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La mobilisation possible du droit de la consommation au profit des demandeurs DALO Par Natacha Sauphanor-Brouillaud Professeur en droit privé Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines http://www.facdroit-sciencepo.uvsq.fr/faculte-de-droit-et-de-science-politique/langue- en/academic-staff/mme-sauphanor-brouillaud-natacha-40696.kjsp?RH=1359623315757 avec l’aimable collaboration de J.-M. Granier, secrétaire général INC, L. Caracchioli, C. Lamoussière-Pouvreau, V. Potiron, juristes au sein de l’INC et A. Peruchot, stagiaire au sein de l’INC La présente étude a pour objet de répondre à deux questions : 1- Le logement est-il un "produit de consommation" comme les autres ? Peut-on mobiliser le droit de la consommation pour protéger les locataires, les mal logés ? 2- Comment améliorer l'articulation entre la procédure de surendettement et la procédure d'expulsion ? (d'un point de vue institutionnel et matériel). Comment éviter les incohérences des procédures en vigueur ?

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La mobilisation possible du droit de la consommation au profit des demandeurs DALO

Par Natacha Sauphanor-Brouillaud

Professeur en droit privé

Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

http://www.facdroit-sciencepo.uvsq.fr/faculte-de-droit-et-de-science-politique/langue-

en/academic-staff/mme-sauphanor-brouillaud-natacha-40696.kjsp?RH=1359623315757

avec l’aimable collaboration de J.-M. Granier, secrétaire général INC, L. Caracchioli, C.

Lamoussière-Pouvreau, V. Potiron, juristes au sein de l’INC et A. Peruchot, stagiaire au sein de

l’INC

La présente étude a pour objet de répondre à deux questions :

1- Le logement est-il un "produit de consommation" comme les autres ? Peut-on

mobiliser le droit de la consommation pour protéger les locataires, les mal logés ?

2- Comment améliorer l'articulation entre la procédure de surendettement et la procédure

d'expulsion ? (d'un point de vue institutionnel et matériel).

Comment éviter les incohérences des procédures en vigueur ?

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N. SAUPHANOR-BROUILLAUD La mobilisation possible du droit de la consommation au profit des demandeurs au DALO

Novembre 2013

2

Question 1 : Le logement est-il un "produit de consommation" comme les autres ? Peut-on

mobiliser le droit de la consommation pour protéger les locataires, les mal logés ?

Le logement n’est pas un produit de consommation comme les autres. D’une part, « c’est un bien de nécessité absolue », comme vient de le rappeler le Conseil d’Analyse Economique (1). D’autre part, le logement n’est pas nécessairement proposé par un professionnel. Il peut l’être

par une personne privée. Le particularisme de cette situation contractuelle explique la faible

mobilisation possible du droit contractuel de la consommation (I). En revanche, au sein du

droit de la consommation, le dispositif en matière de surendettement dont le champ

d’application dépasse les relations entre professionnels et consommateurs peut être mobilisé

(II).

I/ Faible mobilisation du droit contractuel de la consommation

Raisons de cette faible mobilisation.

Le droit contractuel de la consommation a vocation à régir les contrats conclus entre un

professionnel et un consommateur, lesquels ne sont pas définis par le Code de la consommation.

Il est cependant admis que le professionnel est toute personne physique ou morale, qu’elle soit

publique ou privée, qui agit, y compris par l’intermédiaire d’une autre personne agissant en son

nom ou pour son compte, aux fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale,

industrielle, artisanale ou libérale. Quant au consommateur, il devrait être prochainement défini

puisque le projet de loi Hamon dit consommation déposé le 2 mai 2013 prévoit d’introduire dans

le Code de la consommation la définition suivante du consommateur : « toute personne physique

qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle,

artisanale ou libérale ».

Par conséquent, le postulat du droit de la consommation est de s’appliquer à des relations

inégalitaires, l’inégalité étant due à l’antagonisme de finalité de l’acte : professionnel d’un côté,

personnel de l’autre. Il s’agit donc ici de protéger une situation de faiblesse particulière. Le

locataire est traditionnellement considéré lui aussi comme une partie faible, face au bailleur. La

loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs est destinée à protéger le

locataire partie faible, face à un bailleur quelle que soit la qualité du bailleur, professionnel ou

particulier. En revanche, le droit de la consommation ne peut être étendu aux relations

contractuelles unissant deux particuliers. C’est pourquoi le droit de la consommation n’est en

principe pas applicable aux relations entre un bailleur particulier (un propriétaire personne

physique) et un locataire particulier. Le locataire, partie faible, n’est pas à proprement

parler un consommateur lorsqu’il est en relation avec un propriétaire particulier. Ce

dernier n’étant pas un professionnel, n’est pas considéré comme une partie forte au sens du

droit de la consommation.

Le droit de la consommation est revanche applicable aux relations entre un bailleur

professionnel, personne privée (agence immobilière, mandataire immobilier, propriétaire

professionnel) ou publique (organisme HLM par exemple) et un locataire particulier.

1 Alain Trannoy et Étienne Wasmer, « La politique du logement locatif », Conseil d’analyse économique, octobre

2013.

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N. SAUPHANOR-BROUILLAUD La mobilisation possible du droit de la consommation au profit des demandeurs au DALO

Novembre 2013

3

Le Code de la consommation ne comporte pas de règles destinées à s’appliquer

spécifiquement au contrat de bail. Ce particularisme résulte de ce que le contrat de bail est

souvent conclu entre deux particuliers, et échappe dès lors au droit de la consommation.

Cependant, certaines dispositions applicables à tout type de contrat conclu entre un

professionnel et un consommateur ont vocation à concerner le contrat de bail conclu entre

un professionnel et un consommateur. Parmi ces dispositions, quelles sont celles qui

pourraient être mobilisées pour le locataire, le mal logé ayant contracté avec un

professionnel ?

On évoquera en premier lieu des dispositions d’ordre processuel (a) et d’ordre contractuel

(b, c) qui concernent tout type de locataire. On évoquera ensuite les textes relatifs aux

pratiques commerciales déloyales qui pourraient être mobilisés dans le cadre spécifique du

DALO (d).

a) Dispositions d’ordre processuel : Le relevé d’office

TEXTE :

C. consom., art. L. 141-1 : « Le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son

application ».

ANALYSE :

Ce texte donne au juge la faculté de soulever d’office toute disposition protectrice qui aurait été

méconnue par le professionnel. Il sera complété, lors de l’adoption de la loi Hamon, par un alinéa

spécifique aux clauses abusives faisant obligation au juge d’écarter d’office, après avoir recueilli

les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des

éléments du débat (2).

>>> une piste pourrait être creusée consistant à créer dans la législation sur les baux et dans

celle sur le DALO une disposition donnant au juge la faculté de relever d’office toutes les

dispositions issues de ces législations. Ce texte qui serait dont favorable au locataire n’ayant

pas connaissance de ses droits viendrait ainsi en complément de l’article 24 alinéa 3 de la loi

du 6 juillet 1989 qui prévoit la faculté pour le juge d’accorder d’office des délais de

paiement.

b) Le dispositif sur le contrat conclu « hors établissement » tel qu’envisagé dans le projet de

loi Hamon

A raison de l’adoption future de la loi consommation laquelle modifiera de façon

substantielle les dispositions relatives au contrat conclu hors établissement, seul le droit

prospectif mérite ici d’être présenté.

TEXTES :

2 Article 28 du projet de loi relatif à la consommation, adopté par l’Assemblée nationale, et resté conforme après sa

première lecture au Sénat, voir document Sénat, no 725.

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Novembre 2013

4

Projet de loi relatif à la consommation modifié par le Sénat, Doc. Ass. Nat., n° 1357

« Art. L. 121-16. – Au sens de la présente section, sont considérés comme :

« 2° “Contrat hors établissement”, tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur

:

« a) Dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de

manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d’une

sollicitation ou d’une offre faite par le consommateur ;

« b) Ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière

habituelle ou au moyen d’une technique de communication à distance, immédiatement après que

le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de

celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les

parties étaient, physiquement et simultanément, présentes ;

« c) Ou pendant une excursion organisée par le professionnel ayant pour but ou pour effet de

promouvoir et de vendre des biens ou des services au consommateur ;

Art. L. 121-16-1. – I. – Sont exclus du champ d’application de la présente section :

« 1° Les contrats portant sur les services sociaux, y compris le logement social, l’aide à l’enfance

et aux familles, à l’exception des services à la personne mentionnés à l’article L. 7231-1 du code

du travail ;

« Art. L. 121-21. – Le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit

de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors

établissement, sans avoir à motiver sa décision, ni à supporter d’autres coûts que ceux prévus aux

articles L. 121-21-3 à L. 121-21-5. Toute clause par laquelle le consommateur abandonne son

droit de rétractation est nulle.

ANALYSE

Ce dispositif permet essentiellement au contractant de bénéficier d’un renforcement de

l’information précontractuelle (Art. L. 121-17. – I) et d’un droit de rétractation dans un

délai de 14 jours après la conclusion du contrat (art. L. 121-21).

Ce mécanisme protecteur est d’un faible intérêt pour le locataire pauvre, non logé :

Il concerne essentiellement les personnes qui disposent déjà d’un domicile, le contrat

conclu hors établissement étant le contrat conclu à la suite d’un démarchage à domicile ou

sur le lieu de travail.

Il ne s’applique pas aux contrats portant sur le logement social (Art. L. 121-16-1.)

>>> ceci s’explique par la circonstance que le logement social est considéré comme

étant « hors marché » et qu’il importe de sécuriser la gestion des logements sociaux,

ce que ne permettrait pas l’octroi d’un droit de rétractation.

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c) Le dispositif sur les clauses abusives

TEXTES :

C. consom., article L. 132-1 :

Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont

abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel

ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au

contrat.

ANALYSE :

La législation sur les clauses abusives est applicable aux contrats conclus entre professionnels et

non-professionnels ou consommateurs. Sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet

de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif

entre les droits et obligations des parties au contrat. L’article R. 132-1 établit une liste dite noire

de 12 clauses présumées abusives de façon irréfragable et l’article R. 132-1-1 établit une liste dite

grise de 10 clauses présumées abusives de façon simple. Une clause qui n’entrerait dans aucun

des cas répertoriés peut être jugée abusive sur le fondement de l’article L. 132-1. La Commission

des clauses abusives a pour mission de rechercher si les modèles de conventions habituellement

proposés par les professionnels à leurs contractants non professionnels ou consommateurs

contiennent des clauses qui pourraient présenter un caractère abusif (3). Le contrat conclu par

un bailleur professionnel avec un locataire ne peut donc comporter de clauses ayant pour

objet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations au détriment du

locataire. Le projet de loi Hamon prévoit d’introduire une obligation (et non plus une faculté)

pour le juge d’écarter d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application

d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat (4).

2 situations doivent être distinguées :

1ère

situation : Le contrat de bail relève du dispositif d’ordre public de la loi du 6

juill. 1989

>>> la législation sur les clauses abusives est d’un intérêt ici limité puisque l’article 4 de la loi

du 6 juill. 1989 répute non écrites un certain nombre de clauses dont certaines avait été

considérées comme abusives par la recommandation n°80-04 de la CCA.

Cependant, l’intervention du législateur et de la commission n’empêchent pas que

subsistent encore dans les contrats de location relevant du dispositif d’ordre public de la loi

du 6 juill. 1989, des clauses illicites ou abusives.

La Recommandation n°00-01 complétant la recommandation n° 80-04 concernant les

contrats de location de locaux à usage d'habitation (5) relève ainsi un certain nombre de

clauses abusives dans ces contrats.

3 C. Consom., art. L. 534-1.

4 Article 28 du projet de loi relatif à la consommation, adopté par l’Assemblée nationale, et resté conforme après sa

première lecture au Sénat, voir document Sénat, no 725.

5 BOCCRF du 22/06/2000 ; http://www.clauses-abusives.fr/recom/index.htm

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2ème

situation : Le contrat de bail ne relève pas du dispositif d’ordre public de la loi

du 6 juill. 1989.

o Il s’agit d’un logement « meublé » loué à titre de résidence principale. Ce contrat est en l’état du droit positif régi par les articles L. 632-1 à L. 632-3 du Code de la

construction et de l’habitation. Ce statut a pu être qualifié d’« embryonnaire » (6) dès lors que

seules la forme du contrat (un écrit), la durée initiale de celui-ci, ses conditions de

renouvellement et les modalités de révision du loyer obéissent à un régime « d’ordre public » (7).

Pour le reste, le contrat relève des dispositions du Code civil relatives au louage de choses,

lesquelles sont pour la plupart, hormis l’obligation de décence, supplétives de volonté. Le régime

des baux meublés est donc actuellement composite, relevant tant d’un statut protecteur que de la

liberté contractuelle. Ce régime pourrait cependant évoluer avec l’adoption du projet de loi pour

l’accès au logement et un urbanisme rénové, dit projet de loi ALUR (8), lequel comporte un titre

consacré aux « rapports entre bailleurs et locataires dans les logements meublés résidence

principale » (9) dont le contenu est d’ordre public (

10). Si le projet de loi reprend l’ensemble du

dispositif protecteur du Code de la construction et de l’habitation (11

), il le complète en

prévoyant notamment que le contrat de location respecte un contrat type qui sera défini par

décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de concertation. La

place de la liberté contractuelle pourrait donc se réduire. En l’état du droit positif, les bailleurs de

logement meublé peuvent abuser de leur liberté contractuelle pour insérer des clauses

déséquilibrant le contrat en leur faveur. A cet égard, la recommandation n° 13-01 du 6 juin

2013 de la Commission des clauses abusives relative aux contrats de location non

saisonnière de logement meublé recommande la suppression de 43 clauses qu’elle considère

comme abusives dans ce secteur (12

). La recommandation montre donc que la législation sur les

clauses abusives peut être utilement mobilisée pour protéger certains locataires.

On observera également que cette recommandation est la première à vérifier la conformité

d’un contrat de consommation à la Convention européenne des droits de l’homme. Analysant les clauses relatives à l’hébergement des tiers, la Commission indique que « des

clauses restreignent la possibilité pour le locataire de recevoir ou héberger des amis et de la

famille, même de manière très temporaire, notamment en limitant l'accès de l’immeuble aux seuls

résidents, ou en prévoyant des normes d'occupation très strictes ; que ces clauses, dans la mesure

où elles privent le locataire de la possibilité de recevoir ou héberger ses proches même dans les

conditions d’une occupation paisible, sont contraires à l'article 8.1 de la Convention

européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». Elle en

déduit que « ces clauses sont illicites et, maintenues dans un contrat, abusives » (13

). La

6 J. HUET, G. DECOCQ, C. GRIMALDI & H. LECUYER, avec la collaboration de J. MOREL-MAROGER, Les principaux

contrats spéciaux, in Traité de droit civil sous la direction de J. GHESTIN, LGDJ, 3ème éd., n° 21512-1. 7 CCH, art. L. 632-3.

8 Projet de loi adopté le 26 octobre 2013. Voir document Sénat, n° 25.

9 Voir Titre Ier bis.

10 Art. 25-3.

11 Voir articles 25-7 et suivants.

12 Voir N. SAUPHANOR-BROUILLAUD, « Recommandation n° 13-01 du 6 juin 2013 de la Commission des clauses

abusives relative aux contrats de location non saisonnière de logement meublé », BOCCRF du 13/09/2013, RDC

2014/1, Chron. à paraître. 13

La Commission des clauses abusives a toujours estimé que les clauses illicites maintenues dans les contrats

présentent un caractère abusif. Pourtant, une stipulation interdite par la loi n’est pas nécessairement abusive.

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7

position est conforme avec la jurisprudence de la Cour de cassation, laquelle prive d’effet les

clauses des contrats de bail portant atteinte aux droits fondamentaux du locataire et notamment au

droit « au respect de sa vie privée et familiale » (14

). L’arrêt Mel Yedei de la troisième chambre

civile avait ainsi jugé que les clauses d'un bail d'habitation ne peuvent en vertu de l'article 8.1 de

la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales « avoir pour

effet de priver le preneur de la possibilité d'héberger ses proches » (15

).

o Il s’agit de logements-foyers régis par les articles L. 633-1 et suivants du

CCH.

La recommandation n° 13-01 du 6 juin 2013 de la Commission des clauses abusives relative

aux contrats de location non saisonnière de logement meublé ne s’applique pas, la

Commission considérant que le contrat qui lie l’occupant et le foyer s’analyse « en un contrat de

prestation de services et non en un contrat de location » (16

).

Cependant, ont peut considérer que la présence d’une telle clause dans un contrat induit en erreur le consommateur

sur ses droits et déséquilibre ainsi la convention en sa défaveur. 14

Conv. EDH, art. 8 § 1. 15

Cass. civ. 3ème

, 6 mars 1996, n° 93-11113. Voir égal. Cass. civ. 3ème

, 10 mars 2010, n° 09-10412 : « la cour d'appel

a retenu à bon droit que la stipulation contractuelle interdisant le prêt des lieux à un tiers sans le consentement exprès

et par écrit du bailleur, était licite, ne faisait pas obstacle, conformément aux dispositions de l'article 8 § 1 de la

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, à ce que le preneur héberge un membre de sa famille

mais prohibait qu'il mette les locaux à la disposition d'un tiers, quel qu'il soit, si lui-même n'occupait plus

effectivement les locaux » 16

Recomm., n°13-01, propos introductifs, 4ème

consid.

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8

d) Le dispositif sur les pratiques commerciales déloyales

Il s’agit de se demander si le dispositif sur les pratiques commerciales déloyales pourrait

être mobilisé dans le cadre d’un refus par un organisme HLM d’attribuer un logement à

une personne prioritaire. L’intérêt serait ainsi d’offrir au demandeur un recours contre le

bailleur. En l’état du droit positif, le demandeur qui a été reconnu par la commission de

médiation comme prioritaire et comme devant être logé d'urgence et qui n'a pas reçu, dans le

délai légal une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités peut introduire

uniquement « un recours devant la juridiction administrative tendant à ce que soit ordonné son

logement ou son relogement » (CCH, art. L. 441-2-3-1).

TEXTES

C. consom. Article L. 120-1

Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale

lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est

susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur

normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.

Le caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de

consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou

physique, de leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de

discernement de la catégorie ou du groupe.

II.-Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales

trompeuses définies aux articles L. 121-1 et L. 121-1-1 et les pratiques commerciales agressives

définies aux articles L. 122-11 et L. 122-11-1.

C. consom. Article L. 121-1-1, 6° :

Sont réputées trompeuses au sens de l'article L. 121-1 les pratiques commerciales qui ont pour

objet :

6° De proposer l'achat de produits ou la fourniture de services à un prix indiqué, et ensuite :

a) De refuser de présenter aux consommateurs l'article ayant fait l'objet de la publicité ;

b) Ou de refuser de prendre des commandes concernant ces produits ou ces services ou de les

livrer ou de les fournir dans un délai raisonnable ;

c) Ou d'en présenter un échantillon défectueux, dans le but de faire la promotion d'un produit ou

d'un service différent »

C. consom. Article L. 122-1 :

Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un service,

sauf motif légitime, et de subordonner la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée ou à

l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un autre service ainsi que de subordonner la prestation

d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un produit dès lors que cette subordination

constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l'article L. 120-1. Cette disposition

s'applique à toutes les activités visées au dernier alinéa de l'article L. 113-2.

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ANALYSE

La philosophie de la législation sur les pratiques commerciales déloyales

Les anciennes incriminations de certaines pratiques, le refus de vente notamment, ont été

profondément modifiées par les lois n° 2008-3, 2008-776 et 2011-525 du 3 janvier 2008, 4

août 2008 et 17 mai 2011 assurant la transposition de la directive 2005/29 CE du 11 mai

2005 sur les pratiques commerciales déloyales d’harmonisation maximale. L’objectif de la

directive est « de rapprocher les législations des États membres relatives aux pratiques

commerciales déloyales, y compris la publicité déloyale, portant atteinte directement aux intérêts

économiques des consommateurs et, par conséquent, indirectement aux intérêts économiques des

concurrents légitimes » (17

). La philosophie de la réglementation est donc de limiter la liberté

des professionnels dans une perspective économique, de protection du marché et d’une

concurrence loyale. Le contentieux actuel montre ce sont souvent les professionnels qui agissent

sur le terrain de l’interdiction générale des pratiques déloyales même s’ils n’ont pas l’exclusivité

de la protection, cependant que le contentieux des pratiques trompeuses ou agressives

concernerait davantage les consommateurs.

L’objectif de l’interdiction des pratiques commerciales déloyales apparaît donc assez

éloigné de celui recherché pour sanctionner le comportement des bailleurs de logements

sociaux à l’égard des accédants, ce qui n’empêche pas d’envisager techniquement

l’applicabilité du dispositif à ce type de comportement.

L’architecture du dispositif relatif aux pratiques commerciales :

Soit la pratique commerciale figure dans la liste noire des 22 pratiques trompeuses visées

par l’article L. 121-1-1 du Code de la consommation ou dans la liste noire des 7 pratiques

agressives visées par l’article L. 122-11-1. Elle est alors purement et simplement interdite.

Soit la pratique commerciale ne figure dans aucune des ces listes. Elle est alors en

principe licite. Elle ne sera condamnée que s’il est prouvé qu’elle est :

Soit trompeuse au sens de la définition de l’article L. 121-1

Soit agressive au sens de la définition de l’article L. 122-11

Soit déloyale au sens de la définition générale de l’article L. 120-1.

>>> La directive étant d’harmonisation maximale, aucune marge de manœuvre n’est laissée au

législateur national, excepté dans le choix des sanctions. L’interprétation des textes doit donc

s’opérer au regard des limites posées par le texte européen.

Qu’en est-il dans cette nouvelle architecture de la possibilité d’invoquer le « refus de

vendre », c’est-à-dire du refus qui pourrait être opposé par un bailleur de logement social

de proposer un logement à un accédant ?

Le refus de vente figurant dans la liste noire, à l’article L 121-1-1, 6° peut-il être

invoqué ?

L’article L. 121-1-1, 6° répute trompeuse la pratique ayant pour objet « de proposer l'achat de

produits ou la fourniture de services à un prix indiqué, et ensuite :

17

Directive 2005/29 CE du 11 mai 2005, 6ème

consid.

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10

a) De refuser de présenter aux consommateurs l'article ayant fait l'objet de la publicité ;

b) Ou de refuser de prendre des commandes concernant ces produits ou ces services ou de les

livrer ou de les fournir dans un délai raisonnable ».

>>> Ce texte n’est pas adapté au refus de logement qui n’est ni un « article » au sens de

l’article L. 121-1-1, 6°a), ni la « fourniture d’une commande » au sens de l’article L. 121-1-

1, 6° b). Le refus de logement concerne le refus d’une prestation de service à exécution

successive conclue pour une certaine durée

L’article L. 122-1 interdisant le refus de vente dès lors qu’il s’agit d’une pratique

commerciale déloyale, au sens de l’article L. 120-1, est-il applicable ? Cela suppose

de vérifier la réunion des conditions posées à l’article L. 120-1.

C. consom.

Article L. 120-1 Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale

lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est

susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur

normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.

Pratique commerciale

L’activité consistant à fournir à la location des biens immobiliers constitue-t-elle une pratique

commerciale ?

Le Code de la consommation n’a pas transposé la définition de la pratique commerciale prévue

par la directive laquelle prévoit qu’entre dans cette catégorie « toute action, omission, conduite,

démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d'un

professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d'un produit aux

consommateurs » (18

).

Le produit s’entend de « tout bien ou service, y compris les biens immobiliers, les droits et les

obligations » (19

).

>>>La fourniture d’un produit est donc entendue de façon large : elle englobe le contrat de vente,

le contrat de prestation service, et les contrats « portant sur des droits et obligations ». Dès lors

entre dans cette dernière catégorie le contrat de location d’un bien immobilier qui est un

contrat ayant pour objet le droit de jouissance d’une chose (20

).

La proposition de biens immobiliers à la location par un professionnel est bien la fourniture

d’un produit.

Cependant, la pratique commerciale suppose la mise en œuvre d’un comportement en

relation avec la proposition de biens immobiliers. On songe en général à toute « opération de

18

Dir. 2005/29/CE, art. 2 d). 19

Dir. 2005/29/CE, art. 2 c). 20

Le contrat de prestation de service est une catégorie européenne ignorée du Code civil. Si certains auteurs

considèrent que le bail est une convention qui a pour effet de procurer un service, fût-il en rapport avec une chose

(Ph. MALAURIE, L. AYNES & P.-Y. GAUTIER, Droit civil, Les contrats spéciaux, Defrénois, 5ème

éd., n° 599 et s.),

d’autres auteurs opèrent une distinction entre les contrats portant sur l’usage des biens et les contrats de services (A.

BENABENT, Droit civil. Les contrats spéciaux civils et commerciaux, Montchrestien, 9ème

éd., n° 502 et s .).

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N. SAUPHANOR-BROUILLAUD La mobilisation possible du droit de la consommation au profit des demandeurs au DALO

Novembre 2013

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marketing » (21

), ce qui peut paraître inadapté à la pratique des organismes HLM. Cependant, le

texte est suffisamment large semble-t-il pour s’appliquer à un comportement d’un bailleur social

dès lors qu’il vise toute « conduite » et toute « démarche » en relation avec la fourniture d’un

produit.

Professionnel

Le bailleur de logement social est-il un professionnel au sens du droit de la consommation ?

La question est difficile dès lors que d’une part le Code de la consommation ne comporte pas de

définition du professionnel et que, d’autre part, s’agissant des bailleurs de logements sociaux, la

conception du droit européen et du droit français semble différente.

Droit français

En l’absence de définition du professionnel en droit français, il convient de se référer à l’article 2

b) de la directive qui vise « toute personne physique ou morale qui, pour les pratiques

commerciales relevant de la présente directive, agit à des fins qui entrent dans le cadre de son

activité, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, et toute personne agissant au nom ou

pour le compte d'un professionnel ».

En droit français, la question s’est posée depuis longtemps d’une assimilation des services

publics à des professionnels relevant du droit de la consommation. Avant l’émergence de la

distinction européenne SNIEG / SIEG, l’assimilation des « SPIC » aux professionnels ne

soulevait pas de difficultés. En revanche, le raisonnement s’avérait plus délicat à l’égard des

« SPA » (22

) Une réflexion avait été menée de nature à attraire certains services publics

administratifs sociaux, dans le champ du droit contractuel de la consommation.

L’application de la notion de professionnel s’avérait assez aisée à l’égard des services

publics administratifs qui par exception sont soumis au droit privé. Il en était ainsi, avant

leur réforme (23

), des contrats conclus par les offices publics de HLM, assurant le service public

administratif du logement, pour la location des appartements dont ils ont la gestion (24

). Ces

contrats ne comportent aucune clause exorbitante de droit privé (25

). Dans ces hypothèses, les

personnes exerçant ces missions étaient en droit interne assimilés à des professionnels,

prestataires de services comme n’importe quels autres professionnels. Comme l’observent des

auteurs, « le Code de la consommation s’applique aussi aux SPA dès lors que celui-ci a pour

objet une prestation payante » (26

). L’assimilation à des professionnels vaut a fortiori pour les

organismes privés d’habitation à loyer modéré qui sont également soumis au droit privé. Par

conséquent, en droit interne, les bailleurs sociaux devraient être considérés comme des

professionnels. Telle n’est cependant pas la conception du droit européen.

Droit européen :

En matière de service public, le droit européen présente une spécificité qui tient à ce que dans

21

G. RAYMOND, JCL Concurr-Consom., Fasc. 900, Pratiques commerciales déloyales et agressives, n° 9. 22

Sur l’ensemble de la question voir N. SAUPHANOR-BROUILLAUD, Les contrats de consommation. Règles

communes, avec le concours de E. POILLOT, C. AUBERT DE VINCELLES, G. BRUNAUX, in Traité de droit civil sous la

direction de J. GHESTIN, LGDJ, 2012 n °s 179 et s. 23

Ord. n° 200-137 du 1er

fév. 2007 relative aux offices publics de l’habitat. 24

CE, 8 mars 1985, Vittet, RDP 1985, p. 1407. 25

R. CHAPUS, Droit administratif général, T. 1, Montchrestien, 15ème

éd., 2001, n° 736. 26

P. GONOD, F. MELLERAU, Ph. YOLKA, Traité de droit administratif, t. 2, Dalloz, 2011, p. 91.

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N. SAUPHANOR-BROUILLAUD La mobilisation possible du droit de la consommation au profit des demandeurs au DALO

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l’application du droit de la concurrence, il ignore les critères organiques des prestataires de

services. Le principe figure à l’article 106 du TFUE lequel soumet « les entreprises chargées de la

gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal »

aux règles de concurrence « dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à

l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie » (27

). Le

texte se réfère ainsi à la notion d’ « entreprise chargée de la gestion des services d'intérêt

économique général », notion que le droit français ne connaît pas puisqu’en droit interne ce sont

« les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de

personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public »

qui doivent respecter la liberté des prix et de la concurrence (28

). La classification européenne,

distinguant les services non économiques d’intérêt général à côté des services économiques

d’intérêt général (29

), ne recouvre pas la summa divisio des SPIC et des SPA.

Le service d’intérêt général désigne « toutes les prestations marchandes ou non, que les

pouvoirs publics gouvernementaux ou locaux assument à l’adresse de leurs administrés, sous leur

contrôle direct ou par délégations à des tiers (entreprises privées, associations, personnes

physiques) » (30

). Il recouvre donc d’une part le service d’intérêt économique général (SIEG)

qui désigne les activités de services marchands lorsqu’elles sont accomplies dans une mission

d’intérêt général. Il vise d’autre part le service non économique d’intérêt général (SNIEG),

pour lequel les règles du marché intérieur et de la concurrence ne s’appliquent pas. Il s’agit

précisément des services publics régaliens, des soins de santé ainsi que de certains services

publics sociaux.

Dans sa communication « Mettre en œuvre le programme communautaire de Lisbonne -

Les services sociaux d'intérêt général dans l'Union européenne » (31

), la commission avait

indiqué qu’au-delà des services de santé proprement dits, les services sociaux peuvent se

rattacher à l'un des deux grands groupes suivants : les régimes de protection sociale, sous leurs

diverses formes d'organisation, couvrant les risques fondamentaux de la vie, et les autres services

essentiels « prestés directement à la personne (...) jouant un rôle de prévention et de cohésion

sociale ». Ils englobent les dispositifs d’aide en matière d'endettement, de chômage, de

toxicomanie ; les aides à la formation et à la réinsertion professionnelle ; les prestations pour les

personnes ayant des besoins à long terme liés à un handicap ou un problème de santé ; les

secteurs du logement social. Les services sociaux sont d’ailleurs expressément exclus du

champ d’application de la directive 2011/83/UE sur les droits des consommateurs au motif

qu’ils « présentent des caractéristiques fondamentalement différentes qui transparaissent dans la

législation spécifique au secteur, en partie au niveau de l’Union et en partie au niveau

national ». La directive rappelle que « les services sociaux comprennent, d’une part, les services

aux personnes particulièrement défavorisées ou à faibles revenus ainsi que les services aux

personnes et aux familles qui ont besoin d’aide pour accomplir des tâches quotidiennes courantes

et, d’autre part, les services fournis à toutes les personnes qui ont un besoin particulier d’aide, de

soutien, de protection ou d’encouragement au cours d’une phase déterminée de leur vie. Les

services sociaux englobent, entre autres, les services aux enfants et à la jeunesse, les services

d’aide aux familles, aux parents isolés et aux personnes âgées et les services aux migrants. Les

27

Traité FUE, art. 106. 28

C. com., art. L. 410-1. 29

Prot. 26, art. 2 : « Les dispositions des traités ne portent en aucune manière atteinte à la compétence des Etats

membres pour fournir, faire exécuter et organiser des services non économiques d’intérêt général ». 30

G. J. GUGLIELMI et G. KOUBI, Droit du service public, Montchrestien, 3ème

éd., n° 286. 31

COM(2006) 0177 final.

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services sociaux comprennent à la fois les prestations de soins de courte et de longue durée, par

exemple les services dispensés par des services de soins à domicile, ou fournis dans des

résidences offrant des services et dans des maisons de retraite ou des foyers-logements ("maisons

de soins") ». Elle précise que « les services sociaux ne comprennent pas seulement les services

qui sont assurés par l’État au niveau national, régional ou local, par des prestataires

mandatés par l’État ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l’État,

mais aussi les services fournis par des prestataires privés » (32

).

>>> Il apparaît donc qu’en droit européen le secteur du logement social fait partie des

services sociaux d'intérêt général (33

), pour lesquels les règles du marché intérieur et de la

concurrence ne s’appliquent pas. Leur assimilation à des professionnels au sens du droit de

la consommation est donc exclue.

La mobilisation du droit de la consommation s’avère donc difficile même si elle n’est pas

totalement vouée à l’échec puisque :

-il ne s’agit pas ici d’invoquer un dispositif issu de la directive sur les droits des consommateurs

mais un dispositif issu de la transposition de la directive sur les pratiques commerciales déloyales

laquelle n’exclut pas de son champ d’application les bailleurs sociaux.

-il est possible de faire valoir qu’un large courant doctrinal considère que l’application du

droit privé aux contrats conclus par les offices publics de HLM, assurant le service public

administratif du logement, pour la location des appartements dont ils ont la gestion et le caractère

payant de leur prestation justifie leur assimilation à des professionnels, prestataires de

services.

Caractère déloyal

Il appartient au locataire accédant de prouver le caractère déloyal du refus de logement.

Cela mettrait à sa charge la preuve de 2 caractères qui sont exigés à titre cumulatifs par

l’article L. 120-1 du Code de la consommation :

-la pratique est contraire aux exigences de la diligence professionnelle

-la pratique altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle son comportement

économique

Caractère cumulatif des conditions :

Il avait été suggéré que les deux éléments de la déloyauté pouvaient se ramener à un seul, une

pratique ayant pour effet d’altérer le comportement du consommateur étant « nécessairement

contraire aux exigences de la diligence professionnelle » (34

). Telle n’est pas la position des

juridictions. Le caractère cumulatif des conditions a clairement été posé par la CJUE comme par

la Cour de cassation. La Cour de justice, dans la décision Mediaprint, a ainsi indiqué que si la

possibilité de participer à un concours pourrait altérer le comportement économique de

l’acheteur, « cette circonstance ne permet à elle seule de considérer une vente avec prime comme

une pratique déloyale (…). Il faut également vérifier si la pratique en question est contraire aux

exigences de la diligence professionnelle » (35

). Quant à la Cour de cassation, elle a rappelé dans

32

Dir. 2011/83/UE, 29ème

consid. 33

COM(2006) 0177 final. 34

J. CALAIS-AULOY & H. TEMPLE, Droit de la consommation, Précis Dalloz, 8ème

éd., n°127. 35

CJUE 9 nov. 2010, aff. C-540/08, Mediaprint, pt 46.

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l’affaire Orange Sports que « l'article 5 de la Directive précise qu'une pratique commerciale est

déloyale si, à la fois, elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et si elle

altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique, par

rapport aux produits » (36

).

Altération substantielle du comportement économique :

o En l’absence de précision du droit français, il convient de se référer à l’article 2 e)

de la directive qui définit l’altération substantielle du comportement économique

des consommateurs comme « l'utilisation d'une pratique commerciale

compromettant sensiblement l'aptitude du consommateur à prendre une décision

en connaissance de cause et l'amenant par conséquent à prendre une décision

commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ». >>> Il s’agit donc de prouver

l’altération d’un comportement économique, et non pas celle du consentement

stricto sensu.

o La pratique déloyale étant celle qui « altère, ou est susceptible d'altérer de

manière substantielle, le comportement économique du consommateur », il n’est

pas nécessaire de prouver que la pratique a effectivement altéré le

comportement économique du consommateur. L’altération peut n’être que

potentielle.

o La plupart des décisions rendues sur le terrain des pratiques commerciales

concernent, en l’état du droit positif, la marge de manœuvre des législateurs

nationaux à l’égard de la liste noire des pratiques déloyales. Les rares décisions

rendues en la matière se sont bornées à rappeler que l’altération du comportement

économique doit avoir été «substantielle » (37

).

o Dans une décision rendue dans le contentieux des ventes d’ordinateurs prééquipé

d’un logiciel d’exploitation, dont le caractère déloyal était invoqué, la Cour

d’appel de Versailles avait jugé que « cette pratique est susceptible d'altérer de

manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen

auquel elle s'adresse puisque l'absence d'information sur la valeur d'éléments

substantiels comme le prix du logiciel d'exploitation réduit ses choix en ce qu'il ne

peut comparer leur valeur avec d'autres propositions, que surtout il se trouve privé

de la possibilité d'acquérir sans logiciel et peut être ainsi amené à prendre une

décision à propos de l'achat d'un ordinateur qu'autrement il n'aurait pas prise ». La

Cour de cassation a cassé l’arrêt au motif que « la société soulignait, sans être

démentie, que le consommateur pouvait en s'orientant sur le site dédié aux

professionnels trouver des ordinateurs "nus", mais que l'installation d'un système

d'exploitation libre restait une démarche délicate dont elle ne pourrait pas garantir

la réussite » (38

). Selon la Cour de cassation, la preuve de l’altération du

comportement économique n’était donc pas apportée.

o On trouve tout au plus une décision de la Cour de cassation ayant jugé que

« l'absence d'identification claire du référencement prioritaire est susceptible

d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur

qui est orienté d'abord vers les produits et offres des e-marchands "payants" et ne

36

Cass. com., 13 juill. 2010, n° 09-15304 09-66970. 37

CJUE 9 nov. 2010, aff. C-540/08, Mediaprint, pt 44 ; Cass. com. 29 nov. 2011, n° 10-27402. 38

Cass. civ. 1ère

, 12 juill. 2012, n ° 11-18807.

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dispose pas ainsi de critères objectifs de choix » (39

).

>>> L’accédant doit donc prouver que le refus du bailleur social était de nature à faire

prendre au locataire une décision plus onéreuse pour lui (la recherche d’un logement hors

procédure DALO) alors qu’il n’aurait pas pris cette décision si le bailleur avait exécuté son

obligation de lui fournir un logement. Il n’est pas nécessaire de prouver que le

comportement du locataire accédant a été effectivement modifié, ce qui permet donc ainsi

d’engager une action sur le terrain du refus de vente, dans l’hypothèse où l’accédant aurait

bénéficié d’un logement à des conditions financières équivalentes.

Contrariété à la diligence professionnelle

o En l’absence de précision du droit français, il convient de se référer à l’article 2 h)

de la directive qui définit la diligence professionnelle comme « le niveau de

compétence spécialisée et de soins dont le professionnel est raisonnablement censé

faire preuve vis-à-vis du consommateur, conformément aux pratiques de marché

honnêtes et/ou au principe général de bonne foi »

S’il existe des codes de déontologie professionnelle, ils pourront servir de

base à la démonstration d’un manquement

En dehors de ces codes, la diligence professionnelle peut être appréhendée

de manière plus large au regard de la bonne foi et ou de la compétence du

professionnel.

>>> L’accédant doit donc prouver que le refus du bailleur social n’est pas conforme à ce

qu’il pouvait raisonnablement attendre d’un professionnel de ce secteur. L’accédant aurait

intérêt à s’inspirer de ce qui est prévu à l’article L. 120-1 alinéa 2. Le texte indique que « le

caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs

ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de

leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la

catégorie ou du groupe ». Le texte vise les pratiques ciblées à destination d’un groupe

déterminé de personnes vulnérables, telles que par exemple la publicité à destination des

enfants. Il n’a donc pas vocation à s’appliquer au refus de logement opposé à un locataire

accédant, sauf à démontrer que la pratique en question est généralisée. Cependant, il est

possible de s’en inspirer pour alléguer que le comportement du bailleur social est d’autant

plus déloyal qu’il s’adresse à une personne vulnérable, à raison de sa situation de grande

pauvreté. En outre le 20ème

considérant de la directive 2005/29 CE du 11 mai 2005 sur les

pratiques commerciales déloyales indique que « Dans les secteurs dans lesquels le

comportement des professionnels est soumis à des exigences contraignantes spécifiques, il

convient que celles-ci soient également prises en considération aux fins des exigences en matière

de diligence professionnelle dans le secteur concerné ».

Moyens d’exonération du bailleur

La discussion s’articulera certainement sur le respect par le bailleur des règles

d’attribution de logement.

Le motif légitime : Le bailleur peut-il lui opposer « le motif légitime » visé par l’article

39

Cass. com., 4 décembre 2012, n ° 11-27729.

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L. 122-1 du Code de la consommation ?

La réponse est négative. Le maintien de l’interdiction du refus de vente ou de prestation de

service sauf motif légitime, contenu dans l’article L 122-1, à la suite de la modification opérée

par la loi du 17 mai 2011 ne semble pas conforme au droit européen (40

).

La conformité au droit européen suppose de s’en tenir à la liste noire annexée à la directive. Le

point 6 de la liste contient une prohibition spéciale du refus de vente, qui a été transposée par le

législateur français à l’article L. 121-1-1, 6° exposé précédemment. En dehors de cette hypothèse,

la prohibition générale du refus de vente n’est pas conforme au droit européen (41

). L’interdiction

du refus de vente n’est valable que si celui-ci constitue une pratique déloyale sans que l’exception

du motif légitime puisse être invoquée.

La sanction

La question de la sanction que le juge pourrait prononcer à l’égard du bailleur social reste posée,

la pratique déloyale étant uniquement « interdite ».

40

N. SAUPHANOR-BROUILLAUD, « Pratiques commerciales déloyales - Loi n°2011-525 du 17 mai 2011 de

simplification et d’amélioration de la qualité du droit », RDC 2011, p. 1242. 41

C. AUBERT DE VINCELLES, « Harmonisation totale et directive n°2005/29/CE sur les pratiques commerciales

déloyales », RDC 2009, p. 1458

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17

II/ Dispositions du Code de la consommation qui ont vocation à protéger le locataire

(particulier) contractant avec un professionnel (bailleur social) ou avec un particulier

(bailleur personne privée) : les dispositions applicables au surendettement

Voir réponse à la 2ème

question infra.

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18

Question 2- Comment améliorer l'articulation entre la procédure de surendettement et la

procédure d'expulsion ? (d'un point de vue institutionnel et matériel).

Comment éviter les incohérences des procédures en vigueur ?

Le dispositif prévu en cas de surendettement est applicable aux relations entre particuliers

(bailleur privé et locataire) et entre professionnel et particulier (bailleur professionnel public ou

privé et locataire).

Le dispositif actuel se décline essentiellement en 2 procédures :

L’une applicable au débiteur qui est en état de surendettement mais dispose d’un

minimum de ressources. Dans ce cas, il est susceptible de bénéficier d’un plan de

rééchelonnement des dettes, d’un moratoire et de l’effacement partiel des créances.

L’autre applicable au débiteur qui est dans une situation irrémédiablement

compromise. Il peut alors bénéficier de la procédure de rétablissement personnel

Dans les deux hypothèses, il en résulte plusieurs conséquences et difficultés d’articulation

relatives :

Au bailleur

A la dette de loyer

A l’expulsion

Ces difficultés d’articulation ont été exposées par V. Vigneau, G.-X. Bourin et V. Vigneau dans

leur ouvrage dont un extrait est ici reproduit.

Elles sont présentées également dans le tableau de suspension des mesures d’expulsion et dans

les schémas joints.

Il importe d’avoir à l’esprit que la législation relative au surendettement a été conçue pour

pouvoir s’appliquer aux relations entre particuliers. Lorsque le bailleur est une personne

privée, il n’est pas possible de lui imposer à la fois l’effacement de la dette locative, c’est-à-

dire son absence de paiement, et le maintien dans les lieux du locataire qui n’a pas honoré

son paiement. Actuellement, le bailleur accepte de voir sa dette effacée, en contrepartie

d’une expulsion. Adopter une solution opposée pourrait entrainer comme effet pervers le

dépôt par le bailleur personne privée d’un dépôt de dossier de surendettement si la créance

locative est l’une de ses principales sources de revenus (par exemple, un retraité).

Des pistes de réflexion méritent donc réflexion dans le cadre de la mobilisation du droit de

la consommation :

1) Un traitement différencié entre un bailleur professionnel et un bailleur privé.

Actuellement cette différenciation n’existe pas dans les textes.

2) Un mécanisme de garantie, qui viendrait en complément de la GRL (garantie des risques

locatifs) qui permettrait au bailleur d’être indemnisé si le locataire est maintenu

dans les lieux (42). 3) Améliorer l’articulation entre la procédure de surendettement, autre que la

procédure de rétablissement personnel et l’expulsion : voir le schéma n°1

4) Améliorer l’articulation entre la procédure de rétablissement personnel et

l’expulsion : voir le schéma n°3

5) Améliorer l’articulation entre la procédure de surendettement, le commandement de

42

Voir égal. les propositions formulées par Alain Trannoy et Étienne Wasmer, « La politique du logement locatif »,

Conseil d’analyse économique, octobre 2013.

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19

payer délivré par le bailleur et la procédure d’expulsion : voir schéma n°3 et

circulaire du 19 décembre 2011 (infra)

6) Améliorer l’articulation entre la procédure de surendettement, la procédure

d’expulsion, et la procédure DALO : voir schéma n°4

Extrait de V. Vigneau, G. Bourdin, Droit du surendettement des particuliers, LexisNexis, 2ème

édition, n°416 :

« Le juge locatif a statué avant l’adoption du plan :

Si le juge du contentieux locatif a prononcé la résiliation du contrat de bail et l’expulsion du

locataire, les organes du surendettement ne peuvent pas ordonner, en complément des mesures

de règlement des dettes, la suspension des mesures d’expulsion pendant la durée d’exécution

du plan de désendettement (…).

Si le juge locatif a accordé au débiteur des délais de paiement, sa décision ayant autorité de

chose jugée, les organes du surendettement devront en tenir compte dans le plan afin de

permettre au débiteur de respecter l’échéancier qui lui aura été accordé pour éviter

l’expulsion.

« Le juge locatif a statué après l’adoption du plan :

Si le plan désendettement, intégrant la dette de loyer est adopté avant l’expiration du délai de

deux mois visé dans le commandement de payer, imparti au débiteur pour s’acquitter de sa

dette avant acquisition de la clause résolutoire, les effets de cette dernière seront paralysés,

puisque dans un tel cas, le report, le rééchelonnement ou la suspension de l’exigibilité de la

dette a pour conséquence de priver le bailleur de son droit d’en exiger le paiement (…).

Si au contraire, le plan de désendettement intervient après l’expiration du délai de deux mois,

vis dans le commandement (…), celui-ci ne pourrait empêcher la poursuite d’expulsion du

locataire devant le juge du contentieux locatif qui ne pourra écarter la demande au seul motif

de l’existence du plan ».

Circulaire du 19 décembre 2011

Circulaire du 19 décembre 2011 :

« 1.2 Actes et paiements interdits

La suspension et l’interdiction ont pour conséquence d'interdire au débiteur de faire tout acte qui

aggraverait son insolvabilité, de payer, en tout ou partie, une créance autre qu'alimentaire, y

compris les découverts mentionnés aux 10° et 11° de l'article L.311-1, née antérieurement à la

suspension ou à l'interdiction, de désintéresser les cautions qui acquitteraient des créances nées

antérieurement à la suspension ou à l'interdiction, de faire un acte de disposition étranger à la

gestion normale du patrimoine ; elles entraînent aussi l'interdiction de prendre toute garantie ou

sûreté et donc l’interdiction pour le débiteur de concéder celles-ci (art. L.331-3-1 al. 2).

Toutefois, l’interdiction ainsi faite au débiteur de payer, en tout ou partie, une créance née

antérieurement à la suspension ou à l'interdiction ne fait pas obstacle à ce que celui-ci paye ses

charges courantes (loyer courant, frais courants d'électricité, de gaz ou de téléphone, etc.). De

même, elle ne fait pas obstacle au paiement des loyers courants d'une location avec option

d'achat. En effet, s'agissant de contrats à exécution successive, il semble que la position adoptée

par la Cour de cassation en matière de crédit-bail dans le cadre des procédures collectives

(Com., 28 mai 2002) selon laquelle les créances qui dépendent de tels contrats naissent des

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20

prestations successives puisse également être retenue en matière de surendettement.

Par ailleurs, le troisième alinéa de l’article L.331-3-1 permet au débiteur de saisir le juge afin

qu'il l'autorise à accomplir l'un des actes interdits par le deuxième alinéa de l’article L.331-3-1.

Dans ce cas, le juge statue par ordonnance (art. R.331-11-3).

Le débiteur pourra utilement faire usage de cette faculté afin de ne pas perdre le bénéfice de la

suspension des effets de la clause résolutoire attachée au respect des délais de paiements

accordés sur le fondement de l'article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à

améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n°86- 1290 du 23 décembre

1986.

En effet, la dette de loyer constituant une dette née antérieurement, celle-ci ne peut être réglée,

sauf autorisation du juge. Or le défaut de règlement de cette dette dans les conditions fixées

par le jugement accordant les délais de paiement (43

) a pour conséquence de mettre fin à la

suspension des effets de la clause résolutoire et ainsi d’autoriser le bailleur à poursuivre

l'expulsion du débiteur. Par ailleurs, si un acte est conclu ou un paiement effectué en violation des dispositions de

l'article L.331-3-1, sans autorisation du juge, l'article L. 333-2-1 permet désormais à la

commission, dans le délai d'un an à compter de cet acte ou de ce paiement, de saisir le juge en

vue de son annulation ».

43

Note perso : sur le fondement de l’art. 24 de la loi de 1989.

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Tableau récapitulatif des évènements de suspension des mesures d’expulsion

Liste des abréviations utilisées

APL : aide personnalisée au logement

CS : commission de surendettement

LJ : liquidation judiciaire

PRP : procédure de rétablissement personnel

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EVENEMENT SUSPENSION

DELAI LEGAL DE

FIN DE SUSPENSION

PROROGATION DU

DELAI

Saisine de la CS Absence de suspension

Entre la saisine et la

décision de recevabilité

Absence de suspension

Décision de recevabilité

C. consom., art. L. 331-3-

2

>>> rétablissement du

versement de l’APL

Ainsi, quand bien même

le locataire ne paierait

plus ses loyers, le

déblocage des aides se

fera dès la décision de

recevabilité. Mais pour

limiter le préjudice subi

par le bailleur, l’APL sera

directement versée au

bailleur. A cet effet, la

circulaire du 29 août

2011 (annexe) prévoit

que la décision de

recevabilité est notifiée à

la CAF dont relève le

débiteur.

-Suspension possible :

facultative et

judiciaire des mesures

d’expulsion à la demande

de la commission Voir

art. R. 331-12 sur le

formalisme de la

demande CA Grenoble,

5 mars 2013 (1) ; CA

Paris, 12 févr. 2013

(1bis)

En cas d’urgence

élargissement des

personnes pouvant saisir

le juge (la saisine du juge

peut intervenir à

l’initiative du président

de la commission, de son

délégué, du représentant

de la Banque de France

ou du débiteur. Aucune

précision n’est donnée

sur la forme que doit

alors respecter la

demande. Il est conseillé

d’appliquer l’art. R. 331-

9-1.

Constitutionnalité du

texte Voir C. cass. juill.

2012 (2)

La circulaire 29 août

2011 (supra) précise

qu’avant toute saisine, il

est recommandé à la

commission et à son

secrétariat de prendre

l’attache des services de

la préfecture chargés de

la CCAPEX, afin de

disposer d’éléments

complémentaires pour

apprécier l’opportunité

d’une telle saisine.

A noter :

-Art. R. 331-10-1 : le

recours contre décision

de recevabilité ne

suspend pas la

suspension de

l’expulsion

1 an

A compter du

01.01.2014 : 2 ans (LOI

n° 2013-672 du 26 juillet

2013 de séparation et de

régulation des activités

bancaires)

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-Art. R. 331-12 : le

jugement statuant sur la

demande de suspension

de mesure d’expulsion

est susceptible d’appel.

>>>Cependant, la

suspension se poursuit

malgré l’appel.

-Suspension exclue :

Expulsion fondée sur

un jugement

d'adjudication rendu en

matière de saisie

immobilière

Expulsion ordonnée sur

le fondement de l’art.

2198, al. 3 du code civil

EVENEMENT SUSPENSION

DELAI LEGAL DE

FIN DE SUSPENSION

PROROGATION DU

DELAI

C. consom., art. L. 331-3-

2

Jusqu’à l’approbation du

plan conventionnel de

redressement de l’article

L. 331-6

Après le plan,

l’expulsion peut

reprendre

En cas de

renonciation explicite

ou implicite du

créancier signataire

dans le plan

conventionnel Voir CE,

17 janv. 2011, req.

n°325663, SA HLM

France (3). Cependant,

fin de l’effet suspensif en

cas de défaillance du

débiteur dans l’exécution

du plan. Voir CE, 17

janv. 2011, req.

n°325663, SA HLM

France (3)

lorsque la situation

devient

irrémédiablement

compromise en cours

d’exécution du plan, la

CS peut demander la

suspension des mesures

d’expulsion

>>> voir infra

C. consom., art. L. 331-3-

2

Jusqu’à la décision de la

CS imposant les mesures

prévues à l’article 331-7 .

Après l’adoption des

mesures par la CS,

l’expulsion peut

reprendre

Suspension implicite

jusqu’à la défaillance du

débiteur

C. consom., art. L. 331-3- Jusqu’à l’homologation

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24

2 par le juge des mesures

prévues aux articles L.

331-7-1, L. 331-7-2 et L.

332-5 (PRP sans LJ).

Après l’homologation,

l’expulsion peut

reprendre

C. consom., art. L. 331-3-

2

Jusqu’au jugement

d’ouverture d’une PRP

avec LJ

Jusqu’au jugement de

clôture de la PRP

Saisine du juge d’une

PRP avec LJ

C. consom., art. L. 332-6

Suspension automatique

et judiciaire

Effet immédiat malgré

une voie de recours qui

pourrait être intentée

Suspension exclue :

Expulsion fondée sur

un jugement

d'adjudication rendu en

matière de saisie

immobilière

Expulsion ordonnée sur

le fondement de l’art.

2198, al. 3 du code civil

La suspension des

procédures d’expulsion

n’entraine pas la

suspension de la

responsabilité de l’Etat

pour refus de prêter son

concours à la mise en

œuvre d’une expulsion

sollicitée avant la PRP .

Voir CE, 24 avr. 2012,

req. n°338777 (4)

Jugement de clôture de la

PRP

Le bailleur peut

reprendre l’expulsion

Lorsque la situation

devient

irrémédiablement

compromise en cours

d’exécution du plan,

Art. L. 332-5

Suspension possible :

facultative et judiciaire

des mesures d’expulsion

à la demande de la

commission

Jusqu’à l’homologation

de la PRP sans LJ ou

jusqu’au jugement

d’ouverture avec LJ sans

pouvoir excéder un an

Jusqu’au jugement de

clôture de la PRP

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25

(1) CA Grenoble, 5 mars 2013, François A. c/ Sté ACTIS, 1re esp. : JurisData n° 2013-

004152

La difficulté de situation vécue par M. A. résulte du dossier de la commission de surendettement

du 23 juillet 2012 ainsi que des explications et des pièces communiquées à l'audience par les

deux parties, elle est ainsi résumée :

– des ressources très faibles, qui pourront dans l'avenir être augmentées si M. A. parvient à

obtenir un emploi, ce qui pourrait permettre le rétablissement de l'APL,

– une situation familiale délicate, du fait de sa séparation de sa compagne et de la charge de son

jeune fils, dont la situation de scolarité mérite stabilité.

À raison de l'opposition de la part d'ACTI5 au moratoire de 24 mois proposé par la commission

de surendettement puisqu'un F5L pouvait être envisagé sous condition de reprise des paiements

réguliers, et dès lors qu'aucune décision n'est intervenue à ce jour sur les mesures visées par

l'article L. 331-7 ni de plan de rétablissement, il convient de faire droit à la demande de M. A.

en suspension de la mesure d'expulsion, pour permettre à la commission de prévoir des

mesures adéquates.

(1 bis) CA Paris, 12 févr. 2013, Annie L. c/ SA EFIDIS, 2e esp. : JurisData n° 2013-003503

Considérant que l'article L. 331-3-2 du code de la consommation dispose que "si la commission

déclare le dossier du débiteur recevable, elle peut saisir le juge de l'exécution aux fins de

suspension des mesures d'expulsion du logement du débiteur. En cas d'urgence, la saisine du

juge peut intervenir à l'initiative du président de la commission, du délégué de ce dernier, du

représentant local de la Banque de France ou du débiteur. La commission est informée de cette

saisine. Si la situation du débiteur l'exige, le juge prononce la suspension provisoire des mesures

d'expulsion de son logement, à l'exception de celles fondées sur un jugement d'adjudication rendu

en matière de saisie immobilière et de celles ordonnées sur le fondement du troisième alinéa de

l'article 2198 du code civil (expulsion pour cause grave, avant toute adjudication, du débiteur

objet d'une saisie immobilière). Cette suspension est acquise, pour une période maximale d'un an

et, selon les cas, jusqu'à l'approbation du plan conventionnel de redressement prévu à l'article

L. 331-6, jusqu'à la décision imposant les mesures prévues par l'article L. 331-7, jusqu'à

l'homologation par le juge des mesures recommandées en application des articles L. 331-7-1,

L. 331-7-2 et L. 332-5 ou jusqu'au jugement d'ouverture d'une procédure de rétablissement

personnel avec liquidation judiciaire" ;

Considérant que Mme Annie L. n'a apporté aucune précision sur l'état d'avancement de la

procédure de surendettement suite à l'échec de la procédure amiable et à sa demande du 15 juin

2012 d'ouverture de la phase de mesures recommandées ou imposées ; que dés lors cette

procédure doit être présumée en cours ;

Considérant que s'il n'est pas contesté que Mme L. a repris les paiements courants ainsi qu'elle

l'indique depuis mars 2012, elle ne justifie pas à la date à laquelle la cour statue, de modalités

envisageables d'apurement d'un arriéré locatif conséquent de plus de 7000 euro ;

Qu'en l'état par ailleurs, d'un salaire relevé par la commission de 1241,63 euro, et de l'absence

de personne à charge, la situation de la débitrice n'exige pas que soit prononcée la suspension

provisoire de la mesure d'expulsion d'un logement faisant partie du parc social ;...

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26

(2) Cass. civ. 3ème

, 11 juillet 2012, N° de pourvoi: 12-40043, QPC - Non-lieu à renvoi au

Conseil constitutionnel

LA COUR, Attendu que la question transmise est ainsi rédigée : "L'article L. 331-3-2

du code de la consommation porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 2, 4

et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?" ; Attendu que M. X...

soutient que le pouvoir accordé au juge de suspendre toute mesure d'expulsion "si la situation du

débiteur l'exige" sans qu'aucun critère soit défini pour apprécier cette "situation" porte, au nom

de l'objectif de traitement des situations de surendettement, des atteintes excessives au droit de

propriété et à la liberté individuelle et que le législateur a méconnu sa compétence ; (…) ; Et

attendu, d'autre part, que la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce que la

suspension temporaire des mesures d'expulsion du débiteur de son logement n'a ni pour effet ni

pour objet de priver le propriétaire de l'immeuble de son droit de propriété, qu'elle répond à

l'objectif d'intérêt général de faciliter le traitement des situations de surendettement des

particuliers et que les atteintes qui en résultent pour le droit de propriété et la liberté individuelle

sont proportionnées à cet objectif dès lors que le prononcé de la suspension de la mesure

d'expulsion par le juge est entouré de garanties de fond et de procédure définies par le

législateur qui n'est pas demeuré en-deçà de sa compétence ; D'où il suit qu'il n'y a pas lieu

de la renvoyer au Conseil constitutionnel (…)

(3) CE, 17 janv. 2011, req. n°325663, SA HLM France Habitation :

« Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 331-6 du code de la consommation que

la commission départementale de surendettement a notamment pour mission, lorsqu'elle est

saisie par un débiteur se trouvant dans la situation de surendettement définie à l'article L. 330-1,

d'élaborer un plan conventionnel de redressement approuvé par le débiteur et ses principaux

créanciers ; que lorsqu'un propriétaire, titulaire d'une créance sur un occupant, a demandé le

concours de la force publique pour l'exécution d'une décision de justice ordonnant l'expulsion de

celui-ci, son approbation ultérieurement donnée à un plan conventionnel de redressement de son

débiteur ne vaut pas par elle-même renonciation à sa demande de concours de la force publique

; qu'il est toutefois loisible aux signataires du plan d'y faire figurer une clause expresse de

renonciation à la demande de concours de la force publique ou une clause valant, eu égard à son

contenu, renonciation à cette demande ; qu'une telle renonciation prend alors effet à la date de la

signature du plan conventionnel de redressement en présence du préfet, président de la

commission départementale de surendettement ; qu'en cas d'inexécution des stipulations de cette

clause, il appartient au bailleur, s'il entend faire à nouveau exécuter la décision de justice

prononçant l'expulsion de l'occupant, de saisir le préfet d'une nouvelle demande de concours de

la force publique ».

Hypothèse : le propriétaire a demandé auprès du préfet de lui prêter le concours de la force

publique pour procéder à une expulsion avant le dépôt du dossier de surendettement.

Décision du Conseil d’Etat

Le principe = l’approbation du propriétaire donnée à un plan conventionnel de

redressement de son débiteur ne vaut pas par elle-même renonciation à sa demande de

concours de la force publique

2 exceptions :

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27

Clause expresse de renonciation à la demande de concours de la force publique.

Exception assez théorique car rarement mise en pratique mais qui se justifie par le fait

que le bailleur peut toujours renoncer à un droit acquis

Clause implicite de renonciation : l’exception est assez ambigüe et donne au juge un

pouvoir d’appréciation qui dans certaines hypothèses, lui permet de prononcer lui

même la renonciation

Portée de la clause:

o Elle ne prend effet qu’à la date de signature du plan conventionnel de

redressement

En cas d'inexécution des stipulations de la clause de renonciation, il appartient au bailleur, s'il

entend faire à nouveau exécuter la décision de justice prononçant l'expulsion de l'occupant, de

saisir le préfet d'une nouvelle demande de concours de la force publique.

(4) CE, 24 avr. 2012, Req. N° 338777 : Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la date du 3

juillet 2007, à laquelle le préfet de la Haute-Garonne a implicitement refusé d'accorder à M. A le

concours de la force publique, la décision du 8 septembre 2006 du juge des référés du tribunal

d'instance de Toulouse était exécutoire ; que, par suite, le rejet de la réquisition dont

l'administration avait été régulièrement saisie a engagé la responsabilité de l'Etat à l'égard du

propriétaire ; que si la commission départementale de surendettement de la Haute-Garonne a, le

28 décembre 2007, saisi le juge de l'exécution aux fins d'ouverture d'une procédure de

rétablissement personnel de Mme B et si, par application des dispositions alors en vigueur de

l'article L. 331-3-1 du code de la consommation, cette saisine a emporté suspension des voies

d'exécution à l'encontre de l'intéressée, y compris les mesures d'expulsion du logement, cette

circonstance postérieure à la date à laquelle le concours de la force publique a été refusé et

indépendante de la volonté du propriétaire n'a pas, contrairement à ce que soutient le ministre de

l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, eu pour effet de

suspendre la responsabilité de l'Etat ; qu'il incombe à ce dernier de réparer l'ensemble des

préjudices que l'occupation irrégulière a causés au propriétaire entre le 3 juillet 2007 et le 15

juin 2009, date à laquelle les lieux ont été libérés

>>> La décision est dans la logique de celle rendue sur le terrain de l’adoption d’un plan

de redressement conventionnel. Si l’adoption d’un plan conventionnel ne vaut pas

renonciation du créancier-propriétaire à engager la responsabilité de l’Etat pour refus du

concours de la force publique, l’ouverture d’une PRP qui s’impose à lui ne doit pas à

fortiori entrainer la renonciation de son droit.

Schémas n°1, 2, 3, 4 (annexés)

Liste des abréviations utilisées

APL : aide personnalisée au logement

LJ : liquidation judiciaire

PRP : procédure de rétablissement personnel