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OHADATA D-05-27 LE DROIT DE LA CONCURRENCE DE L’UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE OUEST AFRICAINE PAR COULIBALY Abou Saïb, Docteur en droit, maître-assistant, Unité de formation et de recherche en Sciences juridiques et politiques, Université de Ouagadougou. Revue burkinabbé de droit, n° 43-44, 1 er et 2 ème semestres 2003 Introduction Créée le 10 janvier 1994 par le Traité de Dakar, l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) se fixe un certain nombre d’objectifs fondamentaux dont en particulier le renforcement de la compétitivité des activités économiques et financières de ses États membres 1 dans le cadre d’un marché ouvert et concurrentiel et d’un environnement juridique rationalisé et harmonisé 2 . Cet objectif est poursuivi en relation avec la création d’un marché commun basé entre autres sur la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux entre les États membres et sur l’institution d’un tarif extérieur commun (TEC) et d’une politique commerciale commune dans les rapports avec les pays tiers 3 . Ainsi, la concurrence apparaît d’entrée de jeu comme l’un des principes clés du processus d’intégration enclenché par l’UEMOA. Dans la suite logique des objectifs proclamés, ledit Traité indique également que, pour la mise en place du marché commun, l’Union œuvre pour l’institution de règles communes de concurrence applicables aux entreprises publiques et privées ainsi qu’aux aides publiques 4 . Ces règles de concurrence retiendront l’attention, en raison notamment de la place capitale qu’elles occupent dans le schéma d’intégration mis en chantier par l’UEMOA, et du grand intérêt qu’elles revêtent en cette époque de mondialisation et de libéralisation où la survie des acteurs économiques dépend en grande partie de leur capacité à résister à la concurrence. De surcroît, du fait qu’elles sont destinées à orienter et à façonner profondément les actions des États et des entreprises qui déterminent l’environnement économique et social de tous les acteurs de la région concernée, ces règles de concurrence ont de lourdes répercussions sur la vie quotidienne de ces derniers. Le concept de concurrence auquel fait allusion le Traité de l’UEMOA a surtout vu le jour à partir du 18 e siècle avec l’avènement du libéralisme économique, cette doctrine qui prône en matière économique la libre entreprise et la libre concurrence et qui est fondée sur la conviction qu’il existe un ordre naturel réalisé par des mécanismes d’ajustement qui ne peuvent jouer que dans un contexte de libre jeu des initiatives individuelles 5 . En ce sens, la concurrence se présente comme un des principes fondamentaux des économies libérales. Sous un tel angle, la concurrence peut être sommairement définie comme la compétition entre entreprises ou commerçants qui se disputent une clientèle 6 . Dans cette optique, la libre concurrence est le régime qui laisse à 1 Au nombre actuel de huit, ces Etats membres comprennent les sept Etats fondateurs de l’UEMOA, à savoir le Bénin, le Burkina Faso, la Côte-d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo qui seront rejoint par la Guinée-Bissau le 2 mai 1997. 2 Article 4 du Traité de l’UEMOA du 10 janvier 1994. Ce traité a été publié dans le Bulletin Officiel de l’UEMOA, n° 5, édition spéciale, p. 2-14. 3 Article 4 du Traité de l’UEMOA du 10 janvier 1994. Les autres objectifs définis par le même article dudit Traité sont : la convergence des performances et des politiques économiques des Etats membres (par l’institution d’une procédure de surveillance multilatérale), la coordination des politiques sectorielles nationales (dans le domaine des ressources humaines, de l’aménagement du territoire, des transports et télécommunications, de l’environnement, de l’agriculture, de l’énergie, de l’industrie et des mines), l’harmonisation des législations des Etats membres dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun. Pour une vue générale sur l’UEMOA, voir notamment Etienne CEREXHE et Louis le HARDY de BEAULIEU, « Introduction à l’union économique ouest africaine », CEEI-De Boeck, Bruxelles, 1997, 157 p. 4 Article 76 alinéa c) du Traité de l’UEMOA. 5 Voir notamment : - Ahmed SILEM et Jean-Marie ALBERTINI (sous la direction de), « Lexique. Economie », Dalloz, Paris, 1995, 5 e éd., p. 345 ; - Didier LINOTTE, « Principes d’égalité, de liberté, de commerce et de l’industrie et droit de la concurrence », in Jean-Marie RAINAUD et René CRISTINI (sous la direction de), « Droit public de la concurrence », Economica, Paris, 1987, p. 9-20 ; - Bernard ASSO, « Inégalité compensatrice et droit de la concurrence », in Jean-Marie RAINAUD et René CRISTINI (sous la direction de), « Droit public de la concurrence », op. cit., p. 21-47. 6 Pour cette définition, voir notamment : - Paul ROBERT et alii, « Le Petit Robert (Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française) », Dictionnaires Robert, Paris, 1976, 30 e éd., p. 322 ; - Jean-Marc MOUSSERON et Véronique SELINSKY, « Le droit français nouveau de la concurrence », Litec, Paris, 1988, 2 e éd., p. 7-8 ; - Yves SERRA, « Le droit français de la concurrence », Dalloz, Paris, 1993, p. 1-2.

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  • OHADATA D-05-27

    LE DROIT DE LA CONCURRENCE DE LUNION CONOMIQUE ET MONTAIRE OUEST AFRICAINE

    PAR COULIBALY Abou Sab, Docteur en droit, matre-assistant,

    Unit de formation et de recherche en Sciences juridiques et politiques, Universit de Ouagadougou.

    Revue burkinabb de droit, n 43-44, 1er et 2me semestres 2003

    Introduction

    Cre le 10 janvier 1994 par le Trait de Dakar, lUnion conomique et montaire ouest africaine (UEMOA) se fixe un certain nombre dobjectifs fondamentaux dont en particulier le renforcement de la comptitivit des activits conomiques et financires de ses tats membres1 dans le cadre dun march ouvert et concurrentiel et dun environnement juridique rationalis et harmonis2. Cet objectif est poursuivi en relation avec la cration dun march commun bas entre autres sur la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux entre les tats membres et sur linstitution dun tarif extrieur commun (TEC) et dune politique commerciale commune dans les rapports avec les pays tiers3.

    Ainsi, la concurrence apparat dentre de jeu comme lun des principes cls du processus dintgration enclench par lUEMOA. Dans la suite logique des objectifs proclams, ledit Trait indique galement que, pour la mise en place du march commun, lUnion uvre pour linstitution de rgles communes de concurrence applicables aux entreprises publiques et prives ainsi quaux aides publiques4.

    Ces rgles de concurrence retiendront lattention, en raison notamment de la place capitale quelles occupent dans le schma dintgration mis en chantier par lUEMOA, et du grand intrt quelles revtent en cette poque de mondialisation et de libralisation o la survie des acteurs conomiques dpend en grande partie de leur capacit rsister la concurrence. De surcrot, du fait quelles sont destines orienter et faonner profondment les actions des tats et des entreprises qui dterminent lenvironnement conomique et social de tous les acteurs de la rgion concerne, ces rgles de concurrence ont de lourdes rpercussions sur la vie quotidienne de ces derniers.

    Le concept de concurrence auquel fait allusion le Trait de lUEMOA a surtout vu le jour partir du 18e sicle avec lavnement du libralisme conomique, cette doctrine qui prne en matire conomique la libre entreprise et la libre concurrence et qui est fonde sur la conviction quil existe un ordre naturel ralis par des mcanismes dajustement qui ne peuvent jouer que dans un contexte de libre jeu des initiatives individuelles5. En ce sens, la concurrence se prsente comme un des principes fondamentaux des conomies librales.

    Sous un tel angle, la concurrence peut tre sommairement dfinie comme la comptition entre entreprises ou commerants qui se disputent une clientle6. Dans cette optique, la libre concurrence est le rgime qui laisse

    1 Au nombre actuel de huit, ces Etats membres comprennent les sept Etats fondateurs de lUEMOA, savoir le Bnin, le Burkina Faso, la Cte-dIvoire, le Mali, le Niger, le Sngal et le Togo qui seront rejoint par la Guine-Bissau le 2 mai 1997. 2 Article 4 du Trait de lUEMOA du 10 janvier 1994. Ce trait a t publi dans le Bulletin Officiel de lUEMOA, n 5, dition spciale, p. 2-14. 3 Article 4 du Trait de lUEMOA du 10 janvier 1994. Les autres objectifs dfinis par le mme article dudit Trait sont : la convergence des performances et des politiques conomiques des Etats membres (par linstitution dune procdure de surveillance multilatrale), la coordination des politiques sectorielles nationales (dans le domaine des ressources humaines, de lamnagement du territoire, des transports et tlcommunications, de lenvironnement, de lagriculture, de lnergie, de lindustrie et des mines), lharmonisation des lgislations des Etats membres dans la mesure ncessaire au bon fonctionnement du march commun. Pour une vue gnrale sur lUEMOA, voir notamment Etienne CEREXHE et Louis le HARDY de BEAULIEU, Introduction lunion conomique ouest africaine , CEEI-De Boeck, Bruxelles, 1997, 157 p. 4 Article 76 alina c) du Trait de lUEMOA. 5 Voir notamment : - Ahmed SILEM et Jean-Marie ALBERTINI (sous la direction de), Lexique. Economie , Dalloz, Paris, 1995, 5e d., p. 345 ; - Didier LINOTTE, Principes dgalit, de libert, de commerce et de lindustrie et droit de la concurrence , in Jean-Marie RAINAUD et Ren CRISTINI (sous la direction de), Droit public de la concurrence , Economica, Paris, 1987, p. 9-20 ; - Bernard ASSO, Ingalit compensatrice et droit de la concurrence , in Jean-Marie RAINAUD et Ren CRISTINI (sous la direction de), Droit public de la concurrence , op. cit., p. 21-47. 6 Pour cette dfinition, voir notamment : - Paul ROBERT et alii, Le Petit Robert (Dictionnaire alphabtique et analogique de la langue franaise) , Dictionnaires Robert, Paris, 1976, 30e d., p. 322 ; - Jean-Marc MOUSSERON et Vronique SELINSKY, Le droit franais nouveau de la concurrence , Litec, Paris, 1988, 2e d., p. 7-8 ; - Yves SERRA, Le droit franais de la concurrence , Dalloz, Paris, 1993, p. 1-2.

  • chacun des acteurs conomiques la possibilit de produire, de vendre ce quil veut, aux conditions quil choisit. Plus prcisment, dans leur effort de conceptualisation, les conomistes distinguent entre plusieurs types de concurrence dont, dune part, la concurrence pure et parfaite, et dautre part, la concurrence imparfaite, praticable et raliste7.

    La concurrence pure et parfaite apparat comme un modle de rfrence, une notion dconomie construite pour les besoins de lanalyse. Ce type de concurrence impliquerait latomicit et lautonomie des diffrents vendeurs et acheteurs, la transparence totale du march caractris par linformation constante et parfaite de tous les agents conomiques (producteurs et consommateurs), lhomognit des produits et la fluidit, c'est--dire la possibilit immdiate pour les acheteurs et les vendeurs d'entrer librement en rapport les uns avec les autres8.

    Mais une telle concurrence n'existe pas dans la pratique. En effet, la concurrence que lon retrouve au quotidien ou en dautres termes la concurrence effective et praticable est une concurrence imparfaite, une concurrence laquelle manque une ou plusieurs conditions de la perfection caractristiques de la notion de concurrence pure et parfaite, telle que latomicit des offreurs et des demandeurs ou lhomognit des produits9.

    La concurrence raliste est plutt fonde sur les trois concepts que sont la libert, lgalit et la loyaut. Ce type de concurrence est dabord conue pour que la libert soit garantie tous les niveaux de la production, de la circulation et de la consommation des biens et des services, notamment par la prsence dune pluralit doffreurs et de demandeurs de tailles diffrentes avec des produits htrognes pour la satisfaction du mme besoin.

    Ensuite, cette concurrence ncessite que les entreprises se trouvent dans des conditions de concurrence plus ou moins gales. Ainsi, la situation de certaines de ces entreprises ne doit pas tre favorise de manire artificielle, notamment par des aides dtat ou par une lgislation nettement plus avantageuse.

    Enfin, cette concurrence raliste implique que la loyaut ou, en dautres mots, lhonntet et la bonne foi existent entre les diffrents professionnels et que, par consquent, certains dentre eux naient pas recours des procds dloyaux pour prosprer au dtriment des autres. Cest galement cette concurrence raliste que font allusion la plupart des juristes lorsquils parlent de concurrence.

    Pour les partisans de la politique de concurrence, la comptition entre les entreprises pour sattirer le plus grand nombre de clients entrane un certain dynamisme et la recherche de linnovation technique et de la nouveaut afin doffrir aux consommateurs des produits comptitifs, cest--dire des produits de qualit et moindre cot10. De la sorte, aux dires de ces partisans, la concurrence entrane une allocation maximale des moyens mis en uvre par les entreprises et contribue la satisfaction optimale des besoins de lindividu et de la collectivit, et permet en dfinitive de meilleurs rsultats sur le plan conomique.

    Seulement, dans les faits, on observe que les choses ne se passent pas souvent aussi bien que prvues thoriquement, et que bon nombre de pratiques tendent fausser le jeu de la concurrence, quil sagisse des pratiques anticoncurrentielles ou des pratiques restrictives de concurrence, quil sagisse des pratiques illicites ou des pratiques dloyales11.

    Les pratiques anticoncurrentielles sont gnralement considres comme des comportements souvent durables dentreprises qui cherchent organiser les marchs sur lesquels elles interviennent, faire rgner dans les relations quelles nouent avec leurs partenaires un ordre qui favorise leurs intrts particuliers, en bloquant ou en faussant gravement la concurrence12. Les ententes et les abus de position dominante sont des exemples typiques de pratiques anticoncurrentielles auxquelles sont frquemment rattaches les aides dtat et la cration de monopoles et dentreprises publiques13.

    7 Voir notamment : - Bernard CLEMENT, La libre concurrence , P.U.F., Coll. Que Sais-Je ?, Paris, 1977, 1e d., p. 3-8 ; - Yves SERRA, Le droit franais de la concurrence , op. cit., p. 1-2. 8 Pour plus de prcisions, voir notamment Ahmed SILEM et Jean-Marie ALBERTINI (dir.), Lexique. Economie , op. cit., p. 148-150. 9 Idem. 10 Voir notamment : - Yves SERRA, Le droit franais de la concurrence , op. cit., p. 4-5 ; - Commission de lUEMOA, LUnion conomique et montaire ouest-africaine : Un trait pour lavenir , A.D.E., Louvain-La-Neuve, 1995, p. 22-23 ; - Commission de lUEMOA, Note prsentation du projet de lgislation communautaire sur la concurrence lintrieur de lUnion labore loccasion de la Runion du Conseil des ministres du 22 novembre 2000 Ouagadougou, doc. dact., sans date, p.1. Par exemple, dans les visas du rglement n 02/2002/CM/UEMOA relatif aux pratiques anticoncurrentielles lintrieur de lUnion conomique et montaire ouest africaine, le Conseil des ministres de lUEMOA considre que le libre jeu de la concurrence est le cadre idal pour lpanouissement des entreprises oprant sur le march communautaire . 11 En guise dillustration de lexistence de telles pratiques dans un pays de lespace UEMOA, voir notamment : COMMISSION NATIONALE DE LA CONCURRENCE ET DE LA CONSOMMATION, Rapport sur l'tat de la concurrence et de la consommation au Burkina Faso : 1999 , IPN, Ouagadougou, sans date, en particulier p. 41-64. 12 Voir notamment Yves SERRA, Le droit franais de la concurrence , op. cit., p. 4-5, 79-80. 13 Larticle 2 du rglement n 02/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 procde une sorte de dfinition extensive des pratiques anticoncurrentielles en disposant que constituent des pratiques anticoncurrentielles les ententes anticoncurrentielles, les abus de position dominante, les aides dEtat qui faussent ou qui sont susceptibles de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou productions et, enfin, les pratiques des Etats consistant dicter ou maintenir, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spciaux et exclusifs, de mme que les entreprises prives, quelque mesure contraire linterdiction des ententes et des abus de position dominante. Nous reviendrons sur ces diffrentes notions au cours de nos dveloppements.

  • A la diffrence des pratiques anticoncurrentielles, les pratiques restrictives de concurrence sont, au sens strict, des comportements souvent moins durables dont le but est de restreindre la concurrence dans les relations entre professionnels. En guise dexemples de pratiques restrictives de concurrence, on peut citer limposition de prix de revente, le refus de vente, la vente des prix ou des conditions discriminatoires, la revente perte et le paracommercialisme ou les ventes sauvages14.

    Les pratiques illicites, gnratrices de concurrence illicite ou illgale, dsignent les comportements prohibs par les lois et rglements15. Les pratiques dloyales, cratrices de concurrence dloyale, sont les comportements contraires aux usages loyaux du commerce16, tels que la cration dune confusion entre entreprises ou produits concurrents et le dnigrement des entreprises et des produits rivaux.

    Face lexistence ou la menace permanente des pratiques portant atteinte la concurrence, il savre ncessaire dlaborer et de mettre en uvre un corps de rgles les rprimant, un ensemble de rgles rgulant ou disciplinant la concurrence, ou, en dautres termes, un droit de la concurrence. Plus prcisment, comme nous lindique le Professeur Yves SERRA, le droit de la concurrence comprend lensemble des dispositions juridiques qui rgissent les rapports entre les professionnels dans leur activit concurrentielle pour rguler la concurrence 17. De surcrot, dans le cadre dun processus dintgration rgionale, le droit de la concurrence, en interdisant certaines pratiques comme les ententes et les abus de position dominante, empche que des oprateurs conomiques ne constituent des barrires la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes ; de la sorte, le droit communautaire de la concurrence contribue lunification du march commun.

    Concernant justement lespace UEMOA, cest surtout partir des annes 1990 que lon notera lmergence dun vritable droit autonome de la concurrence, non seulement dans les diffrents pays membres pris individuellement, mais galement au niveau de lorganisation supranationale quest lUEMOA.

    Sagissant plus particulirement du niveau communautaire, dans sa conception pleine et entire, le droit communautaire de lUEMOA sur la concurrence devait normalement comporter ds le dmarrage du processus dintgration deux grands volets, savoir, dune part, le droit primaire englobant les principes et les rgles poss par le Trait constitutif de lUEMOA du 10 janvier 1994, travers prcisment ses articles 76, 83, 88 90, et, dautre part, le droit driv comprenant les rglements devant tre pris par le Conseil des ministres de lUEMOA ds lentre en vigueur du Trait, afin de faciliter lapplication et de prciser des dispositions dudit Trait18.

    Si ledit Trait est effectivement entr en vigueur trs rapidement ds le 1er aot 1994, il a fallu attendre le 23 mai 2002, soit plus de sept ans aprs le dmarrage du processus dintgration en question, pour assister ldiction du droit driv en matire de concurrence sous forme de rglements et de directives du Conseil des ministres de lUEMOA19. Ainsi, le droit communautaire de la concurrence issu de lUEMOA comprend lheure actuelle aussi bien du droit primaire que du droit driv.

    Plus prcisment, les textes de droit driv du 23 mai 2002, constitus de trois rglements et de deux directives, sont les suivants :

    - le rglement n 02/2002/CM/UEMOA relatif aux pratiques anticoncurrentielles lintrieur de lUnion conomique et montaire ouest africaine ;

    - le rglement n 03/2002/CM/UEMOA relatif aux procdures applicables aux ententes et aux abus de position dominante lintrieur de lUnion conomique et montaire ouest africaine ;

    - le rglement n 04/2002/CM/UEMOA relatif aux aides dtat lintrieur de lUnion conomique et montaire ouest africaine et aux modalits dapplication de larticle 88 (c) du Trait ;

    - la directive n 01/2002/CM/UEMOA relative la transparence des relations financires dune part entre les tats membres et les entreprises publiques, et dautre part entre les tats membres et les organisations internationales ou trangres ;

    14 Voir notamment : - Marie-Chantal BOUTARD LABARDE et Guy CANIVET, Droit franais de la concurrence , Paris, L.G.D.J., 1994, p. 154 ; - Yves SERRA, Le droit franais de la concurrence , op. cit., p. 105-115. 15 Yves SERRA, Le droit franais de la concurrence , op. cit., p. 59. 16 Idem, p. 29. 17 Ibidem, p. 9. 18 Article 89 du Trait de lUEMOA. 19 En ce qui concerne la gense de ce droit, celui-ci passera dabord par une longue phase de projet avant de devenir ralit. A cet gard, la Commission de lUEMOA nous indique que le texte du projet communautaire sur le droit de la concurrence commencera surtout voir le jour partir de dcembre 1999, aprs que la Confrence des Chefs dEtat et de gouvernement de lUnion Lom ait prescrit ladoption diligente et lapplication effective dune rglementation communautaire sur la concurrence, de manire conforter lunion douanire et la politique commerciale commune (Commission de lUEMOA, Note de prsentation du projet de lgislation communautaire sur la concurrence lintrieur de lUnion , op. cit., p.1). Dans cette perspective, la Commission a entrepris, depuis 1999, avec le concours de lUnion europenne, dlaborer des projets de textes lgislatifs et rglementaires, en vue de fixer le cadre dexercice de la concurrence au sein de lUnion (Idem, p. 1, in fine). Cest ainsi quelle rdigera un premier projet qui sera soumis discussion et amendements en avril 2000 au cours dun atelier dexperts nationaux. Daprs la Commission, le principal point de divergence enregistr au cours dudit atelier et qui portera sur la question de la coexistence des lgislations nationales et de la lgislation communautaire de la concurrence et qui sera soumise la Cour de justice de lUEMOA fera lobjet de lavis n 003/2000 du 27 juin 2000 de cette juridiction (Ibidem, p. 2). La Commission tiendra compte de cet avis pour finaliser son projet initial sur le droit de la concurrence. Cest en dfinitive le 23 mai 2002 que lensemble des textes de ce projet sera adopt quasiment en ltat par le Conseil des ministres de lUEMOA.

  • - et, enfin, la directive n 02/2002/CM/UEMOA relative la coopration entre la Commission et les structures nationales de concurrence des tats membres pour lapplication des articles 88, 89 et 90 du Trait de lUEMOA20.

    Lentre en vigueur des trois rglements a t fixe pour le 1er janvier 2003 tandis que celle des deux directives la t pour plus tt, savoir, le 1er juillet 2002, tant entendu quun dlai de six mois stalant jusquau 31 dcembre 2002 a t laiss aux tats membres pour conformer leur lgislation interne ces deux directives21.

    La question fondamentale que pose lexistence du droit de la concurrence de lUEMOA est avant tout celle de la connaissance de son contenu exact. Dans cette optique, une premire interrogation consiste se demander quelles sont les rgles de fond dictes par lUEMOA pour garantir la libre concurrence et plus prcisment quelles sont les interdictions et les obligations imposes aux diffrents protagonistes de la lutte concurrentielle ou, en dautres termes, quelles sont les pratiques prohibes et quelles sont les comportements autoriss dans le domaine de la comptition conomique ? Une seconde interrogation amne se demander comment sopre la mise en uvre des rgles de fond ou plus prcisment quels sont les mcanismes prvus pour lapplication de ces rgles, quil sagisse des organes chargs de cette application ou des procdures et sanctions destines garantir le respect de ces rgles, et quels sont les ventuels rapports ou problmes de compatibilit entre le droit de la concurrence de lUEMOA et les autres droits de la concurrence applicables ou ayant vocation sappliquer dans lespace UEMOA, que ce soit les droits nationaux ou les droits manant dautres organisations internationales ou supranationales ?

    Si les rponses ces diffrentes questions passent avant tout par linterrogation profonde des textes

    constitutifs du droit de la concurrence de lUEMOA et par lexamen de lembryon de jurisprudence de la Cour de justice de lUEMOA22, cette rponse peut galement tre facilite ou affine par le recours au droit compar, et en particulier au droit europen de la concurrence. En effet, selon les indications des promoteurs de lUEMOA et des rdacteurs de la lgislation communautaire sur la concurrence, lexprience communautaire europenne a servi et continue de servir de rfrence, sinon de source dinspiration majeure, lorganisation dintgration ouest-africaine23. Concrtement, ce recours au droit communautaire europen de la concurrence consistera quelquefois se rfrer utilement aux traits de la Communaut conomique europenne (CEE) et de lUnion europenne (UE)24, aux rglements europens et la jurisprudence du Tribunal de premire instance des Communauts europennes (TPICE) et de la Cour de justice des Communauts europennes (CJCE) dans le domaine de la concurrence.

    20 Ces trois rglements et ces deux directives qui navaient pas encore t publis au Bulletin Officiel de lUEMOA au moment de la finition du prsent article se trouvent sur le rseau Internet, au site http : // www.uemoa.int , en cliquant sur litem actes de la page daccueil. 21 Dans la suite de nos dveloppements, par souci dallgement et de clart du prsent crit, ces diffrents textes du 23 mai 2002 seront frquemment dsigns par les abrviations suivantes : - rglement n 02/2002/CM/UEMOA pour rglement n 02/2002/CM/UEMOA relatif aux pratiques anticoncurrentielles lintrieur de lUnion conomique et montaire ouest africaine ; - rglement n 03/2002/CM/UEMOA pour rglement n 03/2002/CM/UEMOA relatif aux procdures applicables aux ententes et abus de position dominante lintrieur de lUnion conomique et montaire ouest africaine ; - rglement n 04/2002/CM/UEMOA pour rglement n 04/2002/CM/UEMOA relatif aux aides dEtat lintrieur de lUnion conomique et montaire ouest africaine et aux modalits dapplication de larticle 88 (c) du Trait ; - directive n 01/2002/CM/UEMOA pour directive n 01/2002/CM/UEMOA relative la transparence des relations financires dune part entre les Etats membres et les entreprises publiques, et dautre part entre les Etats membres et les organisations internationales ou trangres ; - directive n 02/2002/CM/UEMOA pour directive n 02/2002/CM/UEMOA relative la coopration entre la Commission et les structures nationales de concurrence des Etats membres pour lapplication des articles 88, 89 et 90 du Trait de lUEMOA . 22 Voir en particulier, sur cette jurisprudence embryonnaire, COUR DE JUSTICE DE LUEMOA, Recueil de la jurisprudence de la Cour , Cour de justice, Ouagadougou, janvier 2002, 172 p. Parmi les cinq avis et six arrts contenus dans ce recueil et rendus par la Cour de justice de lUEMOA depuis son installation officielle le 27 janvier 1995, seul un avis concerne proprement parler le droit de la concurrence, savoir l avis n 003/2000 du 27 juin 2000 relatif linterprtation des articles 88, 89, 90 du Trait sur les rgles de concurrence de lUnion . 23 Voir notamment : - Commission de lUEMOA, LUnion conomique et montaire ouest-africaine : Un trait pour lavenir , op. cit. ; - Commission de lUEMOA, Note prsentation du projet de lgislation communautaire sur la concurrence lintrieur de lUnion , op. cit., p.1. 24 Les rgles communautaires europennes en droit de la concurrence ont surtout t tablies par le Trait de Rome du 25 mars 1957 instituant la Communaut conomique europenne (encore appel Trait CEE) et le Trait de Maastricht du 7 fvrier 1992 sur lUnion europenne. Ce trait sur lUnion europenne qui reprend pour lessentiel les rgles de concurrence poses par le Trait de Rome (qui sappelle aussi dornavant Trait instituant les Communauts europennes - Trait CE -) opre surtout un changement de numros des anciens articles de ce dernier consacrs la concurrence. Ainsi, lancien article 37 (lex-article 37) consacr aux monopoles nationaux caractre commercial devient le nouvel article 31 du Trait CE ; lancien article 85 traitant des ententes correspond dsormais au nouvel article 81 du Trait CE ; lancien article 86 portant sur les abus de position de position dominante est dsormais devenu le nouvel article 82 du Trait CE ; lancien article 90 relatif aux entreprises publiques correspond maintenant au nouvel article 86 du Trait CE) ; les anciens articles 92, 93 et 94 consacrs aux aides dEtat deviennent respectivement les nouveaux articles 87, 88 et 89 du Trait CE.

  • Suivant une telle optique mthodologique, afin davoir une vue densemble du droit de la concurrence de lUEMOA, il convient dabord dexaminer, dans un premier volet, lensemble des rgles de fond dictes en la matire, avant de voir, dans un second volet, leur mise en uvre.

    I - LES REGLES DE FOND

    Parmi les comportements gnralement considrs comme les plus nuisibles la concurrence et devant tre combattus en priorit, figurent en tte les pratiques anticoncurrentielles, par opposition aux pratiques restrictives de concurrence. Cest donc en toute logique que le droit de la concurrence de lUEMOA va satteler lutter contre les pratiques anticoncurrentielles en dictant un ensemble de rgles relatives aux entreprises et aux tats. Plus prcisment, ces rgles se rsument en la rgulation des pratiques anticoncurrentielles des entreprises et en la forte limitation des interventions des tats.

    A - La rgulation des pratiques anticoncurrentielles des entreprises.

    Les ententes et les abus de position dominante qui constituent les pratiques anticoncurrentielles les plus courantes au niveau des entreprises sont celles habituellement vises par les lgislations de la concurrence. LUEMOA sattaque particulirement de telles pratiques, travers linterdiction de principe des ententes et la prohibition des abus de position dominante. 1 - Linterdiction de principe des ententes.

    Dans bien de matires du droit, il nest pas rare que le lgislateur adopte une rgle gnrale et lassortisse dexceptions destines viter que lapplication intransigeante de celle-ci naboutisse des rsultats draisonnables et prjudiciables la socit, au vu de la spcificit de certaines situations, mme si dans la plupart des cas le recours la rgle gnrale est jug bnfique. Cest en empruntant une technique semblable que le lgislateur de lUEMOA va rgir les pratiques conomiques que sont les ententes, travers ldiction dun principe dinterdiction de celles-ci et lacceptation subsquente dexceptions ce principe afin de tenir compte des exigences du dveloppement des pays membres de lespace communautaire, en vertu dune sorte de rgle de raison . a) Ldiction dun principe dinterdiction des ententes.

    Le Trait de lUEMOA se borne pour lessentiel indiquer en son article 88, alina a, que les accords, les associations et les pratiques concertes entre entreprises sont interdits de plein droit, lorsque ceux-ci ont pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence lintrieur de lUnion, et disposer en son article 89 que le Conseil des ministres arrte par voie de rglement ds lentre en vigueur du trait la procdure, les sanctions et les exceptions applicables cette interdiction.

    Les dispositions susmentionnes consistent en ralit poser le principe dinterdiction des ententes, limage notamment du droit europen et de diffrents droits nationaux de la concurrence 25, puisque lentente est classiquement dfinie comme un concours de volont entre entreprises autonomes, tel un accord, une dcision dassociation, ou une pratique concerte, qui a pour objet ou pour effet de fausser ou dentraver le jeu de la concurrence.

    25 Sur le droit communautaire europen des ententes, principalement rgies par larticle 81 (ex-article 85) du Trait CE, voir notamment : - Grard CAS, Roger BOUT, Etienne PETIT, Lamy droit conomique (1996) : concurrence, distribution, consommation , Lamy, Paris, 1995, p. 595-629 ; - Henri CHAVRIER et al., Chronique gnrale de jurisprudence communautaire : janvier 1997-dcembre 1998. Troisime partie : Les rgles de concurrence applicables aux entreprises , Revue du March Commun et de lUnion europenne, n 436, mars 2000, p. 179-196 ; - Jean-Michel COUMES et Jrme BROCHE, La proposition de rforme du droit communautaire de la concurrence : le principe et ses consquences , Revue du March Commun et de lUnion europenne, n 451, septembre 2001, p. 546-552 ; - Jean-Pierre DENIZARD et Cline DELACROIX, La modernisation du droit communautaire des ententes. Le point de vue des chefs dentreprise , Revue du March Commun et de lUnion europenne, n 451, septembre 2001, p. 553-559 ; - Jean-Claude GAUTRON, Droit europen , op. cit., p. 177-179 ; - Franoise HAUTFENNE, Approche comparative des concepts dentente et dabus de position dominante dans le cadre de lU.E. et de lU.E.M.O.A. , Revue Burkinab de Droit, n 34, 2e semestre, 1998, p. 177-199 ; - Jean-Marc THOUVENIN, Chronique de concurrence - Ententes - Jurisprudence de lanne 1999 , Revue du March Commun et de lUnion europenne, n 441, septembre 2000, p. 551-561 ; - Jean-Marc THOUVENIN, Chronique de la concurrence : jurisprudence de lanne 2000 , Revue du March Commun et de lUnion europenne, n 455, fvrier 2002, p. 104-111. Sur le droit franais des ententes, voir notamment : - Marie-Chantal BOUTARD LABARDE et Guy CANIVET, Droit franais de la concurrence , Paris, L.G.D.J., 1994, p. 37-64, 103-109 ; - Grard CAS, Roger BOUT, Etienne PETIT, Lamy droit conomique (1996) : concurrence, distribution, consommation , op. cit., p. 173-203, 219-229. Sur certains droits nationaux des ententes au sein de lespace UEMOA, voir notamment, en ce qui concerne la lgislation : - Pour le Burkina Faso, larticle 5 de la loi n 15/94/ADP du 5 mai 1994 portant organisation de la concurrence au Burkina Faso (Journal officiel du Burkina Faso du 21 juillet 1994, p. 1292 et suivantes) ; pour la Cte-dIvoire, larticle 7 de la loi n 91-999 du 27 dcembre 1991 relative la concurrence ; pour le Sngal, larticle 24 de la loi n 94-63 du 22 aot 1994 sur les prix, la concurrence et le contentieux conomique. En ce qui concerne la doctrine, voir notamment : - TOE Jean Yado, Le droit de la concurrence au Burkina Faso , communication au colloque organis par le Centre dtudes europennes et de lintgration (CEEI) de lUFR/Sciences juridiques et politiques (UFR/SJP) de lUniversit de Ouagadougou sur Le droit de la concurrence et de la consommation dans lespace UEMOA , Ouagadougou, 5-8 fvrier 2002 (publication prvue dans le cadre des actes dudit colloque) ; - Pr. Joseph ISSA-SAYEGH, Le droit ivoirien de la concurrence ,

  • Ce sont surtout larticle 3 du rglement n 02/2002/CM/UEMOA et lannexe 1 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 qui apportent les plus grandes prcisions quant au contenu exact de la notion dentente prohibe contenue dans le Trait de lUEMOA26.

    A cet gard, lentreprise, sans laquelle la notion dentente prohibe nexiste pas, est dfinie comme une organisation unitaire dlments personnels, matriels, et immatriels, exerant une activit conomique, titre onreux, de manire durable, indpendamment de son statut juridique, public ou priv, et de son mode de financement, et jouissant dune autonomie de dcision27.

    A travers une telle dfinition, on retrouve donc une notion dentreprise sappuyant davantage sur un critre fonctionnel (la nature de lactivit effectue par lentit dont il est question) que sur un critre institutionnel (la forme juridique de ladite entit), limage de la solution qui sest progressivement dessine de la jurisprudence de la Cour de justice des Communauts europennes, dans un contexte marqu par une absence de dfinition labore par le lgislateur europen28. Ainsi, lentreprise dont il est ici question peut tre une personne physique, une socit civile ou commerciale ou encore une entit juridique ne revtant pas la forme dune socit29.

    De surcrot, il apparat que la notion dentente doit tre entendue de la faon la plus large30, linstar de linterprtation dj faite par le juge europen. En ce sens, lexistence dun accord entre entreprises au sens de larticle 88, alina a, du Trait nimplique pas ncessairement un contrat crit31. Les dcisions dassociations dentreprises se manifesteront notamment sous la forme de dlibrations des associations professionnelles. Enfin, de simples comportements parallles pourront constituer un accord ou une pratique concerte32.

    Mme si le lgislateur de lUEMOA ninsiste pas sur le fait quil faut que ce concours de volont existe entre au moins deux entreprises autonomes, cela parat simposer de faon logique. A ce propos, dfaut dindications fournies par les textes de lUEMOA, se pose en particulier le problme de savoir si un accord conclu entre une socit-mre et sa filiale peut tre qualifi dentente. En guise de rponse, titre comparatif, la Cour de justice des Communauts europennes estime que le concept dentente ne s'applique pas aux relations entre une socit-mre et sa filiale33.

    communication au colloque prcit du CEEI, document dactylographi (publication prvue dans le cadre des actes dudit colloque) ; - Pr. Abdoulaye SAKHO, Aperu sur le droit de la concurrence au Sngal , communication au colloque prcit de CEEI, document dactylographi (publication prvue dans le cadre des actes dudit colloque). 26 Aux termes de larticle 32 du rglement n 02/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002, lannexe n 1 relative aux notes interprtatives de certaines notions fait partie intgrante dudit rglement et revt par consquent la mme force obligatoire que ce dernier. 27 Note 1 de lannexe 1 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA. 28 Sur cette jurisprudence europenne relative la notion dentreprise, voir en particulier : C.J.C.E, 23 avril 1991, aff. 41/90, Hfner, Rec., 1991, p. 1979 ; C.J.C.E, 17 fvrier 1993, aff., 159 et 160/91, Poucet, Rec., 1993,p.637 ; C.J.C.E., 19 janvier 1994, aff.364/92, Sat/ Eurocontrol, Rec., 1994, p.43. La Commission europenne va dans le mme sens que ces arrts de la C.J.C.E., travers une srie de dcisions, dont par exemple : - la dcision de la Commission du 2 dcembre 1975, AOIP / Beyrard, J.O.C.E. n L6 du 13 janvier 1976, p.8 (relativement inventeur) ; - la dcision de la Commission du 15 dcembre 1982, Toltecs / Dorcet, J.O.C.E. n L379 du 31 dcembre 1982, p.19 (relativement un homme daffaire) ; - la dcision de la Commission du 30 juin 1993, CNSD, J.O.C.E. n L203 du 13 aot 1993. 29 Note 1 de lannexe 1 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA. 30 Note 2 de lannexe 1 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA. 31 Idem. Sur la jurisprudence europenne suivant laquelle laccord en question peut seulement consister en une convention verbale, en un accord simplement tacite, voir notamment TPI, 7 juillet 1994, aff. 43/92, Dunlop Slazenger International c. Commission, Rec., 1992, I, p.441 ; TPI, 24 octobre 1991, aff. 1/89, Rhne Poulenc, Rec., 1991,II, p.867. 32 Note 2 de lannexe 1 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA. Sur le droit communautaire europen concernant ce point, voir en particulier C.J.C.E, 14 juillet 1972, aff. 48/69, Imperial Chemical Industries Ltd. c. Commission, Rec., 1972, p. 619. 33 C.J.C.E, 25 novembre 1971, aff. 22/71, Bguelin Import c. GL Import/ Export, Rec., 1971, p.949 ; C.J.C.E, 14 juillet 1972, aff. 48/69, Imperial Chemical Industries Ltd. c. Commission, Rec., 1972, p.619 ; C.J.C.E, 6 mars 1974, aff. jointes 6 et 7/23, Istituto Chemioterapico Italiano SpA et Commercial Solvents c. Commission, Rec., 1974, p.223 ; C.J.C.E., 31 octobre 1974, aff. 15/74, Centrafarm BV et Adriaan De Peijper c.Sterling Drug Inc., Rec., 1974, p. 1147.

  • Comme nous le laisse clairement apparatre la lgislation de lUEMOA, la seule existence dun concours de volont entre entreprises autonomes ne suffit pas pour quil y ait entente prohibe. Il faut en plus que ce concours de volont ait pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser la concurrence lintrieur de lUnion34. Lvaluation de cet effet anticoncurrentiel, notamment par la Commission de lUEMOA, doit tre faite en utilisant le critre de la part de march dtenue par les parties la pratique35. Plus prcisment, la dtermination de cette part de march ncessite au pralable la dfinition prcise du march en cause qui apparat comme le rsultat de la combinaison entre le march de produits en cause et le march gographique en cause36.

    Comme exemples dententes prohibes, larticle 3 du rglement n 02/2002/CM/UEMOA mentionne : les accords limitant laccs au march ou le libre exercice de la concurrence par dautres entreprises ; les accords visant fixer directement ou indirectement le prix, contrler le prix de vente, et de manire gnrale, faire obstacle la fixation des prix par le libre jeu du march en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ; les rpartitions des marchs ou des sources dapprovisionnement ; les accords ou pratiques visant limiter ou contrler la production, les dbouchs, le dveloppement technique et les investissements ; les discriminations entre partenaires commerciaux au moyen de conditions ingales pour des prestations quivalentes ; les subordinations de la conclusion des contrats lacceptation, par les partenaires, de prestations supplmentaires, qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, nont pas de lien avec lobjet de ces contrats.

    A linverse de ces ententes prohibes, dautres ententes peuvent tre autorises ou exemptes par les textes de lUEMOA qui admettent lexistence dexceptions au principe dinterdiction des ententes.

    b - Lexistence dexceptions au principe dinterdiction des ententes. Larticle 89, 3, du Trait de lUEMOA laisse au Conseil des ministres la possibilit de prvoir des

    exceptions limites linterdiction de principe des ententes afin de tenir compte de situations spcifiques. Mais cest surtout le rglement n 02/2002/CM/UEMOA qui viendra prciser le contenu de ces dispositions.

    Dans cet esprit, il apparat que la Commission peut autoriser de faon individuelle ou par catgories les ententes qui non seulement contribuent amliorer la production ou la distribution des produits ou promouvoir le progrs technique ou conomique, tout en rservant aux utilisateurs une partie quitable du profit qui en rsulte, mais galement nimposent pas aux entreprises intresses des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs, et ne donnent pas ces entreprises la possibilit dliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause37. Ces quatre conditions gnrales des exemptions se retrouvent dailleurs au niveau des rgles de concurrence de lUnion europenne et de certains pays de lespace UEMOA38.

    De faon plus prcise, il ressort que la Commission de lUEMOA peut adopter par voie de rglement dexcution des exemptions par catgories, notamment en ce qui concerne les accords de spcialisation, les accords de recherche et de dveloppement et les accords de transfert de technologie39.

    34 A la diffrence de larticle 88, alina a, du Trait de lUEMOA, larticle 81 (ex-article 85) du Trait CE parle dententes qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre tats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence l'intrieur du march commun . Ainsi, le droit communautaire europen des ententes a un champ dapplication limit par la condition daffectation du commerce entre les tats membres ; ds lors que la pratique en question naffecte que le commerce dun seul Etat membre, le droit communautaire des ententes ne sapplique gure. Comme nous le verrons ultrieurement en abordant les problmes de compatibilit, une telle disposition va justifier au niveau europen la coexistence des droits nationaux des ententes et du droit communautaire en la matire, contrairement au cas ouest-africain o labsence de cette condition daffection du commerce entre les Etats membres va laisser le champ libre lapplication totale du droit communautaire et condamner la disparition les droits nationaux des ententes. 35 Note 4 de lannexe n 1 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA. 36 Aux termes de la note 4 susmentionne, le march de produits en cause englobe tous les produits et/ou services que le consommateur considre comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractristiques, de leurs prix et de lusage auquel ils sont destins. Le march gographique en cause correspond quant lui au territoire sur lequel les entreprises concernes contribuent loffre de produits et de services, ce march devant prsenter des conditions de concurrence suffisamment homogne et pouvoir tre distingu des territoires limitrophes, notamment par des conditions de concurrence sensiblement diffrentes, en prenant en compte des facteurs comme la nature et les caractristiques des produits ou des services en question, lexistence de barrires lentre, des diffrences apprciables de parts de march ou des carts substantiels de prix. 37 Article 7 du rglement n 02/2002/CM/UEMOA. 38 En ce sens, voir notamment larticle 81, 3 (ex-article 85, 3) du Trait de Rome ou larticle 8, 2 de la loi n 15/94/ADP du 5 mai 1994 portant organisation de la concurrence au Burkina Faso. Ces articles sont rdigs dans des termes quasiment identiques ceux de larticle 7 du rglement n 02/2002/CM/UEMOA. 39 Article 6 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA. Sur les exemptions en droit europen, voir notamment Jean-Claude GAUTRON, Droit europen , op. cit., p. 177-178.

  • En matire dexemptions, le lgislateur de lUEMOA estime quil faut distinguer les accords entre entreprises en deux catgories que sont respectivement les accords verticaux et les accords horizontaux40. Les accords verticaux sont dfinis comme les accords conclus entre deux ou plusieurs entreprises, dont chacune opre un niveau diffrent de la chane de production ou de distribution, et qui concernent les conditions dans lesquelles ces entreprises peuvent acqurir, vendre ou revendre certains biens ou services41. Les accords horizontaux sont apprhends en tant quaccords conclus un mme niveau de production ou de distribution ou, en dautres termes, en tant quaccords entre producteurs ou accords entre dtaillants42.

    Pour le lgislateur de lUEMOA, les accords verticaux sont moins restrictifs de la concurrence que les accords horizontaux. Aussi estime-t-il que la Commission de lUEMOA doit avoir une politique plus souple lgard des accords verticaux en les laissant hors du champ dinterdiction des ententes, lexception de deux types daccords dont les effets anticoncurrentiels sont jugs plus importants que leurs effets positifs, savoir, dune part, les accords comportant une protection territoriale absolue et, dautre part, les accords portant sur la fixation du prix de revente43. De mme, la Commission est invite exercer un contrle strict sur tous les accords verticaux entre parties occupant une position dominante sur le march en cause44. Cette dernire recommandation est relier la prohibition des abus de position dominante formule par les textes de lUEMOA, en plus de linterdiction de principe des ententes.

    2) La prohibition des abus de position dominante.

    Comme dans le domaine des ententes, le Trait de lUEMOA se limite poser de faon trs succincte le principe dinterdiction des abus de position dominante. A cet gard, larticle 88, alina b, dudit Trait dispose que sont interdits de plein droit toutes pratiques dune ou de plusieurs entreprises, assimilables un abus de position dominante sur le march commun ou dans une partie significative de celui-ci. Ce sont surtout les dispositions du rglement n 02/2002/CM/UEMOA et celles du rglement n 03/2002/CM/UEMOA qui viennent prciser le contenu de cette interdiction de principe des abus de position dominante45.

    A travers de telles dispositions, la lgislation de lUEMOA sur le droit de la concurrence met en exergue le fait que pour quil y ait abus de position dominante, il faut dabord que lentreprise en question soit en position dominante, et quensuite cette entreprise exploite de faon abusive une telle position. a - Lexistence pralable dune position dominante

    40 Note 5 de lannexe 1 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA. 41 Idem. 42 Ibidem. 43 Ibidem. 44 Ibidem. 45 Une pareille interdiction des abus de position dominante est galement faite en droit europen de la concurrence et dans des droits nationaux de la concurrence de pays membres de lespace UEMOA. Sur le droit communautaire europen des abus de position dominante, principalement rgis par larticle 82 (ex-article 86) du Trait de Rome, voir notamment : - Grard CAS, Roger BOUT, Etienne PETIT, Lamy droit conomique (1996) : concurrence, distribution, consommation , op. cit., p. 630-646 ; - Henri CHAVRIER et al., Chronique gnrale de jurisprudence communautaire : janvier 1997-dcembre 1998. Troisime partie : Les rgles de concurrence applicables aux entreprises , op. cit., p. 179-196 ; - Jean-Michel COUMES et Jrme BROCHE, La proposition de rforme du droit communautaire de la concurrence : le principe et ses consquences , op. cit., p. 546-552 ; - Jean-Claude GAUTRON, Droit europen , op. cit., p. 179-181 ; - Franoise HAUTFENNE, Approche comparative des concepts dentente et dabus de position dominante dans le cadre de lU.E. et de lU.E.M.O.A. , op. cit., p. 177-199 ; - Jean-Marc THOUVENIN, Chronique de la concurrence : jurisprudence de lanne 2000 , op.cit., p. 104-111. Sur le droit franais des abus de position dominante, voir notamment : - Marie-Chantal BOUTARD LABARDE et Guy CANIVET, Droit franais de la concurrence , op. cit., p. 65-109 ; - Grard CAS, Roger BOUT, Etienne PETIT, Lamy droit conomique (1996) : concurrence, distribution, consommation , op. cit., p. 204-229. Sur certains droits nationaux des abus de position dominante au sein de lespace UEMOA, voir notamment, en ce qui concerne la lgislation : - Pour le Burkina Faso, larticle 6 de la loi n 15/94/ADP du 5 mai 1994 portant organisation de la concurrence au Burkina Faso ; pour la Cte-dIvoire, larticle 8 de la loi n 91-999 du 27 dcembre 1991 relative la concurrence ; pour le Sngal, larticle 27 paragraphe 1 de la loi n 94-63 du 22 aot 1994 sur les prix, la concurrence et le contentieux conomique. En ce qui concerne la doctrine, voir notamment : - Jean Yado TOE, Le droit de la concurrence au Burkina Faso , op. cit. ; - Pr. Joseph ISSA-SAYEGH, Le droit ivoirien de la concurrence , op. cit. ; - Pr. Abdoulaye SAKHO, Aperu sur le droit de la concurrence au Sngal , op. cit. 45 Voir notamment : - Marie-Chantal BOUTARD LABARDE et G. CANIVET, Droit franais de la concurrence , op. cit., p. 37 ; Raymond GUILLIEN et Jean VINCENT, Lexique (termes juridiques) , op. cit., p. 238.

  • Plus prcisment, la position dominante est dfinie comme la situation o une entreprise a la capacit, sur le march en cause, de se soustraire dune concurrence effective, de saffranchir des contraintes du march, en y jouant un rle directeur46. De nombreux critres sont prvus pour dterminer lexistence dune position dominante. Le critre le plus dterminant pour valuer lexistence dune telle position est la part de march quoccupe une entreprise sur le march en cause47. Cette part de march se calcule en tenant compte des ventes ralises par lentreprise concerne et de celles ralises par ses concurrents48. Lorsque la part de march ne suffit pas elle seule pour tablir lexistence dune position dominante, les instances communautaires doivent recourir des critres supplmentaires pour juger de celle-ci, tel le degr dintgration verticale de lentreprise, la puissance financire de lentreprise ou du groupe auquel elle appartient, lexistence de barrires lentre 49. Ces barrires lentre peuvent rsider dans des obstacles lgislatifs et rglementaires ou dans les caractristiques propres au fonctionnement du march en cause, dont par exemple la complexit technologique propre au march de produit, la difficult dobtenir les matires premires ncessaires ainsi que les pratiques restrictives des fournisseurs dj tablis50.

    La notion de position dominante est rapproche de celle de concentration par le lgislateur de lUEMOA. A ce propos, il ressort que les faits suivants constituent une concentration : la fusion entre deux ou plusieurs entreprises antrieurement indpendantes ; lopration par laquelle une ou plusieurs personnes (dtenant dj le contrle dune entreprise au moins) ou une ou plusieurs entreprises acquirent directement ou indirectement (que ce soit par prise de participation au capital, achat dlments dactifs, contrat ou tout autre moyen) le contrle de lensemble ou de parties dune ou de plusieurs autres entreprises ; la cration dune entreprise commune accomplissant de manire durable toutes les fonctions dune entit conomique autonome51.

    La seule existence dune position dominante ne suffit pas pour quune entreprise tombe sous le coup de linterdiction des abus de position dominante. Pour ce faire, il faut que cette entreprise exploite abusivement ladite position dominante.

    b - Lexploitation abusive de cette position dominante

    Les textes de lUEMOA indiquent avant toute chose que le fait pour une ou plusieurs entreprises dexploiter de faon abusive une position dominante sur le march commun ou dans une partie significative de celui-ci est incompatible avec le march commun et est interdit52. Sont galement frappes de cette interdiction les pratiques assimilables un abus de position dominante dont en particulier les oprations de concentration qui crent ou renforcent une position dominante dtenue par une ou plusieurs entreprises, et qui ont comme consquence dentraver de manire significative une concurrence effective lintrieur du march commun53.

    La lgislation de lUEMOA mentionne comme comportements constitutifs dabus de position dominante les pratiques consistant : imposer de faon directe ou indirecte des prix dachat ou de vente ou dautres conditions de transactions non quitables ; limiter la production, les dbouchs ou le dveloppement technique au prjudice des consommateurs ; appliquer lgard des partenaires commerciaux des conditions ingales des prestations quivalentes, en leur infligeant de ce fait un dsavantage dans la concurrence ; subordonner la conclusion de contrats lacceptation, par des partenaires, de prestations supplmentaires, qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, nont pas de lien avec lobjet de ces contrats54. Sont galement assimiles des comportements constitutifs dabus les oprations de concentrations qui crent ou renforcent une position dominante dtenue par une ou plusieurs entreprises55.

    46 Note 3 de lannexe n 1 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA. A travers ces dispositions, les textes communautaires reprennent leur compte une dfinition de la position dominante que lon retrouve en droit communautaire europen. Voir sur cette notion de position dominante rappele dans Etienne CEREXHE et Louis le HARDY de BEAULIEU, Introduction lunion conomique ouest africaine , op. cit., p. 79, voir en particulier la jurisprudence suivante qui la progressivement forge et tablie : - C.J.C.E., 21 fvrier 1973, aff. 6/72, Continental Can, Rec., 1973, p. 215 ; - C.J.C.E.,14 fvrier 1978, aff. 22/76, United Brands, Rec., 1978, p. 207 ; - C.J.C.E., 2 mars 1994, aff. 53/92P, Hilti c. Commission, Rec., 1994, p. 667 ; - TPI,12 dcembre 1991, aff. 30/89, Hilti AG c. Commission, rec., 1991, II, p. 1439. 47 Note 3 de lannexe n 1 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA. Sur le droit communautaire europen qui va dans le mme sens, voir en particulier : - C.J.C.E, 13 fvrier 1979, aff. 85/76, Hoffman Laroche, Rec., 1979, p. 461 ; - TPI,12 dcembre 1991, aff. 30/89, Hilti AG c. Commission, rec., 1991, II, p. 1439 ; - TPI, 6 octobre 1994, aff. 83/91, Tetra Pak II c. Commission, Rec., 1994, II, p. 755 ; - C.J.C.E.,14 fvrier 1978, aff. 22/76, United Brands, Rec., 1978, p. 207 ; - C.J.C.E., 3 juillet 1991, aff. 62/86, Akzo Chemie BV c. Commission, Rec., 1991, p.3359. 48 Note 3 de lannexe n 1 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA. 49 A titre comparatif et convergent, voir notamment en ce qui concerne lUnion europenne : Voir not. TPI, 6 octobre 1994, aff. 83/91, Tetra Pak II c. Commission, Rec., 1994, II, p. 755. 50 Note 3 de lannexe n 1 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA. 51 Article 4 paragraphe 4.3 du rglement n 02/2002/CM/UEMOA. 52 Article 4 paragraphe 4.1 du rglement n 02/2002/CM/UEMOA. 53 Idem. 54 Article 4 paragraphe 4.2 du rglement n 02/2002/CM/UEMOA. Larticle 82 (ex-article 86) du Trait de Rome renvoie en des termes quasiment identiques aux mmes exemples. 55 Article 4 paragraphe 4.1 du rglement n 02/2002/CM/UEMOA. Ainsi, la lgislation de lUEMOA sur la concurrence fait de ces oprations de concentration une sorte de sous-catgorie, de variante des abus de position dominante, alors que le droit europen a tendance distinguer frquemment les concentrations des ententes et des abus de

  • La seule existence de ces comportements abusifs ne suffit pas pour quil y ait abus de position dominante prohib par le droit de la concurrence de lUEMOA. Encore faut-il, en second lieu, que de tels comportements aient pour objet ou pour effet dentraver de manire significative une concurrence effective lintrieur du march commun56.

    A limage de la dmarche et des critres utiliss pour apprcier leffet anticoncurrentiel dune entente, ici galement sera par excellence utilise comme critre principal, en particulier par la Commission de lUEMOA, la part de march dtenue par les parties en cause, aprs avoir pralablement dfini avec prcision le march en cause en tant que rsultat de la combinaison entre le march de produits en cause et le march gographique en cause57. Dans cette optique, par exemple le territoire gographique dun tat membre, quel que soit le poids conomique de celui-ci, pourra tre considr comme une partie significative du march commun58.

    Enfin, on peut noter que la lgislation de lUEMOA sur le droit de la concurrence nnonce pas directement dexemptions au principe de linterdiction des abus de position dominante. Il est seulement indiqu larticle 89 3 du Trait de Dakar que le Conseil des ministres peut galement dicter des rgles prcisant les interdictions nonces dans larticle 88 ou prvoyant des exceptions limites ces rgles afin de tenir compte de situations spcifiques , tant entendu que les interdictions nonces dans larticle 88 sont celles relatives aux ententes, aux abus de position dominante et aux aides publiques. Mais de telles exceptions ne sont point prvues dans les textes de droit driv du 23 mai 2002 sur la concurrence, en ce qui concerne les abus de position dominante59.

    A lanalyse, on saperoit donc que les solutions retenues par les textes de lUEMOA sur le droit de la concurrence reprennent pour lessentiel celles que lexprience europenne a pu progressivement dgager quant la rgulation des pratiques anticoncurrentielles des entreprises. Une remarque semblable peut tre faite propos de la forte limitation des interventions des tats laquelle procde galement le droit de la concurrence de lUEMOA.

    B. La forte limitation des interventions des tats

    Les aides publiques et la cration des monopoles et entreprises publiques, qui sont souvent considres par les libraux comme deux des formes les plus dangereuses de linterventionnisme des tats par rapport lexistence dune libre concurrence, sont gnralement rduites de faon significative par les diffrents droits de la concurrence, dfaut dtre entirement proscrites. LUEMOA va justement tenter pour sa part de limiter fortement les interventions de ses tats membres en matire conomique, par linterdiction de la plupart des aides publiques et par lobligation de libralisation et de transparence impose ces tats par rapport aux monopoles et entreprises publiques.

    1) Linterdiction de la plupart des aides publiques.

    A linstar des dispositions prises en matire dententes, le lgislateur de lUEMOA va galement faire preuve dune certaine souplesse dans le domaine des aides publiques, puisque, aprs avoir proclam lincompatibilit de principe des aides publiques avec le march commun, il acceptera quelques drogations ce principe, tolrant ainsi une certaine forme dinterventionnisme de l'tat dans des situations o lapplication implacable de lidologie de la libre concurrence pourrait conduire des dsastres conomiques et sociaux.

    a) Lincompatibilit de principe des aides publiques avec le march commun

    Aux termes de larticle 88, alina c, du Trait de lUEMOA, sont interdites de plein droit les aides publiques susceptibles de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions, sous rserve dexceptions limites pouvant tre prvues par le Conseil des ministres en vertu de larticle 89 du mme trait. Ainsi est proclame par ledit trait lincompatibilit de la plupart des aides publiques avec le march commun, puisque rares sont les aides susceptibles de favoriser toutes les entreprises ou toutes les productions60. Poursuivant dans la voie trace par le Trait de lUEMOA, le rglement n 04/2002/CM/UEMOA ritre une telle interdiction tout en apportant plus de prcisions sur son contenu et sa porte. position dominante. Sur les concentrations en droit communautaire europen, voir notamment : - Grard CAS, Roger BOUT, Etienne PETIT, Lamy droit conomique (1996) : concurrence, distribution, consommation , op. cit., p. 647-677 ; - Henri CHAVRIER et al., Chronique gnrale de jurisprudence communautaire : janvier 1997-dcembre 1998. Troisime partie : Les rgles de concurrence applicables aux entreprises , op. cit., p. 179-196 ; - Jean-Claude GAUTRON, Droit europen , op. cit., p. 180-181 ; - Apollinaire KYELEM, Le contrle des concentrations dentreprises en droit communautaire , Revue burkinab de droit, n 32, 2e semestre 1997, p. 204-225. 56 Voir article 88 alina b du Trait de lUEMOA et article 4, paragraphe 4.1, du rglement n 02/2002/CM/UEMOA. 57 Voir note 4 de lannexe n 1 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relatif aux procdures applicables aux ententes et abus de position dominante lintrieur de lUnion conomique et montaire ouest africaine. 58 Idem. 59 Il est noter galement que le droit europen de la concurrence, en particulier larticle 82 (ex-article 86) du Trait de Rome et les textes de droit driv, nenvisage ni exception, ni exemption linterdiction des abus de position dominante. 60 Une semblable interdiction des aides publiques existe galement au niveau des rgles de concurrence de lUnion europenne. Sur le droit communautaire europen dinterdiction des aides publiques, principalement formule par les articles 87 89 (ex-articles 92 94) du Trait CE, voir notamment : - Grard CAS, Roger BOUT, Etienne PETIT, Lamy droit conomique (1996) : concurrence, distribution, consommation , op. cit., p. 679-693 ; - Jean-Claude GAUTRON, Droit europen , op. cit., p. 181-182 ; - Christian GARBAR, Aides dEtat : pratique dcisionnelle de la Commission de la Communaut europenne (1990-1994) , 2e partie, in Revue du March Commun et

  • Au regard de ce dernier texte, la notion daide publique doit tre entendue de la faon la plus large, aussi bien en ce qui concerne la forme de laide que la personne publique qui fournit laide. Ainsi, il apparat que constitue une aide publique toute mesure qui entrane un cot direct ou indirect, ou une diminution des recettes pour l'tat, ses dmembrements ou pour tout organisme public ou priv que l'tat institue ou dsigne en vue de grer laide, et confre ainsi un avantage sur certaines entreprises ou sur certaines productions61.

    Dans cette optique, limage des solutions retenues en droit communautaire europen, aussi bien les subventions aux entreprises que les prts, les exonrations fiscales, la gratuit des biens ou des services mis leur disposition doivent logiquement tre considrs comme des aides publiques62. De mme, laide dont il sagit peut a priori maner non seulement dune autorit centrale, mais galement de toute autre autorit dcentralise, cest--dire de tout autre organisme ou collectivit publique, tel une province ou une commune63.

    Plus prcisment, les aides suivantes sont considres comme des aides interdites de plein droit, sans quun examen par la Commission ne soit ncessaire : les aides publiques subordonnes, en droit ou en fait, soit exclusivement, soit parmi plusieurs autres conditions, aux rsultats lexportation vers les autres tats membres ; les aides subordonnes, soit exclusivement, soit parmi plusieurs autres conditions, lutilisation de produits nationaux de prfrence des produits imports des autres tats membres64.

    Sinspirant apparemment du droit communautaire europen, le lgislateur de lUEMOA accepte, travers larticle 89, alina c, du Trait de Dakar et le rglement n 04/2002/CM/UEMOA, lide de quelques drogations ce principe dinterdiction de la plupart des aides.

    b) Lacceptation de quelques drogations

    A cet gard, il ressort que dans le cadre de son examen de limpact des aides publiques sur le jeu de la concurrence, la Commission doit tenir compte des besoins des tats membres en ce qui concerne leur dveloppement conomique et social, dans la mesure o les changes entre les tats membres et lintrt de la Communaut datteindre son objectif dintgration ne sont pas mis en chec65.

    Ainsi, les six catgories suivantes daides sont considres comme compatibles avec le march commun, sans quun examen pralable par la Commission ne soit ncessaire :

    - les aides caractre social octroyes aux consommateurs individuels, condition quelles soient accordes sans discrimination lie lorigine des produits ;

    - les aides destines remdier aux dommages causs par les calamits naturelles ou par dautres vnements extraordinaires ;

    - les aides destines promouvoir la ralisation dun projet important dintrt communautaire ou remdier une perturbation grave de lconomie dun tat membre ;

    - les aides des activits de recherche menes par des entreprises ou par des tablissements denseignement suprieur ou de recherche ayant pass des contrats avec des entreprises, si laide couvre au maximum 75 % des cots de la recherche industrielle ou 50 % des cots de lactivit de dveloppement pr-concurrentielle ;

    - les aides visant promouvoir ladaptation dinstallations existantes de nouvelles prescriptions environnementales imposes par la lgislation et/ou la rglementation qui se traduisent pour les entreprises par des contraintes plus importantes et une charge financire plus lourde, condition que cette aide soit une mesure ponctuelle, non rcurrente, et soit limite 20 % du cot de ladaptation ;

    - et, enfin, les aides destines promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles ne restreignent pas la concurrence dans une partie significative du march commun66.

    De mme, la Commission peut, aprs consultation du Comit consultatif en matire daides, dfinir par voie de rglement dexcution (conformment au pouvoir qui lui est accord en vertu de larticle 24 du Trait de lUEMOA) dautres catgories daides publiques susceptibles dtre autorises de plein droit67.

    En plus de linterdiction de la plupart des aides publiques, le droit de la concurrence de lUEMOA comporte galement, au titre des rgles relatives aux tats, une obligation de libralisation et de transparence par rapport aux monopoles et entreprises publiques.

    de lUnion Europenne, n 384, janvier 1995, p. 36-45 ; - Jean-Paul KEPPENNE, Guide des aides dEtat en droit communautaire (Rglementation, jurisprudence et pratique de la Commission) , Bruylant, Bruxelles, 1999, 693 p. 61 Article 1 alina b du rglement n 04/2002/CM/UEMOA. 62 Voir notamment, pour ce qui concerne la large dfinition de la notion daide publique en droit communautaire europen : - Grard CAS, Roger BOUT, Etienne PETIT, Lamy droit conomique (1996) : concurrence, distribution, consommation , op. cit., p. 680-681 ; - CJCE, 23 fvr. 1961, aff. 30/59, Steenkolenmijnen Limburg, Rec., p. 39. 63 Idem. 64 Article 4 du rglement n 04/2002/CM/UEMOA. 65 Article 2 paragraphe 2.2 du rglement n 04/2002/CM/UEMOA. 66 Article 3 paragraphe 3.1 du rglement n 04/2002/CM/UEMOA. 67 Article 3 paragraphe 3.2 du rglement n 04/2002/CM/UEMOA. En matire dexceptions au principe dinterdiction des aides publiques, comme nous lindique C. GARBAR, lexprience europenne nous rvle surtout une pratique restrictive dautorisation des drogations lincompatibilit de principe de ces aides avec le march commun (C. GARBAR, Aides dEtat : pratique dcisionnelle de la Commission de la Communaut europenne (1990-1994) , op. cit.).

  • 2) Lobligation de libralisation et de transparence par rapport aux monopoles et entreprises publiques.

    Avant la phase actuelle de libralisation et de dstatisation qui sest amplifie dans les pays membres de

    lUEMOA depuis les annes 1990, les monopoles et les entreprises publiques occupaient dans ces pays une place considrable du fait des politiques interventionnistes que pratiquaient alors les tats en question. A dfaut de pouvoir interdire purement et simplement les monopoles et entreprises publiques souvent issus de cette poque, les textes de lUEMOA imposent aux tats une obligation de libralisation de ceux-ci et exigent de ces tats une plus grande transparence dans leurs relations financires avec les entreprises publiques et les organisations internationales. a) Lobligation de libralisation des monopoles et des entreprises publiques. Aux termes du droit communautaire de lUEMOA, conformment aux objectifs du Trait de lUEMOA68, les Etats membres doivent en premier lieu soumettre les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spciaux et exclusifs aux rgles de concurrence et dinterdiction des ententes, des abus de position dominante et des aides publiques69. Pour le lgislateur de lUEMOA, il faut entendre par entreprise publique toute entreprise sur laquelle les pouvoirs publics peuvent exercer directement ou indirectement une influence dominante du fait de la proprit, de la participation financire ou des rgles qui la rgissent70. Ainsi, linfluence dominante est prsume lorsque dans une entreprise les pouvoirs publics, directement ou indirectement, dtiennent la majorit du capital souscrit, ou disposent de la majorit des voix attaches aux actions ou parts mises par cette entreprise, ou peuvent dsigner plus de la moiti des membres de son organe dadministration, de direction ou de surveillance.

    A la diffrence de la notion dentreprise publique qui est dfinie, les textes de lUEMOA sur le droit de la concurrence ne nous donnent aucune dfinition des droits exclusifs et spciaux. Toutefois, on peut estimer que cette expression fait avant tout allusion au cas des monopoles, que ceux-ci soit publics ou privs.

    En effet, titre comparatif, en se rfrant au droit europen et au droit franais, la notion dexclusivit renvoie lhypothse o un tat ou une collectivit locale confie une seule entreprise sur un territoire dtermin laccomplissement dune mission, tant entendu que ce territoire ne sera pas ncessairement lentiret de cet tat ou de cette collectivit, mais pourra tre seulement une partie de celui-ci ou de celle-ci ; ds lors, on peut bien concevoir une juxtaposition de droits exclusifs dans un mme pays71.

    La notion de droits spciaux, qui est un peu plus floue mme en droits europen et franais, semble logiquement requrir que deux entreprises au moins soient charges par un tat membre de lUEMOA de laccomplissement dune mission sur le mme territoire (sinon il sagirait dun droit exclusif), et que laccs ce march ne soit pas ouvert tous les oprateurs conomiques : seuls ceux choisis par l'tat membre peuvent exercer cette activit sur la base dun acte de lautorit publique.

    En tout tat de cause, tout en affirmant galement le principe gnral de libralisation pour les entreprises charges de la gestion de services d'intrt conomique gnral ou prsentant le caractre d'un monopole fiscal, le droit de la concurrence de lUEMOA permet nanmoins des exceptions pour ces dernires72. Plus prcisment, il ressort des textes communautaires que dans l'hypothse o l'application des rgles de concurrence fait chec 68 Voir article 4 du Trait de lUEMOA. 69 Article 6.1 du rglement n 02/2002/CM/UEMOA. On peut galement souligner ici une similitude des rgles de lUEMOA et de celles tablies par lUnion europenne, travers les articles 31 (ex-article 37) et 86 (ex-article 90) du Trait CE. Pour une vue plus dtaille du droit communautaire europen sur la question des entreprises publiques, des services dintrt conomique et des monopoles publics, voir notamment : - Grard CAS, Roger BOUT, Etienne PETIT, Lamy droit conomique (1996) : concurrence, distribution, consommation , op. cit., p. 465-470 ; - Jean-Claude GAUTRON, Droit europen , op. cit., p. 182-185 ; - SEMAINE DE BRUGES (1968), Lentreprise publique et la concurrence : les articles 90 et 37 du Trait CEE et leurs relations avec la concurrence , Bruges : De Tempel, 1969. Sur la question des entreprises et monopoles publics en relation avec le principe de la libert du commerce et de lindustrie en droit franais, voir notamment : - Grard CAS, Roger BOUT, Etienne PETIT, Lamy droit conomique (1996) : concurrence, distribution, consommation , op. cit., p. 452-465 ; - Yves CHAPUT, Le droit de la concurrence , P.U.F., Paris, 1988, p. 12-24. 70 Article 1 de la directive n 01/2002/CM/UEMOA. Cette dfinition se retrouve galement en droit europen, en des termes voisins, dans la directive n 80/723 du 25 juin 1980 de la Commission sur la transparence des relations financires entre les Etats membres et les entreprises publiques. 71 Sur la similitude de la notion de monopole et de droit exclusif de certaines entreprises publiques en droit franais, voir notamment Grard CAS, Roger BOUT, Etienne PETIT, Lamy droit conomique (1996) : concurrence, distribution, consommation , op. cit., p. 453 o il apparat que sur le plan juridique, le critre dterminant du monopole dont elles jouissent rside dans llment dexclusivit (en ce sens, De Laubadre A., note sous CE, 19 juin 1964, SDU des ptroles Shell-Berre, AJDA 1964, p. 442) : le monopole, cest le privilge exclusif que possde une personne de vendre un bien, de fabriquer un produit, de grer un service ; nul autre organisme ou entreprise ne doit tre capable doffrir dans le mme espace gographique les mmes biens ou services (Chevallier J., Le pouvoir de monopole et le droit administratif franais, RD pub. 1974 , p. 23) . 72 Les textes de lUEMOA ne prcisent pas cette notion dentreprises charges de la gestion de services dintrt conomique gnral ou prsentant le caractre de monopole fiscal. Sur cette notion en droit europen, voir notamment Jean-Claude GAUTRON, Droit europen , op. cit., p. 184. Selon Raymond GUILLIEN et Jean VINCENT, les monopoles fiscaux sont des monopoles dEtat portant sur la production ou le commerce de certains produits de large consommation, comme le tabac, crs pour permettre au budget de bnficier des surprix pratiqus par les services du monopole (GUILLIEN Raymond et VINCENT Jean (dir.), Lexique : Termes juridiques , op. cit., , p. 366).

  • l'accomplissement de la mission particulire impartie cette catgorie dentreprises, la Commission peut octroyer des exemptions l'application de la rgle dinterdiction des ententes, et le cas chant, lapplication de la rgle de prohibition des abus de position dominante, aprs que les parties intresses et/ou les Etats membres auxquels elles sont rattaches lui aient notifi les pratiques en question73.

    De faon plus globale, la Commission doit veiller l'application de lobligation de libralisation des monopoles et entreprises publiques, en adressant aux Etats membres, au Conseil des ministres de l'UEMOA, ainsi qu'aux autres institutions de l'Union, des avis et recommandations relatifs tous projets de lgislation nationale ou communautaire susceptibles d'affecter la concurrence l'intrieur de l'Union, en proposant les modifications opportunes74. Si un Etat membre concern ne se conforme pas aux propositions faites par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour de Justice de l'UEMOA ce propos75.

    La consquence de lexistence de ces dispositions est lobligation de libralisation, sinon une certaine ouverture la concurrence, des secteurs traditionnellement monopoliss par les entreprises publiques des tats de lespace UEMOA, dont en particulier les secteurs de la poste, des tlcommunications et de llectricit. A cet gard, il convient dailleurs de noter que pralablement ces dispositions, les diffrents tats membres de lUEMOA avaient largement entam un tel processus de libralisation au niveau notamment de leurs lgislations nationales respectives, dans un contexte marqu par la mise en oeuvre de programmes dajustement structurel, en accord avec le Fonds montaire international (FMI) et la Banque mondiale76.

    En complment de lobligation de libralisation des monopoles et entreprises publiques, le droit de la concurrence de lUEMOA exige des tats une plus grande transparence dans leurs relations avec ces entreprises et les organisations internationales.

    b) Lexigence dune plus grande transparence dans les relations financires des tats

    avec les entreprises publiques et les organisations internationales. Cest surtout la directive n 01/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 qui exige des tats une plus grande

    transparence dans leurs relations financires avec les entreprises publiques et les organisations internationales77. En effet, en considration du rle important des entreprises publiques dans lconomie nationale des tats

    membres, de la complexit des relations financires des pouvoirs publics nationaux avec ces entreprises et du rle important des avantages financiers accords par les organisations internationales ou trangres certains tats pour le compte de leurs agents conomiques, la directive n 01/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 va exiger dans ce domaine une plus grande transparence dans le souci dviter de graves distorsions la concurrence78. Une telle exigence a pour but immdiat de permettre la Commission dapprcier les effets de ces relations et avantages ou de ces aides dun genre spcial sur la concurrence et de les rglementer lavenir.

    Dans ce sens, les tats doivent faire ressortir : les mises disposition de ressources publiques effectues directement par les pouvoirs publics au profit des entreprises publiques concernes, et toute mesure qui entrane une diminution des recettes pour l'tat ou pour tout organisme public ou priv que l'tat institue ou dsigne en vue de grer laide ; les mises disposition de ressources publiques effectues par les pouvoirs publics notamment par lintermdiaire dentreprises publiques ou dinstitutions financires ; lutilisation effective de ces ressources79.

    Ces prescriptions doivent tre respectes dans les relations entre les pouvoirs publics et les entreprises, spcialement dans les cas suivants : la compensation des pertes dexploitation ; les apports en capital ou en dotation ; les apports fonds perdus ou les prts des conditions privilgies ; loctroi davantages financiers sous forme de la non-perception de bnfices ou du non-recouvrement de crances ; la renonciation une rmunration normale des ressources publiques engages ; la compensation de charges imposes par les pouvoirs publics80.

    73 Article 6, paragraphe 6.2. alina 2 du rglement n 02/2002/CM/UEMOA. 74 Article 6 paragraphe 6.3 du rglement n 02/2002/CM/UEMOA. 75 Article 6 paragraphe 6.4 du rglement n 02/2002/CM/UEMOA. 76 Voir notamment Filiga Michel SAWADOGO, La privatisation des entreprises publiques au Burkina Faso , Revue burkinab de droit, n 27, janvier 1995, p. 9-38. 77 A titre comparatif, il faut convient de noter le fait que la Commission europenne avait auparavant adopt un texte semblable, savoir la directive n 80/723 du 25 juin 1980 sur la transparence des relations financires entre les Etats membres et les entreprises publiques. 78 Voir ce propos les visas de la directive n 01/2002/CM/UEMOA. 79 Article 2 paragraphe 2.1 de la directive n 01/2002/CM/UEMOA. 80 Article 3 de la directive n 01/2002/CM/UEMOA.

  • Toutefois, le droit de lUEMOA sur la concurrence cre des sortes dexceptions ou dexemptions en indiquant que lexigence de transparence susmentionne ne concerne pas : les entreprises publiques, en ce qui concerne les prestations de services qui ne sont pas susceptibles de restreindre la concurrence dans une partie significative du march commun ; la Banque centrale des tats de lAfrique de lOuest (BECEAO) et la Banque ouest africaine de dveloppement (BOAD) ; les tablissements de crdit publics, en ce qui concerne les dpts par les pouvoirs publics de fonds publics aux conditions normales du march ; les entreprises publiques dont le chiffre daffaires hors taxes na pas atteint un montant annuel de un milliard de francs CFA pendant les deux exercices annuels prcdant celui de la mise disposition ou de lutilisation des ressources susmentionnes81. Ce seuil est de 10 % du total du bilan pour les entreprises de crdit publics82. De faon plus gnrale, les seuils sus-indiqus peuvent tre rviss par la Commission, par voie de rglement dexcution, aprs avis du Comit consultatif de la concurrence83.

    Lexercice dun tel pouvoir de rvision par la Commission nous renvoient justement la question fondamentale de la mise en uvre des rgles de fond quil convient dexaminer prsent. II. LA MISE EN OEUVRE DES RGLES DE FOND

    La mise en uvre des rgles de fond en toutes matires est la phase dcisive qui permet de rendre effectives

    ces rgles en recourant un ensemble de mcanismes englobant aussi bien des institutions que des procdures et sanctions, tout en veillant apporter des rponses adquates aux cueils susceptibles dentraver la bonne application de ces rgles, au regard de la spcificit du contexte dans lequel se droule cette mise en uvre. Dans le cas de lUEMOA, la mise en uvre des rgles de concurrence se caractrise surtout, dune part, par linstitution dun mcanisme deux tages, et, dautre part, par le souci de compatibilit avec les autres droits de la concurrence applicables dans lespace UEMOA. A. Linstitution dun mcanisme deux tages pour la mise en uvre des rgles de

    lUEMOA.

    Du point de vue purement thorique, on peut a priori penser que la mise en uvre de rgles dictes par une organisation dintgration rgionale dans certains domaines peut tre exclusivement faite par les organes communautaires laide de procdures et de sanctions dfinies par cette organisation. Mais une telle conception des choses nest pas toujours ralisable, du fait notamment du manque de moyens en tous genres de ces organes pour tre physiquement prsents dans tous les points de lespace communautaire et de leurs difficults connatre la situation concrte de chaque pays membre. Cest pour cette raison que, pour la mise en uvre de ses rgles de concurrence, lUEMOA va plutt instituer un double mcanisme communautaire et national se caractrisant par le rle primordial des organes communautaires dans les procdures prvues cet effet et par la coopration des structures nationales de concurrence.

    1) Le rle primordial des organes communautaires dans les procdures de mise en

    uvre des rgles de lUEMOA. Ce sont surtout les organes de rgulation de la concurrence de lUEMOA qui jouent un rle primordial dans

    la mise en uvre des rgles de concurrence en suivant un certain nombre de procdures. Aussi, on peut dabord identifier ces organes de rgulation de la concurrence de lUEMOA et leurs rles respectifs avant dexaminer les procdures communautaires de mise en uvre des rgles de concurrence de cette organisation.

    a) Les organes de rgulation de la concurrence de lUEMOA.

    Aux termes du Trait de lUEMOA et des textes de droit driv du 23 mai 2002, les principaux organes communautaires chargs de discipliner la concurrence au sein de lUEMOA sont essentiellement le Conseil des ministres, la Commission, la Cour de justice et, dans une certaine mesure, le Comit consultatif de la concurrence.

    81 Article 4 de la directive n 01/2002/CM/UEMOA. 82 Idem. 83 Ibidem.

  • Parmi ces organes, un rle directeur est attribu au Conseil des ministres84. Larticle 89 du Trait de lUEMOA dispose que le Conseil, statuant la majorit des deux tiers (2/3) de ses membres et sur proposition de la Commission, arrte ds lentre en vigueur du Trait, par voie de rglements, les dispositions utiles pour faciliter lapplication des interdictions nonces larticle 88 dudit Trait. De mme, il appartient au Conseil de fixer, selon la mme procdure, les rgles suivre par la Commission dans sa mission dapplication des rgles de concurrence, ainsi que les amendes et astreintes destines sanctionner les violations des interdictions nonces, en ce qui concerne en particulier les ententes, les abus de position dominante et les aides publiques susceptibles de fausser le jeu de la concurrence. Le Conseil peut aussi dicter des rgles prcisant les interdictions susmentionnes ou prvoyant des exceptions limites ces rgles dinterdiction afin de tenir compte de situations spcifiques.

    Cest justement en sappuyant sur de telles dispositions que le Conseil des ministres dictera les trois rglements et les deux directives du 23 mai 2002 sur la concurrence. A ce sujet, on peut a priori stonner de lexistence de deux directives parmi les textes de lUEMOA sur le droit de la concurrence, alors mme que larticle 89 du Trait de Dakar ne mentionne que des rglements, contrairement au Trait de Rome qui prvoit au profit du Conseil de semblables pouvoirs par voie de rglements ou de directives85. Pour bon nombre dauteurs, le recours au rglement, par leffet direct qui sy rattache, conduit plus facilement la pleine primaut du droit communautaire, puisquil permet dviter une certaine inertie des tats que rend possible la directive qui, tout en liant les tats membres quant aux buts atteindre, leur laisse le choix des moyens pour y parvenir86. Cest aussi cette libert de choix qui fait la souplesse de la directive, par opposition la rigidit du rglement.

    Toujours au niveau communautaire, au-del du Conseil des ministres qui assure un rle directeur en matire de concurrence, le rle principal est confi la Commission dans la mesure o celle-ci est charge de lapplication des rgles de concurrence, en disposant, dans le cadre de cette mission, du pouvoir de prendre des dcisions87.

    A cet gard, la Commission a le droit dtre saisie, selon les cas, par voie de notification dun accord, dune dcision, dune pratique, dune aide, par le biais dune demande dexemption, de drogation ou dattestation ngative88, par le canal dune plainte89 manant dune ou de plusieurs personnes intresses, ou doffice90. Une fois saisie, elle a le pouvoir de faire un classement sans suite, douvrir des enqutes et de procder une instruction, en recourant des auditions91, des demandes de renseignements et des vrifications92, et le pouvoir de prendre des dcisions finales, sous forme par exemple dautorisations93 ou dexemptions94, dinjonctions et de mesures provisoires95, damendes et dastreintes96. De surcrot, la Commission peut, par voie de rglements dexcution, dfinir non seulement de nouvelles catgories daides publiques susceptibles dtre autorises de plein droit, mais galement des catgories dententes exemptes97.

    En plus de la Commission, un autre organe communautaire a un rle essentiel jouer en matire de concurrence : il sagit de la Cour de justice de lUEMOA qui doit surtout en ce domaine contrler lapplication des rgles de concurrence par la Commission98. 84 Voir notamment Etienne CEREXHE et Louis le HARDY de BEAULIEU, Introduction lunion conomique ouest africaine , op. cit., p. 77. 85 Article 83 (ex-article 87) du Trait de Rome. 86 Voir notamment Franoise HAUTFENNE, Approche comparative des concepts dentente et dabus de position dominante dans le cadre de lU.E. et de lU.E.M.O.A. , op. cit. 87 Article 90 du Trait de lUEMOA. Voir notamment en ce sens : - Etienne CEREXHE et Louis le HARDY de BEAULIEU, Introduction lunion conomique ouest africaine , op. cit., p. 77 ; - Jean-Paul KEPPENNE, Le rle respectif des autorits (administratives et juridictionnelles) communautaires et nationales dans la mise en oeuvre dun droit communautaire de la concurrence : lexprience europenne et les projets de lUEMOA , communication au colloque organis par le Centre dtudes europennes et de lintgration (CEEI) de lUFR/Sciences juridiques et politiques (UFR/SJP) de lUniversit de Ouagadougou sur Le droit de la concurrence et de la consommation dans lespace UEMOA , Ouagadougou, 5-8 fvrier 2002 (publication prvue dans le cadre des actes dudit colloque), p. 12. 88 Voir en particulier les articles 8 11 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA pour les ententes et les abus de position dominante, larticle 5 du rglement n 04/2002/CM/UEMOA pour les aides dEtat, larticle 6 paragraphe 6.2 alina 3 du rglement n 02/2002/CM/UEMOA pour les monopoles et entreprises publiques, larticle 2 de la directive n 01/2002/CM/UEMOA pour la transparence des relations entre les Etats et les entreprises publiques. 89 Voir en particulier les articles 12 14 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA pour les ententes et les abus de position dominante, larticle 22 paragraphe 22.2 du rglement n 04/2002/CM/UEMOA pour les aides dEtat. 90 Voir notamment larticle 3 paragraphe 3.1 et larticle 4 paragraphe 4.1 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA pour les ententes et les abus de position dominante. 91 Article 17 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA pour les ententes et les abus de position dominante, article 23 du rglement n 04/2002/CM/UEMOA pour les aides dEtat. 92 Articles 18 21 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA pour les ententes et les abus de position dominante, articles 13 et 23 du rglement n 04/2002/CM/UEMOA pour les aides dEtat. 93 Voir notamment larticle 3 paragraphe 3.1 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA pour les ententes et les abus de position dominante, larticle 7 paragraphes 7.2, 7.3 et 7.6, larticle 10 paragraphes 10.2 et 10.3 du rglement n 04/2002/CM/UEMOA pour les aides dEtat. 94 Articles 6 et 7 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA pour les ententes et les abus de position dominante, 95 Voir notamment larticle 5 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA pour les ententes et les abus de position dominante, les articles 14 et 16 du rglement n 04/2002/CM/UEMOA pour les aides dEtat. 96 Article 22 et 23 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA pour les ententes et les abus de position dominante. 97 Voir les articles 24 et 89 du Trait de lUEMOA et les articles 3 et 6 du rglement n 03/2002/CM/UEMOA. 98 Article 90 du Trait de lUEMOA.

  • Ainsi, la Cour de justice apprcie la lgalit des dcisions prises par la Commission en matire dententes et dabus de position dominante, sur recours dun Etat membre ou du Conseil, ou de toute personne physique ou morale intresse99. De mme, la Cour de justice statue, avec comptence de pleine juridiction, sur les recours intents contre les dcisions par lesquelles la Commission fixe une amende ou une astreinte, en ayant la possibilit de modifier ou dannuler les dcisions prises, de rduire ou daugmenter le montant des amendes et des astreintes ou dimposer des obligations particulires100.

    En outre, relativement lobligation de libralisation des monopoles et entreprises publiques, la Cour de justice peut tre saisie par la Commission lorsquun Etat membre ne se conforme pas un avis ou une recommandation de cette dernire proposant des modifications un projet de lgislation nationale susceptible daffecter la concurrence lintrieur de lUnion101.

    A ces organes principaux prvus par le Trait pour rguler la concurrence, on peut galement ajouter le Comit consultatif de la concurrence cr par larticle 28, paragraphe 28.3, du rglement n 03/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002. Ce comit est compos de fonctionnaires comptents en matire de concurrence, raison de deux reprsentants par tat membre. Le Comit consultatif de la concurrence est consult par la Commission de lUEMOA pour avis, pralablement toute dcision en matire dentente et dabus de position dominante102 et avant certaines dcisions en matires daides publiques dont, en particulier, les dcisions conditionnelles et les dcisions ngatives103.

    Les diffrents organes de concurrence de lUEMOA exercent leurs rles respectifs travers les procdures de mise en uvre des rgles de concurrence de cette organisation.

    b) Les procdures de mise en uvre des rgles de concurrence de lUEMOA

    Ces procdures se droulent essentiellement auprs de la Commission de lUEMOA, de faon semblable la situation ayant cours au niveau de lUnion europenne104.

    En matire dentente et dabus de position dominante, deux sortes de procdures sont prvues : la procdure non contradictoire et la procdure contradictoire105.

    Dans la procdure non contradictoire, ds rception dune notification ou dune demande manant dune ou de plusieurs personnes intresses106, la Commission publie une brve communication sur laccord, la dcision ou la pratique en question, lobjet de cette communication tant dinviter les parties tierces faire des observations s