prcdent. Originaire de Fribourg, il sert aux cts d'Amde de Murait dans le 3e suisse. Durant la priode trouble de la Rpublique Helvtique, il s'est battu avec acharnement - ainsi que tous les siens - contre l'envahisseur franais. Ainsi lors-qu'il fait part sa famille de son dsir de servir cette France tant hae, tout le monde est frapp de consternation: sa mre avait dclar que jamais son fils n'en-trerait au service de l'usurpateur, et le vieil oncle bannerer disait qu'il mourrait de chagrin si son neveu servait sous les plis du drapeau tricolore6. Cet exemple montre quel point le souvenir des annes terribles restait vivace et douloureux dans l'ancienne gnration, alors que pour la jeunesse, l'Acte de Mdiation et la capitulation militaire marquaient vritablement le dbut d'une re de paix o tout tait possible, mme servir aux cts de l'ennemi d'hier. Charles-Emmanuel insista tant qu'il finit par faire cder ses proches, et c'est ainsi que le fils d'une des grandes familles patriciennes de Suisse alla se battre sous les drapeaux de l'usurpateur.

    Quant au lieutenant Gaspard Schumacher, originaire du canton de Lucerne et affect au troisime bataillon du 4e rgiment, s'engager au service de France sem-blait aller de soi. Artilleur dans la Lgion Helvtique, il s'tait battu aux cts des forces franaises et avait particip le 27 septembre 1799 la victoire de Zurich contre les Russes du gnral Korsakov. La capitulation de 1803 lui donna l'occa-sion de reprendre sa carrire interrompue par la chute de la Rpublique Helvtique, ce qu'il s'empressa de faire, allguant son got pour les choses mili-taires et (son) dsir de voir d'autres pays et d'autres peuples''.

    Enfin, ses cts, se trouvait le sergent voltigeur Georges Heidegger, issu d'une famille pauvre de Zurich. Le jeune homme se vit bien vite la proie de ter-ribles difficults financires et, trs attir par la carrire militaire dont il admirait l'aisance matrielle et la vie aventureuse, il s'engagea 17 ans au 4e suisse sans demander l'accord de ses parents. Par son indocilit, son opinitret et sa grande timidit face au travail, le sergent Heidegger est l'exemple type du soldat voyou et chapardeur!

    4 MURALT (R.-K.-A. de), Militrische Laufbahn des Oberstlieutenant R.-K.-Amde von

    Murait, in: Berner Taschenbuch, Berne, 1887, p. 231. 5 Le terme banneret dsigne l'origine le porte-drapeau dans la milice. A cette charge d'hon-

    neur s'ajoutait le contrle des affaires militaires ainsi qu'un sige au conseil de guerre. Fribourg pos-sdait quatre bannerets.

    ^ DIESBACH (M. de), Le Gnral Charles-Emmanuel von der Weid, in: Archives de la Socit d'Histoire du canton de Fribourg, T. V., 1893, p. 477.

    7 SCHUMACHER (G.), Journal et Souvenirs de Gaspard Schumacher, capitaine aux Suisses de

    la Garde Royale (1798-1830), Paris, 1920, p. 25.

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  • 2. Les Suisses au service de l'Espagne

    De tous les services trangers, celui d'Espagne est sans doute le moins connu. Pourtant, en 1787, la Suisse possdait quatre rgiments qui servaient dans la Pninsule ibrique et participrent la guerre de succession d'Autriche; mais il faut avouer qu'ils taient incomplets et dsorganiss.

    C'est pour y mettre bon ordre que ds 1804 l'Espagne engagea des pourpar-lers avec la Confdration et, le 2 aot, fut signe Berne entre le chevalier Joseph Caamano, ministre plnipotentiaire de S. M. Catholique auprs de la Confd-ration, et la Dite suisse, la nouvelle capitulation entre la Suisse et l'Espagne. Elle comprenait 65 paragraphes plus un article additionnel et devait entrer en vigueur pour une dure de 30 ans. Aux quatre rgiments dj existants, elle en ajoutait deux autres. Comme le stipulait l'art. 2, ces rgiments portaient le nom de leur colonel, ce qui complique singulirement les choses, car ce dernier pouvait chan-ger assez souvent. Des six rgiments suisses prvus par la capitulation, trois allaient participer la bataille de Baylen: Reding n 2, Reding n 3 et le rgiment valaisan de Preux n 6. Ce dernier, possdant un statut quelque peu particulier, sera tudi part. Pour viter toute confusion, il faut encore prciser que le rgiment Reding n 2, appel aussi Jeune-Reding, tait command par le colonel Karl de Reding, de Schwytz, cousin de nom plus que de parent avec Nazare de Reding qui, lui, commandait le rgiment Reding n 3, ou Vieux-Reding.

    L'article premier de la capitulation allouait avec prcision chaque rgiment le canton o il devait effectuer son recrutement: Reding n 2 revenaient les can-tons de Lucerne, Saint-Gall et Thurgovie, et Reding n 3 ceux de Schwytz, Uri, Glaris, Appenzell et les Grisons. L'art. 5 pourtant stipulait avec insistance que toutes les nouvelles recrues devaient tre catholiques et, de la liste des cantons sus-mentionns, seuls Lucerne, Schwytz et Uri sont catholiques; cela compliquait donc grandement le recrutement, puisqu'il s'agissait de trouver des soldats catholiques dans des cantons majorit protestante.

    Pour pallier cette restriction confessionnelle, la capitulation permettait l'en-rlement d'Allemands, terme qui dsignait des hommes d'origines bien diff-rentes tel que des Allemands du sud, de Souabe et de Rhnanie, mais aussi des Autrichiens, des Prussiens et des Polonais. Bien que l'art. 5 exiget le minimum d'un tiers de recrues suisses dans le rgiment, ce tiers semblait si difficile atteindre qu'un dlai de 4 voire 6 ans tait accord pour l'obtenir. Cette prsence trangre marque la vritable diffrence d'avec les rgiments helvtiques qui ser-vaient en France. D'ailleurs les chiffres parlent d'eux-mmes: selon le dtail des effectifs de janvier 18088, le rgiment Reding n 2 compte, sur un total de 1686 hommes, 456 Suisses, soit 27%, et 1230 Allemands et le rgiment Reding n 3, 554 Suisses, soit 307r, contre 1253 Allemands sur un total de 1887 soldats. Le tiers n'est pas atteint (cf. Le tableau rcapitulatif des forces suisses au service de France et d'Espagne).

    8 AF: Fonds 2200 Paris 1/11, Correspondance du Landammann Ruttimann avec C. de Mail-

    lardoz, 1808.

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  • Le rgiment comprenait normalement 1909 hommes, rpartis en deux bataillons. L'on remarque au passage que, selon les chiffres donns plus haut, les rgiments 2 et 3 taient incomplets en janvier 1808: il manque 223 hommes chez Jeune-Reding et 102 chez Vieux-Reding. Au total, la Suisse fournissait avec ses 6 rgiments 11 300 hommes l'Espagne contre 16 000 la France, ce qui repr-sente une force importante si l'on considre que la Suisse retirait moins d'avantages conomiques en signant une capitulation avec l'Espagne.

    Quant la nouvelle recrue, elle devait tre ge de 16 40 ans et mesurer au minimum 1 m 65. La solde de la troupe tait fixe dans les art. 18 et 19, mais il est bien difficile d'tablir une comparaison exacte avec la solde des troupes imp-riales. De manire gnrale, l'on peut affirmer que les Suisses au service de France taient mieux pays que les Suisses au service d'Espagne. Malgr tout, la solde que proposait la nouvelle capitulation avec l'Espagne prsentait une nette augmenta-tion par rapport la prcdente, pour le plus grand bonheur de tous.

    Quant l'uniforme, jusque-l assez disparate, il s'unifiait et prenait pour modle celui port par le rgiment Reding n 3; il tait bleu indigo avec parements, revers et collet rouges, gutres noires, pantalon blanc. Seuls les numros gravs sur les boutons diffrenciaient les rgiments suisses espagnols.

    Grenadier du rgiment suisse portant l'uniforme bleu indigo distinctives rouges et dont le bonnet d'ours est orn d'un galon de laine rouge, la manga.

    Tir de: Agrupacin de Miniaturistas militares, Boletin n 13, Barcelona, 1962, p. 80.

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  • Tableau rcapitulatif des forces Suisses au service de France et d'Espagne

    (Ce tableau n'est en rien exhaustif, il rsume simplement les troupes que nous mentionnons tout au long de ces pages)

    LES SUISSES AU SERVICE DE FRANCE

    NOMS EFFECTIFS/GARNISONS HISTORIQUE

    Rg. n 3 Rg. n 4

    2711 h.; Flandre 3832 h.; Bretagne

    rg. organiss la suite de la cap. du 27.7.1803 signe Fribourg pour 25 ans; ils sont composs de 4 bat. {organiss selon les (dcrets du 12.9.1806

    UNIFORMES

    habit rouge garance. distinctives:

    noires bleu cleste

    N. B. En ralit, un seul bataillon de chaque rgiment a particip la bataille: le premier bataillon du 3e rgiment et le troisime bataillon du 4e rgiment.

    LES SUISSES AU SERVICE D'ESPAGNE

    NOMS EFFECTIFS/GARNISONS

    Reding n 2 1686 h. (456 CH) Madrid Reding n 3 1887 h. (554 CH) Grenade

    de Preux n 6 2027 h. (rg. valaisan)

    (254 CH) Madrid

    HISTORIQUE

    rg. rorganiss la suite de la cap. du 2.8.1804 signe Berne pour 30 ans; ils comprennent 2 bat. accde la cap. des rg. suisses par un trait sign le 22.9. 1805 Berne

    UNIFORMES

    habit bleu indigo distinctives et collet rouges n du rg. sur les boutons collet bleu revers jaunes n du rg. sur les boutons

    N. B. On appelle aussi Reding n 2: Jeune-Reding et Reding n 3: Vieux-Reding. Notons que ces rgiments ont leurs deux bataillons au combat. Il y aura cependant une petite exception, une partie du second bataillon de Reding n 3 ayant dsert lors du pillage de Cordoue.

    Les effectifs des deux rgiments suisses sont ceux du mois de janvier 1808, alors que ceux du rgiment de Preux n 6 sont pris au 1er mars 1801. Nous n'avons pas trouv de chiffres plus rcents pour ce rgiment. Entre parenthses figure la proportion de recrues de nationalit suisse.

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  • Finalement, l'article additionnel fut l'objet de nombreux litiges, car il ne reconnaissait pas de manire officielle le principe de l'anciennet, si cher la Suisse. L'Espagne s'arrogeait ainsi un droit de regard sur les nominations et allait l'encontre de tout ce qui avait t fait auparavant.

    Malgr tout, cette capitulation contenait de nombreux avantages pour les rgiments suisses, dont l'augmentation de la solde n'tait pas des moindres. Elle fixait aussi de manire prcise les pensions et les congs et obligeait chaque colo-nel tablir dans son rgiment une cole militaire pour donner une parfaite instruction aux nouvelles recrues; en bref, cette capitulation fut salue par tous comme l'une des meilleures jamais signes par la Suisse.

    Le rgiment valaisan, un cas particulier

    Au moment de la signature de cette capitulation si avantageuse pour la Suisse, le canton du Valais ne faisait pas partie de la Confdration Helvtique. En effet, en 1802, au moment de la chute de la Rpublique Helvtique, Napolon pro-clama le Valais Etat indpendant sous le nom de Rpublique Rhodanique. Ce canton possdait un rgiment qui avait servi la France avant d'tre licenci par le dcret de l'Assemble Nationale du 20 aot 1792 et, ayant refus de servir le nou-veau rgime, il avait demand entrer au service d'Espagne; cela lui fut accord le 8 octobre 1795. Ce rgiment fut successivement la proprit de Jean de Courten, puis d'Elie de Courten jusqu'en 1805, mais ds 1804 le lieutenant-colonel Charles de Preux assuma les fonctions de colonel dont il ne reut le titre officiel qu'en 1806. C'est pourquoi en 1808, le rgiment valaisan portait le nom de rgiment de Preux n 6, et ce jusqu' la bataille de Baylen.

    Il tait bien normal que le Valais chercht accder la capitulation passe entre les cinq rgiments suisses et l'Espagne afin de bnficier des avantages qu'elle offrait. Cependant les ngociations furent longues et laborieuses, car les autorits valaisannes ne pouvaient se rsoudre abandonner le principe de l'anciennet et l'Espagne refusait obstinment de cder sur ce point. Pendant ce temps, les soldats taient privs de la haute paie dont jouissaient leurs confrres suisses et si les pourparlers s'ternisaient, l'on risquait une migration massive des soldats trangers du rgiment valaisan pour motifs de gains . Pour viter ce vritable dsastre, le recrutement tant trs difficile, la Rpublique du Valais s'inclina, mais demanda ses officiers de jurer solennellement de ne jamais accepter une place au prjudice de l'anciennet.

    La capitulation du 2 aot 1804 ne pouvait s'appliquer la lettre au Valais, c'est pourquoi les deux ngociateurs valaisans, le baron de Stockalper et le vice-conseiller Quartry signrent, le 22 septembre 1805 Berne, avec le chevalier Caamano un trait d'Accession qui modifiait certains articles de la capitulation. Il

    9 AEV: SE 29/1/24, Messages, dcrets, rapports relatifs au service d'Espagne: lefConseil

    d'Etat la Dite de la Rpublique, Sion, le 10 mai 1805.

    174

  • comprenait 16 articles qui en gnral remplaaient le terme de Confdration Helvtique par Rpublique du Valais.

    L'article premier prvoyait pour le rgiment valaisan un service de 40 ans, soit dix ans de plus que pour les cinq rgiments suisses. L'art. 3, qui correspondait l'art. 5 de la capitulation des rgiments suisses, exigeait que le tiers du rgiment ft compos de Valaisans. Ceci souleva alors le problme du recrutement tranger; les seuls chiffres que nous possdons sont ceux du 1er mars 180110 qui indiquent que ce rgiment contient 1773 trangers pour un total de 2027 hommes, soit seule-ment 12% de soldats valaisans ou suisses11. Si le rgiment valaisan possdait en 1801 plus d'trangers dans ses rangs que les rgiments suisses Reding nos2 et 3, l'on est en droit de penser que ce nombre avait encore augment au moment de Baylen. On notera aussi qu'il est complet et contient mme 118 hommes de plus que l'effectif de 1909 hommes prvu par la capitulation.

    Le rgiment valaisan allait connatre de terribles difficults pour recruter ses hommes. Tout d'abord le canton tait pauvre et lass de toutes ces guerres; n'oublions pas que le Haut-Valais s'tait soulev plusieurs fois contre la Rpublique Helvtique et qu'il avait t trs durement rprim. Pour ne rien arran-ger, Bonaparte rclamait la leve d'un corps valaisan au service de France ds 1803, et faisait pression sur les autorits valaisannes afin qu'elles fassent cesser tout recrutement pour l'Espagne12. S'engagea alors une lutte diplomatique o le Valais tenta de rsister la volont toute puissante du Premier Consul pour ne pas manquer ses engagements envers S. M. Catholique d'Espagne. Finalement, de guerre lasse, le colonel Charles de Preux accepta d'interrompre momentanment son recrutement en 1807, mais les plaintes franaises ne cessrent vritablement qu'avec l'incorporation du rgiment valaisan dans le corps de Dupont, opration dont il sera longuement trait dans ces pages.

    Enfin, l'art. 6 restait assez vague sur la question de l'uniforme de ce rgiment. Il semblait devoir adopter celui des rgiments suisses, c'est--dire bleu distinc-tives rouges. Cependant le colonel Charles de Preux exprima le dsir de pouvoir y apporter quelques changements tels que des distinctives jaunes et un collet bleu, afin que son rgiment ne ft pas confondu avec les autres. Sa requte fut accepte le 1er janvier 1808 par Manuel Godoy, premier ministre espagnol. Il semble cepen-dant qu'il n'y ait aucune reprsentation du rgiment valaisan avec cet uniforme; en gnral on lui prte le collet bleu comme son colonel l'a demand, mais avec des revers et des parements rouges. D'ailleurs c'est un habit ainsi dcrit que porte Joseph Gard, peint en 1810 par Flix Cortey.

    10 SCHALBETTER (J.), Le Rgiment valaisan au service de l'Espagne, 1796-1808, in: Annales

    valaisannes, Sion, 1969, p. 324. 11

    Le principe de rciprocit avait t tabli entre le Valais et la Suisse; autrement dit un offi-cier suisse pouvait servir dans le rgiment valaisan et vice versa.

    12 Ce corps fut cre par une capitulation militaire signe le 8 octobre 1805 entre Napolon et

    le Valais. Ctait un bataillon d'infanterie de 960 hommes, aux ordres du commandant Charles-Louis de Bons, et portant l'habit rouge garance avec collet, revers et parements blancs et boutons jaunes avec ces mots: Empire franais, bataillon valaisan. Son recrutement fut extrmement difficile cause du peu d'enthousiasme pour la cause impriale, du manque d'hommes et de l'interdiction formelle de recruter des trangers. Il sera incorpor en octobre dans le 7e corps d'arme destin occuper la Catalogne sous les ordres du gnral Gouvion Saint-Cyr.

    175

  • Joseph-Arnold Gard (1750-1828) n Bagnes, il est fait prisonnier Baylen avec le colonel de Preux. Dlivr par les Franais qui ont reconquis le Sud, il est nomm major Sville, puis Tolde et Guadalajara. En 1812 il est fait prisonnier par les Anglais et ne rentrera en Valais qu' la fin de l'Empire. Sur ce portrait excut par Felix Cortey et dat de 1810, il porte le traditionnel habit bleu ainsi que le col bleu, mais les revers sont rouges et non jaunes. (Collection prive)

    Comme ce rgiment va disparatre sur le champ de bataille de Baylen, il est tout fait probable que, dans la prcipitation, l'on n'ait pas eu le temps de raliser concrtement les dsirs de Charles de Preux. Mais cet exemple illustre trs juste-ment l'esprit d'initiative de ce colonel, qui tenta d'attirer les bonnes grces du pre-mier ministre Godoy sur son rgiment. Il alla mme jusqu' proposer ce dernier de se constituer une garde personnelle avec le rgiment valaisan; le prince de la paix, dj dtest par le peuple espagnol, eut la biensance de refuser!

    Les rgiments suisses aux ordres de Castanos C'est le 10 juillet 1808 que les forces espagnoles conduites par le gnral

    Castanos s'organisrent Porcuna, petite ville mi-chemin entre Cordoue et Baylen.

    L'Andalousie (carte n 2), forme de quatre provinces: Sville, Cordoue, Jaen et Grenade, se voyait pourvue, au moment des vnements, d'un important poten-tiel militaire. Il y avait l en effet une grande partie des forces rgulires du pays et le camp de San Roque, prs de Gibraltar, runissait les meilleures troupes de ligne. Sans compter la prsence anglaise trs dense sur la cte entre Cadix et Gibraltar, et l'importance de Sville dont la fonderie de canons et l'arsenal si bien appro-visionn en munitions, armes, habits et vivres allaient faire de cette ville le vritable sige de l'insurrection. Tout ceci explique la rapidit et l'efficacit du soulvement andalou.

    A Porcuna, le gnral Castanos commandait une arme d'environ 29 000 hommes articule en quatre divisions. La cavalerie disperse dans chacune d'elles possdait quelques bons lments, mais toutes ses units manquaient terriblement de montures.

    176

  • CARTE N 2: L'ANDALOUSIE

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    f ^ a n Fernando

    Viei-Malaqa O b Mot r i !

    San Roqu

  • Quant l'artillerie espagnole, elle tait quipe du systme Gribeauval13 tout comme celle du corps de Dupont; admirablement bien servie, elle tait pourtant trs peu mobile cause de la raret des chevaux. Le corps de Castanos possdait 28 pices dont beaucoup taient de calibre 12. Les Franais possdaient sans doute 10 pices de plus, mais de calibre infrieur.

    Pour ce qui regarde l'infanterie de ligne espagnole, les rgiments taient le plus souvent incomplets et les vides avaient t combls par des volontaires inex-priments qu'il avait fallu quiper et instruire la hte. L'uniforme de ces troupes tait blanc et les distinctives variaient selon les rgiments. Quant aux volontaires, leur habit restait trs htroclite. Quelques corps des milices provinciales vinrent aussi renforcer les rangs de l'infanterie; c'taient des units organises par villages, villes ou provinces, de grande qualit, l'habit blanc et distinctives rouges, et dont le nom de la ville tait grav sur les boutons.

    En thorie, l'arme de Castanos possdait trois rgiments suisses dans ses rangs, soit 5600 Helvtes environ, selon les chiffres noncs dans le tableau rca-pitulatif:

    LE RGIMENT SUISSE REDING N 2 En garnison Madrid, il tait command par:

    le Colonel Karl de Reding (1761- ?), de Schwytz.

    LE RGIMENT SUISSE REDING N 3 En garnison Malaga, il tait command par:

    le Colonel Nazare de Reding (1759-1825), de Schwytz.

    LE RGIMENT VALAISAN DE PREUX N 6 En garnison Madrid, il comprenait:

    le Colonel Charles de Preux (1737-1813), le Lieutenant-colonel Joseph-Arnold Gard (1750-1828), le Capitaine en second Antoine de Roten (178-1845), qui pousa en 1806

    Franoise de Guzman et quitta son rgiment en mai 1808 pour combattre aux cts des Espagnols sous les ordres du gnral de Reding,

    le Sous-lieutenant grenadier Franois-Xavier de Riedmatten (1780-1860), qui dmissionna en janvier 1808 pour pouser la marquise de Campo Franco,

    le Sous-lieutenant Emmanuel de Riedmatten (1785-1808), le Sous-lieutenant Adrien de Riedmatten (1789-1870), son frre, le Sous-lieutenant Louis Robatel (1788-1877), le Sous-lieutenant Pierre d'Odet (1781-1808).

    13 C'est en 1763 que Gribeauval unifie le matriel d'artillerie autour des calibres 4, 8 et

    12. La pice de 12 livres peut porter jusqu' 900 mtres, celle de 8 jusqu' 800 m et celle de 4 jus-qu' 700 m.

    178

  • De plus, la premire division d'infanterie de l'arme espagnole tait com-mande par le gnral Thodore de Reding, gouverneur de Malaga. Il avait sous ses ordres 9000 hommes dont le rgiment Reding n 3 command par le colonel Nazare de Reding, son propre frre. Il nous semble d'ailleurs ncessaire de tracer en quelques lignes l'illustre vie de Thodore, ainsi que celle de ses frres qui menrent de brillantes carrires militaires, l'tranger comme en Suisse:

    Thodore Reding von Biberegg, naquit Schwytz en 1755. Gnral au ser-vice d'Espagne et propritaire du rgiment Vieux-Reding, ou Reding n 3, il se dis-tingua dans les campagnes de 1793 et 1794 contre les Franais.

    Le gnral Thodore de Reding, vainqueur de Baylen (Muse des Suisses l'Etranger, chteau de Penthes, Genve)

    Gnral de division lors de la campagne du Portugal (1800-1801), gouver-neur de Malaga en 1803, il fut nomm, aux cts du gnral Castanos, comman-dant en chef du l'arme d'Andalousie en 1808.

    Aprs la victoire de Baylen laquelle il contribua grandement, il fut envoy en Catalogne comme Capitaine-gnral en 1809. Le 25 fvrier, il affronta les troupes du gnral Gouvion-Saint-Cyr Valls. Il mourut des suites de ses blessures le 23 avril 1809 Tarragone; il avait 54 ans et avait servi l'Espagne durant 40 ans.

    179

  • Nazare quant lui est n en 1759. Gnral au service d'Espagne, propri-taire du rgiment Vieux-Reding (Reding n 3) aprs son frre, il est nomm gouver-neur de Majorque o il tente de protger les Suisses captifs de la fureur espagnole. De retour au pays, il est charg des affaires d'Espagne en Suisse et meurt en 1825.

    Le colonel Nazare de Reding

    (Iconothque du chteau de Penthes, Genve)

    Cette famille possdait encore deux illustres fils: Rodolphe (1761- 1792), Capitaine aux gardes suisses en France, qui fut massacr l'Abbaye de Paris et Aloys (1765-1818), qui fit la plus grande partie de sa carrire en Suisse. En 1798 il prit la tte des petits cantons soulevs contre les Franais. Mais aprs quelques victoires, il se vit oblig de capituler et d'accepter la Rpublique Helvtique. Il fut nomm ensuite Landammann de Suisse, puis de son canton.

    Ces frres furent avec tant de constance un obstacle srieux pour Napolon, que ce dernier se serait cri en apprenant le dsastre de Baylen: Partout o je vais en Europe, je trouve un Reding en face de moi. On ne peut rver plus bel hom-mage!

    Cependant, au moment de l'affrontement de Baylen, Castanos ne possdait plus que 1100 Suisses qui provenaient tous du rgiment Reding n 3, seul rgiment helvtique tre prsent aux cts des Andalous: ceci s'explique tout simplement par le fait que le rgiment de Nazare avait dj subi quelques pertes lors des pre-mires escarmouches Alcolea, Cordoue et Jaen, et que les rgiments Reding n 2 et de Preux n 6, tous deux cantonns Madrid en plein tat-major franais, allaient jouer un rle trs particulier dans la bataille de Baylen.

    180

  • Quelques tmoignages Aussi tonnant que cela puisse paratre, les hommes des rgiments Reding

    nos 2 et 3 n'ont pas laiss de tmoignages et seuls les Valaisans du rgiment de Preux n 6 ont laiss quelques rcits sur les motifs de leur enrlement et la vie de garnison; mais il est vrai que le rgiment servait depuis peu en Espagne et que ses soldats taient sans doute moins bien intgrs que ceux des rgiments suisses.

    Pour Louis Robatel, s'engager au service d'Espagne ne prsentait aucune dif-ficult puisque son pre, Jacques Robatel, n'tait autre que le chirurgien attitr du rgiment. Ainsi ds 1803, Louis sollicita un emploi de cadet au rgiment valaisan, bloui par l'attrait qu'avait toujours eu pour moi l'uniforme militaire, et surtout avec l'espoir d'y joindre l'paulette d'officier...14.

    La trajectoire de Pierre d'Odet se rvla bien diffrente. En 1803, il venait de terminer son collge Sion et n'avait aucune ide prcise quant son avenir; il avait bien pens devenir prtre mais hsitait. Il finit par lasser la patience des siens qui le pressaient de faire un choix et, sur un coup de tte, dcida de s'engager au service d'Espagne: Les premires dmarches peine entreprises, Pierre, de plus en plus angoiss l'ide de quitter le Valais, regrette son choix et se red-couvre une vocation religieuse. Trop tard.15 Pierre d'Odet ira jusqu'au bout de son choix trop htif, mais souffrira terriblement du Heimweh.

    Il semble d'ailleurs que le mal du pays soit le lot de plusieurs officiers valai-sans, en tmoigne la lettre d'Emmanuel de Riedmatten son pre. Apprenant que son frre Adrien brle de le rejoindre, il brosse un tableau bien noir de la vie mili-taire en Espagne et tout spcialement de la garnison de Madrid qu'il a en horreur: ... ici Madrid ... il y a un amas de femmes perdues, parmi lesquelles il y en a de trs agaantes et remplies d'agrments, capables de sduire l'homme le plus retenu, et si malheureusement on tombe dans leurs filets empoisonns, on risque bien d'tre trouss dans vingt-quatre heures, comme on en a vu de frquents exemples.16 Il voque encore la chert de la vie, le manque de nourriture, les dif-ficults d'avancement et surtout les fivres dues au climat malsain du pays; d'ailleurs Emmanuel devait mourir de ces fivres en fvrier 1808. Son frre Adrien, que ce tableau apocalyptique n'avait pas dcourag, allait rejoindre le rgiment valaisan en 1806 et combattre Baylen comme sous-lieutenant.

    A la lumire de ces quelques exemples, nous constatons que les officiers et soldats du rgiment valaisan restaient trs attachs la patrie. Pourtant ils n'ont pas tous t insensibles au charme des belles Espagnoles puisque Franois-Xavier de Riedmatten - sous-lieutenant grenadier - pousa en 1808 la marquise de Campo

    14 ROBATEL (L.), Mmoires, publ. par A. Donnet, Martigny, 1966, p. 37.

    15 PUTALLAZ (P.-A.), Le Destin tragique de Pierre d'Odet (1781-1808) mercenaire dans le

    rgiment valaisan au Service d'Espagne, in: Annales valaisannes, Sion, 1988, pp. 18-21. 16

    AEV: Fonds Louis de Riedmatten, 7/12/21, Emmanuel de Riedmatten son pre, Madrid, 24 septembre 1805. Nous avons respect le style et l'orthographe.

    181

  • Franco17 et Antoine de Roten - capitaine en second - fit de mme avec Franoise de Guzman en 1806; mais il est vrai que ces deux mariages font figure d'exception au sein du rgiment de Preux.

    3. Les rgiments suisses espagnols, objet de la convoitise de Napolon

    Alors que Murt se flicitait de la rpression du 2 mai et criait dj victoire, Napolon, plus fin politique, comprenait que la partie se compliquait trangement. Surpris par la violence de l'insurrection espagnole et par la rapidit avec laquelle elle s'tendait toutes les provinces, il savait que ses effectifs n'taient pas en mesure de faire face une guerre en bonne et due forme. Il dcida donc d'incorpo-rer toutes les forces armes de la Pninsule ses lgions. Pour ce qui regardait les troupes espagnoles, ce projet s'avra tre un chec cuisant, car officiers comme soldats adhrrent massivement au soulvement et ceux qui hsitaient furent impi-toyablement massacrs par le peuple galvanis.

    Mais cette mesure impriale concernait aussi les rgiments d'infanterie tran-gre et tout spcialement les six rgiments suisses servant l'Espagne, dont la posi-tion devenait de plus en plus dsagrable mesure que la rvolte s'tendait. Si, aux yeux du peuple, ils apparaissaient comme partisans du dtest premier ministre Manuel Godoy, qui tait depuis 1798 leur colonel-gnral, en ralit tout les por-tait choisir le parti de l'insurrection tant leur mfiance tait grande l'gard de la France. De plus, parpills dans la Pninsule, empchs de toutes relations avec leur gouvernement, ils semblaient bien isols et dsempars dans ce tourbillon rvolutionnaire.

    Profitant de ce dsarroi, l'Empereur allait tout mettre en uvre pour dvoyer les Suisses espagnols: Il est ncessaire que vous envoyiez des officiers srs par-tout o il y a des rgiments suisses, pour leur parler (...) Que les Suisses au ser-vice de France invitent les Suisses au service d'Espagne manger et boire. Je suppose que la solde et le rgime franais sont plus avantageux que la solde et le rgime espagnol.18 Il est vrai que les Suisses au service de France taient mieux pays que les Suisses au service d'Espagne et Napolon, qui voyait juste, utilisait l un argument de poids, cher tout soldat. S'il reste difficile d'valuer avec certi-tude le succs de ce racolage, certains documents cependant mentionnent l'arrive de recrues suisses espagnoles dans les rgiment suisses au service de France, mais ils n'indiquent pas le nombre exact de ces nouvelles recrues, leur nationalit (car

    17 Franois-Xavier de Riedmatten, devenu marquis de Campo Franco par son mariage, n'aura

    pas de descendance et le titre sera donn par testament Adolphe de Roten, sans doute fils naturel de la marquise de Campo Franco et d'Antoine de Roten.

    '8 Correpondance de Napolon I, Paris, T. XVIII, lettre 13 813, Napolon Murt, Bayonne

    le 5 mai 1808.

    182

  • les rgiments suisses au service d'Espagne comptaient beaucoup d'trangers), ni les relles motivations qui ont pouss certains soldats troquer l'habit bleu indigo contre le rouge garance.

    L'Empereur, qui avait dcid d'envoyer le corps de Dupont ds la mi-mai Cadix, voulait faire vite et dcida d'incorporer purement et simplement tous les rgiments suisses espagnols au 2e Corps de la Gironde en les organisant en deux brigades. La premire tait compose des deux rgiments cantonns Madrid, c'est--dire les rgiments de Karl de Reding, ou Reding n 2, et de Charles de Preux, ou de Preux n 6. Elle devait se runir Talavera aux ordres du gnral Rouyer. La seconde se constituait Grenade sous les ordres du gnral Schramm avec le rgiment de Nazare de Reding, ou Reding n 3 cantonn Malaga et deux autres rgiments suisses espagnols19. Napolon pensait ainsi apporter un renfort de 6 7000 hommes au gnral Dupont; c'tait aller un peu vite en besogne et les Franais allaient apprendre leurs dpens que les Confdrs ont parfois la tte dure! En effet, la brigade suisse qui devait se constituer Grenade ne vit jamais le jour, puisque les trois rgiments qui la composaient dcidrent de rester fidles l'Espagne et de soutenir l'insurrection; ainsi le rgiment de Nazare de Reding rejoi-gnit l'arme du gnral Castanos dont il fut l'un des fleurons. Seuls les rgiments Reding n 2 et de Preux n 6 furent incorpors de force au corps de Dupont qui, au lieu des 7000 hommes promis, n'en reut que 3000.

    Le dilemme des rgiments Reding n 2 et de Preux n 6 Comme on peut l'imaginer, l'tat d'esprit de la brigade de Talavera n'tait pas

    bon. Si l'on se place du point de vue des deux rgiments suisses espagnols, l'on s'aperoit que le tour de passe-passe de l'Empereur fut non seulement trs peu got, mais les mit dans une situation intenable. Epis par les Franais, objets de leur convoitise, ils devinrent alors suspects aux yeux du peuple espagnol dont la colre montait dangereusement, et ils ne savaient comment respecter leur capitula-tion pour ne pas compromettre la Confdration.

    Les rgiments de Karl de Reding et Charles de Preux essayrent pourtant de se drober aux vises impriales, mais lorsque le 10 mai on leur annona officiel-lement que le roi d'Espagne en personne nommait Murt lieutenant-gnral du Royaume et qu'il lui donnait en son absence les pleins pouvoirs, toute rsistance passive devint inutile et le pige, comme une mcanique bien rode, se referma sur les rgiments suisses. En effet, Charles IV et son fils Ferdinand avaient ce moment dj abdiqu et taient en exil en France; quant au premier ministre Manuel Godoy, qui tait colonel gnral des troupes helvtiques, il s'tait enfui en les livrant l'Empereur en mme temps que le Royaume, comme prix de sa libert. La stupeur tait totale; les Suisses qui servaient l'Espagne passrent au service de France sous l'apparence de la plus parfaite lgalit.

    19 II s'agit en ralit des rgiments Traxler n 5, qui tenait garnison Carthagne, et Wimpffen

    n 1, qui se trouvait Tarragone. Ces deux rgiments parvinrent, en dployant des prodiges de diplo-matie, se soustraire aux volonts impriales. C'est pourquoi ils ne furent pas prsents Baylen.

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  • Si les autres rgiments suisses espagnols, de par leur lieu de cantonnement, avaient pu choisir plus ou moins aisment le parti de l'insurrection, pour les rgi-ments Reding n 2 et de Preux n 6, cantonns aux alentours de Madrid, au cur de l'tat-major franais, le choix tait un luxe qu'ils ne pouvaient se permettre: le 17 mai ils furent donc conduits Talavera pour se mettre aux ordres du gnral Rouyer et tre incorpors au corps de Dupont Tolde.

    Malgr l'tau qui se resserrait inexorablement sur son rgiment, Karl de Reding ne pouvait accepter une telle situation qui l'obligeait combattre le peuple espagnol qu'il avait jur de servir. Mais lorsqu'il exposa ce dilemme Murt, son nouveau colonel, la rponse se fit cinglante et sans appel: Monsieur le gnral, l'Empereur compte sur vous et sur votre rgiment; vous savez combien il a fait pour votre patrie; vous savez qu'il aime ce brave peuple, qu'il le protge et vous savez son pouvoir si on ne lui obit pas20. L'on ne peut exposer plus clairement chantage plus odieux et ainsi, l'intgrit de la Confdration dpendait de la bonne tenue de ce rgiment, et surtout du bon vouloir de l'Empereur qui d'un moment l'autre pouvait rvoquer l'Acte de Mdiation. De plus l'insurrection empchait toute communication et ces troupes taient savamment isoles de leur patrie, famille et amis, bref, de tout ce qui pouvait les dissuader de servir l'Empire.

    L'on pourrait penser que la situation du rgiment de Preux tait diffrente, puisque le Valais, rpublique autonome, ne partageait plus le destin de la Confdration. Mais l'Empereur tait aussi le bienfaiteur de cette indpendance. C'est pourquoi le colonel Charles de Preux crivit une lettre dsespre au gouver-nement valaisan afin de recevoir des instructions plus prcises: J'ai cru qu'en cette critique circonstance le seul devoir que j'avais remplir tait d'obir passive-ment en attendant que je reusse vos ordres sur la conduite que j'ai tenir dans la suite; mais ce qui m'afflige sensiblement est la dtermination de six Capitaines et d'un Sous-lieutenant du Rgiment qui viennent de me remettre leur Mmoire par lequel ils demandent leur dmission, ce qui ne peut que produire un mauvais effet21. Le colonel de Preux ne reut pas de rponse et alla jusqu'au bout de ce qu'il considrait tre son devoir envers la patrie: Baylen.

    Cette lettre nous apprend surtout que certains officiers n'avaient pas embrass le choix de leur chef. L'on sait d'ailleurs qu'il y eut beaucoup de dparts dans le rgiment de Karl de Reding comme dans le rgiment valaisan, et pas seu-lement Tolde, mais aussi tout au long de la route qui conduit en Andalousie et mme durant les combats.

    Parmi les six capitaines que mentionne cette lettre, l'on peut identifier certai-nement Antoine de Roten, au service d'Espagne depuis l'ge de 17 ans et qui avait pous une Espagnole; ceci explique qu'il lui fut impossible de combattre contre les siens. Les archives valaisannes assurent qu'il a fait les campagnes de 1808 aux

    20 MAAG (A.), Geschichte der Schweizer Truppen im Kriege Napoleons I. in Spanien und

    Portugal (1807-1814), Biel, 1893, T II, appendice, pp. 412-416. 21

    AEV: SE 6/16/10, Tolde, le 16 mai 1808, Charles de Preux au baillif de Spibus et au Conseil d'Etat de la Rpublique du Valais. Nous avons respect l'orthographe et le style.

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