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Basé sur le rapport produit par Anthony Byledbal
La Boisselle Study Group
2 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Contents 1 Information ............................................................................................................................................. 4
1.1 Fiche signalétique ......................................................................................................................... 4
1.2 Opération archéologique ........................................................................................................... 4
2 Geographical context........................................................................................................................... 6
3 Contexte historique ............................................................................................................................. 9
3.1 1914 ................................................................................................................................................... 9
3.2 1915 ................................................................................................................................................. 10
3.3 1916 ................................................................................................................................................. 20
4 Objectifs pour 2012 ........................................................................................................................... 23
5 Results..................................................................................................................................................... 26
5.1 La ferme.......................................................................................................................................... 30
5.1.1 S4.0 — Ecuries ................................................................................................................... 32
5.1.2 S4.2 — L’habitation ......................................................................................................... 38
5.1.3 Conclusion ............................................................................................................................ 42
5.2 Les tranchées de combat ......................................................................................................... 43
5.2.1 S4.1 — Tranchée de l’écurie ........................................................................................ 46
5.2.2 S3 — Quémar trench ...................................................................................................... 51
5.2.3 S6 — Tranchée Le Bihan/Scone Street .................................................................... 54
5.2.4 Conclusion ............................................................................................................................ 59
5.3 Le système souterrain ............................................................................................................... 60
5.3.1 S1.0 — Pente X (X Incline) ............................................................................................. 61
5.3.2 S1.1 — Chambre souterraine au bas de la Pente X (X Incline) ...................... 65
5.3.3 S7.0 — Pente W (W Incline) ........................................................................................ 67
5.3.4 S5 — Chambre de ventilation (Fig. 37) .................................................................. 73
5.3.5 S2 — La Chambre du Puits W et la Galerie W (W Shaft Chamber et W Adit) 77
5.3.6 Conclusion ............................................................................................................................ 83
Appendices ..................................................................................................................................................... 89
3 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Nous devons beaucoup à nos sponsors, nos volontaires et ceux qui nous soutiennent. Merci en particulier à :
Mme. Claudie Llewellyn-Lejeune
Mme. Line Wattraint et Famille Wattraint
Stéphane Brunel
Georges Vanderbulke
Thierry and Marion Villain
Eric Delporte
Daniel Deschamps & GEIOS
Brian Powell
Des Mullaney
Sébastien Pronier
Siebe Gorman
BACTEC
Lyon Equipment
Sophie Carluer
Fanette Pocentek et Romain Leroy
Rebecca Prissette
Margaret Beach, Tim Beach, Arthur Beach & Maxim Davys
Multi-Limn
Frankham Consultancy
Richard Cooke & Gareth Morris
The Corps of Royal Engineers
Royal Engineers Museum
ONAC
Securité Civile
Service Déminage
Nicolas Corselle
Toutes les images présentes dans les Appendices seront en Français dans le rapport
final.
Couverture photo : Paul Hewitt
4 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
1 Information
1.1 Fiche signalétique Département :
Somme (80)
Commune : La Boisselle
N° Insee :
80 615
Adresse : rue de la 34e Division
Lieu-dit : Le Gris Champ
Cadastre : Parcelles 199, 200, 201, 92, 87, 197, 198, 193 et 195a
Propriétaires :
Claudie Llewellyn Lejeune, Lysiane Sevin Lejeune, Françoise Daumal Lejeune
Coordonnées moyennes :
(Lambert 93) X : 677748 - Y : 6991165
(Lambert II étendu) X : 625358 - Y : 2558112
Repères géographiques :
Longitude : 02° 41’ 23.1’’ E - Latitude : 50° 01’ 07.0’’ N
Altitude :
95 mètres
1.2 Opération archéologique
N° d’autorisation archéologique :
10124
Titulaire : Peter Barton
Responsable de l’opération :
Peter Barton
Organisme de rattachement : La Boisselle Study Group
Surface décapée :
700 m2
Surface fouillée :
250 m2
5 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Surface estimée du site :
2,47 ha
Dates d’intervention :
Du 30 avril au 14 mai 2012
Du 24 septembre au 5 octobre 2012
Chronologie : 1880-1920
Nature des vestiges :
Corps de ferme ; tranchées de combat, entrées de tunnel et galeries
souterraines de la
Grande Guerre
Principaux résultats 2012 :
Études archéologiques de l’angle sud du corps de ferme, de trois tranchées
de combat, ainsi que des entrées et tunnels menant au puits W
6 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
2 Geographical context
Le village de La Boisselle, situé sur la route départementale D929, reliant Bapaume à
Amiens, à 4 kilomètres au nord-est d’Albert et à 15 kilomètres au sud-ouest de
Bapaume, est implanté à versant de colline, sur un massif calcaire dominant la vallée de
l’Ancre.
D’une superficie de plus de 2,47 hectares, le terrain est localisé à l’entrée sud-ouest du
village, pratiquement à l’angle de la rue de la 34e Division et de la route de Bécourt,
culminant à une hauteur de 100 mètres (Fig. 1). Il descend en pente très douce vers le
sud, offrant une vue dégagée sur le nord de la vallée de l’Ancre, et s’étend sur les
parcelles 199, 200, 201, 92, 197, 198, 193 et 195a (Plan du lieu-dit « Le Gris Champ »).
Toutefois, le cadastre ne précise pas que le terrain empiète aujourd’hui de quelques
mètres sur la parcelle 87, détenue par les mêmes propriétaires, et qui s’aligne avec la
limite sud de la parcelle 201.
Utilisé aujourd’hui comme pâture, le terrain conserve des traces visibles de la Grande
Guerre. Les plus évidentes sont les vestiges de 11 entonnoirs ou cratères de mine, de
dimensions variées, dont certains sont le résultat de plusieurs dizaines d’explosions
souterraines, à plusieurs intervalles de temps, témoignant de la violence des combats
souterrains entre 1915 et 1916 (Fig. 2 et 3). L’intersection de l’ancienne ligne de front
avec une autre tranchée, la tranchée Quémar, est encore légèrement marquée par un
petit dénivelé, et bien visible sur moins d’une dizaine de mètres. Tout autre indice de
tranchées ou de trous d’obus a complètement disparu.
7 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 1 – Localisation des « Glory Hole » à la Boisselle (vue aérienne et plan cadastral). Le cratère
de la grande mine (Lochnagar) est visible en bas à droite dans la parcelle 138 (source : IGN)
8 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 2 – Vue d’un des cratères des « Glory Hole » (Photo : Jeremy Banning)
Fig. 3 — Vue aérienne du champ de cratères aux « Glory Hole » (Photo : Jeremy Banning)
9 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
3 Contexte historique
3.1 1914
Les troupes françaises arrêtèrent l’avancée allemande sur Albert et Amiens à La
Boisselle le 28 septembre 1914. L’importance du village sur la route principale de
Bapaume et sa position dominant Albert se voit dans les combats intenses pour le
village. Les 119ème et 120ème Régiments de Württemberg furent stoppés par les 64ème et
137ème Régiments de l’Ouest de la France et de Bretagne. Les Württembourgeois ne
purent avancer plus loin et leur attaque le 8 octobre sur Bécourt échoua. Ils tinrent le
village et les tentatives françaises pour le reprendre se centrèrent sur le cimetière du
village et une ferme à l’extrémité sud-est1.
La ferme était construite autour d’une cour avec de solides caves voutées. Elle était
connue des français sous le nom de l’îlot et de « Granathof » (ferme de l’obus) pour les
allemands. Pendant les mois de Novembre et Décembre, les français réussirent à
creuser une tranchée ou « sape » jusqu’à trois mètres de la ferme. Le 17 Décembre, les
français lancèrent une grande attaque mais le seul gain fut le cimetière capturé par le
118ème régiment. Une attaque des 19ème et 118ème Régiments au nord de la Boisselle
échoua sous le feu des 119ème et 120ème Régiments de Württemberg.
A partir du 20, les français préparèrent une nouvelle attaque en creusant des tranchées
de communication de la ligne de front aux tranchées de soutien, et en bombardant les
barbelés, les nids de mitrailleuses et les tranchées des allemands. La veille de Noël, les
français bombardèrent lourdement la Boisselle et les 118ème et 64ème Régiments
attaquèrent, capturant l’îlot. Certains des attaquants allèrent même jusqu’à l’église de la
Boisselle, mais ils furent arrêtés par un canon allemand caché dans la crypte et furent
obligés de se replier. Le jour de Noël, la 11/4 Compagnie du Génie française commença
quatre puits de mine dans la ferme2. Ce fut le début de la guerre de mines à la Boisselle,
qui dura pendant 18 mois, jusqu’au 1er juillet 1916. Le lendemain de Noël, le 65ème
1 Ralph Whitehead, The Other Side of the Wire, Volume 1 With the German XIV Reserve Corps on the Somme, September 1914 - June 1916, (Solihull, 2009). 2 Service historique de la défense (SHD) 26 N 1291/8bis Journal de marches et opérations (JMO) 11/4 compagnie du génie.
10 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Régiment français ne put aller plus loin. Les français déployèrent deux régiments
d’infanterie, dix batteries d’artillerie et deux canons d’artillerie lourde pour défendre
leur position face à la Boisselle3.
Le 27 décembre, le 120ème Régiment allemand essaya de reprendre la ferme mais les
64ème et 118ème Régiments français l’en empêchèrent. Le lendemain, deux compagnies
de mineurs bavarois arrivèrent dans le secteur et commencèrent à creuser pour
reprendre la ferme et défendre leurs propres positions contre une attaque souterraine.
De la fin décembre 1914 à mars 1915, les mineurs bavarois et de Württemberg allaient
transformer la Boisselle en forteresse, utilisant plus de 5000 wagons chargés de
matériel, dont près de 60000 sacs de sable4.
3.2 1915
La ligne de tranchées était maintenant mieux aménagée, surtout du côté allemand. Les
tranchées de la ligne de front opposée se trouvaient à seulement 35 mètres et le secteur
était connu comme un des plus dangereux du front occidental. Les hommes de chaque
côté vivaient constamment dans la peur des obus de mortier, des grenades, des tireurs
d’élite et des explosions de mine. Les mineurs bavarois creusèrent une douzaine de
puits, principalement à l’ouest de la route de Contalmaison en direction du cimetière et
de la ferme. Les français creusèrent des tunnels de la ferme et des tranchées vers la
droite. Quand une galerie française venant de la ferme fut repérée par les mineurs d’une
galerie bavaroise, ils la chargèrent de 600kg d’explosifs et la firent sauter la nuit du 5
janvier. Il s’agissait de la première charge de mine à exploser à la Boisselle. Elle laissa un
cratère de 20 mètres de diamètre et de quatre mètres de profondeur, qui mordait sur
les lignes allemandes et s’étendait sur la moitié de la route de Contalmaison. Il ne fut
cependant pas assez profond pour endommager les galeries françaises5.
Les 8 janvier, les allemands essayèrent de prendre la ferme mais ils furent stoppés par
le tir des mitrailleuses françaises et des canons de 75. Deux jours plus tard, les français
entendirent les allemands s’approcher de leurs galeries, et décidèrent de faire exploser
3 SHD 26 N 134/1 JMO 11e corps d'armée. 4 August Lehmann, Das K. B. [Königliches Bayerisches] Pionier Regiment (Munich, 1927). 5 Lehmann, op. cit.; SHD 26 N 1291/8bis JMO 11/4 compagnie du génie.
11 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
deux mines, une de chaque côté de la route de Contalmaison, suivi d’un bombardement
d’artillerie et d’attaques de l’infanterie. Au sud de la route, les soldats du 64ème Régiment
attaquèrent à 14h et capturèrent une partie de la tranchée (« Tranchée F », plus tard
renommée Dohollou), qu’ils consolidèrent et raccordèrent aux ruines de la ferme, et ils
repoussèrent les tentatives allemandes pour la reprendre pendant plusieurs jours. Au
nord de la route, en face de la Maison Rouge, l’attaque du 118ème Régiment avait été
retardée, et ils prirent une partie de la tranchée mais en furent délogés le 13. Ils
conservèrent une petite portion qui fut raccordée à la ligne de front française (plus tard
appelée la Mangin), à partir de laquelle ils creusèrent deux puits de mine. Les 14 et 15
janvier, les tentatives allemandes pour reprendre la ferme échouèrent. Le 11 janvier, la
11/4 Compagnie fut remplacée par la 11/3, pour trois semaines6.
Les solides caves de la ferme permettaient aux français d’abriter suffisamment
d’hommes pour empêcher les allemands de prendre la ferme. A la mi-janvier 1915, un
ingénieur civil au service du 120ème Régiment d’infanterie allemand décida que le
moyen de rassembler le nombre nécessaire d’hommes pour reprendre la position était
de construire leurs propres abris souterrains 5 à 7 mètres sous la surface du sol, dans
lesquels ils pouvaient se mettre à l’abri des tirs français et de l’observation. Il leur fallut
de nombreuses semaines pour les construire, mais ces abris allemands, imaginés à la
Boisselle, furent repris tout le long de la ligne de front de la Somme. Ils ont contribué
aux pertes catastrophiques que les britanniques subirent en lançant leur grande attaque
le 1er juillet 19167.
Les Allemands ne purent pas reprendre la ferme mais décidèrent le 18 janvier de lancer
un raid et d’utiliser les ingénieurs pour détruire les caves et les puits de mine français.
Le 120ème Régiment et les mineurs bavarois ne réussirent qu’en partie, laissant
certaines caves et certains puits intacts. Quelques soldats et mineurs français furent
capturés mais les autres réussirent à se protéger sous terre jusqu’à ce que les
attaquants se replient8.
6 SHD 26 N 1291/8bis JMO 11/4 compagnie du génie; SHD 26 N 1291/6 JMO 11/3 compagnie du génie. 7 Whitehead, op. cit. 8 SHD 26 N 1291/6 JMO 11/3 compagnie du génie.
12 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Les allemands se concentrèrent sur les mines pour prendre la ferme et la guerre
souterraine s’intensifia. A la fin de janvier, les allemands avaient seize galeries de mine
en cours, dont la plus longue faisait 41,4 mètres. Le 5, elle faisait 46 mètres et arrivait
presque sous la ferme9.
Un camouflet français (une charge qui ne crée pas de cratère en surface) arrêta le travail
des allemands le 31 janvier pendant 12 heures, jusqu’à ce que le bruit indique qu’ils
avaient repris le travail. Le 4 février, la 11/4 Compagnie du Génie, sous les ordres du
capitaine Piraud, reprit le secteur à la 11/3 et devait y rester jusqu’en août. Elle reprit le
travail dans les puits S1 et S2 sur la Mangin et E1 et E3 aux ruines de la ferme. En E1 et
E3, la situation était critique. Les français préparèrent un second camouflet (F1) mais il
ne fut pas détonné, car la galerie allemande fut déviée vers le Nord et le faire sauter
n’aurait eu aucun effet. Au même moment, les français entendirent le bruit d’une autre
mine venant sous la ferme depuis le Nord-Ouest (Rameau B). Celle-ci se trouvait 6
mètres sous la surface, et comme les travaux français ne descendaient pas en dessous de
4 mètres, les français comprirent qu’une explosion à partir de là ne toucherait pas la
galerie allemande mais détruirait leur propre galerie. Le 6, Piraud proposa la
préparation de 3 charges importantes (F1, F2, F3) pour un total de 900kg, qui
détruiraient les travaux allemands et créeraient de larges cratères, détruisant une
grande partie de la ferme. Son supérieur, le commandant Thomas, lui ordonna de
retarder l’explosion jusqu’au soir du 7. Au même moment, connaissant la forte
probabilité d’une explosion allemande, les ingénieurs demandèrent à réduire la
garnison de l’îlot et une seule section du peloton de l’Adjudant Caudal de la 8ème
Compagnie du 19ème Régiment resta sur place10.
Les bavarois pouvaient entendre clairement les français au dessus et derrière leur
galerie. Comme ils ne connaissaient pas avec précision la localisation de leur propre
galerie, ils la remplirent avec une très grosse charge de 2500 kg pour détruire la ferme.
Une centaine de boites d’explosifs fut apportée dans une chambre cruciforme. Elle fut
ensuite comblée avec 1200 sacs de sable. Le travail était rendu difficile par la pente
9 Lehmann, op. cit. 10 SHD 26 N 1291/8bis JMO 11/4 compagnie du génie; SHD 26 N 1291/6 JMO 11/3 compagnie du génie; SHD 26 N 134/1 JMO 11e corps d'armée.
13 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
abrupte de la galerie. L’heure de l’explosion était fixée à 2h du matin (3h à l’heure
allemande) pour que l’infanterie puisse réparer les positions allemandes avant l’aube.
La nuit passa sans incident. L’infanterie allemande se retira à 1h50, prête pour la mine.
L’énorme explosion forma un grand cratère ovale, de 30 mètres de long sur 10 à 12
mètres de profondeur, avec de hautes lèvres, à 25 mètres environ de la ligne de front
allemande. Il prolongeait le cratère français du 10 janvier. En surface, les français
perdirent 33 hommes blessés et enterrés, et Caudal mena les survivants de sa section
pour occuper le haut cratère au plus près des lignes françaises. Sous terre, huit soldats
de la 11/4 Compagnie furent enterrés vivants par l’explosion. Cette explosion du 7
février 1915 détruisit les bâtiments restants de la ferme, les caves et les puits de mine
proches des allemands. Les français pensèrent à tort que les allemands avaient fait
exploser trois mines venant de trois tunnels différents, mais il semble que la mine
allemande ait fait exploser les charges françaises11.
Immédiatement après l’explosion, une section d’infanterie du 120ème Régiment
allemand, avec un groupe de mineurs armés de grenades, se précipita et s’empara du
cratère. Les rapports français parlent de deux attaques subies, une contre la ferme et
l’autre contre le cimetière, toutes deux stoppées par un barrage d’artillerie commencé
immédiatement après l’explosion de la mine et des tirs de mitrailleuses depuis la ligne
de front sur la position du cimetière et des tranchées derrière l’îlot12. Les allemands
cependant se mirent à consolider le cratère derrière l’énorme talus formé par la lèvre
du cratère. Tout autour, on entendait les cris des soldats français blessés et
partiellement enterrés par l’explosion. Un soldat français fut sorti vivant de terre par les
allemands. Il leur dit qu’ils avaient creusé un puits jusqu'au toit de leur galerie et qu’ils
avaient l’intention de la faire sauter le 8 février. Un autre soldat français, après avoir été
déterré, réussit à rejoindre sa propre ligne. Les mineurs trouvèrent aussi le corps d’un
de leurs sergents, tué pendant l’attaque du 18 janvier. Le matin, les mineurs et
l’infanterie allemands avaient creusé une tranchée de communication jusqu’à la ligne de
front allemande, qui arrivait à l’entrée de la Galerie H13.
11 SHD 26 N 1291/8bis JMO 11/4 compagnie du génie; Lehmann, op. cit. 12 SHD 26 N 134/1 JMO 11e corps d'armée. 13 Lehmann, op. cit.
14 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Pendant la matinée, les canons de 75 et l’artillerie lourde française bombardèrent les
allemands qui consolidaient leur position derrière la lèvre du cratère. Puis à 15h, les
français bombardèrent la Boisselle en vue d’une attaque pour repousser les Allemands
du cratère. Quinze minutes plus tard, les survivants de la 8ème Compagnie du 19ème
Régiment, menés par le commandant du bataillon, se rassemblèrent derrière la lèvre du
cratère et en criant « En avant ! A la baïonnette ! » passèrent par-dessus et repoussèrent
les allemands. Les attaquants consolidèrent la lèvre qui leur donnait une bonne vue sur
la tranchée allemande la plus proche et se préparèrent à faire face à la contre-attaque
allemande. Les français perdirent les lieutenants Mangin et Quémar, et environ 40
hommes furent tués ou blessés. Ils déclarèrent avoir trouvé quarante corps allemands
laissés dans le cratère. Les rapports allemands rendirent les bombardements de
l’artillerie française responsables de nombreuses pertes, qui forcèrent la section qui
tenait le cratère à se retirer avec de lourdes pertes, mais pas autant que les français le
déclarèrent : un officier et 19 hommes furent tués, 5 furent blessés et 19 réussirent à
revenir sur la ligne de front allemande14.
A ce moment, il ne restait plus grand-chose à voir de la ferme en surface. A la place, une
tranchée à peu près circulaire, ou îlot. Une nouvelle compagnie française fut formée à
partir de l’infanterie sous les ordres du lieutenant Dohollou du 19ème Régiment, la
11/2bis, pour compléter le Génie. Le 4 mars cependant, Dohollou fut mortellement
blessé en creusant une nouvelle tranchée à la droite de l’îlot. En mars 1915, les français
renommèrent leurs tranchées en mémoire de soldats tombés au combat. Dohollou,
Quémar et Mangin furent tous honorés (Quémar apparait mal orthographié sur les
cartes, comme Quémart)15.
Les français essayèrent de combiner les explosions de mine et les attaques en surface.
Le 10 mars, ils firent sauter une mine au coin nord-est de l’îlot et leur infanterie passa à
l’attaque, mais fut repoussée. Le 25 mars, Piraud décida qu’ils devaient faire exploser de
grosses charges pour s’occuper des galeries allemandes qu’ils estimaient à seulement
quatre ou cinq mètres de distance. De lourdes charges de mines devaient exploser de
14 Général Thomas, 'Quelques réflexions sur la guerre de mines,' Revue du Génie Militaire, Tome LXXI, 1932; SHD 26 N 134/1 JMO 11e corps d'armée; Lehmann, op. cit. 15 http://19emeri.canalblog.com/ (19/5/2013).
15 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
deux galeries françaises A1 et T. Les deux charges ne devaient pas sauter en même
temps mais à un court intervalle. A la première explosion, l’infanterie française devait
faire diversion pour amener les allemands à protéger leur ligne de front. Quand la
seconde charge exploserait, elle causerait un maximum de dégâts. La première mine
dans la galerie T fut chargée d’une tonne de cheddite et la seconde en A1 de 2600kg de
cheddite et mélinite. A 16h le 26, l’îlot fut évacué et la mine T explosa une demi-heure
plus tard. L’infanterie devait alors crier « Charge ! » sans quitter les tranchées16.
Fig. 4 – Photographies aériennes du secteur des « Glory Hole » à la Boisselle, Août 1915
(Source : Royal Engineers Museum and Library 4/319 C42 553)
Cependant, emportés par l’excitation, beaucoup de soldats se lancèrent à l’attaque après
la première explosion, malgré les avertissements criés par les sapeurs. Quand la
seconde et plus importante mine explosa quatre minutes plus tard, ils furent pris dans
les débris qui retombaient, qui causèrent la majorité des pertes ce jour-là avec 11 morts
et 130 blessés. Les allemands tombèrent cependant dans le piège : leurs pertes
s'élevèrent à 3 tués et 20 blessés à cause des débris. Le cratère causé par la mine T
faisait 20 mètres de diamètre et celui de A1 environ 30 mètres. Les cratères furent
16 Thomas, op. cit.
16 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
immédiatement occupés par les volontaires du 1er bataillon, 19ème Infanterie qui avaient
été épargnés par les débris. Les tirs allemands dirigés sur les cratères provoquèrent
cependant encore plus de pertes et les français évacuèrent quand elles devinrent trop
élevées. Le Sergent Richard mena quatre hommes dans le cratère A1 et ils y restèrent
jusqu’à la tombée de la nuit, mais tous sauf un furent blessés. Suivant l’action d’un poste
d’observation, le Colonel du 19ème régiment répétait sans cesse « mes braves petits gars
bretons »17.
Ni les français ni les allemands ne lancèrent de grande attaque après mars. Les
allemands avaient à ce moment-là achevé presque tout le travail pour transformer cette
position en forteresse. Alors qu’en surface le secteur était particulièrement dangereux,
en proie aux tireurs d’élite et aux tirs de mortier, le combat pour le contrôle de la
position avançait en sous-sol. La guerre des mines avançait vers la droite (sud-est) de
l’îlot et les allemands approchaient régulièrement des lignes françaises. La tranchée de
première ligne française (tranchée G) était devenue intenable à cause des explosions de
mine, et dut être abandonnée, en même temps que ses puits de mine, et la tranchée
arrière, Dohollou, devint la nouvelle ligne de front. En avril, la 1ère Compagnie de réserve
du 13ème Régiment de mineurs de Württemberg releva les mineurs bavarois. Les
allemands utilisaient des galeries en pente plutôt que des puits verticaux pour atteindre
les profondeurs nécessaires, qui leur permettaient d’enlever les déblais plus facilement.
Ils reliaient ces pentes avec des tunnels transversaux pour former une ligne défensive
souterraine à partir de laquelle ils pouvaient entendre l’approche des français. Les
allemands allaient en général plus en profondeur que les français et utilisaient des
charges explosives allant jusqu’à 3 tonnes. Le no man’s land était à cette époque une
ligne presque continue de cratères de mine sur 375 mètres18.
A la fin de juillet 1915, les britanniques relevèrent les français dans la Somme et arriva
sur le front de la Boisselle la 51ème division Highland. Les 1/6 et 1/7 bataillons des Black
Watch reprirent les tranchées au 19ème Régiment français, cédant avec émotion les
positions qui avaient été prises si chèrement avec les vies de Bretons. Les Ecossais
17 Thomas, op. cit.; Marcel Floc'h, La longue marche du 19e Régiment d'Infanterie de Brest pendant la premiere Guerre Mondiale Tome I de 1914 à fin 1917, (Amicale du 19e R.I. de Ligne, 2006), p. 92. 18 Hauptstaatsarchiv Stuttgart (HStAS) M414-251 Kriegstagebuch (KTB) 1. Reserve-Kompanie, Pionierbataillon Nr. 13.
17 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
entreprirent de ne rien céder du terrain gagné19. Les britanniques n’avaient cependant
pas assez d’ingénieurs pour reprendre les mines et la 11/4 Compagnie resta donc pour
trois semaines de plus. Le 9 août, les allemands firent sauter une mine sur l’îlot,
provoquant l’effondrement d’un grand abri et piégeant temporairement une section
écossaise presque entière. Juste après, le 109ème Régiment de réserve allemand envoya
un raid de sept hommes menés par un sergent-major, qui coupa à travers les barbelés,
entra dans les tranchées britanniques et ramena prisonnier un homme blessé. Ils
découvrirent que le prisonnier était écossais : la première preuve que les britanniques
avaient repris le secteur après les français20.
L’unité du génie britannique qui reprit les mines fut la 179ème Compagnie de Tunneliers
récemment formée. Elle arriva le 17 août et la 11/4 Compagnie partit cinq jours plus
tard. Les britanniques reprirent une douzaine de puits sur la Mangin, l’îlot et la tranchée
Dohollou. Presque partout, ils pouvaient entendre les allemands travailler sous terre de
leurs tunnels et même dans les tranchées. Le commandant de la 179ème Compagnie de
Tunneliers, le capitaine Alabaster, était un officier professionnel des Royal Engineer
mais pas un ingénieur des mines. Il voulait commencer de nouveaux tunnels derrière la
ligne de front, où ils seraient moins vulnérables aux tirs de mortiers allemands et
invisibles, un plan déjà proposé par Piraud. Le problème des puits français était qu’à 12
mètres ils n’étaient pas assez profonds et trop étroits, et les tunnels qui en partaient
étaient trop exigus pour être efficaces. Si Piraud faisait exploser des charges
suffisamment importantes pour détruire les tunnels allemands, à ce moment à 24
mètres, il détruirait aussi ses propres puits et la tranchée de première ligne. Cependant,
le commandant de la 51ème division Highland ne voulait pas autoriser de retrait et
Alabaster devait donc continuer à utiliser les puits français pour défendre la ligne de
front, même s’il était impossible d’endommager les tunnels allemands. Il reçut l’ordre de
rester hors de la ligne de front et ne put donc pas superviser correctement le travail :
cette situation déboucha sur une tragédie le 26 septembre, quand huit de ses hommes
furent tués accidentellement en faisant sauter une mine21.
19 Captain Robert B. Ross, The Fifty-First in France, (London 1918). 20 Georg Frisch, Das Reserve=Infanterie=Regiment Nr. 109 im Weltkrieg 1914 bis 1918, (Karlsruhe in Baden, 1931), pp. 69-72; Whitehead, op. cit. 21 United Kingdom National Archives (NA)WO95/244 War Diary (WD) 179th Tunnelling Company, Royal Engineers.
18 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Entre temps, le 18 septembre, la 18ème Division britannique reprit le secteur de la
Boisselle à la 51ème. Le commandant de la 18ème donna l’autorisation à Alabaster de
mettre en place un nouveau plan de tunnels plus profonds, commencés derrière la ligne
de front. Alabaster lança une série de cinq tunnels en pente (dont la Pente X et la Pente
W) le long de la ligne de la tranchée Quémart, qui descendaient abruptement pour
essayer de passer sous les galeries allemandes. Moins de deux semaines plus tard,
cependant, Alabaster recommanda de travailler sur une ligne de défense arrière encore
plus en retrait, en suivant la ligne de Tummel Street. Le 13 octobre, il indiqua qu’il avait
arrêté le travail sur les pentes mais qu’il allait creuser des puits verticaux à leur
extrémité, pour contrecarrer l’avance souterraine des allemands. Ainsi à la fin de la
Pente W, 9 mètres sous la surface, le puits W descendit encore de 15 mètres22.
Alabaster commença à utiliser des charges plus importantes, même si elles risquaient
de détruite ses propres tranchées. Le 13 octobre, la première référence aux « Glory
Hole » apparait, le terme non-officiel que les troupes britanniques donnèrent au secteur
de la Boisselle et qui apparait rarement dans les rapports officiels.
La mort accidentelle de huit hommes le 26 septembre entraina le remplacement
d’Alabaster par un ingénieur des mines professionnel, déjà décoré pour bravoure,
Henry Hance. Il allait mener sa compagnie sans ménagement et il n’était pas aimé, mais
sa nomination marqua une amélioration dans l’efficacité des mines britanniques à la
Boisselle. Il abandonna la petite taille de galerie utilisée par les français car des galeries
plus larges permettaient de travailler plus facilement, même si elles produisaient deux
fois plus de déblais, qui formaient de large tas non dissimulés, près de l’entrée des
tunnels britanniques. Il fallut cependant plusieurs semaines pour que les allemands
commencent à comprendre qu’ils avaient face à eux un ennemi plus redoutable.
Le 3 novembre 1915, une autre compagnie de tunneliers, la 185ème, fut envoyée pour
prendre en charge la partie droite du secteur. La 179ème continua à la Mangin et sur l’îlot
et la 185ème prit la partie droite de la tranchée Dohollou. La 185ème était commandée par
un ingénier civil, Thomas Richardson, et l’arrivée de l’unité amena à nouveau une
22 NA WO95/2033 53 Infantry Brigade General Staff (GS) WD.
19 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
amélioration du travail souterrain des britanniques. Les 179ème et 185ème Compagnies
creusèrent toutes deux des réseaux étendus, d’abord à 24 mètres puis à 30. Ils
commencèrent aussi de longs tunnels qui avaient pour but d’attaquer des points des
lignes allemandes en dehors de la zone des Glory Hole. Le 11 novembre, la 185ème
commença un nouveau tunnel à partir de Lochnagar Street, qui sera finalement utilisé
pour déposer l’énorme mine détonnée le 1er juillet 1916.
Le 20 novembre, la 179ème Compagnie de Tunneliers atteignit la nappe phréatique à une
profondeur de 36 mètres. Hance fit sauter une charge de 3600 kg qui endommagea
sérieusement ses propres tranchées mais il espérait qu’elle endommagerait aussi les
allemands en sous sol. Les allemands cependant ripostèrent contre l’activité croissante
des britanniques. Le 22 novembre, ils firent sauter une importante charge de 15 tonnes
contre la galerie britannique au fond du puits W, qui fit aussi exploser une charge de
2700kg que Hance venait de mettre en place. Six de ses hommes furent tués sous terre
et en surface sept hommes du 10ème régiment Essex. Hance répondit en faisant sauter
des mines de 2700 kg et 3600 kg pendant les jours suivants puis, le 9 décembre, une
autre de 4 tonnes. A cette occasion, les allemands furent touchés : un mineur fut enterré
et dans les tentatives de sauvetage, quatre autres furent terrassés par le gaz et la
chaleur d’un feu souterrain, et cinq hommes en tout perdirent la vie.
Les explosions massives laissèrent à la surface une ligne continue de cratères s’étendant
sur 360 mètres de longueur. Les conditions dans les tranchées pendant l’hiver furent
particulièrement éprouvantes et les Salford Pals (15ème, 16ème et 19ème bataillons des
Lancashire Fusiliers) qui tenaient les tranchées des Glory Hole en décembre 1915
souffrirent sérieusement de la maladie du pied de tranchée. Les allemands firent sauter
une large mine le 19 décembre près du Puits W, tuant à 24mètres sous la surface du sol,
5 mineurs dont les corps ne furent jamais retrouvés. La mine détruisit une partie de la
tranchée Dohollou et tua deux hommes du 16ème Lancashire Fusiliers. Hance lui-même
organisa l’infanterie pour tenir la lèvre du nouveau cratère. A la Saint-Sylvestre, les
allemands firent exploser trois mines qui enterrèrent deux mineurs : Hance répliqua
avec deux larges mines de 4500 kg et 5400 kg.
20 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
3.3 1916
Le 31 janvier 1916, les allemands lancèrent un raid sur la ligne de front à la droite des
Glory Hole contre le 10ème Essex, faisant 12 prisonniers et tuant le commandant par un
tir direct sur l’abri du QG du bataillon, mais trop court pour atteindre l’entrée du tunnel
de mine Lochnagar. La 185ème Compagnie de Tunneliers de Richardson créa un tunnel
transversal défensif continu (dont la partie gauche se trouve sous la zone préservée des
Glory Hole) avec une longue pente le rejoignant, appelée Inch Street. Du tunnel
transversal, il envoya des galeries à la rencontre des allemands, pour essayer
d’atteindre leurs lignes. Il savait qu’il approchait des tunnels allemands mais ne savait
pas précisément où ils se situaient. Le 4 février, Richardson et deux officiers se
trouvaient sous terre quand les allemands firent exploser un camouflet contre une des
galeries. Il y eut une seconde explosion de méthane qui brûla gravement Richardson et
un autre officier, et qui amena du monoxyde de carbone. Seize mineurs et les deux
officiers furent tués dans une des deux pires catastrophes que les tunneliers connurent
sur le front occidental. Les seize hommes furent enterrés au Bécourt Cemetery. En
représailles, dix jours plus tard, la 185ème Compagnie de Tunneliers fit sauter trois
larges mines23.
Au début de mars 1916, la 185ème reçut soudain l’ordre de partir pour la crête de Vimy.
La 179ème était donc à nouveau responsable de tout le secteur de la Boisselle. Hance
demanda plus d’hommes de main de l’infanterie pour y parvenir (d’où les graffiti laissés
dans la Pente W par le 11ème bataillon du Border Regiment en mars 1916). Il stoppa
également temporairement le travail dans la galerie de mine Lochnagar. Hance préférait
faire avancer une longue galerie sous la position allemande de la sape Y, qui dépassait
de la première ligne allemande dans le no man’s land vers Ovillers. Il était persuadé que
les allemands creusaient à cet endroit mais quand l’infanterie attaqua la position le 27
mars, ils la trouvèrent bardée de barbelés et ils tombèrent dans une embuscade. Les
allemands avaient été prévenus de l’attaque grâce à un appareil qui leur permettait
d’écouter les conversations téléphoniques des britanniques.
23 NA WO95/245 WD 185th Tunnelling Company, Royal Engineers; W. G. MacPherson, History of the Great War Medical Services Diseases of the War, Vol. II (London, 1923), pp. 542-4; NA WO95/2033 53 Infantry Brigade GS WD.
21 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
En avril, les préparatifs des britanniques pour la bataille de la Somme commencèrent
pour de bon. Hance devait préparer une série de tunnels et de mines pour soutenir
l’attaque britannique qui aurait lieu à la fin du mois de Juin. Il devait poursuivre sa
longue galerie pour placer une mine sous la Sape Y et reprendre le tunnel Lochnagar
pour atteindre la position allemande au sud de la Boisselle, la Schwaben Höhe. Il n’était
pas possible de creuser directement sous le village de la Boisselle à cause du système de
mines allemand. Hance allait aussi placer deux larges camouflets pour détruire un
maximum du système allemand, et creuser une série d’étroites « sapes russes » à
d’autres endroits de la ligne.
Les allemands et les britanniques avaient maintenant considérablement développé les
systèmes de tunnels souterrains. Le système britannique se trouvait à 24 mètres, se
développant jusqu’à 30 mètres, juste au dessus de la nappe phréatique. Les allemands
avaient un générateur électrique à la Boisselle qu’ils utilisèrent pour alimenter des
pompes à eau, qui leur permettaient d’aller plus bas. La situation pouvait basculer à tout
moment, avec un certain nombre de galeries britanniques et allemandes presque en
contact. Le 10 avril, les britanniques pénétrèrent finalement dans une galerie allemande
et, alors qu’un capitaine et deux mineurs entraient, les allemands firent exploser un
camouflet, les tuant et les enterrant. Le lendemain, le 110ème Régiment de réserve
allemand lança un raid à la droite des Glory Hole contre les 1er Royal Irish Rifles, tuant
un officier et neuf hommes et faisant 24 prisonniers.
Hance fut envoyé au repos dans le sud de la France, sans doute à cause du surmenage et
de la fatigue, et le commandant en second, le capitaine Rowan, prit sa place. Alors que
les longs tunnels de la sape Y (300m) et Lochnagar (240m) se rapprochaient des lignes
allemandes, les conditions de silence devaient être respectées, sans parler plus fort
qu’un murmure, les mineurs travaillant sans bottes sur un tapis de sacs de sable,
arrachant des morceaux de craie à la baïonnette et les attrapant pour leur éviter de
tomber. Quand Hance revint au début du mois de juin, il restait moins d’un mois avant
l’attaque. Elle devait être précédée de six jours (allongés à sept) de bombardement et
les mines devaient être chargées avant, à cause du danger de transporter des explosifs.
Hance calcula qu’il devait placer 18 tonnes dans la mine de la sape Y et deux charges de
13,5 tonnes au bout de Lochnagar. Cependant, la difficulté de poursuivre le tunnel
22 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Lochnagar sans alerter les allemands entraina un manque de temps, et après avoir
ramifié la galerie, ils creusèrent deux chambres mais remplirent la totalité de
l’embranchement d’explosifs, créant une énorme charge de 27 tonnes. Il s’agissait de la
plus grosse mine jusque là préparée par les britanniques, et la plus importante de
l’attaque.
Alors que la préparation de l’attaque devenait évidente, les allemands essayèrent de
faire des prisonniers pour récolter des informations. Le 4 juin, le 110ème Régiment de
réserve attaqua deux fois le 21ème bataillon des Northumberland Fusiliers au sud est des
Glory Hole. A la première occasion, ils tuèrent cinq hommes mais perdirent cinq des
leurs. A la seconde, ils firent dix-sept prisonniers. Les britanniques voulaient aussi
obtenir des informations sur l’état des défenses allemandes qu’ils devaient attaquer. Le
lendemain les 24ème et 26ème Northumberland Fusiliers attaquèrent les tranchées
allemandes mais ne réussirent pas à faire de prisonniers24.
Pour capturer la Boisselle, les britanniques avaient prévu deux attaques convergentes
partant de chaque côté du village. Les Gory Hole avaient été jugés trop difficiles à
traverser et devaient simplement subir le bombardement des 18ème Northumberland
Fusiliers. Les mines de la sape Y et Lochnagar serviraient à renverser les opposants sur
la ligne de front sur chaque flanc du village : les hautes lèvres empêcheraient les
allemands dans la Boisselle de pouvoir tirer en enfilade sur l’avance des britanniques.
Ceux-ci espéraient que l’élimination de la position de la sape Y permettrait aussi la prise
d’Ovillers sur la gauche. Une sape russe sur le front de la Boisselle, appelée Kerriemuir,
devait rejoindre les tranchées allemandes du Schwaben Höhe près du cratère de la mine
Lochnagar.
Le bombardement préparatoire des britanniques commença le 24 juin et devait durer
six jours. Pendant ce temps, les britanniques essayèrent aussi d’utiliser les gaz le 26
juin, à partir de 632 cylindres de chaque côté des Glory Hole mais les conditions
24 24th Battalion Northumberland Fusiliers WD NA WO 95/2466; 26th Battalion Northumberland Fusiliers WD NA WO 95/2467.
23 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
n’étaient pas favorables. Le même jour, les 24ème et 26ème Northumberland Fusiliers
échouèrent encore à capturer des prisonniers25.
A 7h28 le matin du 1er juillet, deux minutes avant l’heure H, la Compagnie de Tunneliers
fit sauter les mines de la sape Y et Lochnagar et les deux camouflets sous les Glory Hole.
A 7h30, la 34ème Division britannique lança l’attaque mais ne réussit pas à prendre la
Boisselle et subit 6380 pertes, le pire de toutes les divisions qui attaquèrent ce jour là26.
Les deux mines avaient détruit une partie de la ligne de front allemande, même si les
allemands s’étaient retirés de la sape Y. L’infanterie à l’attaque sur Lochnagar eut du
mal à progresser, car ils devaient d’abord se retirer de la ligne de front à cause de la
mine. Les mines ne contribuèrent pas significativement à la réussite et pourraient avoir
entravé la capacité des attaquants à suivre le barrage d’artillerie. La sape Kerriemuir ne
fut pas ouverte avant 16h le 1er juillet, et laissa passer presque un bataillon d’hommes.
La Boisselle fut prise par la 19ème Division britannique le 4 juillet. Quand le système de
mines allemand à la Boisselle fut exploré par la 179ème Compagnie de Tunneliers, Hance
découvrit que les allemands avaient une station d’écoute Moritz qui leur permettait
d’intercepter les messages téléphoniques des britanniques27.
Les combats reprirent dans le secteur en mars 1918 quand les allemands s’emparèrent
à nouveau de la Boisselle, pour être repoussés par les britanniques en août.
4 Objectifs pour 2012 Les résultats des sondages de 2011 se trouvent dans le rapport A. Byledbal, la Boisselle,
Somme, Champ de bataille du « Glory Hole » (La Boisselle Study Group, 2011).
Les recherches historiques se sont poursuivies pendant l’hiver dans les archives
allemande, française et britannique, avec l’interprétation et la comparaison des cartes et
des plans.
25 24th Battalion Northumberland Fusiliers WD NA WO 95/2466; 26th Battalion Northumberland Fusiliers WD NA WO 95/2467. 26 Sir James E. Edmonds, History of the Great War Military Operations, France and Belgium, 1916, Vol. I, (London 1932). 27 NA WO95/244 WD 179th Tunnelling Company.
24 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
En amont des fouilles d’Octobre 2011, un sondage géophysique magnétométrique avait
été effectué par BACTEC International, un leader mondial dans la détection et le retrait
de munitions. Même s’il n’était pas possible de sonder tout le site à cause des profonds
cratères de mine et de la végétation très dense, des zones importantes d’intérêt
archéologique ont été sondées et, comme prévu, ont confirmé la présence de nombreux
fragments de métal. BACTEC a aussi offert un entrainement de prévention pour la
manipulation de munitions non-explosées potentiellement dangereuses. Les résultats
sont actuellement analysés.
Le travail préparatoire a déjà amené un nombre de questions relatives à la création du
système souterrain, et à la construction et la vie dans les tranchées des « Glory Hole ».
Plusieurs objectifs de recherche peuvent donc être explorés pour 2012, en particulier la
poursuite des fouilles basées sur les trois sondages ouverts en Octobre 2011
L’entrée du tunnel Pente X (X Incline)
L’entrée du tunnel Galerie W (W Adit)
La tranchée Quémar
Les jonctions entre les tranchées et les entrées vers le système souterrain n’ont pas été
explorées pendant la phase de sondage. Une fouille archéologique devrait permettre
d’identifier et d’examiner les particularités de ces surfaces. Les entrées des deux
galeries inclinées, la Pente X (X Incline) et la Galerie W (W Adit), dans leurs tranchées
respectives, devraient fournir une meilleure compréhension du travail des tunneliers et
de la relation entre le système souterrain et le travail en surface.
L’ouverture de la Galerie W (W Adit) offre l’accès le plus facile à la chambre souterraine
qui abrite le puits vertical, le Puits W (W Shaft). Elle permet aussi une ventilation
naturelle entre les deux entrées de galeries nettoyées en Octobre 2011, la Pente X (X
Incline) et la Pente W (W Incline). Le puits vertical, qui fait environ 15m de profondeur,
était entouré de débris en vrac qui rendaient l’approche et l’examen dangereux.
Cependant, il était possible de faire descendre une camera numérique Go-Pro HD avec
une source de lumière. Les images obtenues montrent que les murs sont bien conservés.
25 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Au fond du puits, l’accès semble bloqué par des fragments de craie qui sont tombés du
toit de la chambre ou des morceaux de craie entourant le haut du puits, rendant
impossible l’exploration des galeries inférieures avant d’avoir nettoyé et procédé à un
premier travail archéologique.
La phase suivante comprendra le nettoyage complet de la Galerie W (W Adit) et de la
chambre du puits. Des étais devront être installés pour soutenir les parties les plus
fragiles du plafond, afin de sécuriser la chambre souterraine et d’assurer la sécurité des
chercheurs. Avant d’aller plus bas, l’accès doit être sécurisé et ensuite être
complètement étudié et répertorié.
De la Galerie W (W Adit), une autre galerie menant vers la surface, appelée la Pente W
(W Incline), est visible mais elle était presque entièrement bloquée par les débris. Il n’y a
aucun signe d’elle à la surface, mais le décapage du terrain devrait permettre de
localiser son entrée. Ouvrir l’accès à la Pente W (W Incline) devrait compléter le
nettoyage de toutes les entrées et des tunnels amenant à la chambre du Puits W (W
Shaft). Comme pour les deux autres entrées (Pente X et Galerie W – X Incline et W Adit),
rattacher la Pente W (W Incline) à sa tranchée (Scone Street) permettrait une étude
comparative de l’évolution des techniques de construction et d’établir une chronologie
plus précise.
Une grande partie de la Tranchée Quémar sera aussi mise au jour, avec une partie de la
ligne de front, pour examiner la composition de ses tranchées successives de la ligne de
front. La fouille pourrait même s’étendre jusqu’à la jonction avec la Pente X (X Incline).
En octobre 2011, pour évaluer le potentiel archéologique de cette zone, un sondage a
été mené sur des parties de la ferme, qui selon les mesures prises des routes et chemins,
pouvait avoir survécu aux explosions de mine à proximité. Aucune trace de la ferme
n’est visible en surface. Cependant, l’agrandissement du décapage du terrain pour la
fouille programmée devrait être étendu pour inclure le site de la ferme. Une fouille
superficielle, pour commencer, devrait alors confirmer, ou non, la présence de vestiges.
26 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
5 Results Deux courtes sessions de travail programmé étaient prévues pour la saison 2012, pour
un total de 27 jours de travail sur le site :
Du 30 avril au 14 mai, et
Du 24 septembre au 5 octobre
Le décapage du site a été effectué pendant la première session, au début de 2012, pour
éviter de devoir louer une autre pelleteuse plus tard dans la saison. La mise au jour de
tout le site n’a pas été envisagée, en partie à cause de son étendue (presque 2 hectares),
mais aussi par soucis de conserver la morphologie des cratères de mine – les derniers
vestiges de la guerre des mines à la surface du site – en vue de préserver l’héritage
physique de la Grande Guerre pour les années futures.
Fig. 5 — Décapage de la surface de la zone autour de l’entrée de la Pente W (W Incline) (Photo : David Rakowski)
27 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Le décapage de la surface avec une pelle mécanique s’est d’abord concentré sur les
entrées de la Pente X [S1] (X Incline) et de la Galerie W [S2] (W Adit). Une zone d’environ
500m² située entre les entrées de la Pente X (X Incline) et de la Galerie W (W Adit) a été
mise au jour pour révéler environ 10 mètres de la tranchée Quémar, malgré le
remblayage du sondage S3, et pour essayer de localiser l’entrée de la Pente W (W
Incline) (Fig. 5).
La surface a été décapée mécaniquement jusqu’à l’apparition des premiers signes de
vestiges in situ – les tranchées à une profondeur de 30 – 40 cm. Les fouilles se sont
poursuivies à la truelle pour révéler le contour de ces éléments.
A l’extrémité nord de la zone de travail, près des deux plus grands cratères du site, la
pelle n’a pas été utilisée pour le décapage. Sur le site présumé de la ferme, où un large
bloc de craie – apparemment in situ – a été trouvé pendant le débroussaillage, des
fragments de briques ont rapidement été découverts. Le retrait de ce bloc n’a pas
confirmé la présence d’une structure construite, mais la zone a vite montré, à juste 10
cm de profondeur sous la surface moderne, la présence des décombres d’une surface en
briques et de blocs de craie.
Le site de fouille a été divisé en secteurs correspondants aux principaux éléments
structurants découverts entre le sondage archéologique au début d’Octobre 2011 et la
fin de la seconde session début Octobre 2012 (Fig. 6):
S1 comprend la galerie souterraine appelée Pente X (X Incline) qui descend vers
une petite chambre à 9m de profondeur maximum. Deux galeries partent de
cette chambre (S1.2 et S1.3).
S2 indique la galerie souterraines appelée Galerie W (W Adit) qui va de la surface
jusqu’à la Chambre du Puits W (W Shaft Chamber), également à 9m de
profondeur, qui fait aussi partie de S2.
S3 correspond à la Tranchée Quémar.
28 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
S4 englobe la partie sud-est de la ferme, appelée « Granathof » par les Allemands
et « l’îlot » par les Français, qui comprend les restes de l’extrémité ouest des
écuries, la partie sud de l’habitation et les tranchées associées creusées pendant
les sept premiers mois de la guerre.
S5 indique la chambre souterraine attenante au haut de la Pente W (W Incline).
Cette chambre se trouve à moins d’un mètre sous la surface actuelle du sol.
S6 indique la tranchée Le Bihan / Scone Street – une tranchée de communication
qui desservait la ligne de front dans ce sous-secteur.
S7 englobe la galerie souterraine appelée Pente W (W Incline), qui s’étend à 9m
de profondeur jusqu’à la chambre du Puits W (W Shaft), et une galerie latérale
qui se dirige vers la chambre au fond de la Pente X (X Incline). [Même si la
chambre souterraine attenante à l’entrée de la Pente W (W Incline) a une
référence différente (S5), elle fait néanmoins partie de S7]
29 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 6 — Plan général des structures archéologiques (Anthony Byledbal/Sébastien Pronier. Basé sur un relevé topographique mené par les Royal Engineers et Multi-Limn.)
30 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
5.1 La ferme Alors que le décapage de la surface à la pelle mécanique n’avait révélé aucune structure
encore en place au sud-est de la ferme, la poursuite des fouilles à la truelle a bientôt
montré des vestiges construits sous la forme de deux structures distinctes (Fig. 7):
L’extrémité sud-est d’un premier bâtiment [S4.0] qui a pu être identifié comme
les anciennes écuries de la ferme d’après des dessins du journal de marche de la
11/4 Compagnie du Génie et un article de l’ancien commandant des ingénieurs
publié en 1932.28
La partie sud d’un deuxième bâtiment [S4.2], mis à jour pendant la deuxième
session de fouilles. Il a été identifié (d’après les mêmes dessins) comme
l’habitation.
Les recherches continuent sur l’histoire de cette ferme. La date de sa construction n’est
pas connue à ce jour. Cependant, trois bâtiments entourant la cour carrée apparaissent
sur le plan du cadastre napoléonien de 1829.29 La ferme, à cette époque, se trouve le
long de la route de Contalmaison, avec ses jardins situés sur une partie du site actuel.
Propriété de la famille Berchon, la ferme est connue pour avoir subi des dégâts pendant
la bataille de Bapaume de la guerre franco-prussienne (1870-1871). Les bâtiments ne
furent pas immédiatement reconstruits, et en 1883 les restes de la ferme Berchon
furent démolis. Quelques années plus tard, une nouvelle ferme fut bâtie. Elle comprenait
quatre bâtiments, toujours autour d’une cour carrée, et c’est cette ferme qui fut le
théâtre de durs combats entre les forces françaises et allemandes pendant plusieurs
mois à partir de septembre 1914.
Au début des fouilles, aucun vestige de la ferme n’était visible. Cependant, le terrain est
parsemé de cratères de mine qui se chevauchent dans la partie nord-est du site, où se
trouve l’ « empreinte » présumée de la ferme, le sol tout autour étant recouvert par
28 SHD 26 N 1291/8bis JMO 11/4 compagnie du génie; Thomas, op. cit. 29 Archives départementales de la Somme, 3P2063/7 - Plan du cadastre napoléonien - Ovillers-la-Boisselle (Ovillers) : Le-Boissel, D2 et partie développée de D2 (1829) http://archives.somme.fr/ark:/58483/a011261412576f9V465/1/1.
31 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
différentes épaisseurs de terre « retombée » suite aux explosions. Les deux plus grands
cratères de mine restants semblent être situés là où se trouvait la cour de la ferme et au-
delà des bâtiments adjacents sur les côtés nord et est de la cour.
Fig. 7 — Localisation des structures de la ferme découvertes sur le site (Anthony Byledbal/Sébastien Pronier. Basé sur un relevé topographiquee mené par les Royal Engineers et
Multi-Limn.)
Il restait donc peu d’endroits pour entreprendre des fouilles. Seule la partie sud-est de
la ferme pouvait être fouillée sans altérer la topographie du site et la physionomie des
cratères. Une zone située entre les deux cratères à l’ouest du site a donc été mise au
jour, le long des lèvres.
32 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
5.1.1 S4.0 — Ecuries Observations Le décapage de la surface a d’abord mis au jour une fine (environ 5cm) couche
d’apparence végétale [US 4-002], puis une couche composée de briques, de blocs de
craie et de terre brune [US 4-003] de profondeur variable, suivant le contour de la lèvre
du cratère. Un nombre de fragments de tuiles ont été trouvées dans cette strate, surtout
des tuiles à emboitement, des faitières et des ardoises bleu-grises (des photos d’époque
suggèrent que le toit était en ardoises – voir Fig. 8). Ce niveau, même s’il a donné peu
d’artefacts, indique néanmoins la présence de débris de bâtiments de ferme probables
et leur éparpillement suite à la destruction de la structure par l’activité souterraine.
Cette couche se trouve sous une strate de terre gris-brun, avec la présence de particules
de craie, de briques et de sable de mortier [US 4-004]. Elle recouvre toutes les
structures non dégagées sur le site présumé des écuries. Celles-ci étaient faites de murs
en brique rouge (Fig.9) :
Les restes du mur pignon sud-est [MR 4-1] qui s’étend de la jonction préservée
avec le mur MR 4-2 sur une distance d’environ 2m.
Le mur gouttereau nord-est, qui se divise en deux parties. La première, MR 4-2,
fait environ 3,30m de long, alors que la seconde [MR4-2A], séparée de la fin de
MR 4-2 par une distance d’environ 1,30m, fait seulement 1,10m de long. MR 4-2A
doit néanmoins se poursuivre vers le nord, mais les fouilles n’ont pas encore mis
au jour cette partie, située à proximité de la grande coupe nord-ouest, à environ
80cm de hauteur.
A 4,90m de MR 4-1 et parallèlement se trouve MR 4-3, dont il reste environ 3m,
formant un angle au nord-est avec MR 4-2A.
Un autre mur de briques [MR 4-4] forme aussi un angle avec MR 4-3 à son
extrémité sud-ouest et avance sur environ 1,40m vers le nord-est, en direction
de la coupe nord-est.
33 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 8 — Photographie allemande non-datée de l’hiver 1914-15 montrant la ferme Granathof
(Source : Hauptstaatsarchiv Stuttgart E32 06-6-17)
34 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 9 — Identification des murs découverts sur le site des écuries (Anthony Byledbal/
Sébastien Pronier. Basé sur un relevé topographique mené par les Royal Engineers et Multi-Limn)
Tous ces murs ont la même largeur, 40cm, et sont construits avec des briques mesurant
250 (longueur) x 120 (largeur) x 50 mm (hauteur), avec un appareillage de briques
rouges identique. Chaque mur est ainsi large d’une brique et demie, comprenant une
rangée de briques placées en boutisses et en panneresses.
Il sera nécessaire de fouiller les fondations de ces murs pendant la saison 2013 pour en
apprendre plus sur la construction des écuries.
35 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Un sixième mur a été trouvé à l’est de MR 4-2, dont la construction diffère de celles des
murs de briques. Construit en craie, MR 4-5 (Fig. 9) semble être parallèle à MR 4-2 avant
de former un angle droit en direction de l’habitation [S4.2], située au nord-est. Cet
élément sera complètement fouillé en 2013.
Fig. 10 — les sols 4-1 et 4-2 mis au jour dans les écuries (Photo : Anthony Byledbal)
Au sud-ouest de MR 4-2 et de MR 4-2A, et entre MR 4-1 et MR 4-2, deux sols en brique
rouge ont été découverts (Fig. 10) :
Le premier [Sol 4-1] se situe dans l’angle formé par MR 4-1 et MR 4-2. Il s’étend
sur 2,50m le long de MR 4-2 et sur presque 2,20m le long de MR 4-1. Deux motifs
dans la disposition des briques sont visibles. Dans le coin de MR 4-1 et MR 4-2 les
36 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
briques sont posées perpendiculairement à MR 4-1, formant un rectangle de sol
préservé de 2m sur 1,30m. Puis, le long du mur MR 4-2, elles sont posées
parallèlement à MR 4-1.
Le second sol [Sol 4-2] se situe dans l’angle formé par les murs MR 4-2A et MR 4-
3. Il se compose de briques posées parallèlement à MR 4-1 et MR 4-3, comme le
second motif trouvé sur Sol 4-1. La zone de sol préservée mesure 2,90m sur
1,30m.
Ces deux surfaces sont interrompues sur un axe nord-est / sud-ouest entre MR 4-2 et
MR 4-2A par une tranchée [S 4-1] qui passe à travers le bâtiment, joignant l’extérieur de
la ferme et l’intérieur de la cour.
A l’extrémité ouest de ces zones de sol, le motif de briques s’arrête, avec seulement la
moitié de la surface d’origine encore en place. Sol 4-1 semble montrer des signes
d’affaissement, les briques s’enfonçant dans une cavité dont la nature est encore à
définir. Les deux sols ont été posés sur une surface apprêtée de craie compactée et
tassée [US-4006] d’environ 1,5 à 2cm d’épaisseur.
Sol 4-1 et Sol 4-2 n’ont en majorité pas de traces, mais dans l’angle formé par MR 4-
1/MR4-2 et MR4-2A/MR4-3 on trouve des marques de brûlures [US-4005 et US-4008]
sur la surface des briques, qui ont pu être causées par des tirs (Fig. 11 et 12)
37 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 11 — Traces de brûlures sur le Sol 4-2 à l’angle de MR 4-2A/MR 4-3 (Photo : Anthony Byledbal)
Fig. 12 — Traces de brûlures sur le Sol 4-1 à l’angle de MR 4-1/MR 4-2 (Photo : Anthony Byledbal)
38 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Interprétation
La partie des écuries qui a été fouillée jusqu’à présent ne permet pas de jauger des
proportions d’origine du bâtiment ou d’établir une chronologie de l’évolution de sa
destruction.
Il semble clair que des vestiges de la ferme d’origine ont été mis au jour. MR 4-5 semble
antérieur aux autres murs. Sa construction en craie, la méthode de construction et sa
largeur d’1,20m en font une exception dans le secteur S4. Aucune découverte faite
pendant les fouilles n’a pu aider à révéler son histoire.
Une partie des écuries a donc pu être construite sur les fondations d’une structure
antérieure. Elle a été de toute évidence construite en briques rouges et était sans doute
couverte d’un toit en tuiles à emboitement, le premier type de tuiles fabriquées
industriellement en France depuis à peu près 1890. Un nombre d’objets appartenant au
bâtiment a été trouvé, comme un tirant métallique, un morceau de fenêtre et des gonds
de porte.
Il est difficile de dire à partir de quand la ferme a commencé à souffrir des combats mais
il est possible que certains murs aient encore été debout au début de 1915. La quantité
de munitions, en particulier des douilles de fusil et des balles allemandes et françaises,
atteste de la sévérité des combats.
5.1.2 S4.2 — L’habitation
Observations
Quand les fouilles se sont poursuivies au nord-est de MR 4-2/4-2A, un deuxième
bâtiment, identifié par le mur pignon sud-est et les murs gouttereaux nord et sud de la
maison de la ferme (Fig. 13), est apparu sous la couche de terre et de végétation [US 4-
002] :
39 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Le pignon sud-ouest est constitué de ce qui semble être un appareil intérieur de
blocs réguliers de calcaire taillé [MR 4-8]. Le remplissage du mur semble se
composer de craie [MR 4-8A], présente sur une épaisseur de 70-80cm. La portion
restante du pignon fait 6m de long sur une épaisseur d’environ 1m.
Les murs gouttereaux nord [MR 4-9] et sud [MR 4-7], qui ont tous deux étaient
mis au jour sur une longueur d’environ 5m, montrent les mêmes caractéristiques
que les murs de l’écurie. Les fondations de MR 4-7 se sont révélées faites de blocs
de craie bien taillés. Seul le coin entre MR 4-7 et MR 4-8 est construit
différemment. Il est composé de deux rangées de six et neuf briques posées sur le
champ, d’1,10m de long et 50 cm d’épaisseur.
Le mur MR 4-10, situé au nord de MR 4-7, semble actuellement former un petit
porche qui se projette au-delà du mur gouttereau sud. Il est fait en brique et
utilise les mêmes méthodes de construction que les autres murs de l’habitation
et des écuries.
40 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 13 — Identification des murs mis au jour sur le site de l’habitation (Anthony Byledbal & Sébastian Pronier. Basé sur un relevé topographique mené par les Royal Engineers et Multi-
Limn)
Ces murs délimitent un espace intérieur de plus de 5m de large. La longueur fouillée
jusqu’à présent fait un peu plus de 5m, mais le bâtiment est clairement plus long. La
poursuite des fouilles ne permettra pas de connaître les dimensions exactes, puisque
des mines ont détruit le mur pignon nord-est. Selon les plans d’époque, on pense que
l’habitation mesurait un peu plus de 30m de long.
L’espace intérieur est d’un seul bloc et aucun mur intérieur n’a encore été trouvé. Le sol
se compose de carrelage en terre cuite rouge sans décor (Fig. 14), posé à 45° par
rapport aux murs et mesurant 18 x 18cm [Sol 4-3]. Bien qu’une bonne partie de ce
carrelage soit toujours en place, il a néanmoins été perturbé. Sol 4-3 est légèrement
bombé, et enfin il semble que toutes les fondations de la maison aient bougé, sans doute
sous l’action d’une mine.
41 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 14 — Sol 4-3 mis au jour à l’extrémité sud de l’habitation (Photo : David Rakowski) La situation semble plus chaotique dans la partie nord-est du bâtiment. Même si cette
zone n’a pas encore été entièrement fouillée, plusieurs observations peuvent néanmoins
être faites. Au niveau de MR 4-10, plusieurs carreaux de terre cuite reposent sur un
pavement de briques rouges qui se poursuit vers le sud dans un espace situé devant le
bâtiment. Les briques s’effondrent visiblement du côté ouest et montrent des signes de
brûlure (Fig. 15) : le pavement est noirci, et certaines briques se trouvent dans un amas
meuble de débris [US 4-019]. Le sol est tellement meuble qu’il s’effondre rapidement
sous le niveau du sol de l’habitation sur presque 50cm. Il se trouve juste en dessous de
la couche végétale [US 4-002] et se trouve sur plusieurs strates, dont celle de craie pure
[US 4-018] qui s’étend vers le nord-est.
Cette importante accumulation de briques et de blocs de craie [US 4-019] est aussi
couverte de deux couches de terre grise et brune, qui, bien qu’elles aient différentes
couleurs [US 4-016 et US 4-017], montrent un profil similaire (Fig. 15).
42 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 15 — Effondrement et amas de briques dans la partie nord-est de la maison. Les deux niveaux montrant un profil similaire sont visibles sur la droite, au dessus de l’amas de briques
(Photo : Anthony Byledbal)
Même si le mur MR 4-7 semble s’arrêter au niveau du porche « en avant », ses
fondations ont été découvertes au bout de US 4-019. Cependant l’amas de briques et de
blocs de craie semble être seulement présent dans l’espace délimité par les murs MR 4-
7 et 4-9. Néanmoins, les deux couches US 4-016 et 4-017 couvrent cet amas sur toute la
largeur de l’habitation et vont même au-delà du bâtiment, au niveau du porche et au-
delà vers l’extérieur de la ferme.
5.1.3 Conclusion
Les murs gouttereaux en brique rouge se trouvent sur des fondations de blocs de craie.
En élévation, la brique semble avoir été laissée nue sur une grande partie du mur, mais
la partie basse a de toute évidence été enduite de peinture grise, dont des fragments ont
été trouvés surtout le long de MR 4-7, la partie tournée vers l’extérieur de la ferme.
43 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Le pignon sud-est se tient aussi sur des fondations de craie, mais on ne trouve pas de
trace de son élévation. Dans l’espace fouillé, les murs semblent avoir été enduits de
peinture rose, dont plusieurs fragments ont été trouvés. Un petit nombre d’éléments
architecturaux a été trouvé, dont des morceaux de vitre, des supports de gouttière, des
gonds de porte et deux carreaux bruns vernis. Quelques morceaux de céramique
domestique verts et jaunes ont été trouvés.
D’après les plans des archives militaires françaises (référencées plus haut), on sait que
l’habitation avait une cave qui s’étendait presque sous la moitié du sol du bâtiment. Elle
n’a pas été fouillée, une accumulation très meuble de briques et de blocs de craie prouve
son existence, et le sol au dessus de la cave semble s’être effondré. Les mêmes plans
suggèrent que la cave était accessible par les escaliers.
5.2 Les tranchées de combat
Sur la zone décapée, l'étude archéologique a commencé sur trois portions d'anciennes
tranchées (Fig. 16) :
• la tranchée qui traverse l'écurie de la ferme [S4.1] ;
• la tranchée Quémar [S3] ;
• la tranchée (de communication) Le Bihan/Scone Street [S6.0].
44 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 16 — Localisation des trois portions de tranchées fouillées (Anthony Byledbal/Sébastien Pronier. Basé sur un relevé topographique mené par les Royal Engineers et Multi-Limn)
Ces trois tranchées n'ont pas été choisies au hasard. En effet, la présence des entrées des
galeries souterraines justifie la fouille d'une partie des tranchées attenantes. Ainsi,
l'accès à la pente X (X incline) se trouve dans la tranchée Quémar [S3], tandis que l'accès
à la pente W (W Incline) est localisé dans la tranchée Le Bihan/Scone Street [S6.0]. La
tranchée qui traverse l'écurie de la ferme [S4.1] est le témoin des premiers
retranchements réalisés sur le site, au début de la guerre, et fait partie du grand
ensemble de tranchées appelé « l'Îlot ». Contrairement aux autres tranchées, elle n'a pas
reçu de nom propre.
Le développement de ces trois tranchées est assez difficile à suivre dans les documents
d'archive :
• Avant le 24 décembre 1914 : ce sont les Allemands qui tiennent la ferme. Ils ont
déjà creusé une tranchée autour de la cour de la ferme, reliant la cave de l'habitation et
45 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
trois abris situés sous l'écurie. Cette tranchée est connectée à la ligne de front, localisée
au sud-ouest de la ferme (qui pourrait bien être, par la suite, la tranchée Quémar [S3]).
Il pourrait donc s’agir d’une construction allemande ; les recherches dans les archives se
poursuivent pour en déterminer les origines.
• Le 24 décembre 1914 : les Français prennent la ferme et connectent l'ancienne
ligne de front allemande et la tranchée de la cour de la ferme à leurs propres tranchées.
• 10 janvier 1915 : les Français poursuivent les travaux de connexion et une
tranchée est creusée au coin sud-est de la ferme, traversant l'écurie [S4.1] et rejoignant
la tranchée Quémar [S3], la reliant ainsi au système dans la cour ;
• 15 avril 1915 : Les Français ont aménagé une nouvelle tranchée, coupant de part
en part les ruines de la cave de la maison et communiquant avec la tranchée Dohollou
(leur ligne de front), qui occupait une position avancée devant la tranchée Quémar [S3] ;
• 26 mars 1915 : la tranchée Le Bihan [S6.0] est visible sur les relevés français,
connectée à la tranchée Quémar [S3] et à la tranchée de l'écurie [S4.1].
Ces trois tranchées font partie des tous premiers aménagements de défense créés sur le
site après la prise de la position de la ferme par les troupes françaises le 24 décembre
1914. Elles sont ensuite transmises aux Britanniques lors de la relève du secteur à la fin
de juillet 1915. Un exemple d’une tranchée de la ligne de front dans ce secteur à cette
période se trouve à la Fig.17.
46 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 17 – Photographie d’une tranchée de première ligne non-identifiée dans le secteur des « Glory Hole » à la Boisselle (Source: Royal Engineers Museum and Library 4/319 C42 553)
5.2.1 S4.1 — Tranchée de l’écurie Observations
La tranchée S4.1 a été ouverte sur environ 8 mètres de long et faisait environ 75cm de
large et 80cm de profondeur là où elle rejoint Sol. 4-1. Elle relie l'intérieur du corps de
ferme (la cour) à l'extérieur, et a été creusée à travers MR 4-2 et MR 4-2A et le sol de
l'écurie (Fig. 18 et 19). Le mur extérieur de l'écurie n'a pas encore été identifié. La
tranchée se trouve donc en parallèle de MR 4-1, à environ 2,90 mètres de celui-ci.
La tranchée de l’écurie présente trois comblements différents accolés l'un à l'autre :
• Au nord, entre l'écurie et l'habitation, la tranchée est comblée d'un amas de
gravats de craie [US 4-011], qui se retrouve également entre MR 4-2 et MR 4-8 sous le
niveau actuel [US 4-001] ;
47 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
• À l'intérieur de l'écurie et à l'endroit où la tranchée a été percée à travers les
murs MR 4-2 et MR 4-2A, le comblement apparaît moins homogène, composé d'un amas
de briques, de terre brune et de particules de craie [US 4-009] (Fig. 19) ;
• Au sud, à partir de l'extrémité du sol conservé et en direction de la tranchée
Quémar, on retrouve un comblement analogue à celui présent au nord de l'écurie,
essentiellement des gravats de craie [US 4-010].
Fig. 18 — Plan des écuries, de la tranchée des écuries et de l’habitation (Anthony Byledbal/Sébastien Pronier. Basé sur un relevé topographique mené par les Royal Engineers et
Multi-Limn)
48 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 19 — Coupe de la tranchée de l’écurie et sa coupe nord-ouest/sud-est à travers les Sol. 4-1
et 4-2. (Anthony Byledbal/Sébastien Pronier)
Les parois de la tranchée changent en traversant le bâtiment. En effet, à cet endroit, elles
ont été creusées directement dans le sol, sans revêtement particulier, laissant l'argile à
nu. Cependant, quand la tranchée tourne légèrement vers l'est vers l'ancienne tranchée
Quémar, des sacs de sable remplis d'argile et de craie apparaissent de chaque côté. Au
nord de MR 4-2 et de MR 4-2A, ce même revêtement en sacs se retrouve, notamment
sur la paroi orientale, où un jerricane (toujours in situ – provenance actuellement
inconnue) a été trouvé (Fig. 20). Ce dernier semble avoir été placé là volontairement et
a certainement dû contenir de l'eau. Le revêtement de sacs aurait pu être nécessaire
suite à des dommages provoqués par les tirs d’obus. Le sol de la tranchée et le bas de la
paroi, situés sous le jerricane, sont creusés par l'action de l'eau, probablement l'effet
d'une fuite.
49 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 20 — Jerricane découvert dans la paroi de S4.1 (Photo : Brian Powell)
Avec la poursuite de la fouille, 12 fixations de câbles de communication ont été
découvertes dans la paroi orientale de la tranchée, à environ 1 mètre au nord de MR 4-2
(Fig. 21). Ils se trouvent in situ quasiment au bas de la tranchée, à 10 centimètres au-
dessus du sol. D'autres mobiliers ont été retrouvés à l'intérieur du comblement de la
tranchée, essentiellement des balles de fusils d'origines française et allemande.
D'ailleurs, l'ensemble du mobilier provient de ces deux armées. Seul un bouton
réglementaire britannique fait exception.
Interprétation
De part ses dimensions étroites, S4.1 était un boyau de communication. Il reliait ainsi la
tranchée Quémar (anciennement dénommée « N ») aux positions avancées de l'îlot, en
avant des premières lignes françaises. Position stratégique, les Français mirent tout en
place pour garder contact avec leurs lignes arrières, en installant des câbles de
communication. Il est certain que les soldats y passaient du temps, comme le souligne
50 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
l'installation du jerricane dans la paroi de la tranchée qui pouvait ainsi leur fournir de
l'eau.
Fig. 21 — Fixations de câbles de communication situées près de la base bas de S4.1 (Photo : Brian Powell)
Ce boyau semble avoir été percé alors que le bâtiment des écuries, ou du moins ses
murs, était encore debout. Il vient couper à travers les murs intérieur et extérieur nord-
est de l'écurie [MR 4-2 et MR 4-2A], à environ 3 mètres du pignon oriental. Le
comblement de S4.1 indiquerait que la partie des tranchées située à l'intérieur de
l'écurie était remplie avec des briques provenant probablement de l'effondrement des
vestiges du mur MR 4-3.
Si la période de création de ce boyau est attestée par les archives, au début de janvier
1915, il n'y a pas d'informations sur son abandon. S4.1 est probablement remblayé
après la relève britannique puisqu'il n'apparaît plus sur les cartes de tranchées du
51 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
secteur effectuées à partir de février-mars 1916, à la différence des deux autres
tranchées étudiées [S3 et S6.0]. Le travail dans les archives sera poursuivi.
Aujourd'hui, ce boyau est localisé au sud-est de l'un des plus grands cratères de mine
conservés sur le site - d'environ 20m de diamètre. La tranchée pourrait avoir été
détruite lors de l'explosion de la charge qui a formé le cratère.
5.2.2 S3 — Quémar trench
Observations
Les fouilles de 2012 ont repris au niveau du sondage d'octobre 2011 et ont été
poursuivies en direction de l'entrée de la Pente X (X incline). Elles ont ainsi révélé une
portion de près de 10 mètres de la tranchée Quémar ainsi que la jonction avec la Galerie
X (X Gallery). Le sondage de 2011 avait déjà mis en évidence les difficultés pour
retrouver le profil de la tranchée car celle-ci avait été bombardée à maintes reprises. Le
parapet et le parados semblaient constitués de sacs de sable, remplis de gravats de craie
[US 3-004] qui auraient été partiellement mêlés avec les mêmes matériaux [US 3-007]
lors du remblaiement de la tranchée.
La poursuite du dégagement de la tranchée Quémar n'a fait que confirmer les craintes
décelées lors du sondage. Les différences entre le comblement et les parois de la
tranchée sont très difficiles à repérer, la distinction étant seulement visible au niveau du
sol, où des sacs de sable remplis de craie semblent légèrement perceptibles grâce à
l'empreinte du tissu laissée dans l'argile [US 3-009]. Le parapet et le parados sont donc
dans un état précaire, seulement identifiés par un amoncellement de gravats de craie
extrêmement fragile.
Dans son état actuel, la tranchée présente une hauteur conservée de 1 mètre et une
largeur de 70cm à sa base. La largeur au sommet est impossible à donner au vu de l'état
du parapet et du parados (Fig. 22).
52 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Si le sondage avait identifié des éléments en bois, qui semblaient montrer des
modifications le long de la base du parapet, ils n'ont néanmoins pas été retrouvés sur le
reste de la tranchée située au sud-est du sondage. Cependant, plusieurs caisses en bois
semblent avoir été trouvées à la base du parapet, au nord-ouest de la zone de sondage.
Le manque de temps n'a pas permis de poursuivre les fouilles dans cette direction ; elles
seront poursuivies en 2013. La réalisation d'une percée à travers le parapet devrait
permettre de découvrir son épaisseur et de prouver ou non la présence d'une banquette
de tir comblée du premier état de la tranchée. Les caisses (qui sembleraient être des
caisses britanniques de munitions pour des armes légères) pourraient avoir été utilisées
en tant que banquette de tir.
Fig. 22 — Vue de la tranchée Quémar en direction de l’accès à la Pente X (X Incline) (Photo : Anthony Byledbal)
53 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Peu de mobilier archéologique a été retrouvé dans cette partie du site en dehors des
munitions françaises et britanniques habituelles. Les trouvailles les plus intéressantes
restent les fixations métalliques, dont une est toujours en place dans le parapet de la
tranchée, à près d'1 mètre de l'entrée de la Pente X (X Incline) et qui pourrait avoir servi
pour maintenir un câble de communication (Fig. 23). Cependant, elle a pu avoir
plusieurs fonctions puisqu'un fragment de grillage en métal a aussi été retrouvé. Au vu
de la fragilité des parois de la tranchée, le parapet et/ou le parados pourrait avoir été
renforcé en plaçant ce grillage directement sur les sacs de sable et en l’ancrant dans la
paroi de la tranchée avec des étais maintenus par des fixations en métal.
Fig. 23 — Fixation présente au bas du parapet de S3. (Photo : Anthony Byledbal) Interprétation Le mauvais état de conservation du profil de la tranchée est à mettre sur le compte des
bombardements fréquents aux Glory Hole et à la proximité avec les lignes adverses (à
54 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
peine une trentaine de mètres). Il est certain que la tranchée Quémar a été souvent
touchée par les tirs de grenades, d'obus et de mortiers.
La fouille de cette zone n'a pas permis de révéler des aménagements à l'intérieur de la
tranchée, à l'exception des caisses en bois. Le parapet et le parados, réalisés en sacs de
sable remplis de gravats de craie, paraissent avoir été maintenus grâce à un grillage
métallique. Toutefois, ce système ne semble pas être utilisé sur toute la longueur de la
tranchée. En effet, une seule fixation a été retrouvée à proximité de l'entrée de la Pente
X (X Incline). S'agit-il d'une réparation de fortune après qu'un bombardement ait touché
le parapet ou la tranchée était-elle réellement aménagée de la sorte ? Pour l'instant, il
est impossible de le dire. La jonction avec l'entrée de la Pente X (X Incline) ne présente
pas d'intérêt particulier - seulement un petit escalier de deux marches, chacune
d’environ vingt centimètres de haut, réalisées en sacs de sable [Cf. Accès à la Pente X (X
Incline)]. Aucun revêtement n’a été découvert à cet endroit. Il est à espérer que l’entrée
pourra être étudiée complètement en 2013.
Le travail se poursuivra le long de la tranchée, pour comprendre sa condition précaire
et pour étudier son lien avec la tranchée de l’écurie.
5.2.3 S6 — Tranchée Le Bihan/Scone Street
Observations
Fouillée sur plus de 10 mètres de long, la tranchée Le Bihan/Scone Street [S6.0] est la
mieux conservée des trois tranchées étudiées. Elle a été creusée directement dans la
strate naturelle crayeuse [US 6-001], si bien que le parapet et le parados sont
extrêmement bien conservés. La portion dégagée se trouve au sud-est de l'entrée de la
Pente W (W Incline), en direction des anciennes lignes arrières et de la ville d'Albert. La
tranchée conserve une hauteur entre 1 et 1,30 mètre, une largeur de 76cm à sa base et
de 1,45m à son sommet (Fig. 24).
La tranchée a facilement été repérée au décapage, grâce à son comblement homogène
de gravats de craie [US 6-002], quasiment le seul matériau retrouvé dans la tranchée.
Des sacs de sable [US 6-003] ont été découverts à même le sol de la tranchée (Fig. 25),
55 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 24 — Vue de la tranchée Le Bihan/Scone Street vers l’accès de la Pente W (W Incline)
(Photo : Anthony Byledbal)
apparemment disposés au hasard, entre l'entrée de la Galerie W (W Gallery) et un
renfoncement, situé dans la paroi orientale de la tranchée. Ceux-ci seraient
probablement une trace de travaux de remblayage.
Situé à environ 5 mètres de l’entrée de la Pente W (W Incline), un renfoncement [S6.1] a
été mis au jour. Creusé dans le mur nord de la tranchée, il forme un carré dont les côtés
mesurent environ 75cm. Il ressemblerait à un puisard, descendant en dessous du niveau
du sol de la tranchée (Fig. 26 & 27). Le fond est à 1,25m en dessous du niveau de S6.0 et
56 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
sa hauteur préservée est de 2,5m du sommet de la tranchée. Il était rempli du même
matériau que S6.0 et ne contenait aucun mobilier.
La tranchée a, quant à elle, livré un peu plus de matériel. Hormis les traditionnelles
boîtes de conserve en métal, un très beau pot de confiture de marque « Reine Claude »,
des munitions françaises et britanniques et quelques objets de la vie quotidienne sont
apparus, dont un couteau et une cuillère, dont le manche était enveloppé dans un
morceau de journal français.
Fig. 25 — Coupe nord-ouest/sud-est de S6.0. (Anthony Byledbal)
57 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 26 — Vue de S6.1 depuis le sol de S6.0. (Photo : Anthony Byledbal)
58 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 27 — Vue verticale de S6.1 sous le niveau de S6.0. (Photo : Anthony Byledbal)
Fig. 28 — Calvaire en craie mis au jour dans la tranchée 6.0. (Photo : Anthony Byledbal)
59 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
La plus intéressante découverte fut celle d'un petit calvaire gravé dans un bloc calcaire
d'environ 14 centimètres de haut et 10 centimètres de large (Fig. 28). Celui-ci
représente une croix latine, dont le contour a été retracé au crayon de bois, avec la
mention : « CALVARY» [CALVAIRE] (inscrite au crayon de bois) sur la branche
horizontale de la croix. Une autre inscription — « CHRIST GIVETH LIFE» [LE CHRIST
DONNE LA VIE] est apposée dans la branche verticale, tandis que la phrase « God is
love» [DIEU EST AMOUR] se trouve à gauche de la croix. Ce bloc, trouvé dans la partie
inférieure du comblement [US 6-002], est un rare indice d'une vie spirituelle au cœur
des combats sur le site des Glory Hole.
Aucun aménagement intérieur n'a été retrouvé lors de la fouille. Le sol ne paraît pas
être recouvert de caillebotis, à moins qu'ils n'aient été retirés. Le parapet et le parados
n'étaient sans doute pas renforcés par des sacs de sable ou des fascines, puisque la craie
était assez dure pour être laissée à nu. Le renfoncement/puits est le seul élément
présent. Ce pourrait être un puisard qui aurait servi à recueillir les eaux en cas de fortes
pluies dans la tranchée. Le sol de la tranchée est légèrement courbé vers le nord, et des
observations après de fortes pluies durant les fouilles ont en effet bien montré que l'eau
s'écoulait dans les deux directions vers le ‘puisard’. Le puisard était une caractéristique
omniprésente dans les tranchées.
5.2.4 Conclusion
Conçues pour des objectifs différents, les trois tranchées fouillées ne présentent que peu
de similitudes. Il reste beaucoup à tirer de chacune d'elle. La tranchée la mieux
conservée est sans nul doute la tranchée Le Bihan/Scone Street. La poursuite des
fouilles devrait également révéler des dommages liés aux explosions.
Si le travail a commencé dans les trois tranchées, il doit être poursuivi en 2013 en
ciblant notamment le lien entre ces trois tranchées.
60 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
5.3 Le système souterrain
A ce jour, les parties accessibles du réseau souterrain s'étendent à partir de trois
entrées de tunnels britanniques (Fig. 29), chacune ayant été mise au jour :
• L’entrée de la Pente X (X Incline) [S1.0] ;
• L’entrée de la Pente W (W Incline) [S7.0] ;
• L’entrée de la Galerie W (W Adit) [S2.0].
En sous-sol, ces trois tunnels rejoignent la Chambre du Puits W (W Shaft Chamber)
[S2.1] situé à 9 mètres sous le niveau du sol, où un puits vertical de 15 mètres mène aux
galeries des niveaux inférieurs.
Fig. 29 - Localisation des trois accès en sous-sol et de la chambre S5 attenante au tunnel W (Anthony Byledbal/Sébastien Pronier. Basé sur un relevé topographique mené par les Royal
Engineers et Multi-Limn)
61 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
5.3.1 S1.0 — Pente X (X Incline)
Observations Le sondage d'octobre 2011 avait permis d'identifier une portion de 5 mètres de l'entrée
présumée de la Pente X (X Incline). Bien qu'aucune trace de sa jonction avec la tranchée
Quémar n'ait été trouvée, la présence d'un boisage plus important au niveau de la coupe
sud-est du sondage laissait supposer qu'il s'agissait des premiers mètres du tunnel.
L'entrée, creusée dans le parapet de la tranchée, semblait se trouver plus en retrait.
Les fouilles de 2012 ont donc repris à cet endroit. L'entrée de la Pente X (X Incline) a
rapidement été mise au jour à seulement 60cm derrière la coupe sud-est du sondage. La
fouille a permis de dégager la première marche d'accès, dont la coupe a déjà été étudiée
lors du sondage. Le niveau d'occupation a ainsi été immédiatement repéré [US 1-007] et
se retrouve sur la seconde marche ainsi que dans le reste de la galerie. Toute l'entrée a
été nettoyée et présente donc deux marches, réalisées avec un empilement de deux sacs
de sable, renforcées à leur extrémité par une planche de bois. La poursuite des fouilles
sera nécessaire à cet endroit afin de révéler une vue d’ensemble de l’association entre
tunnel et tranchée.
62 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 30 – Trous laissés dans le sol de la Pente X (X Incline) où les étais ont pourri. Des fragments
des deux « pieds » ont survécu. (Photo : Anthony Byledbal)
Le tunnel s'enfonce en pente, présentant une inclinaison d'environ 15°. Douze trous de
poteau ont été identifiés, six de chaque côté du tunnel, d'un diamètre d'environ 15 à 20
centimètres. On trouve ainsi TP-11 et TP-11A au bas de la première marche, à 68cm du
sol de la tranchée, ainsi que TP-12 et TP-12A au bas de la deuxième marche, à 90cm du
bas de la première marche. Ensuite, 1,20 mètre sépare TP-12/TP12A de TP-13/TP-13A.
Cette distance est ensuite conservée entre chaque nouvelle série de trous de poteau,
jusqu'à la dernière référencée pour l'instant [TP-16/ TP-16A]. Le comblement de ces
trous de poteau se composait essentiellement de particules de craie extrêmement
meuble avec une forte présence de fragments de bois [US 1-013, 1-015, 1-017, 1-019, 1-
021, 1-023, 1-025, 1-027, 1-031, 1-033, 1-037 et 1-039]. D'ailleurs, des étais latéraux en
63 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
bois étaient toujours en place lors de la fouille, mais ce sont rapidement désagrégés à
l'air libre. Néanmoins, ils présentaient tous des mesures identiques, d'une largeur,
hauteur et épaisseur conservées de 9 centimètres. Leur longueur devait être d'environ
1,30 mètre, même si cette mesure n'est qu'une hypothèse puisqu'aucun étai n'a été
retrouvé intact.
Le comblement des trous de poteau présente des similitudes avec d'autres US de trois
petites percées [US 1-029, 1-035, 1-041], creusées dans la largeur de la Pente X (X
Incline) et reliant deux trous de poteau [TP-14/TP-14A, TP-15/TP-15A, TP-16/ TP-
16A]. Ces percées [Tr. 11, Tr. 12 et Tr. 13] paraissent avoir été aménagées à travers une
couche de remblai et peut-être au niveau même du sol de la Pente X (X Incline), qui n'a
pas encore été atteint (Fig. 30). En effet, la fouille s'est arrêtée au niveau d'occupation
[US 1-007]. D'une longueur de 1,10 mètre, d'une largeur et d'une profondeur de 15
centimètres, ces percées recevaient une traverse en bois, venant certainement renforcer
la base des deux étais verticaux en bois présents de chaque côté du tunnel. Ce motif
correspond à la base à des concepts présentés dans des publications d’avant-guerre du
British Military Engineering (Fig. 31).
La fouille s'est poursuivie le long de la pente de la galerie, en suivant le niveau
d'occupation. D'autres trous de poteau ont été identifiés, mais n'ont pas encore été
vidés. La Pente X (X Incline) présente une longueur de 20,55 mètres jusqu'à la chambre
souterraine [S1.1], située au bas de la descente, une largeur de 1,10 mètre et une
hauteur d'environ 1,50 mètre. Les proportions d'origine, déjà restituées lors du
sondage, ont été confirmées avec une largeur intérieure de 1 mètre pour une hauteur
intérieure de 1,30 mètre.
64 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 31 - Un exemple d’étaiement de mine semblable à ceux employés dans la Pente X (X Incline) (Source : Military Engineering (Part IV) Mining and Demolitions, General Staff, War
Office, London, 1910 (Reprinted 1915))
65 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
5.3.2 S1.1 — Chambre souterraine au bas de la Pente X (X Incline)
Observations
En bas de la Pente X (X Incline), à 20,55 mètres de sa jonction avec la tranchée Quémar,
s'ouvre une chambre de forme rectangulaire de 4,40 mètres de long sur 2,20 mètres de
large (Fig. 32). Le plafond forme à cet endroit une voûte qui paraît naturelle, c'est-à-dire
en lien avec des effondrements postérieurs à l'utilisation de la chambre et du réseau
souterrain. Le plafond de la chambre forme une « cloche » naturelle, un phénomène
géographique caractéristique surtout dans de la roche friable fracturée comme la craie.
La hauteur de la pièce atteint, en son centre, pratiquement 2 mètres. À l'origine, le
plafond de la pièce aurait pu être horizontal et d'une hauteur moins importante, de
l'ordre de 1,60 à 1,70 mètre. Une couche de gravats de craie comblait la pièce sur la
moitié de sa hauteur, dont une partie provenait du plafond. Une partie des gravats
semblerait provenir d’un remblai délibéré puisqu’il y aurait plus de gravats dans la
chambre et dans la Pente que ce qui pouvait tomber du plafond.
Deux galeries partent de la chambre. Un premier tunnel [S1.2], percé au niveau de la
paroi orientale, descend en pente raide. Il est comblé sur plus de la moitié de sa hauteur
et se termine en cul-de-sac. Une seconde galerie [S1.3], creusée depuis la paroi
occidentale, serait un tunnel transversal creusé pour relier la Pente X (X Incline) à la
Pente W (W Incline). Celui–ci est également comblé, mais sur une hauteur moins
importante.
66 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 32 - Plan de la chambre souterraine S1.1 (David Rakowski)
Dans la chambre, plusieurs aménagements ont été préservés et sont restés en l'état. Les
sacs remplis de craie [US 1-047] ont été méthodiquement empilés les uns sur les autres
tels des briques pour former volontairement cette structure d'une hauteur de 50cm,
suivant de près la paroi orientale de la chambre. Ces sacs de sable suivent d’abord la
ligne orientale de la Pente X (X Incline) puis la paroi de la chambre. Ce mur ne prend pas
appui contre la paroi et un espace d'environ 15cm, rempli de particules de craie et de
67 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
résidus de bois [US 1-048], les sépare. Les fouilles se poursuivent à cet endroit ; la
chambre est fragile mais dans un état de conservation exceptionnelle. La pièce semble
être séparée en deux par une paroi centrale en bois, ancrée dans le sol grâce à deux
poteaux également en bois. Seule la partie au nord de cette paroi a été entièrement
fouillée en direction de S1.2. La partie sud a été laissée en place, car non seulement les
gravats [US 1-046] tiennent la paroi en bois, mais aussi à cause d’un long tuyau en
caoutchouc très fragile enroulé sur lui-même et entreposé sur le sol, empêchant de
fouiller plus en avant. Un essieu en fer avec deux roues en caoutchouc est également
posé à ses côtés. La chambre a livré du mobilier en plus grand nombre. Une boîte carrée
en métal, contenant plusieurs autres petites boîtes de conserve, a été découverte le long
du mur en sacs de sable. Une épingle à nourrice, une bougie et un petit couteau de poche
ont également été mis au jour. La fouille et l'étude de cette chambre se poursuivront
lorsqu’un éclairage électrique plus adapté sera mis en place.
5.3.3 S7.0 — Pente W (W Incline)
Observations
La Pente W (W Incline) est un tunnel qui descend en pente raide à 9 mètres sous le
niveau du sol et qui donne sur une chambre, la chambre du Puits W (W Shaft Chamber)
[S2].
L’entrée de la Pente W (W Incline) était située dans un virage de la tranchée Le
Bihan/Scone Street [S6] et a été localisée en fouillant cette tranchée vers le nord et
suivant son profil. La communication entre la tranchée et la Pente W (W Incline) se fait
sans aucune transition visible au sol, si bien que le tunnel plonge rapidement sous la
surface à une inclinaison, assez impressionnante, de près de 20° (Fig. 33). L’entrée fut
probablement couverte à une époque d’une sorte de plafond blindé.
68 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 33 - Vue de l’entrée de l’accès incliné W depuis le sous-sol (Photo : Anthony Byledbal)
Il semblerait que la Pente W (W Incline) ait été comblée de gravats de craie en même
temps que la tranchée Le Bihan/Scone Street puisque les strates du dessus ne
présentaient aucune perturbation et que le comblement intérieur de la galerie n'avait
pu être distingué de celui de la tranchée de combat [S6].
A la jonction entre la tranchée et l’entrée de la Pente W (W Incline), seuls deux trous de
poteau [TP 7-1/TP 7-1A] ont été identifiés, un de chaque côté du mur de la pente. Des
fragments d’étai in situ [US 7-008 and 7-010] montrent la présence d’étais verticaux.
1,20 mètre devant ce point [TP 7-2/TP 7-2A], une boite en bois, gainée de plomb, a été
69 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
découverte contenant des pains d’explosif britanniques (Fig. 34). Dans les remblais ont
aussi été trouvés deux grenades et un petit obus d’artillerie.
Fig. 34 - Caractéristiques techniques d’un pain d’explosif (Rik Bennett/Anthony Byledbal)
70 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 35 - Comblement comprenant des sacs de sable [US 7-005] à l’intérieur du W Incline (Photo : David Rakowski)
La largeur de la Pente W (W Incline) est bien plus grande que celle de la Pente X (X
Incline) (1,09 mètre). La galerie mesure 1.15 mètre à l’ouverture et s'élargit au fur et à
mesure de sa descente pour atteindre une largeur conservée de 1,40 mètre à 4 mètres
de son entrée. Elle conserve une hauteur nettement supérieure à la Pente X (X Incline)
avec 1,86 mètre.
À l'intérieur de la galerie, deux comblements ont été distingués :
• le premier se compose de gravats de craie riches en objets [US 7-001], qui
obstruaient complètement l'accès. Il s’agit du même matériau utilisé pour remblayer la
tranchée Le Bihan/Scone Street;
71 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
• le second remblai semble identique à celui du dessus puisqu'il présente
également des gravats de craie, à la seule différence qu'il est plus compact [US 7-005].
Cette strate comporte également de nombreux sacs de sable fragmentaires ou intacts
(Fig. 35).
Cette superposition de comblement n'a toutefois pas été identifiée sur les trois premiers
mètres de l'accès incliné. Ainsi, l'US 7-001 recouvre une strate extrêmement compacte
de craie [US 7-004] qui semble être un niveau d'occupation. La poursuite de la fouille
devrait révéler la présence d'une autre strate de gravats plus compacts, localisée
directement sous l'US 7-004, permettant de mettre au jour le niveau du sol du tunnel.
D'autres trous de poteau ont été repérés et seront à vider pour en apprendre davantage
sur le mode d'étayage de la galerie et le comparer avec la Pente X (X Incline). Deux
graffitis ont également été identifiés, l'un représentant une figure géométrique, le
second, la lettre « N » (Fig. 36). Ils nécessiteront un relevé complet lors des prochains
travaux.
72 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 36 - Graffitis sur les parois de l’accès W Incline (Photo : David Rakowski)
Le mobilier découvert trahit l'intense activité à l'intérieur du système souterrain. Ainsi,
une collection importante d'outils a été mise au jour comprenant un seau, une équerre,
une pioche, trois burins (en pierre), un ciseau à bois et deux clefs à mollette. Du matériel
plus personnel est également apparu comme une gourde, des fragments de tissus,
différentes parties d'un ou plusieurs masques à gaz ainsi que le pied d’une botte en
caoutchouc réglementaire britannique.
Une forte décoloration des parois de la galerie résultant de l’évacuation de fumée de
bougies, des explosions et d’autres activités humaines suggérerait que la Pente W (W
Incline) aurait été la principale voie de passage avant l’instauration de la Galerie W (W
Adit) en mars 1916.
73 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
5.3.4 S5 — Chambre de ventilation (Fig. 37)
Observations
À environ 2 mètres de l'entrée de la Pente W (W Incline) se trouve un accès vers une
chambre souterraine aménagée dans la paroi nord. Afin d’assurer la sécurité des
chercheurs, le plafond de la chambre a été complètement retiré à la pelle mécanique. En
effet, il présentait des signes de faiblesse dus à la craie de surface plus friable.
Fig. 37 - Plan de la jonction entre la tranchée Le Bihan/Scone Street et l’accès W Incline, ainsi que de la chambre de ventilation (Anthony Byledbal/Sébastien Pronier. Basé sur un relevé
topographique mené par les Royal Engineers et Multi-Limn.)
74 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 38 - Photographie de la jonction entre la tranchée Le Bihan/Scone Street et l’accès W Incline,
ainsi que de la chambre de ventilation (Photo : Peter Barton)
La partie principale de la chambre présente un plan de forme rectangulaire irrégulière
de 2 mètres de long sur 1,53 mètre de large (Fig. 39). Dans la paroi sud-ouest, un
renfoncement de 1,77 mètre de long et de 0,82 mètre de large a été découvert. Il est
difficile de juger de la hauteur d'origine mais celle-ci aurait pu être d’environ 1,60
mètre. Si le sol de la pièce est parfaitement horizontal, celui du renfoncement s'élève
peu à peu de 10cm.
75 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Il semble que l'étayage de la pièce n’ait pas été prioritaire. Aucun trou de poteau n'a été
creusé pour ancrer les étais dans le sol qui sont encore fixés dans les parois. Cette
installation n'est visible que dans la paroi nord-est de la chambre où elle accueille deux
étais distants de 0,50 mètre. Deux étais supplémentaires se trouvent de part et d'autre
de l’entrée du renfoncement, espacés de 0,70 mètre. Enfin, deux autres on été
découverts au fond du renfoncement, l'un sur la paroi orientale et l'autre sur la paroi
occidentale, à 61cm l'un de l'autre. Des fragments de bois préservés indiquent des étais
assez conséquents, d'une largeur de 20 centimètres sur 10 centimètres d'épaisseur. Il
est possible que les matériaux de couverture d’origine ainsi que les boisages les plus
lourds aient été récupérés, soit suivant la progression de la bataille en 1916, soit après
la guerre par les habitants.
Fig. 39 - Vue de la chambre S5 depuis le renfoncement de la paroi méridionale (Photo : Anthony Byledbal)
76 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Le mur sud-est n’est pas droit et semble avoir été coupé pour aménager une sorte de
passage, car à cet endroit le renfoncement rejoint l’éperon de la tranchée Scone Street
amenant vers la Pente W (W Incline). Ainsi, la chambre pourrait avoir deux entrées. La
première par une ouverture d’un mètre de large située dans le coin est du mur de la
chambre, rejoignant la Pente W (W Incline). Le second (Fig. 40) aurait pu être dans le
« toit » à l’extrémité sud-est du renfoncement, donnant un accès direct dans la tranchée
Scone Street.
Fig. 40 - Le renfoncement sud-est de la Chambre de Ventilation. L’accès pouvait se faire par le toit. (Photo : Anthony Byledbal)
La fouille a permis de révéler un comblement homogène de l'intégralité de la chambre
[US 5-004] avec des gravats de craie, des particules de bois et des fragments d'étais en
77 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
bois provenant certainement de l'étayage du plafond. Il s'agit très certainement de la
même strate de comblement qui a permis de remblayer la Pente W (W Incline) [US 7-
001] et la tranchée Le Bihan/ Scone Street [US 6-002].
Le mobilier est assez important pour une zone aussi petite. Une deuxième caisse de
pains d'explosif a été mise au jour dans le renfoncement de la chambre. À ses côtés, un
essieu métallique avec deux roues en caoutchouc, similaire à celui qui avait déjà été
retrouvé dans l'autre chambre souterraine [S1.1], au bas de la Pente X (X Incline).
Plusieurs tuyaux à air métalliques, ainsi que des fragments de tuyaux blindés ont
également été mis au jour dans la partie sud-ouest de la chambre
D'autres objets plus communs ont été découverts comme des munitions britanniques et
des boites de cartouches ou encore des fragments d'une grenade. Le plus surprenant
reste la découverte de trois bijoux : une bague en aluminium, décorée d'un trèfle et
d'une tête de serpent, ainsi que deux broches très ouvragées, l'une de forme carrée,
l'autre ronde.
5.3.5 S2 — La Chambre du Puits W et la Galerie W (W Shaft Chamber et W Adit)
5.3.5.1 La Chambre du Puits W (W Shaft Chamber)
Au fond de la Pente W (W Incline) se trouve un espace complexe comprenant la
chambre du puits W (W Shaft Chamber) et l’intersection de deux tunnels venant de la
surface, la Pente W (W Incline) et la Galerie W (W Adit). La Galerie W (W Adit)
communique avec la chambre sous le niveau de la Pente W (W Incline), ce qui a
provoqué un effondrement de son sol. La portion restante de la Galerie W (W Adit) a été
reliée à la chambre du puits W (W Shaft Chamber) en faisant une percée dans sa paroi
nord-est. Entre l’intersection de la Pente W (W Incline) et la Galerie W (W Adit) et
l’ouverture donnant sur la chambre du puits W (W Shaft Chamber), un pilier de craie est
préservé.
78 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Des recherches dans les archives suggèrent que la Galerie W (W Adit) aurait été creusé
dans une mauvaise direction, la galerie devant ouvrir sur la chambre à partir du
quadrant nord-ouest (Fig. 41 et 42). Une fois l’erreur constatée, il était probablement
trop tard pour la corriger. La Galerie W (W Adit) coupait non seulement à travers le sol
de la Pente W (W Incline) mais laissait aussi un pilier de craie dangereux dans la
chambre du puits. Des trous de poteaux dans les parois de la Galerie W (W Adit) laissent
supposer qu’un pont devait traverser la brèche ouverte dans le sol de la Pente W (W
Incline).Cette zone sera complètement sondée pendant l’hiver 2013.
Lors des premières recherches, le plafond paraissait très instable et une partie était déjà
tombée, recouvrant le sol jusqu’un mètre de hauteur et entourant entièrement le puits
vertical. L’approche du puits était impossible sans cordes et harnais de sécurité. Ainsi,
par mesure de sécurité, un travail d'étayage a dû être entrepris. Des étais et une
armature métalliques ont été fabriqués et installés pour soutenir le plafond afin de
sécuriser les abords du puits (Fig.44). De plus, un renfort de béton armé s’imposait sur
le pilier de craie (Fig.43). Pour ça, il fallait évacuer une grosse quantité de débris de la
chambre. Pendant ce processus, des objets similaires à ceux trouvés dans les Pentes X et
W (X Incline et W Incline) ont été mis au jour dont des outils, des boîtes de conserve, des
bougies, un jerricane contenant de l’eau, un insigne de casquette du Notts. and Derby
Regiment, un sac de caoutchouc pour explosifs contentant du ciment. Les vestiges de
deux treuils ont été découverts ; un petit improvisé avec l’essieu d’un chariot de mine a
été trouvé à l’extrémité de la Pente W (W Incline) dans un renfoncement au-delà du
puits, tandis qu’un treuil plus grand a été trouvé dans le renforcement formé par la
continuation de la Galerie W (W Adit). Ces deux exemplaires étaient dans un mauvais
état de préservation.
79 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 41 – Le plan de mine de la 179ème Compagnie de Tunneliers montrant la direction voulue de la Galerie W (W Adit) de la surface vers le Puits W (W Shaft). (Source : National Archives
WO153/904 Royal Engineers, Somme Mining plans Fourth Army)
80 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 42 – Le plan de mine de la 179ème Compagnie de Tunneliers montrant la direction réelle de la Galerie W (W Adit) de la surface vers le Puits W (W Shaft). (Source : National Archives
WO153/904 Royal Engineers, Somme Mining plans Fourth Army)
81 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 43 - Vue des travaux de renfort sur le pilier central à l’intérieur de la chambre du puits W (Photo : Iain McHenry)
82 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
Fig. 44 - Vue de l’installation de la cage métallique à l’intérieur de la chambre et au-dessus du puits W (Photo : Jeremy Banning)
5.3.5.2 Galerie W (W Adit)
Suite au sondage d'octobre 2011, une section de 20 mètres de long de la Galerie W (W
Adit) avait été dégagée. Le travail a repris à cet endroit et jusqu'à la chambre du puits W
(W Shaft Chamber) [S2.1]. Le dégagement du sol du tunnel n'a pas permis de retrouver
la continuation des supports de rails en bois mais ce travail est à poursuivre. A
l’approche de la chambre du puits, la pente s'adoucit et redevient horizontale en
passant à côté de la chambre du puits W (W Shaft Chamber). A cet endroit, cependant,
les traces de deux rails en bois sont encore perceptibles.
83 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
5.3.5.3 Le Puits W (W Shaft)
Le puits W (W Shaft) a fait l’objet de descentes, d’une exploration initiale ainsi qu’un
relevé au laser des 24 mètres du réseau souterrain. Les fouilles archéologiques ne
commenceront qu’après l’installation d’un éclairage électrique adapté.
5.3.6 Conclusion
Les découvertes dans le réseau souterrain peuvent être mises en comparaison avec les
archives du développement du système souterrain britannique. En septembre 1915, les
Pentes W et X (W Incline et X Incline) sont creusées en pente raide dans une tentative
d’atteindre la profondeur à laquelle les Allemands percent à travers le no man’s land. A
9 mètres de profondeur, il est décidé que les mineurs allemands se trouvent trop loin
sous la surface pour être atteints au moyen d’un tunnel incliné. La Pente X (X Incline) est
définitivement abandonnée et une petite chambre est créée à l’extrémité de la Pente W
(W Incline) d’où un puits vertical, le puits W (W Shaft), descend sur 15 mètres de plus.
Au fond de ce puits, à 24 mètres de profondeur, des tunnels sont percés pour aller à la
rencontre des mineurs allemands, et autour de ce niveau des charges de mines de tailles
variées sont déclenchées par les Allemands et les Britanniques, entrainant des pertes,
surtout du côté britannique. Néanmoins les mineurs britanniques ont pu développer un
vaste système souterrain d’abord à 24 mètres sous le niveau du sol et ensuite à 30
mètres de profondeur. Dans un premier temps, les gravats sont remontés à la surface en
passant par le puits W (W Shaft) et la Pente W (W Incline), mais en mars 1916, la
179ème Compagnie de Tunneliers perce un deuxième tunnel en pente à partir de la
surface jusqu’à la chambre du puits W (W Shaft Chamber). Il s’agit de la Galerie W (W
Adit).
Les Pentes X et W (X Incline et W Incline) montrent l’état des combats souterrains en
septembre 1915, au moment où le Britanniques venaient seulement de prendre la
relève des ingénieurs français. Les dimensions seraient probablement le reflet des
pratiques françaises et peut-être de l’utilisation de boisage français. Il semblerait que
des galeries inclinées similaires aient été construites par les ingénieurs français dans la
partie orientale du secteur. En comparaison avec les Pentes X et W (X Incline et W
Incline), la Galerie W (W Adit) est construite à plus grande échelle et sur une pente bien
84 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
moins raide. Ceci serait en premier lieu en raison du puits qui élimine le besoin de
gagner rapidement de la profondeur et en deuxième lieu afin de faciliter l’enlèvement
des gravats au moyen de petits chariots à roues. Ceci reflèterait à la fois l’acquis
d’expérience des Britanniques et la rupture des compagnies de tunneliers entièrement
civiles avec la formation d’avant-guerre dans les techniques minières. Le boisage dans
les Pentes X et W et la Galerie W (X Incline, W Incline et W Adit) est discontinu, un reflet
de la résistance structurale de la craie et de la pratique bien documentée des
Britanniques de n’installer un boisage qu’aux endroits où celui-ci serait nécessaire
plutôt que de boiser de façon systématique et serrée, telle la pratique allemande.
L’empilement des gravats dans des sacs de sable dans la Pente W (W Incline) à
l’intersection avec le tunnel transversal vers la Pente X (X Incline), a probablement été
décidé afin d’optimiser un tunnel hors d’usage, évitant ainsi de sortir des sacs du
système et éventuellement mettre ces mêmes sacs à disposition pour le bourrage des
charges de mine dans des délais rapides. Des graffitis dans la Pente W (W Incline) ont
été identifiés comme étant dessinés par des membres du 11ème Bataillon du Border
Regiment, une unité britannique connue pour avoir fourni des équipes d’enlèvement de
gravats à la 179ème Compagnie de Tunneliers en mars 1916 [NA WO95/2403].
La galerie reliant la Pente X (X Incline) à la Pente W (W Incline) aurait eu plusieurs
fonctions. D’abord, elle formait une galerie transversale défensive d’où on pouvait
entendre les signes d’activité minière allemande ; ensuite, elle fournissait une
ventilation naturelle ; et enfin, elle faisait office de sortie de secours de la chambre du
puits W (W Shaft Chamber) si l’entrée de la Pente W (W Incline) était bouchée (comme
ce fut le cas suite à une détonation de mine allemande le 22 novembre 1915). Un
changement de niveau à peu près au milieu de la galerie indique qu’elle a été creusée en
partant des deux extrémités, le point de rencontre prévu n’étant pas parfaitement
étudié.
Il y a peu de doutes que dans la chambre [S5] au sommet de la Pente W (W Incline), il
devait y avoir un grand soufflet à air manuel qui servait à envoyer de l’air au plus
profond du réseau souterrain. La structure date probablement du perçage du puits W
(W Shaft) qui aurait nécessité l’envoi d'air jusqu’à 24 mètres de profondeur pendant la
85 Rapport Archéologique du La Boisselle Study Group : 2012
phase de développement. Un rapport britannique sur une détonation de mine
allemande le 22 novembre 1915 fait état d’une chambre de ventilation au sommet de la
Pente W (W Incline). [NA WO95/244]. Bien qu’aucune trace du soufflet à air n’ait été
retrouvée, la forme et les dimensions se conforment à un croquis dans les archives
britanniques d’un soufflet à air à cadre fixé dessiné par la 179ème Compagnie de
Tunneliers [NA WO158/130] (Fig. 45). Le renfoncement assure à l’opérateur à la fois un
siège et une protection puisqu’un creux lui permettait de mettre la tête et le torse
(Fig.46).
Fig. 45 – Croquis d’un soufflet et plan de montage conçus par la 179ème Compagnie de Tunneliers, probablement utilisé dans S5 (Source: National Archives WO158/130 GHQ Mining
Notes (Mining Note No. 32, 23/7/1916)).
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Fig. 46 – Chambre de ventilation S5. Un volontaire prend la position utilisée par l’opérateur du
soufflet sur le siège du renfoncement (Photo : Jeremy Banning)
Ce même rapport établit que la chambre de ventilation s’est effondrée suite à une
détonation allemande mais que l’opérateur a pu en être sorti vivant. L’accès par le
tunnel de la tranchée Scone Street jusqu’au renfoncement pourrait dater de cet
événement, le tunnel ayant été creusé afin de faciliter les secours. Il a pu être conservé
pour être utilisé comme sortie de secours. Ce tunnel aurait aussi pu être l’accès
principal d’origine de l’opérateur à la chambre, sachant que le soufflet à air devait
remplir entièrement l’espace. Afin d’offrir une protection contre les tirs ennemis, la
chambre de ventilation était probablement couverte de rails d’acier, de sacs de sable, de
gravats de craie, de terre et d’une sorte de tôle.
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Fig.47 – Soufflet construit selon les plans de la 179ème Compagnie de Tunneliers placé in situ
dans la Chambre de ventilation S5 (Photo : Peter Barton)
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Etant donné la très grosse quantité de gravats qui devait être remontée par la Pente W
(W Incline), le tunnel est très petit et sur une pente raide. Il est probable que la chambre
du puits W (W Shaft Chamber) n’ait été élargie que lors de la construction de la Galerie
W (W Adit) et qu’avant cette date les gravats auraient été gérés dans un espace très
réduit au sommet du puits. Des deux treuils trouvés dans la chambre du puits W (W
Shaft Chamber), il est probable que le plus petit des deux, trouvé à l’extrémité de la
Pente W (W Incline) ait été utilisé au début. Une fois la Galerie W (W Adit) terminée et la
chambre élargie, le plus grand treuil, mis au jour dans le renfoncement formé par la
continuité de la Galerie W (W Adit), aurait été mis en service. Le renfoncement devait
probablement accueillir un treuil et l’équipe qui le maniait.
La zone comprenant la chambre de ventilation, le sommet de la Pente W (W Incline) et
peut-être même une section de la tranchée Le Bihan/Scone Street pourrait avoir été
blindée contre les tirs ennemis et même contre des conditions météorologiques
défavorables.
Suite à la prise de La Boisselle par les troupes britanniques au début de juillet 1916, ce
réseau souterrain n’avait plus d’utilité et l’on peut concevoir qu’il ait été abandonné.
Aucune preuve d’occupation après 1916 n’a été mise au jour dans le réseau souterrain.
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Appendices