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8 | A & D officeETculture L’immobilier tertiaire est trop souvent régi par des préceptes conformistes où des promoteurs inquiets tentent d’imposer des concepts sans ambition aux architectes. Les immeubles de bureaux ont pourtant vocation à être bien plus que des produits sécables imaginés pour satisfaire une rentabilité à court terme. Le secteur ne retirerait que des bénéfices à confier des projets d’envergure à des architectes au caractère bien trempé et à l’œuvre architecturale hors du commun. Odile Decq fait partie de ceux qui peuvent initier une renaissance qui se fait encore attendre. Odile Decq LE DEVOIR DE RÊVER Beaucoup a été dit et écrit sur Odile Decq, elle a été qualifiée d’ar- chitecte « gothique » ou « punk ». Lorsqu’on la côtoie, on découvre que la chevelure en majesté, le maquillage au tracé précis, la coupe déstructurée du vêtement, les bijoux extravagants, les yeux noirs, ne sont en rien un costume d’apparat ou un masque derrière le- quel elle se cacherait. Bien au contraire, ils la révèlent avec clarté et l’exposent en toute transparence. L’architecte est fidèle à ses convictions. Avec vigueur et générosité, Odile Decq vit chaque jour dans le défi : celui d’être soi. Odile Decq est ce qu’elle fait : l’œuvre architecturale et l’architecte ne sont qu’un(e). Avec elle, l’architecture se transforme en « offrande d’humanité ». Issues d’un

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L’immobilier tertiaire est trop souvent régi par des préceptes conformistes où des promoteurs inquiets tentent d’imposer des concepts sans ambition aux architectes. Les immeubles de bureaux ont pourtant vocation à être bien plus que des produits sécables imaginés pour satisfaire une rentabilité à court terme. Le secteur ne retirerait que des bénéfices à confier des projets d’envergure à des architectes au caractère bien trempé et à l’œuvre architecturale hors du commun. Odile Decq fait partie de ceux qui peuvent initier une renaissance qui se fait encore attendre.

Odile DecqLE DEVOIR DE RÊVER

Beaucoup a été dit et écrit sur Odile Decq, elle a été qualifiée d’ar-chitecte « gothique » ou « punk ». Lorsqu’on la côtoie, on découvre que la chevelure en majesté, le maquillage au tracé précis, la coupe déstructurée du vêtement, les bijoux extravagants, les yeux noirs, ne sont en rien un costume d’apparat ou un masque derrière le-quel elle se cacherait. Bien au contraire, ils la révèlent avec clarté et l’exposent en toute transparence. L’architecte est fidèle à ses convictions. Avec vigueur et générosité, Odile Decq vit chaque jour dans le défi : celui d’être soi. Odile Decq est ce qu’elle fait : l’œuvre architecturale et l’architecte ne sont qu’un(e). Avec elle, l’architecture se transforme en « offrande d’humanité ». Issues d’un

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Le désir est stimulant et nécessaire

L’immeuble de logements et commerces Novoli (3 800 m!, 5,5 millions ") est situé à Florence en bordure d’un parc, l’immeuble

est un volume non clos. Les façades orientées sur le parc et exposées au soleil sont

protégées d’un trop fort ensoleillement par le décalage progressif des loggias et balcons.

même creuset d’idées et d’inventions, les réalisations architectura-les d’Odile Decq ne se répètent jamais, ni ne se ressemblent. Nul besoin d’être savant pour apprécier ou comprendre ses œuvres, elles sont accessibles. Il suffit de se laisser aller au plaisir. La sensibilité et la curiosité sont les meilleurs moyens de compréhension car cette architecture est avant tout d’essence charnelle. Lorsqu’il s’agit de construire, Odile Decq propose toujours des points de vue nouveaux et inattendus. Elle maîtrise la complexité et son architecture est constituée de tensions diverses qui s’as-socient et se repoussent ; les flèches et les incisions sont des

caractéristiques de son style. Les édifices conçus avec l’équipe de son agence ODBC sont « des vaisseaux flottants projetés vers l’infini, des vaisseaux métalliques ivres d’espace » raconte avec

lyrisme mais vérité l’historien Michel Vernes. A la brique, à la pierre ou au bois, Odile Decq préfère le verre, le métal, le plastique. Si cette architecture est animée de contrastes et d’op-

positions, elle se définit également par une mise en forme de l’espace dans lequel l’être humain se déplace dans un nouveau rapport à lui-même, dans lequel la lumière devient poésie. L’es-pace et l’air sont des perpétuelles sources d’invention et sont bien

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L’espace en « hyper tension » et décentré invite à un parcours dynamique. Le dispositif de rampes

d’accès et de passerelles étagé autour de l’atrium central relie activement tous les services, depuis

la conservation des œuvres jusqu’au centre de documentation au dernier niveau.

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L’architecture synthétise des logiques contraires

LE DEVOIR DE RÊVER A & D | 11 Le Fonds Régional d’Art Contemporain de

Bretagne sera terminé courant 2012 (5 000 m!, 11 millions "). Ce lieu d’art contemporain est

traité comme « une expérience de sensations ». Le bâtiment se présente comme un bloc

monolithique, fendu en deux parallélépipèdes par une percée verticale qui ouvre sur l’intérieur.

plus que de la matière : « ils sont de la chair ». Le noir est bien plus qu’une marque de fabrique puisque pour l’architecte « seul le noir a du sens »; quant au rouge, c’est une lumière. Odile Decq est convaincue que toute architecture est une expérimentation.

Dégagée des certitudes et des immobilismes, elle créedes constructions qui nous entraînent vers l’horizon. L’architecte anglais Peter Cook remarque que le langage archi-tectural d’Odile Decq évolue constamment et qu’il est désormais devenu « plus clair, moins rhétorique et mécanique qu’autrefois ». Au cours des vingt dernières années plus d’une centaine de pro-jets ont été imaginés. Tous n’ont pas vu le jour, ce qu’Odile Decq accepte avec philosophie ; cela fait partie du quotidien et de la fonction de l’architecte d’inventer sans cesse. Elle est aussi, de-puis 2007, la directrice de l’École Spéciale d’Architecture à Paris. Enseigner l’architecture lui permet « d’apprendre aux étudiants à résister pour ne pas devenir de simples exécutants au service d’un client, car on devient architecte pour être libre ». Une attention toute particulière est portée à la première année d’étude durant laquelle les futurs architectes apprennent à développer un posi-tionnement critique sur leur métier et leur rôle. Dans le cadre de l’école, « du projet est fabriqué en permanence ». A chaque fin de semestre, les travaux des étudiants sont exposés au public. Les élèves des écoles primaires environnantes sont accueillis : « il faut irriguer l’envie d’architecture dès le plus jeune âge » soutient Odile Decq.

Il n’est pas saugrenu d’imaginer qu’Odile Decq puisse réinven-ter l’immobilier tertiaire. En 1991, elle a conçu, avec son associé Benoit Cornette, le siège social de la Banque Populaire de l’Ouest. Ce bâtiment a marqué les esprits puisqu’il ne respectait pas le protocole des immeubles de l’industrie bancaire et il demeure une référence. A cette époque, déjà, alors que le mot n’est pas encore à la mode, Odile Decq accompagne les employés lors de visites de chantiers. Elle s’implique pour que la transition vers des plateaux ouverts et libres soit la plus facile possible pour les utilisateurs. Les différents protagonistes réunis par un projet d’immeuble de bu-reaux (l’architecte, les dirigeants et les utilisateurs) n’ont pas tous les mêmes intérêts, ni les mêmes attentes. Pour dépasser les contra-dictions et les oppositions et réunir tout le monde autour d’une seule idée, la réponse de l’architecte ne peut être que l’invention, le délaissement des conventions architecturales, la soumission de la routine et la corruption des habitudes. Ne pas se répéter exige de connaître la culture de l’architecture, ses classiques, ses avant-gar-des et ses exceptions sur le bout des doigts. Odile Decq n’accepte de réaliser un projet immobilier que s’il lui est confié en totalité,

même si, en France, rares sont les architectes qui conçoivent l’intérieur et l’extérieur d’un bâtiment. Odile Decq aime se « mêler de tout » et c’est pour cela que parfois elle inquiète ; récemment encore, comme elle le raconte, « elle faisait peur ».

En veille permanente elle observe depuis vingt ans toutce qui a été réalisé en immobilier tertiaire. En matière d’agencement intérieur, elle a remarqué les modes éphémères ou l’insuffisance de contenu de certains concepts. Depuis toujours, elle a conscience que l’architecture d’un bâtiment exprime la culture et l’image de marque d’une entreprise. Lors de la concep-tion, les contraintes sont intégrées et l’environnement de travail abordé comme un tout : « je pars de l’organisation de l’entreprise pour définir ensuite l’enveloppe extérieure ». L’architecte n’a pas d’images stéréotypées ou de recettes, elle pense aux personnes, aux modes de travail, aux déplacements, à ce qui est formel et ce qui est imprévu. Chaque projet est un cas particulier et appelle une réponse unique. La conception navigue entre dedans et de-hors, Odile Decq accorde un soin particulier à imaginer des espa-ces et des bâtiments en cohérence avec les réalités industrielles. Elle a le souci de réaliser des projets « qui surprennent mais qui ne choquent pas, auxquels l’utilisateur de bureau pourra adhérer ». Elle cherche à faire émerger une solution inédite d’espace de travail, une synthèse des concepts existants (bureau individuel, plateau ouvert avec postes en batterie, fixe et semi-fixe, bureaux non affectés). Dans un contexte où l’immeuble de bureaux est toujours envisagé sous l’angle du produit, d’une marchandise et de la rentabilité, elle affirme « qu’il faut savoir accepter qu’il y ait de l’espace qui, à première vue, ne serve à rien ». La colère demeure indispensable à sa création. Odile Decq s’irrite de la « neutralité bienveillante », cette nouvelle forme de pensée uni-que qui se banalise et incite à vivre dans le moyen, dans des

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Situées à l’extrémité de la presqu’île des Docks, les cinq bulles du restaurant l’Archipel, comme une série d’îlots immobiles, complètent

l’ensemble urbain de Lyon-Confluence. Ces bulles se transforment en fonction de leur utilisation (vestiaire, cuisine, salon, restaurant).

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L’agence ODBC en dates et en réalisations 1986 Odile Decq et son compagnon Benoît Cornette fondent l’agence d’architecture ODBC.1990 Banque Populaire de l’Ouest. 1993 Viaduc de l’autoroute A 14. Bibliothèque de l’université de Nantes. Installation Hypertension à Grenoble.1996 Lion d’Or à la biennale d’architecture de Venise.1998 Décès de Benoît Cornette. Odile Decq poursuit l’aventure de l’agence ODBC.2001 Extension du Musée d’Art Contemporain de Rome (MACRO).2003 Aménagement des bureaux de l’agence de publicité AIR en Belgique. Création du mobilier Métamorphose.2004 Pavillon thématique « Images » pour l’Exposition internationale.2005 Fonds Régional d’Art Contemporain de Bretagne.2006 Aménagement du voilier Wally 143’ Esense.2007 Centre Greenland à Shanghai. Pavillon 8, Les Docks, Quai Rambaud à Lyon. Port de Tanger, Terminal passagers. 2009 Phantom, restaurant de l’Opéra Garnier.2010 Installation Perspectives.

Le projet de la gare maritime de Tanger se fonde sur un dispositif qui donne corps et rend palpable l’extrême tension physique et mentale qui s’exprime à ce point de passage entre l’Afrique et l’Europe. Cette proposition de gare maritime est ultramoderne en termes de logistique, de transport et de traitement des flux migratoires.

univers sans formes, sans odeurs, sans saveurs, sans angles et sans aspérités. « Ne pas déplaire ne veut pas dire être neutre », analyse-t-elle. « Les individus ne sont pas neutres, pourquoi s’obstine-t-on à vouloir les faire vivre dans un environnement neutre ? » Chercherait-on à les neutraliser ? Pourquoi les bureaux devraient-ils être très ordonnés ? « Le désordre est quelque chose de créatif, le désordre est nécessaire » ; il n’est pas antinomique du confort. Par l’architecture Odile Decq souhaite donner accès à de nouvelles sensations, faire appel à la sensorialité en créant des ambiances différentes, grâce aux matières, aux couleurs et à la lumière. Le temps du travail ne doit pas être une punition. Quel serait l’utilité d’une architecture inféodée à la neutralité et refusant toute prise de risque ?

« Les gens sont curieux en vérité, il faut jouer sur ce quipeut les étonner, les surprendre ». Il devient indispensable de s’affranchir de la ligne droite, de l’alignement comme mode d’organisation de l’espace. « Dans le bureau comme en cuisine, il y en a assez de ces façons de faire passe-partout ». Et si on se laissait aller à imaginer le bureau avec liberté, comme ces nouveaux chefs de cuisine qui développent une gastronomie surprenante et savoureuse ? Prendre des libertés dans le secteur tertiaire se révèle difficile parce que les gardiens du temple sont nombreux : quand certains ne pensent qu’à la rentabilité, d’autres se méfient de la nouveauté, recherchent le compromis, ne jurent que par les règlements et le principe de précaution. Odile Decq

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La toiture paysage réinvente la place publique romaine

L’extension du Musée d’Art contemporain de Rome achevée en 2010 (12 000 m!,

budget de 22 millions ") est exceptionnelle dans sa modernité et son accessibilité.

Inséré dans la complexité d’un ancien site industriel et confronté à un patrimoine

historique, le nouveau musée se développe autour du bâtiment existant avec évidence,

dynamisme et mouvement.

Les espaces se succèdent de manière irrégulière mais fluide, offrant aux artistes une multitude de possibilités pour exposer leurs œuvres et aux spectateurs des points de vue inédits pour les découvrir.

ne baisse pas la garde et se méfie des attitudes ou compor-tements aseptisés qu’elle juge dangereux à long terme ; nous pourrions être entraînés dans un système de vie très normé qui pourrait se révéler anti démocratique. « Vous avez le devoir de rêver », rappelle-t-elle régulièrement à ses étudiants. « Rêver car il n’y a pas d’autre méthode pour penser le monde de demain ». Cette recommandation ne concerne pas seulement les jeunes gens en devenir professionnel, mais chacun d’entre nous et plus particulièrement tous les acteurs de la filière de l’immobilier tertiaire. Les temps changent. Les conseils de l’architecte sont entendus. Aujourd’hui l’agence ODBC déborde de commandes, Odile Decq est devenue un nom et les développeurs immobiliers ne s’y trompent pas, ils recherchent désormais sa signature, de-venue une caution de singularité et même un argument de vente.

Brigitte Mantel [email protected]

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