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CERDI, Etudes et Documents, E 2001.03 CENTRE D’ETUDES ET DE RECHERCHES SUR LE DEVELOPPEMENT INTERNATIONAL Document de travail de la série Etudes et Documents E 2001.03 OUVERTURE, VULNERABILITE ET DEVELOPPEMENT par Patrick GUILLAUMONT* février 2001, 29 p. * CERDI, CNRS et Université d'Auvergne. Version révisée d'un exposé donné au Colloque "Ouverture économique et développement", GDR "Economie et Finance Internationales", Tunis, 23-24 juin 2000.

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CERDI, Etudes et Documents, E 2001.03

CENTRE D’ETUDESET DE RECHERCHESSUR LE DEVELOPPEMENTINTERNATIONAL

Document de travail de la sérieEtudes et Documents

E 2001.03

OUVERTURE, VULNERABILITE

ET DEVELOPPEMENT

par

Patrick GUILLAUMONT*

février 2001, 29 p.

* CERDI, CNRS et Université d'Auvergne. Version révisée d'un exposé donné au Colloque "Ouverture économique et développement", GDR "Economie et Finance Internationales", Tunis, 23-24 juin 2000.

CERDI, Etudes et Documents, E 2001.03

Résumé

Cet article présente d'abord une vue d'ensemble des concepts d'ouverture et devulnérabilité en distinguant ce qui dans les deux cas dépend respectivement de la politiqueéconomique et des facteurs structurels, indépendamment de la politique. Son ainsi proposésdes concepts de politique d'ouverture, mesurable par le résidu d'une fonction d'ouvertureestimée à partir de ses facteurs structurels, et de vulnérabilité structurelle, mesurable à partird'indicateurs de l'ampleur des chocs et de l'exposition structurelle à ces chocs. Quelques effetsconjoints de la politique d'ouverture et de la vulnérabilité structurelle sont ensuite présentés, àpartir des résultats de plusieurs études transversales, résumés en six propositions : 1/ alors quela croissance des exportations favorise la croissance économique, leur instabilité la diminue,2/ la vulnérabilité affecte plus la productivité des facteurs que l'accumulation du capital, 3/ leseffets de la vulnérabilité structurelle passent en grande partie par des variables intermédiairesde politique économique, 4/ les effets de l'instabilité des exportations sont atténués par lapolitique d'ouverture, 5/ les effets de la vulnérabilité structurelle sont également atténués parl'aide extérieure, 6/ une mesure adéquate de la performance macroéconomique, reflétant à lafois la qualité de la politique économique, notamment la politique d'ouverture, et pour ce faireprenant en compte la vulnérabilité structurelle, y compris sont influence sur la politique, peutservir de critère d'allocation de l'aide.

Mots-clef : ouverture, vulnérabilité, politique d'ouverture, chocs, instabilité, résilience,productivité, croissance, aide.

Abstract

This paper gives a conceptual overview of the openness and vulnerability, sharingwhich in both cases respectively depends on economic policy and on structural factors,independent from policy. It focuses on openness policy, proposed to be measured by theresidual of an openness function estimated only from structural factors, and on structuralvulnerability, proposed to be measured from indicators reflecting the size of the shocks andthe exposure to them. Some joint effects of an openness policy and of structural vulnerabilityare then presented, relying on several previous cross-section regressions and summarized onsix proposals : 1/ whereas economic growth is raised by export growth, it is lowered by exportinstability, 2/ vulnerability (instability) affects more total factor productivity than capitalaccumulation, 3/ structural vulnerability to a large extent operates through economic policyintermediary variables, 4/ negative effects of export instability are dampened by an openpolicy, 5/ they are also dampened by foreign aid, 6/ an appropriate measurement ofmacroeconomic performance both reflecting the quality (openness) of the policy and takinginto account structural vulnerability, can be used as a criterion for aid allocation.

Keywords : openness, vulnerability, outward-looking policy, shocks, instability, resilience,productivity, growth, aid.

CERDI, Etudes et Documents, E 2001.03

OUVERTURE, VULNERABILITE ET DEVELOPPEMENT

par

Patrick Guillaumont*

Chateaubriand traçant à la fin des Mémoires d'Outre-Tombe le "résumé des

changements arrivés sur le globe pendant sa vie" écrit notamment "la géographie entière a

changé… L'Afrique a ouvert ses mystérieuses solitudes…". Si ce que l'ouverture révèle n'est

plus tant aujourd'hui source de mystère, l'ouverture elle-même et ses conséquences demeurent

en partie mystérieuses, pour les économistes en tout cas.

C'est en tout cas ce qui ressort de la littérature de ces dernières années, moins

assurée peut-être que naguère sur l'étendue des bienfaits de l'ouverture. A titre d'illustration on

peut comparer les propos de Sachs et Warner (1995) ou encore d'Edwards (1998), qui

soulignent ces bienfaits, Rodrik (1999b) ou de Frankel et Romer (1999) qui en atténuent la

portée, ou encore aux critiques méthodologiques adressées par Rodriguez et Rodrik (1998)

aux principaux travaux économétriques qui les ont soulignés. Dans le grand public le débat de

la mondialisation, sans se référer à ces travaux, en offre comme un écho lointain. Mais le

sentiment demeure chez les économistes, y compris dans les dernières références précitées,

que fondamentalement le commerce et l'ouverture sont plutôt favorables au développement.

Une autre source de changement dans le regard porté sur l'ouverture est l'intérêt

récent pour les questions de vulnérabilité et les implications des différentes formes de

vulnérabilité économique, en particulier à l'égard des chocs extérieurs. Donnons-en quelques

signes : la requête de l'Assemblée Générale des Nations-Unies pour que soit établi un

indicateur de vulnérabilité économique, applicable notamment aux petits Etats insulaires,

* CERDI, CNRS et Université d'Auvergne. L'auteur remercie Jean-Louis Combes et Sylviane Guillaumont pourleurs remarques sur une première version de ce document, dont bien des éléments résultent de travaux communs.

2

l'établissement d'un tel indice par le Comité des Politiques de Développement des

Nations-Unies (1999, 2000) en vue de l'identification des pays les moins avancés, les efforts

d'autres institutions internationales pour établir un indice du même genre (par exemple Easter

1999, Crowards 1999), les travaux qui se sont développés sur les conséquences des chocs

commerciaux (par exemple Collier et Gunning, 2000) ou, dans le sillage de la crise asiatique,

sur les risques de crise financière (Berg et Patillo, 1999, etc.).

Bien que les deux notions d'ouverture et de vulnérabilité aient des connotations

antagoniques, l'une positive et l'autre négative, elles partagent une commune ambiguïté. L'une

et l'autre sont à la fois le résultat de facteurs structurels, indépendants de la volonté politique

du pays, du moins de leur volonté du moment, et celui de la politique économique elle-même.

Or afin de pouvoir tirer de leur analyse des enseignements pour la politique, il convient de

distinguer aussi clairement que possible pour l'une et l'autre les composantes structurelle et

politique. Nous nous proposons donc dans ce qui suit de rappeler ce qu'est et comment

mesurer la politique d'ouverture, distincte de l'ouverture observée, laquelle est fonction à la

fois de la politique d'ouverture et de facteurs structurels, puis d'analyser et à nouveau de

mesurer ce qu'est la vulnérabilité économique structurelle, elle-même distincte de la

vulnérabilité économique générale, qui est fonction à la fois de la vulnérabilité structurelle et

de la politique économique. Pour rendre le propos plus simple nous nous limiterons aux seuls

aspects commerciaux de l'ouverture et de la vulnérabilité, les plus importants dans le cas de

pays en développement à faible revenu, laissant de côté les aspects financiers, plus sensibles

dans les pays à revenu intermédiaire1.

Après avoir proposé des concepts mesurables à la fois de "politique d'ouverture"

et de "vulnérabilité structurelle", nous examinons la façon dont l'une et l'autre agissent

conjointement et en sens opposé sur la croissance économique, ainsi que permet de le tester

une analyse transversale appropriée. Celle-ci implique non seulement d'introduire

simultanément dans l'équation de croissance des variables d'ouverture et de vulnérabilité,

mais aussi de faire la part de ce qui passe par l'investissement et par la productivité des

facteurs, d'explorer les facteurs qui influencent l'impact, c'est-à-dire les coefficients, de

l'ouverture et de la vulnérabilité, enfin de repérer quelles variables intermédiaires transmettent

les effets de l'une et de l'autre. Quelques résultats obtenus antérieurement, utilisant notamment

3

des variables représentant la croissance et l'instabilité des exportations, illustreront le propos,

en attendant ceux d'un nouveau modèle qui lui est plus précisément adapté2.

1 - Ouverture observée et politique d'ouverture

Partons de la distinction simple entre l'ouverture (commerciale) observée, mesurée

par un pourcentage exprimant le rapport d'une mesure de commerce extérieur à un agrégat

intérieur ou par son accroissement et la politique d'ouverture, mesurée de quelque façon,

l'ouverture observée ne dépendant qu'en partie de la politique d'ouverture. Une grande part du

débat sur les effets d'une "stratégie" ou d'une politique d'ouverture vient de ce que les tests

économétriques prennent en considération le premier concept et non le second et que

lorsqu'ils prennent en compte le second, sa mesure est elle-même discutée, voire rejetée

comme non véritablement représentative de la politique d'ouverture. Nous considérons

d'abord l'ouverture observée, pour montrer que cette mesure elle-même n'est pas sans

ambiguïté, puis rappelons les principales critiques faites (notamment par Rodrik) sur les

mesures de la politique d'ouverture les plus couramment utilisées, et présentons enfin

l'indicateur de politique d'ouverture économique "révélée" que nous avons utilisé dans divers

travaux antérieurs.

L'ouverture observée elle-même ambiguë

L'ouverture commerciale est généralement repérée par le ratio de la somme des

exportations et des importations au PIB, soit (X + M)/Y. Mieux vaut retenir le commerce des

biens et services (non facteurs) plutôt que celui des seuls biens, si les statistiques relatives aux

services sont disponibles. Il peut être aussi préférable de considérer le ratio des seules

exportations au PIB ; en effet le ratio des importations au PIB est d'interprétation plus

incertaine puisqu'il peut être réduit par une plus forte compétitivité aussi bien que par une

politique de protection, et accru par des apports d'aide ou de capitaux à long terme aussi bien

par la libéralisation du commerce.

1 Une analyse de l'ouverture financière reposant sur la même méthode de décomposition est présentée ailleurs(Combes, Guillaumont, Guillaumont Jeanneney et Combes Motel, 2000).2 Travail en cours en collaboration avec Jean-Louis Combes.

4

A vrai dire le taux d'exportation lui-même a une signification douteuse dans la

mesure où il est le rapport d'un chiffre d'affaires à une valeur ajoutée (ce qui explique qu'il

soit dans un pays comme Singapour supérieur à 100 %) : le ratio significatif serait le rapport

au PIB de la valeur ajoutée incluse dans les exportations. C'est faute d'en disposer que l'on

utilise le taux brut d'exportation. Meilleur à cet égard est le rapport des exportations au total

des ressources disponibles [X / (Y + M)]. En effet, à supposer que le contenu en importations

des exportations fût en % le même que celui du total de la dépense ou des emplois (absorption

+ exportations), il faudrait pondérer le taux d'exportation par le pourcentage de la dépense

satisfaite par la production intérieure, ce qui conduit à calculer le rapport des exportations au

total des emplois (ou des ressources)3.

Les indicateurs contestés de la politique d'ouverture

Pour mesurer de façon comparable le caractère plus ou moins ouvert sur

l'extérieur (outward-looking) de la politique économique, différentes mesures ont été utilisées,

ciblées sur certains aspects de la politique commerciale : niveau moyen des tarifs à

l'importation ou des taxes à l'exportation, pourcentage des importations soumis à des

restrictions quantitatives, existence du contrôle des changes ou d'une prime de change sur le

marché parallèle des devises, etc. Par définition chaque indicateur est partiel, puisqu'une

politique économique ouverte résulte de la façon dont sont utilisés l'ensemble des instruments

de la politique économique. Balassa la définissait comme politique exempte de biais contre

les exportations, le biais pouvant venir des tarifs, des restrictions quantitatives, des

réglementations, de la politique de change, etc.

C'est pourquoi divers auteurs ont tenté de classer les pays selon le caractère plus

ou moins ouvert de leur politique en combinant des indicateurs partiels relatifs à tel ou tel

instrument mesurable de politique ou des notations sur les éléments qualitatifs de la politique.

Deux travaux peuvent être cités comme particulièrement représentatifs de cette méthode, l'un

plus ancien, celui du Rapport sur le développement dans le monde de la Banque Mondiale

(1987) et celui plus récent de Sachs et Warner (1995), très largement repris depuis dans

3 En effet :

MY

XXD

YYX

+=

+

5

diverses études4. Edwards (1998) afin de tester le pouvoir explicatif sur la croissance de la

productivité de facteurs de différents indicateurs particuliers de la politique d'ouverture, dont

les deux derniers, qu'il trouve tous significatifs, élabore un indicateur synthétique au moyen

d'une analyse en composantes principales reposant sur les informations fournies par neuf

indicateurs, dont celui de Sachs et Warner5.

Rodriguez et Rodrik ont présenté une critique rigoureuse et convaincante de ces

indicateurs, ainsi que de certains autres fréquemment cités dans la littérature, comme celui de

Dollar (1992). Nous ne pouvons ici reprendre ces critiques, qui portent à la fois sur la logique

des indicateurs de base utilisés en tant qu'expression véritable d'une politique d'ouverture sur

l'extérieur (notamment chez Sachs et Warner)6, sur le caractère plausible de leur niveau

enregistré, sur leur pondération et sur la significativité des résultats économétriques obtenus

pour mesurer à travers l'indicateur synthétique l'effet de l'ouverture. En bref les indicateurs

composites de politique d'ouverture reposent inévitablement sur des jugements subjectifs dans

le choix et la pondération de leurs composants, et leur pouvoir explicatif demeure

controversé.

Un indicateur de politique d'ouverture révélée7

Quant au taux d'ouverture prenant en compte à la fois les exportations et les importations, il pourrait être définipar le rapport (X + M) / (Y + M).4 Un pays i est considéré l'année t comme fermé selon Sachs et Warner s'il remplit l'un quelconque des cinqcritères suivants :

- taux moyen de tarif supérieur à 40 %- barrières non tarifaires couvrant plus de 40 % des importations- système économique socialiste- monopole d'Etat sur les exportations principales- prime sur le marché parallèle des changes supérieure à 20 % soit durant les années soixante-dix, soitdurant les années quatre-vingt.

5 Les autres étant- l'indicateur du Rapport sur le Développement dans le Monde de la Banque Mondiale (1987)- l'indicateur de Leamer- la prime moyenne sur le marché parallèle des changes- le tarif moyen à l'importation pour les produits manufacturés- la couverture moyenne des barrières non tarifaires- l'indice de distorsion dans le commerce international de Héritage Foundation (qui varie de 1 à 5)- le ratio des taxes sur le commerce extérieur à la valeur de celle-ci- l'indice de distorsion dans les importations de Wolf.

6 On ajoutera à titre d'exemple que la Côte d'Ivoire a été constamment considérée comme "fermée" depuis sonIndépendance, en raison de l'existence de la Caisse de Stabilisation, alors même que jusqu'au milieu des annéessoixante-quinze elle était considérée en Afrique comme l'exemple même, relativement rare, de l'économieouverte…7 Ce paragraphe reprend des arguments développés dans Guillaumont (1985, 1989, 1994), dans Combes,Guillaumont et Poncet (2000) et, avec une application aux provinces chinoises, dans Combes, Guillaumont,Guillaumont Jeanneney et Combes Motel (2000).

6

Pour éviter les problèmes posés par les indicateurs composites de politique

d'ouverture, la méthode que nous préconisons et avons utilisée depuis une quinzaine d'années

consiste à décomposer l'ouverture observée en deux parts, l'une expliquée par des facteurs

structurels, indépendants de la politique, et l'autre, captée par le résidu de la fonction

explicative de l'ouverture observée, estimée sur données transversales, les arguments étant

constitués par les dits facteurs structurels et par eux seuls. L'indicateur de politique

d'ouverture ainsi obtenu, "politique révélée", capte l'effet de l'ensemble des multiples mesures

de politique qui agissent sur l'ouverture, sans exclusion ni pondération subjective. Il s'agit d'un

indicateur de résultat, non d'instrument. Il s'agit d'autre part d'un indicateur d'ouverture

relative, puisque par définition la moyenne des résidus est nulle8. Bien entendu, l'utilisation

du résidu comme indicateur de politique suppose que les facteurs exogènes ou structurels

agissant sur l'ensemble des pays aient été bien identifiés ; d'autre part le résidu est supposé ne

pas résulter de facteurs aléatoires indépendants de la volonté du pays. Notons encore que

relative la politique d'ouverture ainsi mesurée l'est à un double titre : d'abord pour la raison

déjà indiquée (elle est relative aux autres pays), mais aussi parce que le résidu est en quelque

sorte purgé de l'influence normale ou générale des facteurs structurels sur la politique

économique (il s'agit d'une politique d'ouverture autonome, c'est-à-dire ajustée de l'influence

normale qu'exercent sur elle les facteurs structurels).

Dans une première série de travaux portant sur le taux d'exportation, l'estimation

de l'indicateur d'ouverture a été effectuée sur données transversales relatives à une seule

période (pouvant couvrir plusieurs années) avec comme facteurs structurels la population,

indicateur de dimension (en log) (signe attendu négatif), le produit par tête initial (signe

attendu positif), le caractère enclavé du pays (effet négatif), et le taux d'exportation minière

(coefficient attendu < 1) (cf. Guillaumont 1985, 1989, 1994). Sous cette formulation

simplifiée les résultats étaient apparus exprimer assez bien le caractère plus ou moins ouvert

des politiques et l'indicateur avoir un assez bon pouvoir explicatif de la croissance

8 Il est normal en l'occurrence de ne s'attacher qu'aux échanges officiels enregistrés puisque précisément plus lapolitique économique est défavorable aux échanges officiels (politique commerciale protectionniste, contrôlesdes changes, etc.) plus les échanges informels se développent et plus la valeur du taux d'ouverture observées'écarte à la baisse du taux normal. Ainsi, une politique plus libérale des échanges entraîne-t-elle à la fois uneaugmentation effective des échanges et une diminution de la part informelle de ceux-ci.

7

(Guillaumont P. et S. et Plane, 1987) ou d'autres phénomènes, tels que la diminution du "biais

urbain" (Guillaumont 1988)9.

Dans une seconde série de travaux portant cette fois sur le taux d'ouverture

(X + M) / Y, une estimation de l'indicateur a été effectuée en panel, sur plusieurs périodes

(1971-1975, 1976-1986, 1987-1995), de façon à saisir à la fois les différences relatives de

l'ouverture des politiques entre pays et au cours du temps (Combes, Guillaumont,

Guillaumont Jeanneney et Combes Motel, 2000)10. Les mêmes variables explicatives que

précédemment (cette fois en log) ont été utilisées, auxquelles on a ajouté la distance moyenne

du pays par rapport aux principaux marchés internationaux11.

Ainsi ressort-il de ce mode d'estimation qu'en moyenne les pays d'Afrique au Sud

du Sahara qui paraissaient avoir une politique relativement fermée en 1971-1975 (en moyenne

- 3 % par rapport au PIB) semblaient en 1987-1995 avoir une politique relativement ouverte

(en moyenne + 8 % du PIB)12, certes à un degré moindre que les pays d'Asie ou les pays à

revenu élevé, mais supérieur à celui des pays d'Amérique Latine. D'une façon générale les

politiques paraissent en moyenne plus ouvertes sur cette deuxième période que sur la

première : les distorsions ou rigidités défavorables au commerce ont eu tendance à régresser

(cf. dans le même sens Collier et Gunning, 1999).

L'étape suivante, en cours, consiste à établir un indicateur de politique d'ouverture

annuel au moyen d'un panel de i pays sur t années, expliquant le taux d'exportation par rapport

à l'offre totale xit = Xit / (Yit + Mit), par les mêmes facteurs, produit par tête initial, population

initiale, taux d'exportation minière, muette pour pays enclavé, distance à l'égard des marchés,

distance par rapport à l'équateur, mais aussi tenant compte des fluctuations des prix

internationaux d'année en année13. Dans tous les cas on décompose l'ouverture observée en

9 C'est ce qui ressort également des travaux de F. Serranito (2000a, 2000b), qui recourent à un indicateur depolitique d'ouverture du même type.10 Ce qui implique évidemment de ne pas inclure d'effet fixe temporel.11 Un indicateur de politique d'ouverture financière a été établi selon une méthode similaire.12 Bien qu'en moyenne leur taux d'ouverture observé soit supérieur à celui de l'ensemble de l'échantillon(44 contre 62) et ne se hisse en 1987-1995 qu'à un niveau inférieur (67 contre 73).13 Par exemple en incluant dans la régression l'indice des termes d'échange, établi pour tous les pays et sur unebase unique antérieure aux grandes fluctuations de prix internationaux. La qualité des résultats est toutefoisaffaiblie par la fiabilité limitée des statistiques disponibles des termes de l'échange.

8

deux éléments, l'ouverture structurelle ou naturelle14, qui est estimée, et la politique

d'ouverture, qui correspond au résidu, de telle sorte que :

x̂xRx it

naturelleoulestructurelouverture

it

observéeouverture

it

ouverture'dpolitiquedeindicateur

−=

Nous verrons en conclusion que le choix d'un indicateur de politique d'ouverture

"révélée" plutôt que d'un indicateur composite établi à partir des instruments de la politique

d'ouverture n'a pas seulement un avantage technique. Son usage même a des implications

pour juger de la politique en fonction de ses résultats plutôt qu'à travers ses instruments.

2 - Vulnérabilité structurelle et capacité de réaction

Sans revenir sur les raisons et les circonstances qui ont rendu la vulnérabilité

économique à la mode (cf. Guillaumont 1999), tentons de préciser rapidement les principaux

concepts relatifs à cette notion et applicables à l'examen des conséquences du commerce sur

le développement.

Quelques distinctions préalables

La vulnérabilité économique d'un pays est le risque pour celui-ci d'être

négativement affecté (d'être "blessé") par des chocs exogènes, c'est-à-dire des événements

imprévus et incontrôlables. La vulnérabilité économique peut être entendue soit de façon

statique, comme le coût immédiat en bien-être du choc, soit de façon dynamique, comme la

conséquence des chocs sur la croissance, le développement, la réduction de la pauvreté, etc. A

la vulnérabilité macroéconomique, celle d'un pays dans son ensemble, considérée ici,

correspond évidemment une vulnérabilité microéconomique, le risque pour des individus se

14 L'expression ouverture "naturelle" est due à Rodrik (1998) : cet auteur, afin de tester l'exogénéité de lavariable d'ouverture dans une relation où celle-ci est supposée expliquer le niveau des dépenses publiques (cf.infra), estime une mesure de "l'ouverture naturelle" fonction de la population, de la distance des principauxpartenaires commerciaux et de variables muettes régionales. La notion d"ouverture naturelle" a été égalementutilisée récemment par Shang-Jin Wei (2000) pour expliquer un moindre degré de corruption.

De leur côté, pour examiner les effets du commerce sur la croissance Frankel et Romer (1999), afind'éviter un biais de simultanéité, s'attachent curieusement à la seule valeur des exportations estimée à partir defacteurs structurels géographiques, donc ne reflétant pas la politique. Les auteurs reconnaissent toutefois que leseffets des deux types d'ouverture (structurelle et politique) peuvent différer.

9

trouvant dans une situation donnée d'être touchés par tel ou tel choc, par exemple en tombant

plus ou moins durablement dans un état de pauvreté15.

Les chocs auxquels sont ainsi soumis les pays sont essentiellement de deux

ordres, les chocs naturels et climatiques (typhons, tremblements de terre, éruptions

volcaniques, inondations, sécheresses,…) et les chocs externes liés au commerce (instabilité

des prix mondiaux ou de la demande externe) ou à la finance (instabilité des taux d'intérêt et

des marchés financiers, etc.). S'agissant des chocs externes c'est au commerce externe que

nous nous intéressons ici plus particulièrement, comme pour l'ouverture.

En ce qui concerne la vulnérabilité par rapport aux chocs naturels, il importe de ne

pas confondre la vulnérabilité économique par rapport à ces chocs et la vulnérabilité

écologique en tant que telle, notion qui s'attache essentiellement à des conséquences d'ordre

physique, et inclut ce que l'on appelle la fragilité écologique (par exemple pertes dans la bio-

diversité,…)16. Mais l'accent mis sur la vulnérabilité économique ne doit pas conduire à lui

assimiler toute forme de handicap économique : le fait pour un pays d'être enclavé ou

insulaire par exemple, ou d'avoir un faible niveau de ressources humaines, peut naturellement

constituer un handicap de croissance, sans être pour autant une source de vulnérabilité17.

Notons aussi que la vulnérabilité (économique) peut paraître comme étant le contraire de la

soutenabilité de la croissance, une autre notion encore plus à la mode et souffrant d'une

ambiguïté similaire : plus un pays est vulnérable économiquement, moins sa croissance

semble soutenable ou durable, ceteris paribus. Mais la soutenabilité de la croissance ne

dépend pas seulement (de façon négative) de la vulnérabilité à l'égard des chocs ; elle résulte

aussi de facteurs plus permanents, tels que l'accumulation du capital physique et humain et de

la préservation des ressources naturelles, ce sur quoi insiste plus spécifiquement la notion de

développement soutenable (d'un point de vue écologique).

15 La vulnérabilité des individus tient une place importante dans l'analyse de la pauvreté, thème du dernierWorld Development Report (World Bank, 2000, cf. p. 20 et 138 et s.).16 La distinction entre vulnérabilité économique et vulnérabilité écologique a été parfois obscurcie dans laconsidération prioritaire donnée dans les milieux internationaux à la vulnérabilité des petits Etats insulaires. Elleest au demeurant clairement faite in United Nations (CDP), 1999. La tentative la plus complète pour établir unindice de vulnérabilité de l'environnement est celle de la SOPAC (South Pacific Applied GeoscienceCommission) qui n'a porté que sur quelques pays. Cf. Kaly and alii (1999).17 Différents indicateurs de vulnérabilité ont été établis en référence plus particulièrement à la situation de petitsEtats insulaires (Briguglio 1995, 1997, Crowards 1999, Easter 1999). Certains (Briguglio) incluent ainsil'éloignement et l'importance relative des coûts de transport parmi les éléments de la vulnérabilité.

10

Trois composants de la vulnérabilité : chocs, exposition, résilience

Le risque que supporte un pays d'être affecté par des événements imprévus peut

être décomposé en trois éléments18 :

- l'ampleur potentielle des chocs

- l'exposition aux chocs

- la capacité des pays à réagir à ces chocs, dite encore résilience.

La notion de résilience est largement utilisée dans des travaux consacrés à la

vulnérabilité environnementale ou écologique. Elle a une claire correspondance en matière

économique et correspond à la capacité de gestion ou d'absorption des chocs. Une distinction

proche de la précédente peut être trouvée chez Rodrik (1998, 1999) qui, s'interrogeant sur le

risque de conflit social (facteur d'arrêt de la croissance), distingue la sévérité des chocs, la

profondeur des conflits sociaux latents (susceptibles d'accroître l'impact des chocs) et la

qualité des institutions de gestion des conflits.

Prenons le cas d'un pays exportateur de produits primaires. La vulnérabilité aux

chocs commerciaux dépend des fluctuations des prix mondiaux des produits qu'il exporte,

reflétée dans l'instabilité de ses termes de l'échange, de son exposition à ces fluctuations,

représentée par le ratio de ses exportations (de produits primaires) au PIB et enfin de sa

capacité à gérer efficacement les chocs enregistrés.

Dans un tel cas, si le pays est un petit pays (preneur de prix), l'instabilité des prix

des marchandises qu'il exporte est exogène. A l'opposé, sa résilience ou capacité à gérer les

chocs dépend essentiellement de la politique menée. L'exposition aux chocs, en l'occurrence

le taux d'exportation, a un statut plus ambigu, puisqu'elle dépend, comme on l'a vu, à la fois

de facteurs structurels et de la politique économique. Toutefois l'exposition initiale dépend de

la politique antérieure et est une donnée pour la politique du moment.

On peut ainsi introduire une distinction entre la vulnérabilité économique

structurelle (déterminée par les chocs et, pour tout ou partie, par l'exposition aux chocs) et la

18 Une telle distinction peut être utilisée dans divers contextes, par exemple pour l'examen de la transmission desrécessions américaines aux pays européens (Guillaumont 1961), ou pour toute transmission de conjoncture d'unpays à un autre… (Guillaumont 1985, t. III).

11

vulnérabilité due à la politique économique, plus conjoncturelle et plus facilement réversible.

La vulnérabilité des pays asiatiques, si souvent soulignée à la suite de la crise de 1997, est très

différente de celle des petites économies à faible revenu exportatrices de matières premières

ou insulaires, non seulement parce qu'elle est plus financière que commerciale, mais surtout

parce qu'elle est moins structurelle et plus politique ou conjoncturelle19. Si donc on doit

utiliser un indice de vulnérabilité économique pour apporter un soutien durable de la

communauté internationale à certains pays, tels que les pays les moins avancés, c'est

évidemment la vulnérabilité structurelle qui doit être identifiée.

La mesure des chocs externes

Nous ne pouvons ici qu'évoquer les chocs naturels, particulièrement difficiles à

mesurer de façon comparable en un indice, tant ils sont hétérogènes dans leur nature et leur

gravité. Indiquons simplement qu'une mesure approximative commode peut en être fournie

par un indice d'instabilité de la production agricole. Un tel indice déjà utilisé depuis de

nombreuses années au CERDI a été adopté par le Comité de Politique du Développement des

Nations-Unies comme un des composants de l'indice d'ouverture économique qu'il a

récemment proposé20.

Une bonne approximation de l'ampleur des chocs subis par un pays sur son

commerce extérieur est naturellement l'instabilité de la valeur réelle de ses recettes

d'exportations. Les exportations à considérer sont celles de biens et de services, les services

représentant souvent une large part de l'ensemble des recettes dans des pays de petite

dimension. Nous pouvons supposer que cette instabilité pour de petits pays (price taker) est

largement structurelle, et résulte d'événements exogènes, à savoir les fluctuations des prix

mondiaux, de la demande externe, ainsi que d'aléas climatiques ou naturels internes.

Naturellement certaines fluctuations du volume des exportations peuvent être dues à la

politique elle-même, mais nous pouvons supposer que l'effet de la politique sur le volume des

exportations est mieux saisi par sa tendance que par son instabilité. Si l'on veut s'attacher à la

19 Aussi est-elle mesurée dans divers travaux par la probabilité de déclenchement d'une crise en réponse à unchoc, elle-même estimée à partir de différents facteurs, tels que les changements politiques, le niveau du taux dechange réel, l'évolution des prêts bancaires, l'état des réserves extérieures, le taux de liquidité, etc. Cf. Berg andPatillo (1999), Tornell (1998), Bussière and Mulder (1999).20 De préférence à des indicateurs de désastres naturels, parfois utilisés, mais qui peuvent être trompeurs enraison de l'hétérogénéité des éléments qu'ils agrègent, ou de l'arbitraire dans le calcul du coût des dommagesqu'ils incluent.

12

seule vulnérabilité par rapport aux prix mondiaux, une mesure plus appropriée pourra être

l'instabilité des termes de l'échange.

Au demeurant la mesure des indices de volume et de prix dans le commerce à

l'échelon des pays pose quelques problèmes. Les estimations des valeurs unitaires et de termes

de l'échange des pays par la CNUCED sont seulement "tentative", et de toute façon ne

couvrent que les exportations de biens21. Aussi paraît-il préférable de déflater la valeur des

exportations (en dollars courants) par un indice de prix mondial des exportations, c'est-à-dire

d'exprimer les exportations de biens et services des différents pays par leur pouvoir d'achat en

un même panier de biens. Pour la même raison, on devra utiliser avec précaution les

indicateurs d'instabilité des termes d'échange eux-mêmes.

Une fois établie la série adéquate d'exportations (ou de termes d'échange), il

convient de choisir la mesure de l'instabilité. Le plus souvent on utilisera la variance des

écarts par rapport à une valeur tendancielle ou de référence, exprimés en % de celle-ci (à

moins que les séries ne soient exprimées en log). Le problème central est alors de choisir la

valeur de référence ou tendancielle par rapport à laquelle l'instabilité est mesurée.

Remarquons que pour établir des indicateurs de vulnérabilité internationalement comparables,

nous n'avons pas besoin d'interpréter l'instabilité comme une variable de risque perçu par les

agents économiques ce qui impliquerait de spécifier un modèle de formation des

anticipations, lequel peut différer selon les pays22. De plus l'instabilité peut être nuisible,

comme on le verra, non seulement parce qu'elle est source de risque, mais aussi en raison des

réactions asymétriques qu'elle entraîne à la hausse et à la baisse. Il est seulement nécessaire de

mesurer des déviations par rapport à une tendance observée dans le passé.

Dans la littérature sur l'instabilité des exportations on a longtemps supposé

l'existence d'une tendance déterministe, où les exportations sont fonction du temps (de façon

linéaire ou exponentielle) [xt = γ + β.t + εt ]. Mais il faut naturellement prendre en compte

l'éventualité de séries non stationnaires : autrement dit la série peut ne pas correspondre à une

loi déterminée mais être influencée par les chocs affectant de façon permanente la série, ce

21 Les indices de Deaton et Miller (1993) repris par Dehn et Gilbert (1999), qui sont une moyenne de prixinternationaux pondérés par une structure fixe de commerce propre à chaque pays, ont pour inconvénient que lesvaleurs unitaires à l'exportation de chaque produit pour chaque pays peuvent évoluer de façon sensiblementdifférente des prix internationaux.22 Certains auteurs au contraire s'attachent aux seuls effets de l'incertitude (relative aux exportations, à lapolitique, aux prix,…) (Lensink, Bo, Sterken, 1999).

13

qui peut conduire à des séries purement stochastiques (marche au hasard) [xt = xt-1 + εt ].

Comme d'un autre côté les séries peuvent ne pas être purement stochastiques, le mieux dans

une comparaison portant sur un grand nombre de pays est d'introduire un élément

stochastique, la variable retardée, à côté de l'élément déterministe, le temps, dans la relation

estimée, c'est-à-dire d'avoir une tendance "mixte" (log xt = γ + α log xt-1 + β.t + εt)23.

A vrai dire, le choix de la mesure de la tendance n'a généralement pas une

influence considérable sur la mesure de l'instabilité. Ainsi pour la valeur réelle des

exportations de biens et services (source WDI data) mesurée sur plusieurs périodes (1970-

1980, 1980-1990, 1975-1985, 1985-1995) et sur un large échantillon de pays le coefficient de

corrélation de rang entre les différentes mesures se situe entre 0,87 et 0,93 (calculs CERDI).

L'exposition aux chocs

Déjà le fait de raisonner au niveau des pays, c'est-à-dire sur l'instabilité de leurs

termes d'échange ou de leurs recettes d'exportation, implique une pondération entre les

valeurs unitaires à l'exportation (et à l'importation), donc introduit un élément d'exposition

aux chocs que constitue la volatilité des prix sur les marchés : selon la structure du commerce

des pays la volatilité des prix mondiaux se répercute plus ou moins sur celle des termes

d'échange ou de la valeur réelle des recettes d'exportation.

Pour une instabilité donnée des termes d'échange, la vulnérabilité d'un pays est

d'autant plus forte qu'il y est plus exposé. Il paraît alors normal pour mesurer la vulnérabilité

liée à la volatilité des prix de pondérer l'instabilité des termes de l'échange ou celle des

exportations (de biens et services) par le taux d'exportation (respectivement de biens

seulement ou de biens et services). Une telle mesure de l'instabilité pondérée des termes de

l'échange - ou des exportations - a pu ainsi être utilisée dans plusieurs études pour en tester les

effets sur la croissance (par exemple Guillaumont 1994, Guillaumont, Guillaumont

Jeanneney, Brun 1999)24.

23 Si α = 1 et β = 0, on retrouve une mesure de l'instabilité fréquemment utilisée, à savoir la variance des taux decroissance. L'inconvénient de cette méthode tient précisément à la restriction d'hypothèse qu'elle introduit.24 On peut aussi mesurer directement l'instabilité du taux d'exportation par rapport au PIB (Dawe, 1996), maiscette mesure de l'instabilité est paradoxalement d'autant plus forte que les fluctuations des exportations ne setraduisent pas par des fluctuations proportionnelles du PIB.

14

Mais si l'on s'attache à mesurer seulement la vulnérabilité structurelle le poids à

utiliser ne devrait pas être le ratio des exportations au PIB, c'est-à-dire l'ouverture observée,

puisque, comme on l'a vu, celle-ci résulte à la fois de facteurs structurels et de la politique

économique. Il conviendrait plutôt de retenir le taux d'exportation estimé en fonction des seuls

facteurs structurels dont le principal est la dimension de la population, l'hypothèse étant que

les pays plus petits sont plus exposés et donc plus vulnérables, toutes choses égales d'ailleurs.

Le taux d'ouverture estimé en fonction des seuls facteurs structurels est bien lui-même un

indice d'exposition structurelle aux chocs externes25. (En effet, comme on le verra, alors que

l'ouverture structurelle accroît normalement l'impact des chocs, la politique d'ouverture peut

être supposée améliorer la capacité à gérer ces chocs).

Une autre façon d'opérer est aussi de combiner dans un indice composite

indicateurs de chocs et indicateurs d'exposition structurelle aux chocs.

Les indices synthétiques de vulnérabilité structurelle

Bien que notre intérêt se porte ici essentiellement sur la vulnérabilité liée au

commerce extérieur, nous aurons besoin par la suite de considérer celle-ci à travers un

concept plus large de la vulnérabilité économique structurelle des pays en développement, en

particulier des pays à faible revenu, concept pour lequel plusieurs indices ont récemment été

établis, dans des buts divers.

Les chocs, comme on l'a vu, peuvent être d'origine naturelle aussi bien qu'externe.

Les indices précédemment examinés ou évoqués visent à capter à la fois leur ampleur et

l'exposition des pays. Le but est d'agréger ces différents indicateurs en un indicateur unique,

ce qui pose naturellement un problème de pondération26.

25 Les indicateurs structurels, tels que la dimension démographique du pays, sont eux-mêmes de bien meilleursindicateurs d'exposition structurelle aux chocs que le taux d'exportation, en partie déterminé par la politique etcependant utilisé dans divers indices composites de vulnérabilité (Briguglio 1995, 1997, Crowards 1999, Easter1999).26 Notons d'autre part que, si l'on ne considère qu'un seul type de chocs, par exemple les chocs externes, on peutvouloir exprimer en un indice unique les trois composantes de la vulnérabilité (chocs, exposition, résilience)définies plus haut. Il ne s'agit plus alors d'un problème de pondération, mais de la façon de définir et mesurer lestrois composantes dont le produit fournit l'indice de vulnérabilité globale et non structurelle (cf. par exempleGuillaumont 1985, Rodrik 1999b).

15

Une façon logique de pondérer les différents indicateurs consiste à estimer

l'impact sur la croissance à long terme des différents composants de la vulnérabilité et de

retenir les coefficients obtenus s'ils sont significatifs comme éléments de pondération. La

vulnérabilité ainsi mesurée est bien alors une vulnérabilité considérée comme un handicap

pour la croissance. Ainsi dans une étude récente nécessitant une mesure de la vulnérabilité

dont l'efficacité de l'aide était supposée dépendre avons-nous pu établir un indice de

vulnérabilité économique, correspondant à l'impact estimé sur la croissance, de l'instabilité de

la production agricole, de l'instabilité des exportations de biens et services, de la tendance des

termes de l'échange et de la dimension de la population (en log), cette dernière représentant le

principal facteur (négatif) d'exposition aux chocs, quatre variables significatives à côté des

variables habituelles de contrôle, dans un modèle regroupant 95 observations sur deux

périodes de onze ans (Guillaumont et Chauvet 1999). L'indicateur obtenu mesure en quelque

sorte l'impact sur la croissance à la fois des chocs exogènes et de l'exposition des pays à ces

chocs.

Mais le recours à un modèle économétrique pour le choix de la pondération n'est

pas toujours approprié lorsque l'indice recherché doit être utilisé de façon très transparente à

des fins d'identification de pays susceptibles de bénéficier d'un traitement spécifique de la

communauté internationale, comme c'est le cas pour les PMA. C'est pourquoi le Comité pour

les Politiques de Développement des Nations-Unies a préféré donner une pondération égale

aux cinq indicateurs qu'il a retenus pour constituer le nouvel indice de vulnérabilité

économique destiné à remplacer dans les critères d'identification des PMA l'ancien indice de

diversification économiques, ces cinq indicateurs étant l'instabilité de la production agricole,

l'instabilité des exportations de biens et services, le log de la population, mais aussi le

coefficient de concentration des exportations de la CNUCED et la part dans le PIB de la

valeur ajoutée par les activités manufacturières et de service moderne (ces deux derniers

indices, susceptibles de refléter l'un l'ampleur des chocs, l'autre la faible exposition aux chocs,

étant en quelque sorte hérités de l'ancien indice de diversification économique) (cf. United

Nations, 1999, 2000).

On est aussi parfois tenté de considérer comme indicateur synthétique de

vulnérabilité économique, la volatilité ou l'instabilité de la croissance du PIB, mesurée d'une

16

façon ou de l'autre27/28. Mais la volatilité de la croissance résulte non seulement de facteurs

structurels, mais aussi de la politique économique : par exemple si les facteurs structurels de

l'ouverture, tels que la petite dimension, l'augmentent, la politique d'ouverture paraît la

diminuer (Combes et alii, 2000) ; bien évidemment aussi une politique macroéconomique de

stop and go l'augmente…

On pourrait alors retenir la volatilité estimée en fonction des seuls facteurs

structurels. Mais si l'on doit recourir à un modèle économétrique pour mesurer la

vulnérabilité, autant apprécier directement l'effet des chocs exogènes et de l'exposition

structurelle à ces chocs sur la croissance économique, plutôt que sur la volatilité de la

croissance qui n'est qu'une variable intermédiaire du taux moyen de croissance29.

3 - Quelques effets conjoints de l'ouverture et de la vulnérabilité sur la croissance

Le modèle implicite auquel nous nous référons dans cette section est dérivé des

considérations précédentes sur l'ouverture et la vulnérabilité. Nous supposons que la

croissance, une fois prises en compte les variables de contrôle initiales habituelles (telles que

le produit par tête initial, le capital humain, les structures sociales et financières initiales,…),

dépend à la fois de la politique d'ouverture et de la vulnérabilité structurelle, mais selon des

relations qui ne sont pas seulement additives, de telle sorte que les effets de la vulnérabilité

structurelle peuvent être atténués par la politique d'ouverture.

27 Souvent par la variance du taux de croissance économique (cf. supra note 17).28 La volatilité de la croissance a été utilisée par exemple par Ramey et Ramey (1995) qui en ont examiné lesconséquences sur le taux moyen de croissance à long terme, par R. Breen et C. Garcia-Penalosa (1999) qui enont analysé les conséquences sur l'inégalité des revenus, par Combes, Guillaumont, Guillaumont Jeanneney etCombes Motel (2000) et par Easterly, Islam et Stiglitz (2000) qui en ont étudié les facteurs.29 L'indice de vulnérabilité économique établi par le Secrétariat du Commonwealth (selon diverses versions dontla plus récente est Easter, 1999) est bien une valeur estimée de l'instabilité du taux de croissance, mais à partir detrois variables explicatives empiriquement choisies parmi une cinquantaine et reflétant des choix de politiqueéconomique aussi bien que des facteurs structurels. Les trois facteurs retenus sont l'indice de désastres naturels(cf. supra), l'indice dit de diversification des exportations établi par la CNUCED (représentant l'écart absoluentre la part des exportations de chaque produit et sa part dans les exportations mondiales, et considéré par laCNUCED comme peu discriminant entre les pays à faible revenu) et le ratio des exportations de biens et servicesau PIB, sensiblement influencé par la politique.

17

Nous avançons quelques propositions tirées de la littérature empirique sur la

croissance30, et en particulier de quelques travaux personnels, qui précisément illustrent le

propos général précédent. Dans cette perspective sont volontairement laissées de côté, quelle

que soit au demeurant leur importance, les analyses des effets de l'ouverture qui ne prennent

pas simultanément en compte la vulnérabilité.

Alors que la croissance des exportations favorise la croissance économique, leur instabilité la

diminue

Il existe de nombreux travaux et un débat sans cesse renouvelé sur les effets de la

croissance des exportations des pays, comme sur ceux de leur instabilité. L'analyse des effets

de la croissance des exportations sur la croissance économique suppose naturellement que soit

convenablement traité le problème de son exogénéité (cf. Frankel et Romer 1999). L'analyse

des effets de l'instabilité des exportations, comme celle de leur croissance, implique que les

deux types d'effets, de signe attendu opposé, soient considérés simultanément. Lorsque la

croissance et l'instabilité des exportations sont introduites simultanément dans la fonction de

croissance du PIB et qu'elles sont l'une et l'autre pondérées par le taux d'exportation (observé),

la croissance des exportations paraît exercer un effet significativement positif sur la

croissance économique et leur instabilité un effet significativement négatif (Dawe 1996,

Guillaumont 1994)31. Ce même effet conjoint, respectivement positif et négatif, de la

croissance et de l'instabilité pondérées des termes de l'échange, a aussi été significativement

testé (Guillaumont, Guillaumont Jeanneney, Brun 1999).

Bien que le taux d'exportation servant à pondérer les deux variables ne soit pas

décomposé en sa partie structurelle et sa partie politique, ces tests constituent une première

approximation des effets opposés de l'ouverture et de la vulnérabilité sur la croissance.

La vulnérabilité affecte plus la productivité des facteurs que l'accumulation du capital

Les équations de croissance comportant des indicateurs d'ouverture et de

vulnérabilité incluent ou n'incluent pas le taux d'investissement à côté des autres variables de

30 Voir également la vue d'ensemble présentée par Fontagné et Guérin 1997.

18

contrôle. En conséquence le coefficient de ces indicateurs reflète selon le cas un effet sur le

seul résidu de croissance (approximativement la productivité des facteurs) ou un effet total à

travers ce résidu et à travers l'investissement.

Bien que certains auteurs aient soutenu que le risque (reflété par des mesures

d'instabilité) pouvait diminuer le taux d'investissement (Aizenman et Marion 1999), il existait

un certain doute en la matière dans la littérature en raison d'un possible effet positif sur

l'épargne de précaution32. De fait nous ne trouvons pas que l'instabilité des termes d'échange

(pondérée) diminue le taux d'investissement (Guillaumont, Guillaumont Jeanneney, Brun

1999). D'une façon générale il ressort de diverses études transversales relatives aux effets sur

la croissance économique d'un ensemble d'instabilités (des termes d'échange, de la production

agricole, et l'instabilité politique) (Ibid) ou de la seule instabilité (pondérée) des exportations

(Guillaumont 1994, Dawe 1996) ou encore de l'instabilité du taux de croissance économique

(Ramey et Ramey 1995), que ces instabilités diminuent la croissance de la productivité des

facteurs, plutôt que le taux d'investissement. Un nouveau test relatif à la seule instabilité des

termes de l'échange confirme ce résultat (Guillaumont et Combes 2000)33.

Les effets de la vulnérabilité structurelle passent en grande partie par des variables

intermédiaires de politique économique

Cette dernière proposition peut paraître paradoxale dans la mesure où nous avons

systématiquement opposé dans ce qui précède le structurel et la politique. Il convient en fait

de distinguer deux parts dans la politique, celle qui est induite par des facteurs exogènes et

celle qui est autonome par rapport à ces facteurs. C'est essentiellement la seconde que l'on a

opposée aux facteurs structurels (d'ouverture et de vulnérabilité).

Dans un article déjà cité (Guillaumont, Guillaumont Jeanneney, Brun 1999), nous

testons l'hypothèse que les instabilités dites "primaires" (termes d'échange, production

agricole, instabilité politique) influencent la croissance à travers deux instabilités dites

"intermédiaires", à savoir l'instabilité du taux d'investissement et celle des prix relatifs. Les

31 D'autres analyses transversales antérieures avaient fait apparaître des effets négatifs de l'instabilité desexportations sur la croissance (Glezakos 1984, Guillaumont et Deméocq 1989, Gyimah-Brempong 1991, Fosu1992, voir un bilan de ces travaux dans Araujo Bonjean, Combes, Combes Motel 1999).32 Ou d'effet de revenu permanent (cf. par exemple Knudsen and Yotopoulos 1976, Lim 1980).33 C'est aussi ce qui ressort de certaines estimations faites par Lensink, Bo et Sterken (1999).

19

deux instabilités ont des effets négatifs sur la croissance et sont liées à la politique

économique.

En premier lieu l'instabilité du taux d'investissement, curieusement négligée dans

la littérature sur la croissance, est un facteur de moindre productivité : en effet si la

productivité marginale du capital décline avec le montant de l'investissement, le gain total de

production dû à un haut niveau d'investissement est inférieur à la perte due à un faible niveau,

pour un niveau moyen donné. Cet effet, qu'illustrent durant les périodes d'expansion les

investissements surdimensionnés, mal préparés et peu productifs, concerne principalement

l'investissement public.

La seconde instabilité intermédiaire, celle des prix relatifs, approchée par

l'instabilité du taux de change effectif réel, apparaît avoir aussi un fort effet négatif sur la

croissance. Cet effet négatif de l'instabilité du taux de change réel a également été mis en

lumière dans plusieurs autres articles récents (cf. par exemple Aizenman et Marion 1999,

Ghura et Grennes 1993, Serven 1997).

A ces deux instabilités intermédiaires, il convient d'ajouter la mesure dans laquelle

l'instabilité des prix mondiaux, selon la façon dont elle est gérée, plus ou moins bien, par

l'Etat, est transmise aux producteurs agricoles, lesquels perçoivent alors des prix réels plus ou

moins instables, ce qui influence l'offre agricole (voir un état de la littérature in Araujo

Bonjean et alii 1999).

Enfin un autre effet sur la politique de l'instabilité d'origine externe a récemment

été présenté par Rodrik (1999) qui teste l'hypothèse selon laquelle l'instabilité des

exportations, pondérée par le taux d'exportation, entraîne un accroissement du taux de

dépenses publiques, à des fins d'assurance. Autrement dit, en raison de l'instabilité qu'elle

entraîne, l'ouverture est un facteur d'accroissement de la taille des Etats… Ici la vulnérabilité

structurelle suscite en quelque sorte la résilience.

D'une façon générale, il apparaît que la qualité de la politique économique, saisie

par exemple par l'indicateur, certes imparfait, de Burnside et Dollar, qui inclut, à côté de

l'indice d'ouverture de Sachs et Warner, le déficit budgétaire et l'inflation, les trois indices

étant pondérés par leur impact sur la croissance, est influencée de façon significativement

20

négative par l'indicateur de vulnérabilité que nous avons présenté plus haut (Guillaumont et

Chauvet 1999). Ainsi la vulnérabilité structurelle affaiblit-elle la politique.

Les effets de l'instabilité des exportations sont atténués par la politique d'ouverture

Si l'ouverture observée, utilisée pour pondérer l'instabilité contribue à accroître

son impact négatif, la politique d'ouverture paraît au contraire diminuer la valeur absolue du

coefficient (négatif) qui lie l'instabilité (pondérée) à la croissance : c'est ce qui apparaît en

introduisant comme variable additionnelle une variable multiplicative (instabilité pondérée X

indicateur de politique d'ouverture) (Guillaumont 1994). Autrement dit alors que l'ouverture

structurelle accroît l'exposition aux chocs, la politique d'ouverture accroît la capacité de les

gérer, la résilience34. L'analyse des facteurs de la volatilité de la croissance conduit à des

résultas cohérents avec les précédents : alors que les facteurs structurels de l'ouverture

accroissent la volatilité, l'ouverture de la politique la diminue (Combes, Guillaumont,

Guillaumont Jeanneney, Combes Motel, 2000) ; autrement dit la vulnérabilité structurelle

rend la croissance moins stable, alors que la politique d'ouverture la rend plus stable.

La façon dont les effets (négatifs) de l'instabilité des termes de l'échange sont

conditionnés par l'ouverture a été mise en évidence sur un panel de quatre périodes allant de

1965 à 1997 où la croissance et l'ouverture sont estimées simultanément (Guillaumont et

Combes 2000). La croissance, une fois contrôlée l'influence des facteurs structurels, dépend

significativement des termes de l'échange de trois façons :

- leur croissance exerce un effet positif ;

- leur instabilité pondérée par la composante structurelle de l'ouverture (c'est-à-dire la

vulnérabilité structurelle à l'égard de la volatilité des prix) a un effet négatif ;

- cet effet est lui-même atténué par la politique d'ouverture (instabilité pondérée par

l'indicateur de politique d'ouverture) (c'est-à-dire par la résilience).

34 Dans une perspective plus large, intégrant des variables sociales autant qu'économiques, Rodrik (1999a,p. 386) soutient que "l'effet des chocs sur la croissance est d'autant plus fort que les conflits latents sont grandsdans l'économie et que les institutions de gestion des conflits sont plus faibles". Pour cela il fait apparaître dansune régression transversale de croissance un effet négatif d'un indice dit de conflit, défini comme le produit detrois éléments : un indice de choc (en l'occurrence un indice d'instabilité des termes de l'échange pondéré par letaux d'exportation), un indice de conflit latent (autrement dit les facteurs sociaux d'exposition aux chocs, enl'occurrence soit un indice d'inégalité des revenus, soit l'indice de fragmentation ethnolinguistique, souventutilisé dans la littérature), enfin un indice représentant le manque d'institutions susceptibles de gérer les conflits(en l'occurrence de le manque de démocratie ou le mauvais niveau de l'indice de qualité des institutionspubliques, lui-même aussi souvent utilisé).

21

Les effets de la vulnérabilité structurelle sont également atténués par l'aide extérieure

Un large débat a eu lieu au cours des dernières années sur l'efficacité de l'aide.

Burnside et Dollar (1997) (puis 2000) repris par la Banque Mondiale (1998) ont soutenu que

l'aide n'était efficace que lorsque les politiques économiques étaient bonnes, l'indicateur de

politique économique incluant entre autres l'indicateur d'ouverture de Sachs et Warner. Ainsi

dans la logique de cette étude la politique d'ouverture accroît l'efficacité de l'aide.

Cette relation a été discutée dans divers travaux (cf. par exemple Hansen and Tarp

2000, Lensink and White 2000). Nous avons ailleurs examiné une hypothèse différente, à

savoir que l'aide était d'autant plus efficace que les pays sont plus vulnérables (la vulnérabilité

étant définie, comme indiqué supra p. 14, par l'impact de quatre indicateurs de chocs et

d'exposition aux chocs sur la croissance) ; selon nos tests cette hypothèse n'est pas rejetée,

alors que l'hypothèse de Dollar et Burnside l'est (Guillaumont et Chauvet, 1999). L'effet

positif de la variable multiplicative aide X vulnérabilité (structurelle) conduit à l'une ou l'autre

de ces deux propositions équivalentes : l'aide est plus efficace dans les pays plus vulnérables,

les effets de la vulnérabilité sont atténués par l'aide35.

Une mesure adéquate de la performance macroéconomique reflétant la qualité de la politique

économique, notamment la politique d'ouverture, et pour ce faire prenant en compte la

vulnérabilité structurelle, y compris son influence sur la politique, peut servir de critère

d'allocation de l'aide

L'influence de la vulnérabilité structurelle (due en partie aux chocs externes) sur la

politique économique (dont la politique d'ouverture) a des implications pour la mesure des

performances, si nous définissons celles-ci comme les résultats obtenus (en matière de

croissance par exemple) purgés de l'influence des facteurs d'environnement (donc de la

vulnérabilité structurelle) (Guillaumont P. et S. 1988). C'est bien alors des effets directs de la

vulnérabilité, mais aussi de ses effets indirects, c'est-à-dire à travers la politique, qu'il faut

purger les résultats. Il en va ainsi de la mesure de la performance comme de la mesure de la

politique d'ouverture (cf. supra).

22

Nous avons proposé ailleurs de faire de la performance un critère d'allocation de

l'aide et un instrument de réforme de la conditionnalité (Guillaumont P. et S. 1994, Collier,

Guillaumont, Guillaumont Jeanneney, Gunning 1997, Guillaumont et Chauvet 1999). Allouer

l'aide en fonction de la performance signifierait que les pays en développement devraient

toutes choses égales d'ailleurs recevoir d'autant plus d'aide qu'ils seraient structurellement plus

vulnérables et qu'ils auraient une politique plus ouverte En effet pour un résultat donné (de

croissance) la performance est d'autant plus forte que la vulnérabilité structurelle est plus

élevée et pour une vulnérabilité donnée les résultats et donc la performance sont améliorés par

une politique d'ouverture. Mais c'est la performance qui révèle la qualité de la politique, non

un jugement, inévitablement suspect d'arbitraire, sur la nature des instruments que cette

politique utilise.

Conclusion

Le but de cette présentation était de présenter un cadre global et cohérent pour

examiner les effets conjoints sur le développement de l'ouverture et de la vulnérabilité, en

distinguant pour l'une et l'autre les composantes politiques et structurelles. Plusieurs

conclusions en découlent tant pour la politique économique des pays en développement que

pour la politique de coopération avec eux.

En premier lieu, l'ouverture économique sur l'extérieur, lorsqu'elle reflète

l'influence de facteurs structurels, notamment la petite dimension des pays est une source de

vulnérabilité (structurelle), donc de moindre croissance. En revanche la politique d'ouverture,

entre autres parce qu'elle permet de mieux gérer l'instabilité, atténue la vulnérabilité générale

et est un facteur positif de croissance.

En second lieu, les effets de la vulnérabilité structurelle passent pour une large

part à travers des variables de politique économique et se traduisent notamment par une

instabilité de l'investissement public et une instabilité du taux de change réel qui l'une et

l'autre diminuent la croissance de la productivité des facteurs. La capacité de gestion des

35 Une relation du même type a ensuite été significativement testée en considérant plus spécifiquement

23

chocs dépend donc de la capacité à stabiliser le taux d'investissement et l'évolution des prix

relatifs.

Enfin, l'aide extérieure aux pays en développement, si elle est accordée selon un

critère de performance, peut favoriser, sans l'imposer, l'adoption de politiques d'ouverture,

dans la mesure où celles-ci sont reconnues par les pays comme contribuant à la croissance.

Elle doit surtout alors donner une priorité aux pays les plus vulnérables, puisque leurs

performances sont jugées meilleures pour des résultats identiques et qu'en termes de

croissance l'aide est la plus efficace dans ces pays. Enfin pour autant que l'aide puisse être

effectivement ciblée sur certains objets, elle doit notamment l'être de façon à contribuer à la

réduction de la vulnérabilité structurelle.

l'interaction de l'aide avec l'incertitude sur les prix internationaux (Dehn et Gilbert 1999).

24

REFERENCES

Aizenman J. et N. Marion, 1999, "Volatility and Investment: Interpreting Evidence fromDeveloping Countries", Economica, vol. 68, n° 26, p. 157-180.

Araujo Bonjean C., J-L. Combes, P. Combes Motel, 1999, "The Economic Consequences ofExport Instability in Developing Countries: A Survey", CERDI, August, Etudes etDocuments.

Banque Mondiale, 1987, Rapport sur le développement dans le monde.

Banque Mondiale, 1998, Assessing Aid. What works, What doesn't and Why. A World BankPolicy Research Report.

Berg A. et C. Patillo, 1999, "Are Currency Crisis Predictable. A Test", IMF Staff Papers, vol.46, n° 2, p. 107-113.

Breen R. and C. Garcia-Penalosa, 1999, "Income Inequality and Macroeconomic Volatility:An Empirical Investigation", Working Paper, GREQAM, novembre.

Briguglio C., 1995, "The Vulnerability of Small Islands", World Development, vol. 23, n° 9,p. 1615-1632.

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